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FINA Réunion de comité

Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.

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STANDING COMMITTEE ON FINANCE

COMITÉ PERMANENT DES FINANCES

TÉMOIGNAGES

[Enregistrement électronique]

Le lundi 8 juin 1998

• 1103

[Traduction]

Le président (M. Maurizio Bevilacqua (Vaughan—King—Aurora, Lib.)): Je déclare la séance ouverte et souhaite à tous la bienvenue.

Comme vous savez, cette année nous commençons tôt nos consultations prébudgétaires. Nous attendons avec impatience les commentaires d'un grand nombre de témoins concernant le message que nous devrions transmettre au ministre des Finances sur ce que devraient être les priorités par rapport à l'excédent financier. Conformément au paragraphe 108(2) du Règlement, le Comité reprend ses consultations pré-budgétaires.

Il nous fait plaisir d'accueillir aujourd'hui M. Leonard Eisen, président du comité de la fiscalité du Conseil canadien du commerce de détail et trésorier de «Agora Food Merchants». Bienvenue. Nous accueillons également M. Peter Woolford, vice-président senior, Politiques. Bienvenue. De la «Osgoode Hall Law School», nous accueillons le professeur Neil Brooks, et du Comité technique de la fiscalité des entreprises, M. Jack Mintz et M. Wilfrid Lefebvre. Bienvenue à tous.

Vous êtes tous des experts en matière de comparutions devant le Comité des finances. Comme vous savez, cela vous prendra de cinq à dix minutes pour formuler quelques remarques introductives, et par la suite, nous allons procéder à une séance de questions et réponses.

M. Peter Woolford (vice-président senior, Politiques, Conseil canadien du commerce de détail): Merci, monsieur le président. Il me fait plaisir d'être ici ce matin. J'ai quelques remarques introductives.

• 1105

Nous sommes arrivés ici ce matin avec une certaine appréhension, étant donné que des membres du Comité technique sont également présents et assistent à nos discussions. Nous serons donc encore plus attentifs dans la formulation de nos remarques. Quoi qu'il en soit, il nous fait plaisir d'être d'ici.

Dans une optique générale, nous sommes d'avis que l'analyse et les propositions contenues dans le rapport Mintz sont très utiles à ce comité et au ministre des Finances. Notre préoccupation, de façon très générale, est que la portée de cette analyse et de ces propositions est réduite par un certain nombre de restrictions que le ministère des Finances et le ministre ont imposées au comité.

Premièrement, il y a l'exigence relative à la neutralité par rapport au revenu. À notre avis, au Canada, le fardeau fiscal global est encore trop lourd; procéder à partir du postulat de neutralité, c'est donc restreindre de manière importante la capacité du comité.

Deuxièmement, nous nous inquiétons du fait qu'on a empêché le comité de se pencher sur le programme d'assurance-emploi et sur le Régime de pensions du Canada, qui représentent des prélèvements très importants qui ne dépendent pas du bénéfice d'exploitation.

Enfin, étant donné que le Canada est une confédération, le fait de considérer uniquement les instruments fédéraux limite la portée du rapport, parce que nous avons des doutes bien réels quant à savoir si les provinces vont adhérer à ce système et si elles vont suivre certaines des directives. En outre les provinces et les municipalités sont d'importants percepteurs d'impôts qui ne dépendent pas du bénéfice d'exploitation; au niveau provincial, il y a un certain nombre de charges sociales, et au niveau municipal, il y a bien sûr l'impôt foncier, domaine dans lequel le Canada est relativement trop actif.

Je pense que l'autre point important qui découle du rapport du comité est la mise en évidence du fardeau plus lourd que doivent assumer les détaillants en matière d'imposition. Il s'agit d'un fardeau que doivent porter les détaillants, les grossistes et un grand nombre d'autres secteurs de services, qui représentent la majeure partie de l'économie qui connaît une croissance et dans laquelle on crée des emplois.

Il existe un certain nombre de raisons pour lesquelles nous avons adopté les positions qui sont les nôtres. Nous sommes d'avis qu'un grand nombre des changements qui sont proposés dans le rapport du comité permettraient de réduire la discrimination à l'égard des entreprises qui sont représentées par le Conseil canadien du commerce de détail, et permettez-nous de rappeler au comité que le secteur du commerce de détail est une partie très importante de l'économie. Ce secteur est le deuxième par ordre d'importance après le secteur manufacturier, et si l'on inclut les grossistes et les distributeurs, c'est le plus important employeur au pays.

Notre secteur connaît déjà des marges bénéficiaires inférieures à celles d'un certain nombre d'autres secteurs. Des recherches que nous avons effectuées récemment d'après des données de Statistique Canada montrent que les bénéfices d'exploitation représentent de manière constante moins de 3 p. 100 des revenus.

L'année 1994, qui est l'année la plus récente pour laquelle nous disposons de données, a été une année très typique si l'on considère la performance de notre secteur. De 30 à 40 p. 100 de toutes les entreprises, abstraction faite de leur taille, ont perdu de l'argent, et un nombre similaire de petites et moyennes entreprises présentaient même une valeur nette négative. Il s'agit donc d'un secteur qui n'est pas très fort. L'imposition plus lourde, et en particulier certaines charges qui ne dépendent pas du bénéfice d'exploitation, aggravent les difficultés qu'éprouvent ces entreprises et pourraient bien contribuer au taux d'échec élevé qu'on rencontre souvent dans le secteur du commerce de détail.

J'ai quelques remarques précises concernant les diverses recommandations contenues dans le rapport. Nous sommes d'accord avec le gouvernement que la priorité doit être accordée avant tout à une réduction de l'impôt sur le revenu des particuliers. Surtout depuis le point de vue des détaillants, nous voyons bien le dommage que cause à l'économie nationale, et donc au secteur du commerce de détail, l'absence d'une croissance du revenu disponible des Canadiens et Canadiennes. Cependant, nous sommes également d'avis que les intérêts du secteur privé ne peuvent être ignorés. La neutralité par rapport au revenu ne devrait pas être l'objectif de la politique fiscale relative aux entreprises. Toutes les entreprises, et en particulier les firmes spécialisées dans les services, doivent bénéficier d'une réduction du fardeau fiscal.

La première chose à faire, à notre avis, est de s'attaquer aux prélèvements qui ne dépendent pas des bénéfices. Il s'agit là d'un besoin urgent dans le secteur du commerce de détail, en raison du faible niveau de rentabilité. Lorsque nous avons comparu devant ce comité pour les consultations qui ont eu lieu juste avant l'annonce du dernier budget, nous avons demandé une réduction importante des cotisations de l'assurance-emploi, dont le taux se situe, à notre avis, à un niveau totalement injustifié. Le comité Mintz s'est fait dire de ne pas considérer l'assurance-emploi parce qu'il ne s'agit pas d'une charge sociale. Or les récents commentaires du ministre à cet égard laissent penser qu'il s'agit bien d'une charge sociale. Nous sommes d'avis qu'un impôt unique sur le revenu des entreprises est le choix à faire et nous serions en faveur de la réduction de l'ordre de 33 à 35 p. 100 qui a été proposée dans le rapport Mintz.

Depuis un certain nombre d'années, nous défendons devant ce comité et auprès des gouvernements provinciaux l'idée de pouvoir déduire l'impôt sur le capital et les charges sociales du revenu imposable. Nous comprenons la volonté du comité de cesser de récompenser des politiques provinciales irresponsables, mais nous ne pouvons tout simplement pas soutenir une politique qui s'appuie sur le tort causé aux contribuables pour faire changer les politiques provinciales. Les entreprises ne doivent pas faire les frais du règlement des différends existant entre les gouvernements.

• 1110

Enfin, nous nous inquiétons des effets sur nos détaillants indépendants de la proposition qui vise à supprimer l'exemption pour gains en capital, qui est fixée à 500 000 dollars. Le comité Mintz a raison de reconnaître le rôle de cette exemption comme étant une forme d'économie de retraite, mais il y a un autre aspect qui est important et c'est le rôle que joue cette mesure dans le cas des investissements de bailleurs de fonds. Ce genre d'investissement est très courant dans le cas du lancement d'une entreprise dans le commerce de détail et aide de nombreux nouveaux détaillants à arriver sur le marché. C'est une forme d'investissement qui est particulièrement importante si l'on tient compte du risque élevé que comporte le démarrage d'un nouveau commerce.

Voilà, monsieur le président, nos remarques introductives. Nous allons répondre volontiers à toute question du comité au moment approprié.

Le président: Merci beaucoup, monsieur Woolford.

Professeur Neil Brooks (Osgoode Law School, Université York): Il me fait plaisir d'avoir l'occasion de témoigner devant cet important comité. J'ai déjà comparu à plusieurs reprises devant ce comité au fil des ans et c'est toujours un privilège.

Permettez-moi de signaler qu'en ce qui a trait à l'adoption de mes propositions par ce comité, j'ai une moyenne au bâton de 0,001, mais allons-y encore une fois.

On m'a demandé de dire quelque chose sur le Comité technique de la fiscalité des entreprises et sur le rapport Mintz, et je vais le faire volontiers. Je vais prendre seulement dix minutes pour formuler quatre remarques générales et aborder une série de questions plus précises dans le temps dont je dispose.

Ma première remarque générale est que le comité, dans son rapport, et peut-être que c'est son mandat qui l'a obligé de le faire, a lié de façon assez serrée les questions de l'élargissement de l'assiette fiscale et de la réduction du taux d'imposition, et fait savoir que si l'on veut élargir l'assiette de l'impôt en supprimant les échappatoires fiscales ou les dépenses fiscales, ou en resserrant les règles, il faut utiliser ces recettes pour réduire les taux d'imposition.

Or, d'après moi, il s'agit là de deux questions tout à fait distinctes. La question de savoir quelles échappatoires fiscales ou quelles dépenses fiscales devraient être supprimées de la loi est une question entièrement distincte de celle relative au niveau des taux d'imposition. C'est-à-dire qu'il y a toute une série d'arguments concernant la pertinence de certaines dépenses fiscales prévues par la loi, et que ces arguments n'ont absolument rien à voir avec ce que devraient être les taux. La question relative au niveau de ces taux n'a absolument rien à voir avec ce que devrait être l'assiette fiscale.

La raison pour laquelle je crois que le comité a lié ces deux questions est que les arguments en faveur de la suppression des échappatoires fiscales sont tout à fait convaincants, et il clair que vous devez prendre cette mesure. Cependant, le fait de lier ces deux recommandations, qui a permis au comité d'ajouter le besoin de réduire les taux d'imposition aux arguments relatifs à l'élargissement de l'assiette fiscale, signifie que le comité n'avait pas à fournir un argument solide concernant le niveau des taux d'imposition. Autrement dit, le comité a essayé de faire paraître la réduction du taux d'imposition comme une suite logique de l'élargissement de l'assiette fiscale.

Or, ce n'est tout simplement pas la question, et ma première remarque générale est que je demande avec instance au comité de traiter ces deux questions de manière absolument distincte. Considérez chaque dépense fiscale, chaque dépense fiscale relative aux entreprises et posez les questions suivantes: Quel est le but de cette dépense fiscale? S'agit-il d'un but légitime du gouvernement? S'agit-il d'une subvention conçue correctement pour atteindre le but en question? Y a-t-il un autre instrument qui permettrait d'atteindre ce but de manière plus équitable, plus simple et plus efficace? Après avoir fait cela, penchez-vous sur les taux d'imposition et considérez une série d'arguments concernant ce que devrait le taux d'imposition des entreprises au Canada.

En passant, la presse financière essaie, elle aussi, de toujours lier les deux questions que j'ai mentionnées, en disant du rapport qu'il s'agit d'un train de mesures. Or, je ne crois pas du tout qu'il s'agisse d'un train de mesures. C'est plutôt une série de recommandations tout à fait distinctes, indépendantes les unes des autres. Il n'y a aucune raison qui empêche le gouvernement d'étudier toutes ces propositions, d'adopter celles qui sont raisonnables et d'ignorer celles qui ne le sont pas.

Il n'y a rien dans ce rapport qui laisse penser qu'il s'agit d'une sorte d'ensemble cohérent qui doit être adopté ou rejeté en bloc. Bien au contraire. Ce qui est étonnant, c'est qu'il s'agit simplement d'une série de recommandations formulées presque au hasard qui portent sur le système fiscal relatif aux entreprises, et dont certaines sont bonnes et d'autres mauvaises, mais il est clair qu'il ne s'agit pas d'un ensemble, et il est clair qu'il n'y a aucun lien entre les arguments.

La deuxième remarque générale porte sur l'une des principales prémisses du rapport. Tout au moins, il semble s'agir d'une prémisse. Je ne crois pas que ce soit le cas. On pourrait parcourir le rapport et faire ou ne pas faire toutes les recommandations qu'il contient sans établir de lien avec cette prémisse générale. Mais c'est une prémisse que la presse financière a encore choisi de retenir, et certaines recommandations semblent en découler. On suppose que pour rendre l'économie canadienne productive et accroître le niveau de vie du Canadien moyen, il suffit de réduire les coûts liés à la conduite des affaires au Canada, et dans ce cas, de réduire les coûts liés à l'imposition que doivent assumer les sociétés.

• 1115

Il existe évidemment deux façons tout à fait fondamentales d'augmenter le taux de croissance de la production dans une économie moderne. D'après l'une de ces approches, la meilleure chose à faire est d'accroître la production et de réduire le degré d'intervention du gouvernement dans l'économie. Autrement dit, les travailleurs seront plus productifs si les entreprises sont libres d'investir où elles veulent et de la manière qu'elles préfèrent.

Ce modèle de croissance économique, soit dit en passant, a été décrit aussi clairement que possible dans la publication du gouvernement conservateur intitulée Pour un renouveau économique, qui date de 1984. C'est sur ce modèle qu'étaient fondées toutes les recommandations relatives à la façon de gouverner, ainsi que les propositions concernant la façon de gouverner, et le gouvernement a procédé à la mise en oeuvre de ce programme.

Les mesures fiscales que comporte ce modèle sont, bien sûr, une moindre imposition de l'épargne et des investissements, une moindre imposition des particuliers et des sociétés qui bénéficient de revenus élevés, afin d'inciter à travailler, à épargner et à investir. La plupart des réformes fiscales, du moins à l'époque où les Conservateurs étaient au pouvoir, ont été fondées sur les prémisses fondamentales que j'ai mentionnées, et, de façon générale, ce rapport en découle également.

Il y a évidemment une autre façon d'accroître la productivité de l'économie et d'augmenter sa compétitivité. D'après ce modèle, le secteur public joue un rôle absolument essentiel. Le modèle en question est fondé sur la prémisse d'après laquelle ce qui rend une économie productive et ce qui permet à la famille moyenne d'atteindre un niveau de vie plus élevé, c'est une main-d'oeuvre hautement qualifiée, bien rémunérée, bénéficiant d'une sécurité d'emploi et coopérante qui veut et est apte à s'adapter à des technologies qui changent et à des innovations; une infrastructure publique bien développée, un système d'éducation, un système de santé, ainsi que des systèmes de transport et de communications qui rendent les investissements privés productifs; un secteur public professionnel qui est en mesure de jouer un rôle directeur dans la collecte et le traitement de données, et dans l'attribution des fonds publics; et une société dans laquelle on favorise activement l'égalité sociale et qui présente donc une forte cohésion sociale.

Je ne veux pas trop simplifier le débat, mais je voudrais dire qu'il me semble que la théorie et les faits montrent de manière très évidente que c'est le deuxième modèle, et non pas le premier, qui permet à la famille moyenne d'atteindre un niveau de vie vraiment plus élevé, et pourtant, j'ai l'impression que le rapport est nettement fondé sur le premier modèle.

Ma troisième remarque générale mais incidente est la suivante: le comité a consacré un certain temps à déterminer, parmi les nombreuses questions qu'il a abordées, pourquoi certaines entreprises semblent payer des impôts à des taux peu élevés. En fait, nous savons très peu, ou du moins nous disposons de très peu de renseignements utiles sur de nombreux aspects de la fiscalité des entreprises.

Par conséquent, ma troisième remarque générale contient la proposition suivante à l'endroit du comité: je crois que ce que ce comité devrait recommander est que toutes les déclarations de revenus des entreprises qui excèdent une certaine taille devraient être des documents publics. Il est clair qu'il n'y a aucun intérêt lié à la protection de la vie privée à protéger les déclarations de revenu de grandes sociétés, et il est difficile de voir comment une société pourrait être désavantagée sur le plan de la compétitivité si toutes les déclarations de revenu des sociétés excédant une taille donnée étaient rendues publiques.

Il me semble que la population canadienne a tout simplement le droit de savoir combien d'impôts nos plus grandes sociétés versent au gouvernement canadien, et d'après les sources de données actuelles, on ne peut obtenir aucun de ces renseignements. On ne peut même pas émettre des hypothèses à cet égard. Nous poursuivons ce continuel débat visant à déterminer si les grandes sociétés paient leur juste part, etc., et personne ne sait combien elles paient, du moins au niveau individuel.

Toutes ces déclarations de revenu d'entreprise devraient être des documents publics, et notamment, même si vous n'êtes pas prêts à aller aussi loin, à tout le moins toutes les données qui ont trait aux dépenses fiscales dont bénéficient certaines sociétés devraient être de l'information publique. Autrement dit, tout le monde accepte maintenant que, sur le plan conceptuel, ces dépenses fiscales équivalent à des programmes de dépenses du gouvernement. Mais si le gouvernement accorde une subvention pour la R-D, par exemple, directement, on peut généralement déterminer quelle est la société qui en bénéficie et quel est le montant de la subvention.

Mais si le gouvernement attribue ce même programme par l'entremise du système fiscal, on ne dispose d'absolument aucun renseignement concernant ce que reçoivent les sociétés, et par conséquent, à tout le moins, les sociétés devraient être tenues de remplir une annexe de leur déclaration de revenus dans laquelle est indiqué combien elles ont économisé grâce aux diverses dépenses fiscales et combien d'impôts elles ont versé au gouvernement canadien, et cette annexe devrait être un document public.

Ma dernière remarque, juste pour respecter mes dix minutes, est que le rapport n'est pas allé aussi loin, beaucoup s'en faut, dans la suppression des dépenses fiscales ou des échappatoires fiscales dont bénéficient les sociétés. Franchement, je ne vois pas quelle dépense fiscale devrait être maintenue dans la loi. L'assiette fiscale des sociétés doit être rendue tout à fait compréhensible, aussi compréhensible que possible, et il est clair que le taux d'imposition devrait être réduit quelque peu, un point c'est tout. Il ne faudrait tout simplement pas dévier de cela. Il ne fait pas de doute que cela rendrait le système plus simple, plus équitable et plus efficace. Qui plus est, il ne fait aucun doute que les recommandations contenues dans le rapport, qui ne demandent que la moitié de ce qu'il faudrait faire pour supprimer certaines de ces échappatoires fiscales, vont rendre le système énormément plus compliqué sans accroître beaucoup ni l'équité, ni l'efficacité.

• 1120

Je voudrais vous citer quelques exemples afin d'illustrer la façon dont on pourrait réaliser d'énormes progrès en ce qui a trait à la simplicité, à l'équité et à l'efficacité, en supprimant un nombre d'échappatoires fiscales plus grand que celui que propose le comité.

Une des recommandations du comité, pour prendre un exemple qui peut paraître litigieux, bien que cela ne devrait pas être le cas, est que le gouvernement maintienne un crédit pour petites entreprises légèrement modifié. Or cela n'a absolument aucun sens.

Le crédit pour petites entreprises est un programme de subventions qui coûte environ 2,2 milliards de dollars au gouvernement fédéral, un des plus importants dans l'assiette fiscale des entreprises, et qui ne répond à aucun des critères d'un programme de dépenses sensé. Par exemple, personne n'oserait affirmer qu'il est équitable. Si l'on impose le revenu d'une société à seulement 20 p. 100 et si le particulier qui est propriétaire de l'entreprise se trouve dans la tranche d'imposition de 50 p. 100, donc un particulier bénéficiant d'un revenu élevé, on se trouve à accorder un allégement fiscal énorme.

Si la personne qui est propriétaire de l'entreprise se trouve être une personne à faible revenu ou à revenu moyen qui n'est imposée qu'à 30 p. 100 au niveau de l'impôt sur le revenu des particuliers, on est loin d'accorder un allégement fiscal aussi important. Il est bizarre d'avoir une subvention pour les petites entreprises qui dans les faits aide davantage les petits entrepreneurs bénéficiant d'un revenu élevé que les petits entrepreneurs à faible revenu.

Un des critères au sujet duquel nous pourrions tous être d'accord, et que tout programme de subventions du gouvernement devrait respecter, est celui de l'efficacité visée. C'est-à-dire qu'il faudrait être en mesure de montrer que la subvention, les 2,2 milliards de dollars, sont effectivement ciblés de manière à ce que les gens qui y sont admissibles reçoivent la subvention en question et ceux qui n'y ont pas droit ne la reçoivent pas. Et pourtant la justification régissant l'octroi du crédit pour petites entreprises n'est pas respectée, et ce de manière grossière, tant dans l'attribution que dans le refus de la subvention, quelle que soit la justification en question.

En passant, j'aimerais savoir quelle est cette justification. Il me semble que celle qui est mentionnée le plus souvent par les propriétaires de petites entreprises est que cela semble revenir au fait qu'ils sont plus près de Dieu que tous les autres. Mais il est difficile de savoir quelle est vraiment cette justification. D'aucuns disent que c'est pour créer des emplois.

Le secteur des petites entreprises crée beaucoup d'emplois; c'est pourquoi nous allons fournir 2,2 milliards de dollars en subventions aux petites entreprises. Or le fait est que, comme le fait remarquer le rapport, que 70 p. 100 des emplois créés dans le secteur des petites entreprises sont créés par seulement 4 p. 100 des firmes.

Si le gouvernement disposait d'un programme de subventions directes qui était inefficace, les propriétaires de petites entreprises pousseraient des cris. Dans les faits, la grande majorité des petites entreprises qui tirent avantage de cette subvention sont simplement des franchises ou quelque chose comme des franchises, comme les beigneries, les comptoirs de restauration rapide, les clubs vidéo et les comptoirs de nettoyage à sec. Il y a toute une série de commerces. Une question qu'on pourrait se poser est la suivante: Pourquoi devrions-nous subventionner ces gens? C'est un mystère pour moi.

En passant, les emplois que créent ces entreprises sont inévitablement des emplois où les travailleurs ne possèdent pas de qualification ou sont faiblement rémunérés. Souvent, ils ne bénéficient pas d'avantages sociaux. Ils n'ont certainement pas de sécurité d'emploi. Le taux de mises à pied et l'instabilité d'emploi sont beaucoup plus marqués qu'au sein de grandes entreprises. Il est nécessaire que ces entreprises créent des emplois, mais pourquoi devrions-nous les subventionner et, dans les faits, accroître artificiellement l'emploi dans ce secteur de notre économie au-delà de ce qu'il devrait être, si nous voulons attribuer les ressources de manière efficace? Cela n'a absolument aucun sens.

Le crédit pour petites entreprises a des effets pervers. Par exemple, il a le malheureux effet de décourager le regroupement de petites entreprises, étant donné que seule une petite entreprise est admissible à ce crédit. Si deux petites entreprises fusionnent, elles perdent soudainement une partie importante de leur subvention. Il comporte toutes les difficultés liées aux dépenses fiscales. Il favorise les complications dans la loi. Il rend la loi énormément compliquée. Il donne lieu à des abus à un degré énorme.

Le gouvernement n'est pas tenu de rendre compte de cette dépense. Ce crédit devrait être supprimé et toutes les petites entreprises devraient payer au même niveau que les sociétés. Si une petite entreprise ne veut par être imposée au taux qui s'applique aux sociétés, il faut qu'il y ait alors une option dans la loi qui permet à l'entreprise d'être imposée comme une société de personnes. Il n'y a simplement pas de raison d'imposer différemment les petites entreprises qui se constituent en société par rapport aux propriétaires uniques ou aux sociétés de personnes.

C'est mon point de vue fondamental. Concernant toutes ces dépenses fiscales, le comité doit les considérer comme des subventions gouvernementales directes, c'est-à-dire les convertir, sur le plan conceptuel, en une subvention et dire, bon, en tant que subvention, est-ce que cette dépense est raisonnable?

Prenons celle qui a déjà été mentionnée, l'exemption pour gains en capital d'un demi-million de dollars qui s'applique aux petites entreprises. Dans les faits, il s'agit d'une subvention avec laquelle nous disons aux fermiers et aux petites entreprises que nous allons les subventionner à raison de centaines de millions de dollars par an. Il s'agit d'une subvention très coûteuse. Ce n'est pas une bagatelle ces programmes. Nous subventionnons effectivement ces fermiers et ces entreprises à raison de centaines de millions de dollars.

• 1125

Nous allons subventionner les petites entreprises et les fermiers, et nous allons le faire en leur accordant une subvention qui correspond à l'impôt qu'ils auraient à payer sur leurs gains en capital s'ils vendaient leur entreprise. Or, demandez-vous s'il s'agit là d'un programme sensé.

Si quelqu'un du gouvernement devait se lever à la Chambre des communes et dire: «Nous avons une bonne idée. Nous sommes d'avis que nous devrions subventionner les fermiers en leur envoyant un chèque d'un montant correspondant à l'impôt qu'ils auraient à payer s'ils vendaient leur ferme.», eh bien, on se moquerait de cette personne. Premièrement, pourquoi accordez-vous une subvention aux fermiers si la seule façon pour eux de l'obtenir est de vendre leur ferme? Cela n'a aucun sens pour moi. Je voudrais que quelqu'un m'explique où est le bon sens dans tout cela.

Deuxièmement, cette subvention est accordée tout à fait au hasard. Cela n'a rien à voir avec la compétence du fermier ou avec le nombre d'années d'expérience. En effet, les fermiers qui profitent de cette subvention sont ceux qui vivent dans la région qui entoure Toronto et qui vendent leur exploitation pour qu'on puisse aménager des terrains de golf et bâtir des immeubles. Je présume que les vrais fermiers de la Saskatchewan ne tirent à peu près aucun avantage de cette subvention.

En outre, il y a un effet curieux: lorsque les fermiers vendent leur ferme, cela dépend si la vente se fait au cours d'une reprise ou d'un recul de l'économie. S'ils vendent au cours d'une reprise, ils touchent un gros chèque. S'ils vendent au cours d'une récession, lorsqu'ils ont vraiment besoin de l'argent, ils ne touchent rien parce que la valeur de leurs terres peut ne pas avoir augmenté.

C'est une subvention qui est accordée tout à fait au hasard. Elle ne va qu'à des gens qui ont un revenu élevé. Il faut être une petite entreprise ou un fermier possédant des actifs dont la valeur a augmenté d'un demi-million de dollars, et avoir un revenu qui n'a pas encore été imposé, pour pouvoir profiter de cette subvention. C'est une farce.

Ma remarque est la suivante: prenez chacune de ces dépenses fiscales que vous avez converties en programmes de dépenses sur le plan conceptuel et posez la question suivante: Est-ce que cette dépense fiscale répond aux critères que doit remplir tout programme de dépenses gouvernemental digne de ce nom? Inévitablement, la réponse est non.

Voici ma dernière remarque. J'allais passer en revue certaines des autres dépenses fiscales, mais je vais formuler cette remarque parce qu'elle va un peu plus au coeur de certaines des recommandations.

Le comité s'est beaucoup inquiété au sujet de l'intégration partielle du système fiscal canadien. Encore une fois, il s'agit d'un système où, dans les faits, ce que nous faisons par l'entremise du crédit d'impôt pour dividendes et de l'exemption d'un quart pour gains en capital est que nous remboursons en quelque sorte l'actionnaire qui touche un revenu provenant d'une société sous forme d'un dividende ou d'une partie d'impôt sur les gains en capital qui a été payée au niveau des sociétés.

C'est un système bizarre que nous avons au Canada. Il est unique au monde.

En fin de compte, voici ce que propose le comité. Une façon de corriger une anomalie, car avec ce crédit d'impôt pour dividendes nous accordons souvent aux actionnaires, à toutes fins pratiques, un crédit pour des impôts qui n'ont même pas été payés au niveau des sociétés, ce qui paraît bizarre, est d'avoir un impôt préalable au niveau des sociétés. Je présume que les membres du comité connaissent bien le concept général de cet impôt. Cela veut dire que dorénavant, nous n'allons plus rembourser des impôts aux actionnaires que les sociétés n'ont pas payés.

Mais cet impôt préalable s'appliquant aux sociétés n'a bien fonctionné dans aucun pays. Il est énormément compliqué et comporte énormément d'effets pervers.

Une bien meilleure solution consiste à se débarrasser de toute prétention d'intégration; c'est-à-dire qu'il faut se débarrasser du crédit d'impôt pour dividendes et de l'exemption d'un quart pour gains en capital. Le système sera alors énormément plus équitable et plus efficace, et incroyablement moins complexe.

Il n'existe aucune preuve que toutes ces mesures, c'est-à-dire le crédit d'impôt pour dividendes et l'exemption d'un quart pour gains en capital, aient un effet quelconque en faveur de notre économie. Il ne fait aucun doute qu'elles sont inéquitables. Cinquante pour cent de l'exemption d'un quart pour gains en capital va au premier pour cent des Canadiens et Canadiennes. La dernière fois que j'ai vérifié, quelque chose comme 20 p. 100 du crédit d'impôt pour dividendes bénéficiait au premier cinquième de un pour cent de la population canadienne, c'est-à-dire aux gens qui ont un revenu de plus de 250 000 $. Il s'agit là de mesures énormément régressives.

On justifie parfois le crédit d'impôt pour dividendes en disant qu'il réduit les coûts d'immobilisation pour les sociétés canadiennes, mais comme tout le monde sait, dans une petite économie ouverte, il n'y a absolument rien qu'on puisse faire pour réduire les coûts d'immobilisation pour les entreprises canadiennes en accordant une subvention aux actionnaires canadiens qui bénéficient d'un revenu élevé, parce qu'il y a tellement d'actionnaires étrangers qui investissent dans des actions de sociétés canadiennes. Ce sont eux en fait qui couvrent le coût du capital de risque, et il y a de nombreuses organisations exemptes d'impôt qui investissent dans des sociétés canadiennes.

Je ne crois qu'il se trouve quelqu'un pour affirmer sérieusement qu'on peut influer sur les coûts d'immobilisation des entreprises canadiennes en accordant une subvention à des actionnaires canadiens bénéficiant d'un revenu élevé, soit sous forme d'un crédit d'impôt pour dividendes, soit par une exemption pour gains en capital.

En outre, le rapport indique que nous ne savons pas très bien qui paie cet impôt s'appliquant aux sociétés. Peut-être, cet impôt est payé par les consommateurs canadiens, sous forme de prix plus élevés, ou peut-être par les travailleurs canadiens, sous forme de salaires réduits. Nous ne savons pas très bien qui paie cet impôt qui s'applique aux sociétés, mais si tel est le cas, si cet impôt est refilé en aval aux consommateurs ou en amont aux travailleurs, alors cet impôt paraît encore plus bizarre, car maintenant, ce que vous faites équivaut en fait à accorder un remboursement à des actionnaires pour un impôt qui a été payé par les consommateurs canadiens. Cela me paraît assez ridicule.

• 1130

Cela rend en tout cas notre système beaucoup moins équitable. Et rien ne prouve que cela le rend plus efficace. Si vous voulez simplifier la loi, vous n'avez qu'à abolir ces crédits et faire ce que font les Américains, c'est-à-dire un simple impôt sur les sociétés; réduisez le taux d'imposition si vous voulez, baissez le taux au niveau où vous jugez qu'il devrait être et n'invoquez pas de prétexte à ce sujet.

J'allais passer en revue d'autres impôts sur les sociétés, mais je crois que je vais arrêter ici, monsieur le président.

Le président: Merci, professeur Brooks.

M. Jack Mintz (président, Comité technique de la fiscalité des entreprises): Monsieur le président, merci beaucoup encore un fois de m'accueillir à nouveau devant le Comité des finances pour un exposé.

Étant donné que j'ai déjà passé un bon laps de temps avec vous auparavant, je vais essayer de ne pas répéter ce dont j'ai parlé la dernière fois. Ce que je voudrais faire est soulever quelques points qui sont ressortis des diverses discussions que j'ai eues avec des Canadiens et des Canadiennes au sujet du rapport, ainsi qu'avec divers groupes du monde des affaires et des collègues qui sont des experts et qui ont analysé le système fiscal.

Je ne vais pas essayer de commenter en ce moment l'un ou l'autre des exposés. Je ne crois pas que ce serait mon rôle en ce moment-ci. Cependant, si quelqu'un parmi vous souhaite me poser des questions concernant des choses qui ont été mentionnées par le professeur Brooks ou par Peter Woolford, il me fera plaisir de répondre.

Depuis le mois d'avril, j'ai présenté cet exposé dans dix-huit enceintes différentes, et les autres membres du comité ont fait au moins quinze autres exposés. Je ne suis pas tout à fait sûr du nombre, mais c'est proche de ce chiffre-là.

Nous avons vraiment discuté de ce rapport avec divers groupes du monde des affaires, dont le Conseil canadien du commerce de détail, l'Alliance des manufacturiers et des exportateurs, l'Association des banquiers canadiens, etc. Nous avons discuté avec certains membres de ces organisations lors de conférences, comme les réunions du Conference Board, de l'Association canadienne d'économique, du Canadian Public Economics Group, etc. Nous avons beaucoup discuté du rapport.

Le point de vue dominant qui a été adopté est que les deux principes proposés par le comité pour la réforme de la fiscalité des entreprises sont les bons, c'est-à-dire aller vers la neutralité et réduire les taux d'imposition de façon à ce qu'ils soient plus cohérents par rapport à la concurrence internationale.

Je n'ai entendu personne dire qu'il fallait augmenter les taux et rétrécir l'assiette fiscale. Personne n'a dit cela légitimement. Tout le monde considère que nous avons choisi la bonne voie.

Nous avons présenté un ensemble qui est neutre par rapport au revenu, c'est pourquoi je crois que certains commentaires qui ont été formulés par le professeur Pr Brooks ne s'appliquent pas vraiment à ce qu'on a fait. Nous n'étions pas d'avis qu'augmenter l'imposition des entreprises allait créer de la croissance économique et des emplois. Il y a un tas de pays, comme les pays scandinaves, qui prévoient toutes sortes de dépenses fiscales très importantes pour les particuliers, comme dans le cas de l'éducation et de l'infrastructure qui soutient les entreprises. Ces pays ont également un taux d'impôt sur les sociétés de 28 p. 100, et ils ont aussi essayé de garder leur système plus propre.

Je crois que dans le monde d'aujourd'hui, c'est dans cette direction que nous nous dirigeons, et je pense qu'une des questions importantes qu'il faut garder à l'esprit est que nous essayons particulièrement de sauvegarder les emplois dans les secteurs qui pourraient être menacés par la concurrence internationale dans l'avenir. C'est notamment le cas des secteurs de services.

La plupart des coalitions du milieu des affaires avec lesquelles je me suis entretenu ont été d'accord avec ces principes de base, mais il n'a pas été facile pour elles d'en arriver à un seul point de vue concernant le rapport. Le rapport est tellement équilibré que ces coalitions trouvent que certains de leurs membres tirent avantage de l'ensemble qui est proposé, tandis que d'autres n'en profitent pas. Mais nous ne devrions pas perdre de vue ce que nous nous devons de réaliser.

Les recommandations du rapport ne visent pas à opposer un secteur à un autre. C'est tout le contraire. Les entreprises font des échanges commerciaux les unes avec les autres, dans leurs pratiques normales. Des impôts élevés dans le cas d'un secteur donné peuvent nuire également à d'autres secteurs, et la meilleure façon d'imposer les entreprises est de s'assurer que les règles du jeu sont équitables, de manière à ce que notre système fiscal n'ait pas un effet négatif sur des décisions économiques sensées. À cet égard, je crois que Neil Brooks et moi pourrions être d'accord en ce qui à trait à l'orientation qu'on voudrait donner au système.

Il est également cohérent de maintenir nos taux d'imposition, et notamment les taux d'imposition relatifs au revenu des entreprises, à un niveau qui n'entraîne pas une érosion importante de l'assiette fiscale prévue par le gouvernement fédéral et les gouvernements provinciaux. Il s'agit là, je pense, d'un des aspects les plus importants sur lesquels se fonde notre rapport, et j'ai soulevé cette question la dernière fois que j'ai comparu devant ce comité. Je pense qu'il s'agit d'une question cruciale.

• 1135

On m'a demandé à plusieurs reprises, dans diverses enceintes, si le gouvernement allait faire un choix parmi les propositions afin d'accroître les revenus sans réduire les taux d'imposition des entreprises. Ma réponse est que les gouvernements ne souhaitent pas alourdir le fardeau fiscal des entreprises. Une telle mesure ne serait pas cohérente avec l'objectif de création d'emplois et de croissance économique.

D'autre part, les entreprises ne devraient pas non plus faire une sélection parmi les propositions du rapport. Même si le rapport contient des recommandations visant à réduire certains incitatifs, l'ensemble est très équilibré et permettrait d'améliorer les perspectives de création d'emplois et de croissance économique en rendant le système fiscal plus neutre tout en faisant contrepoids à l'érosion de l'assiette fiscale découlant de taux d'imposition trop élevés.

On m'a également demandé à plusieurs reprises si les gouvernements pouvaient différer la mise en oeuvre des recommandations du rapport, et ma réponse est simple et comporte trois points.

Premièrement, notre taux de chômage est toujours de 8,4 p. 100, soit environ 4 p. 100 plus élevé que le taux des États-Unis. Nous devons améliorer la structure fiscale des entreprises de manière à ce que davantage d'emplois soient créés au Canada, en particulier dans les secteurs de services fondés sur la connaissance, où la concurrence internationale augmente et où il y a les meilleures perspectives de croissance.

C'est sur point que je ne suis pas d'accord avec le professeur Brooks. Il ne faut pas oublier que la structure fiscale des entreprises a une incidence très significative sur la capacité de créer des emplois au Canada. Si on considère ce que font aujourd'hui de nombreux pays, on voit qu'ils essaient d'avoir une structure fiscale des entreprises qui favorise la croissance économique et la création d'emplois, et qui fournit dans le même temps suffisamment de recettes aux gouvernements pour qu'ils puissent assurer l'éducation. Franchement, cela ne sert à rien au pays, si nous formons notre main-d'oeuvre et qu'elle est utilisée ensuite par d'autres pays, autrement dit si des gens quittent pour d'autres pays avec la formation que nous avons contribué à leur donner ici. Ce que nous voulons faire est de faire en sorte que les gens que nous formons au Canada soient en mesure de travailler au Canada et de bénéficier des perspectives de croissance économique et de création d'emplois dans ce pays.

Deuxièmement, il y a des problèmes importants et plus immédiats qui ont trait à l'érosion de l'assiette fiscale. La meilleure façon de freiner l'érosion de l'assiette fiscale consiste à réduire les taux d'imposition des sociétés. Cependant, il faut également considérer d'autres mesures, comme moderniser l'imposition du revenu international au Canada et améliorer l'intégration de l'impôt sur les sociétés et de l'impôt sur le revenu des particuliers, de manière à éviter que l'assiette fiscale ne soit érodée de façon importante au cours des années à venir. Dans le cas que j'ai mentionné la dernière fois, l'exemption à vie pour gains en capital est maintenant utilisée par un grand nombre de grandes entreprises, et il en résultera une importante érosion de l'assiette fiscale. On ne peut ignorer ces questions pendant longtemps.

Troisièmement, des mesures doivent être prises en ce qui a trait à l'excédent de l'assurance-emploi. Notre proposition relative à la fixation de taux particuliers imposerait une taxe aux entreprises qui causent des mises à pied et c'est en réduisant les cotisations à l'assurance-emploi qu'elle peut être mise en oeuvre de la meilleure façon. Comme le comprennent toutes les personnes présentes ici, le meilleur moment pour entreprendre une réforme qui permet de rendre notre économie plus efficace et plus dynamique est lorsqu'on peut réduire le montant global des impôts qui sont perçus. En fait, la meilleure façon de réaliser la réforme fiscale, dans quelque pays que ce soit, consiste à réduire simultanément les impôts. Dans notre proposition relative à la fixation de taux particuliers dans le cadre de l'assurance-emploi, le moment idéal est maintenant, pendant que nous prévoyons réduire avec le temps les cotisations versées à l'assurance-emploi.

Le rapport du Comité technique de la fiscalité des entreprises fournit le cadre pour la réforme fiscale sans réduire les recettes fiscales du gouvernement. Si le gouvernement va donner suite à ce rapport, il va encourager la création d'emplois et la croissance économique, et aussi contrer toute érosion potentielle de l'assiette fiscale. Nous pouvons toujours attendre et aborder plus tard les questions soulevées dans ce rapport, mais ce serait au détriment du Canada. J'espère que le gouvernement va donner suite à ce rapport au cours des deux prochaines années.

Le président: Merci beaucoup, monsieur Mintz. Nous allons maintenant commencer une séance de questions et réponses.

M. Dick Harris (Prince George—Bulkley Valley, Réf.): Messieurs, merci d'être venus ici aujourd'hui. Je veux vous poser quelques questions. Ma première question s'adresse à M. Woolford, et j'ai apprécié vos propos.

Il est clair que le revenu disponible des familles canadiennes a diminué de manière importante au cours des cinq, six, sept dernières années. Je crois que le chiffre le plus récent est environ 4 000 $ par famille depuis l993.

J'imagine que le secteur canadien du commerce de détail a vu les répercussions de cette diminution. Je voudrais connaître votre avis à cet égard et concernant l'incidence des charges sociales sur les activités des petites entreprises, notamment sur leur viabilité et sur leur capacité de développer leur infrastructure ou d'engager des employés supplémentaires dans le cadre de plans de croissance et de promotion des affaires.

• 1140

M. Peter Woolford: Je vais formuler quelques commentaires, et il serait utile de demander à M. Eisen de faire de même. Même si Agora est une organisation d'entreprise, elle compte un grand nombre de franchisés qui exploitent des entreprises indépendantes. Leonard sait peut-être également quelle est l'incidence sur les exploitants indépendants.

Concernant le revenu disponible, il n'y a pas de doute que nous avons vu dans le secteur du commerce de détail certaines des conséquences de cette lente croissance du revenu personnel. Avec la reprise économique qui a suivi la récession de 1990-1991, de nombreux autres secteurs de l'économie ont rebondi, et même assez rapidement. C'est l'économie nationale qui s'est replacée très lentement, en raison de la faible croissance de la demande des consommateurs. Même si nous sommes dans une période caractérisée par une faible inflation et une stabilité des prix considérable, les consommateurs se sont montrés très réticents à augmenter leurs dépenses, et c'est exactement pour la raison que vous avez mentionnée que le revenu personnes disponible n'a pas progressé. Cela est une préoccupation constante du secteur du commerce de détail.

Nous allons publier bientôt une sorte d'analyse des données historiques relatives à la performance du secteur du commerce de détail qui porte sur une période d'environ dix ans. Nous constatons que les ventes ont progressé lentement. Un autre aspect est qu'en raison de la croissance lente, le secteur du commerce de détail subi une pression très intense sur le plan de la concurrence. Les entreprises sont forcées de se concurrencer à des niveaux plus pressants, si vous voulez, pour attirer l'argent des consommateurs. Cette situation semble avoir réduit quelque peu la rentabilité du secteur au fil du temps. C'est un lien normal avec votre deuxième question concernant les charges sociales.

Comme je l'ai mentionné dans mes remarques introductives, nous avons constaté, au cours de nos recherches, qu'entre, je pense, 30 et 40 p. 100 de nos petites et moyennes entreprises présentaient un avoir négatif, et qu'entre 30 et 40 p. 100 des entreprises, grandes et moyennes, et petites entreprises indépendantes, perdaient de l'argent en 1994. Cela signifie qu'entre environ un tiers des entreprises du commerce de détail payaient des impôts à un moment où elles perdaient de l'argent et où un grand nombre d'entre elles présentaient une valeur nette négative.

Ces entreprises se trouvent donc dans une situation très difficile. Elles sont tenues de faire leur contribution aux finances publiques à un moment où, dans de nombreux cas, elles présentent une valeur nette négative et où, dans de nombreux autres cas, elles ne gagnent pas le revenu nécessaire pour payer ces impôts. C'est un très lourd fardeau à porter pour une entreprise et c'est la raison pour laquelle nous avons indiqué que les impôts sans égard aux bénéfices sont si importants.

Cela dit, nous sommes toujours d'avis que la priorité numéro un est vraiment d'alléger le fardeau fiscal des Canadiens et Canadiennes ordinaires. Nous pensons toujours qu'en ce qui concerne la relance de l'économie nationale, c'est à cet aspect qu'il faut avant tout accorder de l'attention. Une telle réduction comporte également l'avantage d'être une mesure constructive, et on pourrait donc la concevoir de manière à ce que l'argent retourne dans les poches des Canadiens et Canadiennes ordinaires plus rapidement et plus efficacement, et relativement moins vite et moins bien dans les poches des Canadiens et Canadiennes qui bénéficient d'un revenu élevé.

M. Leonard Eisen (président, Comité de la fiscalité, Conseil canadien du commerce de détail): Si l'on considère en particulier les franchises du secteur de l'alimentation, où l'on trouve de petites entreprises qui dans de nombreux cas sont des entreprises familiales, le coût de la main-d'oeuvre, considéré comme un coût relatif de l'ensemble des activités, peut se situer entre 10 et 12 p. 100 du revenu. Si l'on considère ce coût comme un pourcentage des bénéfices bruts, il peut se situer entre 45 et 55 p. 100 de la marge brute, ce qui laisse environ 50 cents par dollar pour tous les autres coûts, y compris les impôts, de sorte que la capacité de croissance et de développement est pas mal limitée. Une bonne partie de cette dépense a trait à l'impôt à l'emploi et aux charges sociales, que ce soit l'assurance-emploi, le Régime de pensions du Canada, le régime d'indemnisation des accidentés du travail, et à tous les autres coûts non liés aux bénéfices.

M. Dick Harris: Merci, Monsieur Eisen.

Monsieur Brooks, je voudrais parler de certaines choses que vous avez mentionnées. J'ai été un peu interloqué par la façon dont certains de vos mots et de vos phrases semblaient s'en prendre aux petites entreprises.

• 1145

Ayant été moi-même dans le secteur des petites entreprises durant plus de vingt ans, je n'ai pas pu trouver grand plaisir dans le régime fiscal que me proposait le gouvernement pendant toutes ces années. Je me sentais en fait presque comme un citoyen de deuxième classe en raison du niveau d'impôts que je devais payer.

Nous n'allons probablement pas nous entendre sur la question de savoir si les petites entreprises devraient être tabassées comme vous le proposez.

Je veux discuter de votre définition. Vous semblez considérer tous les avantages fiscaux dont bénéficient les entreprises au Canada comme des échappatoires fiscales. J'aimerais croire que notre système comprend quelques avantages fiscaux légitimes qui sont offerts aux entreprises canadiennes en retour de leurs investissements, c'est-à-dire pour le capital qu'elles risquent pour se lancer en affaires. Elles engagent du monde, créent des emplois. Elles paient des impôts. Elles contribuent à l'ensemble de l'économie. A moins que je vous aie mal compris, je crois qu'il est injuste de qualifier d'échappatoire fiscale tout avantage fiscal dont peuvent bénéficier les entreprises.

Je sais qu'il existe des avantages fiscaux assez extravagants que l'on pourrait qualifier avec raison d'échappatoires fiscales, et je crois qu'il incombe au gouvernement de les supprimer, pour faire en sorte que le système fiscal exige une contribution raisonnable en impôts de la part des entreprises.

Est-ce que j'ai bien compris que vous considérez tous les incitatifs ou avantages fiscaux qui sont accordés aux entreprises comme des échappatoires fiscales?

Professeur Neil Brooks Neil Brooks: C'est mon argument. Le nom qu'on leur donne n'est probablement pas très important. D'aucuns les appellent des échappatoires, d'autres les appellent des dépenses fiscales. Peut-être que certains de ces termes sont plus péjoratifs que d'autres.

C'est l'argument de base. Lorsqu'on met en oeuvre une mesure fiscale spéciale concernant un secteur donné ou un certain type d'activité, la mesure qui est appliquée équivaut, en ce qui a trait à son incidence sur l'économie, à une subvention gouvernementale directe. Autrement dit, si le gouvernement décide de subventionner les petites entreprises, ou si le gouvernement décide de subventionner la R-D, il a deux options. Il peut dire: «Nous allons vous émettre des chèques braves gens», ou il peut dire à quiconque fait de la R-D, «si vous faites quelque chose qui est considéré comme une dépense de R-D, nous allons assumer 50 p. 100 du coût en vous faisant parvenir un chèque correspondant à 50 p. 100 de l'argent que vous avez dépensé». Tout le monde dirait, «oui, il s'agit d'un programme de dépenses, vérifions qui va en bénéficier. Est-ce qu'il est efficace? Est-ce qu'il est équitable?» Toutes ces choses.

Le gouvernement pourrait s'y prendre de cette façon, ce qui serait une manière de reconnaître clairement la dépense, ou alors il pourrait dire à l'entreprise: «Nous allons assumer 50 p. 100 du coût de vos activités de R-D, mais au lieu de vous émettre un chèque, ce que nous vous permettons de faire est de simplement déduire le montant du chèque que nous vous aurions émis du montant d'impôts que vous devez; nous allons le mettre dans le système fiscal et on l'appellera une dépense fiscale».

En ce qui a trait à l'incidence sur l'économie, il n'y a pas de différence.

Mon argument est que pratiquement toutes les dépenses dites fiscales devraient être enlevées du système fiscal. La plupart d'entre elles ne répondent pas à un besoin gouvernemental légitime. Et si c'est le cas, on peut presque toujours les concevoir de manière plus efficace sous forme d'un programme de dépenses, et c'est la même chose pour le crédit accordé aux petites entreprises.

Vous avez donc raison. Je ne crois pas que nous devrions lier contestation au sujet de la façon dont il faudrait les appeler, mais dans la mesure où nous nous entendons sur l'objet de notre discussion, vous avez absolument bien compris.

Je crois qu'elles devraient être enlevées du système. Je pense que notre économie s'en ressent énormément parce que le gouvernement fausse l'attribution efficace de ressources en mettant à la disposition de certains secteurs ces vastes programmes de dépenses qui ne sont pas contrôlés et dont on n'a pas à rendre compte.

M. Dick Harris: Permettez-moi de vous poser une question rapide. Si le gouvernement devait vraiment suivre ce que vous proposez et supprimer tous les incitatifs fiscaux ou subventions fiscales, comme vous les appelez, qui sont prévus pour les entreprises, de quelle manière pourrait-on compenser cette mesure?

Comme vous le savez probablement, le monde des affaires canadien est submergé par les règlements. Les derniers chiffres que j'ai vus indiquent que ces règlements coûtent aux entreprises canadiennes environ 6 milliards de dollars par an. Ces données pourraient avoir trait uniquement à certains des règlements insensés, je ne suis pas sûr.

• 1150

Si le gouvernement devait commencer à supprimer quelques-uns des incitatifs fiscaux, est-ce que cette suppression pourrait être compensée par la suppression d'un grand nombre de règlements existants, ce qui permettrait en fait de réduire la présence du gouvernement dans le monde des affaires et d'améliorer les résultats des entreprises?

Professeur Neil Brooks Neil Brooks: Il me semble que chacune de ces questions devrait être traitée de manière distincte. Il ne faudrait pas voir cela comme un échange. Il ne faut pas dire aux entreprises «nous avons ce programme de dépenses vraiment inefficace par lequel nous subventionnons en ce moment les petites entreprises; nous allons le supprimer, mais en retour, nous allons arrêter d'envoyer des inspecteurs dans vos établissements de restauration une fois par semaine afin de nous assurer que la nourriture est propre à la consommation». Ce serait un type d'échange bizarre.

Il me semble que ces deux choses devraient être évaluées de manière distincte. S'il existe des règlements qui ne remplissent pas leur fonction, il faut les supprimer, peu importe ce qu'on va faire avec les subventions fiscales.

La même chose vaut pour le taux d'imposition des sociétés. Si notre impôt sur les sociétés est trop élevé, il faut le réduire, peu importe ce qu'on va faire avec l'assiette fiscale. D'autre part, s'il y a un tas de programmes de dépenses qui ne riment à rien, il faut s'en débarrasser, même si on est en faveur du maintien du taux d'imposition des entreprises à son niveau actuel.

Tout ce que je dis est que ces questions sont absolument distinctes.

[Français]

M. Gilles-A. Perron (Saint-Eustache—Sainte-Thérèse, BQ): Tous les membres du panel ont un point commun: ils croient qu'en allégeant la charge fiscale des entreprises, on contribuerait à la croissance économique et à la création d'emplois. Je crois me souvenir que M. Mintz disait qu'il fallait créer des emplois dans le secteur de la haute technologie pour les jeunes et brillants cerveaux qu'on a ici au Canada. Ne croyez-vous pas qu'il faudrait aussi réviser en parallèle la taxation des particuliers, parce qu'on risque d'assister à un exode des cerveaux vers les État-Unis si on exige que le travailleur canadien verse pratiquement deux fois plus de taxes? Que peut-on faire au niveau de l'impôt pour les particuliers en vue de susciter la création d'emplois et d'assurer la croissance économique?

[Traduction]

M. Jack Mintz: Je vais formuler mes remarques en tant que Jack Mintz, professeur à l'Université de Toronto, plutôt que comme président du comité technique, parce qu'il ne s'agit pas d'une question que le comité technique a abordée dans son rapport.

Je pense que la question relative aux impôts personnels est une question importante et le système fiscal des particuliers comporte un certain nombre d'aspects que nous devons traiter en sachant ce que nous voulons aborder.

Tout d'abord, nous devons penser aux travailleurs à faible revenu car leur revenu après impôt peut en fait être inférieur à ce que touchent les bénéficiaires d'aide sociale. Par conséquent, nous devons vraiment nous occuper de ce que nous faisons à nos travailleurs à faible revenu dans ce pays et du genre d'aide que nous pouvons leur offrir.

Nous devons penser aux jeunes. Je ne suis pas sûr de ce qu'on entend par classe moyenne, mais il y a de jeunes gens qui commencent à travailler et qui peuvent gagner un revenu qui se situe entre 30 000 et 80 000 dollars. C'est à ces personnes-là que nous devons penser, surtout pour les garder au Canada. Je pense que c'est à ce niveau que la question relative aux impôts personnels devient importante.

Concernant la question de savoir quels impôts personnels devraient être réduits, il ne faut pas oublier que les charges sociales, y compris les primes d'assurance, sont également une forme d'impôt personnel. Ces charges sont assumées par les employés. Je ne parle pas de la partie assumée par l'employeur, je parle uniquement de la partie de l'employé. Si nous réduisons le taux de cotisation de l'employé, cela équivaudrait, à mon avis, ou équivaudrait tout au mois en grande partie, à réduire l'impôt personnel payé par les Canadiens et les Canadiennes qui ont un revenu faible ou moyen, parce qu'une telle réduction profiterait surtout aux gens qui touchent un salaire allant jusqu'à 40 000 dollars.

Actuellement, dans le cadre du système fiscal des particuliers, un grand nombre de ces personnes disposent d'économies qui sont à l'abri de l'imposition. Soit qu'elles sont propriétaire d'une maison, qui est un investissement dont le rendement n'est pas imposé, soit elles mettent de l'argent dans des régimes de pensions ou dans des REER, qui sont également une forme d'épargne à l'abri de l'imposition.

• 1155

Ainsi, il y a vraiment peu de différence, à mon avis, entre la réduction d'une prime d'assurance versée par un employé et une réduction de l'impôt personnel, si l'on vise les particuliers dont le revenu est inférieur à 40 000 dollars. Ces deux mesures auraient pratiquement le même impact sur le plan économique. Je pense qu'il faut considérer la catégorie de personnes qui est visée, en tenant compte du niveau de revenu.

Si on tombe dans les catégories de personnes qui bénéficient d'un revenu élevé, où l'on s'inquiète de la compétitivité sur le plan international et des secteurs de haute technologie, seule une réduction de l'impôt sur le revenu des particuliers aiderait à cet égard, si on considère les catégories à revenu élevé.

Je ne dis pas que nous devrions réduire les impôts des personnes dont le revenu se situe entre 150 000 et 200 000 dollars, qui, soit dit en passant, est l'ordre de grandeur où l'on commence à peu près à considérer les taux d'imposition pour les revenus élevés aux États-Unis. Ce que je veux dire est que les personnes à faible revenu qui gagnent quand même encore un montant relativement bon sont celles dont nous devons nous occuper en pensant aux secteurs de haute technologie, et nous devrions considérer une réduction de l'impôt sur le revenu des particuliers dans ces catégories.

[Français]

M. Peter Woolford: Tout comme vous, monsieur Perron, nous convenons de l'importance de la position économique des consommateurs canadiens, et c'est pourquoi nous avons souligné dans nos remarques préliminaires l'importance de la réduction des impôts des particuliers.

Deuxièmement, comme M. Mintz le mentionnait, nous recommandons une réduction des taux d'assurance-emploi. Si on réduisait les primes d'assurance-emploi à un niveau où on pourrait égaliser les revenus et les dépenses, la réduction d'impôt pour les particuliers serait d'environ 1 p. 100 de leur salaire annuel. Cette réduction bénéficierait directement aux Canadiens à revenu moyen, le montant maximal étant de l'ordre de 38  000 $ ou 39 000 $. Cela représenterait pour les Canadiens à revenu moyen une réduction de taxes assez importante. Quant à l'impôt sur le revenu des particuliers, nous sommes préoccupés par le revenu personnel dont disposent les Canadiens. En réduisant leur fardeau fiscal, on contribuerait de façon très efficace à augmenter leur capacité d'investir et d'acheter des biens. De notre côté, nous estimons que c'est un début assez important pour le gouvernement fédéral.

[Traduction]

Le président: Y a-t-il d'autres commentaires de la part du comité?

[Français]

M. Wilfrid Lefebvre (membre du Comité technique de la fiscalité des entreprises): Je parlerai en mon nom personnel et non au nom du Comité technique de la fiscalité des entreprises que je représente, étant donné que la vérification de l'impôt des particuliers ne faisait pas partie de notre mandat. Je suis parfaitement d'accord que dans un monde idéal, on procéderait à la fois à la réforme de la fiscalité des entreprises et à celle des particuliers pour atteindre l'objectif. À titre de membre du Comité technique de la fiscalité des entreprises, j'ai été frappé au point de départ de constater que le taux de chômage au Canada était de l'ordre de 9 p. 100 à l'époque et qu'encore aujourd'hui, il est supérieur à 8 p. 100, alors qu'aux États-Unis, il était de l'ordre de 4 p. 100, et que le Canada était dans une position concurrentielle dans bien des secteurs, mais en position défavorable dans le secteur des services en particulier.

Il y avait donc lieu de procéder à des ajustements immédiats. Comme le rapport propose des ajustements neutres, c'est-à-dire que les recettes fiscales soient à peu près équivalentes à ce qu'elles sont à l'heure actuelle, à mon avis, il y a lieu de procéder à la réforme le plus rapidement possible, indépendamment de la réforme des impôts des particuliers ou conjointement avec elle.

[Traduction]

Le président: Monsieur Riis.

M. Nelson Riis (Kamloops, NPD): Merci, monsieur le président.

Nous avons entendu une série d'exposés fascinants ce matin.

Je vais essayer de me limiter à trois questions. Je vais peut-être poser trois questions et demander ensuite à vous messieurs de répondre.

Ma première question porte sur l'assurance-emploi. Avec un excédent qui atteint cette année 19 milliards de dollars, peut-être devrions-nous penser à élargir les prestations à des gens qui devraient être admissibles à certaines prestations, compte tenu du fait que la plupart des gens qui perdent leur emploi ne touchent aucune prestation même s'ils ont cotisé au régime.

En considérant seulement le côté emploi, ma première question s'adresse à M. Woolford. Le rapport de Monsieur Mintz décrit le secteur des petites entreprises comme étant très petit du point de vue de la taille, et vous avez mentionné votre activité de franchise. Si nous devions réduire les charges sociales même de manière substantielle, pensez-vous vraiment que ces entreprises familiales vont engager plus d'employés?

• 1200

Neil Brooks, j'ai trouvé intéressant votre commentaire sur le mythe ou le mystère qui entoure les impôts sur les sociétés, qu'une façon d'apporter une certaine transparence à cela serait de rendre publiques les déclarations de revenu. Je crois qu'il s'agit d'une suggestion intéressante que nous allons considérer.

Pourriez-vous commenter les mesures qui ont été prises par les États-Unis en ce qui a trait à la suppression de certaines dépenses des sociétés que nous pourrions considérer dans notre contexte?

Monsieur Mintz, pourriez-vous répondre à la proposition du professeur Brooks concernant la façon de ramener une certaine confiance à l'égard du système en ce qui a trait à la taille des sociétés qui ont recours aux programmes de dépenses, à la proposition de rendre publiques les déclarations de revenu de manière à ce que les gens puissent voir comment est vraiment utilisé le système fiscal et quels sont les niveaux d'imposition, ou dans quelle mesure les sociétés paient leur juste part.

M. Peter Woolford: Concernant l'incidence sur l'emploi d'une réduction des charges sociales, je pense que la réponse est oui, on verrait une augmentation des revenus, des revenus que touchent les Canadiens et les Canadiennes.

Dans le secteur du commerce de détail, on pourrait ne pas voir l'embauche d'employés supplémentaires par des entreprises. En revanche, ce qu'on verrait fort probablement ce serait que les entreprises donneraient plus d'heures de travail par semaine à leur personnel. Le commerce de détail dépend largement d'employés à temps partiel et normalement ces gens travaillent entre 15 et 25 heures par semaine. Dans de nombreux cas, le détaillant aimerait avoir ces gens dans son magasin pour un nombre d'heures supérieur, mais ne peut tout simplement pas se le permettre.

Je crois donc qu'une des premières choses qu'on verrait est une augmentation du nombre d'heures de travail effectuées par le personnel à temps partiel. C'est assez important car dans de nombreux cas, les employés à temps partiel sont des étudiants qui travaillent pour payer leurs études ou de nouveaux arrivants qui commencent leur carrière au Canada. Le secteur du commerce de détail est vraiment comme une porte d'entrée. Un grand nombre de Canadiens et de Canadiennes y obtiennent leur premier emploi, que ce soit une femme qui retourne sur le marché du travail après avoir élevé des enfants, un néo-Canadien ou un jeune Canadien qui commence à travailler. Ces personnes ne font que commencer leur carrière. La plupart d'entre elles ne restent pas dans le secteur parce qu'elles comptent sur le commerce de détail pour acquérir certaines des compétences qui sont à la base de l'employabilité et qui leurs seront utiles plus tard au cours de leur vie.

En permettant aux détaillants de disposer d'un budget salarial légèrement plus important qu'ils peuvent utiliser pour payer des employés plutôt que pour payer des impôts, on donnerait à ces employés la possibilité de travailler plus d'heures et d'acquérir plus d'expérience dans leur commerce.

En discutant avec nos membres, nous constatons que dans de nombreux cas, la nature de la concurrence au sein du secteur fait qu'un employeur dispose d'un budget d'emploi, un certain montant, qu'il ou elle prévoit pour couvrir les coûts humains durant l'année.

À partir de ce montant, il faut tout payer. Il faut payer l'assurance-emploi, les salaires des employés, les primes du régime d'indemnisation des accidentés du travail, ainsi que tout autre coût lié à la relation d'emploi. Évidemment, plus la part prélevée par les gouvernements est importante, moins il en reste pour le particulier. Donc, si les gouvernements réduisaient leurs prélèvements dans ce domaine, je pense qu'il est assez probable que ce revenu supplémentaire irait aux personnes au sein de l'entreprise.

M. Neil Brooks: Permettez-moi juste de mentionner une chose au sujet des charges sociales. Après avoir étudié tous les faits, le comité en est arrivé à la conclusion que les charges sociales n'ont pas d'incidence sur l'emploi. Or, les charges sociales sont versées à même les salaires. Le rapport indique que ce pourrait être le cas à court terme, mais manifestement, à long terme, ce n'est pas le cas. Elles sont simplement payées par les travailleurs. Elles proviennent des salaires.

Nous avons des charges sociales qui sont parmi les moins lourdes au monde comme pourcentage du PIB. Je crois que ce pourcentage est même moins élevé qu'aux États-Unis, la dernière fois que j'ai vérifié. C'est manifestement un des plus bas du monde industrialisé, de sorte que je ne suis pas sûr pourquoi nous sommes tous si obsédés par ces charges sociales. Je soupçonne plutôt que les centres d'affaires se sont attaqués aux charges sociales, et en particulier aux cotisations de l'assurance-emploi perce que ce qu'ils voulaient vraiment était de faire en sorte que les prestations n'allaient pas augmenter de nouveau. Une façon d'essayer de faire baisser les prestations consiste à essayer de convaincre les gens qu'ils vont perdre de l'argent ou leur emploi si on a des charges sociales, et par conséquent, il faut réduire ces charges sociales pour créer des emplois, et par conséquent, il faut réduire les prestations de notre assurance-emploi.

Mais la preuve de l'incidence des charges sociales sur les emplois, il me semble, est assez concluante. Ces charges n'ont pas d'incidence sur les emplois. À long terme, tout ce qu'elles font, c'est faire baisser les salaires. Si elles font diminuer les salaires, elles ne peuvent avoir une incidence sur le niveau d'emploi au sein de l'économie.

• 1205

Il y a une autre chose concernant la réduction de l'imposition et la création d'emplois, et c'est un point important. Tout le monde veut réduire les impôts. C'est un peu comme demander si on veut payer moins pour la voiture qu'on s'apprête à acheter. Qui ne veut pas? Bien sûr qu'on veut. On veut payer un prix inférieur, mais la question est: «Est-ce que vous êtes prêt à accepter une voiture de moindre qualité?» La réponse est non.

La question ne peut jamais être: «Voulez-vous réduire les impôts?» La question doit toujours être la suivante: «Quels services gouvernementaux voulez-vous réduire: l'intégralité de notre couverture des soins de santé? Le montant consacré par le gouvernement à l'éducation, aux pensions publiques, à la sécurité des routes et des villes, à l'habitabilité de vos villes?» Si c'est cela que vous voulez, la façon d'y parvenir, c'est de réduire les impôts.

Aucun de ces services n'est bon marché. Il faut payer pour les avoir. Il est assez clair que si on ne fait que réduire les impôts que paient les petites entreprises, par exemple en réduisant les charges sociales, ce qui crée un certain nombre d'emplois, dans le même temps on sort probablement de l'argent du système d'éducation, du système de santé, et on crée du chômage dans ces secteurs. C'est tout simplement une question de répartition des emplois dans l'ensemble de l'économie. Que voulez-vous? Plus de jeux Nintendo et plus de piscines privées ou plus d'installations de récréation et un meilleur système d'éducation?

Ce que vous achetez avec vos impôts ce sont des biens et des services publics, et vous vous acquittez également de votre obligation morale envers d'autres membres de la société qui ne sont pas aussi bien nantis que vous, et il me semble que ce sont des choses auxquelles les Canadiens et les Canadiennes ont toujours vraiment accordé de l'importance. Nous ne devons donc pas nous faire d'illusions que tout va être gratuit si on réduit les impôts. Ce n'est pas le cas.

Concernant votre question sur les dispositions américaines, cela fait un certain temps que je ne me suis pas penché là-dessus. Ce n'est pas dans ma mémoire à court terme.

L'État du Massachusetts exige une certaine divulgation des déclarations de revenu des sociétés, et c'est le cas dans d'autres États également. Si nous voulons considérer le système américain, les États-Unis ont un tas de mesures que nous pourrions adopter. Par exemple, les États-Unis interdisent la déduction de la plupart des dépenses liées au lobbying des entreprises, tant celles liées au lobbying direct que celles ayant trait au lobbying effectué par la base. C'est une mesure qui a trait à beaucoup d'argent.

Ce n'est pas tant pour une raison fiscale technique, c'est principalement une question d'équité. Si le gouvernement devait subventionner des groupes de pression, des gens qui font du lobbying auprès du gouvernement, pourquoi devrait-on soutenir financièrement les activités de lobbying des entreprises? Car c'est ce qu'on fait lorsqu'on permet aux entreprises d'effectuer une déduction d'affaires. Cette mesure a été adoptée principalement sur la base d'un argument constitutionnel, à savoir si le gouvernement va subventionner des gens qui font du lobbying auprès du gouvernement, il doit subventionner tout le monde ou personne. S'il ne faut subventionner personne, alors il faut refuser la déduction de ces dépenses.

Les Américains ne permettent pas la déduction de la rémunération des cadres de direction au-delà d'un certain montant. Il est certain que les Américains traitent les dépenses immatérielles d'une façon tout à fait différente. Ils ne vont pas aussi loin que j'irais moi-même. Par exemple, une des choses qui a toujours été un mystère pour moi est pourquoi nous permettons aux entreprises de radier comme dépense courante leurs frais de publicité. Il est assez clair que de nombreuses dépenses de publicité qui mènent à la reconnaissance d'une marque, par exemple, sont des dépenses d'investissement. Or ces dépenses devraient être amorties. Les entreprises devraient les déduire au cours d'années subséquentes. Pourquoi devrions-nous tolérer un système fiscal qui dans les faits est biaisé en faveur d'entreprises qui dépensent leur argent pour faire de la publicité plutôt que de faire des choses qui sont beaucoup plus productives?

M. Dick Harris: Avez-vous déjà été en affaires, Monsieur Brooks?

Professeur Neil Brooks: Non.

M. Dick Harris: Essayez une bonne fois.

Professeur Neil Brooks: Si vous pensez que cela discrédite tout ce que j'ai dit, allez-y. Je ne dis pas qu'elles devraient payer plus ou moins. Je dis seulement que cela doit se faire de manière équitable.

Nous ne devons pas subventionner certains gens d'affaires et pas d'autres. Nous ne devons pas subventionner les gens d'affaires qui font de la publicité et pas ceux qui essaient en fait de gagner leur revenu en dépensant leur argent à des fins plus productives. Nous subventionnons vraiment la publicité lorsque nous permettons à des entreprises de déduire ces frais comme une dépense courante et lorsque nous ne les obligeons pas à amortir ces dépenses.

J'ai abordé cette question il y a quinze ans. C'est une petite remarque triviale, mais je vais la formuler encore une fois. Je ne sais pas pourquoi nous permettons aux gens d'affaires de déduire 50 p. 100 du coût de leurs repas d'affaires et de leurs frais de représentation. Cela n'a absolument aucun sens. Lorsque des gens d'affaires prennent un repas d'affaires ou vont à un match des Blue Jays, on peut présumer qu'ils apprécient le repas ou le match autant que la personne qui est assise à côté d'eux. C'est là que réside le bienfait personnel de l'expérience en question, et il correspond probablement au coût. C'est le principe fiscal le plus fondamental. Les gens ne devraient pas pouvoir déduire des choses qui leur apportent un bienfait personnel.

Si j'étais intéressé à prévenir l'évasion fiscale des sociétés ou des gens d'affaires, c'est la première chose à laquelle je m'attaquerais. Quatre-vingt-dix pour cent des billets de saison des Blue Jays sont déductibles du revenu imposable comme dépense d'entreprise. Et pourtant, allez à n'importe quel match des Blue Jays et vous verrez que les gens sont assis là et s'amusent avec leurs amis et leurs proches. Je peux affirmer qu'il y a probablement plus de fraude commise par des gens d'affaires lors de n'importe quel match des Raptors ou des Blue Jays que dans n'importe quel bureau de l'aide sociale dans ce pays, incontestablement.

• 1210

Il y en a une que je n'ai pas encore complètement digérée, alors je dirai ceci. Lorsque mon avion a atterri aujourd'hui, Jack était assis à l'avant, en première classe. Pourquoi nous permettons aux gens d'affaires de déduire les dépenses de voyage en première classe est un peu un mystère pour moi. On se rend à l'aéroport et on découvre que l'arrière de l'appareil arrive à peu près en même temps que l'avant. Je ne crois pas que le fait que ces gens soient assis à l'avant de l'appareil nous donne un avantage concurrentiel.

Ce que je veux dire, Nelson, c'est que je crois qu'il y a toute une gamme de mesures. Il me semble que nous pourrions en effet élargir l'assiette fiscale des entreprises, et non seulement la rendre plus équitable mais en même temps rendre notre économie plus efficace parce que le système fiscal ne fausserait pas les choix des entreprises. Nous dirions aux gens d'affaires, «Allez investir là où vous croyez que vous réaliserez le meilleur taux de rendement. N'investissez pas là où vous croyez obtenir la plus importante déduction fiscale. Oubliez les impôts et concentrez-vous sur les profits.» Si l'on veut que les gens d'affaires se concentrent sur les profits, il faut que le système fiscal soit bon, et il ne peut être bon s'il permet toutes ces exemptions ridicules et contient toutes ces failles qui ne profitent qu'aux gens d'affaires.

M. Jack Mintz: J'ai toujours été amusé par les commentaires du professeur Brooks, mais ils me déplaisent particulièrement lorsqu'il cite mal mes propos et lorsqu'il en vient à une conclusion complètement fausse impliquant une sorte de distinction du genre «nous et eux». J'aimerais simplement dire que j'ai payé de ma poche ce que j'ai moi-même consommé aujourd'hui, c'est-à-dire le surplus que coûte la classe d'affaires. Je crois que c'était là un coup bas.

Pr Neil Brooks: Je n'ai pas voulu insinuer que vous déduisiez.

M. Jack Mintz: Je suis même surpris, Neil, que vous fassiez ça aujourd'hui.

Professeur Neil Brooks: Je n'ai pas voulu insinuer que vous l'avez fait, mais les gens d'affaires le font tout le temps. C'est ce que je dis. On ne peut le nier.

M. Jack Mintz: Vous donniez un exemple et je veux simplement dire qu'il était très inopportun.

L'autre commentaire qu'a fait Neil portait sur l'impôt sur les salaires et je voudrais réfuter son commentaire. Je crois que vous devriez lire notre rapport un peu plus attentivement car voici ce que nous avons dit au sujet de l'impôt sur les salaires et les charges sociales.

Ces charges sociales touchent en effet dans une large mesure les personnes à faible salaire. Ainsi, malgré que les gens soient dissuadés de rechercher du travail, l'impact sur l'emploi ne s'en trouve pas moins réduit. Cependant, il y a certains secteurs dans lesquels nous croyons que les charges sociales peuvent avoir un impact sur l'emploi, et ce non seulement à court terme mais aussi à long terme. C'est pourquoi, à certains niveaux de salaire, c'est-à-dire les faibles salaires, on ne peut simplement baisser davantage le niveau de salaire. Ainsi, des charges sociales qui seraient de, disons, sept dollars l'heure risqueraient de réduire l'emploi plutôt que de baisser les salaires. Il y a donc un certain impact dans certains secteurs, et il y a certains secteurs en particuliers qui seraient touchés.

Dans notre rapport, nous soulignons que si l'on regarde le secteur du commerce de détail, l'agriculture, par exemple, il y a beaucoup de travailleurs à faible salaire dans ces secteurs. Si l'on réduit les charges sociales dans ces secteurs, je suppose que cela aiderait l'emploi dans ces secteurs, et je peux donc comprendre les préoccupations soulevées par le Conseil canadien du commerce de détail à cet égard.

En ce qui touche la question de M. Riis au sujet de la publication de rapports, ce n'est pas une question à laquelle j'ai accordé beaucoup d'attention. Je ferai quelques commentaires, mais je demanderai à mon collègue juriste, qui en connaît plus que moi sur ces questions. Wilfrid pourrait peut-être élaborer sur certains points.

L'une des choses les plus importantes, je crois, dans la production de tout texte émanant de l'administration consiste à s'assurer que les gens s'y conformeront. Sans cette soumission, c'est tout le système fiscal qui sera menacé, car la soumission volontaire est extrêmement importante.

L'un des avantages à publier les déclarations de revenus des grandes entreprises, c'est qu'on pourrait croire que la soumission volontaire au système fiscal en sera plus grande si les gens croient que le système sera ainsi plus équitable. Par contre, la publication de ce genre d'information peut avoir des effets sur le comportement des gens. Pourquoi faisons-nous cela uniquement dans le cas des grandes entreprises? Pourquoi ne publions-nous pas les déclarations des petites entreprises? Pourquoi ne publions-nous pas les déclarations des personnes à revenu élevé?

La raison pour laquelle nous ne le faisons pas, c'est qu'en laissant les gens croire que s'ils révèlent leurs secrets, qu'il s'agisse d'entreprises en concurrence avec d'autres entreprises ou de personnes qui ont un style de vie particulier, peu importe, ce ne sera pas mal interprété comme l'ont fait certaines personnes à côté de moi il y a quelques minutes... il faut s'assurer que les gens sont d'accord pour se soumettre au système. Autrement, s'ils savent que les renseignements sur eux seront publiés, ils vont commencer à faire des choses qui n'aideront peut-être pas beaucoup.

• 1215

Je pourrais vous parler de certains agissements dont on a été témoin, par exemple, en Ontario lorsque le salaire des employés du secteur public gagnant plus de 100 000 $ a été publié. Cela semblait être la chose vraiment équitable à faire, sauf que de nombreuses personnes faisaient tout pour demeurer en deçà des 100 000 $. Par exemple, ils déclaraient que leur revenu était un revenu de recherche. Ainsi on croyait qu'ils ne gagnaient pas plus de 100 000 $ et leur nom ne figurait pas sur la liste. Toutes sortes de choses du genre se sont produites.

Cela n'aide pas beaucoup dans ce que nous tentons de faire. Les gens se conforment moins et cela peut avoir un impact négatif. C'est une chose à laquelle il faudra beaucoup réfléchir car même si deux États des États-Unis le font, la plupart des gouvernements ne publient pas ce genre d'information.

M. Wilfrid Lefebvre (membre, Comité technique de la fiscalité des entreprises): Je crois que c'est le cas.

Si cette question est soulevée, je crois qu'elle devrait être l'objet d'un autre comité et d'une autre étude. Or, de toute évidence, la remise en question de ce qui est enraciné dans notre système, la confidentialité des déclarations de revenus et des données fiscales, devrait être étudiée à la lumière de ce que font nos concurrents.

La grande majorité des États ne sont pas obligés de rendre cette information publique. En France et dans de nombreux autres pays, de telles exigences n'existent pas.

Comme l'a souligné M. Mintz, si nous demandons que les entreprises publiques le fassent, pourquoi ne pas l'exiger de toute personne qui reçoit ce que M. Brooks appelle une subvention fiscale ou une préférence fiscale? Cela soulève toute une gamme de questions.

M. Leonard Eisen: Monsieur le président, il y a deux questions qui exigent des précisions. L'une porte sur la réduction de l'emploi et l'impôt sur les salaires. En réduisant le fardeau des détaillants, ceux-ci disposeront de fonds additionnels pour augmenter les salaires ou accorder plus d'avantages qu'ils n'en accordent actuellement, notamment en ce qui touche la santé et le bien-être, ce qui aujourd'hui est très coûteux et assez restrictif.

Le deuxième commentaire que j'aimerais faire porte sur ce que le professeur Brooks a appelé la publicité et l'amortissement. Il faut faire la différence entre la publicité sur la marque et la publicité sur les prix. La plupart des détaillants font leur publicité sur les prix. Ils annoncent des produits de manière concurrentielle et font ainsi connaître au monde le prix d'un produit en particulier.

Je suis certainement d'avis que cette pratique fait partie du système de communication et reflète ce que le client en est venu à accepter et à rechercher. Par conséquent, sans publicité, le client n'a aucune idée des meilleurs prix et ne peut donc se procurer l'article recherché au meilleur prix offert.

Le président: Y a-t-il d'autres commentaires?

Nous passerons à M. Szabo.

M. Paul Szabo (Mississauga-Sud, Lib.): Merci, Monsieur le président.

Ce matin j'ai eu l'occasion de lire le Global Weekly Economic Monitor de Lehman Brothers, édition du 17 avril 1998, dans lequel on traitait de la gestion de la dette canadienne. En conclusion on disait que ce que le Canada faisait était une bonne nouvelle et continuerait d'exercer une pression à la baisse sur les taux d'intérêt réels qui tiennent compte de l'inflation, des taux que le Canada connaît depuis un certain temps comme le savent tous les témoins. À mon avis, il s'agit probablement là d'un des plus importants avantages fiscaux, pour ainsi dire, ou équivalent d'un avantage fiscal, qu'on puisse offrir à tous les Canadiens qui investissent, ou aux entreprises pour leurs programmes d'immobilisation, etc.

J'ai trouvé curieux qu'aucun de vous ne voulait parler de l'opportunité de la stratégie de remboursement de la dette et ne voulait dire s'il y avait un point d'équilibre quant au remboursement de la dette ou s'il fallait se baser sur le ratio endettement-PIB et permettre à la dette d'atteindre un niveau acceptable qui serait compensé simplement par la croissance économique. Je crois qu'il est important de connaître votre opinion sur l'importance de maintenir une stratégie claire et précise de réduction de la dette, ne serait-ce que pour ramener la dette à un niveau acceptable.

• 1220

M. Leonard Eisen: Monsieur le président, en ce qui me concerne, je suis en faveur de la réduction de la dette. Cependant, je crois qu'il faut un équilibre entre la réduction de l'impôt des particuliers et la réduction de la dette. Autrement, nous imposons à nos jeunes un fardeau qu'ils devront porter alors même qu'ils auront à se construire un avenir.

Quel est le montant idéal? Ce serait là l'objet d'un autre débat. Cependant, je suis d'accord pour dire qu'on ne peut compter uniquement sur la croissance du PIB pour atteindre l'équilibre.

L'autre question, c'est qu'en réduisant la dette, on réduit le marché des obligations. On réduit la capacité de financer ou d'investir à mesure que le marché se rétrécie. Par conséquent, je crois qu'il faut un équilibre entre la réduction de la dette et la capacité d'investir à l'étranger et d'augmenter la composante RÉER et autres investissements importants, ce qui favorisera alors l'atteinte d'un certain équilibre. Si l'on regarde vers l'avenir, en tenant compte de la stratégie d'investissement proposée du RPC, on constate qu'il n'y aura pas suffisamment d'investissements de qualité pour satisfaire les besoins des deux régimes de retraite, soit le régime privé et le RPC.

M. Peter Woolford: Monsieur le président, l'année dernière dans notre présentation prébudgétaire, nous avons exprimé certaines préoccupations au sujet de l'équilibre qu'avait atteint le gouvernement. À notre avis, le gouvernement peut encore réduire ses dépenses et consacrer les fonds ainsi récupérés à des dossiers hautement prioritaires.

Nous ne suggérions pas nécessairement que le total de ces revenus soit réduit, mais le gouvernement devait probablement revoir encore une fois l'ensemble de ses dépenses.

Nous sommes résolument en faveur d'une réduction des impôts, pour les raisons que nous avons déjà citées, et appuyons fermement tout effort visant à réduire le niveau de la dette.

Nous sommes cependant opposés à ce que le gouvernement consacre des ressources additionnelles à des dépenses additionnelles. À notre avis, si le gouvernement a des nouvelles priorités en matière de dépenses, ces priorités devraient être financées à même les ressources existantes en prélevant des sommes dans les secteurs à faible priorité pour les consacrer aux dossiers hautement prioritaires.

Le président: Les membres du panel ont-ils d'autres commentaires à formuler?

M. Jack Mintz: Monsieur le président, tout d'abord, je crois que la stratégie du gouvernement dans le dernier budget en ce qui touche son choix de réduite les impôts ou la dette était assez bonne. Le fonds de prévoyance de trois milliards prévu dans le budget, dans la mesure où il respecte l'équilibre budgétaire pour cette année, signifie qu'il y aura automatiquement une réduction de la dette de trois milliards de dollars. Qu'on veuille ajouter un ou deux autres milliards à cette somme pourrait être l'objet d'un autre débat, mais je crois que c'est là une stratégie fort sage, et elle nous permettra de réduire la dette.

Je dois rappeler aux gens ce qu'était le ratio impôt-PIB en 1980 comparé à ce qu'il est aujourd'hui. En 1980 il était d'environ 30 p. cent et était à peine plus élevé que celui des États-Unis. En raison des importants déficits et de l'immense dette accumulée que nous avons créés dans ce pays, nous avons maintenant un ratio impôt-PIB de 37 p. cent, ce qui est beaucoup plus élevé qu'aux États-Unis.

Je crois qu'à mesure que nous réduirons notre dette et notre ratio dette-PIB, même en tenant compte des trois milliards par année du fonds de prévoyance, nous serons en mesure de réduire les impôts. En fait, nous devrions effectivement pouvoir réduire les impôts car il faut se rappeler que la réduction de la dette permettra également au gouvernement de réaliser des économies appréciables sur les frais de la dette puisqu'elle sera moins importante.

Nous pourrons alors envisager une réduction des impôts. La question sera alors de savoir comment nous allons le faire progressivement. Quelle est la meilleure stratégie?

Le gouvernement devra se doter d'un cadre de travail pour réduire progressivement les impôts dans ce pays. Chaque étape que nous franchirons année après année devrait être un petit pas vers la mise en place d'un cadre de travail approprié pour réduire les impôts.

• 1225

Je crois que nous aurons les moyens de payer ces impôts, même si nous ne changeons pas beaucoup le montant des dépenses du gouvernement fédéral, parce que ces frais de la dette publique seront réduits progressivement. Je crois que ce sera là un important élément de la stratégie budgétaire au cours des années à venir.

M. Paul Szabo: Monsieur le président, j'aimerais poser une dernière question et elle portera sur le fonds de l'assurance- emploi. La plupart des gens qui ont parlé d'un quelconque allégement pour les Canadiens optent d'abord pour l'assurance- emploi au lieu d'opter pour une réforme fiscale ou une réduction des taux, simplement parce qu'il est difficile de prévoir combien il en coûterait, même s'il ne s'agissait que de réduire un taux d'un certain pourcentage, comme l'a découvert Mike Harris.

Pour que les gens puissent toucher un montant qui soit raisonnable, il faut réduire les taux d'une manière relativement substantielle.

Je m'interroge au sujet de la motivation. Il me semble que ce qui motive les coupures dans l'assurance-emploi est davantage associé à un surplus théorique qu'à autre chose. Selon l'attitude adoptée, on dit que puisqu'il le faut, réduisons.

Si vous deviez mettre sur pied un programme d'assurance-emploi aujourd'hui, en feriez-vous strictement un programme d'assurance pour lequel des primes seraient prélevées et tout ce qui serait imputé à ce fonds théorique serait les prestations payées et l'administration du programme, c'est tout? Ou s'agit-il en fait d'un système non seulement destiné à offrir la sécurité, l'assurance elle-même, mais qui englobe aussi l'aspect de la création d'emplois, de la formation et du développement, et de toutes les autres choses que font les gouvernements? Je songe par exemple au fonds du millénaire, peut-être à la Fondation pour l'innovation et aux partenariats en technologie, autant de programmes qui sont destinés à promouvoir l'employabilité, et dans certains cas à long terme. Les partenariats en technologie créeraient certainement des emplois à court terme, ce qui allégerait le fardeau et réduirait le chômage.

Je me demande si une partie de la solution au problème de l'assurance-emploi ne consisterait pas à clarifier son objectif et peut-être même la loi qui régit son fonctionnement. Faut-il modifier la loi de manière à refléter les véritables valeurs afin d'éviter de se disputer et de se demander constamment s'il y a quelque part un compte théorique alors qu'en fait les objectifs consistent peut-être non seulement à fournir des prestations aux chômeurs mais également à créer, par exemple, de véritables emplois ou à promouvoir l'employabilité?

M. Peter Woolford: Il me semble qu'il y a plusieurs choses dans cette question. Si en fait il s'agit de trouver des fonds pour financer une gamme beaucoup plus large de mesures, il nous semble que la meilleure façon d'y parvenir, c'est par le biais d'un système fiscal dont les effets seraient plus neutres. Cela nous amènerait tout naturellement, je crois, aux systèmes fiscaux des entreprises et des particuliers, qui sont des instruments progressistes, surtout le volet impôt sur le revenu des particuliers, et nous éloignerait des charges sociales qui, pour les raisons que nous avons déjà évoquées, constituent une moins bonne façon de percevoir des impôts.

Je ne suis pas certain que nous voulions aller dans cette direction. À notre avis, l'assurance-emploi est un programme d'assurance. Il est là pour protéger les personnes en cas de perte d'emploi et je crois que c'est très bien ainsi.

S'il s'agit de continuer à imposer les employeurs et les employés en fonction du salaire, alors il faudrait se limiter à ce volet assurance.

Si le gouvernement veut mettre en place une gamme beaucoup plus large de mesures, alors il faudra recourir à une assiette fiscale élargie, une méthode qui ne doit pas avoir les inconvénients de l'impôt sans égard aux profits, aux revenus ou au bien-être des personnes.

Pr Neil Brooks: J'aimerais répondre à ces commentaires, Monsieur le président.

En ce qui touche les charges sociales, je crois que si nous n'avons pas les taux comme le suggère le comité Mintz, alors il faut simplement en faire une charge sociale. C'est-à-dire que nous ne devons pas prétendre qu'il s'agit d'une prime pour l'assurance sociale. Il ne s'agit que d'une charge sociale et elle est incluse dans l'ensemble des revenus du gouvernement, et comme tout programme du gouvernement, l'assurance-emploi est financée à même les revenus globaux.

C'est très étrange de parler de prime d'assurance-emploi alors que ce n'est pas ça du tout. Il n'y a aucun rapport du tout avec les prestations.

• 1230

Mais je serais en faveur de cela. Je crois que ce que le gouvernement devrait faire, c'est de convertir cette taxe en charge sociale intelligemment conçue. Je ne crois pas que les charges sociales soient si mauvaises. Elles sont en fait des taxes à la consommation. En tant que telles, je dirais qu'elles valent mieux que la TPS, par exemple.

Par conséquent, il me semble que le comité devrait étudier la possibilité de convertir cette taxe en charge sociale complètement dissociée des prestations d'assurance-emploi.

En ce qui concerne la dette, je répéterai simplement ce que j'ai déjà dit, c'est-à-dire que nous parlons quelque fois de réduction de la dette, des impôts, etc., comme s'il n'y avait aucun coût associé à ces choses. Il y a des avantages, et il y a des coûts. La question est de savoir combien nous coûte cette importante dette.

Comme vous l'avez mentionné, l'une des conséquences, c'est que nos taux d'intérêt sont élevés parce que le rapport entre l'endettement et le PIB est très élevé. Le fait est que parce que notre dette est tellement importante, les taux d'intérêt sont plus élevés qu'ils ne devraient l'être puisque le rapport est si élevé. Si nous réduisions la dette, nous pourrions réduire les taux d'intérêt encore plus.

Je dirais que d'une façon générale, je ne crois pas qu'on puisse affirmer que le niveau de la dette d'un pays puisse avoir des effets sur les taux d'intérêt. Encore une fois, pour faire une comparaison simple et directe, il est clair que notre ratio d'endettement est beaucoup plus élevé que celui des États-Unis. Nos taux d'intérêt à court terme sont maintenant moins élevés.

Mais il y a un coût. Vaut-il mieux, en tant que pays, dépenser six milliards de dollars par année pour réduire la dette qui, peu importe le montant, au lieu d'être de 40 p. cent du PIB dans dix ans sera de 40 p. cent du PIB dans sept ans? Peu importe ce que seront les chiffres, vaut-il mieux faire cela, ou vaut-il mieux faire autre chose avec les six milliards? Par exemple, nous pourrions consacrer cette somme au financement d'un programme national de garderie.

Je dirais qu'en fin de compte, à long terme, votre économie sera plus productive, votre société sera plus équitable, et vous aurez davantage de cohésion sociale si vous investissez l'argent dans un programme national de garderie plutôt que de payer la dette. En payant la dette, je ne crois pas que vous aurez obtenu grand chose, franchement.

Le président: J'ai une question en rapport avec les positions du Forum économique mondial à l'égard de la compétitivité du Canada. Nous sommes au cinquième rang. En fait, nous avons perdu un rang. Mais en ce qui concerne la compétitivité du taux d'imposition des entreprises, nous sommes au quarante-troisième rang.

M. Brooks, avez-vous des commentaires à ce sujet? Quelles sont selon vous les implications?

Professeur Neil Brooks: Je ne crois pas que ce soit très bon. Je crois que si l'on regarde ailleurs dans le monde et qu'on compare les taxes que les pays imposent à leurs entreprises, et qu'on compare cela à tout ce que vous voulez, on ne trouve pas vraiment une corrélation.

C'est toujours trompeur de se fier à un instantané, par exemple un an, parce que ces choses changent beaucoup avec le temps.

J'ai compilé ces chiffres juste pour le plaisir. Il est vrai que si l'on prend, par exemple, les pays qui au cours des décennies de 1970 et 1980 ont imposé les taxes les plus lourdes à leurs entreprises (je précise que ces chiffres ne sont pas statistiquement significatifs), on constate qu'il y a corrélation avec la croissance économique. La corrélation avec l'accroissement de la productivité au travail est encore plus évidente. Bien entendu, le pays qui a imposé les taxes les plus élevées à ses entreprises au cours de ces décennies, c'est le Japon.

Il y a toujours un problème lorsqu'on utilise ce genre d'instantané d'une année.

Incidemment, comme vous le savez sans doute, ce rapport est préparé par quelques personnes de Harvard. Ils y jouent un grand rôle, et à l'instar de tout ce qui se passe dans le monde, la plupart des gens diraient que c'est énormément idéologique.

Jack connaît peut-être les chiffres. Je ne les ai pas compilés récemment.

Il y a quelques années, le ministère des Finances a publié un graphique montrant le montant des impôts payés par les entreprises en pourcentage du PIB dans les pays industrialisés, et le Canada était au bas de l'échelle. C'est-à-dire que si vous prenez les charges sociales payées par les employeurs en tant qu'impôt sur les entreprises et que vous percevez toutes ces taxes, le Canada est au bas de l'échelle.

Je n'ai pas analysé ces chiffres récemment. Vous pouvez obtenir des chiffres bruts à partir des statistiques sur le revenu de l'OCDE et faire cela, si vous regardez les tableaux de chaque pays. Mais nous avons toujours été au bas. Je suis donc surpris que nous soyons quarante-troisième dans ce rapport. J'ignore ce qu'ils mesuraient.

M. Jack Mintz: Monsieur le président, beaucoup de chose peuvent expliquer la croissance économique dans un pays, et de nombreux facteurs entrent en ligne de compte. Les impôts en sont un. Ils ne sont pas le seul facteur. En fait, nous avons porté une grande attention à cela dans notre rapport.

• 1235

Certaine des études réalisées par la Banque mondiale et d'autres organismes ont montré que des niveaux élevés d'imposition sur les investissements ont des effets sur la productivité et ralentissent la croissance économique, lorsqu'on tient compte d'autres facteurs.

On ne peut simplement prendre un petit graphique et dire «Voici le taux de croissance d'un pays et voici le niveau d'impôt. Quel rapport y a-t-il entre eux?», parce qu'il y a autre chose. Par exemple, l'Allemagne et le Japon avaient un taux de croissance relativement élevé dans les années 70 et 80. Or, nous savons aussi que dans les années 90, le Japon et l'Allemagne ne sont pas ce qu'on appellerait des stars.

Il y a des choses à expliquer qui vont au-delà du système fiscal. Il y a de grands pays qui ont fait d'importants investissements en éducation et en R-D. Ils ont également fait un certain nombre d'autres choses qui ont favorisé la croissance économique. Les impôts n'ont pas contribué à leur croissance économique. Le haut niveau d'imposition des entreprises n'a pas contribué à leur forte croissance économique.

L'Italie, le Japon, l'Allemagne, ces trois pays ont des impôts élevés. Ils sont plus élevés qu'au Canada. Les autres sont beaucoup moins élevés que nous. Mais ces trois pays envisagent aujourd'hui des réformes fiscales qui permettraient de réduire de beaucoup les taux d'imposition de leurs entreprises.

L'Italie envisage d'éliminer les impôts régionaux sur les entreprises pour les remplacer par une forme de taxe sur la valeur ajoutée sur les entreprises. Cette mesure aurait pour effet de réduire considérablement le taux d'impôt sur les entreprises en Italie.

Le Japon parle d'un taux d'impôt sur les entreprises de 40 p. cent au lieu du niveau actuel, qui est de plus de 50 p. cent.

L'Allemagne a parlé de réforme fiscale. Le processus a été suspendu au cours de l'année dernière pour des raisons politiques. Il faudra voir ce qui se passera après les élections en Allemagne, mais il a été question de réductions importantes des taux d'impôt sur les entreprises.

Ont-ils des effets sur les perspectives de croissance économique et sur la création d'emplois? Absolument. Ça ne fait aucun doute. La plupart des gens ont trouvé cela dans les études et vous le verrez dans toutes les études effectuées au cours des dix dernières années.

Par conséquent, je ne crois pas qu'on puisse dire que les pays qui ont des taux d'impôt élevés connaissent aussi un haut taux de croissance, parce que ce n'est pas ce qui se passe aujourd'hui.

En fait, si l'on regarde des pays comme la Suède et certains autres pays qui ont de meilleurs taux de croissance, ils s'efforcent de favoriser le secteur des affaires dans leur économie. Ils le font en ayant des taux peu élevés et une assiette fiscale élargie. C'est la meilleure façon de faire. C'est ce qu'a fait le Chili, c'est ce qu'a fait la Suède, ainsi que de nombreux autres pays.

C'est ce que dit ce rapport, et nous conseillons aux gouvernements de ce pays, fédéral et provinciaux, de s'orienter dans cette direction.

Le président: J'ai une question d'ordre général sur la fiscalité. Comme vous le savez, nous ferons des recommandations sur l'ensemble de la question de la fiscalité.

J'aimerais que les membres du panel me disent ce que devrait être la priorité pour le prochain budget. Faut-il réduire les primes d'assurance-emploi, les taxes d'accise, la TPS, l'impôt sur les entreprises, ou l'impôt sur le revenu des particuliers? Quel serait l'équilibre idéal entre ces taxes, et ce comité doit-il recommander une réduction générale des taxes?

Qui veut commencer?

M. Leonard Eisen: Je ferai le premier pas, Monsieur le président.

Il semble que le moteur de l'économie, c'est le consommateur. Tant que le consommateur n'aura pas plus de revenu disponible, la croissance et le besoin de produits et de productivité seront limités.

En réponse à votre question d'ordre général, je suppose qu'on pourrait répondre oui à tout, mais il me semble au départ que le consommateur doit disposer de plus de revenus disponibles. Malgré ce qu'a dit le Pr Brooks, il faut offrir des avantages aux entreprises pour qu'elles investissent et continuent de croître. Il faut pouvoir élaborer un concept visant à favoriser l'investissement, l'expansion et la modernisation pour devenir plus efficace et concurrentiel.

Nous avons vu ce qui est arrivé dans le secteur de la vente au détail lorsque les grandes entreprises américaines sont venues au Canada. De nombreuses entreprises ont fermé parce qu'elles n'avaient pas les ressources pour faire face à la concurrence.

• 1240

En réponse à votre question, si j'avais le choix, je commencerais par réduire l'impôt sur le revenu des particuliers, je favoriserais une certaine réduction des contributions de l'employeur à l'assurance-emploi, et je réduirais la dette, une mesure à trois volets.

M. Peter Woolford: Brave membre d'association qui est en désaccord avec sa présidence, mais j'aimerais bien ajouter quelques idées.

Leonard a très bien décrit la situation. Nous croyons que la première chose à faire serait du côté de l'impôt sur le revenu des particuliers.

Dans son analyse du programme d'assurance-emploi, le comité voudra aussi tenir compte du fait qu'il s'agit effectivement d'une taxe régressive. Elle pèse relativement plus lourd sur les Canadiens à faible revenu que sur les Canadiens à revenu élevé. C'est là une partie du fardeau auquel je faisais référence dans ma réponse à M. Perron. Ne serait-ce que pour cette seule raison, le comité doit étudier cette question très attentivement.

Le comité et le gouvernement voudront aussi analyser ce que le gouvernement a fait à la fin des années 80. Il a introduit un certain nombre de changements relatifs à l'impôt sur le revenu des particuliers, en 1988 je crois, et a ensuite instauré la taxe sur les produits et services en 1990. Les Canadiens n'ont pas compris les conséquences du compromis implicite ou l'équilibre que tentait d'atteindre le gouvernement à l'époque.

Je soulève cette question parce que si le gouvernement désire apporter quelques modifications du côté de l'impôt sur les entreprises, il serait probablement logique de proposer un ensemble de mesures équilibrées, même si elles s'étendent sur plusieurs années, car s'il y a des modifications que ce comité ou le gouvernement croit qu'il faut apporter du côté des entreprises en même temps que des modifications à l'impôt sur le revenu des particuliers ou au système d'assurance-emploi, je crois que pour vendre ces mesures aux Canadiens et faire accepter les éléments les plus difficiles à vendre, ce serait logique de les inclure dans un ensemble de mesures.

Les modifications n'ont pas toutes à être introduites en même temps, mais si le gouvernement entend introduire des modifications du côté des entreprises, il serait logique de les inclure dans les modifications qu'il planifiait du côté des particuliers afin que ces mesures soient harmonisées. C'est une simple question de tactique et non une considération d'ordre fiscal.

Professeur Neil Brooks: Je crois que le problème n'est pas que nos impôts sont trop élevés; je crois que le problème, c'est que notre système fiscal n'est pas adéquat et qu'il y a beaucoup à faire pour le rendre adéquat, et pour ce faire, certaines recommandations du rapport Mintz devront être appliquées.

Encore ici, je dois préciser qu'il ne suffit pas de réduire les impôts et les services gouvernementaux pour améliorer le sort des gens. Tout ce que cela ferait, c'est que plutôt que d'obtenir des produits et des services du secteur public par le biais des impôts, vous forcez les gens à payer pour ces produits et services en payant un prix. Nous avons appris cela en Ontario. Je ne crois pas que quiconque en Ontario suggérerait que la réduction des impôts a amélioré son sort, parce que maintenant, ils dépensent leur argent sur toutes sortes de produits et services qui étaient fournis par le gouvernement.

Je suis bénévole dans une école publique et le constat est dramatique. On sabre les classes adaptées dans les écoles, ce qui veut dire que les parents doivent payer eux-mêmes les services spécialisés pour leurs enfants. Leur sort ne s'est pas amélioré, il s'est considérablement détérioré.

Lorsque les gens disent, par exemple, «Nous n'avons pas les moyens de nous payer un programme national de garderie financé par notre système fiscal», je n'ai aucune idée de ce qu'ils veulent dire. Croient-ils que nous ne payons pas actuellement pour les services de garderie? Bien sûr que nous payons. Mais nous les payons sous forme de prix, individuellement, ou nous forçons en fait les femmes, dans la plupart des cas, à le faire sans salaire à domicile.

Par conséquent, au lieu de répartir le coût des services de garderie, dont nous bénéficions tous équitablement par le biais du système fiscal, ce que nous faisons, c'est que nous l'imposons simplement aux gens qui ne peuvent éviter les coûts. Nous n'avons rien épargné, nous n'avons que transféré les coûts.

Je m'en suis pris à Jack, alors permettez-moi de m'en prendre à des gens qui ne sont pas ici pour se défendre et m'insulter.

Mes parents, qui sont tous deux à la retraite, vivent d'une rente de l'État. Ils vivent relativement bien, je dois l'admettre, des rentes de l'État. J'ai un choix. Devrais-je payer davantage d'impôt et permettre à mes parents de vivre d'une rente de l'État, ou devrais-je payer moins d'impôt et héberger mes parents? Vous voyez ce que je veux dire? Ce choix est très simple à mon avis, et encore plus simple aux yeux de mes parents, je dois dire, sans vouloir les accabler.

Nous bénéficions de services d'une très grande valeur grâce à nos taxes. C'est le moyen qui nous permet de décider comment nous nous fournissons collectivement des produits et des services à nous-mêmes, et de façon générale, je crois que nous obtenons certains des services les plus précieux par le biais du secteur public. Quant à moi, je suis d'accord pour les payer. Quiconque pense qu'en réduisant les impôts on épargne l'argent des gens fait une énorme erreur. Ce qui m'inquiète, c'est qu'en faisant cela, nous détruirons non seulement le tissu social de ce pays mais certains des meilleurs services dont nous bénéficions.

• 1245

Le président: Donc, Vous ne trouvez pas que les impôts sont élevés?

Professeur Neil Brooks: Non. Absolument pas. Nos impôts ne sont pas trop élevés. Ils sont tout simplement mal répartis et nous pourrions corriger le système afin d'en éliminer certaines lacunes, mais encore une fois, comme chacun sait, d'après les normes internationales, nos impôts sont inférieurs à la moyenne et, traditionnellement, ont toujours été bien plus bas. De plus, ils ne sont élevés qu'en ce moment, et nous nous trouvons encore en dessous de la moyenne des pays industrialisés, et cela parce que nous devons assumer le fardeau énorme des frais d'intérêt. Nous remboursons la dette, et c'est cela qui fait mal.

Tout le monde connaît l'origine de ce problème. C'est la politique monétaire adoptée par le gouvernement conservateur, vers la fin des années 80, et la réduction d'impôt consentie par le gouvernement dans les années 70. J'hésite maintenant à dire quoi que ce soit au sujet de Jack, parce que je ne veux pas le calomnier. Nous sommes des amis et je suis surpris de sa réaction, c'est-à-dire qu'il a réagi en prenant mon commentaire de façon personnelle. Je l'ai tout simplement vu assis là et...

M. Jack Mintz: Veux-tu vraiment continuer sur cette lancée, Neil?

Le président: Justement, professeur Brooks, je tenais simplement à vous dire qu'il n'y a pas de vol en première classe entre Toronto et Ottawa. Il n'y a que des vols de classe affaires.

Professeur Neil Brooks: La classe affaires. C'est ce que je voulais dire. Pourquoi diable est-ce que nous subventionnons la classe affaires? C'est de cela qu'il s'agit... J'en ai assez de...

M. Jack Mintz: Bon, venons-en au fait.

Professeur Neil Brooks: D'accord.

Le président: Quelles sont les priorités dans le prochain budget? Sur quoi devrions-nous concentrer nos efforts? Vous avez abordé divers sujets, mais je ne comprends toujours pas à quoi vous voulez en venir.

Professeur Neil Brooks: Monsieur le président, je suis venu faire des commentaires sur le rapport du comité Mintz. Si vous voulez que je revienne et que je vous explique de quelle façon le gouvernement devrait dépenser les fonds publics, ce sera avec plaisir.

Il me semble que l'un des pires aspects de cet exercice est cet effort pour cibler les programmes de dépenses publiques. En essayant d'économiser de l'argent à même la pension de vieillesse, je pense que l'on ne fera qu'empirer les choses à tous les niveaux. Je réinjecterais ces sommes dans ces programmes pour qu'ils redeviennent universels, y compris la sécurité de la vieillesse. Quel désastre ce sera. Et de fonder cela sur le revenu familial...

Ce comité a tort, aussi je préfère vous le dire. Le comité pensait peut-être bien faire en présentant au gouvernement son dernier rapport dans lequel il suggérait de viser un taux nul d'imposition ou de limiter la nouvelle augmentation à zéro, ou encore en disant que nous devrions cibler... Vous avez ciblé deux ou trois programmes en disant que l'on devrait les réimposer ou les éliminer progressivement. Cette approche crée d'énormes complications dans notre régime fiscal. Et elle entraîne aussi des inefficacités énormes et a pour effet de décourager beaucoup de monde. Vous voyez des gens qui gagnent 25 000 $ se faire imposer à des taux incroyablement élevés, beaucoup plus élevés que ceux que doivent subir les personnes à haut revenu en raison de ces stupides suppressions progressives de programmes.

Je commencerais par mettre fin à toutes ces suppressions progressives. Vous ne nuisez pas tellement aux personnes à revenu élevé lorsque vous élevez légèrement leur taux d'imposition marginal et qu'en fait vous rétablissez les problèmes sociaux pour leur bénéfice. Je commencerais par éliminer tout un tas de choses que vous avez recommandées dans votre dernier rapport. Ensuite, je serais extrêmement ravi de revenir ici et de vous en parler, puisque vous me le demandez.

M. Jack Mintz: Il me semble que je dispose du même angle privilégié que le professeur Brooks, puisque je ne m'attendais pas à discuter de réduction d'impôt aujourd'hui. J'aurai probablement beaucoup à dire sur ce sujet un jour, mais pas en ce qui concerne notre rapport.

Pour revenir à ce que nous suggérons, du moins en ce qui concerne l'impôt des sociétés, il est possible d'améliorer énormément le régime fiscal sans nécessairement réduire les revenus. Il s'agit réellement d'un des points centraux de notre rapport. Si vous décidez de réduire légèrement l'impôt des sociétés afin de mieux faire passer le rapport parce que vous créez davantage de gagnants de cette façon et que vous réduisez le nombre de perdants, je pense que c'est possible et sans que le prix à payer soit trop élevé. Mais je ne pense pas que je m'en ferais à ce point à ce sujet, parce que dans le fond, nous ne faisons que suggérer qu'il serait possible d'améliorer les choses à plusieurs égards.

Pour ce qui est de l'assurance-emploi, je ne peux qu'être d'accord avec les témoins qui m'ont précédé et qui ont mentionné ce point. Si nous voulons que l'assurance-emploi repose sur le principe de l'assurance, dans le cas la tarification personnalisée que nous recommandons dans notre rapport serait tout à fait indiquée, de même que la réduction de la prime moyenne de l'employeur et de l'employé pour équilibrer le fonds parce que vous n'avez pas besoin d'accumuler un surplus qui soit trop important. Donc, si nous optons pour le principe de l'assurance, c'est cette approche que je privilégierais. Je pense qu'en priorité il faudra effectuer des réductions dans le programme de l'assurance-emploi.

Si vous ne voulez pas gonfler le compte, disons, et si vous voulez cesser d'appliquer le principe de l'assurance, dans ce cas je pense que le professeur Brooks a absolument raison. Les charges sociales liées à l'assurance-emploi imposées actuellement sont désastreuses. Elles sont complètement disproportionnées. Si vous devez imposer des charges sociales, il vaut mieux le faire de manière générale. Je suis tout à fait d'accord sur ce point. Toutefois, vous devez examiner cette mesure relativement aux autres charges et voir si c'est bien le niveau d'imposition que vous désirez ou fixer les cotisations sociales au niveau souhaité.

• 1250

En ce qui concerne l'assurance-emploi, il me semble qu'en priorité il faudrait penser à réduire le niveau des cotisations à cet égard. Selon moi, nous devrions maintenir le principe de l'assurance et réduire les cotisations.

Si vous voulez passer à la tarification personnalisée, comme nous le suggérons dans notre rapport, il faudra attendre un certain temps pour instaurer ce système. Il faut en quelque sorte retarder certaines diminutions de cotisations avec l'idée que vous finirez par accorder une prime à un certain moment grâce au système de la tarification personnalisée.

Pour ce qui est de la réduction du taux d'imposition sur le revenu des particuliers, je répète que si vous voulez intervenir à cet endroit, vous allez créer un autre point de compression. Il faut se rappeler que nous prélevons tellement d'impôt sur le revenu des particuliers dans ce pays que nous serons en mesure de nous permettre des réductions d'impôt avec le temps, une fois que nous aurons réglé le problème de l'assurance-emploi. Nous disposerions alors de suffisamment de marge de manoeuvre en ce qui concerne la réduction des frais de la dette publique pour pouvoir alléger vraiment le fardeau des particuliers et le ramener à un niveau que nous avons déjà connu.

Mais pour pouvoir réduire l'impôt sur le revenu des particuliers, je suggère que si nous voulons simplement alléger le fardeau des particuliers à très faible revenu ou à revenu moyen de moins de 40 000 $, les résultats ne seront pas très intéressants par rapport à ce que l'on obtiendrait en procédant à une réduction des cotisations relatives à l'assurance-emploi pour les employés.

Le résultat est à peu près le même. Aussi, selon moi, les réductions de l'impôt sur le revenu des particuliers sont vraiment importantes lorsque vous commencez à frapper certains revenus plus élevés. Cela deviendra un point de pression, à cause des problèmes qui existent aux États-Unis.

Neil Brooks a déclaré que nous nous situons un peu en dessous de la moyenne pour ce qui est du ratio du taux d'imposition par rapport au PIB par comparaison avec la plupart des pays de l'OCDE. Il a raison. Nous nous situons dans la moyenne. Mais notre taux est de beaucoup supérieur à celui des États-Unis et cela crée des points de pression qui résultent du type d'intégration économique que nous avons instauré avec les États-Unis et qu'il est impossible de modifier. C'est ainsi que cela fonctionne aujourd'hui dans le monde. Ramener les taux d'imposition sur le revenu des particuliers à des niveaux plus bas deviendra une priorité.

Je reviens sur cette idée du surplus que nous pourrions utiliser pour réduire les cotisations à l'assurance-emploi, mais peut-être que vous préféreriez retarder cela et opter plutôt pour la tarification personnalisée. Quant à moi, je choisirais de réduire l'impôt sur le revenu des particuliers parce que nous serons en mesure de le faire sans nuire aux lignes de dépense des gouvernements. Je ne pense pas que nous devrions commencer à dépenser des fortunes et ne pas réduire du tout les impôts alors que les frais de la dette publique diminuent.

Nous disposons toujours d'excellents programmes sociaux dans ce pays, à mon avis, et d'investissements sommaires dans les soins de santé et l'éducation. Je suis même d'accord avec certains commentaires de Neil qui voulait que l'on cible un peu moins certains de ces programmes sociaux. Nous les avons trop comprimés avec le temps. Il me semble que nous pouvons nous le permettre en plus de procéder à des réductions d'impôt.

À mon sens, la stratégie consiste à aborder ces trois aspects d'une manière sensée.

M. Dick Harris: Monsieur le président, je ne dormirai pas bien cette nuit si je ne prends pas la peine de dire à M. Brooks qu'il me rappelle Maureen Maloney, cette dame de la Colombie-Britannique qui a déclaré il y a un certain temps qu'elle était intimement convaincue que le succès en affaires et la création de la richesse étaient simplement une question de chance et n'avaient absolument rien à voir avec le dur labeur et les bonnes décisions d'affaires.

Selon moi, un impôt, quel que soit le nom qu'on lui donne, est toujours un impôt, qu'il s'agisse d'une cotisation sociale, d'un impôt sur le revenu des particuliers ou d'un impôt sur les sociétés. Un impôt est et restera toujours un impôt. Monsieur Brooks, il y a tellement de faits à l'appui qui indiquent clairement qu'en abaissant les impôts on contribue à l'économie en augmentant les dépenses des consommateurs. Les gens disposent d'un revenu imposable supérieur. Les impôts plus bas stimulent l'économie en augmentant les dépenses des investisseurs et leur croissance, ce qui contribue à créer de l'emploi, et aussi à augmenter les recettes fiscales par l'entremise de la vente de biens et de services. Et plus important encore, une diminution des impôts contribue à améliorer la compétitivité de notre pays dans la fourniture de biens et de services sur les marchés internationaux.

• 1255

Dans tout ce que vous venez de dire, vous ne tenez aucun compte des faits historiques qui sous-tendent cet énoncé. Je trouve même une partie de votre témoignage proprement étonnante. Laissez- moi seulement, suggérer que quatre facteurs minent la crédibilité de vos commentaires.

Vous n'avez sans doute jamais eu à assurer le service de la paie, que ce soit en période faste ou moins faste. Essayez pour voir lorsque les temps sont difficiles. Vous n'avez sans doute pas non plus eu à respecter les conditions d'un fournisseur pour la livraison de produits dans une entreprise. Et, sans doute que vous n'avez jamais eu à vous asseoir avec votre comptable pour établir une stratégie commerciale pour l'année à venir afin d'essayer d'améliorer vos résultats nets pour ne pas avoir à licencier d'employés. Mais, plus que toute autre chose, vous n'avez probablement jamais eu à rencontrer votre banquier à la fin de l'exercice pour lui expliquer pour quelle raison vos plans n'ont pas fonctionné et pour tenter de le convaincre de collaborer avec vous encore une autre année.

C'est plutôt un commentaire, monsieur le président, mais comme je l'ai mentionné, je n'aurais pas dormi de la nuit si je n'avais pas donné libre cours à ma pensée.

M. Nelson Riis: Monsieur le président, j'aimerais répondre à mon ami, M. Harris. Je comprends qu'il ferait de l'insomnie s'il ne faisait pas de tels commentaires.

Nous invitons des témoins à venir nous faire part de leurs opinions. Je pense qu'il est juste d'affirmer que nous ne partageons pas toujours leurs points de vue. Mais, à mon sens, il est de mauvais goût et déplacé de critiquer un témoin pour quelque raison que ce soit, insomnie ou pas. Nous serions tous bien avisés d'écouter ce que nos témoins ont à nous dire et de les questionner le cas échéant. Mais, prendre un témoin à part et lui dire que ses commentaires ne sont pas pertinents parce qu'il n'a pas d'expérience dans les affaires est, bien franchement, une erreur.

Je n'ai pas demandé à M. Mintz quelle était son expérience du monde des affaires et, sincèrement, ça ne m'intéresse pas. Il n'est pas nécessaire de mettre la main dans le feu pour savoir que cela brûle. Je pense qu'il est juste de dire que nous pouvons comprendre ce qui est bien et ce qui ne l'est pas sans en avoir une expérience directe.

Je devais m'exprimer monsieur le président parce que nous commençons cette ronde de consultations préalables au budget et que ce processus va prendre plusieurs mois. Si nous nous permettons d'attaquer nos témoins sur des questions personnelles, il me semble que c'est commettre une erreur.

Le président: Je vous remercie, M. Riis. Merci à vous, M. Harris.

Et merci aussi aux membres du comité pour leur participation aux audiences. Comme vous le savez, nous nous engageons dans un processus assez long et nous aurons l'occasion d'entendre divers points de vue très intéressants et utiles qui nous permettront d'adopter une perspective différente lorsque viendra le moment de faire les meilleures recommandations possible en vue du prochain budget. Merci encore une fois.

La séance est levée.