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FINA Réunion de comité

Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.

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STANDING COMMITTEE ON FINANCE

COMITÉ PERMANENT DES FINANCES

TÉMOIGNAGES

[Enregistrement électronique]

Le mardi 9 juin 1998

• 0902

[Traduction]

Le président (M. Maurizio Bevilacqua (Vaughan—King—Aurora, Lib.)): Je déclare la séance ouverte. Bienvenue à tous ce matin.

Comme vous le savez, conformément au paragraphe 108(2) du Règlement, le comité reprend aujourd'hui ses consultations prébudgétaires.

Ce matin, c'est avec plaisir que nous accueillons les témoins suivants: M. Robert Waite, vice-président, Relations d'entreprise et marketing, CAE Inc.; de l'Association des universités et collèges du Canada, M. Robert Giroux, président; de la Fondation canadienne pour l'innovation, M. Denis Gagnon, vice-président principal; de l'Association des industries aérospatiales du Canada, M. Peter Smith, président et directeur général; et de l'Association médicale canadienne, le Dr Victor Dirnfeld, président.

Bienvenue, messieurs. Comme vous le savez—ce n'est pas votre première visite ici—vous disposez d'environ 10 à 15 minutes pour nous faire un exposé. Ensuite, nous passerons à une période de questions-réponses.

Voulez-vous commencer, monsieur Waite? Bienvenue.

M. Robert Waite (vice-président, Relations d'entreprise et marketing, CAE Inc.): Bonjour, monsieur le président et distingués membres de ce comité. Je tiens à vous remercier de l'occasion qui m'est offerte de participer à cette consultation prébudgétaire très importante et je vous félicite d'entamer le processus plus tôt cette année, ce qui, j'en suis sûr, profitera à toutes les parties.

On a distribué mon mémoire intégral et je vais donc m'en tenir à un résumé maintenant.

Je représente CAE, une société de technologie de pointe, exploitée et détenue par des Canadiens et des Canadiennes, laquelle dépense annuellement près de 100 millions de dollars en R-D, engage entre 400 et 500 diplômés d'université, et est en mesure de livrer concurrence avec succès à l'échelon mondial, dans les marchés sectoriels qu'elle dessert.

Pour CAE, la main-d'oeuvre de l'avenir est chez nous aujourd'hui. Nous employons plus de 1 600 ingénieurs de logiciels, ainsi que des centaines d'autres employés hautement qualifiés, possédant une formation dans le génie industriel et mécanique, les facteurs humains, les mathématiques et d'autres domaines.

Du côté de l'offre et selon notre propre expérience, de très bons candidats compétents sortent des universités et des instituts polytechniques du Canada.

• 0905

Chez CAE, à notre échelle, nous faisons certainement ce que nous pouvons pour faciliter la dotation en ressources humaines, car nous contribuons à créer un intérêt pour les sciences, les mathématiques et la technologie parmi les jeunes Canadiens. Nous le faisons en appuyant les programmes d'éducation, les camps de vacances d'été, les expositions et les parrainages. Nous avons choisi en particulier de mettre l'accent sur les élèves de sixième et septième années car, selon les recherches, c'est à cet âge qu'un grand nombre de jeunes, notamment les jeunes filles, s'éloignent des sciences.

Chez CAE, nous réussissons à attirer des candidats compétents. Le problème, c'est qu'il faut de deux à trois ans de formation et d'expérience pratique pour que ces nouvelles recrues soient vraiment productives et que trop d'entre elles, après quatre ou cinq ans seulement, sont recrutées par d'autres entreprises, souvent aux États-Unis où on leur offre des salaires sensiblement plus élevés, des perspectives de revenu après impôt beaucoup plus élevé et une liste innombrable d'avantages qui dissipent les craintes qu'elles pourraient avoir à propos des différences réelles ou perçues en matière sociale, de soins de santé ou de sécurité personnelle entre nos deux pays.

C'est une situation dont CAE et le Canada sortent perdants. Le Canada y perd, parce que le contribuable canadien a investi énormément pour instruire ces personnes—en versant des subventions d'études qui s'élèvent à des dizaines de milliers de dollars par étudiant en plus du coût global de leur instruction. Nous y perdons car les sociétés comme CAE ont également investi des milliers de dollars supplémentaires dans la formation... pour assister au départ de l'employé qui emporte sa formation et son expérience de l'autre côté de la frontière... parfois au profit d'un concurrent direct.

Mais surtout nous y perdons tous, car lorsque ces personnes nous quittent, elles emportent avec elles leurs capacités d'innovation, leur esprit d'entreprise et leur énergie. Ce sont précisément les caractéristiques et les personnes dont nous avons besoin pour amener l'économie du Canada avec succès dans le XXIe siècle.

Quels sont les chiffres? C'est difficile à dire. Les estimations varient de 30 000... à plus de 100 000, selon John Thompson, directeur des études canadiennes de l'Université Duke.

Que pouvons-nous faire? Une réponse simpliste consiste à relever les salaires, et nous-mêmes et d'autres sociétés canadiennes de haute technologie l'avons déjà fait. Mais il y a une limite à ce que l'on peut faire à cet égard, et surtout, une augmentation de salaire ne résout pas certains problèmes plus fondamentaux.

Tout d'abord, nous avons besoin d'examiner sérieusement la possibilité d'une baisse des taux d'impôt sur le revenu des particuliers dans notre pays. Au Canada, nous avons l'habitude de positionner notre situation fiscale dans le contexte global de l'OCDE ou des Sept Grands. Mais la réalité est que nous faisons surtout concurrence aux États-Unis pour le recrutement... et non pas à la Suède, la France ou l'Italie.

Or, l'écart est considérable, surtout si vous tenez compte du fait de la déductibilité des intérêts sur les prêts hypothécaires résidentiels et du fait que la plupart des gens qui quittent le Canada pour des emplois de haute technologie ne vont pas s'installer dans des territoires ayant des taux d'impôt élevés, comme New York, mais dans des territoires où l'impôt est faible ou nul, comme le New Hampshire, le Texas ou la Floride.

Et il nous faut également repenser notre définition de revenu faible, moyen et élevé. Au Canada, l'idée qu'un salaire de 65 000 $ doit être assujetti au taux d'impôt marginal le plus élevé, c'est- à-dire 53 p. 100, alors qu'aux États-Unis, le taux le plus élevé, 40 p. 100, ne commence que lorsque le revenu atteint 350 000 $, crée évidemment un déséquilibre et, à l'autre extrémité du spectre, les Canadiens peuvent être assujettis à l'impôt dès qu'ils gagnent un revenu annuel de 12 836 $ alors qu'aux États-Unis le chiffre est de 24 675 $.

En second lieu, il nous faut songer à fournir des encouragements à ceux qui ont été instruits au Canada aux frais des contribuables pour qu'ils restent au Canada. Peut-être l'un des mécanismes pourrait être de permettre à ceux qui restent de radier les coûts de leur instruction postsecondaire en suivant la méthode de report prospectif pendant une période prolongée, peut-être cinq ans ou même plus.

En troisième lieu, il faut reconnaître qu'un revenu plus élevé n'est pas la seule chose qui compte pour les travailleurs techniques hautement qualifiés. Ils recherchent également un travail captivant et représentant un défi. En fait, une étude récente menée par l'Association canadienne de technologie de pointe a classé le «défi du travail» comme étant le motif numéro un de ceux qui restent au service d'une entreprise. Pour la majorité de la population de haute technologie, «un travail qui représente un défi» signifie de la R-D et travailler à des produits et des applications de la prochaine génération.

Donc, ma troisième recommandation serait qu'il faut conserver et même renforcer le programme de crédit d'impôt pour la R-D. Nous demanderions également que le programme Partenariat technologique Canada, qui n'a bénéficié d'aucun financement supplémentaire dans le dernier budget, soit accru pour permettre aux sociétés de technologie de concurrencer les rivaux qui actuellement ont des avantages sensibles, par le biais du financement de la recherche du gouvernement axée sur la défense nationale ou d'autres formes de subvention directe de la part de l'État.

Ce sont là les domaines où vous nous prions instamment de reprendre des mesures: la réduction d'impôt pour les particuliers; le report d'impôt pour les frais d'instruction plus élevés; le maintien des investissements du gouvernement dans la R-D. Bref, nous avons besoin d'investir dans l'avenir du Canada en faisant ce qu'il faut pour nous assurer que nos ressources les plus précieuses, à savoir nos hommes et nos femmes les meilleurs et les plus brillants, trouvent ici même un travail intéressant et gardent la part qui leur revient des fruits de leur labeur.

• 0910

Je citerai le ministre de l'Industrie, John Manley, qui a dit lors de la Softworld Conference à Vancouver le 10 septembre 1997:

    Les institutions, les entreprises, les fonds, les équipes, tout est important... mais l'élément essentiel dans une communauté de haute technologie prospère, c'est le facteur humain. La haute technologie est un secteur qui prospère ou périt selon les personnes qui le composent.

Je demanderais au gouvernement d'utiliser au moins une partie du dividende fiscal pour aider les sociétés de haute technologie du Canada non seulement à survivre, mais à prospérer. Cela rapportera des dividendes encore plus grands pour tous à l'avenir.

Merci, monsieur le président.

Le président: Merci, monsieur Waite, de cet excellent exposé.

Nous allons maintenant passer au représentant de l'Association des universités et collèges du Canada, M. Robert Giroux. Bienvenue, monsieur.

[Français]

M. Robert J. Giroux (président, Association des universités et collèges du Canada): Monsieur le président, permettez-moi de vous exprimer ma gratitude pour nous avoir invités à comparaître devant vous aujourd'hui. Votre comité a contribué à placer l'éducation, le savoir et l'innovation au rang des priorités du gouvernement fédéral. Nous espérons que vous continuerez à exercer pareil leadership tandis que le Canada se prépare à affronter les défis du prochain millénaire.

Vous nous avez invités à vous suggérer les meilleurs usages à faire de la marge fiscale afin que des investissements stratégiques assurent la réussite du Canada dans la nouvelle économie. Vous nous avez aussi demandé de le faire en pensant à l'exode des cerveaux.

Tout d'abord, nous devons vous dire que le gouvernement est sur la bonne voie. Dans les deux derniers budgets, il a annoncé plusieurs initiatives conçues pour équiper les Canadiens et les Canadiennes avec les outils propres à les faire réussir dans la société du savoir, qui sera celle du prochain millénaire. D'abord avec la Fondation canadienne pour l'innovation dans le budget de 1997 et ensuite avec la Stratégie canadienne pour l'égalité des chances dans celui de cette année, le gouvernement fédéral a montré sa volonté de veiller à ce que la société canadienne dispose du capital intellectuel nécessaire pour prospérer dans une économie mondiale basée sur le savoir.

[Traduction]

L'exode des cerveaux: Quelle est notre expérience? À cet égard, j'aimerais vous faire part de l'expérience des universités canadiennes relativement au phénomène de l'exode des cerveaux.

Monsieur le président, les universités canadiennes ont de la difficulté à retenir les professeurs d'expérience. D'après notre analyse, nous perdons des chercheurs à mi-chemin dans leur carrière, souvent leur période la plus productive. Beaucoup sont des chefs d'équipe et jouent un rôle clé dans la formation de la prochaine génération de chercheurs.

L'an dernier, l'AUCC a effectué deux enquêtes pour se faire une idée des allées et venues et des destinations des diplômés récents et des professeurs. Quant à savoir pourquoi ces derniers quittent le pays, voici les raisons invoquées le plus souvent: des salaires plus élevés; plus de ressources—profiter d'une meilleure infrastructure et d'un meilleur soutien, sous forme d'assistants et de techniciens de laboratoire; l'accès à l'aide à la recherche; la possibilité de profiter de la présence d'une masse critique de collaborateurs en recherche; une charge d'enseignement réduite.

La conclusion est que, trop souvent, nous ne créons pas un environnement qui offre des perspectives de carrière intéressantes à nos meilleurs étudiants et chercheurs. Leur capacité de poursuivre des études et de faire de la recherche de pointe est brimée.

Les raisons de la médiocrité de l'environnement, surtout en comparaison avec les États-Unis, sont les suivantes: d'abord, le manque de financement de base pour nos universités, comparativement aux établissements américains (nous avons joint un tableau qui montre l'écart croissant entre le Canada et les États-Unis, monsieur le président); deuxièmement, l'amélioration constante du financement de la recherche aux États-Unis, comparée aux contraintes budgétaires de nos conseils subventionnaires; et troisièmement, un soutien plus généreux des étudiants diplômés.

Le pire est que souvent, ceux qui décident de partir ont épuisé les possibilités ici. Ils ont de meilleurs débouchés professionnels à l'étranger et en particulier aux États-Unis. Le résultat est que le Canada est devenu une pépinière d'excellents chercheurs pour les États-Unis, et d'autres pays.

La solution que nous voyons au problème est très simple: continuer d'investir dans le capital humain pour mieux pouvoir attirer, former et retenir un personnel de haute compétence qui travaillera au Canada et créer un environnement où des Canadiens et Canadiennes hautement spécialisés pourront se réaliser chez eux. Voilà le moyen idéal de favoriser un climat d'innovation.

• 0915

[Français]

J'aimerais maintenant vous parler des défis auxquels nous faisons face dans le secteur universitaire. Voyons d'abord la question des utilisations possibles de la marge financière qu'a dégagée le gouvernement fédéral.

Notre objectif est de cerner des problèmes qui demandent notre attention de toute urgence parce qu'ils nuisent à notre capacité d'innover et de tourner les forces de la société mondiale du savoir à notre avantage. J'aimerais parler de la recherche universitaire. La capacité des universités d'attirer et de retenir des chercheurs de classe mondiale est un facteur déterminant de la capacité d'innover du pays.

La recherche qui débouche sur de nouvelles idées, de nouveaux procédés et produits et de nouvelles politiques et qui est un milieu de formation de personnel hautement qualifié, est la fondation sur laquelle on peut asseoir un système performant d'innovation sociale et économique et une société humanitaire.

L'expérience des dernières années a montré que les forces de la mondialisation menacent notre cohésion sociale en creusant les inégalités sociales. Il nous faut des politiques sociales novatrices pour lutter contre ces inégalités. Il faut entre autres mobiliser les ressources intellectuelles de nos spécialistes des sciences sociales et humaines contre le problème.

La perspective d'avoir des chances d'obtenir un soutien à la recherche de niveau international détermine la capacité des universités d'attirer et de retenir un personnel enseignant de qualité. Les deux derniers budgets ont renversé le mouvement à la baisse de l'aide fédérale à la recherche universitaire. Néanmoins, le niveau de l'aide à la portée de nos chercheurs, toutes disciplines confondues, est encore loin de soutenir la comparaison avec ce dont disposent nos confrères américains. Ils ont accès à considérablement plus de ressources pour les frais directs et indirects de la recherche et pour l'aide à la formation en recherche des étudiants diplômés.

[Traduction]

Permettez-moi, monsieur le président, de traiter brièvement de la question de l'éducation internationale.

Le Canada est un pays commerçant. Notre avenir continuera de dépendre du commerce et surtout de l'exportation de produits et de services de plus en plus perfectionnés vers des partenaires commerciaux de plus en plus divers. Pour prospérer dans le prochain siècle, il faut étendre le commerce vers l'Amérique latine, l'Asie et d'autres régions de la planète avec lesquelles nous n'avons eu jusqu'ici que peu de contacts. Beaucoup sont des régions dont les Canadiens et Canadiennes savent très peu de choses et qui ne nous connaissent pas non plus comme nous le voudrions.

Le Canada est reconnu pour l'aide qu'il apporte aux pays en voie de développement. Cette réputation lui permet d'accroître son influence sur la scène internationale. Malheureusement, les coupures aux programmes d'aide au développement qu'administre l'ACDI minent l'influence du Canada sur la scène mondiale. Le gouvernement fédéral doit accorder à l'ACDI les ressources qui lui permettent d'aider les pays sous-développés à réaliser leur potentiel. Comme pour notre propre développement socio-économique, l'éducation est un élément clef de cette stratégie.

Nos investissements en éducation internationale peuvent apporter un soutien intellectuel essentiel à notre politique étrangère ainsi qu'à notre politique de commerce international. Des investissements accrus axés sur l'éducation internationale pourraient servir à mieux faire comprendre les sociétés étrangères en investissant dans les études régionales; promouvoir la connaissance du Canada à l'étranger en attirant un plus grand nombre d'étudiants étrangers et en soutenant plus généreusement les programmes d'études canadiennes à l'étranger; permettre aux Canadiens et Canadiennes d'acquérir une expérience personnelle d'autres cultures au moyen de programmes de mobilité des études interuniversitaires ou de programmes travail-études; créer des programmes d'échanges de professeurs avec les pays en développement pour renforcer leurs établissements d'enseignement supérieur; et promouvoir la collaboration internationale en recherche.

[Français]

J'aimerais maintenant attirer votre attention sur la question du financement de base des universités canadiennes. Le soutien de base des universités a diminué considérablement depuis une quinzaine d'années. Les années 1980 ont été marquées par des restrictions financières alors que la croissance de la fréquentation a débordé le niveau du soutien gouvernemental. Les universités ont réagi en cherchant des moyens d'être plus efficientes. Depuis cinq ans, nous éprouvons l'étau des contraintes financières, le soutien de base des universités ayant été réduit de un milliard de dollars environ. Les compressions reviennent à une perte réelle de 23 p. 100 de l'aide, soit l'équivalent de 1 500 $ par étudiant. La moyenne était de 6 600 $ par étudiant en 1993 et se situe à 5 100 $ aujourd'hui.

Le gouvernement fédéral ne peut négliger la situation difficile des universités car elles produisent une bonne partie des travailleurs polyvalents dont le pays a besoin pour conserver une position concurrentielle dans l'économie mondiale. Les initiatives annoncées dans les deux derniers budgets visaient des problèmes réels et constituaient des pas dans la bonne direction. Elles n'ont toutefois pas réglé celui du financement de base des universités.

• 0920

Il faut faire quelque chose pour nous assurer que le Canada ait un secteur d'enseignement supérieur dynamique tout en respectant la compétence des provinces en matière d'éducation.

En conclusion, j'estime que, pour s'attaquer au problème de l'exode des cerveaux, il nous faut créer les conditions nécessaires pour attirer, former et retenir les gens hautement compétents dont le Canada a besoin pour prospérer dans la nouvelle société fondée sur la matière grise.

Nous devons pouvoir offrir des conditions d'emploi dignes de celles d'autres pays. Par l'investissement stratégique dans la recherche et l'éducation internationale et en aidant à endiguer l'érosion du financement de base des universités, le gouvernement fédéral aidera à doter les Canadiens et les Canadiennes des habiletés et des compétences nécessaires pour réussir dans une société mondiale. En créant les conditions qui permettront à nos spécialistes d'exploiter leurs compétences dans leur pays, nous créerons aussi un climat propice à l'innovation. C'est la tâche qui nous attend.

Au cours des prochains mois, nous consulterons nos partenaires et nous documenterons les problèmes que nous avons portés à votre attention. Nous espérons avoir l'occasion de revenir plus tard cet été pour discuter de propositions concrètes sur les moyens de les régler.

Je vous remercie de votre attention et je nous souhaite un dialogue productif.

[Traduction]

Je vous remercie de votre attention et je nous souhaite un dialogue productif, au cours de la période de questions, monsieur le président.

Le président: Merci beaucoup, monsieur Giroux.

Nous allons maintenant passer à la Fondation canadienne pour l'innovation et demander à M. Denis Gagnon de nous faire son exposé. Je vous souhaite la bienvenue.

[Français]

M. Denis Gagnon (vice-président principal, Fondation canadienne pour l'innovation): Monsieur le président, je voudrais vous remercier, vous et vos collègues, de nous donner cette autre occasion de vous apporter un message concernant ce qu'on pourrait appeler la préparation des énoncés budgétaires pour 1999.

La Fondation canadienne pour l'innovation est une présence nouvelle parmi les organismes, sociétés et fondations chargés d'appuyer la recherche et le développement au Canada. La fondation a été créée en 1997 par le gouvernement fédéral dans le but de renforcer l'infrastructure nécessaire pour effectuer de la recherche de calibre international dans les universités, collèges, hôpitaux et établissements de recherche sans but lucratif au Canada.

Fort de mes antécédents comme professeur d'université, chercheur et administrateur de la recherche ainsi que de mon expérience auprès de deux conseils subventionnaires fédéraux et d'un conseil provincial au Québec, je puis affirmer que les sciences et les technologies sont devenues un élément essentiel, voire fondamental du développement socio-économique de notre pays. C'est sans contredit la raison pour laquelle j'ai accepté l'invitation de John Evans de me joindre à la fondation. Par le biais de mon association avec ce nouveau genre d'organisme d'appui à la recherche, je crois être dans une situation idéale pour bâtir sur mon expérience des 30 dernières années.

La fondation est le résultat d'un premier engagement financier d'importance pris par le gouvernement fédéral au moment où le Canada touchait au but dans sa dure lutte contre le déficit. Par cet investissement de taille dans les sciences et la technologie, le gouvernement envoyait un message clair aux Canadiens et Canadiennes quant à l'importance de la recherche et de la formation de chercheurs pour le Canada et pour son avenir. L'ampleur de cet investissement de fonds publics témoigne aussi de la confiance du gouvernement envers les milieux de la recherche. Il est un gage de la reconnaissance des contributions faites par nos chercheurs pour assurer la prospérité et la qualité de vie des Canadiens et des Canadiennes.

[Traduction]

La fondation réalisera son mandat en réunissant un patrimoine national qui contribuera au progrès de la recherche et à l'amélioration de la formation donnée aux jeunes Canadiens et Canadiennes qui visent des carrières en recherche et dans d'autres secteurs axés sur l'innovation.

Les décisions de financement de la fondation seront fondées sur la qualité des projets d'infrastructure, sur les occasions qu'ils offriront à la communauté de la recherche, et sur la valeur qu'ils viendront ajouter au bassin existant d'installations de recherche.

Avec l'approche de l'étape des compétitions et de l'octroi des fonds, je suis convaincu que la fondation aura un effet profond et durable, non seulement sur la capacité de recherche du Canada, mais aussi sur la façon dont elle y sera menée.

Dans le cadre du processus de présentation des demandes, les établissements de recherche ont été invités à préparer des plans stratégiques pour le développement de la recherche et la formation. D'après ce que nous avons vu jusqu'ici, les établissements de recherche font un lien évident entre l'infrastructure et leur capacité de mener de la recherche novatrice et d'offrir un milieu concurrentiel pour la formation de chercheurs canadiens. Le message est que la qualité de l'infrastructure de recherche de ces établissements est directement reliée à l'aptitude du Canada à bâtir une société véritablement novatrice. Dans le contexte du débat qui nous intéresse aujourd'hui, il n'y a aucun doute que les sciences et la technologie doivent être en tête de liste parmi les priorités du gouvernement.

• 0925

Les deux derniers budgets fédéraux ont renfermé d'excellentes nouvelles pour la communauté canadienne de recherche. En 1997, le gouvernement annonçait la création de la Fondation. Puis, en 1998, il annonçait une augmentation du budget des conseils subventionnaires fédéraux. La décision du gouvernement fédéral de faciliter, ne serait-ce que partiellement, la situation budgétaire des conseils était, à mon avis, une preuve qu'il reconnaît l'existence d'un problème. J'ai bon espoir qu'il s'agissait également d'un premier pas vers l'établissement d'une base de financement adéquate pour appuyer la recherche universitaire.

De telles initiatives du gouvernement fédéral sont absolument indispensables, puisqu'elles offrent aux chercheurs canadiens les ressources nécessaires pour assurer le succès de la transition vers l'économie du savoir. Pourtant, si audacieuses et encourageantes que ces initiatives puissent être, il n'en demeure pas moins que le Canada accuse du retard depuis quelques années au niveau de sa capacité de recherche. Par exemple, l'augmentation du budget des conseils subventionnaires ne compense que partiellement le déclin qui s'est amorcé dans les années 80. Bien qu'importante, cette augmentation ramène seulement les budgets des conseils subventionnaires aux niveaux de 1995, sans tenir compte de compressions précédentes ou de l'inflation. Comparativement à d'autres pays industrialisés, le Canada continue de sous-investir dans les sciences et la technologie.

Règle générale, les Canadiens et Canadiennes sont d'accord avec la priorité donnée par le gouvernement aux sciences et à la technologie. Non seulement ils sont fiers des réalisations de nos chercheurs, mais ils les consultent souvent pour trouver réponse à des questions fondamentales qui touchent notre société. Dans un sondage rendu public il y a à peine quelques semaines, les Canadiens avaient fait savoir qu'ils comptent les chercheurs parmi les membres de la société les plus dignes de foi.

D'une part, ces résultats sont intéressants, car ils soulignent le rôle et la contribution de ces personnes à la société. D'autre part, ils font ressortir les préoccupations des Canadiens face à des questions concrètes—leur santé, l'environnement et leur qualité de vie. Ainsi, notre discussion d'aujourd'hui nous présente une occasion toute spéciale d'échanger des idées sur la façon de faire en sorte que la créativité et l'innovation soient prisées par tous les Canadiens et Canadiennes.

La grande priorité—et je suis persuadé que tous ici présents en conviendront—est manifestement d'accroître l'investissement national en sciences et technologie. L'investissement cumulatif permettra aux chercheurs canadiens d'être plus compétitifs à l'échelle mondiale, et de préparer un plus grand nombre de jeunes Canadiens et Canadiennes à entreprendre des carrières axées sur la recherche et l'innovation. Des fonds additionnels permettraient aussi d'accélérer le transfert de connaissances et de technologie vers le secteur privé, qui est la plus grande source d'emplois au Canada.

Mais il existe d'autres domaines d'intervention qu'il faudrait envisager si nous espérons réussir à faire du Canada une société véritablement novatrice. Comme je l'ai dit plus tôt, les Canadiens font grandement confiance aux chercheurs et comptent sur eux pour leur fournir des réponses et les orienter sur de grandes questions. Dans la nouvelle économie, les sciences et la technologie joueront un rôle encore plus important nécessitant une action en deux volets. Dans un premier temps, nous devons nous assurer que le plus de Canadiens possible possèdent les compétences requises pour participer à la nouvelle économie du savoir, et dans un deuxième temps, il nous faut promouvoir un changement d'attitude qui encouragera le développement d'une culture nationale d'innovation.

Nous sommes sur le point de terminer la transition, et de plus en plus les Canadiens et Canadiennes vont prendre des décisions de carrière qui reposeront sur la capacité des établissements de recherche de répondre à leurs besoins et attentes. Leurs décisions ne seront plus fondées sur une vague promesse d'un diplôme et d'un emploi à la fin des études. Maintenant, avant de prendre une décision, ils vont poser des questions sérieuses: l'établissement en question est-il reconnu pour son excellence? De quelles installations et ressources dispose-t-il? Quelles sont les possibilités de partenariats avec le secteur privé? A-t-il accès à des réseaux de recherche et de technologie fonctionnant dans un contexte de mondialisation? Dans quelle mesure un diplôme de cet établissement faciliterait-il ma recherche d'emploi?

Cette culture de l'innovation qui s'annonce rapidement entraînera des bouleversements dans tous les aspects de notre vie, et donnera lieu à un monde où les affinités sociales, politiques et économiques qui sous-tendent les liens traditionnels qui nous unissent ne suffiront plus pour définir les communautés et les pays. Toutefois, nous pouvons envisager un avenir plein de promesses et de succès si nous réussissons à nous adapter dans ce nouveau contexte.

• 0930

Dans le monde des affaires et de la finance, il n'y a rien de plus fluide et de plus mobile que les capitaux qui ont cette caractéristique de traverser les frontières. En effet, l'argent va là où les conditions sont les plus avantageuses. Par analogie, on peut aussi soutenir que les cerveaux voyagent tout aussi rapidement et qu'ils ont cette propension à reconnaître ceux et celles qui partagent les mêmes intérêts scientifiques et économiques et qui offrent les conditions nécessaires pour assurer le plein développement de leur potentiel scientifique.

Si nos chercheurs ne retrouvent pas dans leur propre environnement les conditions ou les ressources nécessaires pour se réaliser tant sur le plan personnel que professionnel ils se dirigeront inévitablement vers d'autres milieux plus propices. Il s'agit là d'une réalité inéluctable qui confronte à la fois les chercheurs et les établissements de recherche partout au Canada.

Un article paru récemment dans la revue Time signale que 50 p. 100 de nos diplômés dans des disciplines comme le génie logiciel et la biomédecine quittent le Canada pour les États-Unis dès l'obtention de leur diplôme ou peu après. D'après le président de l'Association de la recherche industrielle du Québec, un diplômé sur deux en biotechnologie ou d'autres disciplines hautement spécialisées quittent le Canada, généralement pour aller aux États-Unis, à la recherche d'un premier emploi.

On pourrait être tenté de rejeter ces exemples comme étant essentiellement des anecdotes ou des cas isolés. Toutefois, pour moi ce sont des indicateurs inquiétants d'une crise en puissance. Si nous espérons réussir la transition vers l'économie du savoir, nous devons être conscients de tous les facteurs qui pèsent dans la décision de nos meilleurs diplômés de quitter le Canada.

Bien que nous ayons encore à redoubler d'efforts pour attirer plus de jeunes Canadiens vers des carrières axées sur la recherche et l'innovation, notre plus grave problème demeure l'infériorité des salaires et des débouchés que nous offrons comparativement à d'autres pays. Du reste, la structure fiscale du Canada est telle que les jeunes adultes qui cherchent à s'établir—par exemple en empruntant une hypothèque pour acheter une maison—ont besoin d'un revenu considérablement plus élevé que leurs homologues américains, ne serait-ce que pour compenser les impôts. C'est également la situation des cadres supérieurs d'entreprises.

L'expérience récente démontre l'importance accordée par les gouvernements à la recherche et à la formation des chercheurs ainsi qu'à l'amélioration des infrastructures de recherche et au développement de réseaux de recherche. Et le Canada est particulièrement bien équipé pour réaliser cet objectif. Grâce à leurs mandats bien définis et complémentaires, les organismes subventionnaires fédéraux et la FCI constituent, en fait, un atout important pour le Canada et sa communauté de recherche.

Mais si nous voulons que le Canada réussisse sa transition vers une société novatrice, il nous reste un problème à régler: nous devons être en mesure de conserver notre bassin de talents au Canada, avant de pouvoir lancer des programmes d'envergure visant à accroître notre production, si nous ne voulons pas voir nos chercheurs les plus brillants partir parce que nos compagnies, nos universités, nos hôpitaux et d'autres établissements de recherche ne peuvent leur fournir un environnement compétitif. Si nous ne savons pas conserver nos meilleurs chercheurs au Canada, comment allons-nous faire pour y attirer les meilleurs éléments d'ailleurs?

La fondation peut contribuer grandement à offrir un milieu qui favorise les innovations stimulantes. Cependant, il y a un problème que nous ne saurons pas corriger nous-mêmes: il s'agit des niveaux de rémunération faibles, non concurrentiels qu'offrent les compagnies, ainsi que le fardeau fiscal que tous les paliers de gouvernement imposent aux particuliers.

Si la fondation espère favoriser des innovations canadiennes toujours meilleures, nous avons besoin de plus de dynamisme de la part du secteur privé et du gouvernement pour ce qui est d'attirer et de conserver les meilleurs esprits. La fondation est en mesure de fournir l'environnement et les installations. Il incombe au secteur privé et au gouvernement d'offrir les incitatifs personnels.

Merci, monsieur le président.

Le président: Merci beaucoup, monsieur Gagnon, de cet exposé.

Nous entendrons maintenant de l'Association des industries aérospatiales du Canada, M. Peter Smith, président et directeur général. Bienvenue.

M. Peter Smith (président-directeur général, Association des industries aérospatiales du Canada): Merci, monsieur le président, mesdames et messieurs. Au nom du conseil d'administration de l'Association des industries aérospatiales du Canada, et de ses membres, je tiens à vous remercier de l'occasion qui nous est donnée de répondre aux quatre questions que vous avez posées.

Auparavant toutefois, j'aimerais prendre quelques instants pour vous décrire le secteur de l'aérospatiale canadien et ses réalisations jusqu'à aujourd'hui. Il y a à peine deux ans, l'AIAC s'est fixé comme objectif de placer l'industrie aérospatiale canadienne au quatrième rang mondial d'ici la fin du siècle. Aujourd'hui, nous sommes en cinquième place et nous sommes persuadés que nous serons au quatrième rang d'ici la fin du siècle ou avant.

• 0935

L'industrie aérospatiale du Canada est réellement un compétiteur mondial à croissance rapide. Nous offrons une gamme complète de conception aérospatiale et d'installations de fabrication. En 1997, les ventes ont grimpé de 8 p. 100 par rapport à l'année précédente pour atteindre 13,4 milliards de dollars. Nous prévoyons des ventes de 15,3 milliards de dollars en 1998, soit une augmentation supplémentaire de 14 p. 100, et des commandes accumulées se chiffrant à 18 milliards de dollars, ce qui est impressionnant.

Les exportations représentent 80 p. 100 de la production. Entre 1990 et 1996, l'industrie aérospatiale a contribué pour plus de 16 milliards de dollars au surplus commercial du Canada. Nos ventes ont doublé au cours des dix dernières années.

Notre succès repose essentiellement sur le fait que nous avons choisi des créneaux stratégiques, que nous possédons des installations de calibre mondial et que nous avons maintenu l'investissement dans la R-D—en moyenne, environ 12 p. 100 des ventes, soit 1,4 milliard de dollars par année. Nous possédons une main-d'oeuvre qualifiée, des prix compétitifs, des solutions innovatrices, et un taux de change attrayant. Plus important encore, dans le cadre d'un partenariat avec le gouvernement du Canada, les risques sont partagés.

Aujourd'hui, le secteur aérospatial canadien représente 50 p. 100 du marché mondial des hélicoptères commerciaux à turbine; 35 p. 100 du marché des grands avions d'affaires; un tiers des petits moteurs à turbine; 42 p. 100 du marché des aéronefs régionaux; 60 p. 100 du marché des trains d'atterrissage pour grands aéronefs; et 96 p. 100 du marché mondial des simulateurs commerciaux.

L'Association représente 250 entreprises dans toutes les régions du pays qui fournissent de l'emploi à plus de 60 000 hommes et femmes qui gagnent, en moyenne, le double du salaire moyen national. Par habitant, en comparaison de tous les autres secteurs, l'industrie aérospatiale canadienne a plus d'ingénieurs et de personnel technique qui se spécialisent dans les aérostructures, les systèmes et sous-systèmes brevetés, les pièces, les produits et services spécialisés, les réparations et les révisions, et l'électronique militaire.

Cela dit, c'est avec confiance que je vous fais part de notre opinion sur ce que devraient être les priorités du gouvernement en ce qui concerne le dividende fiscal. J'estime que nous pouvons proposer de nouvelles stratégies d'investissement appropriées ainsi que faire des commentaires sur l'incidence du régime fiscal actuel sur notre succès à long terme. Si le comité accepte nos opinions sur ces deux points, nous sommes tout à fait persuadés, en nous fondant sur notre performance passée, que nous pourrons continuer à contribuer en créant des défis et des possibilités d'emploi pour les jeunes Canadiens dans cette nouvelle économie.

Le secteur aérospatial du Canada a connu un succès remarquable grâce à des investissements considérables dans la R-D. En fait, les investissements de l'industrie canadienne dans ce secteur représentent presque 14 p. 100 de l'ensemble des investissements industriels dans la R-D au Canada. Ces investissements se font dans le contexte d'une compétition mondiale intense où nous devons faire concurrence à des entreprises internationales appuyées par des gouvernements étrangers qui consacrent des milliards de dollars au soutien de la R-D dans le secteur aérospatial.

Tout d'abord donc, monsieur le président, nous voulons vous dire que le gouvernement doit non seulement continuer son partenariat avec nous en partageant les risques à long terme dans le développement de produits à risques élevés dans le cadre du Programme de partenariats technologiques, qui est sous-financé actuellement, mais augmenter le financement de ce programme. Sinon, nous perdrons la possibilité de créer ces emplois stimulants dont les jeunes Canadiens ont besoin pour prospérer et réussir. Des projets de R-D intéressants disparaîtront et iront ailleurs diminuant ainsi la valeur ajoutée canadienne dans les prévisions de ventes constamment à la hausse dont j'ai parlé.

Partenariats technologiques Canada a été un énorme stimulant pour des programmes comme le CRJ700, le PW 150, les Dash 8-400 et pour CAE, AlliedSignal, AVCORP et toute une série d'autres compagnies d'un océan à l'autre.

Il est notoire que Partenariats technologiques Canada est insuffisamment financé, et qu'à moins que ce problème ne soit réglé, il n'y aura ni nouvelles exclusivités mondiales de produits au Canada ni, par conséquent, de création de nouveaux emplois.

Pour ce qui est du régime fiscal, nous reconnaissons et nous sommes fort heureux du fait que le Canada jouit d'une situation très privilégiée puisque ce régime contient des dispositions très séduisantes pour promouvoir la R-D.

Nous sommes encouragés par les dernières annonces du ministre du Revenu qui a déclaré avoir l'intention de maintenir et d'améliorer les dispositions actuelles de crédit d'impôt pour la R-D qui sont déjà fort séduisantes. Nous y sommes tout à fait favorables. Dans de nombreux cas c'est le facteur décisif pour nombre de nos compagnies—qui, en passant, appartiennent à 60 p. 100 à des capitaux étrangers—pour maintenir leurs activités à valeur très ajoutée de R-D au Canada et pour attirer de nouveaux investissements au Canada dans la technologie de pointe.

• 0940

Les programmes SRED stimulent la R-D, et nous félicitons le ministre de vouloir les maintenir et les améliorer. Cependant, le gros problème, c'est le niveau élevé d'imposition des particuliers surtout si on fait la comparaison avec nos voisins du Sud. Les niveaux de production sans précédent actuels dans le monde entier ont intensifié la recherche de travailleurs de l'aérospatiale qualifiés et expérimentés. Les travailleurs de l'aérospatiale canadiens sont convoités par nos concurrents pour leurs compétences et leurs qualifications.

Le taux élevé de l'impôt sur les particuliers au Canada ne facilite pas du tout la tâche aux compagnies aérospatiales canadiennes qui veulent recruter ces travailleurs. Étant donné le différentiel fiscal entre le Canada et les États-Unis, il n'est pas surprenant que le Canada perde tant de ses travailleurs expérimentés au profit de nos concurrents américains. Il faut mettre un terme à cet exode. Il menace la croissance future de notre industrie.

En conséquence, monsieur le président, nous recommandons, en deuxième lieu, d'utiliser une partie du dividende pour réduire les taux d'imposition du revenu des particuliers, afin que le fossé entre le Canada et nos concurrents soit moins large. Il faut donner à nos travailleurs qualifiés des raisons de rester au Canada.

Nous applaudissons les efforts du gouvernement pour stimuler la R-D par le biais de divers programmes qui permettent une collaboration avec les universités. L'industrie aérospatiale profite au maximum de cette possibilité, et nous recommandons le soutien de ces programmes car ils offrent l'environnement de travail le plus stimulant pour les nouveaux qui arrivent sur le marché et pour ceux qui y sont déjà.

En conclusion, nous estimons que le gouvernement tient le bon cap, ayant réglé le problème du déficit et s'étant fixé comme priorité de réduire progressivement l'endettement. L'industrie aérospatiale souhaite faire savoir que selon elle la clé de la croissance future dépend d'une approche équilibrée entre les dépenses de programmes, la réduction des impôts et la réduction de l'endettement.

L'AIAC avait quatre priorités cette année. Nous souhaitions une augmentation du fonds de Partenariats technologiques Canada. Il fallait trouver une solution à la pénurie de ressources d'accréditation du ministère des Transports pour faire face à des ventes sans précédent. Nous proposons un assouplissement des mécanismes de financement des exportations et nous réclamons plus de certitude au niveau des budgets d'immobilisation de la défense et du programme spatial.

Dans l'ensemble, nous avons été entendus, mais nous requérons respectueusement de votre comité qu'il entende notre appel concernant l'augmentation du financement du programme de partenariats technologiques, la réduction de l'impôt sur le revenu des particuliers et l'affectation d'une proportion raisonnable du dividende à la réduction de la dette publique.

Je tiens à vous remercier de votre invitation. Je suis certain que notre bilan positif vous convaincra d'examiner avec sérieux nos recommandations concernant la manière dont nous souhaitons que soit utilisé le dividende fiscal. Je vous remercie infiniment.

Le président: Merci beaucoup, monsieur Smith.

Nous passons maintenant au président de l'Association médicale canadienne, le Dr Victor Dirnfeld.

Dr Victor Dirnfeld (président, Association médicale canadienne): Merci, monsieur le président. J'aimerais également vous remercier de nous avoir invités. Je considère comme un honneur de pouvoir comparaître devant vous, et j'attends avec grand intérêt la possibilité de pouvoir dialoguer avec vous pendant la période des questions.

Je vous félicite, vous et vos collègues, d'aborder la question pressante de l'exode des cerveaux, qui est devenu un enjeu majeur pour les effectifs médicaux du Canada au cours des années 90.

On retrouve des preuves de l'exode des médecins canadiens depuis 1991 dans les données d'une des agences du gouvernement fédéral. En effet, les données de l'Institut canadien sur la santé, connu sous le sigle de ICIS, montrent qu'il s'est produit une augmentation de 130 p. 100, soit deux et un tiers de plus environ, des pertes nettes de médecins quittant le Canada pour travailler à l'étranger. Deux et un tiers de plus de médecins ont quitté le pays en 1996 par rapport à 1991 et dans leur grande majorité ils ont été s'installer aux États-Unis. En 1996 seulement, 513 médecins (émigration nette) ont quitté le Canada. C'est l'équivalent de la production annuelle de cinq facultés de médecine du Canada qui nous a quittés cette année-là sans être remplacés par de nouveaux arrivants.

Le départ de chacun de ces médecins représente la perte d'un investissement important constitué de praticiens très instruits et qualifiés qui contribueront à la richesse du pays en favorisant la santé dans leur communauté. L'exode des cerveaux n'est pas limité cependant aux seuls médecins. Ces derniers ne représentaient en effet que le quart des travailleurs de la santé qui ont obtenu la résidence permanente aux États-Unis en 1996, les infirmières représentant plus du double.

La cause de cet exode est claire: il est attribuable aux réductions unilatérales et répétées que le gouvernement fédéral a imposées au taux de croissance des paiements de transfert à partir de la fin des années 70, avec le Financement des programmes établis, et tout au long de la décennie qui a suivi. Les choses ont encore empiré en avril 1996 lorsque les compressions ont atteint leur point culminant avec les réductions successives massives des paiements de transfert pour la santé et l'éducation postsecondaire dans le cadre du TCSPS qui, à lui seul, a représenté une diminution d'environ 30 p. 100 de ces paiements de transfert. Nous connaissons tous les conséquences pour les provinces et l'exode des cerveaux en est aussi en partie le résultat.

• 0945

Ces compressions ont entraîné des fermetures d'hôpitaux, de lits et de salles d'opération, la disparition ou la réduction de programmes et une importante réduction de la disponibilité des technologies usuelles de diagnostic et de traitement, y compris les prothèses—les hanches et les genoux artificiels—et les appareils électrophysiologiques tels les simulateurs cardiaques implantés, les défibrillateurs et les unités de dialyse, ce qui a énormément limité la capacité des médecins de fournir les soins médicaux nécessaires à leurs patients. De même, les réductions du financement disponible pour le personnel infirmier les ont laissés sans personnel suffisant, stressés et épuisés. Je le constate tous les jours dans les services de mon hôpital, tout comme mes collègues.

Les médecins, frustrés parce qu'ils sont incapables d'exercer leur profession, quittent le Canada pour les États-Unis. Non seulement nous perdons les meilleurs et les plus brillants de nos médecins, mais aussi souvent les plus dévoués, et trop souvent nos médecins des régions rurales et éloignées. Comme le disait un de mes vieux collègues fort talentueux et populaire ayant pratiqué longtemps en région rurale en Saskatchewan, après son exil aux États-Unis: «Chez nous, les autorités me considèrent comme un problème, tandis qu'aux États-Unis, on estime que je fais partie de la solution».

Une situation semblable existe en ce qui concerne les médecins oeuvrant en recherche au Canada. Ces chercheurs de calibre mondial, talentueux et recherchés, se retrouvent face à des fonds gouvernementaux réduits pour la recherche fondamentale et clinique. Comme je l'ai signalé au comité l'automne dernier, parmi les nations du G-7 pour lesquelles l'information la plus récente est disponible, le Canada se classe au dernier rang en ce qui concerne les dépenses par habitant consacrées à la recherche en santé. La France, le Japon, les États-Unis et le Royaume-Uni dépensent de 1,5 à 3,5 fois plus par habitant que le Canada. Il est remarquable de noter que c'est le Royaume-Uni qui dépense 3,5 fois plus par habitant que le Canada.

Comme il y a déjà été fait allusion ce matin, les 134 millions de dollars de financement sur trois ans annoncés par le Conseil de recherches médicales dans le budget de février dernier consistent surtout en un rétablissement de fonds antérieurement réduits. Seuls 18 millions de dollars, d'après les derniers calculs, seraient considérés comme de nouveaux fonds sur cette période de trois ans, augmentation minime et très mineure tant au niveau du total qu'au niveau du financement de la recherche par habitant.

Par frustration, et aussi parce qu'ils sont incapables de poursuivre les recherches qui les intéressent, les membres de la communauté scientifique canadienne quittent le Canada, surtout pour les États-Unis, où les fonds, le matériel et le personnel sont mis à leur disposition.

Monsieur le président, la première question du comité était: maintenant que le budget est équilibré, quel message souhaitez-vous envoyer au gouvernement quant aux priorités à fixer pour le dividende budgétaire? Pour répondre, comme nous l'avons dit au cours des deux dernières consultations prébudgétaires, la première priorité du gouvernement, et c'est également la première priorité des Canadiens dans tous les sondages qui ont été effectués, est d'étayer l'assurance-maladie et de s'attaquer à la crise de confiance qui règne dans le système aussi bien chez les patients que chez les fournisseurs de soins. Au cours de chacune des deux dernières années, nous avons demandé au gouvernement de rétablir les transferts en argent au TCSPS. Une réinfusion de fonds aurait pour résultat de stabiliser le système, ce qui permettrait de rouvrir des salles d'opération et des lits d'hôpitaux, de disposer de plus de personnel infirmier pour les soins nécessaires aux patients, de fournir plus de lits de soins de longue durée pour de nombreux patients occupant actuellement des lits de soins actifs.

Pour répondre à la deuxième question du comité, en ce qui concerne les investissements stratégiques, le gouvernement devrait appuyer l'infrastructure du secteur des soins actifs, pour permettre aux médecins de prodiguer de meilleurs soins à leurs patients en améliorant l'accès qu'ils ont aux technologies de la santé. Prenons l'exemple des appareils d'imagerie par résonance magnétique. Selon l'OCDE, en 1995, le Japon venait au premier rang des pays du G-7 avec 20 unités d'IRM par million d'habitants, suivi des États-Unis avec 15,5 unités par million d'habitants, alors que le Canada se classait au dernier rang, derrière l'Allemagne, le Royaume-Uni et la France, avec 1,3 unité par million d'habitants.

• 0950

Je remarque que la question 2 demande aussi des propositions de modification du système fiscal. Pour répondre à cette question, je voudrais souligner que parmi les pays du G-7, le Canada est celui qui fait porter le fardeau d'impôt sur le revenu le plus lourd aux particuliers. Au Canada, diverses politiques ont résulté, par rapport aux États-Unis, en un revenu personnel après impôt beaucoup plus faible qu'aux États-Unis, le pays où vont s'installer la grande majorité de nos médecins.

De plus, comme le comité le soulignait dans son rapport à la Chambre des communes en décembre dernier, la question de l'application injuste de la TPS aux services médicaux mérite une étude plus approfondie et les médecins canadiens affirment cependant que cette question exige une attention immédiate.

Dans votre troisième question, vous demandez comment nous pouvons aider les Canadiens à se préparer à profiter des possibilités qu'offrira l'ère nouvelle de dividendes fiscaux qui s'annonce?

À cette question, on peut répondre qu'un des meilleurs moyens consiste à appuyer davantage l'éducation postsecondaire. Les établissements sont écrasés à un tel point que les gouvernements ont annoncé ou proposent des mesures afin d'augmenter radicalement les frais de scolarité.

Deux mesures en particulier menacent les écoles de médecine. La première, c'est la tendance pour les établissements à augmenter davantage les frais de scolarité de la formation professionnelle, comme en témoigne la récente décision du gouvernement de l'Ontario de déréglementer les frais de scolarité de tous les programmes de formation professionnelle.

Par exemple, les étudiants qui entreront cet automne en première année à la faculté de médecine de l'Université de Toronto, devront payer plus du double en frais de scolarité que les étudiants entrés l'an dernier. Les frais passeront de 4 800 $ à 11 000 $.

Pour vous donner un exemple, je vais vous dire comment les choses se passaient du temps où j'étais étudiant en médecine; j'avais quatre ou cinq mois avant la fin d'un semestre et le début de l'année suivante pour gagner de l'argent et contribuer au paiement de mes frais de scolarité. Cela n'est pratiquement plus possible dans les écoles de médecine canadiennes. En effet, il n'y a plus que deux mois entre la première et la deuxième années et de plus, les étudiants en médecine travaillent presque toute l'année comme commis cliniques.

L'Association canadienne des internes et des résidents et la Fédération canadienne des étudiants en médecine ont calculé qu'en conséquence de ces mesures, chaque étudiant en médecine aura accumulé à la fin de ses études une dette de près de 140 000 $. Il ne faut donc pas s'étonner de voir de plus en plus de médecins déménager aux États-Unis pour pouvoir rembourser leurs dettes plus rapidement, puisqu'en 1993, le revenu net moyen d'un médecin était de 265 000 $ canadiens aux États-Unis, comparés à environ 111 000 $ au Canada.

En second lieu, certaines provinces ont proposé d'imposer des frais de scolarité aux étudiants de niveau postdoctoral—les résidents—qui assurent une partie importante des services médicaux contre une rémunération modeste. Cette proposition augmentera la probabilité de voir des diplômés en médecine faire leur formation postdoctorale aux États-Unis, non pas que la qualité des écoles et des centres de formation canadiens soit inférieure, mais parce qu'aux États-Unis on n'exige pas de frais de scolarité pour ce type de formation.

En dernier lieu, monsieur, vous demandiez quelle est la meilleure façon pour le gouvernement de veiller à ce que la nouvelle économie offre un large éventail de possibilités d'emploi à tous les Canadiens.

Nous devons concentrer notre attention sur la contribution positive que l'industrie de la santé apporte à l'économie et nous devons créer un environnement viable qui offre des possibilités intéressantes aux travailleurs de la santé et des soins de qualité accessibles à tous les Canadiens, une chose à laquelle ils accordent la plus grande priorité.

Pour terminer, une dernière observation: les fournisseurs de soins de santé font partie de la solution et non pas du problème.

• 0955

Je remercie les membres du comité de m'avoir invité à participer à ce volet des consultations prébudgétaires. Nous nous ferons un plaisir de revenir au comité pour parler des questions tout aussi urgentes dont il faudra traiter dans le budget de 1999. Monsieur le président, je présume que vous organiserez une table ronde sur l'accès à des soins de santé de qualité et sur le financement de notre système de soins de santé. Nous participerons avec plaisir à cette discussion cruciale.

Merci.

Le président: Merci, docteur Dirnfeld.

Nous allons maintenant commencer les questions. Je vais tout d'abord donner la parole à Mme Redman, après quoi nous passerons à M. Ritz.

Mme Karen Redman (Kitchener-Centre, Lib.): Merci beaucoup, monsieur le président.

J'ai deux questions à poser; la première s'adresse à M. Giroux.

Vous avez comparé le Canada aux États-Unis, et vous avez fait une suggestion intéressante pour permettre de radier les coûts de l'éducation postsecondaire. Je me demande si c'est une chose qui se fait aux États-Unis, ou bien vous êtes-vous fondé sur un certain modèle pour faire cette suggestion?

M. Robert Giroux: Je suis désolé. Je ne me souviens pas d'avoir parlé de radier les coûts de l'éducation postsecondaire.

Mme Karen Redman: Pardonnez-moi, c'était M. Waite.

M. Robert Waite: Que je sache, cela ne se fait pas aux États-Unis. En fait, c'est une idée pour régler un problème qui nous est particulier: le fait que des diplômés de talent partent aux États-Unis.

Quand j'ai commencé à réfléchir à la question, j'essayais tout particulièrement de ne pas reproduire la taxe sur les départs qu'on a vue en Union soviétique. De toute évidence, le système soviétique n'a jamais été populaire, et cela pour de nombreuses raisons, dont celle-ci entre autres. J'ai donc essayé d'utiliser le système fiscal, mais de le faire d'une façon qui profiterait aux gens qui choisissent de rester au lieu de pénaliser les gens qui choisissent de partir. Cela dit, je ne connais pas de système semblable aux États-Unis.

Mme Karen Redman: Il y a une chose dont vous avez tous parlé, et évidemment c'est une des questions qu'on vous avait posées, il s'agit de l'exode des cerveaux. Avez-vous essayé de déterminer dans quelle mesure il y avait un exode des cerveaux aux États-Unis, de déterminer si d'autres pays que le Canada avaient ce problème?

Je ne peux m'empêcher de penser qu'on considère cela comme une courte ligne droite entre notre structure fiscale, entre autres, et celle des États-Unis. On semble sans cesse faire des comparaisons, et pourtant, le Canada n'est pas le seul pays à souffrir d'un exode des cerveaux.

M. Robert Waite: Nous nous sommes penchés un peu sur cette question. Notre compagnie, CAE, a eu l'occasion de profiter d'un exode des cerveaux dans d'autres pays, et en particulier pendant les années 50, une période pendant laquelle les ingénieurs du Royaume-Uni recevaient une excellente formation. Évidemment, c'est toujours le cas, mais à l'époque, nous recrutions des centaines d'ingénieurs qualifiés au Royaume-Uni. Je parle des années 50, 60 et 70.

Il y a environ dix-huit mois, nous avons essayé de retourner là-bas pour trouver des qualifications bien précises et la réaction a été très intéressante, ce qui nous a appris quelque chose. Nous avons consacré beaucoup de temps et d'efforts à cette entreprise, et en fin de compte, alors que nous avions besoin de 50 ou de 60 personnes, nous n'en avons recruté que deux. Si je devais déterminer les raisons pour lesquelles nous n'avons pas réussi à attirer plus de monde au Canada, je devrais dire, croyez-le ou pas, que notre taux d'imposition des particuliers y est pour une bonne part.

En fait, je suis allé à l'université au Royaume-Uni, et je vais révéler mon âge en vous disant que c'était à l'époque des Beatles, une époque où les gens quittaient le Royaume-Uni à cause des impôts, dont le taux marginal était de 91 p. 100 en haut de l'échelle. Aujourd'hui, et ce sont ces gens-là qui nous l'ont dit, le taux marginal au Royaume-Uni est bien inférieur à ce qu'il est au Canada.

Si vous ajoutez à cela la solidité de la livre comparée au dollar, quand vous expliquez aux gens qu'ils vivront au Canada, qu'ils seront donc payés en dollars et qu'ils dépenseront en dollars, ils convertissent cela mentalement en livres sterling et s'aperçoivent qu'ils seront payés ici la moitié de ce qu'ils étaient payés là-bas: ce n'est pas convaincant.

Troisièmement, il faut être franc, nous avons des installations au Québec, et l'incertitude politique qui règne dans cette province a aussi une certaine influence.

Dr Victor Dirnfeld: En ce qui concerne les médecins, par le passé, il y a eu une forte immigration de médecins très qualifiés du Royaume-Uni au Canada. En fait, dans les communautés rurales et isolées, pendant longtemps la plupart des médecins avaient été formés au Royaume-Uni. C'est une tendance qui a beaucoup diminué depuis cette époque, car les conditions et les ressources se sont améliorées au Royaume-Uni, de même que la rémunération des médecins.

• 1000

De plus, il y a beaucoup de médecins qui viennent s'installer au Canada après avoir été formés en Afrique du Sud. Ce sont également des médecins très compétents, ils ont une excellente formation. Depuis plusieurs décennies, leur nombre a augmenté, en particulier en raison de l'instabilité politique et des crises politiques, réelles ou perçues et prévues, qui règnent là-bas.

Les sources de médecins qualifiés étrangers sont de plus en plus limitées car, depuis juillet de l'année dernière, le Collège royal des médecins et chirurgiens du Canada n'accepte plus les diplômes et les qualifications des médecins formés dans un pays étranger, à l'exception des programmes de formation aux États-Unis. Tous ces programmes ont été évalués et examinés, et on considère qu'ils sont l'équivalent des programmes canadiens.

Par exemple, au Royaume-Uni, il y a une quinzaine d'années, le service de neurologie de Queen's Square était considéré comme un joyau unique au monde, un véritable parangon auquel nous pouvions nous comparer. Depuis l'année dernière, le Collège royal des médecins et chirurgiens du Canada refuse d'accepter les diplômés de ce programme, considérant qu'il n'a plus le même calibre.

Enfin, en ce qui concerne les États-Unis, il y a toujours eu très peu de médecins qui venaient au Canada des États-Unis. Ce genre de mouvement a toujours été très limité, et c'est toujours le cas aujourd'hui. Même aujourd'hui, quand les médecins américains se heurtent à des difficultés avec les organismes de santé et un nouvel environnement, ils continuent à ne pas venir au Canada.

Le président: Monsieur Smith.

M. Peter Smith: À propos du secteur de l'aérospatiale, j'aimerais faire une observation au sujet des observations de M. Waite. Je veux seulement lui signaler qu'environ 60 p. 100 des compagnies aérospatiales canadiennes appartiennent en fait à des étrangers. La majorité de ces compagnies ont une maison mère aux États-Unis.

Nous n'avons pas fait d'étude sur l'exode des cerveaux des États-Unis au Canada, mais nous avons certainement observé que certaines compagnies faisaient venir au Canada des citoyens américains, et ces gens-là ont dû faire face non seulement au taux de change, mais également au taux d'imposition, et tout cela est exorbitant.

Quand des compagnies comme Boeing s'installent au Canada dans l'intention de doubler virtuellement leur production, lorsqu'elles vont à Montréal et à Toronto, elles se rendent compte que la situation est très séduisante du point de vue des salaires, du taux de change et certainement, du taux d'imposition, et c'est donc un phénomène normal à cause de la proximité du Canada.

Cela dit, nous profitons aussi de la situation sur un autre tableau et nous attirons des compagnies européennes au Canada en plus d'attirer des employés. Toutefois, notre gros problème semble se situer au sud de la frontière.

Le président: Monsieur Gagnon.

M. Denis Gagnon: À la Fondation canadienne pour l'innovation, nous n'avons pas particulièrement étudié l'exode des cerveaux, je ne peux donc répondre à votre question directement. Toutefois, le 1er mai nous avons eu notre premier concours ouvert à tous les chercheurs canadiens, dans toutes les universités et tous les hôpitaux, simplement pour aider ceux qui avaient été établis entre juillet 1995 et mai 1997.

D'après les requêtes et les pressions que nous avons eues à la fondation, je peux vous assurer que dans les universités on cherche désespérément des fonds et du soutien et qu'il y a un gros travail d'infrastructure à faire. Là encore, c'est un phénomène très nouveau. Nous avons vu les plans stratégiques envoyés par toutes les universités et les hôpitaux du Canada, et tous nous ont dit: «Essayez de faire quelque chose, essayez de nous aider à mieux asseoir notre capacité de recherche. Autrement, tous ces gens que nous avons eu tant de mal à recruter au Canada vont partir définitivement.» Là encore, j'aimerais pouvoir vous citer des chiffres clairs pour vous prouver qu'il y a un gros problème, et que cela crée un exode des cerveaux.

Permettez-moi de vous rappeler que l'exode des cerveaux n'est pas dû à une cause unique. Sur ce plan-là, il faut faire très attention. Ce qu'il faut faire, c'est considérer l'infrastructure de la recherche au Canada. Si nous n'améliorons pas nos infrastructures, les gens vont partir, mais il y a certainement d'autres facteurs.

• 1005

L'exode des cerveaux est un problème qui comporte de nombreux facteurs. C'est la raison pour laquelle nous avons tenu à parler du fardeau fiscal—donnons ce nom-là au problème pour l'instant. Nous avons voulu parler de possibilités d'emploi, de salaires, etc., car c'est ce que les chercheurs canadiens viennent nous dire. Ainsi, si nous voulons lutter efficacement contre l'exode des cerveaux, il va falloir considérer un grand nombre de facteurs. Il n'y a pas un facteur unique qui explique tout.

Le président: D'accord. Monsieur Riis, avez-vous une question supplémentaire?

M. Nelson Riis (Kamloops, NPD): Pour revenir aux questions de Mme Redman, quelle est l'importance de cet exode des cerveaux? Je pense aux gens qui quittent une compagnie canadienne pour aller travailler dans une compagnie américaine ou bien une université canadienne pour aller dans une université américaine. Dans quelle mesure cet exode des cerveaux est-il une réalité dans le monde commercial? M. Smith nous a dit que 60 p. 100 des compagnies appartiennent à des étrangers. Dans quelle mesure les Canadiens vont-ils s'installer aux États-Unis, par exemple, simplement parce qu'ils sont transférés dans une autre branche de leur compagnie?

M. Peter Smith: Il y a un certain mouvement à l'intérieur des compagnies, mais le secteur de l'aérospatiale est tellement instable que les gens gagnent de l'expérience lorsqu'ils passent d'une compagnie à une autre.

Je voulais signaler une chose qui confirme le problème causé par la différence des taux d'imposition. J'ai dit que les salaires moyens dans l'aérospatiale étaient près du double de la moyenne salariale nationale. Nous sommes probablement les plus gros employeurs d'ingénieurs hautement qualifiés dans tout le pays. Mais tout récemment, nous avons fait une étude et découvert que le salaire moyen dans le secteur manufacturier était de 748 $ par semaine au Canada, et que la même catégorie d'employés dans l'industrie aérospatiale gagnaient 940 $ par semaine.

Ainsi, si vous considérez les avantages offerts par des compagnies comme Boeing, et d'autres compagnies qui s'installent au Canada pour essayer d'attirer des compétences, ce n'est certainement pas un avantage sur le plan des salaires, du moins pas au Canada. Nous pensons que c'est surtout l'avantage sur le plan fiscal qui attire les gens. Toutefois, à cause de la différence du taux de change, les États-Unis peuvent offrir d'autres avantages puisqu'ils peuvent offrir à leurs employés près de 40c. supplémentaires par dollar.

Pour revenir à votre question, donc, les compagnies n'attirent pas forcément leurs employés canadiens aux États-Unis. Il y a des employés qui vont s'installer là-bas, mais je pense que le plus souvent, c'est à cause de la nature du travail. En effet, une des choses qui retient les gens hautement qualifiés dans l'industrie aérospatiale, c'est l'environnement et l'intérêt du travail, et également la créativité qu'on leur permet de manifester dans les domaines de la R-D.

Merci.

Le président: Monsieur Ritz.

M. Gerry Ritz (Battlefords—Lloydminster, Réf.): Merci pour vos exposés.

Il y a un thème qui est revenu plusieurs fois dans ce que vous nous avez dit ce matin, le fait que vous voulez tous une part du gâteau fiscal, une part du dividende fiscal. Malheureusement, nous n'en sommes pas encore là. Il y a un élément que vous oubliez tous, c'est le fait que nous continuons à consacrer 32c. de chaque dollar au remboursement des intérêts sur la dette. En fait, nous considérons qu'il n'y aura pas véritablement de dividende fiscal tant que ce monstre-là n'aura pas été subjugué.

Dans ces conditions, comment nous, les législateurs, pouvons-nous faire accepter à des contribuables surchargés d'impôts—et je suis d'accord avec vous pour reconnaître que nous payons tous trop d'impôts, qu'il s'agisse d'impôt des particuliers ou des sociétés—la nécessité d'augmenter le financement de toutes vos institutions et en même temps d'alléger les impôts de ces mêmes institutions? Où allons-nous trouver l'argent pour faire tout cela?

Dans les informations que nous avons entendues aujourd'hui, la Fondation canadienne pour l'innovation dispose d'environ un milliard de dollars pour les deux prochaines années. Le système universitaire nous dit qu'il a besoin d'un milliard de dollars de plus. Cela signifie-t-il que le programme n'aurait pas dû commencer et qu'il aurait mieux valu le confier aux universités dès le départ? Est-ce que nous devons repenser complètement le financement de ce secteur? Avons-nous besoin de faire appel beaucoup plus au secteur privé qu'aux gouvernements pour financer un grand nombre d'institutions? Comment repenser tout le système, comment assurer une transition pour nous préparer à la mondialisation sans perdre nos meilleurs éléments? Est-ce que vous avez des idées?

M. Peter Smith: Je ne peux pas parler pour mes collègues, mais il y a une chose que j'aimerais souligner. Je pense que nous devons suivre une démarche logique en ce qui concerne les investissements. Nous ne pouvons pas interrompre toutes nos activités en attendant que le problème de la dette soit réglé définitivement.

• 1010

En ce qui concerne la participation du secteur privé, je citerais simplement l'exemple du Programme de partenariats technologiques, un programme de 250 millions de dollars. Toutefois, pour chaque dollar investi par le gouvernement, l'industrie contribue de trois à quatre dollars. Autrement dit, il ne s'agit pas seulement d'un subside gouvernemental. C'est simplement une façon de mobiliser de l'argent dans le secteur privé pour aider le gouvernement à créer les emplois nécessaires à la croissance et au développement d'une économie fondée sur le savoir.

Dans mes observations, j'ai parlé de la nécessité de régler le problème de la dette, dont on ne saurait exagérer l'importance, mais d'un autre côté, notre démarche doit être beaucoup plus équilibrée qu'à l'heure actuelle. Nous félicitons le gouvernement d'avoir si bien réussi à enrayer le déficit, mais nous ne pouvons continuer à consacrer tout l'argent disponible à la réduction de la dette.

Vous avez vu la réaction de mes collègues des différents secteurs du pays, et nous devons nous assurer que les jeunes hommes et femmes qui sortent des universités trouveront des emplois à la hauteur de leur compétence, ce qui favorisera l'assiette fiscale, à la fois dans les compagnies et chez les particuliers—et qui, par voie de conséquence, permettra d'absorber progressivement la dette d'une façon raisonnable.

M. Robert Giroux: Moi aussi, je suis en faveur d'une démarche plus équilibrée.

On prend des mesures pour régler le problème de la dette sur la base des prévisions du ministre des Finances, et c'est donc une considération légitime. Toutefois, il ne faut pas minimiser l'importance des investissements dans l'économie, car le développement de l'économie permet de réduire l'écart entre la dette et le PIB, ce qui redresse automatiquement la situation financière du gouvernement.

Évidemment, dans le domaine postsecondaire, l'éducation est l'investissement le plus important, et le gouvernement a reconnu cela dans les deux derniers budgets. Par ailleurs, de nombreux sondages ont démontré qu'une population canadienne en bonne santé et bien éduquée était la clé de la croissance future. Le gouvernement va donc devoir continuer à faire des investissements dans ces domaines pour maintenir le même niveau de croissance.

Nous sommes donc en faveur d'une démarche équilibrée, nous pensons qu'il faut encourager l'innovation, encourager l'éducation postsecondaire, mais en même temps, nous savons qu'il est nécessaire de faire quelque chose en ce qui concerne le niveau d'imposition, en particulier l'impôt sur le revenu des particuliers, sans oublier également de prendre des mesures pour réduire la dette, mais toujours en évitant de mettre tous nos oeufs dans le même panier.

Le président: Monsieur Gagnon.

M. Denis Gagnon: Oui. Je dois dire que je comprends votre problème, un problème très difficile, et je suis tout à fait d'accord avec vous.

Ce que nous demandons au gouvernement et Robert vient d'en parler en passant, c'est de trouver des solutions équilibrées.

Je dois vous prévenir que j'ai un problème: en effet, j'ai des préjugés. Après 30 ans passés dans les universités et également un peu dans le secteur privé, je fais partie de ceux qui pensent que les sciences et la technologie sont, pour le Canada, les seuls moyens de se développer. C'est la seule chose qui permettra au Canada de prospérer et tous les progrès dans le domaine des sciences et de la technologie auront des répercussions positives sur d'autres mesures et d'autres programmes.

J'espère sincèrement que le Canada réussira à favoriser le développement des sciences et de la technologie à l'intérieur de ses frontières. Je ne m'attends pas à ce que le gouvernement mette tous ses oeufs dans le même panier, mais j'espère qu'on réservera quelque chose au développement des sciences et de la technologie. Je l'espère sincèrement.

Le président: Vous avez des observations, docteur Dirnfeld?

Dr Victor Dirnfeld: Oui. Évidemment, comme nous avons pu le constater ces cinq ou dix dernières années à cause des erreurs de nos prédécesseurs, il est toujours possible de tirer des leçons du passé. Nous devons rechercher des solutions responsables. Comme on l'a répété inlassablement dans cette institution au cours des six ou 12 derniers mois, il est évident que nous ne pouvons pas nous lancer dans de nouveaux programmes dont nous n'avons pas les moyens. Comme vous l'avez dit, le service de la dette, sans être un problème aussi grave que jadis à cause de la croissance des revenus et de l'économie, reste considérable.

• 1015

Nous ne pouvons donc pas élargir les programmes. Nous devons réduire la dette et partager le dividende fiscal d'une façon raisonnable. Toutefois, nous devons décider quels soins médicaux seront couverts et, sur la base de cette décision, débloquer les fonds nécessaires. Quant aux services dont le secteur public n'a plus les moyens, nous devons chercher à les assurer grâce à des partenariats avec le secteur privé, soit parce que c'est une méthode plus efficace, soit parce que ce secteur-là est plus avancé, par exemple sur le plan de la technologie de l'information, dispose d'un capital plus important ou tout simplement, peut se le permettre. La technologie de l'information, c'est la nouvelle vague dans le secteur médical.

Quant aux étudiants que nous devons convaincre de rester ici, dans une situation où... Les gens de ma génération, les étudiants issus de familles aux revenus modestes, pouvaient aller à l'université et devenir des médecins. À l'époque, dans nos écoles de médecine, toutes les couches de la société étaient représentées et le système était fondé sur le mérite.

Or, si les choses continuent comme elles le sont maintenant, seuls les très riches auront les moyens de faire des études de médecine, ce qui serait une véritable tragédie. Et au lieu... Les augmentations ne peuvent pas être complètement déréglementées. Elles doivent être réglementées et raisonnables et elles doivent s'accompagner d'une disposition quelconque permettant aux étudiants de rembourser leurs prêts une fois leurs études terminées. Voilà, il me semble, les notions importantes auxquelles nous devons nous attarder.

Le président: Monsieur Smith.

M. Peter Smith: J'aimerais utiliser l'exemple de l'industrie aérospatiale pour donner une idée chiffrée du problème et de l'opportunité d'adopter une approche équilibrée.

Au cours des quatre prochaines années, des produits comme le Global Express, le CRJ-700, le Dash 8-400, le Textron de Bell, l'hélicoptère 427 et la série 150 de Pratt et Whitney et quelques produits dérivés feront leur entrée sur le marché. Il faut compter entre six et quinze ans pour la mise au point de pareils produits. Voilà pourquoi j'ai dit que, fin 1997, nous avions un carnet de commandes d'une valeur de 18 milliards de dollars. Par exemple, le Global Express, avion d'affaires, n'a pas encore obtenu sa certification, et nous en avons déjà vendu plus de 70.

Nous croyons essentiel d'assurer un niveau soutenu de R-D pour éviter toute interruption lors des années creuses, afin que nous puissions garder notre élan. Nous sommes confiants d'avoir repéré les bons créneaux du marché, mais les représentants de tous les secteurs présents dans cette pièce réclament que l'on maintienne le niveau de la R-D afin d'assurer la mise en marché de nouveaux produits.

Le bilan de l'industrie aérospatiale pourrait servir de modèle pour les partenariats créés entre le gouvernement et l'industrie, cette dernière contribuant une part de trois pour un ou de quatre pour un, selon le cas, afin d'assurer la pénétration des marchés. Voilà pourquoi aujourd'hui vous voyez ces investissements rapporter gros. Nous devons veiller à ce que cela continue à l'avenir.

Merci.

Le président: Monsieur Waite.

M. Robert Waite: Très brièvement, j'aimerais d'abord me prononcer aussi en faveur d'une approche équilibrée et c'est effectivement ce que souhaitent les entreprises canadiennes, notamment la nôtre.

J'aimerais revenir à la question de l'exode des cerveaux. Notre situation est un peu différente—et préoccupante—du fait que nous avons toujours dans le passé perdu certains employés qui passaient à d'autres secteurs d'activités; or, avant, le nombre était moins élevé et la plupart des travailleurs restaient au Canada. Maintenant ils partent en plus grand nombre et la plupart s'en vont aux États-Unis.

Permettez-moi de vous expliquer pourquoi, en tant que Canadien, je trouve cela particulièrement inquiétant. Les employés qui nous quittaient dans le passé partaient lancer leur propre petite entreprise de logiciels au Canada. Et les petites entreprises, comme vous le savez sans doute tous, sont les moteurs de la croissance de l'emploi. En outre, elles sont une source de nouvelles recettes fiscales pour le gouvernement et elles créent souvent de tout nouveaux secteurs d'activités.

Ainsi, dans le passé, nos employés partaient parce qu'ils croyaient pouvoir être plus heureux dans une petite entreprise plus dynamique et ils partaient pour créer des entreprises comme Cinerom, xxx Alias/Wavefront et Alias Software qui sont depuis devenues de grandes entreprises de plein droit. Or, étant donné le régime fiscal, ils sont plus nombreux à aller créer des entreprises aux États-Unis. C'est une perte pour l'avenir de notre pays et pour l'avenir de nos enfants.

Le président: Merci, monsieur Waite.

[Français]

Monsieur Desrochers.

M. Odina Desrochers (Lotbinière, BQ): Merci à tous les membres du panel qui sont venus nous expliquer leurs attentes et leurs demandes.

Le document qui a été déposé par l'Association médicale canadienne indique qu'en 1996, 513 médecins ont quitté le Canada. Vous dites aussi que ce nombre a beaucoup augmenté de 1991 à 1996. Vous identifiez l'une des causes de cet exode, c'est-à-dire les coupures aux paiements de transfert aux provinces qui ont été faites depuis 1993.

• 1020

Dans un premier temps, monsieur Dirnfeld, possédez-vous des statistiques sur l'exode des médecins au Québec et dans les autres provinces?

[Traduction]

Le président: Docteur Dirnfeld.

Dr Victor Dirnfeld: Merci.

Oui, certaines informations sont disponibles. En 1991, 85 médecins du Québec sont partis s'installer à l'étranger et, en 1996, 108 en ont fait autant. C'est 23 de plus, ce qui représente une augmentation d'environ 30 p. 100 entre 1991 et 1996.

N'oubliez pas que si nous voulons parler de changement net, en 1991, 47 médecins sont revenus au Québec et, en 1996, 52 sont revenus. Il y a donc eu une augmentation nette au Québec.

Enfin, je répondrais que les médecins du Québec ont une moins grande mobilité que ceux du reste du pays, et cela pour deux raisons. La première tient à la langue et à la culture qui les rattachent à leur province natale où ils ont de solides racines et où ils veulent rester. La deuxième tient au titre professionnel. Les écoles de médecine du Québec sont tout aussi bonnes et tout aussi avancées que n'importe quelle autre école de médecine au Canada. Or, un nombre important de médecins du Québec n'essaient pas les examens que d'autres médecins du Canada anglais essaient dans d'autres pays étrangers—particulièrement aux États-Unis—et qui augmentent leur mobilité.

[Français]

M. Odina Desrochers: En ce qui a trait aux coupures de transfert, avez-vous une idée du montant qui devrait être réinvesti pour apporter ce que vous avez appelé un équilibre? Avez-vous fait une telle projection?

[Traduction]

Dr Victor Dirnfeld: Oui. Comme l'Association médicale canadienne l'a dit au comité l'automne dernier, nous avons demandé que le paiement de transfert au titre du TCSPS soit à tout le moins rétabli au niveau de 1996-1997. C'est un minimum. Nous considérons que c'est un point de départ.

Étant donné le vieillissement de la population, l'accroissement démographique, l'arrivée de nouvelles technologies et les traitements plus intenses de malades souffrant de maladies très avancées, nous souhaiterions un rétablissement des crédits en prenant 1995-1996 comme année de référence, ce qui permettrait un financement à tout le moins adéquat.

[Français]

M. Odina Desrochers: Pouvez-vous chiffrer ce montant?

[Traduction]

Dr Victor Dirnfeld: Oui. Les paiements de transfert au titre du TCSPS s'établissent maintenant à 12,5 milliards de dollars par année. Cela inclut la santé, l'enseignement postsecondaire et les services sociaux. Environ 41 p. 100 de ce total va à la santé et environ 30 p. 100 à l'éducation. Si nous devions rétablir les crédits au niveau de 1995-1996, année de référence, le montant serait de 18,5 milliards de dollars plutôt que de 12,5 milliards de dollars, et cela représente un transfert de 6 milliards de dollars de plus.

Pour vous donner une idée de l'impact que cela aurait, si vous prenez l'effet cumulatif sur la période de sept ans du cadre financier du gouvernement actuel, de l'année de référence 1995-1996 à l'an 2002-2003, il y aura une diminution en dollars constants transférés au titre du TCSPS d'environ 40 milliards de dollars.

[Français]

M. Odina Desrochers: Vous dites également dans votre document que le Canada se classe dernier en ce qui a trait aux dépenses consacrées à la recherche en santé. La question s'adresse à tous les analystes. Quels sont les montants investis, et que devrions-nous faire pour devenir plus compétitifs au sein du G-7?

[Traduction]

Le président: Docteur Dirnfeld.

Dr Victor Dirnfeld: Comme vous pouvez le voir au tableau 3 du texte que nous vous avons fait distribuer, la dépense par habitant au Canada pour la recherche biomédicale au Canada était de 22 $. Le Japon dépense 35 $ par habitant et le Royaume-Uni arrive au premier rang avec une dépense de 78 $ par habitant au titre de la recherche biomédicale.

• 1025

Nous sommes consternés par ces chiffres. Nous en sommes gênés. Au Canada nous avons profité en resquilleurs de ce qui se fait aux États-Unis. Nous avons obtenu du financement pour la recherche des National Institutes of Health aux États-Unis pour nos organismes subventionnaires. On pourrait à tout le moins s'attendre du Canada qu'il se situe dans la moyenne des pays du G-7 si nous voulons continuer d'être dans le peloton de tête en recherche biomédicale.

Le président: Monsieur Giroux.

[Français]

M. Robert Giroux: Les membres du comité savent certainement que l'AUCC est venue deux ou trois fois devant le comité pour présenter les projections qu'elle avait établies concernant la recherche universitaire, incluant celle faite au Conseil de recherches médicales et dans les autres conseils subventionnaires.

L'année dernière, nous avions fait une proposition qui reconnaissait la réalité fiscale du gouvernement, mais qui recommandait, à toutes fins pratiques, que les budgets du Conseil de recherches médicales et du Conseil de recherches en sciences naturelles et en génie soient augmentés de 50 p. 100 sur une période de trois ans. Nous avions également demandé qu'on fasse un effort pour augmenter de 60 p. 100 le budget du Conseil de recherches en sciences humaines.

Nous sommes en train de revoir ces projections et nous allons vous les présenter plus tard cet été à votre demande. Ces chiffres sont très conservateurs. Ils reconnaissaient que le Canada avait une croissance à la hausse qui changeait tout ce qu'on avait vu depuis plusieurs années et qui nous maintenait dans le peloton des pays du G-7 et de l'OCDE. Par contre, ils ne nous amenaient pas du tout au même niveau que les États-Unis, la Grande-Bretagne, la France et même certains pays comme la Suède ou la Norvège. Les recommandations que nous allons vous faire plus tard cet été vont certainement aller dans cette direction.

Par contre, ce qui est important, c'est que les gens qui travaillent dans le domaine de la recherche—et c'est le thème de la réunion d'aujourd'hui—ont de l'espoir pour l'avenir. Ils espèrent que ne sera pas comme ça, comme ça, comme ça et comme ça, parce qu'il n'y a rien de pire quand on veut assurer une certaine stabilité du financement. Nous voulons qu'il y ait une progression à long terme afin d'assurer nos meilleurs chercheurs canadiens qu'il y a de l'espoir ici et qu'ils vont pouvoir faire de la recherche parce qu'il y aura un climat propice à la recherche.

[Traduction]

Le président: Monsieur Gagnon.

[Français]

M. Denis Gagnon: Pour vous donner une petite idée de ce qui se passe dans tout le pays, je vous dirai qu'il y a deux ans, à la demande de votre comité, le gouvernement fédéral le gouvernement fédéral a créé la Fondation canadienne pour l'innovation, lui donnant un budget de 800 millions de dollars. Ce n'est pas rien, et il faut le reconnaître. C'est un geste incroyable de la part du gouvernement.

Cette année, on a eu nos deux premiers concours. Si nous dépensions cette année tout l'argent qui nous a été demandé, lors des deux premiers concours, à cause de l'état extrêmement difficile des infrastructures de recherche dans tout le Canada, nous épuiserions à peu près tout l'argent que vous nous avez donné pour cinq ans. Cela vous donne une bonne idée de la situation actuelle au Canada. Je tiens à vous répéter que ces demandes nous sont adressées au moment où nous recevons les plans stratégiques de développement des universités.

Il y a eu des priorités d'établies. Les universités ont fait à cet égard un magnifique travail, mais en dépit de tout cela, si on se laisse aller, on dépensera la première année tout ce que vous nous avez donné pour cinq ans. Il faudrait retravailler un peu notre question, mais je voulais quand même vous donner une petite idée de la situation.

Je ne veux absolument pas ouvrir le débat, mais je dois répondre à mon collègue de l'Association médicale canadienne, qui disait qu'un des facteurs qui font qu'au Québec, nous avons un peu plus de possibilités de conserver nos cerveaux, c'est la culture et la langue françaises. Ce n'est plus vrai aujourd'hui.

• 1030

Depuis quelques années, étant donné qu'il est difficile de faire de la recherche au Canada, il y a un exode de cerveaux, notamment au Québec. Je reconnais que c'est nouveau. C'est un brain drain qui ressemble énormément à celui qu'on voit partout ailleurs. Quand on constate que même la culture et la langue ne constituent plus des facteurs qui retiennent chez nous nos gens, on se pose des questions sur notre capacité actuelle de faire de la recherche au Canada.

[Traduction]

Le président: Monsieur Iftody.

M. David Iftody (Provencher, Lib.): Merci, monsieur le président.

J'ai assisté il y a quelques mois aux consultations prébudgétaires avec les groupes du secteur de la recherche et je trouve l'exposé d'aujourd'hui très semblable. Nous avons déjà entendu tout cela. J'admets qu'il y a un problème, mais je ne vois pas de piste claire de solutions ici.

Si vous m'accordez un instant, j'aimerais faire une récapitulation. M. Gagnon nous a dit qu'il existe un certain nombre de facteurs différents auxquels on peut imputer la situation actuelle. J'ai entendu dire que nous manquons d'établissements d'enseignement et pourtant on dit aussi que nous avons des chercheurs et des étudiants de grand calibre et que le problème en est un de réduction du financement des soins de santé depuis les années 70 et que le véritable problème en est un de réduction d'impôt et de taux d'imposition comparatifs entre nous et les États-Unis.

À mon avis, il ressort des différents exposés des points de vue divergents quant aux solutions à apporter aux problèmes et quant à l'utilisation à faire de ressources rares. Nos distingués invités nous disent-ils que le gouvernement devrait, dans son prochain budget, réduire les taux d'imposition du revenu des médecins afin qu'ils restent au Canada? Ou devons-nous plutôt investir dans l'éducation et les soins de santé? Si nous consacrons davantage de ressources aux soins de santé, devons-nous augmenter le nombre de lits d'hôpitaux pour les soins de longue durée ou devons-nous accorder une augmentation aux médecins? Est-ce cela la réponse? Est-ce un peu des deux?

Encore une fois, pour parler en termes scientifiques, combien de variables y a-t-il? Supposons que nous ne puissions en choisir qu'une et que du point de vue de la politique publique nous cherchions à obtenir les meilleurs résultats possible pour les Canadiens. Quels conseils précis pouvez-vous formuler à l'intention du comité? Je n'ai pas entendu beaucoup d'éléments de réponse depuis une heure et demie.

J'aimerais aussi que nos témoins n'oublient pas une chose quand nous faisons sans cesse des comparaisons avec les États-Unis. Nous parlons de taux d'imposition. Nous n'avons toutefois pas parlé, monsieur le président, du fait que pour obtenir une maîtrise en génie, par exemple, dans l'une des universités américaines les plus réputées, après cinq ans d'études, le coût s'élève pour l'étudiant, pour sa famille et pour toute autre personne à environ 100 000 $ US. Qui en assumera le coût?

En outre, nous avons parlé du coût des soins de santé que doit assumer le travailleur moyen aux États-Unis. Qui paie ces 10 ou 15 p. 100 prélevés sur son salaire?

On ne peut pas tout avoir. On ne peut pas avoir des taux d'imposition comparables à ceux des États-Unis et en même temps ne pas devoir assumer les coûts des soins de santé ou de l'éducation, et c'est pourtant à cela qu'est consacré le gros des dépenses publiques, fédérales et provinciales. Autrement dit, monsieur le président, on ne peut pas avoir la pomme et le paradis. On ne peut pas avoir des taux d'imposition comparables à ceux des États-Unis et continuer de financer la santé et l'éducation et les autres services publics au moyen de l'impôt.

J'aimerais aussi dire quelques mots du secteur de l'aérospatiale. J'admets que nous devons soutenir la concurrence de nombreux autres pays, mais même dans les journaux de ce matin, The Globe and Mail et The Financial Post, on apprend qu'il y a un conflit entre le Canada et le Brésil sur la question de savoir qui subventionne le plus l'autre pays. Nous ne pouvons pas vendre d'avions dans le monde entier parce que de tels conflits nous opposent à certains de nos partenaires commerciaux.

• 1035

Cela nous oblige à aborder une question très douloureuse, à savoir la nécessité de repenser certains de nos programmes d'investissement s'ils font obstacle à nos échanges et s'ils nous nuisent au lieu de nous aider.

J'aimerais donc poser des questions très épineuses et très franches à certains de nos distingués invités parce qu'il me semble que nous n'avons pas abordé certaines de ces questions. Je vais commencer par une question fondamentale. Que recommandez-vous essentiellement au comité, car il ne nous reste plus que 25 minutes? Recommandez-vous des réductions d'impôt ou une augmentation des paiements de transfert?

Le président: M. Smith suivi de M. Waite.

M. Peter Smith: Si vous me permettez, j'aimerais faire un seul commentaire sur le secteur de l'aérospatiale. Ce n'est pas une question facile et je comprends bien la question que vous posez, mais la véritable question que nous devons nous poser, c'est de savoir si nous garderons au Canada les emplois du secteur de l'aérospatiale ou si nous les perdrons à d'autres pays.

À titre d'exemple, si on n'aide pas les entreprises à poursuivre leurs travaux de R-D sur lesquels s'appuie leur fabrication ici au Canada, la valeur ajoutée au Canada de cette augmentation du chiffre d'affaires diminuera énormément. Je prends pour exemple le Global Express où l'aile est construite par Mitsubishi au Japon. Le fuselage du Dash 8-400 et la transmission du PW-150 sont construits pour la première fois en Italie.

Cela est dû au fait que la construction peut s'y faire dans des conditions de coût beaucoup plus avantageuses. Le coût est un facteur très important pour nous tous en ce sens qu'il est déterminé par le transporteur qui achète les avions.

Quand il s'agit de faire des choix, je préfère pour ma part un investissement de 250 millions de dollars, ce qui permettrait à l'industrie d'investir 3 ou 4 $ pour chaque dollar reçu afin de créer des ventes d'une valeur de 18 à 20 milliards de dollars. C'est une façon de profiter de l'effet de levier pour créer ces emplois que nous voulons tous.

Quant aux impôts, nous avons tout simplement voulu vous expliquer ce qui se passe dans notre secteur aujourd'hui. Vous avez mentionné le Brésil. Nous pourrions en débattre pendant des heures puisque l'enquête est en cours depuis quelques temps déjà.

On ne corrige le mal par le mal. Le fait est que de nombreux secteurs de l'aérospatiale appartiennent au gouvernement fédéral de leur pays respectif, que ce soit la France, le Royaume-Uni qui procède actuellement à des privatisations, ou encore le Brésil qui lui aussi privatise ce secteur. Nous souhaiterions nous aussi voir disparaître les subventions dans l'aérospatiale, mais ce n'est pas possible dans le monde compétitif dans lequel nous vivons.

L'Organisation mondiale du commerce et le GATT ont décidé une réduction des subventions et corrigent les pratiques qui faussent le jeu du marché. Mais, entre temps, nous au Canada ne pouvons pas refuser toute subvention parce que cela équivaudrait à permettre la disparition du secteur de l'aérospatiale qui a pourtant connu de francs succès.

Le président: Monsieur Waite.

M. Robert Waite: J'aimerais vous remercier tous de votre franchise parce que cela nous sera certainement très utile. Nous représentons bien entendu des intérêts divers. Mon entreprise, par exemple, ne fait pas partie des 60 p. 100 dont M. Smith... Nous sommes une entreprise canadienne exploitée par des intérêts canadiens et seulement la moitié environ de nos activités se font dans le secteur de l'aérospatiale. Ainsi, j'aimerais aborder des questions d'une portée un peu plus grande.

J'aimerais préciser que quand nous perdons des employés qui vont s'installer aux États-Unis—de jeunes ingénieurs spécialisés en logiciel ou en électricité—, les soins de santé et les autres programmes sociaux sont loin de les préoccuper. C'est peut-être surprenant et malheureux, mais ils ont typiquement la fin de la vingtaine, ils se croient invincibles tant au plan professionnel que physique.

Ils obtiennent des conditions de rémunération qui comblent les vides. Les entreprises savent ce qu'elles font parce qu'elles savent ce qui attirera les Canadiens et elles comblent les vides.

Notre pire cauchemar, je l'avoue, c'est que ces gens ne reviennent quand ils auront la quarantaine ou la cinquantaine, prêts à faire instruire à nos frais leurs garçons et leurs filles de 17 et de 18 ans et qui, comme moi qui suis dans la quarantaine, feront davantage appel à notre système de soins de santé pour faire soigner leurs divers malaises. Voilà le pire cauchemar.

• 1040

Pour répondre maintenant à votre question très directe sur ce qui importe le plus, je dirais que même si ce n'est pas présenté de cette façon dans mon exposé, ce qui est le plus important pour une entreprise comme CAE et certaines entreprises de recherche biomédicale mentionnées plus tôt—pour répondre à une question posée plus tôt—, l'essentiel ce serait de trouver un meilleur effet de levier pour le programme de crédit d'impôt à la R-D.

Des entreprises comme CAE qui sont de véritables moteurs de la R-D ont accumulé des crédits non utilisés, et s'il y avait moyen de permettre que ces crédits accumulés soient utilisés, je peux vous garantir que nous consacrerions davantage d'argent à la R-D et que nous embaucherions davantage d'ingénieurs, en supposant toutefois que nous puissions les convaincre de rester.

Mais, encore une fois, je vous remercie de nous avoir rappelé que nous devons être plus précis, c'est toujours utile.

Le président: Docteur Dirnfeld.

Dr Victor Dirnfeld: Je suis très heureux moi aussi que l'on me demande carrément de proposer des solutions précises et je suis heureux de pouvoir réagir aussi à certaines autres idées que vous avez soulevées.

En ce qui concerne les gens de talent, nous savons au Canada formé des médecins de grand calibre malgré les contraintes budgétaires des universités et des écoles de médecine. Je crois que cela en dit long sur le calibre de nos gens, de ceux qui enseignent avec dévouement dans nos écoles, ou encore de ceux qui poursuivent avec talent et mérite des études en médecine.

En médecine, une part importante de la formation se fait en autodidacte. Les étudiants doivent connaître les publications mondiales et internationales et je vous signale en passant que beaucoup de manuels scolaires et de publications scientifiques proviennent des États-Unis parce qu'ils sont à la fine pointe de la recherche et de la connaissance scientifique.

La revue MacLean's, par exemple, estime dans son numéro de cette semaine que la différence des taux d'imposition entre le Canada et les États-Unis est de 2 ou 3 p. 100 alors qu'elle est de 13 et de 14 p. 100 au taux le plus élevé parce qu'elle tient compte des coûts de soins de santé aux États-Unis—dont vous avez parlé—et de l'importance qu'il faut leur accorder lorsque l'on détermine la différence des taux d'imposition. Ainsi, même en prenant en compte le coût des services de santé et des autres services sociaux que doivent assumer les citoyens américains, cela laisse néanmoins un important écart dans le revenu disponible en raison des taux d'imposition plus faibles aux États-Unis qu'au Canada. Cela ne peut manquer d'attirer des jeunes gens qui, comme quelqu'un l'a déjà dit, se sentent invincibles et sont prêts à prendre des risques.

Il ne s'agit pas d'une question monobloc mais il y a de multiples éléments qui expliquent pourquoi certains du «groupe des cerveaux» décident de quitter le Canada et d'aller s'installer aux États-Unis. Ils vont à l'université ici et quand on fait la comparaison et qu'on se renseigne sur les universités américaines où les frais de scolarité sont plus élevés, on apprend que les frais ne sont pas tellement plus élevés dans les universités publiques aux États-Unis. Les frais de scolarité sont considérablement plus élevés dans les universités privées mais ces universités privées reçoivent de généreuses dotations et il y a de nombreuses compensations particulièrement pour les étudiants de familles moins aisées. Et même les étudiants de familles de la classe moyenne ou supérieure sont en mesure de rembourser leur dette d'études beaucoup plus rapidement dans l'économie américaine, peu importe leur sujet d'études, y compris la médecine.

En ce qui a trait à l'augmentation du financement, il est bien clair que nous avons des ressources limitées et nous devons décider de l'affectation des fonds et, quand on parle d'une approche équilibrée, il est bien clair que nous devons affecter une partie des fonds à la réduction de la dette. Nous tous ici nous entendons je crois pour dire que le solde doit être affecté judicieusement à d'autres secteurs.

S'agissant des soins de santé, je l'ai déjà dit, il faut que les gouvernements disent explicitement quels soins de santé seront assurés—et nous avons des méthodes et des gabarits et des protocoles qui nous permettent d'en décider—et une fois la décision prise, il faut un financement adéquat pour garantir un accès adéquat aux services de santé assurés. Pour le reste, nous devrions créer des partenariats avec le secteur privé et nous devrions chercher à trouver des investisseurs, bien que cela ne corresponde pas à l'idéologie de certaines personnes. À mon avis, nous n'avons pas d'autre choix si nous voulons maintenir le niveau actuel de service et aller de l'avant.

• 1045

Enfin, en ce qui a trait à l'impôt, je rappelle qu'il y a un fort courant d'opinion publique qui dit qu'une diminution du fardeau fiscal augmente la production de la richesse; que les gouvernements ne sont peut-être pas toujours les mieux placés pour prendre des décisions intelligentes et sages quant à l'affectation du revenu des particuliers; et que les particuliers doivent avoir la possibilité de créer, de faire preuve d'esprit d'entreprise afin d'augmenter la richesse de la nation.

Le président: Merci.

Monsieur Giroux.

M. Robert Giroux: Monsieur le président, je ne crois pas que le comité soit étonné d'apprendre que dans les milieux universitaires nous serions fortement en faveur d'une augmentation de l'investissement dans l'enseignement postsecondaire, notamment dans les secteurs de la recherche et de l'éducation internationale, comme nous l'avons dit dans notre mémoire.

Nous avons porté à votre attention un problème qui se fait sentir durement et qui résulte des réductions du financement direct des universités et je veux parler du problème des budgets de base de nos établissements d'enseignement. Nous allons certainement exercer des pressions, données à l'appui, quand nous vous soumettrons plus tard des propositions concrètes.

Le président: Merci, monsieur Giroux.

Monsieur Gagnon.

M. Denis Gagnon: Si vous me permettez j'aimerais dire quelques mots. Comme je l'ai dit à votre collègue il y a à peine une heure, je reconnais que vous devez trouver une solution à un problème très épineux. Si j'avais à vous faire une suggestion, ce serait d'espérer que le gouvernement fédéral prenne les meilleures décisions possible pour renforcer l'économie canadienne et faire en sorte que nous soyons en mesure de créer de la richesse au Canada puisque la vigueur future de l'économie en dépend, à mon avis.

Je pense—mais je peux me tromper—que pour renforcer l'économie, il faut promouvoir l'innovation et le développement de la science et de la technologie. Voilà pourquoi j'estime qu'il est important que le Canada fasse davantage dans ce secteur.

Je souhaiterais une approche équilibrée qui permettrait néanmoins de mettre l'accent sur le développement de l'économie grâce à l'adoption de procédures novatrices.

Le président: Monsieur Pillitteri.

M. Gary Pillitteri (Niagara Falls, Lib.): Merci, monsieur le président.

Mon collègue a abordé certaines des questions qui n'intéressent plus particulièrement mais j'aimerais rappeler à certains de nos invités que certains coûts doivent être pris en compte lorsqu'on nous compare aux États-Unis.

J'ai un très bon ami qui pourrait presque être un autre moi-même—qui paie 1 900 $ d'impôt par année sur une propriété de 100 000 $ dont il est propriétaire en Floride. Il paie 261 $ d'assurance générale pour une couverture de 30 000 $; 214 $ d'assurance inondation; 180 $ d'assurance vent et des frais d'hydro, de téléphone et de câble plus élevés qu'ici. Cela n'inclut pas toutes les autres dépenses. Il n'a pas non plus d'assurance-maladie. Alors, si nous comparons le fardeau fiscal des uns et des autres, ce n'est pas le véritable problème.

Toujours en parlant des coûts, j'ai une nièce qui vient d'obtenir son diplôme d'optométriste à Philadelphie et elle a une dette de 140 000 $ U.S. avant même d'avoir commencé à travailler. Alors soyons bien clairs. Au Canada les étudiants ont une dette d'environ 25 000 $ à la fin de leurs études, alors comparons autre chose.

Docteur Dirnfeld, vous avez parlé des transferts sociaux—12,5 milliards de dollars comparativement aux 18 milliards de dollars qui auraient été transférés n'eut été les coupures. Avez-vous aussi pris en compte l'espace fiscal transféré à l'époque aux provinces? C'est le premier volet de ma question.

Par ailleurs, vous dites que 41 p. 100 des transferts vont à la santé et 30 p. 100 à l'enseignement postsecondaire. Cela laisse 29 p. 100 qui seraient versés au Régime d'assistance publique du Canada. Par contre, les provinces pourraient dépenser à leur gré. Les sommes transférées ne sont plus affectées à des programmes précis. Quand les transferts sont passés de 18 milliards de dollars à 12,5 milliards de dollars, quels montants de points d'impôt ont été transférés en même temps? Ce ne sont pas les chiffres réels. Quand on parle de 12,5 milliards de dollars, il s'agit là uniquement du transfert en espèces et les 18 milliards de dollars correspondent au total combiné d'il y a cinq ans.

• 1050

C'est là une première partie de la question mais j'aimerais en poser une deuxième à tous nos témoins. Avez-vous réalisé des études? Deuxièmement, le phénomène de l'exode des cerveaux s'accentue-t-il ou s'il diminue?

Je me souviens il y a quelques années quand mes propres enfants avaient hâte d'aller aux États-Unis. Ils étaient bien instruits, ils avaient tous obtenu des diplômes universitaires et voulaient tenter d'aller s'installer aux États-Unis. Ils étaient les derniers de leur groupe. Leurs amis qui s'y étaient rendus quelques années plus tôt se trouvaient de bons emplois aux États-Unis. Ensuite, la situation s'est améliorée au Canada. Depuis quelques années, les perspectives s'améliorent pour les étudiants.

L'exode des cerveaux se poursuit-il ou est-ce qu'il y a des hausses et des baisses? Avez-vous réalisé une étude pour savoir si le phénomène a un cycle de cinq ou de 10 ans? J'aimerais obtenir des réponses si possible. Vous pourrez peut-être nous les donner la prochaine fois que vous comparaîtrez.

Dr Victor Dirnfeld: En réponse aux questions qui m'ont été posées, je vous remercie beaucoup d'avoir soulevé ces aspects. Je vais d'abord répondre à la dernière question.

En ce qui concerne l'exode des cerveaux, en médecine, ce phénomène est certainement continuellement à la hausse. Or, au sujet de cette hausse—nous avons des chiffres avec l'Institut canadien d'information sur la santé—, de 1991 à 1996, il y a un aspect cyclique qui s'est manifesté, mais il y a eu une hausse continue. Nous vous avons d'ailleurs fourni un tableau là-dessus.

En ce qui concerne l'exemple que vous nous avez donné au sujet de la dette de la nièce en optométrie, je voudrais souligner que pour un étudiant en médecine de premier cycle, la dette projetée s'élève à environ 140 000 $, étant donné les changements à l'Université de Toronto et d'autres universités ontariennes et ceux qui surviendront bientôt dans une université près de vous. Il s'agit de la dette projetée, qui est semblable à celle dont vous avez parlé au sujet de votre nièce. Cependant, selon les chiffres dont nous disposons, votre nièce aura deux fois plus de capacité à générer des revenus pour rembourser cette dette, en plus de la possibilité d'obtenir des bourses et prêts des écoles privées les plus riches aux États-Unis.

En ce qui a trait aux points d'impôt, c'est un domaine très délicat pour moi. Je ne suis pas un économiste ni un actuaire. Je ne suis pas un homme politique et je ne connais pas les détails de la question, mais j'entends et je lis par exemple ce que disent des experts comme M. Tom Kent qui, en décembre dernier, a fait un exposé devant le Caledon Institut of Social Policy. Il est considéré comme le parrain de l'assurance-maladie au Canada et il a contribué à l'élaboration des politiques sociales au Canada avec Lester Pearson dans les années 60. Il a dit que la question des points d'impôt était un point mort et il l'a répété lors de la conférence de l'Institut international de la recherche qui s'est tenue le mois dernier à Toronto où j'étais moi aussi conférencier. C'est un argument qui ne se tient pas, et il en a expliqué les raisons.

Je dois admettre, monsieur, que je n'ai pas la formation pour examiner ces questions en profondeur et que je n'en ai pas non plus la possibilité, mais je suis prêt à obtenir des documents d'information auprès de notre personnel et de M. Kent, naturellement. En ce qui a trait à l'approche et à l'interprétation des autres experts, la question des points d'impôt ne se pose vraiment pas dans ce débat.

Le président: Monsieur Riis.

M. Nelson Riis: Merci beaucoup, monsieur le président.

M. Gary Pillitteri: Un instant, monsieur le président. Nous pourrions peut-être demander à nos propres attachés de recherche quelle est la valeur des points d'impôt afin que nous puissions répondre la prochaine fois que la question sera soulevée.

Le président: Très bien.

M. Gary Pillitteri: Merci.

Le président: Merci, monsieur Pillitteri.

Monsieur Riis.

M. Nelson Riis: Merci, monsieur le président.

Messieurs, j'essaie de voir s'il y a un thème commun à tous les exposés. Il y en a plusieurs. Celui qui me frappe le plus est: «Houston, nous avons un problème».

• 1055

J'ai écouté le Dr Dirnfeld nous décrire ce qu'il dit être effectivement une crise de confiance à l'égard de notre régime d'assurance-maladie, et il en a expliqué les raisons. J'ai remarqué dans le journal du week-end que le gouvernement fédéral a signé une entente avec le ministère de la Défense nationale afin d'envoyer des médecins de la Défense nationale à Terre-Neuve pour des urgences car il n'y a pas suffisamment de médecins pour faire le travail là-bas dans certaines régions rurales. J'imagine que cela est l'indication ultime d'une crise dans le régime de soins de santé, certainement dans cette partie du monde. D'autres ont ensuite parlé de l'exode des cerveaux et d'une crise du financement des sciences et de la technologie, etc.

J'ai deux ou trois questions. Monsieur Smith, j'espère que vous ne m'en voudrez pas si je vous pose cette question. Il y a quelque temps, nous avons entendu la Canadian Taxe Payers Federation qui a porté un problème à notre attention: bon nombre des subventions et des prêts qui sont accordés aux entreprises de haute technologie ne sont pas jamais remboursés. Du moins c'est ce que le représentant de cet organisme nous a dit. Il a dit que cela représentait des milliards de dollars qui n'étaient jamais remboursés. Qu'est-ce que vous lui diriez en réponse à cette accusation qu'il fait?

M. Peter Smith: Nous avons eu plusieurs débats sur cette question particulière, et je lui dirais la même chose que je vous dis à vous: malheureusement, ce qui est arrivé, c'est qu'on lui a fourni des données qui étaient une analyse sélective dans le temps indiquant le montant total de l'aide financière gouvernementale aux entreprises dont une partie était contractuellement remboursable tandis qu'une autre partie ne l'était pas.

Cela étant dit, les articles de journaux que vous avez lus indiquaient sans aucun doute que l'une des sociétés, Bombardier, n'avait remboursé que 5 p. 100 de toutes les subventions qu'elle avait reçues du gouvernement. Je ne peux pas vous dire aujourd'hui si ce pourcentage est exact ou non, mais je peux vous dire cependant que lorsque Bombardier reçoit une aide financière pour mettre au point un aéronef, une période allant jusqu'à 15 ans peut s'écouler entre la conception et la mise en marché et la vente du produit.

Ce que je trouve très frustrant, c'est que lorsqu'on regarde une contribution particulière de ce genre à laquelle se rattache une obligation contractuelle de rembourser, cela n'est possible qu'au moment où le produit devient rentable. Dans un cas, par exemple, Bombardier devrait vendre 400 aéronefs avant d'atteindre le seuil de rentabilité. Ce n'est donc qu'après le quatre centième aéronef que la partie remboursable commence à s'appliquer.

Si on regarde les projections des contributions remboursables et plus particulièrement dans ce cas-ci, je pense qu'ils faisaient allusion à un programme de productivité de l'industrie de la défense, je crois comprendre que le gouvernement fédéral a récupéré 93 millions de dollars l'an dernier et s'attend à en récupérer 73 millions cette année. Dans le cas de Bombardier, le contrat donne à cette société jusqu'à l'an 2025 pour rembourser.

Je ne nie donc pas que position est la même aujourd'hui. C'est peut-être 5 p. 100 du montant total qui a été accordé, mais je pense qu'il est injuste de dire que tout devrait être remboursé aujourd'hui, pour la simple raison qu'il y a eu une progression avec le temps, et qu'à un moment donné les produits seront commercialisés et ils atteindront le seuil de rentabilité. Malheureusement, je pense que dans le cas de M. Robinson, il n'accepte le fait que c'est un moyen d'aller chercher des capitaux dans le secteur privé et qu'au cours de cette période, si le produit a du succès, le gouvernement pourrait récupérer beaucoup plus que ce qu'il a contribué et que cela pourrait se poursuivre à perpétuité si le produit est vendu.

M. Nelson Riis: L'autre problème, à mon avis, en ce qui concerne l'impôt sur le revenu des particuliers... Et s'il y a un thème que l'on retrouve dans les exposés, c'est de toute évidence que nous devons investir beaucoup plus dans les soins de santé pour ce qui est de restaurer le financement, et c'est la même chose pour le financement de la R-D en science et technologie, et même temps nous devons réduire les impôts sur le revenu des particuliers.

Hier le groupe qui a témoigné devant notre comité a présenté un argument très convaincant en disant que nous ne pouvions pas faire autrement que de réduire les impôts sur les sociétés, et que si nous ne le faisions pas nous aurions de graves problèmes. Nous sommes donc devant un dilemme: il est difficile de faire les deux, et il faut oublier la question du remboursement de la dette. Peut-être que les témoins ont des commentaires à faire rapidement sur ce sujet.

Par ailleurs, je demanderais au Dr Dirnfeld, en ce qui concerne le rétablissement du financement des soins de santé, jusqu'à quel point cela contribuerait à freiner l'exode des cerveaux, particulièrement dans le domaine médical. Je me rends compte que ce n'est pas simple et que ce n'est pas en rétablissant le financement que tout va se régler, mais dans quelle mesure est- ce que cela pourrait régler le problème si l'on rétablissait le financement au niveau où il devrait se trouver, comme vous le dites dans votre rapport.

• 1100

Dr Victor Dirnfeld: Merci. Très brièvement, nous n'avons pas de chiffres, mais nos sondages révèlent qu'un nombre important de médecins qui sont partis à l'étranger ont donné comme raison de leur départ le manque d'accessibilité aux installations et à la technologie en matière de soins de santé.

Par exemple, les deux chirurgiens orthopédistes qui ont quitté Prince George il y a trois ans parce qu'ils ne pouvaient obtenir de prothèses pour les hanches et les genoux de leurs patients pas plus que du temps pour opérer, sont allés à Minot au Dakota du Nord. Ce n'est pas le premier endroit que je choisirais, mais là-bas ils avaient un accès illimité à des ressources illimitées et ils étaient un atout pour la communauté.

D'autres qui oeuvraient dans le domaine universitaire sont partis parce que, encore une fois, ils avaient là-bas des possibilités pour faire de la recherche et des études cliniques.

Il s'agit donc d'une question de qualité plutôt que de quantité, et je pense que cela contribuerait considérablement à garder ces gens dans les centres urbains et dans les centres universitaires, mais particulièrement dans les régions rurales et éloignées.

Le président: Est-ce que d'autres témoins voudraient faire des commentaires? Monsieur Riis, avez-vous d'autres questions?

M. Nelson Riis: J'ai une observation. Quelqu'un voudra peut-être répondre.

Pour ce qui est des entreprises que vous représentez ou que je connais, si quelqu'un de l'usine de Boeing de Seattle ou ailleurs se fait dire qu'il doit aller vivre au Canada, ce doit être une expérience horrible. D'après ce que vous nous avez décrit, cela doit être pire que la mort lorsqu'on doit venir faire son métier dans notre pays. Est-ce vraiment si terrible?

Le président: Monsieur Waite.

M. Robert Waite: Je peux répondre à cette question de deux points de vue. D'abord pour ce qui est de ma propre société, nous avons essayé d'attirer des gens chez nous, en fait à des niveaux très élevés, pour des postes de directeur général, et la réaction a été mixte. Franchement, je pense que les gens considèrent qu'il s'agit d'un merveilleux pays et d'un très beau pays et qu'ils voient tous les aspects positifs. Ce n'est que lorsqu'ils s'assoient avec leur comptable qu'ils voient alors les désavantages et qu'ils arrivent à une autre décision. Il n'y a rien de négatif pour ce qui est de la qualité de vie. C'est plutôt le contraire. Je suis sûr que vous n'en disconvenez pas.

M. Nelson Riis: Je n'en disconviens pas. J'oublie lequel de vous deux a dit que la chose principale qui attirait les gens dans un emploi était la satisfaction que procure l'emploi.

M. Robert Waite: C'est justement ce qu'a dit la semaine dernière l'Association canadienne de technologie de pointe dans une étude qu'elle a publiée.

J'allais également dire...

M. Nelson Riis: Si c'est la satisfaction professionnelle et qu'il y a ce mouvement, cet exode collectif—peut-être pas collectif, mais grave—, je présume alors que ce n'est pas une question de satisfaction professionnelle pour eux. Si cela est le cas, il n'y a donc pas de satisfaction professionnelle chez nous.

M. Robert Waite: Ce que certains d'entre nous ont dit—je pense que c'est un thème commun—c'est qu'en plus de la situation fiscale que nous avons décrite, il est nécessaire d'avoir un travail ayant un sens, et typiquement pour ceux qui travaillent dans ce genre de professions, cela veut dire la possibilité de faire de la recherche innovatrice, des travaux passionnants. Je pense que c'est pour cette raison que vous avez plus d'une réponse à cette question. Il y a plus qu'un facteur qui entre en ligne de compte ici.

M. Peter Smith: J'aimerais tout simplement dire, monsieur Riis, qu'environ six cadres supérieurs que je connais sont venus ici travailler pour des entreprises américaines et se font tous payer en dollars américains. Ils sont absolument ravis d'être au Canada pour ce qui est de la qualité de vie et cela est certainement intéressant. Ils détestent l'hiver, mais quoi qu'il en soit cela dépend d'où ils travaillent.

Je pense que ce serait difficile à accepter si, selon vous, ils devraient être prêts à quitter les États-Unis et à venir au Canada sans qu'il y ait un incitatif, et l'incitatif est essentiellement payé en dollars américains et à cet égard ils ne se retrouvent pas avec un manque à gagner.

M. Robert Giroux: J'aimerais ajouter très rapidement, car vous avez parlé du thème de la satisfaction professionnelle, que ce que l'on vous dit ici ce matin, particulièrement en ce qui a trait à l'aide à la recherche, c'est que l'un des facteurs clés dans nos études a démontré que ce qui permet de garder les meilleurs chercheurs ici au Canada, c'est l'environnement global dans lequel se fait la recherche, à partir de l'infrastructure jusqu'à l'aide directe, les techniciens, etc. C'est ce qui manque à l'heure actuelle dans bon nombre de nos institutions. C'est pourquoi il y a une demande élevée à la Fondation canadienne pour l'innovation, et c'est pour cette raison que nous avons besoin davantage d'aide dans ce domaine.

Pour nous, dans nos sondages, c'était un facteur clé, pas nécessairement le niveau d'imposition ou autre chose. C'était le facteur clé.

• 1105

Le président: Merci, monsieur Giroux.

Docteur Dirnfeld.

Dr Victor Dirnfeld: Monsieur Riis, vous avez parlé de la situation à Terre-Neuve, disant que le personnel médical de l'aviation canadienne sera envoyé à Terre-Neuve pour offrir des soins de santé à cause du manque de services là-bas.

J'ai eu l'occasion de discuter de cette question et de bon nombre d'autres questions avec Brian Tobin le premier ministre de Terre-Neuve il y a quatre jours et il déplorait l'exode des médecins de Terre-Neuve. L'une des raisons était qu'ils ne pouvaient pratiquer à cause du manque d'infrastructure. L'autre raison était que la rémunération des médecins à Terre-Neuve était d'au moins 15 p. 100 inférieure à celle des médecins ailleurs dans le Canada atlantique.

Le recours aux forces armées constitue une solution improvisée. Cela montre sans doute que nous sommes trop souvent prêts à adopter une approche improvisée au problème de financement dans le domaine des soins de santé au pays. Je suis heureux que vous l'ayez soulevé.

Le président: Merci, docteur Dirnfeld.

Au nom du comité, je voudrais vous remercier pour ce qui a été à mon avis une excellente table ronde sur cette question très importante de l'exode des cerveaux.

Comme vous l'avez constaté déjà dans les recommandations de notre rapport de l'an dernier, Maintenir l'équilibre: Sécurité et possibilité pour les Canadiens, notre comité est très sensible aux problèmes que vous avez soulevés au fil des ans. Nous sommes heureux de constater que le ministre des Finances a en fait donné suite à ces recommandations.

L'un des aspects difficiles de notre travail en comité, bien sûr, c'est que nous entendons des points de vue différents, et l'exode des cerveaux en est encore un autre exemple. Comme vous le savez, il y a une étude qui a été publiée par Statistique Canada et dans laquelle ont fait valoir que le Canada importe davantage de travailleurs intellectuels qu'il n'en perd. Le nombre de travailleurs spécialisés qui viennent s'installer au Canada et qui proviennent du reste du monde est supérieur au nombre de travailleurs qui s'en vont aux États-Unis. Par ailleurs, les participants à une conférence récente de l'Institut C.D. Howe organisée pour examiner cette question en sont arrivés à la conclusion qu'il n'y avait pas vraiment de problème d'exode des cerveaux.

Nous prenons naturellement note des points que vous avez soulevés, mais il y a deux écoles de pensée sur cette question particulière.

Ma question porte sur la fiscalité. Comme vous le savez, les Canadiens ont l'impression que leur fardeau fiscal a augmenté au fil des ans, et c'est une question qu'ils aimeraient que notre comité examine sérieusement. Ce qui me frappe, c'est que si nous devions faire quelque chose pour les personnes dont vous parlez—c'est-à-dire des Canadiens dont la rémunération est élevée, car vous parlez de médecins, de scientifiques et de chercheurs qui, comme vous le dites, vont travailleur plus au sud car ils reçoivent un traitement préférentiel là-bas—, vous parlez donc essentiellement d'une réduction d'impôt générale, car pour que nous puissions réduire les impôts à ce niveau, nous devons songer d'abord à une réduction d'impôt générale.

Croyez-vous que c'est le moment de le faire, ou que nous devrions plutôt continuer à faire ce que nous avons recommandé la dernière fois et cibler les réductions d'impôt en commençant par les Canadiens à faible revenu, et accorder des réductions d'impôt à ceux qui ont un revenu supérieur à mesure que la situation s'améliorera?

Qui veut répondre à la question? Monsieur Smith.

M. Peter Smith: Je pense que les réductions d'impôt devraient être générales. Je pense que nous enverrions le mauvais message en faisant des choix. S'il y avait une réduction générale graduelle pour reconnaître que par rapport à d'autres pays du G-8, la situation fiscale du Canada lui permet tout au moins de faire quelques modestes progrès sur ce plan, cela enverrait un message très clair à toutes les catégories d'employés et cela les rassurerait.

Il n'est pas nécessaire que ce soit une réduction considérable, et pourvu que le gouvernement indique qu'il souhaite aider toutes les catégories, ne serait-ce que par une mesure des plus modeste, je crois que tout le monde applaudirait à un tel geste.

Merci.

Le président: Monsieur Waite.

M. Robert Waite: Je dirais moi aussi que les réductions devraient être générales. Dans les cas que j'ai décrits, qui sont peut-être différents de ceux de mes collègues, je parle vraiment de gens qui ont cinq ou six ans d'expérience, qui sont dans la vingtaine avancée et dont le revenu n'est pas dans les six chiffres. Ils gagnent plutôt entre 40 000 $ et 50 000 $. Je pense que ce serait un pas dans la bonne direction que de leur montrer que l'on fait quelque chose pour eux en ce qui a trait à leur salaire net.

• 1110

Je suis d'accord pour dire qu'il n'est pas nécessaire que ce soit une grosse réduction, mais cela montrerait le début d'un engagement. La réponse ne consiste pas à donner et à reprendre. Donc, si c'est quelque chose que vous feriez pour un an ou deux et qui serait repris par ceux qui arriveront au pouvoir après les élections, alors ça ne vaut presque pas la peine.

Le président: Les gens partent parce que là-bas les réductions d'impôt et les avantages fiscaux sont importants. Si on leur accorde une réduction d'impôt minimale, croyez-vous qu'ils resteront?

M. Robert Waite: Selon la façon dont cela serait présenté à la population canadienne, si c'était présenté comme étant une première étape de l'allégement fiscal et si on expliquait aux gens pourquoi ce n'est qu'une première étape progressive—pour les raisons dont nous avons parlé, le déficit budgétaire et autres—, cela pourrait donner je pense un répit aux gens.

Pouvons-nous offrir des salaires comparables à ceux qu'offrent les Américains après impôt? Absolument pas. L'écart est assez grand, même si on tient compte des aspects qui ont été soulevés au sujet du coût des soins de santé, des taxes foncières et tout cela. Je pense cependant qu'on pourrait ainsi envoyer un signal et qu'il est important de le faire.

Le président: Monsieur Smith.

M. Peter Smith: Pour ajouter à un commentaire qu'a fait M. Riis, je n'ai rencontré personne qui soit parti chez nos voisins du sud ou qui soit venu des États-Unis au Canada et qui ne dise pas que le Canada est l'un des meilleurs pays où l'on puisse vivre. Le problème, c'est qu'il y a des différences considérables sur le plan fiscal et sur le plan salarial.

Tout ce qu'il faut—je suis d'accord avec M. Waite—c'est un signal pour dire que le Canada a maintenant réglé son problème de déficit et qu'il envisage d'adopter une approche équilibrée et responsable, soit augmenter ses dépenses de programmes selon ses moyens tout en réduisant la dette.

Je pense que le message à long terme pour dire que nous nous attaquons enfin à ce qui est perçu, du moins par certaines personnes à l'étranger, comme étant une situation très injuste sur le plan de l'impôt sur les particuliers en raison des importantes différences entre les pourcentages—particulièrement chez nos voisins du sud—est sans doute le signal le plus approprié que l'on puisse donner, car le Canada est un endroit merveilleux pour vivre et personne ne dirait le contraire, certainement pas ceux qui ont facilement traversé les frontières.

Le président: J'ai une dernière petite question qui s'adresse à tous nos invités. Si vous aviez un excédent financier d'un milliard de dollars, de quelle façon est-ce que vous le partageriez entre la réduction de la dette, la réduction des impôts et les dépenses sociales?

M. Peter Smith: Un tiers, un tiers et un tiers.

Le président: Un tiers, un tiers et un tiers?

Très bien. Au nom du comité, encore une fois, je vous remercie.

La séance est levée.