Passer au contenu
Début du contenu

FINA Réunion de comité

Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.

Pour faire une recherche avancée, utilisez l’outil Rechercher dans les publications.

Si vous avez des questions ou commentaires concernant l'accessibilité à cette publication, veuillez communiquer avec nous à accessible@parl.gc.ca.

Publication du jour précédent Publication du jour prochain

STANDING COMMITTEE ON FINANCE

COMITÉ PERMANENT DES FINANCES

TÉMOIGNAGES

[Enregistrement électronique]

Le jeudi 22 octobre 1998

• 0806

[Traduction]

Le vice-président (M. Nick Discepola (Vaudreuil—Soulanges, Lib.)): Bonjour! En vertu du mandat prévu au paragraphe 108(2) du Règlement, le comité poursuit son étude du rapport du Groupe de travail sur l'avenir du secteur des services financiers canadien, plus couramment appelé le rapport MacKay.

Ce matin, nous accueillons M. Leo Broderick, du Conseil des Canadiens, M. Myron MacKay, de Fair Isle Ford Sales Limited, M. Fred Hyndman, directeur général de Hyndman & Company Limited, M. Scott MacAuley, du College of Piping and Celtic Performing Arts of Canada, et M. H. Wayne Hambly, de P.E.I. Mobile Home and Trailer Sales. Vous êtes tous les bienvenus.

Voici comment nous procédons. Chacun dispose de cinq à dix minutes environ pour faire son exposé, après quoi les députés posent leurs questions. La séance de ce matin devrait prendre fin vers 10 h 30. J'espère que nous aurons de bons échanges.

Cette année, le comité a décidé, comme par le passé, de se scinder en deux groupes, un se rendant dans l'Est et l'autre, dans l'Ouest. Nous avons déjà tenu nos audiences à Terre-Neuve, ainsi que dans la région de Halifax-Darmouth. Hier et la journée précédente, nous étions à Saint John, au Nouveau-Brunswick. La semaine prochaine, nous siégerons à Ottawa, et la semaine suivante, à Montréal. Nous avons combiné nos audiences avec les consultations prébudgétaires qui ont eu lieu hier. Il faudra que le comité ait remis son rapport sur les consultations budgétaires au ministre d'ici la mi-décembre, alors que le rapport sur les recommandations du rapport MacKay est dû en mars.

J'aimerais commencer par vous, monsieur Broderick, si vous le voulez bien.

M. Leo Broderick (administrateur, Conseil des Canadiens): Je vous remercie beaucoup.

Je suis ici comme porte-parole du Conseil des Canadiens qui compte plus de 100 000 membres répartis un peu partout au pays, dont quelques centaines ici même, à l'Île-du-Prince-Édouard. J'aimerais soulever plusieurs points avec vous.

Je tiens à vous annoncer, au départ, nos couleurs. Nous estimons que les Canadiens ont besoin de meilleures banques. Notre groupe est certes opposé aux fusions, et je vais vous en expliquer les raisons.

Tout d'abord, les fusions bancaires élimineront des emplois au sein de nos collectivités. Si ces fusions vont de l'avant, les banques ont déjà refusé catégoriquement de protéger les emplois. Ce qui arrive aux États-Unis lorsque des banques fusionnent est éloquent. En effet, quand des banques fusionnent aux États-Unis, comme cela s'est produit tout récemment, jusqu'à 30 p. 100 des employés sont licenciés. Cela signifie qu'au Canada, des dizaines de milliers de Canadiens—d'après l'industrie, jusqu'à 30 000 en fait—pourraient perdre leur emploi. De nombreux cadres intermédiaires, des femmes surtout, seraient mis à pied. En fait, à l'Île-du-Prince-Édouard, bien des emplois disparaîtront si ces fusions ont lieu.

• 0810

Les fusions bancaires entraîneront aussi une baisse du niveau des services offerts au sein de nos collectivités. Le service à la clientèle n'est déjà pas très bon. Les frais de service sont élevés. Avant même qu'il ne soit question de fusion, on fermait des succursales, remplacées par des guichets automatiques. Déjà, le contact personnel et le service personnalisé dans les banques étaient en chute libre. La situation est particulièrement difficile pour les néo-Canadiens et les Canadiens âgés. Les personnes âgées du Canada et de la province s'inquiètent de l'absence de contact personnel lorsqu'elles effectuent des transactions bancaires. Les clients ruraux seront particulièrement touchés. Il faut faire en sorte que toutes ces personnes obtiennent des banques un niveau de service convenable.

Si les banques vont de l'avant avec leur projet de fusion, la situation ne fera qu'empirer. La fusion pourrait entraîner la fermeture de la moitié des succursales au Canada. Même si les banques affirment le contraire pour l'instant, il y a lieu de croire que la moitié des succursales fermeront. Ici, à l'Île-du-Prince-Édouard, ces fermetures pourraient être désastreuses. On pourrait être témoin ici même, à Charlottetown, de nombreuses fermetures et pertes d'emploi.

Troisième raison pour laquelle nous sommes opposés aux fusions, si nous les autorisons, elles causeront un grand tort aux membres à faible revenu de notre collectivité. Il est déjà difficile aux Canadiens et aux Prince-Édouardiens à faible revenu d'obtenir des services bancaires. En effet, on estime à 400 000 le nombre de Canadiens et à des centaines le nombre de Prince-Édouardiens qui n'ont pas, semble-t-il, de compte bancaire. Souvent, les banques exigent, avant d'ouvrir un compte à votre nom, que vous présentiez des pièces d'identité, que vous mainteniez un solde minimal, voire que vous ayez un emploi. Il est donc extrêmement difficile pour ceux qui n'ont pas de compte bancaire de se faire servir dans ces centres financiers.

De nombreux Canadiens paient des taux d'intérêt exorbitants, pouvant atteindre jusqu'à 28 p. 100, sur le solde impayé de leur carte de crédit parce qu'ils ne peuvent pas obtenir d'autres formes de crédit. Les banques sont en train de fermer des succursales dans toutes les régions du pays. Si les fusions vont de l'avant, elles gagneront en puissance, et les plus touchés, particulièrement les pauvres, continueront d'être négligés par les milieux financiers.

Le troisième point que je tiens à souligner, c'est que les fusions bancaires nuiront à la petite entreprise. Au cours des 15 dernières années, les petites entreprises ont été la source de 80 p. 100 des nouveaux emplois créés au Canada, mais elles n'ont reçu que 10 p. 100 des prêts bancaires. D'après des recherches effectuées de 1995 à 1997, les prêts aux petites et moyennes entreprises ont en réalité diminué, phénomène qui est très marqué dans la région atlantique du Canada. En effet, cette région affiche le pire pourcentage de prêts bancaires consentis aux petites et moyennes entreprises au Canada.

Si l'on se fie à l'expérience vécue aux États-Unis, où il y a eu des fusions bancaires, les banques débloquent très peu de dollars pour la petite entreprise. Plutôt que d'autoriser ces fusions, il faudrait insister pour que nos banques soient obligées d'offrir du crédit aux petites entreprises. C'est ce qu'il faudrait que fasse notre gouvernement.

Comme cinquième point, je tiens à souligner que les fusions bancaires seront sources de très peu de développement économique à l'Île-du-Prince-Édouard. En fait, elles nuiront à la fois au développement économique et à l'emploi. Pour cette seule raison—et ce serait pareil partout ailleurs au pays—, il faudrait rejeter les fusions bancaires.

Prenons du recul et examinons toute cette situation dans un contexte global. Il ne fait pas de doute que, si les fusions bancaires sont autorisées, les banques continueront d'encaisser d'énormes profits. Je vous ai fait distribuer, tout à l'heure, des renseignements selon lesquels elles réalisent des profits phénoménaux. Parlons-en un peu.

• 0815

Le fait est que nos grandes banques sont actuellement gigantesques et qu'elles réalisent des profits de calibre mondial. Nos cinq banques sont les plus importantes sociétés du Canada. Chacune d'entre elles a des avoirs supérieurs aux recettes annuelles du gouvernement fédéral et aux recettes totales des provinces et des territoires. Quatre des cinq grandes banques prêtent plus, chaque année, que ne dépense le gouvernement fédéral.

Nos grandes banques connaissent aussi du succès sur la scène internationale, car elles brassent des affaires dans plus de 120 pays. À l'échelle mondiale, la CIBC se classe parmi les 10 premières sur les grandes places financières internationales, la Toronto-Dominion est la troisième firme mondiale de courtage réduit, et la Banque Scotia se classe au dixième rang des établissements de prêt syndiqué aux grandes entreprises.

D'après un rapport de mars 1998 rédigé par deux économistes de la Banque du Canada, la rentabilité, plutôt que la taille, est la plus importante clé du succès des banques. Selon la revue Fortune, trois de nos cinq grandes banques—la Banque Royale, la CIBC et la Banque de Montréal—se classent parmi les 15 banques les plus profitables du monde et elles sont plus rentables que cinq des dix plus grandes banques du monde.

Les faits révèlent donc que nos banques sont très importantes et qu'elles sont susceptibles non seulement de survivre, mais également de prospérer. Si nous autorisons les fusions, celles-ci rapporteront beaucoup plus aux actionnaires et aux dirigeants des banques, sans que s'améliore pour autant le service à la clientèle canadienne.

Deuxième fait, la concurrence étrangère n'est pas une menace, en dépit de ce que prétendent les banquiers. On compte actuellement 43 banques étrangères au Canada—moins qu'en 1987, lorsqu'elles étaient 59—, et leurs avoirs combinés ne représentent que 92 milliards de dollars, soit 7 p. 100 de l'avoir bancaire total au Canada. Ce n'est pas beaucoup par rapport à l'avoir de 1,1 milliard de milliards de dollars des cinq grandes banques canadiennes, qui représentent 80 p. 100 du total.

Les banques étrangères ont dû surmonter pendant plus de 30 ans d'importants obstacles pour s'implanter au Canada, situation qui ne devrait pas changer même après les modifications apportées en vertu de l'accord de 1997 établissant l'OMC. Le coût que représentent l'ouverture de succursales, la publicité, la formation du personnel et la constitution d'une clientèle signifie que, comme l'a déclaré le ministre des Finances Paul Martin, les banques étrangères ne feront jamais vraiment concurrence à nos grandes banques et n'auront pas de présence dans la plupart des localités canadiennes. Par conséquent, il est tout à fait faux de dire que les fusions sont nécessaires pour que ces banques puissent livrer une concurrence mondiale.

Mon troisième point concerne la question mondiale. Nos grandes banques traitent déjà mal de nombreux clients, et elles n'ont même pas fusionné encore. Qu'adviendra-t-il quand elles l'auront fait? En 1996 et en 1997, l'Institut national de la qualité a effectué des enquêtes auprès de plus 8 000 Canadiens pour connaître leur degré de satisfaction à l'égard de 21 industries. Dans toutes ces enquêtes, les banques se sont classées parmi les cinq dernières, les deux fois. De plus, au moins 400 000 Canadiens adultes, comme je l'ai mentionné tout à l'heure, n'ont même pas de compte à la banque.

Les données statistiques des banques même révèlent que les prêts à la petite et à la moyenne entreprise, moteur de l'emploi, ont diminué, comme je l'ai déjà mentionné également. Il est à prévoir que, si ces fusions vont de l'avant, ces prêts continueront de diminuer, parce que les banques se concentreront sur les mégaprojets internationaux.

Quatrième fait, les fusions bancaires projetées nuiront incontestablement aux Canadiens. Si les deux fusions sont approuvées, les deux nouvelles mégabanques contrôleront 70 p. 100 de l'avoir bancaire au Canada—un niveau de concentration supérieur à celui de tout autre pays membre du G-7. Voilà ce dont il faut que les Canadiens se préoccupent le plus. Ce qu'il faut, ce n'est pas tant de concentrer le pouvoir davantage dans les mains de quelques banquiers au Canada comme d'accroître la concurrence.

Les mégabanques résultant des fusions auraient plus du double de la taille de la plus importante banque canadienne, soit la Banque de Nouvelle-Écosse, et elles contrôleraient 75 p. 100 des prêts aux PME et 80 p. 100 des achats faits par carte de crédit. J'ai déjà parlé des cartes de crédit, situation extrêmement grave pour de nombreux Canadiens. La fusion de la CIBC et de la Toronto-Dominion signifierait que la nouvelle entité accaparait 70 p. 100 du marché du courtage réduit au Canada, et les quatre plus importantes banques au Canada contrôleraient 72 p. 100 des prêts à la consommation. Je vous laisse imaginer quel effet cela aurait. On peut à tout le moins s'attendre à des taux d'intérêt plus élevés.

Cette concentration du pouvoir de régulation des marchés limiterait énormément le choix des consommateurs, et les mégabanques seraient libres de majorer leurs frais, de réduire les services ou encore les deux à la fois. Nous connaissons déjà leur feuille de route à cet égard, et elle est peu reluisante.

• 0820

Dernier point en ce qui concerne toute la question des intérêts mondiaux, les Canadiens n'ont pas besoin de plus grosses banques, mais de meilleures banques. Il faut exhorter le gouvernement libéral et le ministre des Finances Paul Martin—qui a le dernier mot, semble-t-il, à cet égard—à rejeter les fusions.

Si les Canadiens sont suffisamment nombreux à protester, le gouvernement n'aura d'autre choix que d'interdire les fusions et d'obliger, par l'adoption de lois, les banques à rendre des comptes. Il faut que nos banques aient plus de comptes à rendre au gouvernement et, en fin de compte, aux Canadiens. Il y a moyen d'avoir des banques meilleures et plus équitables. Même le rapport MacKay laisse entendre qu'il faut accroître la concurrence.

Tous ceux qui étudient la crise économique mondiale s'entendent pour pointer du doigt, comme source de problème numéro un, toute la question de la déréglementation des économies nationales et internationales. Ce qu'il nous faut—et le rapport MacKay en fait état—, c'est un système plus réglementé.

Si nous autorisons les fusions, nous continuerons de suivre la voie empruntée par de nombreux pays comme le Japon, où l'on est obligé de verser des deniers publics pour renflouer les grandes banques. C'est une menace très grave qui pèse au-dessus de la tête des Canadiens. Si nous permettons que deux banques se partagent toutes les ressources et le contrôle, qu'arriverait-il si ces banques font faillite? Les contribuables canadiens et les Canadiens tout court seront obligés de se porter à leur rescousse, comme au Japon. Il faut que nous réglementions et contrôlions davantage, plutôt que moins, nos institutions bancaires.

En guise de conclusion, dans les zones de dépression économique du Canada—et dans une certaine mesure, la région atlantique en est une—, les banques ont par le passé fait très peu de cas de leur apport à la collectivité. Même si la Banque Royale vient de se lancer dans une campagne de propagande dans la province pour faire croire qu'elle agit en partenariat avec les collectivités, ses antécédents dans l'île sont peu reluisants, et l'on peut s'attendre qu'ils le seraient encore moins si les fusions étaient autorisées.

Nous recommandons donc que le gouvernement du Canada s'oppose aux fusions et, dès qu'il l'aura annoncé, qu'il dépose un projet de loi visant à obliger les banques à rendre plus de comptes. Il y a moyen de le faire. Si nous nous fions aux principes qui régissent les coopératives de crédit selon lesquels elles doivent rendre des comptes à la collectivité, nous pouvons force les banques à se comporter avec un peu plus de retenue et de raison au Canada.

Je termine mon exposé en vous parlant de l'information que je vous ai fait distribuer sur les quatre banques. Le salaire touché par le chef de la direction de la Banque Royale et son revenu de 3,2 millions de dollars montrent bien que tout ne va pas pour le mieux au Canada.

La fusion ne doit pas plaire qu'aux actionnaires et aux dirigeants de la banque. Les besoins des citoyens priment. Voilà ce dont il faut tenir compte dans ce dossier des fusions bancaires, plutôt que des seuls besoins des chefs de direction et des actionnaires. Ils font déjà assez d'argent comme ça. Il est temps que les Canadiens y trouvent leur compte.

Voilà ce que j'avais à vous dire.

Le vice-président (M. Nick Discepola): Monsieur Broderick, je vous remercie beaucoup.

Je demanderais maintenant à M. Myron MacKay, de Fair Isle Ford Sales Limited, de nous faire son exposé.

Monsieur MacKay, soyez le bienvenu parmi nous.

M. Myron MacKay (propriétaire-exploitant, Fair Isle Ford Sales Limited): Je vous remercie et je vous souhaite le bonjour.

Je m'appelle Myron MacKay et je suis propriétaire-exploitant de Fair Isle Ford dans cette localité depuis 25 ans. Je ne suis qu'un petit entrepreneur, littéralement comme au figuré, qui aimerait poursuivre ce qu'il a fait avec succès pendant ces 25 années, c'est-à-dire gagner sa vie, donner de l'emploi à des membres de la collectivité, contribuer à l'économie en achetant des fournitures et services d'autres entrepreneurs locaux, fournir des produits et services de qualité aux consommateurs de l'Île-du-Prince-Édouard et contribuer du temps et de l'argent à des causes locales en vue de faire de Charlottetown un endroit encore meilleur où vivre, travailler et élever une famille.

• 0825

Ne vous méprenez pas. Je n'agis pas par pur altruisme. Je fais tout cela entre autres pour entretenir une bonne image au sein de la collectivité et pour rendre Fair Isle Ford plus visible sur le marché local.

Cela étant dit, le petit entrepreneur n'a pas une vie de tout repos. Il faut survivre aux récessions, aux taux d'intérêt élevés et au manque de confiance des consommateurs. Parfois, il n'est pas très facile d'avoir une bonne nuit de sommeil. Pourtant, le petit entrepreneur se débrouille, il prend les décisions voulues et il fait les sacrifices nécessaires pour survivre, dans l'espoir de jours meilleurs. Ce sont des obstacles auxquels il s'attendait quand il a décidé de tout risquer et de devenir propriétaire d'une petite entreprise.

Aux États-Unis, on dit que ce qui est bon pour General Motors est bon pour l'économie. Manifestement, en tant que concessionnaire Ford, je ne suis pas forcément d'accord avec cette affirmation. Toutefois, j'ai l'intime conviction que ce qui est bon pour la petite entreprise est bon pour la collectivité où elle se trouve. La croissance et le développement des localités passent par une forte présence de la petite entreprise.

Le Groupe de travail sur l'avenir du secteur des services financiers canadien ne reconnaît pas l'importance de la petite entreprise et l'impact que pourraient avoir ses recommandations sur elle.

Dans le cas des concessionnaires d'automobiles, en tant que groupe, ils paieront un lourd tribut si les succursales bancaires de toutes les localités du pays sont autorisées à faire elles-mêmes du crédit-bail aux consommateurs. Une décision émanant de Toronto pourrait mettre en place d'importantes ressources en vue de faire une concurrence énergique à tous les concessionnaires d'automobiles du Canada.

Les plus petits concessionnaires situés dans les petites localités ont déjà de la difficulté à survivre. Il leur est difficile de suivre le courant à mesure que se multiplient les cours de formation et les nouvelles technologies. Nombre d'entre eux disparaîtraient simplement, de même que les emplois qu'ils créent et leur apport à la collectivité. Les concessionnaires plus importants disposant de plus grands marchés survivraient, à condition de sabrer dans leurs dépenses et de mettre des employés à pied. Nul concessionnaire indépendant ne pourrait livrer une concurrence efficace au système bancaire canadien, si les banques décident de lui arracher ses clients.

Vers qui alors le consommateur se tournerait-il pour obtenir service et satisfaction? J'imagine que ce ne serait pas vers les banques. Cela nous amène à un exposé que j'ai fait devant le Groupe de travail l'année dernière et il ne sert à rien de répéter ces arguments, car mon point de vue n'a pas changé. J'ai remis des copies de ce mémoire à la greffière ce matin et il vous est donc disponible.

Certaines observations que l'on retrouve dans le rapport du Groupe de travail indiquent un manque de compréhension de la vente automobile au niveau du concessionnaire. À la page 109 du rapport, il est indiqué que les sociétés de financement liées aux constructeurs automobiles contrôlent de 70 à 80 p. 100 du marché du crédit-bail. Ce n'est vrai qu'en partie. Le fait est toutefois que les magasins en franchise locaux font directement affaire avec le consommateur, en utilisant les programmes et le financement offerts par ces sociétés de financement. Les concessionnaires automobiles se font la concurrence, mais ils ne font pas concurrence aux sociétés de financement liées aux constructeurs. Nous ne devrions pas avoir à faire concurrence aux banques.

Également à la page 109, il est indiqué que seulement 45 concessionnaires environ louent à bail 200 véhicules ou plus par année pour leur propre compte. Cela soulève deux points; premièrement, le concessionnaire moyen au Canada ne vend seulement que 300 véhicules par année; il est donc évident qu'il ne loue pas à bail 200 véhicules pour son propre compte. Deuxièmement, le Groupe de travail omet de dire qu'une forte majorité des concessionnaires plus importants que la normale loueraient à bail plus de 200 véhicules par année, si l'on inclut la location à bail au détail et le système interne de location à bail. Peu importe aux consommateurs si la location à bail est de détail ou interne. Tout ce qui l'intéresse, c'est la meilleure offre qu'il peut obtenir.

Ne vous y trompez pas; si les banques sont autorisées à louer directement à bail aux consommateurs, elles vont essayer de conquérir 100 p. 100 du commerce de détail, et non pas seulement le marché du crédit-bail actuel.

À la page 110, le rapport laisse entendre que les préoccupations relatives à la vente liée et à l'accès aux renseignements confidentiels de la part des institutions de dépôts peuvent être réglées par la loi. Ces choses peuvent se faire avec tellement de subtilité qu'il est rare de pouvoir prouver qu'elles sont illégales.

Il est indiqué à de nombreux endroits du rapport que les banques aux États-Unis ont le droit de louer directement des automobiles à bail. Ce qui n'est pas indiqué, c'est que les banques canadiennes sont de portée nationale et comptent des centaines de succursales d'un bout à l'autre du pays, un seul emplacement central fixant la politique. Certainement, notre système bancaire est beaucoup plus concentré que le système américain. D'énormes ressources ainsi que le courrier électronique pourraient mettre presque instantanément chaque succursale bancaire du pays en concurrence avec des concessionnaires locaux.

• 0830

À mon avis, les recommandations du Groupe de travail sont fondées essentiellement sur deux facteurs: ce qui est bon pour les banques et ce qui, d'après le Groupe de travail, est le mieux pour les consommateurs. Ce qui est bon pour les banques m'importe peu, même si bien sûr je tiens à ce que les banques continuent de fonctionner efficacement et de manière rentable et à occuper une place importante au sein de l'économie. Je m'intéresse davantage à ce qu'il y a de mieux pour le consommateur, et il semble que l'on n'ait pas trop pensé à l'impact sur les entreprises locales.

Je ne crois pas qu'à long terme les consommateurs épargnent de l'argent en louant à bail des véhicules directement auprès des banques. Je crois qu'ils ne seraient pas autant satisfaits d'être propriétaires de leur véhicule s'ils traitaient avec une banque et si les concessionnaires se retrouvaient avec moins de revenu à investir dans leur entreprise. La satisfaction du consommateur dépend en grande partie des rapports qui s'instaurent au moment de la vente ou de la location à bail d'un véhicule et elle se poursuit au niveau du service et de la garantie de ce véhicule.

Dans de nombreux cas—je sais que c'est le cas de Ford, et aussi j'en suis sûr d'autres fabricants—après expiration de la garantie, les choses se font pour les clients. Les ouvriers de l'usine participent à ce coût, tout comme les concessionnaires, et le consommateur en paie une partie. Évidemment, si les banques vendent un véhicule à un consommateur, n'importe quel concessionnaire va trouver difficile de payer une partie des coûts, alors qu'il n'a tiré aucun profit de la vente.

En général, les concessionnaires ont travaillé très fort au fil des ans pour améliorer la satisfaction du consommateur, comme en témoignent les fonds investis dans des équipements sophistiqués et dans la formation. L'existence d'une autre source de distribution de véhicules qui se traduirait par moins de revenu pour les concessionnaires aurait un impact important sur la capacité de ces derniers à continuer de servir les conducteurs selon leurs attentes.

À titre d'information, un concessionnaire moyen réalise un bénéfice net d'environ 1,5 p. 100 sur les ventes, avant impôts. Vous pouvez voir donc qu'il ne faudrait pas beaucoup de pertes de revenu pour transformer un rendement de 1,5 p. 100 sur les ventes en une perte. Ce serait de grande portée, toute perte de revenu serait importante.

Évidemment le temps nous est compté. J'avais pensé au départ que nous aurions un peu plus de temps, mais on pourrait peut-être soulever quelques points du groupe de travail.

À la page 110, on peut lire que les groupes de consommateurs ne se sont généralement pas prononcés sur la question du crédit-bail de véhicules légers et l'Association des consommateurs du Canada n'a pas soulevé cette question auprès du groupe de travail. Un sondage de la Fédération canadienne de l'entreprise indépendante indique qu'une grande majorité de ses membres s'opposent à l'octroi de pouvoirs commerciaux supplémentaires aux banques.

J'ai plusieurs autres points à soulever, mais à cause du temps limité dont nous disposons, je vais laisser faire. J'espère qu'ils seront soulevés dans le cadre des questions. Merci de m'avoir accordé votre temps.

Le vice-président (M. Nick Discepola): N'hésitez pas, monsieur MacKay, à revenir sur tout ce que vous n'auriez pas traité dans vos réponses aux questions des députés. Merci.

Nous allons passer à M. Fred Hyndman, directeur général de Hyndman & Company Limited.

Bienvenue, monsieur Hyndman.

M. Fred Hyndman (propriétaire et directeur général de Hyndman & Company Limited): Merci beaucoup, monsieur le président, mesdames et messieurs.

J'ai distribué un bref résumé des points de vue que je souhaite partager avec le comité, ce qui ne va prendre que quelques instants.

Je m'appelle Fred Hyndman et je suis propriétaire et directeur général de Hyndman & Company Limited, société d'assurance créée par mon arrière-grand-père, à Charlottetown, en 1872. Pendant les 125 années qui ont suivi, cette entreprise a appartenu à quatre générations de la famille Hyndman et un membre de la cinquième génération termine à l'heure actuelle sa formation. Je travaille personnellement dans le domaine de l'assurance depuis 37 ans et je suis fellow de l'Institut d'assurance du Canada.

À l'heure actuelle, notre société et ses filiales exploitent 13 bureaux en Nouvelle-Écosse, au Nouveau-Brunswick et à l'I.-P.-E. Elle vend également de l'assurance dans les Îles-de-la-Madeleine, au Québec. Aujourd'hui, nous comptons 102 employés à plein temps, dont 78 sont résidants de l'Île-du-Prince-Édouard. Nous desservons 20 000 clients environ dans tous les secteurs de l'assurance et il y a lieu de croire que nous sommes l'une des plus grandes sociétés du genre dans les Maritimes.

• 0835

Notre société est très ancienne et son histoire se fait l'écho du développement économique et commercial de la province. Je suis souvent émerveillé par les changements et les défis qu'a connu l'ancienne société: le déclin de la construction navale sur l'Île-du-Prince-Édouard, l'entrée de l'île au sein de la Confédération canadienne en 1873, la grande récession des années 1880, l'arrivée de l'électricité et du téléphone, la Grande Guerre, la Dépression, la Deuxième Guerre mondiale, la prolifération de l'automobile et, plus récemment, l'arrivée des ordinateurs, sans parler des changements considérables dans les produits d'assurance, les modes de distribution, l'évolution des exigences législatives et la concurrence constante et créative. Littéralement parlant, notre société est passée de contrats de police écrits à la main, émis en sterling, à des documents informatisés imprimés au laser, émis en dollars canadiens, tout ceci sur l'Île-du-Prince-Édouard.

Il suffit d'admirer le nouveau pont de la Confédération qui relie l'île au continent pour se rendre compte que l'avenir va nous amener de nouveaux défis et occasions de l'extérieur. Nous devons continuer d'embrasser le changement et l'adaptation et nous proposons de le faire.

J'espère que ce petit historique me permet de souligner que le système indépendant d'assurance et de courtage est connu pour son sens de l'innovation et de l'adaptation de ses services aux besoins des acheteurs d'assurance de l'Île-du-Prince-Édouard, ainsi que pour sa réussite commerciale, sa continuité et sa vitalité.

Le document de travail du gouvernement qui a précédé les études de M. MacKay indiquait ce qui suit:

    L'existence d'un secteur efficace des services financiers améliore l'efficience, la compétitivité, la contribution à la création d'emplois et la qualité de vie du pays.

Qui pourrait le contester? Ces mêmes propos, mesdames et messieurs, doivent toutefois s'appliquer non seulement au pays, mais aussi à toute province ou région, si tant est que le but que nous poursuivons est national, collectif et positif.

Dans notre petite province, nous sommes particulièrement sensibles—voire même paranoïaques—à la question du maintien ou de la création de l'infrastructure des services financiers dont dépendent notre compétitivité, notre contribution à la création d'emplois et notre qualité de vie. Nos préoccupations sont bien fondées compte tenu des tendances persistantes et prépondérantes de notre siècle vers la centralisation. Ces dernières années, la notion de regroupement au sein du secteur des services financiers a exacerbé de telles tendances centralisatrices. Ces centralisations et regroupements ont entraîné une diminution du nombre des concurrents qui cherchent à servir notre collectivité, ainsi que la disparition de beaucoup d'expertise et de capacité de prise de décision sur notre marché.

Il est impératif que la politique publique assure un équilibre entre l'attrait du coût-efficacité et de l'importance mondiale d'une entreprise et la nécessité de services efficaces, compétitifs, assurés par une présence physique afin—pour reprendre les mots du document de travail—«d'améliorer le bien-être du consommateur» dans cette province.

Il est donc important que vous rejetiez la recommandation du groupe de travail voulant que l'on réponde aux demandes persistantes des banques à charte qui veulent avoir le privilège de distribuer une gamme plus vaste de produits d'assurance dans leurs succursales. Un tel privilège éroderait sûrement encore davantage l'expertise et l'emploi locaux.

Il est vrai que face à des regroupements et à des tendances de centralisation ou de globalisation, les résidants des collectivités plus petites et plus éloignées sont paranoïaques et craignent pour leur avenir. Il y a peut-être une psychose «Wal-Mart» qui nous empoisonne tous, alors que nous voyons notre collectivité commerciale et d'affaires en butte aux attaques. Je pense que les libertés économiques qui permettent et tolèrent des attaques à la Wal-Mart menées contre une collectivité commerciale établie ne devraient pas s'appliquer au secteur des services financiers, produit de la politique publique et qui doit s'attendre à ce que cette même politique publique, laquelle accorde ces privilèges importants, circonscrive, limite et réglemente les choses de manière que les Canadiens puissent avoir accès à une gamme essentielle et unique de services financiers.

• 0840

La Insurance Act of Prince Edward Island prévoit à l'article 372 ce qui suit:

    Quiconque incite ou contraint par l'entremise d'une relation d'affaires ou professionnelle... à donner la préférence... en ce qui concerne l'achat d'une assurance est coupable d'une infraction.

Il serait intéressant de savoir ce que notre Assemblée législative envisageait comme menace ou menace apparente, lorsqu'elle a adopté cette modification en 1951. Cette mesure s'applique précisément à l'assurance-vie, mais elle témoigne d'un souci en matière de politique publique à propos de la protection des consommateurs qui ne doivent pas se faire marcher sur les pieds quand il s'agit d'acheter de l'assurance. Il est à noter qu'en vertu de cette loi, il y a infraction, même si aucun tort n'a été causé.

Cette loi se fait l'écho d'une préoccupation essentielle que je partage, lorsque je vois les banques à charte demander l'autorisation de vendre de l'assurance dans leurs succursales.

Dans la plupart des cas, l'octroi de crédit dépend de l'existence d'une assurance. Il me semble évident que la disparité entre le nombre infime de banques d'octroi de crédit et l'existence de fournisseurs concurrents d'assurance de biens et risques divers offre d'incroyables possibilités d'influence indue ou de ventes liées de la part d'une banque qui est en mesure d'octroyer un crédit à l'endroit même où se trouverait un service de vente d'assurance.

Qui peut croire à l'efficacité de cloisonnements ou de directives internes, surtout dans une petite collectivité qui ne compte peut-être qu'une ou deux banques à charte? La présence d'un service de vente au détail d'assurance dans les locaux d'une banque à charte constituera une influence indue, au détriment de la liberté de choix du consommateur et de la concurrence. La distance qui sépare l'insinuation de l'intimidation est très faible.

Au cours de discussions récentes sur la question de la vente au détail d'assurance par les banques, l'accent a presque toujours été mis sur l'aspect vente de la relation d'affaires. J'incite vivement votre comité à examiner les rapports entre le client et la banque, lesquels ne manqueraient pas d'être pervertis au moment du règlement d'une réclamation. La réclamation est la raison d'être de l'assurance et un consommateur en détresse qui a le malheur de subir une perte n'a pas besoin d'avoir un stress supplémentaire causé par le fait que son banquier est au courant de transferts de fonds, ce qui pourrait avoir un effet sur son crédit.

Un autre aspect des rapports entre la banque et l'assurance a été peu examiné, alors qu'il a des répercussions prudentielles. Les souscripteurs expérimentés d'assurance comprennent depuis longtemps la relation qui existe entre la mauvaise situation financière des détenteurs de police et l'accroissement du risque physique. Le conflit inhérent au fait qu'un banquier apprend que la situation financière de son client est mauvaise peut précipiter soit une annulation de l'assurance et l'effondrement du crédit soit le maintien de l'assurance comme garantie de ce crédit. Ce conflit ne conduit-il pas inévitablement à un résultat défavorable où soit le crédit, soit l'assurance, soit le consommateur est perdant?

Il n'est pas exagéré d'avancer non plus que les profits d'un service d'une banque peuvent inciter un autre service à prendre des engagements peu acceptables. Ces dernières années, les bénéfices de nos grandes banques à charte sont montés en flèche, avec des rendements récemment annoncés de presque 20 p. 100 sur les capitaux propres. L'actif des banques est également monté en flèche.

Certains encouragent une réforme législative afin de permettre à nos banques de prendre plus d'expansion et d'être mieux en mesure de soutenir la concurrence dans l'économie mondiale. C'est peut être souhaitable, mais je ne vois pas quel éventuel impact sur la compétitivité mondiale découlerait du fait que les banques disposent de privilèges étendus pour vendre de l'assurance au détail à l'échelle nationale, si ce n'est que d'autres bénéfices énormes seraient réalisés dans un environnement privilégié et protégé où les banques pourraient contrôler la vente et les taux d'assurance.

Les révisions apportées en 1992 à la Loi sur les banques permettaient aux banques d'être propriétaires de sociétés d'assurance indépendantes de leurs opérations bancaires. Aujourd'hui, nous voyons plusieurs exemples, notamment celui de la CIBC qui a mis sur pied une entreprise respectant les règles du jeu équitables, sans avoir l'avantage de distribuer ces nouveaux produits à l'intérieur de ses succursales.

• 0845

Pour conclure et pour éviter toute confusion ou illusion, mes observations sont celles de quelqu'un qui, en son nom et au nom de ses 102 employés, témoignent d'un intérêt direct dans le statu quo. Ces observations ne se veulent pas objectives, mais elles tentent de vous présenter ma profonde préoccupation face au tort permanent qui nous serait causé si les ressources des énormes banques à charte du Canada pouvaient nous attaquer et profiter de leur position avantageuse créée par la politique publique qui vise à assurer aux Canadiens un secteur bancaire sûr et évolutif.

Merci, monsieur.

Le vice-président (M. Nick Discepola): Merci, monsieur Hyndman.

J'aimerais maintenant passer à M. Wayne Hambly, directeur général de «P.E.I. Mobile Home and Trailer Sales».

Bienvenue, monsieur Hambly.

M. H. Wayne Hambly (directeur général, P.E.I. Mobile Home and Trailer Sales): Merci, monsieur le président.

Je m'appelle Wayne Hambly et je représente la société P.E.I. Mobile Home and Trailer Sales, ainsi que sa filiale, Hambly Enterprises Limited.

Je vais vous donner un bref aperçu de notre société. Nous existons depuis 32 ans dans la ville de Charlottetown et comptons 28 employés. Nous sommes une entreprise de détail d'habitations industrialisées et de véhicules de plaisance; un autre secteur de notre entreprise s'occupe de la vente au détail d'ameublement et d'appareils ménagers.

Si je suis ici ce matin, c'est pour apporter mon appui au processus de fusion bancaire dont nous parlons. Je ne suis pas ici pour prendre position sur certaines des questions exposées dans le rapport MacKay, mais plutôt pour vous dire qu'il faut permettre aux banques de prendre de l'expansion et d'être compétitives sur le marché mondial.

En tant que petit entrepreneur, je me prononce en faveur du projet de fusion pour les raisons suivantes.

Il est important d'avoir un système bancaire national fort, en mesure de soutenir la concurrence à l'échelle internationale, et de répondre aux besoins de l'entreprise canadienne. Je cite ici les points saillants du rapport MacKay:

    Dans un espace économique de plus en plus concurrentiel et mondialisé, des institutions financières canadiennes fortes et compétitives à l'échelle internationale seront profitables à tous les Canadiens.

À mon avis, si nous ne permettons pas aux banques canadiennes de se positionner de manière à soutenir la concurrence des plus grandes institutions à l'échelle internationale, elles ne pourront que s'affaiblir. La concurrence est bel et bien là et va prendre de l'ampleur. Les banques canadiennes doivent profiter de cette occasion pour soutenir cette concurrence selon des règles du jeu équitables.

J'aimerais simplement vous donner un exemple personnel de ce qui se passe véritablement. Il y a un peu moins d'une semaine, j'ai reçu au bureau un appel téléphonique d'une dame du Texas représentant la banque Wells Fargo. Elle voulait m'envoyer un formulaire de demande de marge de crédit de 100 000 $. Elle m'a dit qu'il ne s'agissait que d'une page, qu'elle me l'enverrait par fax, que je pourrais faire de même et que l'affaire serait conclue. Cela m'a paru assez intéressant, car il est toujours agréable de recevoir un coup de téléphone où l'on vous propose un prêt de 100 000 $. Je lui alors demandé si elle savait où se trouvait l'Île-du-Prince-Édouard. Après un moment de silence au bout du fil, elle a répondu: «Quelque part en Ontario, l'Ontario est une province du Canada, n'est-ce pas?»

Voilà ce que je veux dire. Si des banques étrangères sont autorisées à venir sur notre marché et à prêter de l'argent à des entreprises, alors qu'elles ne savent même pas où se trouvent ces entreprises, comment peuvent-elles comprendre les besoins d'une petite entreprise située dans une collectivité comme la nôtre sur l'Île-du-Prince-Édouard? Lorsque tout va bien, elles acceptent tous les profits liés au prêt de l'argent, mais lorsque les choses ne vont pas aussi bien, comment peuvent-elles faire preuve de l'indulgence et de la compréhension nécessaires pour que ces petites entreprises puissent surmonter ces moments difficiles, alors qu'elles ne savent même pas où elles sont situées. Si nous voulons que nos banques soient concurrentielles, nous devons leur en donner l'occasion.

Il est important pour les petites entreprises de notre pays d'avoir des banques qui comprennent leur situation et qui peuvent répondre aux besoins particuliers de la petite et moyenne entreprise. Dans le projet de fusion de la Banque Royale et de la Banque de Montréal, il est prévu de créer une nouvelle banque pour la petite et moyenne entreprise. Cette banque qui aura son propre président et sa propre équipe de gestion s'intéressera précisément au principal moteur de notre économie, soit la petite entreprise. C'est ce genre d'avantage que j'entrevois de la fusion de ces banques, puisque ensemble, elles auront les ressources nécessaires pour atteindre ce genre d'objectif.

• 0850

La deuxième raison pour laquelle j'appuie la fusion des banques, mis à part le fait qu'elles deviennent plus fortes et plus efficaces dans notre pays, c'est parce qu'elles appuieront les collectivités dans lesquelles elles font affaire. Il est intéressant de voir que pour toute activité de financement organisée dans notre collectivité—et je ne pense pas que nous soyons différents de toute autre collectivité—c'est surtout aux banques que nous demandons d'appuyer ces projets, ce qu'elles devraient d'ailleurs faire. Elles ont le devoir d'appuyer la collectivité, surtout si elles y sont présentes.

Cela pose de nouveau la question des banques étrangères qui feraient affaire dans nos collectivités sans y être physiquement présentes. Comment pouvons-nous leur demander le genre d'appui communautaire que, d'après nous, elles devraient apporter à nos collectivités?

Permettez-moi de vous donner un autre exemple. Nous avons une compagnie locale de téléphone, la Island Tel, que vous connaissez sans doute très bien. Elle participe à divers projets dans la collectivité, qu'il s'agisse de programmes destinés aux jeunes, de programmes médicaux, ainsi de suite. Elle est toujours présente à la table de discussion, et se montre toujours très généreuse.

Par ailleurs, il y a toutes sortes de compagnies de téléphone qui veulent se tailler une place dans ce marché, et qui parviennent à le faire. Toutefois, ces compagnies ne fournissent pas, et il n'existe aucun moyen de les obliger à le faire, le genre de soutien dont nous avons besoin des grandes sociétés.

Pour revenir au secteur bancaire, si nous ne permettons pas à nos banques de devenir plus compétitives à l'échelle internationale, et si leur position est affaiblie, cela risque d'avoir un impact sur nos collectivités.

Nos institutions financières jouent, auprès des collectivités, un rôle très important. Je suis d'accord avec la recommandation selon laquelle toutes les institutions de dépôt et sociétés d'assurance-vie réglementées au niveau fédéral devraient être tenues de rendre public un ou plusieurs rapports annuels sur les responsabilités envers la collectivité afin de décrire leur contribution à la collectivité et de définir les nouveaux besoins locaux auxquels elles se proposent de répondre. Je trouve encourageant d'entendre quelqu'un comme le président-directeur général de la Banque Royale, John Cleghorn, déclarer publiquement qu'il appuie cette recommandation. Encore une fois, il est dans l'intérêt de nos collectivités d'avoir un système bancaire solide et compétitif.

On a laissé entendre que les regroupements, par le biais de fusions, constituent une stratégie valable, mais que ce n'est pas la seule. C'est vrai, mais c'est une stratégie que proposent des banques canadiennes prospères, des banques qui comprennent les défis qui nous attendent et qui ont établi un plan pour les relever. Nous devrions leur donner l'occasion de relever ces défis au moyen de règles du jeu équitables, en leur donnant la marge de manoeuvre nécessaire pour le faire.

Merci de m'avoir donné l'occasion d'exposer mes vues sur la question. Je répondrai volontiers plus tard à vos questions.

Le vice-président (M. Nick Discepola): Merci, monsieur Hambly.

J'aimerais maintenant terminer avec M. Scott MacAulay.

Bienvenue, monsieur MacAulay.

M. Scott MacAulay (directeur exécutif, College of Piping and Celtic Performing Arts of Canada): Merci beaucoup.

J'ai l'impression, après avoir entendu l'exposé de Wayne, que nous nous sommes inspirés du même texte. Il a abordé de nombreux points que j'aimerais moi-même soulever.

Si je suis ici aujourd'hui, c'est en raison du soutien que nous avons reçu de la Banque Royale, à l'Île-du-Prince-Édouard. En effet, l'institution a vu le potentiel que possède notre troupe, qui n'existe que depuis huit ans. Partis d'un rêve, nous sommes aujourd'hui mondialement reconnus dans notre domaine. Nous sommes une association sans but lucratif et un organisme de charité enregistré.

• 0855

Plus je me suis intéressé à cette question, plus je me suis senti obligé de venir vous exposer mon point de vue aujourd'hui.

Les banques canadiennes sont soumises à une vive concurrence dans le marché des services financiers, que ce soit de la part des sociétés de fiducie, des sociétés de fonds mutuels et d'assurance, des sociétés de crédit-bail, des sociétés émettrices de cartes de crédit, ou autres. Les institutions financières canadiennes livrent concurrence à des banques étrangères qui possèdent des économies d'échelle énormes, et des avantages concurrentiels importants.

L'accès des banques étrangères au marché canadien a été rendu possible à la suite de l'assouplissement, par le gouvernement fédéral, des restrictions applicables à l'entrée de nouveaux joueurs au Canada. Le gouvernement semble appuyer l'idée d'un marché bancaire unique.

Le nombre d'institutions américaines et étrangères installées au Canada a beaucoup augmenté ces dernières années. Par exemple, le service de cartes de crédits de la MBNA, à laquelle Wayne faisait allusion, traite plus de 600 millions d'envois postaux par année. Il est très difficile de faire concurrence à une institution comme celle-là. D'autres sociétés, comme Fidelity Investments, Franklin Templeton et GE Capital... General Electric Capital offre toute une gamme de services financiers. La seule chose qu'elle ne fait pas encore, c'est imprimer de l'argent.

Le vice-président (M. Nick Discepola): Les banques ne la laisseront pas faire cela.

Des voix: Oh, oh!

M. Scott MacAulay: Merrill Lynch, qui a absorbé Midland Walwyn, risque, par suite de cette transaction, de devenir le plus important fournisseur de services financiers au Canada. C'est l'objectif qu'elle vise. Nous devrions en prendre note.

Je suis en faveur de la libre concurrence, mais il faut que les institutions bancaires canadiennes puissent jouer selon les mêmes règles du jeu que les autres. Les banques canadiennes, pour pouvoir livrer concurrence aux immenses conglomérats financiers étrangers, doivent avoir la possibilité de fusionner.

En tant que directeur exécutif d'une entreprise à vocation essentiellement communautaire, j'éprouve de graves inquiétudes face aux menaces froides, calculées et impersonnelles que présentent ces multinationales. La Banque Royale du Canada est la plus importante société philanthropique du Canada. C'est une entreprise altruiste.

Il suffit de jeter un coup d'oeil du côté du secteur des télécommunications, que Wayne a mentionné un peu plus tôt, pour voir ce qui va se produire dans le secteur bancaire. Les multinationales comme Sprint ont envahi le marché et augmenté leur part de marché. Toutefois, elles sortent de plus en plus l'argent durement gagné des contribuables canadiens en dehors du pays, sans réinvestir quoi que ce soit dans la collectivité ou dans le pays. Par contre, il y a des compagnies comme Island Tel qui réinvestissent des sommes considérables dans la collectivité. Elles ne fuient pas avec l'argent. Elles le réinvestissent, et elles prennent soin de leurs clients.

Pour terminer, je tiens à dire que je suis en faveur de la libre concurrence. Toutefois, pour avoir un marché libre, il faut que les entreprises aient la possibilité d'unir leurs forces et leurs ressources et qu'elles soient assujetties aux mêmes règles du jeu que les grands conglomérats financiers étrangers. Comme on l'a déjà dit, si la force d'un pays réside dans ses habitants, ses collectivités, ses régions, qui mieux que nos propres institutions pour nous servir?

Selon la tradition, la fusion des grandes banques canadiennes est une démarche logique, et nécessaire, une démarche qui leur permettra de livrer concurrence aux autres joueurs dans ce nouveau monde corporatif, aujourd'hui et au-delà de l'an 2000. J'en suis fermement convaincu. Nous entretenons des liens étroits avec la Banque Royale, et nous voulons que le secteur bancaire canadien continue de prendre de l'expansion. Si nous voulons être en mesure de soutenir la concurrence à l'échelle internationale, nous devons permettre à la Banque Royale d'aller de l'avant avec son projet de fusion et de livrer concurrence aux autres institutions à l'échelle planétaire.

Je répondrai volontiers à toutes vos questions. Merci.

Le vice-président (M. Nick Discepola): Merci, monsieur MacAulay.

Chers collègues, nous avons tous droit à environ sept minutes. Je vous invite donc à bien utiliser votre temps de parole.

M. Paul Szabo (Mississauga-Sud, Lib.): Vous avez droit à combien de minutes?

Le vice-président (M. Nick Discepola): À deux. Est-ce que vous trouvez cela équitable? Je compte exercer mon pouvoir discrétionnaire.

Monsieur Ritz, du Parti réformiste.

• 0900

M. Gerry Ritz (Battlefords—Lloydminster, Réf.): Merci, monsieur le président.

Merci, messieurs, pour vos exposés. Je pense qu'on aurait droit à un débat très intéressant si on vous laissait discuter librement entre vous. Vous ne partagez manifestement pas les mêmes vues.

J'ai trouvé certains commentaires particulièrement intéressants. Monsieur MacAulay, vous dites que les autres institutions inondent le marché. Eh bien, cela leur permet peut-être d'augmenter leur part de marché, mais la seule façon dont elles peuvent conserver cette part de marché au fil des ans, c'est en offrant du service, du service et encore du service. C'est comme l'immobilier. Les trois grandes règles sont l'emplacement, l'emplacement, l'emplacement. Dans tous les secteurs, qu'il s'agisse des banques ou des compagnies de location de voitures, c'est le service qui compte.

M. Scott MacAulay: C'est pour cela qu'il y a tellement de gens qui acceptent de faire affaire avec Sprint, et qui, ensuite, laissent tomber l'entreprise, parce qu'elle n'est pas en mesure de fournir le service.

M. Gerry Ritz: Exactement, alors pourquoi les choses se passeraient-elles différemment avec les banques étrangères? Certaines personnes pourraient accepter de faire affaire avec Wells Fargo, constater qu'elle offre un taux de 9 p. 100 et non de 6,5 p. 100, rester avec elle un certain temps et ensuite partir. Comment peuvent-elles maintenir leur part de marché si elles n'offrent pas des produits qui intéressent les gens?

J'ai discuté de cette question avec les électeurs de ma circonscription, j'ai assisté aux audiences et je n'ai entendu personne réclamer des banques plus grandes. Nous devons procéder par étape. Nous ne pouvons pas appuyer sur la gâchette et enclencher le processus. Nous devons tous nous trouver à la ligne de départ en même temps. Nous devons attendre que les compagnies d'assurance, les compagnies de location en voiture, ainsi de suite, se retrouvent toutes à la ligne de départ.

Les banques vont être confrontées au bogue de l'an 2000. Je ne comprends pas pourquoi elles veulent fusionner et ensuite se retrouver avec ce gros problème sur les bras.

M. Scott MacAulay: J'espère que vous n'avez pas mal interprété mes propos. Ce que j'ai dit, c'est que j'étais en faveur d'un marché libre, que je voyais d'un bon oeil l'arrivée de multinationales. Toutefois, comment pouvez-vous accueillir ces multinationales et toutes les ressources qu'elles apportent avec elles, et ne pas permettre aux institutions financières canadiennes d'unir leurs efforts pour leur livrer concurrence?

M. Gerry Ritz: Ce que vous ne comprenez pas, c'est que si l'on permet à ces mégabanques de voir le jour, elles vont elles aussi devenir des multinationales.

M. Scott MacAulay: Ce qu'il faut comprendre ici, c'est que ces institutions sont solidement ancrées dans les collectivités, dans les régions, et qu'elles connaissent bien les clients, du fait qu'elles sont installées ici.

M. Gerry Ritz: Oui, M. Hambly a fait quelques commentaires à ce sujet. Il a dit, à un moment donné, que les banques comprennent notre situation. Or, j'ai transigé avec les banques en tant que petite entreprise, en tant qu'agriculteur, et j'ai constaté que nous fonctionnons tous de la même façon, ce qui est faux. Je ne dirige pas mon entreprise de la même façon que mon voisin dirige la sienne, mais les banques essaient de nous faire croire le contraire. Nous ne fonctionnons pas de la même façon.

Nous avons donc besoin de plus de diversité, de concurrence, car la concurrence amène la prospérité.

Cela dit, j'aimerais, monsieur MacKay, parler du crédit-bail automobile. Est-ce que la concurrence dans ce secteur vous inquiète? Les banques offrent déjà ce service. La Banque royale offre un tel programme depuis des années. Vous louez essentiellement votre voiture. Vous effectuez vos paiements, et au bout de la troisième année, vous versez votre paiement final. Est-ce que ce genre de concurrence vous inquiète?

Tout se ramène au service. J'achète une nouvelle voiture. Que je l'achète de votre compagnie ou d'une banque, je dois la faire inspecter avant sa mise en service, et c'est vous qui offrez ce service. Je dois m'occuper de la garantie, et c'est encore vous offrez ce service. Les gens ne vont-ils pas faire affaire avec la banque une première fois, et ensuite revenir vous voir et dire, «Eh bien, je n'ai pas obtenu le service que j'aurais eu si je l'avais acheté de vous, Myron»?

M. Scott MacAulay: Je ne sais pas si c'est l'impression que les gens vont avoir. Si je suis encore là, ils vont peut-être revenir me voir.

Le programme de rachat de la Banque royale... Toutes les banques offrent un programme qui leur permet d'avoir accès à ce marché. Toutefois, dans les faits, le consommateur fait affaire avec le concessionnaire local, transige avec lui, et ensuite les documents sont transmis à la banque. Ce qui m'inquiète, c'est que si le consommateur peut se rendre directement à la succursale bancaire, acheter ou louer une voiture...

De nos jours, acheter et louer, c'est du pareil au même. Il n'y a pas vraiment de différence entre le fait d'acheter une voiture et d'en louer une. Vous versez un montant tous les mois pour l'utilisation du véhicule. Si vous dites à un consommateur qu'il peut acheter une voiture pour 500 $ par mois ou qu'il peut avoir l'usage d'une voiture pour 400 $ par mois, invariablement, il va tenir compte de la différence de 100 $ par mois et décider que cet arrangement lui convient davantage.

M. Gerry Ritz: Mais il n'y a aucun actif qui est en train d'être constitué.

M. Myron MacKay: Non, il n'y en a pas. Si vous avez un prêt- auto de quatre ou cinq ans, vous allez vous trouver, au bout de deux ans, avec un actif négatif et non positif, parce que le montant qui vous reste à payer sur la voiture sera supérieur à la valeur de celle-ci, dans la plupart des cas.

• 0905

Vous parlez de concurrence. Je vis dans une petite ville de 30 000 habitants, qui compte 12 constructeurs d'automobiles différents et 14 concessionnaires, et nous cherchons tous à attirer le même client. Il y a également à peu près 14 succursales bancaires dans cette ville. Si on annonce, soudainement, qu'elles peuvent avoir accès au marché de l'automobile, cela risque d'entraîner des conséquences assez sérieuses. Il y aurait deux fois plus de compagnies qui pourraient vendre ou louer une voiture au public.

M. Gerry Ritz: Je comprends tout cela, mais je ne vois pas comment ces 14 succursales bancaires arriveraient à trouver l'espace voulu pour avoir des voitures et les louer aux clients, ainsi de suite. Comment feraient-elles pour s'organiser et survivre dans ce marché? Vous avez le produit. Les gens achètent ce que vous avez en stock. Ils n'aiment pas attendre, passer une commande. Vous avez le stock. Vous offrez le service. Vous avez des techniciens. Comment peuvent-elles même être concurrentielles, à mois d'offrir la voiture à moitié prix ou d'attirer les gens autrement?

M. Myron MacKay: Eh bien, on peut faire affaire à un public différent. Bien entendu, les banques peuvent être très influentes; elles ont aussi beaucoup de clients. Elles peuvent les persuader de faire affaire avec elles.

Les gens, dans certains cas, viendraient nous voir, examineraient nos voitures, choisiraient une couleur, et cetera, et iraient ensuite voir la banque. La banque peut transiger avec un concessionnaire, négocier au prix coûtant ou à un prix légèrement supérieur à celui-ci, et tout simplement acheter le véhicule et le livrer à celui qui était mon client.

Mon client s'attend à ce que je maintienne une présence physique. Je ne vois pas les banques investir dans la brique et le mortier.

M. Gerry Ritz: Donc, le maillon faible dans ce scénario, c'est le concessionnaire Ford, qui permet à la banque d'avoir accès à ce stock?

M. Myron MacKay: Ce ne serait pas nécessairement le concessionnaire Ford. Ce pourrait être quelqu'un d'autre. Nous ne sommes pas différents des autres...

M. Gerry Ritz: Sauf qu'il n'y aurait alors plus de solidarité.

M. Myron MacKay: Avec la concurrence, il n'y a pas de solidarité. Le type qui n'a pas beaucoup d'argent et qui a besoin d'un prêt pourrait très bien dire: «Oui, je vais vous fournir toutes les voitures que vous voulez au prix facturé.»

M. Gerry Ritz: C'est très complexe, n'est-ce pas?

Le vice-président (M. Nick Discepola): Merci, monsieur Ritz. Vous n'avez pas dépassé votre temps de parole.

Nous allons maintenant passer à M. Pillitteri.

M. Wayne Hambly: Monsieur le président, j'aimerais répondre brièvement au commentaire de M. Ritz.

Je ne suis pas d'accord avec vous quand vous dites que les banques traitent tout le monde de la même façon. C'est peut-être vrai dans le cas de la banque avec qui vous faites affaire, mais on ne peut pas dire la même chose des succursales avec qui nous transigeons depuis 30 ans. En fait, elles sont capables de faire preuve de flexibilité une fois qu'elles ont bien saisi le problème, la situation qui prévaut à l'échelle locale.

M. Gerry Ritz: Vous avez de la chance.

Le vice-président (M. Nick Discepola): Combien de directeurs avez-vous eus dans votre région? Vous avez fait affaire avec combien de directeurs en 25 ans?

M. Wayne Hambly: En 32 ans, je pense que nous en avons eu six.

Le vice-président (M. Nick Discepola): Soit un directeur tous les cinq ans. La moyenne dans l'industrie est sans doute de un directeur tous les deux ans. Vous avez de la chance.

M. Wayne Hambly: Je pourrais me tromper, mais ce sont là des cas exceptionnels. Il y en a peut-être eu d'autres qui n'ont fait que passer.

Le vice-président (M. Nick Discepola): Merci.

Monsieur Pillitteri.

M. Gary Pillitteri (Niagara Falls, Lib): Merci beaucoup, monsieur le président.

Bonjour. Je vous remercie de vos exposés.

M. Broderick a dit que les banques n'offrent pas tellement de bons services. Je ne suis pas d'accord. Les banques au Canada offrent de l'excellent service. Je fais affaire avec les banques. Je suis entrepreneur et je dirige en plus une petite entreprise. Je fais affaire avec les banques depuis les années 60, et elles m'ont toujours très bien servi. Allez voir ce qui se fait dans les autres pays, et vous verrez à quel point nos institutions canadiennes nous donnent de bons services.

Certains témoins ont dit que nos banques doivent fusionner pour être en mesure de livrer concurrence aux multinationales. Eh bien, messieurs, elles ont déjà le statut de multinationales. Elles sont présentes dans tous les pays du monde. Elles réalisent 40 p. 100 de leur revenu total à l'étranger. Les présidents des six banques à charte ont dit qu'aucune transaction, que ce soit au Canada ou ailleurs, n'était trop grosse pour eux. Ils mettent leurs ressources en commun chaque fois qu'une transaction les intéresse. Elles sont suffisamment influentes.

• 0910

Donc, ce n'est pas une question de concurrence. Vous avez entendu ce que M. Hambly a dit au sujet de la concurrence que livre Wells Fargo. Elle fait la même chose dans les autres pays. C'est là qu'elle va chercher ses 40 p. 100. Elle a pour son dire que se sont les consommateurs qui doivent faire des choix avertis.

Je ne veux pas que le Canada vive la même expérience que les États-Unis. Nous étions en train de parler des fusions qui ont eu lieu là-bas. Eh bien, les banques peuvent continuer de fusionner pendant les 50 années à venir, elles n'arriveront jamais à avoir le niveau de concentration que nous avons ici au Canada.

Dès 1901, monsieur, les grandes banques avaient des succursales d'un océan à l'autre. Aux États-Unis, elles n'ont jamais été en mesure de faire une telle chose, parce que chaque banque est obligée d'avoir une charte de l'État. Donc, le plus qu'elles pourraient avoir, pour être concurrentielles, serait une succursale par État, ce qui leur donnerait tout de même 52 succursales pour l'ensemble du pays. Elles ne pourraient jamais avoir le statut qu'ont les six banques au Canada.

Pour ce qui est de Wells Fargo, Capital One et des autres institutions qui s'implantent ici, eh bien, si les Canadiens veulent faire affaire avec elles, ce n'est pas parce à cause de leurs services, mais des prêts qu'elles consentent; pas à cause des garanties qu'elles exigent, mais du capital qu'elles prêtent à des taux variant entre 6 et 8 p. 100. Permettez-moi de vous donner un exemple. Disons que les taux se situent entre 8 et 14 p. 100. Les compagnies de fiducie et les banques peuvent consentir des prêts à ces taux-là. J'ai un prêt au taux préférentiel plus 0,75 p. 100. J'en ai un autre au taux préférentiel plus 2,5 p. 100. Les banques font la même chose ici. Elles ne cherchent pas à devenir plus importantes ou à avoir plus de compétences. Elles cherchent plutôt à exercer un contrôle total sur l'économie canadienne.

Maintenant, comme Broderick l'a si bien dit, il y avait quelque 52 banques au Canada et il n'en reste plus que 48. Même si nous ouvrons le marché aux banques étrangères, croyez-vous qu'elles vont vouloir venir s'installer ici? Non, parce que notre marché n'est pas assez gros pour elles.

M. Leo Broderick: Elles ne s'installeront pas à Charlottetown.

M. Gary Pillitteri: Même pas en Ontario, à Toronto ou ailleurs, parce que ce qu'elles veulent, c'est desservir le marché de l'extérieur, sans investir dans la brique et le mortier. C'est tout ce qu'elles veulent faire. Elles ont comparu devant le comité. Ce n'est pas les cinq... Elles ne nous ont pas soumis un «plan d'entreprise structuré» pour justifier leur projet de fusion. Elles ont besoin des cinq pour desservir les Canadiens. Elles voudront peut-être étendre leurs activités à l'étranger, mais leur objectif n'est pas de desservir le public canadien ou le marché canadien.

Je voudrais poser quelques questions...

Le vice-président (M. Nick Discepola): Nous n'avons pas beaucoup de temps.

M. Gary Pillitteri: ...seulement quelques questions, sinon le président va m'en vouloir.

Le vice-président (M. Nick Discepola): Vous avez déjà pris sept minutes, alors...

M. Gary Pillitteri: Voici ma question. Croyez-vous que ces banques, en étant plus grandes—parce que seulement quatre—pourraient vraiment mieux servir nos entreprises? Comment pourraient-elles offrir un meilleur service en étant plus grandes? Si elles peuvent gagner quelque chose en étant plus grandes... Sur le plan technologique, elles sont déjà les plus avancées du monde.

Je vous laisse répondre.

M. Leo Broderick: Elles ne serviront pas mieux les Canadiens. On a pu constater dans d'autres régions du monde où les banques ont pris de l'expansion et ont fusionné qu'elles n'ont pas fourni aux citoyens les services appropriés. Les preuves en sont faites.

Je suis d'ailleurs assez surpris de voir qu'il y a ici des gens qui appuient les fusions alors que ce n'est vraiment pas dans l'intérêt des Canadiens ni des entreprises canadiennes. Il est clair que, dans les provinces de l'Atlantique, la preuve est déjà faite que les banques ne nous servent pas bien. J'ai déjà souligné que, depuis dix ans, les banques, sont devenues extrêmement cupides et qu'elles ont centré leurs activités à l'extérieur du Canada. Ce qui les intéresse, c'est la clientèle des grandes sociétés, et non pas les petites et les moyennes entreprises.

M. Scott MacAulay: Permettez-moi d'être d'un autre avis. Nous avons eu une expérience très possible avec la Banque royale qui s'est montré très soucieuse de la communauté. Selon moi, la fusion ne fera que renforcer cette qualité. La banque aura plus de ressources. Elle va maintenir son intérêt pour la communauté et, avec plus de ressources, elle aura les moyens de mieux nous servir.

• 0915

M. Leo Broderick: Pourtant, voyez-vous, si vous demandez aux gens de Tyne Valley, de l'Île-du-Prince-Édouard, si la Banque royale les sert bien, ils vous répondront que, même si la banque réalisait des profits dans cette communauté, ça ne l'a pas empêchée de les abandonner.

Dans la publicité que fait la Banque royale, elle dit qu'elle donne 106 000 $ à des oeuvres de charité de la province et elle en cite dix. La Banque Royale a plus de 45 000 clients, ce qui veut dire qu'elle verse moins d'un dollar par citoyen aux oeuvres de charité de la province et seulement 10 000 $ à chacune de celle qu'elle aide. La banque se vante même que son personnel consacre des centaines d'heures de bénévolat à des causes charitables. C'est d'ailleurs un autre problème avec les grandes sociétés comme les banques, le fait qu'elles imposent comme condition d'embauche à leurs employés, qui sont actuellement mal traités et mal payés, de faire du bénévolat. C'est un autre problème. Ça ne me semble pas être dans l'intérêt des citoyens.

Je ne suis pas du tout d'accord pour dire que les banques ont l'esprit communautaire et philanthrope. Elles font des milliards de dollars de profits et cette banque-là en particulier ne donne que 106 000 $ aux oeuvres de charité de la province. Certains qualifieraient ça de honteux. Et, sur le plan de la fiscalité, elles paient bien moins d'impôts que bien des Canadiens.

Alors non, je ne crois pas que les Canadiens ont été bien traités par leurs banques. Des gens d'affaires peuvent bien les soutenir s'ils le veulent, mais si vous regardez le nombre de demandes de prêts qui ont été présentées aux banques dans ce pays, vous verrez que beaucoup ont été rejetées à de nombreuses reprises; c'est un problème très grave, et il ne fera que s'aggraver si nous permettons aux banques de fusionner. Le capital est un élément essentiel pour la promotion et la création de l'emploi dans ce pays, et les banques sont en train de se décharger de leurs responsabilités à l'égard de régions comme le Canada atlantique.

Le vice-président (M. Nick Discepola): En toute justice, je crois que M. MacAulay et M. Hambly expriment un point de vue fondé sur leur expérience personnelle.

M. Scott MacAulay: C'est le seul point de vue qu'on peut exprimer.

Le vice-président (M. Nick Discepola): C'est vrai, mais vous sembliez généraliser aussi, et les statistiques font état de volumes; les banques font bien piètre figure pour ce qui est des prêts consentis aux petites et aux moyennes entreprises de tout le pays.

M. Leo Broderick: Absolument.

M. Scott MacAulay: Si je parle ici de notre propre situation, c'est parce que c'est ce que nous avons vécu.

Le vice-président (M. Nick Discepola): Vous êtes probablement, tous les deux, l'exception à la règle...

M. Scott MacAulay: Qui plus est, comme je l'ai dit plus tôt, la Banque Royale est l'entreprise la plus philanthrope du Canada, pas seulement la plus grande banque. Donc...

Le vice-président (M. Nick Discepola): Monsieur Hambly, vous avez la parole.

M. Wayne Hambly: Merci, monsieur le président. Je dois bien admettre que les banques ou les grandes entreprises pourraient faire beaucoup plus pour leur communauté; je ne le conteste pas. Cependant, j'ajouterais que, plus une banque est solide, plus elle a, il me semble, les moyens de nous offrir le genre de soutien qu'on pourrait rechercher.

Et je voudrais souligner que la proposition de fusionnement de la Banque Royale et de la Banque de Montréal, d'après ce qu'a dit le président de la Banque de Montréal, prévoit l'établissement d'une nouvelle banque pour les petites et moyennes entreprises.

Le vice-président (M. Nick Discepola): Pourquoi est-ce que ça n'a pas encore été fait? C'est la question à poser.

M. Wayne Hambly: Je suppose que les banques trouvent que, pour l'instant, elles n'ont pas les ressources pour le faire.

Le vice-président (M. Nick Discepola): Monsieur Szabo, c'est à vous.

M. Paul Szabo: Merci. Il est intéressant que le rapport du groupe de travail MacKay sur le secteur des services financiers, qui d'ailleurs ne traite pas uniquement des banques... Mais il semble que nous voulons seulement parler du fusionnement des banques, alors nous allons nous en tenir à ça. Le fait est que les banques sont maintenant habilitées à vendre de l'assurance par l'entremise de leurs filiales. La question qui se pose vraiment est est-ce qu'elles devraient être autorisées à vendre de l'assurance dans leurs succursales? C'est la question que nous devons nous poser.

De même, à propos du crédit-bail des voitures, les deux secteurs—celui des courtiers d'assurance et celui de l'automobile—nous ont carrément dit qu'ils craignaient de perdre beaucoup d'emplois. C'est ce que nous ont dit les représentants des industries. Je trouve très curieux qu'aucun représentant des employés des banques ne soit venu nous dire qu'ils craignaient de perdre leurs emplois.

M. Leo Broderick: Ils le craignent.

M. Paul Szabo: J'aimerais bien l'entendre de la bouche des employés.

Mais, monsieur Broderick...

M. Leo Broderick: C'est vous qui avez soulevé la question.

M. Paul Szabo: Non, on peut s'y attendre. Je ne tiens pas à échafauder d'hypothèses.

Monsieur Broderick, vous disiez que les banques exigent souvent des pièces d'identité.

M. Leo Broderick: Oui.

M. Paul Szabo: Et nous l'avons beaucoup entendu dire.

• 0920

M. Leo Broderick: C'est vrai?

M. Paul Szabo: Nous l'entendons beaucoup. Bien sûr. C'est un sujet complexe, mais limitons-nous à trouver comment composer avec ça.

M. Leo Broderick: C'est une bonne question. Je crois que c'est nécessaire dans une certaine mesure, mais là où je veux en venir c'est que si, en fait, les gens ne peuvent pas ouvrir de compte à la banque—ce que beaucoup ne peuvent pas faire—, même s'ils produisent des pièces d'identité... Et j'ai déjà vu, alors que j'attendais en file à la banque, des gens qu'on refusait de servir même s'ils avaient une pièce d'identité. On leur en demande parfois deux ou trois, et ça dépend du montant du chèque qu'ils veulent seulement encaisser, ce qui détermine aussi dans une certaine mesure...

M. Paul Szabo: D'accord. Mais vous êtes en train de décrire une situation.

M. Leo Broderick: Oui.

M. Paul Szabo: Il me semble tout à fait justifié de demander des pièces d'identité à quelqu'un qui veut effectuer des opérations bancaires dans une institution.

M. Leo Broderick: Absolument, mais pas deux ou trois...

M. Paul Szabo: Et il se pourrait que le problème ne vienne pas des banques. Le problème est peut-être en fait qu'il y a au Canada des gens qui n'ont pas de permis de conduire ou une autre pièce d'identité valable. Peut-être que ce qu'il faut au Canada, c'est qu'on crée une espèce de pièce d'identité—facultative—qui peut aider dans ce genre de situation. Ça réglerait le problème. Ça n'a rien à voir avec les banques.

M. Leo Broderick: C'est vrai.

M. Paul Szabo: Je crois que les banques sont probablement tout simplement prudentes en affaires. N'importe quelle entreprise, que ce soit pour l'octroi de crédit ou autre chose, ou parce qu'il y a un risque ou qu'on peut engager des biens à long terme, a vraiment besoin de savoir avec qui elle a affaire.

M. Leo Broderick: C'est juste.

M. Paul Szabo: Vous savez que le comité sénatorial des banques tient des audiences dans tout le pays et qu'il était à Halifax il y a deux jours.

Le mouvement des coopératives de crédit, qui occupe un créneau fantastique et qui fournit d'excellents services à la communauté—ce qui semble être un sujet de préoccupation—est très favorable à la fusion des banques. Il l'attend avec impatience. De fait, la société VanCity a annoncé qu'elle veut être autorisée à regrouper 870 coopératives de crédit pour pouvoir se constituer en banque. Il y a aussi des compagnies d'assurance qui sont des institutions de dépôt. Il y a soudain différentes combinaisons possibles dans le secteur des services financiers, qui vont toutes contribuer à renforcer la concurrence et à diversifier les services dans des établissements qui ne sont pas désignés comme des banques de l'annexe A ou des banques de premier niveau.

C'est ce que me semble dire le rapport MacKay. Nous pouvons modifier le secteur des services financiers pour stimuler la compétition jusque dans les communautés de même que la prestation de services de meilleure qualité. Il nous invite à reconnaître que nous vivons dans un monde où la technologie occupe de plus en plus de place. Les statistiques le montrent: beaucoup de jeunes gens préfèrent effectuer leurs opérations bancaires à un guichet électronique ou par Internet, et il semble que l'usage se répand et que c'est la voie de l'avenir.

Ces changements ne visent pas les services bancaires d'aujourd'hui mais ceux du nouveau millénaire, le long terme, et il nous faut y réfléchir sérieusement.

Alors peut-être que le comité doit se demander s'il accepterait de considérer les fusions dans le secteur des services financiers comme une stratégie d'entreprise légitime: mais en fait il doit vraiment s'interroger sur les conditions dans lesquelles on pourrait permettre le fusionnement ou le regroupement d'entreprises, de façon à protéger—comme le veut le rapport MacKay—ou à servir l'intérêt public.

Le rapport MacKay ne traite pas des deux demandes de fusion que les banques ont présentées. Il traite des fusions dans le secteur des services financiers comme d'un enjeu et déclare que la fusion est une stratégie raisonnable. Est-ce qu'elle l'est pour le secteur des services financiers? Et est-ce que nous ne devrions pas davantage nous préoccuper des modalités qui devraient régir les regroupements ou les fusions?

M. Leo Broderick: À mon avis, ce n'est pas une stratégie valable et elle ne devrait pas être considérée comme telle, particulièrement pour les banques du canada.

En ce qui concerne les coopératives de crédit, je sais qu'il est question de les regrouper pour qu'elles deviennent plus nationales dans le sens où elles pourraient servir leurs clients et leurs membres dans tout le pays.

• 0925

Je mettrais cependant même les coopératives de crédit en garde: plus elles se transformeront en «banque» et s'intéresseront à faire des investissements dans le monde entier, y compris au Canada, plus elles vont se désintéresser du service à la communauté. Et l'un des reproches qui est fait aux coopératives de crédit, du moins aux États-Unis—et, dans une certaine mesure, je crois que ça pourrait aussi s'appliquer au Canada—est que les gens qui les dirigent sont d'anciens banquiers qui ont une mentalité de banquier.

Le vice-président (M. Nick Discepola): Merci, monsieur Szabo.

Très rapidement, monsieur MacAulay, je vous prie.

M. Scott MacAulay: Je vous ai bien compris; je ne voudrais pas présumer que tout le monde—ou même la majorité des gens—va accepter que la fusion des banques est une bonne chose dans tous les cas. Je crois que les conditions de leur fusionnement sont affaire de négociation et, en général, il me semble que le concept de la fusion des banques est assez positif.

Le vice-président (M. Nick Discepola): Merci.

Madame Redman, vous avez la parole.

Mme Karen Redman (Kitchener-Centre, Lib.): Merci, monsieur le président.

Je suis heureuse de constater que ce comité a exprimé—très bien d'ailleurs—divers points de vue.

Le groupe de travail MacKay, comme M. Szabo l'a souligné, touche bien plus que la fusion des banques. L'une des choses qu'il souligne est le fait que nous voulons que l'ensemble du secteur financier ait plus d'esprit d'entreprise. Certaines des recommandations—il y en a 124, et je suppose que vous avez pour la plupart au moins pu en lire le sommaire—font justement ressortir qu'il est exclu de penser maintenir le statu quo. Donc, même s'il peut y avoir de choses qui fonctionnent ou qui ne fonctionnent pas, selon l'évaluation que chacun peut faire du secteur financier tel qu'il est actuellement, tout va inévitablement beaucoup changer.

Je m'adresse à M. Broderick. Vous avez parlé de certaines choses en rapport avec la fusion des banques, comme les guichets automatiques, dont le Canada est le plus grand utilisateur à l'échelle internationale. Il semble que nous adorons nos guichets. Ce genre d'évolution technologique est incontournable, fusion ou pas fusion. Donc, pour aller un peu dans le même sens que M. Szabo à propos des pièces d'identité, j'aimerais vous demander s'il n'est pas déjà écrit dans le ciel que ces choses vont arriver et que des succursales bancaires vont fermer leurs portes, indépendamment des fusions?

M. Leo Broderick: Je ne crois pas que ça arrivera forcément. Derrière la technologie, ce sont les banques qui encouragent l'utilisation des guichets automatiques et d'Internet. On arrive à nous faire croire que ces choses sont inévitables. Mais il n'est pas vraiment opportun qu'une communauté ne soit servie que par des guichets automatiques. Ce n'est pas un service suffisant, même si les gens l'exigeaient, ce qui n'est pas le cas, que je sache.

De fait, s'il y a un service que les communautés rurales n'exigent pas, c'est bien celui-là. Les gens de ces communautés veulent être servis par de vraies personnes. On nous dit que l'industrie bancaire est en pleine révolution, qu'il pourrait bien n'y avoir personne pour nous accueillir dans les banques de demain, seulement des machines. Et je crois qu'il vient un moment où on doit dire que ce n'est pas acceptable, qu'il faut des humains pour servir des humains.

Mme Karen Redman: Mais ça n'a rien à voir avec les fusions.

M. Leo Broderick: Ça concerne le rapport sur les services financiers. C'est un domaine où nous pouvons légiférer, par l'entremise de notre Parlement. Nos communautés doivent recevoir des services financiers, et pas seulement au moyen de machines. Ce n'est pas tout le monde qui a envie de faire ses opérations bancaires tard le soir à un guichet automatique. Et voyez les profits que génèrent les guichets automatiques. Je crois que c'est de l'ordre de 47 cents par dollar. Les banques et les actionnaires peuvent réaliser plus de profits avec leurs machines qu'en avec un employé qui traite avec les gens. Je crois que ce n'est pas une bonne chose.

Mme Karen Redman: Qui sont les actionnaires des banques?

M. Leo Broderick: Les actionnaires sont parfois des gens ordinaires, mais la plupart des actions ne sont pas la propriété de gens ordinaires, en ce sens qu'elles n'appartiennent pas à la majorité des Canadiens. Elles appartiennent à un petit groupe de gens qui possèdent un grand nombre d'actions, et je sais que nous pourrions aborder le sujet des pensions et le reste.

M. Paul Szabo: La moitié des travailleurs canadiens possèdent des actions bancaires.

M. Leo Broderick: Mais pas beaucoup.

Mme Karen Redman: La moitié.

M. Paul Szabo: La moitié de tous les travailleurs canadiens.

M. Léo Broderick: C'est peu.

Mme Karen Redman: Merci, monsieur Broderick.

M. Léo Broderick: C'est peu d'actions.

Mme Karen Redman: Était-ce M. Hyndman ou M. Hambly qui a parlé de l'offre de 100 000 $ que vous a faite Wells Fargo?

Si vous voulez cet argent, devons-nous nous soucier, en tant que Canadiens, du fait que cette entreprise croit que l'Île-du-Prince-Édouard est située en Ontario?

M. Wayne Hambly: Je ne crois pas que nous ayons vraiment à nous soucier de cela. Personnellement, ça m'est égal. Je n'ai aucunement l'intention de faire affaire avec Wells Fargo.

• 0930

Tout ce que je voulais dire c'est que, en tant qu'entreprise d'une petite localité, je considère de loin plus important de faire affaire avec une banque qui comprend mon entreprise et notre collectivité que de me laisser tenter par de l'argent à bon marché qui pourrait venir d'ailleurs. Cela ne peut que causer des ennuis un jour ou l'autre.

Mme Karen Redman: Je comprends votre point de vue, mais je suis aussi consciente du fait que tous les Canadiens tirent profit de secteurs financiers et bancaires vigoureux. Les banques n'offrent plus de services comme celui de la paye et un autre qui ont-elles décidé, je crois, n'est pas rentable. Elles prennent donc des décisions de gestion qui à certains égards orientent la souveraineté monétaire, sujet dont nous devrons discuter, je crois, lorsque nous examinerons de près le marché international et les joueurs internationaux. C'est la raison pour laquelle je vous ai posé la question. Je ne sais pas absolument si, en tant que Canadienne, je devrais me soucier de l'arrivée de Wells Fargo; le fait est que l'entreprise est déjà là.

Ma prochaine question s'adresse à M. MacAulay et à M. Hambly. Le ministre Martin a bien fait ressortir que dans le cas de la fusion des banques, le groupe de travail MacKay s'est demandé s'il s'était avisé du point de vue financier d'autoriser les fusions bancaires. La décision d'autoriser certaines banques à se fusionner dépendrait de plusieurs choses: les travaux du groupe de travail du caucus libéral, les audiences du Bureau de la concurrence et une série d'audiences publiques. Je m'interroge au sujet de l'opportunité de tout cet exercice étant donné que le groupe de travail ne dit pas si la Banque royale et la Banque de Montréal doivent fusionner ou si c'est une bonne chose. Il s'en tient à dire si on doit ou non les autoriser à le faire.

Étant donné que vous croyez tous les deux qu'il s'agit pour les banques d'une option commerciale qui a des chances de réussir, ne vous inquiéteriez-vous pas du fait que les choses traînent en longueur parce qu'il nous faut des évaluations des répercussions communautaires et de vastes consultations à l'échelle canadienne? Y a-t-il selon vous des inconvénients à ce que les choses s'éternisent?

M. Wayne Hambly: Je crois que le temps est d'une importance capitale dans n'importe quelle entreprise comme celle-ci, vu que plus les choses s'éternisent, plus cela coûte cher à tout le monde et plus la question se dilue. En ce qui concerne la vaste consultation à l'échelle nationale, vos déplacements actuels à travers le Canada ne font-ils pas partie de cette consultation? Si je ne m'abuse, un groupe de travail n'a-t-il pas déjà tenu avant vous des consultations d'un bout à l'autre du Canada sur à peu près le même sujet?

Mme Karen Redman: Ce groupe de travail ne s'est pas penché sur les fusions elles-mêmes. Il ne s'est pas attaché à la fusion de la banque X et de la banque Y. Il a étudié la question de façon plus globale.

M. Wayne Hambly: De mon point de vue, lorsque je dis que les banques veulent fusionner pour être plus solides, je n'appuie pas spécialement la fusion de la Banque royale et de la Banque de Montréal. Il pourrait s'agir de la Banque Canadienne Impériale de Commerce ou de la Banque nationale ou de n'importe quelle des six grandes banques. Ce que je crois et ce que je comprends, c'est que l'industrie bancaire doit être en mesure de mieux soutenir la concurrence à l'échelle planétaire. C'est la stratégie qu'elles ont élaborée et je la respecte parce que, après tout, les banques connaissent leur affaire.

Le vice-président (M. Nick Discepola): Merci, madame Redman.

J'aimerais remercier tous les témoins qui ont comparu et qui nous ont fait profiter de leur expérience. Comme vous le savez, notre tâche n'est pas facile, mais le ministre des Finances et le gouvernement ont promis que nous ferons le mieux du monde pour les Canadiens. Votre aide nous sera précieuse pour prendre une décision. Nous présenterons un rapport au ministre d'ici au mois de mars et nous espérons qu'il prendra rapidement une décision par la suite.

Au nom de tous mes collègues, je vous remercie de nouveau.

J'aimerais suspendre la séance tout au plus une minute—ce qui ne donne pas suffisamment de temps pour faire des appels téléphoniques—alors que nous nous préparons à accueillir nos prochains témoins.

• 0934




• 0941

Le vice-président (M. Nick Discepola): Merci. Les travaux reprennent conformément au paragraphe 108(2) du Règlement alors que nous poursuivons notre étude du rapport du Groupe de travail sur l'avenir du secteur des services financiers canadien.

[Français]

Nous avons parmi nous, de la Fédération des parents de l'Île-du-Prince-Édouard, son président, M. Ulysse Robichaud. Bienvenue, monsieur Robichaud.

[Traduction]

De l'Insurance Brokers Association of Prince Edward Island, nous recevons M. Jeff Cook, président et M. Dan McInnis, trésorier. Nous accueillons de l'Opposition officielle de l'île-du-Prince-Édouard, Robert Morrissey, député et porte-parole en matière de finances. Nous recevons également de la Prince Edward Island Mutual Insurance Company, M. Terry Shea, le secrétaire-trésorier.

Bienvenue messieurs.

[Français]

Monsieur Robichaud, s'il vous plaît.

M. Ulysse Robichaud (président, Fédération des parents de l'Île-du-Prince-Édouard): Salut. Comme vous l'avez mentionné, je suis président de la Fédération des parents de l'Île-du-Prince-Édouard. Je ne suis pas un expert en finances. On a bien réfléchi avant de venir ici et on a décidé de se présenter parce que cela pouvait affecter grandement les associations à travers le Canada, surtout les associations de parents. Cela concerne tous les parents francophones du Canada.

Ici, à l'Île-du-Prince-Édouard, on a une fédération qui représente cinq différentes régions et on fait aussi partie de la CNPF, la Commission nationale des parents francophones.

Il y a des fédérations semblables à la nôtre partout au Canada. On représente les minorités à travers le Canada et on fait réfléchir un peu le gouvernement fédéral. Depuis quelques années, il est populaire de dire: «Il faut réduire le gouvernement, il faut remettre la démocratie dans les mains des gens, les gouvernements sont trop gros, il faut décentraliser les gouvernements.»

Quant aux banques, je crois que cela fait aussi partie des gouvernements et on veut les centraliser. Il y a des courants qui prennent des directions opposées et c'est une des raisons pour lesquelles nous sommes venus. Les fermetures de succursales de banques vont affecter nos services à différents niveaux. Elles vont affecter des employés, en particulier des employés francophones. C'est un fait qu'un anglophone qui perd son travail a une meilleure chance de se trouver un autre emploi.

Cela affecte les petites communautés. Dans une petite communauté de la région de l'Île-du-Prince-Édouard, par exemple, si on perd un employé francophone, cela a un gros impact. Au Québec, cela n'a pas vraiment d'effet, même dans les petites régions.

[Traduction]

Je vais maintenant m'exprimer en anglais parce que j'ai entendu quelqu'un faire une observation sur les coopératives de crédit. À l'Île-du-Prince-Édouard elle-même, comme nous sommes une petite association, nous faisons affaire avec la coopérative de crédit. Lorsque nous nous adressons à la caisse de crédit nous n'avons pas à nous plier à toutes sortes de présentations. Nous croyons qu'il faut se présenter dans les grandes banques avec des avocats, des comptables et tout le reste.

À l'origine, la raison pour laquelle les coopératives de crédit ont été mises sur pied... Et je suis triste d'entendre aujourd'hui qu'elles prennent de l'expansion. Le mouvement s'est amorcé ici à l'île-du-Prince-Édouard. Il y a un site historique très proche d'ici que le comité devrait peut-être visiter. À l'île-du-Prince-Édouard, le mouvement des caisses de crédit a vu le jour à la Farmers Bank de Rustico.

• 0945

Au Canada, en Amérique du Nord, c'est le mouvement Desjardins qui a sauvé le site Rustico que le gouvernement canadien reconnaît maintenant comme un site historique. À l'époque, pour survivre, les Acadiens ont dû ouvrir leur propre banque, laquelle a donné naissance à la caisse de crédit. Il a fallu adopter des lois. C'est de là qu'est né le mouvement. C'est en lisant l'histoire des Acadiens qu'on se rend compte que sans les caisses de crédit aucun d'entre nous ne parlerait français aujourd'hui.

J'ai grandi au Nouveau-Brunswick. Mon père tenait la caisse de crédit dans sa maison. Les gens pouvaient venir le voir pour lui parler et négocier avec lui vu que nous ne pouvions faire affaire avec les banques, même en 1947, l'année de ma naissance. Depuis lors, et même à cette époque, en tant que minorité notre survie dépendait des caisses de crédit. De nos jours, le problème n'est pas d'ordre financier pour une petite communauté minoritaire comme la nôtre.

Et certaines personnes ont parlé des machines. Il est difficile de traiter avec les minorités par l'entremise de machines. C'est une autre raison pour laquelle nous craignons beaucoup les fusions. Nous ne voulons pas avoir affaire à des machines. Nous voulons parler à des gens. Ce que nous craignons c'est d'avoir à appuyer sur un bouton pour obtenir le service en français ou en anglais. Nous parlons français, mais à la façon acadienne, et il est difficile pour nous de nous servir d'une machine. Rien n'est traduit. Toutes les fois que nous avons des problèmes dans le domaine de l'éducation, par exemple, nous allons rencontrer les gens de la caisse de crédit. Nous pouvons exposer nos problèmes parce que nous obtenons des subventions du gouvernement fédéral.

Il nous arrive parfois de ne pas recevoir nos chèques à temps, de ne pouvoir payer nos employés. Lorsque nous nous adressons à la caisse de crédit, elle nous consent une avance en capital. Les caisses de crédit nous permettent de survivre. Elles nous prêtent de l'argent parce qu'elles nous connaissent. Elles savent que nous sommes membres de la communauté. Avec une organisation de l'envergure de la Banque Royale—ou avec n'importe quelle autre grande banque—nous ne nous sentons pas à l'aise.

C'est un effet d'entraînement et nous estimons que la fusion en aura un autre; comme je l'ai dit en français, nous voulons décentraliser le gouvernement fédéral et tous les gouvernements pour donner du pouvoir aux gens, mais on veut centraliser les banques. Je pense que c'est contradictoire.

Venir ici aujourd'hui est gênant pour moi parce que j'ai affaire à une grosse machine. Si je présentais cet exposé dans mon milieu, ce serait beaucoup plus facile. C'est pourquoi nous n'avons pas préparé de mémoire. Ce que je suis venu vous dire c'est que je peux aller dans une petite banque pour discuter de quelque chose sans avoir en main tous les documents au départ, et je ne m'exprime donc pas...

[Français]

J'ai travaillé longtemps au sein d'associations bénévoles, comme les commissions scolaires et les fédérations de parents. J'ai travaillé longtemps à la base. Un des problèmes au Canada, c'est qu'on veut imiter les Américains. Ici, dans les Maritimes, surtout pour les Acadiens, ce serait un faux pas que de vouloir fusionner nos banques. Cela occasionne l'effet d'entraînement que je mentionnais plus tôt en anglais. Je suis vraiment triste de comparaître aujourd'hui et d'entendre que même les caisses populaires sont vraiment contentes que les banques veuillent se fusionner et prendre de l'expansion. Ça veut dire que la situation est plus grave que je ne le pensais. C'est vraiment triste.

Auparavant, nos gens des communautés acadiennes dirigeaient des caisses populaires et on les considérait comme des gens importants. Ils étaient au même niveau que les autres personnes. Ils venaient de nos petites communautés. Avec l'expansion, il y aura des commissions auxquelles on aura peut-être une seule personne pour nous représenter. La fusion des banques fera disparaître l'aspect humain. Je sais que je ne résous pas le problème, mais je pense qu'il est important que de petits organismes comme le nôtre puissent dire leur mot. Je vous remercie de nous avoir donné l'occasion de nous exprimer.

[Traduction]

Je sais que nous n'avons pas de solution magique à proposer; notre organisme est petit mais il y a des groupes semblables au nôtre partout au Canada. Je sais qu'il y a une fédération de parents au Manitoba qui fait affaire avec une coopérative de crédit, et on retrouve des organismes semblables en Colombie-Britannique ou en Nouvelle-Écosse. Nous ne sommes pas nombreux, mais nous représentons des communautés et une culture.

Et nous avons tous le même problème.

Naturellement, nous vivons dans de petites localités éparpillées un peu partout dans le Canada; nous nous exprimons localement et nous n'avons pas beaucoup d'influence sur les grandes banques ou...

• 0950

Je suis toutefois heureux de pouvoir venir vous donner mon point de vue. Je vous ai exposé les raisons pour lesquelles nous n'approuvons pas la fusion des banques. Si je faisais partie de la majorité, je verrais peut-être les choses autrement, mais ayant passé toute ma vie dans un milieu minoritaire où on doit se battre pour sa survie, je pense que la fusion nuira à notre survie future.

Je vous remercie d'avoir pris le temps de me recevoir.

[Français]

Le vice-président (M. Nick Discepola): Merci, monsieur Robichaud. N'oubliez pas que vous pouvez toujours nous envoyer quelque chose par écrit si ce n'est pas une voie qui vous plaît.

M. Ulysse Robichaud: D'accord. Peut-être qu'on vous enverra quelque chose. Comme je l'ai dit précédemment, j'ai failli ne pas venir à cette séance. J'ai finalement décidé d'y assister pour vous dire ce que l'on ressent en tant que minorité et pour vous transmettre nos impressions sur les conséquences de la fusion des banques.

Il ne faut pas regarder seulement l'avenir. Il faut aussi regarder ce qui s'est passé au Canada si on veut survivre. C'est comme une chaîne. Si on disparaît, si les Acadiens disparaissent, si les minorités disparaissent... C'est comme dans la nature: on protège les espèces qui sont en voie de disparaître.

Le vice-président (M. Nick Discepola): On sympathise beaucoup avec vous parce qu'on est une minorité dans la province du Québec également.

M. Ulysse Robichaud: C'est pour cela qu'à chaque fois qu'on grossit, cela affecte les minorités plus que la majorité. Ce n'est pas parce qu'ils ne sont pas aussi importants; c'est seulement que nous, quand on perd nos petites banques, nos caisses populaires, il faut aller à la ville. C'est un grand centre anglophone, et on a seulement un bouton qui nous donne le service en français. Ce n'est pas la même chose que quand on entre dans une petite caisse populaire et qu'on fait affaire avec une personne, face à face.

Le vice-président (M. Nick Discepola): Je vous l'offre et sentez-vous très à l'aise de le faire.

M. Ulysse Robichaud: Merci beaucoup.

[Traduction]

Le vice-président (M. Nick Discepola): J'aimerais maintenant passer aux prochains témoins, de l'Association des courtiers d'assurance de l'Île-du-Prince-Édouard, MM. Jeff Cooke et Dan McInnis.

Qui fera l'exposé? Monsieur Cooke?

Nous vous souhaitons la bienvenue.

M. Jeff Cooke (président, Insurance Brokers Association of Prince Edward Island): Merci, monsieur le président et membres du comité, de nous donner l'occasion de présenter notre point de vue sur cette importante question pour l'industrie.

Je suis le président de l'Insurance Brokers Association of Prince Edward Island. Je suis accompagné ce matin par Dan McInnis, qui fait également partie du comité de direction de l'association.

Nous sommes d'avis que le Groupe de travail sur l'avenir du secteur des services financiers canadien a eu tort de se concentrer presque exclusivement sur les intérêts d'un seul segment du secteur des services financiers, à savoir les banques.

Pour bien évaluer le secteur des services financiers, il aurait fallu que le groupe de travail tienne compte du secteur des assurances multirisques et examine sa compétitivité, sa contribution socio-économique, son réseau de distribution et son cadre de réglementation, notamment l'octroi des permis aux courtiers et les programmes d'accréditation professionnelle.

Si on avait étudié ces questions, nous croyons que les recommandations du groupe de travail auraient été bien différentes. Le groupe de travail n'a pas jugé que ces questions étaient importantes parce qu'il n'a pas compris le caractère distinct des assurances multirisques. C'est un produit bien différent qui doit être examiné et géré avec soin. Contrairement à tous les instruments financiers avec lesquels les banques ont l'habitude de traiter, les assurances multirisques n'assurent pas un rendement financier direct aux titulaires de police. Ce produit ne sert pas à garantir un emprunt et ce n'est sûrement pas un investissement.

Je tiens à en parler parce que le groupe de travail n'a pas examiné la question et n'en a pas tenu compte non plus dans ses recommandations. Notre industrie est distincte et a besoin de règles distinctes, ce qui est généralement reconnu dans tous les autres pays. C'est ce qui nous amène à conclure que le groupe de travail n'a pas pris le temps de chercher à comprendre notre industrie.

Notre industrie est-elle unique? En 1995, le surintendant des institutions financières du Canada avait pratiquement prévu l'erreur commise par le groupe de travail en 1998 quand il a dit:

    Depuis mon arrivée dans le secteur public il y a sept mois, j'ai constaté avec étonnement qu'on ne comprend pas vraiment l'industrie des assurances multirisques et qu'on a tendance à l'associer aux autres domaines du secteur financier. Cette situation, je le crains, explique quelques-unes des décisions de principe prises par le passé et va probablement avoir une incidence dans l'avenir.

Monsieur le président, nous comptons sur vous et sur vos collègues du comité pour corriger l'erreur du groupe de travail MacKay.

• 0955

Pour ce qui est de l'orientation des recommandations du rapport concernant la vente d'assurances par les banques, il faut se rappeler que ni les consommateurs ni les petites entreprises ont demandé quoi que ce soit à ce sujet.

Nous pensons que les consommateurs et les petites entreprises n'ont pas appuyé le rapport du groupe de travail parce que, contrairement à l'industrie bancaire au Canada, le secteur des assurances multirisques est très concurrentiel et les gens le savent. Il y a seulement une poignée de banques qui sont établies dans le Canada atlantique et, si les banques arrivent à leurs fins, elles seront encore moins nombreuses. Par contre, il y a plus de 3 000 courtiers d'assurances indépendants dans notre région qui travaillent dans environ 1 400 petites entreprises. Ils offrent à leurs clients les assurances les plus avantageuses et les moins chères à partir d'un bassin de 200 compagnies d'assurance régionales, nationales et multinationales.

Nous croyons qu'il est scandaleux que le groupe de travail n'ait pas reconnu que le secteur des assurances multirisques auquel ont accès les Canadiens est l'un des plus solides, des plus concurrentiels et des plus efficaces au monde, et cela constitue une lacune importante du rapport. Cette lacune remet en question le fondement de toutes les recommandations du rapport concernant la compétitivité dans le secteur des assurances multirisques.

Les changements apportés en 1992 à la loi pour donner aux banques le droit d'offrir des assurances aux consommateurs a vraiment accru la concurrence. Il s'agissait de changements de bonne guerre auxquels il fallait nous adapter. Mais il est clair maintenant que les changements de 1992 ne sont pas suffisants pour les banques. Elles veulent que les règles soient modifiées de façon à nous désavantager. Et c'est parce qu'elles ont insisté que le groupe de travail MacKay a recommandé que les banques aient encore plus de privilèges.

Si cette recommandation devait avoir force de loi, nous pensons que, comme il y a qu'une poignée d'endroits qui offrent des services bancaires aux consommateurs, il n'y aura plus demain qu'une poignée d'endroits offrant des assurances multirisques.

À notre avis, les recommandations du rapport MacKay ne sont pas dans l'intérêt du public pour deux raisons. Premièrement, elles vont réduire le choix offert aux consommateurs, ce qui va faire augmenter les prix; et, deuxièmement, elles vont progressivement entraîner la disparition des quelque 600 bureaux de courtage qui se trouvent dans les petites localités du Canada atlantique. Ces petites entreprises sont très importantes pour les localités où elles sont établies. Elles font travailler des gens qui y vivent et elles achètent plus de produits et de services locaux qu'une succursale bancaire le ferait si elle remplaçait le bureau du courtier d'assurances local.

Si on accorde des privilèges particuliers aux banques, la concurrence dans l'industrie des assurances multirisques va s'amenuiser, l'emploi dans les petites localités va diminuer, l'assiette fiscale va s'effriter et les consommateurs auront moins de choix. Et ce ne sera pas la faute de la mondialisation, mais de la politique gouvernementale.

Le gouvernement libéral a écrit dans beaucoup d'énoncés de politique que les intérêts des petites entreprises était une priorité et les politiciens de toutes les allégeances affirment que les petites entreprises sont le fer de lance de notre grand pays. Le gouvernement doit donc comprendre que ce rapport nuit aux petites entreprises. Il aura pour effet de réduire les possibilités d'apport de capitaux dans les petites localités. De plus, il va causer du tort à une industrie stable qui est gérée de façon professionnelle et cela sans répondre à aucun besoin pressant de la population.

Le rapport MacKay ne vise pas à accroître l'activité économique, mais à faire disparaître celle qui existe déjà. Le rapport MacKay ne vise pas à renforcer la concurrence, mais à l'éliminer. Le rapport MacKay ne vise pas à créer des emplois, mais à supprimer les emplois permanents à temps plein qui sont difficiles à trouver dans notre région. Le rapport MacKay ne vise pas à répondre aux besoins des consommateurs, mais à satisfaire le désir des puissantes institutions financières d'accroître leurs profits pour qu'elles puissent avoir—ou prétendre avoir—plus de poids sur la scène internationale.

Je vous remercie.

Le vice-président (M. Nick Discepola): Merci beaucoup, monsieur Cooke.

J'aimerais maintenant donner la parole à M. Shea, secrétaire-trésorier de la compagnie d'assurance mutuelle de l'Île-du-Prince-Édouard.

M. Terry Shea (secrétaire-trésorier, Prince Edward Island Mutual Insurance Company): La P.E.I. Mutual Insurance Company est une société mutuelle locale autorisée à vendre de l'assurance à l'Île-du-Prince-Édouard. Les antécédents de notre entreprise figurent dans le mémoire que j'ai produit.

• 1000

Je ne vais pas lire tout le mémoire, mais seulement parler de certaines des questions qui y sont traitées. Vous pourrez le lire plus tard, ou peut-être l'avez-vous déjà lu.

Je trouve que le rapport est un document bien présenté qui formule un certain nombre de recommandations valables. La recommandation que nous contestons, comme l'a fait Jeff Cooke avant moi, est la recommandation numéro 18 selon laquelle les banques devraient être autorisées à vendre de l'assurance sur le marché de détail dans leurs succursales et à se servir des dossiers de renseignements sur leurs clients pour faciliter la vente au détail d'assurances.

Nous aimerions que soient maintenues les règles actuelles sur la vente de l'assurance sur le marché de détail qui s'appliquent aux banques depuis 1992. Si les banques sont autorisées à vendre de l'assurance sur le marché de détail dans leurs succursales, les consommateurs vont se sentir implicitement forcés d'acheter les produits d'assurance proposés par le banquier. Les consommateurs auront le sentiment qu'ils doivent y souscrire pour obtenir du crédit. C'est de la concurrence déloyale qui rend les règles du jeu inéquitables en matière d'assurance.

À notre avis, beaucoup de consommateurs finiront par payer plus cher s'ils veulent se procurer tous leurs services financiers au même endroit au lieu de chercher à trouver les produits les moins chers et les mieux adaptés à leurs besoins. Nous pensons que les banques vont vendre l'assurance à rabais jusqu'à ce qu'elles aient acquis une part de marché, et qu'elles vont ensuite hausser leurs prix.

Depuis 1990, les banques ont intentionnellement envahi les secteurs des valeurs mobilières et de la fiducie. Nous ne voulons pas qu'elles prennent le contrôle du secteur de l'assurance.

Les banques vont se servir des dossiers de renseignements de leurs clients pour mieux cibler la clientèle. Elles ont obtenu ces renseignements pour d'autres fins que la vente de produits d'assurance et nous pensons que ce serait injuste que les banques puissent s'en servir à cette fin.

Le groupe de travail indique que ce sont les Canadiens à faible et moyen revenu qui vont profiter le plus de cette concurrence accrue. Nous ne sommes pas d'accord là-dessus. Nous avons le sentiment que les banques vont se servir des renseignements sur leurs clients pour choisir les meilleurs clients, ceux qui ont des biens de qualité et qui ont fait moins de réclamations par le passé. Les autres, qui présentent plus de risques et moins d'avantages, ne pourront pas se procurer d'assurance parce que les banques ne rechercheront pas leur clientèle. Notre petite société d'assurance mutuelle a toujours traité et continuera de traiter tout le monde sur le même pied d'égalité pour ce qui est de la vente d'assurances.

Plus de 85 p. 100 du marché des services de dépôt est détenu par les cinq plus grandes banques. Nous vous prions de ne pas laisser l'industrie bancaire s'emparer aussi du marché de l'assurance.

Le groupe de travail soutient qu'une concurrence renforcée va améliorer la situation du marché. Selon nous, le marché de l'assurance n'a jamais été aussi concurrentiel que maintenant. Une concurrence renforcée va entraîner des pertes d'emploi dans les entreprises déjà existantes. Presque toutes les compagnies d'assurance ont pour objectif d'augmenter leur part de marché. À toutes les conférences auxquelles j'ai assisté au cours de la dernière année, c'est du moins ce que j'ai entendu les PDG des compagnies d'assurance dire, qu'ils veulent augmenter leur part de marché.

À notre avis, le marché n'est pas extensible et l'entreprise qui augmente sa part de marché le fait au détriment d'une autre.

En 1998, les consommateurs en obtiennent vraiment pour leur argent dans le domaine de l'assurance. La plupart des compagnies d'assurance en affaires actuellement enregistrent des pertes. Ils vont faire des bénéfices grâce aux revenus de placement qu'ils ont accumulé par le passé quand le marché de l'assurance permettait de réaliser des profits.

Une compétition accrue va entraîner des pertes d'emplois là où justement on ne veut pas qu'il y en ait—dans les petites localités où les petites compagnies d'assurance et les bureaux de courtage seront forcés de fermer leurs portes. Les emplois seront créés dans les grands centres urbains où se trouvent les banques nationales.

Si les banques sont autorisées à vendre de l'assurance sur le marché de détail comme elles le demandent, diverses entreprises canadiennes, dont les sociétés mutuelles d'assurance-agricole, qui ont mis sur pied le marché canadien, seront les premières victimes de la nouvelle conjoncture.

Je ne veux pas donner l'impression que je suis ici pour m'en prendre aux banques, parce que ce n'est pas le cas. Les banques nous servent bien, mais nous ne voulons simplement pas qu'elles aient plus de pouvoir. C'est pourquoi nous demandons de supprimer la recommandation 18.

• 1005

Je vous remercie beaucoup de m'avoir donné l'occasion de venir vous présenter mon point de vue.

Le vice-président (M. Nick Discepola): Merci beaucoup, monsieur Shea.

Le dernier exposé que nous entendrons ce matin est celui de M. Morrissey qui représente l'Opposition officielle à l'assemblée législative de la province. Je l'invite à prendre la parole.

M. Robert Morrissey (leader de l'opposition, Assemblée législative de l'Île-du-Prince-Édouard): Merci.

Le vice-président (M. Nick Discepola): Nous sommes heureux de vous revoir.

M. Robert Morrissey: Merci encore de me donner l'occasion de présenter le point de vue de l'Opposition officielle de l'Île-du-Prince-Édouard sur cette question nationale d'une très grande importance. Cela dit, j'espère que votre séjour à l'Île-du-Prince-Édouard se passe bien et que vous avez eu l'occasion de dépenser un peu d'argent chez nous hier.

Des voix: Oh, oh.

M. Robert Morrissey: Monsieur le président, je sais que votre comité est chargé d'examiner le récent rapport sur l'avenir de nos institutions financières. Cependant, je crois que je ne vous surprendrai pas beaucoup si je parle presque exclusivement de la fusion des banques et des répercussions qu'elle aurait sur une région comme l'Île-du-Prince-Édouard.

Comme vous le savez déjà, la question de la fusion des banques est extrêmement complexe. Je suis convaincu que les partisans de la fusion comme ses détracteurs sont sincères et bien renseignés. Indépendamment de la complexité du marché international et de la férocité de la concurrence dans les économies mondiales en évolution, la question de la fusion des banques est intimement liée aux besoins, aux préoccupations et aux aspirations de tous les Canadiens. À mon avis, votre analyse de l'industrie bancaire nationale doit tenir compte, du début à la fin, de ce qu'on pense dans les foyers des Canadiens.

Monsieur le président, je vis dans la région de Tignish. Tignish est une petite localité située dans l'ouest de l'Île-du-Prince-Édouard. Il n'y a pas très longtemps, la Banque Canadienne Impériale de Commerce a fermé sa succursale de Tignish et environ six habitants de l'île ont perdu leur emploi. Ces emplois étaient bien rétribués, monsieur le président, et les employés de la banque étaient bien vus dans la communauté. Ils y jouaient un rôle important. Comme leur employeur, ils représentaient la stabilité dans la communauté.

Je veux bien croire la publicité qui nous dit que le réseau Internet, le télécopieur ou un plus grand nombre de postes de télévision—toutes ces merveilles de l'ère moderne—rapprochent les gens de la planète, mais il faut tout de même rester réaliste.

Tous les dépliants et les annonces publicitaires du monde ne réussiront pas à me persuader qu'Internet peut remplacer le contact humain et les relations humaines—je n'utilise toujours pas le guichet automatique—pas plus que je crois qu'une énorme administration financière de Bay Street peut remplacer les relations personnelles que les gens de ma localité de Tignish entretenaient avec le directeur et le personnel de la succursale bancaire locale qui nous ont bien servis.

Monsieur le président, je crois que votre comité aura une autre occasion de poser des questions à M. Cleghorn ou à M. Matthew Barrett. Si vous ne l'avez déjà fait, j'aimerais que vous leur demandiez à quoi ils attribuent principalement le si grand succès de leurs institutions. La seule réponse honnête à cette question est que la force des banques du Canada—et elles nous ont bien servis—est la conséquence directe de notre succès en tant que société et, donc, les banques doivent plus aux Canadiens ordinaires, qui y déposent beaucoup d'argent, qu'aux gestionnaires anonymes et aux génis de la finance qui animent les marchés financiers du globe.

Je vous assure, monsieur le président, que la plupart des Canadiens ordinaires ne semblent pas avoir beaucoup de poids financier dans des négociations, surtout comparativement aux Peter Pocklington ou aux Nelson Skalbania de ce monde, qui tentent de se relever de leurs malheurs financiers.

Je peux vous dire, par contre, monsieur le président, quelque chose que beaucoup de ces Canadiens ont en commun. Ils jouissent du respect de leur communauté parce que, souvent, ils emploient trois ou quatre personnes. Ils dirigent une entreprise dont l'apport est indéniable, localement et collectivement. Et ils ne demandent pas grand-chose—seulement le respect et la compréhension, ce que vous approuvez j'imagine. Hier, vous m'avez parlé de l'appartenance à une petite communauté et des antécédents dans les affaires. Vous devez donc bien comprendre ça.

Ces gens, comme vous le savez monsieur le président, ne se font pas toujours traiter comme les Pocklington et les Skalbania. Les véritables petites entreprises doivent souvent payer des frais de services plus élevés et parfois aussi des taux d'intérêt supérieurs sur leurs emprunts. De plus, d'après les chiffres, on refuse plus souvent de prêter aux petites entreprises qu'aux grandes sociétés.

• 1010

Ces Canadiens ordinaires sont partout. Les employés de ces petits exploitants et de ces petites entreprises composent près de 80 p. 100 du milieu des affaires canadien. Je suis sûr que vous connaissez ces statistiques.

Dans nos petites localités de l'Île-du-Prince-Édouard, que feront ces petits entrepreneurs si les banques locales continuent de fermer? Comment pourront-ils persuader un étranger au téléphone que leur projet fonctionnera bien à Tignish, à Tyne Valley ou à Souris si leur interlocuteur n'a jamais mis le pied à l'est de Toronto? Où ira le petit détaillant qui manque de monnaie? Devront-ils constamment se rendre dans de plus grandes agglomérations? Comment se feront les dépôts de nuit? Et qu'en est-il de la stabilité que procurent de bons emplois dans les petites localités?

Vous le savez, monsieur le président, dans le cadre d'une étude récente, Doug Peters a évalué que les fusions des banques pourraient provoquer la disparition de 40 000 emplois. Imaginez ce que ça peut signifier pour la population active de l'Île-du-Prince-Édouard; nous avons au total 65 000 emplois, et on nous dit que 40 000 emplois pourraient être supprimés dans le pays, soit presque l'équivalent de l'ensemble de la population active de l'Île-du-Prince-Édouard. Nous comprenons donc facilement les répercussions que les fusions des banques pourraient avoir sur l'emploi dans tout le pays.

Monsieur le président, même si M. Peters se trompe et même si la fusion de la Banque royale avec la Banque de Montréal ne devait éliminer que 8 400 emplois, comme l'a dit M. Cleghorn, ne convenez-vous pas que ce serait encore trop cher payé pour l'envisager?

Monsieur le président, ce n'est pas parce que quelque chose est imposant qu'il est valable. Ce n'est pas parce qu'une idée est tentante qu'elle va forcément fonctionner. D'une certaine façon, je peux comprendre le désir des banques du Canada de vouloir changer. Nos banques doivent leur très grand succès aux Canadiens dans l'ensemble, et je tiens à ce qu'il soit clair que le secteur bancaire du Canada a bien servi les Canadiens. Je ne me rappelle pas de circonstances où l'ensemble des contribuables ait eu à tirer une de nos banques de la difficulté, comme cela a pu arriver ailleurs. Donc, grâce aux lois qui les protègent, les institutions nous ont bien servis et se sont bien servies, parce que, en vérité, elles sont constituées par de nombreux investisseurs canadiens.

Mais nos institutions financières, du moins dans certains milieux, semblent avoir suivi un raisonnement qui ne résiste pas nécessairement à une analyse logique. Ce raisonnement est le suivant: (a) il nous faut faire quelque chose pour réussir encore mieux, (b) une fusion c'est quelque chose, (c) donc, nous devons nous fusionner.

Monsieur le président, je crois que votre comité a le devoir de modifier le premier énoncé. Il y a des moyens d'assurer autant la stabilité que le succès de notre secteur financier, mais je ne crois pas que la fusion soit la bonne façon de garantir cette stabilité et ce succès, parce que je tiens compte de ce que pensent les Canadiens, les Prince-Édouardiens. Si l'industrie néglige leurs besoins, alors tout le concept est voué à l'échec.

Monsieur le président, vous traitez aujourd'hui d'une question très importante parce qu'elle aura d'énormes conséquences. J'ai décidé de n'aborder que l'aspect relatif à l'emploi dans les régions rurales et les petites localités de l'Île-du-Prince-Édouard, mais vous pouvez appliquer ce que je dis à toutes les petites villes du Canada.

Vous avez entendu les témoignages de représentants d'autres institutions financières et du secteur de l'assurance. Beaucoup ont parlé de la suppression d'emplois: nous ne pouvons pas encore détruire les fondements des petites villes canadiennes et continuer de nous épanouir comme société, de prospérer et de croître comme pays. Il importe être très attentifs et comprendre que nous faisons face à des changements à l'échelle mondiale, comme on le disait hier.

Mais quelle est la meilleure solution? Il est très difficile de convaincre les Canadiens des petites communautés, particulièrement les gens d'affaires qui y vivent, que les fusions n'entraîneront pas la fermeture des succursales bancaires et la perte d'emplois locaux.

Cela dit, monsieur le président, je vous remercie de nous avoir permis de présenter notre point de vue. Encore une fois, merci d'être venus jusqu'à l'Île-du-Prince-Édouard pour entendre nos opinions sur les importantes questions qui vous occupent.

Le vice-président (M. Nick Discepola): Merci, monsieur Morrissey.

Chers collègues, nous avons environ 45 minutes. Par conséquent, j'accorderai des périodes de 10 minutes.

Nous commencerons avec M. Ritz, je vous prie.

M. Gerry Ritz: Merci, monsieur le président.

Merci, messieurs, pour les exposés que vous avez présentés aujourd'hui.

Monsieur Shea, vous avez dit que si les banques étaient habilitées à vendre des assurances sur le marché de détail, elles seraient perdues. Est-ce que c'était un lapsus, ou un message subliminal?

• 1015

Des voix: Oh oh.

M. Gerry Ritz: Je voudrais préciser à l'intention de M. Shea et de M. Cooke que les banques vendent déjà des assurances. Plusieurs personnes nous l'ont dit. Si elles continuent de le faire dans des bureaux indépendants, est-ce que ce serait acceptable?

M. Terry Shea: À notre avis, c'est acceptable, parce qu'alors les règles du jeu sont équitables; les banques ne pourraient pas consulter les dossiers personnels de leurs clients pour cibler leur clientèle. Elles vendent alors de l'assurance au même titre que nous, les compagnies d'assurance. Il y a toutes sortes de moyens d'acheter de l'assurance, et ça stimule certainement la concurrence. Il y a la vente directe, que les banques pratiquent déjà beaucoup. Il y a aussi la vente par Internet et, là encore, les banques y ont déjà de solides assises. Elles disposent d'un réseau et de moyens informatiques qui le leur permettent, ce qui nous force, nous les compagnies, à nous mettre au pas.

Ce qui ne serait pas juste, c'est si elles étaient autorisées à vendre de l'assurance dans leurs succursales, parce que, comme je l'ai dit dans mon rapport, le consommateur ressentira une pression implicite. Supposons que je suis un client qui demande à faire un emprunt, et que la personne à qui je m'adresse me dit «et votre assurance? Aimeriez-vous l'acheter ici?» Si j'ai vraiment besoin de ce prêt, pour quelque raison que ce soit, je ne suis pas en mesure de dire non. Je dirai sûrement oui et, dans ce cas-là, je ne vérifierai même pas les tarifs des concurrents. Donc, les consommateurs ne paieront pas moins, comme l'affirme le rapport.

M. Jeff Cooke: J'aimerais ajouter quelques mots, si vous le permettez.

M. Gerry Ritz: Bien sûr.

M. Jeff Cooke: Comme vous le savez, l'assurance de la CIBC, ou leur «assurance personnelle» comme on l'appelle, je pense... Je suis tout à fait d'accord avec M. Shea. L'une des questions qu'il nous faut examiner beaucoup plus en profondeur est celle de la part de marché. Étant donné que vous êtes sur le marché boursier et que vous avez des actionnaires à qui vous devez procurer des revenus, vous allez parfois avoir tendance à faire des choses qui ne seraient pas dans le meilleur intérêt de tous les Canadiens.

En ce moment, par exemple, d'après ce que j'ai lu dans le rapport MacKay, si je mettais sur pied un organisme destiné à régir les ventes liées et que les banques me disaient non, nous pouvons faire ça nous-mêmes, mais nous serons réglementées... Le problème avec ça, je n'ai pas besoin de vous le dire, c'est que les banques ont des ressources illimitées, et si les petites communautés, les courtiers et les compagnies d'assurance n'ont pas les mêmes ressources pour contester la loi devant les tribunaux, tant que la situation n'est pas réglée, notre part du marché diminue tandis que celle des banques continue de croître.

Je ne crains pas la concurrence. De fait, je l'apprécie parce qu'elle nous force tous à être plus compétitifs, plus déterminés à rationaliser les coûts. Si on compare les primes d'assurance d'il y a cinq ou dix ans avec celles qu'on paie aujourd'hui—l'Ontario donne un bon exemple de l'ampleur des changements survenus depuis cinq ans—vous comprendrez, je crois, que la concurrence a du bon. Au canada, il y a 230 compagnies d'assurance, mais pas une d'entre elles ne détient plus de 10 à 15 p. 100 du marché.

Vous n'avez qu'à comparer ça avec la part de marché des banques, surtout si deux banques devaient se fusionner, et vous verrez qu'une seule banque pourrait contrôler 75 p. 100 du marché. Ça fait un peu peur. La CIBC s'est lancée et a maintenant sa propre compagnie, tout comme la Banque Royale. D'autres banques aussi se sont mises de la partie.

Alors oui, laissons les banques créer leurs propres compagnies. Elles pourraient même probablement acheter des compagnies canadiennes si elles le voulaient, et je suis d'ailleurs étonné qu'elles ne l'aient pas encore fait, parce que beaucoup sont à vendre. Si elles tiennent vraiment à se lancer là-dedans, elles n'ont qu'à acheter une compagnie d'assurance et, à bien y penser, elles ont déjà un réseau de courtiers qui pourrait en fait vendre les produits pour elles et elles seraient déjà établies dans des régions et dans des petites communautés où elles n'auraient même pas à investir. Beaucoup, comme l'a dit M. Morrissey, ont fermé leurs portes. Alors je ne comprends pas très bien leur objectif final, parce qu'il me semble qu'il serait beaucoup plus avantageux pour elles de se servir du réseau de courtiers plutôt que de choisir une autre solution.

M. Gerry Ritz: Dans le même ordre d'idée, est-ce qu'il serait équitable que les banques puissent avoir sur leur comptoir un dépliant contenant un numéro 1-800 ou l'adresse de leur bureau d'assurance, ou est-ce que ce serait aller trop loin?

M. Jeff Cooke: À mon avis, ce serait aller trop loin parce que les banques... Et je n'essaie pas de dénigrer les banques en disant ça. Je connais très bien les gens avec qui je fais affaire à la banque, et je les trouve très bien.

Mais quand l'ordre vient du siège social, ça ne veut pas forcément dire que les succursales régionales y tiennent—mais elles n'ont pas le choix. Voilà un autre problème.

• 1020

Voici un exemple. En Belgique—je ne sais pas si vous êtes au courant de ça—les institutions financières avaient pour pratique d'examiner les chèques que des consommateurs payaient à leur compagnie d'assurance, puis elles envoyaient des lettres à ces mêmes consommateurs pour leur proposer de meilleurs tarifs. C'est vrai. Ça leur a créé des problèmes, alors elles ont arrêté de le faire.

Mais combien de temps et d'énergie est-ce que ça nous prendra? Nous n'avons pas les mêmes ressources. Et laissez-moi vous dire que si nous voulions traîner les banques canadiennes devant les tribunaux, nous n'aurions pas les moyens de nous défendre et nous serions coincés éternellement devant les comités et les tribunaux. Avant que tout soit réglé, nous aurions perdu notre part du marché et certaines compagnies auraient fermé leurs portes.

M. Gerry Ritz: Comment nous, les législateurs, pouvons-nous instaurer des règlements pour empêcher que ces listes de clients ne soient transmises à la succursale, de l'autre côté de la rue? Comment prévenir ça? Vous nous avez donné l'exemple de la Belgique.

M. Jeff Cooke: La loi actuelle, qui a été adoptée en 1992—non pas que j'y aie été favorable—s'est avérée utile, parce qu'en Ontario, particulièrement, elle a forcé les compagnies à changer, à réduire les primes d'assurance auparavant très élevées.

La loi actuelle, en Ontario, les oblige à fonctionner séparément. L'interdistribution n'est pas permise. Donc, le consommateur qui sort de la banque a le choix d'aller au bureau d'assurance de la CIBC ou à celui de McInnis. Au moins, le consommateur ne se sent pas obligé d'acheter l'assurance de la banque.

C'est important, parce que le client qui achète sa première maison ou sa première voiture s'inquiète déjà assez de faire approuver son hypothèque ou son prêt, et il pourrait se sentir obligé, pour l'obtenir, d'acheter l'assurance qui lui est proposée.

Je ne crois pas qu'elles devraient avoir le moindre rapport avec leur bureau d'assurance.

M. Gerry Ritz: D'accord. Merci.

Le vice-président (M. Nick Discepola): Mais avez-vous répondu à la question de M. Ritz? Qu'est-ce qu'il y aurait de mal à remettre un dépliant qui porte un numéro 1-800 au client qui demande un prêt, un service, ou une hypothèque?

M. Jeff Cooke: Ce qui me préoccupe c'est l'effet implicite de tout ça, de dire: «Est-ce que je peux vous donner aussi mes brochures?» Tout ce qu'on ferait, c'est...

Le vice-président (M. Nick Discepola): Je crois comprendre que l'une des principales préoccupations de votre industrie est la vente liée coercitive. Si on ne fait que me donner une brochure, le risque de pression indue est beaucoup plus limité si je parle à quelqu'un au téléphone que si je me trouve en face de lui. Quelle objection est-ce que votre industrie verrait à ce qu'on permette aux banques de distribuer des dépliants et des brochures sur leur comptoir pour faire la publicité de leur service?

M. Dan McInnis (trésorier, Association des courtiers d'assurance de l'Île-du-Prince-Édouard): L'une de nos craintes est justement que des gens reçoivent cette information à la banque; ils n'y entreraient pas précisément pour acheter de l'assurance, mais pourtant ils recevraient la documentation d'une compagnie d'assurance. Nous, il nous faut dépenser de l'argent pour le marketing, la publicité...

Le vice-président (M. Nick Discepola): Est-ce que ce serait vraiment de la concurrence déloyale de la part des banques que de faire ça? Elles dépensent de l'argent. Elles ont aussi une infrastructure. Et puis il y a l'éducation des consommateurs.

M. Dan McInnis: À nos yeux, c'est déloyal si elles le font dans leurs succursales. Si elles font leur marketing, leur promotion et leurs ventes sans l'aide de leurs succursales, en tant que compagnies d'assurance, ça va. Les règles du jeu sont équitables. Mais je pense à quelqu'un qui vient demander une hypothèque et se fait proposer une assurance... C'est...

Le vice-président (M. Nick Discepola): La différence est mince.

M. Dan McInnis:Oui, mais ça revient presque au même que d'avoir quelqu'un dans la succursale qui vend de l'assurance.

M. Gerry Ritz: Je pense que la brochure pourrait proposer les services d'assurance de la banque, et puis dessous, ceux de vos compagnies d'assurance. Ça me paraîtrait correct. Le consommateur a alors un choix.

Aviez-vous un commentaire, monsieur Cooke?

M. Jeff Cooke: Non, ça va.

Le vice-président (M. Nick Discepola): Poursuivez, s'il vous plaît, monsieur Ritz.

M. Gerry Ritz: Je fais un petit coq à l'âne. Monsieur Morrisey, vous parliez d'études selon lesquelles il y aurait de nombreuses pertes d'emplois et des fermetures de succursales. Bien sûr, nous avons tous entendu dire ça. Vous avez aussi parlé de votre succursale de la CIBC chez vous, qui a fermé ses portes. Des études démontrent-elles—ou l'avez-vous constaté vous-même—qu'il y a des clients qui quittent la ville à cause de ça? N'êtes-vous pas allé faire vos transactions à une autre succursale que la CIBC parce que la vôtre avait fermé? Ou est-ce que vous avez transféré votre compte de la CIBC à une autre succursale? Est-ce qu'il y a des études qui montrent qu'il y aura beaucoup de clients...

M. Robert Morrissey: Oh! La banque a perdu des clients dont une petite entreprise à laquelle je suis associé qui ne trouvait pas très commode de se rendre constamment à Alberton pour effectuer ses dépôts.

M. Gerry Ritz: D'accord.

M. Robert Morrissey: C'est ce qui a fait problème. À l'heure où l'on se parle, la plupart des petites entreprises n'ont pas suffisamment d'heures dans la semaine pour suffire à la tâche. Quant à moi, je suis resté avec la CIBC pour un certain nombre de raisons. Je détenais une carte de crédit Visa et que cela ne me dérangeait pas.

M. Gerry Ritz: Mais vous pouvez obtenir des cartes de crédit de banques autres que celle-là.

• 1025

M. Robert Morrissey: Comme je l'ai dit, les banques ont bien servi les Canadiens. Lorsque je considère la situation actuelle au Japon, je me rends compte qu'une grande partie de l'instabilité financière est attribuable aux établissements bancaires. Cela ne s'est pas produit au Canada à ce que je sache. Les pertes d'emplois m'inquiètent entre autres choses, pas seulement en tant que politicien mais en tant que résidant de la collectivité. J'étais aux premières loges lorsque cela s'est produit.

Comme quelqu'un l'a dit, j'ai composé avec la décision qui, je le sais, n'a pas été prise au niveau local. Ces gens desservent bien la population.

Les personnes âgées ont quitté la banque, bien entendu! C'est la caisse de crédit local qui en a le plus profité. J'ai de la difficulté à comprendre la logique. La banque a donné l'immeuble à localité. Elle n'a recouvré aucun frais parce qu'à la revente la propriété aurait été sans valeur. L'immeuble été mis sur le marché pendant un certain temps et ne s'est pas vendu. Il s'agissait d'une nouvelle succursale datant d'une dizaine d'années. Je ne comprends pas la logique derrière cette décision. La banque avait dû réduire ses heures d»ouverture et même le nombre de ses employés. Quelques-uns d'entre eux ont été transférés à Alberton.

Je suppose que, si on avait eu le choix, n'importe quel service aurait été meilleur que celui que je reçois à l'heure actuelle, c'est-à-dire aucun. Il en va de même d'un bout à l'autre du pays. Je crois que les gens manifesteront le plus leur opposition lorsqu'ils entendront parler des fusions. Les banques ont déjà procédé à des compressions de personnel. Ce n'est pas nouveau. Elles ont fermé, partout au pays, des succursales dans les petites collectivités. Je pense que vous assisterez à une accélération du mouvement.

Le vice-président (M. Nick Discepola): Je suis curieux, toutefois. Votre collectivité a pu se rabattre sur un mouvement coopératif.

M. Robert Morrissey: Oui.

Le vice-président (M. Nick Discepola): Et pourtant, vous avez tout de même choisi de ne pas traiter avec la caisse.

M. Robert Morrissey: Non. Je fais des affaires avec la caisse de crédit.

Le vice-président (M. Nick Discepola): Vous faites des affaires avec elle?

M. Robert Morrissey: Oui.

Le vice-président (M. Nick Discepola): La caisse a-t-elle vraiment comblé les lacunes au plan des services qu'elle offrait?

M. Robert Morrissey: Oui, elle a accru ses services. Comme ses assemblées annuelles sont publiques, j'ai pu constater que le chiffre d'affaires de la caisse de crédit locale avait augmenté. La caisse a embauché de nouveaux employés.

La caisse de crédit était plus grande que la succursale locale de la banque.

Mais d'autres collectivités n'ont pas cette option. Je crois que la Banque Royale était le seul établissement financier à Tyne Valley. Lorsque la succursale a été fermée, comme le village n'avait pas d'autre option, la caisse de crédit d'une communauté environnante y a ouvert une succursale. J'imagine donc que la banque a perdu un grand nombre de clients de cette collectivité.

Le vice-président (M. Nick Discepola): Merci, monsieur Ritz.

M. Gerry Ritz: Mais comme la caisse de crédit a comblé les lacunes et a embauché quelques personnes, il n'y a pas eu de perte nette d'emplois.

M. Robert Morrissey: Il y a eu des pertes d'emploi parce que la succursale locale avait plus que deux employés.

M. Gerry Ritz: D'accord. Vous avez dit que quelques employés ont été transférés à la succursale de la CIBC de la ville voisine et que la caisse de crédit en a embauché un certain nombre.

M. Robert Morrissey: À l'origine, mais des compressions de personnel ont été effectuées plus tard.

M. Gerry Ritz: D'accord.

M. Robert Morrissey: Je pense que la caisse les avait en parti embauchés pour transférer les dossiers d'un établissement à l'autre.

M. Gerry Ritz: Merci.

Le vice-président (M. Nick Discepola): Madame Redman.

Mme Karen Redman: Merci, monsieur le président.

Le groupe de travail MacKay recommande entre autres fortement d'ouvrir l'accès au système des paiements aux compagnies d'assurance, aux sociétés mutuelles et aux courtiers en valeurs mobilières qui pourraient ainsi mieux soutenir la concurrence des grandes banques. En outre, les auteurs du rapport recommandent d'élargir le système Interac de manière à permettre aux consommateurs d'effectuer des dépôts à n'importe quel guichet automatique, même à ceux qui n'appartiennent pas à leur établissement financier.

Ma véritable question est la suivante: qu'est-ce que cela signifierait pour les sociétés d'assurance? Qui selon vous devrait fixer les droits? Est-ce que les membres de l'ACP devraient décider du montant à exiger des nouveaux membres? Comment pouvons-nous garantir que la structure tarifaire ne constitue pas un nouvel obstacle pour les institutions financières?

M. Jeff Cooke: Dans le rapport MacKay—c'est là où on remonte à une grande partie du fondement de la structure tarifaire—il est question de l'assurance-vie et des assurances multirisques. L'assurance-vie est une question distincte, mais l'industrie de l'assurance multirisques revient aux principes fondamentaux du courtage en ce sens qu'elle offre des services dans chaque collectivité. Les gens viennent nous voir dans nos bureaux pour régler leur prime.

En tant que courtier, je ne vois pas quel mal il y a à ce qu'un consommateur veuille payer sa prime à un guichet automatique. De nos jours tout est possible, à partir des paiements préautorisés jusqu'au numéro de carte de crédit donné au téléphone. Les gens, surtout dans les collectivités rurales, veulent tout simplement payer comptant. Ils n'ont pas besoin d'un guichet automatique. En fait, les agriculteurs n'en veulent tout simplement pas. Ils veulent venir nous rencontrer pour régler leurs primes.

• 1030

En ce qui concerne les petites collectivités régionales, nous ne nous intéressons pas beaucoup à la question des guichets automatiques. D'autres problèmes se posent peut-être dans les grands centres, à Toronto par exemple, étant donné l'étendue de la région. Cependant, je crois que le point que la députée a soulevée concerne plus directement les sociétés d'assurance-vie et leur désir d'avoir accès aux guichets automatiques, vu qu'en ce qui concerne ce type d'assurance, vous achèteriez par exemple de Transamerica ou d'une autre société qui pourrait se situer en Californie et vous n'auriez pas à vous rendre chez votre courtier local pour payer vos primes.

Sa question portait-elle sur l'assurance multirisques ou seulement sur l'assurance-vie?

M. Terry Shea: En tant que société d'assurance mutuelle, nous souscrivons à la recommandation selon laquelle il faudrait élargir l'accès au système des paiements. En tant que membre d'un groupe plus important, l'Association canadienne des compagnies d'assurance mutuelles, nous pensons qu'un jour ou l'autre nous pourrions profiter de cela en tant que groupe.

Mme Karen Redman: Qui devrait fixer les taux selon vous? Doit-on prévoir des mesures de protection?

M. Terry Shea: Oui, je crois qu'il faudrait prévoir des mesures de protection et les taux devraient être fixés par l'Association canadienne des paiements elle-même.

Mme Karen Redman: Je ne sais pas si quelqu'un d'autre a quelque chose à dire là-dessus.

Le vice-président (M. Nick Discepola): Je crois que non.

Monsieur Szabo, vous avez la parole.

M. Paul Szabo: Je trouve tout cela fascinant. Lorsqu'on réfléchit là-dessus, ceux qui s'opposent aux fusions bancaires ont tendance à penser que les banques sont des organismes réglementés sans but lucratif, qu'elles devraient être... Dans le groupe qui vous a précédés, quelqu'un a dit qu'on doit les obliger par voie législative à prêter davantage aux petites entreprises, à investir dans la collectivité ou à faire ceci et cela.

Je me demande si le groupe a une attitude à l'égard de ce qu'est une banque. Les banques sont-elles vraiment des entreprises et devrait-on leur permettre d'être aussi concurrentielles, efficaces et rentables qu'elles devraient l'être? Ne sont-elles pas vraiment différentes des sociétés publiques en ce qui concerne la latitude dont elles disposent pour réussir leurs plans?

M. Robert Morrisey: J'aimerais faire une observation à ce sujet.

Je ne crois pas qu'il faille les obliger légalement à faire telle ou telle chose. Nous avons des exemples des États-Unis, et plus récemment, du Japon. Comme je l'ai déclaré plus tôt, le secteur bancaire a bien servi le Canada globalement ces dernières années. Il n'y a pas eu beaucoup de changements au sein du secteur bancaire depuis des années. Nos cinq grandes banques existent depuis pas mal de temps et elles ont bien sûr évolué.

Sont-elles rentables? Il faut voir à qui profite le bénéfice. Il est facile parfois de dire que les banques se tournent vers l'étranger, mais regardez qui sont les actionnaires. Les pensions de beaucoup de personnes, de soi-disant «Canadiens moyens», sont investies dans des actions bancaires tout simplement parce qu'elles ont beaucoup rapporté au fil des ans et que leur croissance a été importante. On ne peut pas jouer sur les deux tableaux. Certains des intervenants d'aujourd'hui pourraient d'ailleurs se demander où sont investis leurs fonds de pension.

M. Paul Szabo: En quoi cela diffère-t-il d'une autre entreprise, d'une entreprise publique?

M. Robert Morrisey: Comme je l'ai indiqué, elles doivent être rentables. Bien évidemment, elles doivent être rentables si vous voulez bien servir l'institution...

M. Paul Szabo: J'essaie de comprendre votre réponse. En ce qui vous concerne, par exemple, la Banque Royale ne diffère pas vraiment de General Motors.

M. Robert Morrisey: Elle en diffère quelque peu, car General Motors n'a pas la protection dont jouissent les banques en vertu de la législation canadienne. Une entreprise comme General Motors vend des voitures si celles-ci sont valables et s'il y a des gens prêts à les acheter; si elles ne valent rien, personne ne les achètera.

M. Paul Szabo: De quelle protection parlez-vous?

M. Robert Morrisey: Je n'ai pas la législation en question ici, mais au Canada, les banques sont assujetties à une charte, ainsi qu'à une loi distincte. Vous et moi ne pouvons pas ouvrir une banque du jour au lendemain.

M. Paul Szabo: Bien sûr que oui.

M. Robert Morrisey: Pas une banque de même calibre que les cinq banques à charte de notre pays.

M. Paul Szabo: J'essaye encore de comprendre les protections dont jouissent les banques, d'après vous.

M. Robert Morrisey: Eh bien, dans le cadre dans lequel elles fonctionnent au Canada...

M. Paul Szabo: Il s'agit de conditions, non de protections, or vous avez parlé de «protections».

M. Robert Morrisey: D'accord, peut-être n'ai-je pas utilisé le bon terme.

M. Paul Szabo: Quelqu'un d'autre a-t-il une vision des banques?

• 1035

Le vice-président (M. Nick Discepola): Voulez-vous présider la séance?

M. Paul Szabo: Je veux leur donner une chance, car le temps dont je dispose ici est limité.

M. Ulysse Robichaud: Je le répète, ce n'est pas la grande entreprise, mais l'église, les banques et l'école qui étaient la base de notre survie en Acadie. C'est la raison pour laquelle le mouvement des coopératives de crédit a été créé—non pas pour réaliser de gros profits bancaires, mais pour que les Acadiens aient leur propre banque afin de survivre, afin de pouvoir être servis dans leur propre langue, puisqu'ils ne comprenaient pas l'anglais. La banque signifie donc pour nous beaucoup plus que simplement le profit. Elle fait partie de la collectivité.

M. Paul Szabo: La banque diffère-t-elle d'une société?

M. Ulysse Robichaud: À nos yeux oui, car dans la coopérative de crédit, la caisse populaire—peut-être que la coopérative de crédit est légèrement différente, mais elle est censée se fonder sur les mêmes... Elles sont différentes. Même la société d'assurance—à Moncton, la société Assomption a été créée.

Lorsque la coopérative de crédit se trouvait chez nous, mon père vendait également de l'assurance pour la société Assomption. Il s'agissait donc d'une combinaison à l'époque, même si c'était deux choses différentes.

Il m'est difficile de vous faire comprendre, car venant d'un autre milieu... Peut-être n'ai-je pas compris votre question.

M. Paul Szabo: J'ai demandé si les banques diffèrent des sociétés publiques en ce qui concerne la latitude dont elles disposent pour réussir selon leurs plans.

M. Ulysse Robichaud: Peut-être ne suis-je pas qualifié pour répondre à cette question. À mon avis elles le sont, non d'un point de vue commercial, mais d'un point de vue communautaire, je trouve qu'elles sont différentes.

M. Terry Shea: À mon avis, et à notre avis, les banques sont différentes, car nous croyons qu'elles ont pu prendre leur essor et devenir rentables ces dernières années dans un milieu protégé. La protection particulière dont je parle maintenant, c'est celle qui empêche les banques étrangères de pénétrer le secteur bancaire canadien.

Nos banques canadiennes sont protégées à cet égard, à cause des règles strictes relatives à l'entrée de banques étrangères au Canada.

M. Paul Szabo: Très bien dit, il y a au moins quelqu'un qui comprend.

M. Terry Shea: Je pense qu'elles devraient être réglementées, mais pas réglementées à mort. Il y a les propriétaires des banques. En tant que société, nous sommes les actionnaires. Nous avons beaucoup d'actions ordinaires dans diverses banques et nous sommes très satisfaits chaque fois que nous vendons nos actions. C'est donc difficile à dire. Je crois qu'elles ont déjà beaucoup de pouvoir et qu'il serait dangereux de leur en donner plus.

Le vice-président (M. Nick Discepola): Quelqu'un d'autre voudrait-il intervenir?

M. Jeff Cooke: Je vais simplement donner suite aux propos de M. Shea, car c'est ce que j'allais dire.

Il ne fait aucun doute que la législation actuelle limite la capacité des banques étrangères en matière de concurrence. Bien sûr, la banque Wells Fargo et la banque ING remplissent certaines fonctions, mais elles ne disposent pas de la même latitude ni des mêmes droits que les banques canadiennes.

Si nous voulons suivre cette voie... je ne vais pas essayer aujourd'hui de savoir si les banques étrangères devraient jouir de tous les privilèges bancaires des banques actuelles, car je crains que les Canadiens ne se heurtent aux mêmes problèmes que les Américains pour ce qui est des institutions d'épargne; nous ne voulons pas suivre cette voie.

Les Canadiens ont la chance d'avoir des banques solides et stables. Ce qu'elles font, elles le font très bien. Le problème, c'est que lorsqu'elles commencent à vouloir faire plus, les choses se compliquent.

Reprenez-moi si j'ai tort, mais dans les années 80, n'est-ce pas le contribuable canadien qui est allé au secours de deux banques canadiennes, lesquelles, en raison de gros investissements ailleurs, se retrouvaient avec une énorme dette étrangère? Je pense notamment à la CIBC. Ce n'est pas la banque qui a déclaré qu'elle allait faire faillite, ce sont le gouvernement et les contribuables canadiens qui sont venus à son secours.

Les Canadiens sont donc là pour défendre leurs banques, et nous allons les soutenir, mais il y a des limites que l'on ne peut pas franchir.

M. Paul Szabo: C'est véritablement important pour moi, car dans l'environnement actuel, les banques de l'Annexe I, nos cinq grandes banques, bénéficient d'un environnement protégé; MacKay déclare maintenant qu'il faut favoriser davantage de concurrence.

Mettons les fusions de côté. Voilà à quoi ressemblent notre secteur bancaire, nos sociétés d'assurance, notre mouvement de coopératives de crédit et nos sociétés fiduciaires; nous voulons maintenant plus de concurrence au Canada. En fait, ce que dit MacKay, c'est qu'il faut plus de concurrence étrangère, qu'il faut adopter le système d'assurance-dépôts et de paiements, le système de compensation de chèques, pour plus d'institutions financières. Il en résulte que les Canadiens auront plus de choix en matière de services bancaires. Peut-être puis-je obtenir un bon service pour moins cher et peut-être puis-je magasiner. Je peux faire tout cela électroniquement, puisque le cyberespace prend beaucoup de place.

• 1040

Peu importe vraiment, ce qui compte, c'est le meilleur intérêt du public. Si nous laissons les choses telles qu'elles sont, on peut dire que les banques jouissent d'une situation privilégiée, qu'elles ont pu prendre de l'ampleur et que nous avons certaines attentes à leur égard. Nous devons déterminer dans quelle mesure elles peuvent être privilégiées, sans pour autant les réglementer complètement jusqu'au point où elles deviendraient des sociétés à but non lucratif, obligées de réinvestir tous leurs profits.

Si nous ouvrons le secteur bancaire canadien à plus de concurrence de façon qu'il offre aux Canadiens plus de produits et services à des prix plus concurrentiels, aurons-nous alors toujours le droit de limiter les banques existantes?

M. Jeff Cooke: Je vais vous répondre facilement. Il y a une chose que l'on oublie de dire, c'est que le Canada est un pays unique et diversifié et que le problème, c'est que si vous permettez l'arrivée de banques étrangères, elles vont s'implanter dans les grands centres; elles ne vont pas s'implanter dans la collectivité de Tignish ni dans d'autres petites collectivités. Vous allez donc permettre aux banques étrangères de s'implanter à Toronto ou Halifax, par exemple; elles ne vont pas aller partout; elles ne vont pas investir dans la brique et le mortier qui existent déjà. Il est donc très difficile d'établir les règles du jeu pour la banque ING ou Wells Fargo, car vous et moi, savons fort bien qu'elles ne vont pas dépenser d'argent pour s'installer à Charlottetown. Pour les voir, il faudra aller à Toronto ou ailleurs.

En pareil cas, les autres banques canadiennes vont perdre une part du marché. Pas de problème pour les gens avertis. Qu'en est-il par contre des agriculteurs, des pêcheurs et de tous les autres qui représentent la population canadienne? Ils n'ont pas de télécopieur, ils n'ont pas d'ordinateur; il s'agit de personnes qui travaillent fort et un tel scénario ne sera pas à leur avantage.

Le vice-président (M. Nick Discepola): Merci, Paul.

Certains d'entre eux n'ont même pas accès aux services 911 ou Touch-Tone.

M. Jeff Cooke: Effectivement, mais ces services arrivent.

Le vice-président (M. Nick Discepola): Ma collectivité en est un exemple.

Monsieur Pillitteri, s'il vous plaît.

M. Gary Pillitteri: Merci beaucoup, monsieur le président.

Merci beaucoup pour vos exposés.

Les régions rurales du Canada ne sont pas différentes de l'Î.—P.-É. Il suffit d'examiner les régions de l'Ontario, du Manitoba et de la Saskatchewan pour s'apercevoir qu'elles ne sont pas différentes des régions d'ici. Si vous ne prenez pas en compte les quelques rares grands centres du Canada, vous vous apercevez que l'Ontario rural est très important et qu'il est bien servi. Nos institutions bancaires ont fait un excellent travail. Si vous alliez à l'extérieur de votre environnement, vous vous rendriez compte que nous sommes bien servis.

Depuis 1992, les sociétés d'assurance peuvent ouvrir des banques. Il n'y a rien de nouveau. Vous avez eu la possibilité d'ouvrir des banques de la même façon que les banques elles-mêmes, c'est-à-dire, d'ouvrir des succursales et une entité distincte, afin de pouvoir fonctionner au Canada. Bien sûr, les sociétés d'assurance ont choisi de ne pas le faire, car elles veulent une chasse gardée, mais je crois que cela va un peu plus loin.

Vous avez mis dans le mille, monsieur Cooke, lorsque vous avez dit que nous n'avons pas pu prendre de l'ampleur. Il y a 120 sociétés d'assurance au Canada. Si vous n'êtes pas plus nombreux, c'est parce que vous avez des chartes provinciales, de la même façon que les coopératives de crédit. Soit dit en passant, les coopératives de crédit ne veulent pas devenir des banques. La plupart des grandes coopératives de crédit l'ont déclaré, si bien que vous n'avez pas vraiment à vous inquiéter à ce sujet. Elles veulent simplement avoir une plus grande part du marché. Elles ont fait leurs propres sondages qui leur ont permis de conclure que les gens n'aiment pas les banques.

Les banques canadiennes sont assujetties à une charte complètement différente depuis le début du siècle, applicable à l'ensemble du pays. Elles jouissent donc d'un environnement protégé. De plus en plus de choses sont intervenues et nous leur avons donné plus de protection.

On parle des banques étrangères. La concurrence étrangère, dont il a été question devant divers comités, n'est pas prête à investir dans la brique et le mortier. Je crois qu'il faudrait plus de concurrence, qu'elle provienne des banques, des sociétés d'assurance, ou de l'extérieur. Oui, il est bon d'avoir de la concurrence.

• 1045

Je me demande simplement le genre de concurrence que j'aimerais avoir dans mon pays et le vôtre, le Canada. Voulons-nous la même concurrence que celle qui existe aux États-Unis? On y retrouve tellement de concurrence et tellement de banques; on y dénombre presque 10 000 banques. On ne sait jamais d'une semaine à l'autre combien parmi elles vont s'effondrer ou combien vont faire faillite.

Soit dit en passant, je trouve que l'étude du groupe de travail MacKay est bonne, qu'elle est excellente. Mais je me demande s'il ne fait que copier les choses au lieu de réinventer la roue, puisque ce qu'il propose se retrouve dans le secteur bancaire des États-Unis. Les banques sont assujetties aux lois des états, et il y en a plus de 10 000. Beaucoup pourraient fusionner et ouvrir une banque au Canada avec 10 millions de dollars.

Pourraient-elles survivre? Telle est la question. Je ne le crois pas. Qu'arrivera-t-il si elles ne survivent pas? On en revient au principe de l'«acheteur averti». Qui va en être le propriétaire et quelles sont les garanties?

La question que je vous pose donc est la suivante. Je comprends la réalité des régions rurales du Canada, mais quelque chose fait défaut et la question qui se pose est de portée nationale; c'est la question de l'accès de la petite entreprise au capital. C'est ce créneau que vont occuper ces entités de l'étranger.

De quels pouvoirs devrait-on jouir, si l'on amenait ou créait des banques différentes au Canada? Quels pouvoirs devraient-elles avoir pour servir les collectivités petites, ou autres, de notre pays? Fait bien connu, ces personnes, ces banques, ces banques étrangères qui veulent s'implanter ici ne veulent pas investir dans la brique et le mortier.

À l'heure actuelle, elles doivent verser un dépôt de 5 p. 100, chose que les banques canadiennes n'ont pas à faire. Peut-être aimeraient-elles que ce dépôt soit supprimé. Faudrait-il leur donner les mêmes droits que ceux dont jouissent nos banques canadiennes?

Le vice-président (M. Nick Discepola): Monsieur Shea.

M. Terry Shea: Je ne crois pas qu'elles devraient jouir des mêmes droits. Il devrait y avoir, à mon avis, un genre de restriction imposée aux banques étrangères. Je ne veux pas que l'on ouvre des portes à un flot de banques étrangères. Je ne tiens pas à ce que le consommateur canadien soit forcé d'acheter pour éviter une perte, comme vous l'avez sous-entendu. Il faudrait selon moi atténuer légèrement certaines des restrictions. Les banques étrangères qui entrent sur le marché canadien ne devraient pas être assujetties à autant de réglementation, mais je ne crois quand même pas qu'elles devraient pouvoir fonctionner exactement de la même façon que les banques canadiennes. Les banques canadiennes devraient avoir un peu plus de poids.

Le vice-président (M. Nick Discepola): Monsieur Cooke.

M. Jeff Cooke: Autoriser l'arrivée des banques étrangères au Canada, comme je le disais à M. Szabo, est une question fort complexe. Si elles entrent au Canada, qu'en retirera le consommateur? Des hypothèques à taux moins élevés? Compte tenu des taux hypothécaires d'aujourd'hui, je ne sais pas s'ils peuvent encore baisser. Le consommateur va-t-il obtenir plus de privilèges ou de meilleurs taux?

Il n'y a pas longtemps, j'ai suivi une émission de Peter Gzowski où M. Cleghorn et M. Baillie ont déclaré que les frais bancaires au Canada équivalaient à peu près au tiers de ceux pratiqués aux États-Unis.

Il suffit de lire entre les lignes: en cas de fusion, elles obtiennent 70 p. 100 du marché et je n'ai pas besoin de vous dire ce qu'il va advenir des frais. Par conséquent, si nous n'allons pas obtenir la brique et le mortier, que vais-je faire dans la petite Île-du-Prince-Édouard? À qui vais-je m'adresser? Effectivement, vous avez raison, je pourrais faire affaire par téléphone, mais beaucoup de gens ici ne sont pas si modernes. La question est très difficile.

Il y a toutefois un point qui m'inquiète à propos des banques étrangères. Je crains que le gouvernement ou les législateurs n'autorisent pas la fusion peut-être, mais par contre, tout le secteur des institutions financières leur appartiendra. Après coup, ils diront qu'ils vont accordent ceci pour compenser les pertes subies là, puisqu'ils vont permettre l'arrivée des banques étrangères sur le marché canadien.

Nous parlons beaucoup des fusions bancaires, mais ce qui m'inquiète, c'est la question des banques qui vendent de l'assurance au détail. Au Québec, par exemple, il y avait en 1989 27 000 courtiers. Il y en a eu près de 1 000 de moins, lorsque les caisses populaires se sont mises à vendre de l'assurance dans leurs succursales. Le projet de loi 188, sur lequel je ne vais pas m'attarder maintenant, a même augmenté ces pouvoirs. Il suffit de lire le rapport du groupe de travail MacKay pour s'apercevoir que même s'il ne parle pas du projet de loi 188, il en reprend exactement les propos. En citant uniquement l'exemple du Québec, on peut déduire ce qui va se passer parmi les courtiers du Canada: moins de concurrence. Il y en aura plus au départ, mais une fois qu'ils auront obtenu une part suffisante du marché, la concurrence s'érodera et ils contrôleront tout.

• 1050

Vous avez parlé des États-Unis et autant que je sache, les banques américaines de n'importe quel État ne peuvent pas, en vertu de la loi, contrôler plus que 10 à 15 p. 100 du marché.

M. Gary Pillitteri: Il s'agit de 30 p. 100 dans n'importe quel État.

M. Jeff Cooke: Désolé, 30 p. 100. Je savais bien qu'il y avait un plafond.

De toute façon, dans le cas de la fusion bancaire, les deux banques ne contrôleront-elles pas 70 p. 100 du secteur bancaire? C'est assez énorme. Avant que de nouvelles banques étrangères viennent soutenir la concurrence... je crois que c'est la raison pour laquelle certaines banques étrangères ont en fait renoncé, sans compter le dépôt de 5 p. 100... et je ne sais pas si elles peuvent toujours soutenir la concurrence.

Le vice-président (M. Nick Discepola): Êtes-vous en train de dire que le fait d'accorder des pouvoirs supplémentaires aux banques étrangères ou à d'autres institutions du même genre ne créera pas la concurrence nécessaire que nous recherchons?

M. Jeff Cooke: Je vais vous répondre par une autre question. Lorsque vous utilisez le terme «concurrence», que voulez-vous dire? Parlez-vous des fonds accordés à la petite entreprise? De frais et d'hypothèques inférieurs pour le Canadien moyen? Le mot «concurrence» est important et pourrait viser beaucoup de services bancaires, ou non.

Le vice-président (M. Nick Discepola): Je veux parler de tout ce que vous venez de citer, car de toute évidence, ce sont les préoccupations des Canadiens.

J'ai une autre préoccupation importante. Comment encourageons-nous les gens à relancer ce à quoi les banques renoncent lorsqu'elles ferment des succursales dans les régions rurales du Canada, par exemple? Je ne vois pas les banques étrangères s'en charger. Si ce n'est pas assez bien pour les banques canadiennes, comment pourrons-nous inciter qui que ce soit à ouvrir une succursale dans une collectivité rurale, alors que d'autres institutions ont quitté la place?

M. Jeff Cooke: Je ne vois pas les banques étrangères s'en charger. Elles ne vont pas venir ouvrir une succursale à Tignish.

Le vice-président (M. Nick Discepola): M. Pillitteri demande en fait si nous ne pourrions faire quelque chose, au plan législatif ou autre, pour les encourager, même s'il fallait donner aux petites banques étrangères une protection supplémentaire.

M. Robert Morrissey: Voulez-vous dire que vous les feriez venir dans les petites villes canadiennes avant de leur donner accès à l'ensemble du marché?

Le vice-président (M. Nick Discepola): Je cherche des idées originales.

M. Jeff Cooke: Que dire des groupes comme Canada Trust et la Banque nationale? Il s'agit des deux banques dont j'ai fait mention. Peut-être s'en chargeraient-elles en prenant certaines initiatives, encore plus que vos banques étrangères.

Une voix: Pourquoi pas le mouvement coopératif?

M. Robert Morrissey: Ferais-je confiance à la Banque du Chili qui ouvrirait une succursale à Tignish? Pas beaucoup, je le crains.

M. Paul Szabo: Ce serait à elle de décider.

M. Robert Morrissey: Je le sais, mais cela nous ramène à la réputation que les banques canadiennes ont acquise au fil des ans. Je crois que tout le monde convient qu'elles passent pour des institutions stables. Nous—je veux parler des Canadiens en général—faisons confiance aux institutions bancaires, que ce soit en matière d'épargne ou autre. Je doute que les banques étrangères aient beaucoup de clients dans les petites villes du Canada.

Le vice-président (M. Nick Discepola): Elles ont réussi dans les créneaux dont les banques n'ont jamais voulu. Les Wells Fargos du monde entier ont occupé un créneau et offert un produit que les entreprises sont prêtes à consommer. En tant que petit entrepreneur, si on me refusait un prêt, je serais tout à fait disposé à payer une prime d'un ou 2 p. 100. Aux États-Unis, il semble qu'une prime de 6 p. 100, voire même de 8 p. 100 parfois, soit la norme. Wells Fargo occupe ce créneau et a parfaitement bien réussi ces deux ou trois dernières années, sans pour autant créer la concurrence que nous recherchons pour les grandes banques.

M. Robert Morrissey: Où est-elle...

Le vice-président (M. Nick Discepola): Elle est présente partout au Canada.

Quels sont les chiffres, Paul? Où, au Canada, retrouverait-on la présence de Wells Fargo?

M. Paul Szabo: Elle n'a pas de succursales.

Le vice-président (M. Nick Discepola): Elle n'a pas de succursales, d'infrastructure.

M. Paul Szabo: Tout se fait de façon électronique.

Une voix: Elle a eu recours aux envois postaux, une démarche qui a été très efficace.

M. Paul Szabo: Elle a envoyé des formulaires par la poste et reçu environ 18 000 demandes de prêt d'entreprises canadiennes qui s'étaient fait dire non par les banques à charte canadiennes.

Le vice-président (M. Nick Discepola): C'est donc un processus très simple, et c'est ce que réclament les petites entreprises depuis longtemps. Elles remplissent un formulaire d'une page et reçoivent une réponse dans un délai de 24 heures.

M. Paul Szabo: La compagnie a dû arrêter d'accepter des demandes parce qu'il y en avait trop.

M. Jeff Cooke: Et la BFD dans tout cela? J'ai eu recours aux services de la Banque fédérale de développement. Je suppose que je vais poser la question à nouveau. Si Wells Fargo offre ce service, c'est qu'il y a un besoin. Que fait la Banque fédérale de développement? Pourquoi n'offre-t-elle pas ce service?

Le vice-président (M. Nick Discepola): Parce que son mandat ne l'autorise pas à prendre les risques que la Wells Fargo, elle, peut se permettre de prendre.

M. Jeff Cooke: Mais c'est là qu'est la concurrence. C'est peut-être de cette façon là qu'il faut procéder. Il faut restructurer la BFD pour lui donner plus de pouvoirs. Si les banques nationales ne veulent pas faire affaire avec les petites entreprises, alors donnons à la BFD le pouvoir de le faire.

M. Robert Morrisey: J'aimerais bien voir les demandes qui ont été rejetées par la BFD et approuvées par la Wells Fargo.

M. Paul Szabo: C'est ce que j'ai été obligé de faire.

Le vice-président (M. Nick Discepola): Y en a-t-il?

M. Paul Szabo: Oui, et les clients sont très satisfaits.

Le vice-président (M. Nick Discepola): Monsieur Robichaud.

• 1055

M. Ulysse Robichaud: Vous avez mentionné les coopératives de crédit. Pourquoi ne leur permet-on pas de vendre de l'assurance, comme cela se fait au Québec? Si elles le font au Québec, c'est parce que les consommateurs n'obtenaient pas des grandes banques les services auxquels ils avaient droit. Il y avait un problème même au Québec.

Comme je l'ai déjà dit, dans le passé, dans les petites collectivités acadiennes, c'était la même personne qui vendait des produits d'assurance et qui dirigeait la coopérative de crédit. Les petites collectivités n'ont pas toujours été desservies comme elles auraient dû l'être, même par les compagnies d'assurance.

Le fait de pouvoir être servi dans votre langue est très important. C'est pour cela que le mouvement des coopératives de crédit est si fort. Il en va de même pour les caisses populaires. La compagnie Assomption-Vie, au Nouveau-Brunswick, est très solide parce qu'elle sert ses clients dans la langue de leur choix. Ça faisait longtemps qu'on n'avait pas droit à cela. Les coopératives de crédit vous permettent d'être servi dans votre langue, parce que ce sont les clients qui en sont les propriétaires. Je ne sais pas si je m'éloigne du sujet, mais c'est la même chose dans le cas du mouvement des coopératives. C'est comme cela que je le vois.

Souvent, les grandes entreprises, que ce soit les compagnies d'assurance ou les grandes banques—je les place parfois dans la même catégorie—ne s'intéressent qu'aux profits. D'après ce que j'ai entendu aujourd'hui, elles essaient parfois de faire passer l'autre pour un mauvais garçon. Nous, les consommateurs, nous les voyons toutes de la même façon parce que ce sont de grosses entreprises et qu'elles ne s'intéressent pas vraiment à nous. C'est pour cette raison que nous avons l'impression, avec le mouvement coopératif, d'être à tout le moins mieux servis. On s'intéresse à vous, on vous sert dans votre langue, ce qui, même dans cette province, n'est pas le cas quand vous allez acheter une assurance. Quand j'achète mon assurance, je dois m'exprimer en anglais à Charlottetown, sauf si je me rends au Nouveau-Brunswick ou dans la région d'Évangéline. Il faut améliorer les services afin que je puisse, si je compose un numéro 1-800, être servi en français, du moins je l'espère.

Le vice-président (M. Nick Discepola): Alors, ne devriez-vous pas être en faveur des projets de fusion? Il y aurait ainsi un plus grand nombre de mouvements coopératifs qui assureraient la relève.

M. Ulysse Robichaud: C'est une façon de voir les choses.

Le vice-président (M. Nick Discepola): Vous étiez inquiet...

M. Ulysse Robichaud: Oui, mais si cela apporte une dimension nouvelle à la question, alors peut-être...

Le vice-président (M. Nick Discepola): Le mouvement Desjardins espère vivement que les projets de fusion vont aller de l'avant. Cela lui permettrait d'avoir accès à toutes sortes de débouchés.

M. Ulysse Robichaud: Ce serait peut-être la seule chose positive qui découlerait de ces projets.

Le vice-président (M. Nick Discepola): Monsieur Pillitteri.

M. Gary Pillitteri: Merci beaucoup, monsieur le président. Vous avez pris quatre des dix minutes auxquelles j'ai droit.

Le vice-président (M. Nick Discepola): Ce n'est pas grave.

M. Gary Pillitteri: J'aimerais dire une chose, messieurs. Ayant participé aux travaux du groupe de travail du caucus libéral et ayant siégé à ce comité à maintes reprises au cours des cinq dernières années, je ne peux que conclure que les banques nous offrent indubitablement d'excellents services. Comme vous l'avez indiqué, monsieur Morrissey, elles ne craignent pas vraiment l'arrivée des banques étrangères au Canada, à la condition que celles-ci investissent dans la brique et le mortier. C'est pourquoi j'ai fait cette mise en garde.

Elles ne craignent même pas les prises de contrôle. Certains présidents de banque ont dit que la règle de 10 p. 100 ne les inquiète pas. Vous pouvez en augmenter le plafond ou le supprimer totalement. À mon avis, cela veut dire quelles sont déjà suffisamment grosses. Il n'y aucun doute là-dessus. Elles ne craignent pas la concurrence. Elles n'en font pas de cas. Elles sont suffisamment grosses et elles n'ont besoin de l'aide de personne. Elles ont un marché.

La question qui m'intéresse est la suivante: que faisons-nous dans le cas des petites collectivités? Je constate, après avoir vu les rapports et entendu les témoins, qu'il n'y a pas grand chose qu'on puisse faire pour obliger les institutions financières à maintenir une présence dans les petites collectivités. Ce sont les autres institutions, les coopératives de crédit, qui doivent prendre la relève. Certaines personnes veulent ouvrir des banques dans les collectivités. Mais le fait est que les banques ne craignent pas la concurrence. Il est faux de prétendre que la concurrence ne vient que de l'extérieur. Comment allons-nous répondre aux besoins des petites collectivités?

Les taux d'intérêt sont à leur plus bas niveau. Ils sont inférieurs aux taux en vigueur aux États-Unis. Dans les autres pays, les taux sont encore plus élevés. Les grandes banques prennent des risques. Ce sont des multinationales. Elles sont présentes partout dans le monde. Elles réalisent 40 p. 100 de leur revenu total à l'étranger. Nous voulons tout simplement voir quelle est la meilleure façon de servir les petites collectivités au Canada. Les grandes banques s'en désintéressent, et vous avez raison, personne d'autres ne va vous aider.

• 1100

Le vice-président (M. Nick Discepola): Je vais laisser Mme Redman poser la dernière question. Je vais ensuite vous demander de conclure le tout en répondant aux deux dernières interventions.

Madame Redman.

Mme Karen Redman: Merci, monsieur le président.

En fait, mes questions s'inscrivent dans la même ligne de pensée que celles de M. Pillitteri. Le rapport du groupe de travail MacKay est axé sur l'avenir. Nous avons une très bonne idée de ce qui se passe actuellement: les banques réalisent des profits incroyables, les taux d'intérêt sont bas, nos frais sont beaucoup moins élevés qu'aux États-Unis. Toutefois, quel genre de services les consommateurs vont-ils exiger dans 10 ou 20 ans? Quels seront leurs besoins? Comment pouvons-nous appliquer ces recommandations—il y en a 124—en vue de répondre à ces besoins?

Selon le groupe de travail MacKay, et c'est quelque chose que les Canadiens réclament depuis longtemps, il faut favoriser l'esprit d'entreprise chez les institutions financières, et c'est ce qui s'est produit avec le démantèlement des quatre piliers. De nombreuses recommandations prônent un plus grand décloisonnement, tout en mettant l'accent sur les besoins des consommateurs.

Prenons les cartes intelligentes et les GAB par exemple. Les institutions financières vont-elles être obligées, en vue de se préparer à l'an 2000, de prendre des décisions difficiles à court terme dans le but de répondre, dans 5, 10 ou 15 ans, aux besoins nouveaux des consommateurs?

Est-ce que le rapport du groupe de travail MacKay définit les besoins auxquels nous devrons répondre dans les années à venir? Est-ce qu'il nous brosse un tableau de ces besoins?

M. Jeff Cooke: Si je prends l'exemple des compagnies d'assurance, et non pas des banques qui veulent fusionner... Les banques, pour une raison ou une autre, ont le droit de vendre de l'assurance dans leurs succursales. Elles continuent de s'approprier une part du marché, et c'est ce qui se passe dans le cas de la CIBC—elle le fait en dehors du cadre bancaire, alors imaginez un peu la situation si elle le faisait à l'intérieur de celui-ci—dans 20 ans, leur part de marché serait énorme. La plupart des compagnies d'assurance au Canada ne seraient pas ici. Celles qui appartiennent à des intérêts américains se retireraient sans doute du marché parce qu'elles savent qu'elles ne peuvent pas soutenir la concurrence en raison des restrictions applicables aux pratiques de ventes liées, ainsi de suite. La plupart des courtiers installés dans les petites collectivités partiraient, et c'est ce qui est arrivé au Québec.

Disons que vous avez une voiture et que vous êtes assuré auprès de la Banque Royale. Vous avez malheureusement plusieurs accidents. La banque va vraisemblablement vous laisser tomber, et vous n'aurez d'autre choix que d'accepter, parce que c'est l'unique produit qu'elle vend. Tout à coup, vous vous retrouvez à la rue et vous dites, eh bien, je dois m'assurer. Toutefois, vous vous rendez compte soudainement qu'il n'y a pas 230 compagnies d'assurance au Canada à qui vous pouvez vous adresser.

Donc, si nous limitons les vastes choix que nous avons maintenant, alors dans 20 ans, c'est le consommateur qui va en subir les conséquences, parce que ce choix n'existera plus.

Comme je l'ai déjà mentionné, nous n'avons aucune objection à ce que les banques nous livrent concurrence, mais elles doivent mettre sur pied leurs propres compagnies—comme la Personal ou la RBC Insurance, je ne me souviens plus du nom, Je pense que la compagnie Glacier est affiliée à la Banque de la Nouvelle-Écosse. Si elles veulent sur pied leur propre compagnie d'assurance, qu'elles le fassent, mais à l'extérieur de la banque. Au moins, le consommateur peut ainsi décider s'il fera faire affaire avec la compagnie Personal, qui se trouve à l'autre bout de la rue, ou mon courtier. Ils ont au moins un choix.

Mais si nous leur permettons d'offrir ce genre de service... Nous savons qu'elles ont des ressources illimitées. Les compagnies d'assurance tirent leurs profits de la vente de produits d'assurance. Elles n'ont pas d'autres sources de revenu, comme des frais bancaires ou des prêts hypothécaires, pour absorber leurs pertes.

Je ne sais pas si vous avez vu le dernier bilan financier de la Personal Insurance, de la CIBC, mais il n'est pas très encourageant. Mais comme la banque a des ressources énormes, elle peut absorber les pertes. Si vous perdez 500 millions de dollars, ce n'est pas un gros problème quand vous possédez le genre de capital qu'elles ont.

Les compagnies d'assurance, aujourd'hui, sont confrontées à de gros problèmes et elles vont devoir prendre des mesures pour les surmonter. Or, cela va se répercuter sur les primes. Donc, à long terme...

Mme Karen Redman: Vous avez dit que cela se répercuterait sur les primes. Qu'est-ce que cela signifie pour moi, en tant que consommateur? Est-ce que mes primes vont augmenter?

M. Jeff Cooke: Oui. Vous avez le choix de dire, eh bien, je n'aime pas la compagnie XYZ parce qu'elle vient d'augmenter mes primes. Vous pouvez alors vous adresser à 5, 6 ou 200 autres compagnies d'assurance et vous faire donner d'autres prix.

Il existe divers moyens d'obtenir ces prix. Le système Insurexplorer peut vous donner 10 prix différents via Internet. Vous pouvez choisir le prix qui vous intéresse, et le système va même vous dire quel courtier vous l'offre.

Toutefois, pour ce qui est de permettre aux banques de vendre de l'assurance, ces choix n'existeront plus pour les consommateurs. Vous allez constater, un jour, que les banques vont uniquement garder le dossier des bons conducteurs, ceux qui n'ont pas d'accidents. Tout ce qui va rester, malheureusement, ce sont les mauvais conducteurs, ou plutôt les conducteurs malchanceux, et ces gens vont devoir payer des primes d'assurance très élevées, ce qui va compliquer les choses pour les consommateurs.

• 1105

Mme Karen Redman: Merci.

M. Terry Shea: Comme il ne reste pas beaucoup de temps, mes réponses vont être très brèves.

Je vais d'abord répondre à la question de M. Pillitteri, qui veut savoir ce que nous pouvons faire, ou plutôt ce que peut faire la Chambre des communes, pour aider les petites collectivités. Je n'ai pas de réponse à vous donner. C'est quelque chose qui me préoccupe beaucoup, parce que nous vivons dans une petite localité, soit Summerside. Disons que c'est une petite ville.

À mon avis, le fait d'accorder plus de pouvoirs aux banques ne fera que nuire aux intérêts des petites collectivités. Les banques auront plus de pouvoirs, elles vont devenir plus indépendantes, et elles ne seront pas là pour répondre aux besoins du consommateur canadien. Plus elles auront de pouvoirs, plus elles pourront élargir la gamme de produits qu'elles vendent, plus indépendantes elles deviendront.

Qu'arrivera-t-il dans 20 ans? Quel sort nous réserve l'avenir? Encore une fois, il est difficile de savoir ce qui va arriver dans 20 ans. Il y a 20 ans, personne ne pensait qu'on paierait nos comptes de téléphone et d'électricité par ordinateur. Jamais je n'aurais imaginé pareille chose. On ne peut pas arrêter le progrès.

Si les banques obtiennent plus de pouvoirs—par exemple, si elles ont le droit de vendre de l'assurance dans leurs succursales et d'utiliser le fichier clientèle—je préfère ne pas penser à ce qui va se produire dans 20 ans.

Je sais que je ne réponds pas à votre question, mais je n'ai pas vraiment de réponse à vous donner.

Le vice-président (M. Nick Discepola): Si on interdisait aux banques de vendre de l'assurance ou de louer des véhicules à bail, seriez-vous en faveur des projets de fusion?

M. Terry Shea: Non. Je suis contre les projets de fusion.

J'ai un ami qui avait une petite entreprise. Un jour, sa banque lui a dit qu'elle ne voulait plus faire affaire avec lui parce que sa situation financière laissait à désirer. Il est allé voir différentes banques, et même si elles ont refusé de lui venir en aide, il a fini par obtenir ce qu'il voulait.

Cela s'est passé il y a 10 ans, et son entreprise est maintenant très solide. En fait, c'est une entreprise très prospère.

Moins il y a de joueurs, moins il y a d'options. Cela ne peut que nuire au consommateur canadien.

Le vice-président (M. Nick Discepola): Merci. Paul.

M. Paul Szabo: Ce que vous dites essentiellement, c'est que les fusions nuiraient à la concurrence, sauf que le rapport du groupe de travail MacKay dit que nous devons ouvrir le secteur bancaire et financier à la concurrence pour qu'il y ait plus de choix. Servir l'intérêt public signifie lui offrir plus de choix, plus d'options. Si nous ne faisons rien...

Les Canadiens ont l'habitude de s'en prendre aux banques. Ils affirment tous détester les banques, mais ils trouvent les succursales, elles, extraordinaires. Ils apprécient leur directeur de banque, les caissiers, les caissières, les connaissent tous personnellement. C'est un sentiment qui vient droit du coeur. Mais la question que nous devons nous poser est la suivante: devons-nous accroître la concurrence dans le secteur des services financiers et permettre ainsi aux coopératives de crédit d'offrir tous les services qu'offre une banque de l'annexe A?

Il a des compagnies d'assurance-vie qui recueillent des dépôts. Elles offrent des services bancaires. Sommes-nous en train de voir l'émergence d'un secteur hybride, où tout le monde offre un peu de tout, et où les meilleurs sont récompensés? Ceux qui ne sont pas prêts à s'adapter, à offrir de bons services, à appuyer la collectivité n'auront pas de clients.

Le consommateur n'est pas ici l'élément le plus important? Est-ce que le consommateur avisé, celui qui connaît ses options, ne constitue pas le meilleur client qu'on puisse avoir? Les fusions ne visent pas à réduire la concurrence. Le groupe de travail MacKay dit que nous devons accroître la concurrence.

Le vice-président (M. Nick Discepola): Je donne la parole à chaque intervenant pour deux ou trois minutes pour qu'il puisse répondre et ensuite nous allons mettre fin à la séance.

Monsieur Robichaud.

M. Ulysse Robichaud: Quant à ce qu'il faut faire pour desservir les collectivités rurales, je n'ai pas de réponse, mais j'aimerais poser une question au comité: Que faut-il faire pour décentraliser?

«Peut-être en laissant agir librement la concurrence», me dit-on, mais parviendra-t-on ainsi à décentraliser? Selon moi, la clé de voûte est la décentralisation du système.

• 1110

C'est ce que j'aimerais que vous examiniez: Que faut-il faire pour décentraliser cet immense système, comme nous cherchons à le faire également dans le cas de l'appareil gouvernemental? Votre comité pourrait sans doute se pencher là-dessus à l'avenir, et examiner toute la question de la décentralisation de cet immense système, qu'il s'agisse de l'assurance ou des banques. Le problème est le même à mes yeux. Il faut décentraliser pour qu'il puisse être possible de desservir nos petites localités.

Le vice-président (M. Nick Discepola): Du point de vue des collectivités rurales, vous avez raison, mais du point de vue mondial, la mondialisation est le mot d'ordre, ce qui veut dire une plus grande centralisation.

Monsieur Shea.

M. Terry Shea: La concurrence est une fort bonne chose. Selon moi, la concurrence n'a jamais été aussi intense, et je crois qu'elle doit se faire dans des conditions où tous les intervenants sont sur un pied d'égalité, et c'est le cas aujourd'hui. Nous et les compagnies d'assurance, nous sommes sur un pied d'égalité et tout va bien.

En ce qui concerne le service à la clientèle, les compagnies d'assurance font de l'excellent travail aujourd'hui pour les clients.

Quant à savoir comment la décentralisation pourra se faire, ce ne sera pas à mon avis en donnant davantage de pouvoir aux banques, car elles s'en serviront pour centraliser les emplois, rassembler les gens dans les grands centres et réduire les emplois dans les milieux ruraux.

Merci.

Le vice-président (M. Nick Discepola): Monsieur Morrissey.

M. Robert Morrissey: Je reconnais moi aussi que toute l'idée de la fusion des banques et tout le rapport MacKay s'articulent autour du principe qu'il faut augmenter la concurrence, mais je ne vois pas comment il en résultera une augmentation de la concurrence dans les régions rurales du pays que nous devons servir. Voilà ce qui me préoccupe. Je sais que le principe que nous défendons est le bon, et je n'ai rien à y redire, mais je ne vois pas comment il pourra y avoir une amélioration dans ma région.

L'autre intervenant a demandé ce qu'il fallait faire pour y arriver, mais je n'ai pas la réponse. Vous, parlementaires fédéraux, vous devrez vous pencher là-dessus, mais je suis contre l'adoption de mesures législatives obligeant quelqu'un à offrir des services à tel ou tel endroit. À mon avis, ce n'est pas là la formule à privilégier. Je n'ai pas la réponse, mais j'espère que nous trouverons une formule. Je crois que les Canadiens se sentiraient plus à l'aise s'ils pouvaient avoir une idée précise des moyens qui seront mis en place pour les servir dans ce nouvel environnement plus vaste.

Le vice-président (M. Nick Discepola): Bien dit.

Monsieur McInnis.

M. Dan McInnis: Je m'inquiète du fait que votre comité cherche à trouver un exemple dans le monde d'une fusion où il y a eu une aussi importante mainmise sur le marché. À mon avis, la concurrence étrangère et la mondialisation ne sont pas vraiment les facteurs qui importent ici. Je dirais que les banques cherchent essentiellement à préparer le terrain pour s'accaparer de ce marché en en avalant la plus grande part possible; elles pourront ensuite créer des obstacles pour empêcher les autres d'y pénétrer, etc. Selon moi, la première chose que votre comité pourrait faire pour aider les petites collectivités au Canada serait d'interdire la fusion des banques.

Le vice-président (M. Nick Discepola): Je vous remercie infiniment. Comme vous pouvez le voir, notre décision ne sera pas facile. C'est une décision que nous devons prendre avec le plus grand soin en veillant à l'intérêt supérieur de tous les Canadiens, où qu'ils habitent—, ville, campagne ou ailleurs.

Monsieur Szabo.

M. Paul Szabo: Sachez que si le Bureau de la concurrence donne son aval à ces projets de fusion, ceux-ci feront l'objet d'audiences publiques qui seront tenues dans toutes les régions du Canada. Donc les choses ne s'arrêteront pas là.

Le vice-président (M. Nick Discepola): Merci beaucoup de cette observation.

En guise de conclusion, je tiens à vous remercier d'avoir pris la peine de venir ici pour nous faire part de vos points de vue et opinions. Ma vie de parlementaire trouve souvent tout son sens lorsque j'écoute des gens comme vous représentant votre milieu, car, même si tout cela ne rend pas ma tâche plus facile, j'en ressors enrichi de connaissances et en mesure de prendre une bien meilleure décision. Donc, je vous remercie, et nous avons hâte de recevoir un rapport vers le mois de mars. Cette saga se poursuit, et j'espère que l'on en verra la fin bientôt.

Monsieur Morrissey, il y a des choses qui ont coûté cher ici. J'ai constaté par exemple que les homards de l'Île-du-Prince-Édouard coûtent presque aussi cher ici qu'à Montréal, mais ils ont certainement été un délice.

M. Robert Morrissey: C'est probablement à cause de la mondialisation.

Le vice-président (M. Nick Discepola): Je vous remercie beaucoup.

La séance est levée.