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FINA Réunion de comité

Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.

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STANDING COMMITTEE ON FINANCE

COMITÉ PERMANENT DES FINANCES

TÉMOIGNAGES

[Enregistrement électronique]

Le mardi 27 octobre 1998

• 0907

[Traduction]

Le président suppléant (M. Paul Szabo (Mississauga-Sud, Lib.)): Bonjour, mesdames et messieurs. Conformément à son mandat que lui confère le paragraphe 108(2) du Règlement, le comité reprend son étude du rapport du Groupe de travail sur l'avenir du secteur canadien des services financiers, connu sous le nom de Rapport du groupe de travail MacKay.

Ce matin notre premier témoin sera M. Donald Stewart, président et chef de la Direction de la Sun Life du Canada, compagnie d'assurance-vie.

Bienvenue parmi nous, monsieur Stewart. Nous sommes prêts à entendre votre exposé après quoi je suis certain que les députés voudront vous poser des questions. Je vous en prie, allez-y.

M. Donald Stewart (président et chef de la direction, Sun Life du Canada, compagnie d'assurance-vie): Merci. Monsieur le président, honorables députés, au nom de la Sun Life Canada, compagnie d'assurance-vie, je suis très heureux d'avoir l'occasion de vous faire part de mes observations au sujet du rapport du Groupe de travail sur l'avenir du secteur des services financiers canadien. Je félicite M. Harold MacKay et les membres de son groupe de travail d'avoir rédigé un «plan» exhaustif qui sera d'une grande valeur pour l'avenir de notre secteur des services financiers.

Quoique le rapport suscite chez nous une réaction favorable, nous entretenons certaines réserves quant à l'application de certains aspects des recommandations qui concernent les compagnies d'assurance-vie canadiennes d'envergure internationale. Étant donné la prédominance des grandes banques canadiennes, qui détiennent globalement 37 p. 100 de l'actif total du secteur financier, il n'est pas étonnant que les auteurs du rapport aient proportionnellement accordé plus d'importance aux questions touchant le domaine bancaire.

Si nous nous réjouissons de l'opinion formulée par le groupe de travail selon laquelle les compagnies d'assurance-vie canadiennes peuvent être appelées à jouer un rôle de premier plan dans le secteur canadien des services financiers, il faut savoir que nous aurons de nombreux défis à relever en ce qui à trait à la concurrence pour que cette vision devienne réalité. Selon nous, le document de référence intitulé L'évolution du secteur des services financiers au Canada: De nouvelles forces, de nouveaux compétiteurs, de nouveaux choix a un ton nettement moins optimiste et accorde davantage d'importance aux défis qu'impose la concurrence à l'industrie de l'assurance-vie.

Essentiellement, si les assureurs-vie canadiens veulent tirer pleinement parti de leurs possibilités, ils auront besoin de tout l'appui découlant des propositions et des recommandations du rapport qui visent à éliminer les restrictions qui s'appliquent actuellement à notre industrie. Je dois mettre mes observations en perspective en expliquant brièvement la position que la Sun Life occupe sur le marché, puisque cet aspect influence considérablement notre façon de voir les choses.

• 0910

Le 28 septembre dernier, le Wall Street Journal a publié sa liste annuelle des 50 premiers assureurs du monde. Encore une fois, la Sun Life est la seule compagnie canadienne à figurer sur cette liste, se classant au 46e rang. Cela signifie que nous sommes une grande entreprise selon les critères du marché international. Toutefois, la majorité de nos opérations sont menées à l'échelle internationale, plutôt qu'à l'échelle mondiale. Plus précisément, une entreprise d'envergure internationale est, selon nous, une entreprise qui offre des produits et des services différents d'un pays à l'autre, tandis qu'une entreprise d'envergure mondiale est une entreprise qui commercialise des produits et des services à peu près identiques dans les pays où elle opère. Pour nous, les réalités quotidiennes de la concurrence sont donc basées sur la situation que nous occupons dans chaque pays et non sur l'ensemble de nos opérations internationales.

Compte tenu de ces réalités, la Sun Life doit faire face au Canada à des pressions considérables que lui impose la concurrence, puisque nous occupons le cinquième rang sur le marché canadien de l'assurance-vie. Notre part du marché déterminée d'après le revenu provenant des primes s'élève actuellement à 8,4 p. 100, ce qui représente environ 50 p. 100 de la part détenue par le chef de file du marché.

Nous nous adressons donc à vous aujourd'hui en tant que compagnie d'assurances qui se situe au milieu du marché canadien et qui accueille favorablement les nouvelles possibilités qui découlent des recommandations du rapport du groupe de travail. Nous visons à demeurer une entreprise de services financiers internationale prospère qui répond aux besoins de ses clients en matière de sécurité financière dans tous les pays où elle est présente.

Je vous entretiendrai de sept questions particulières. Il s'agit de l'indemnisation des consommateurs, du système de paiements canadien, de la structure juridique des entreprises, de l'impôt sur le capital, de la démutualisation, de la vente au détail d'assurances, ainsi que des regroupements et des fusions d'entreprises. Je vais commencer par les mécanismes d'indemnisation des consommateurs.

Comme l'indique le rapport du groupe de travail, la Société d'assurance-dépôts du Canada, par certains aspects, donne aux établissements de dépôt des avantages concurrentiels sur les compagnies d'assurance-vie canadienne. Nous appuyons la recommandation du groupe de travail qui porte sur l'élimination du déséquilibre caractérisant la concurrence que se livrent les établissements de dépôt et les compagnies d'assurance-vie, déséquilibre qui découle de l'existence de deux mécanismes différents d'indemnisation des consommateurs. Nous espérons que le gouvernement donnera suite à cette recommandation dans un proche avenir.

Pour ce qui est de l'accès au système de paiements, l'intérêt que le groupe de travail a porté au régime régissant ce système nous réjouit. L'évolution de la technologie, les attentes des consommateurs et l'intensification de la concurrence font en sorte qu'il est maintenant essentiel de pouvoir accéder au système de paiements pour attirer et fidéliser la clientèle. Les compagnies d'assurance-vie canadiennes se trouveront dans une position beaucoup plus avantageuses pour faire face à la concurrence si leurs clients peuvent effectuer leurs paiements à partir de fonds détenus auprès de l'assureur sans devoir au préalable transférer ces fonds à un compte d'un autre établissement.

Comme l'indique le rapport, pour maximiser le potentiel concurrentiel des acteurs en place, il faudra leur donner, à des conditions raisonnables, libre accès à d'autres réseaux. En particulier, nous appuyons fortement la proposition voulant que l'on élargisse les fonctions offertes par le réseau Interac.

Pour ce qui est de la structure juridique des entreprises, nous appuyons la recommandation déjà exprimée dans le document de consultation publié par le ministère des Finances en août dernier qui propose un régime de démutualisation qui s'appliquerait aux compagnies d'assurance-vie canadiennes. Nous croyons que la structure de la société de portefeuille peut présenter des avantages considérables, notamment un accroissement de l'efficacité de la réglementation, une plus grande latitude pour se procurer des capitaux et la possibilité d'offrir une meilleure valeur aux actionnaires de la société de portefeuille.

Nous reconnaissons que, du point de vue de la réglementation, la présence de sociétés de portefeuille dans le secteur des services financiers peut soulever des inquiétudes légitimes. Toutefois, nous appuyons la conclusion du groupe de travail selon laquelle il est possible d'avoir plus de souplesse sur le plan de l'organisation sans compromettre outre mesure la stabilité et la solidité de l'entreprise.

• 0915

Nous sommes heureux que le groupe de travail ait reconnu le caractère inéquitable des charges fiscales que doit supporter le secteur des services financiers comparativement aux autres secteurs de l'économie et à la concurrence étrangère. Ainsi, en 1996, les établissements financiers réglementés ont payé un impôt spécial sur le capital de près de un milliard de dollars. Cet impôt n'a pas été appliqué à d'autres secteurs et il est presque exclusif au Canada.

La Sun Life souscrit sans réserve aux recommandations du groupe de travail selon lesquelles cet impôt spécial sur le capital devrait être éliminé ou, à tout le moins, réduit. Nous appuyons également l'appel lancé aux gouvernements fédéral et provinciaux afin qu'ils travaillent ensemble à atténuer les conséquences négatives de la taxation multiple, notamment l'application des taxes de vente et des taxes sur les primes, qui augmente considérablement le coût des produits d'assurance.

En ce qui touche le régime de démutualisation proposé, nous appuyons la recommandation du groupe de travail selon laquelle les compagnies d'assurance-vie devraient être assujetties, en matière de propriété, à un régime général basé sur la taille des entreprises. Nous sommes d'accord avec la règle des 10 p. 100 proposée en ce qui a trait aux grandes compagnies d'assurances démutualisées.

Tandis que la Sun Life s'apprête à s'engager plus avant dans le processus de démutualisation au cours de la prochaine année, sous réserve de l'approbation du conseil d'administration, des organismes de réglementation et des titulaires de contrats, le régime de démutualisation proposé dans le rapport du groupe de travail—ainsi que dans le document de consultation sur la démutualisation publié récemment par le gouvernement fédéral—a tout ce qu'il faut pour servir de base solide sur laquelle on s'appuiera pour assurer un traitement équitable aux titulaires de contrats et donner aux compagnies d'assurance-vie canadiennes plus de latitude pour leur permettre de croître et de faire face à la concurrence.

Nous approuvons entièrement l'importance que le groupe de travail accorde aux consommateurs et à la concurrence. Comme il a été mentionné précédemment, diverses initiatives ont été proposées pour aider l'industrie de l'assurance-vie du Canada à faire face à la concurrence. Elles consistent notamment à permettre l'accès au système de paiements et à éliminer les inégalités au chapitre du mécanisme d'indemnisation. En restant dans la ligne des objectifs généraux du rapport du groupe de travail, il apparaît logique que les consommateurs disposent de nombreuses possibilités d'accéder aux produits d'assurance.

Si la vente d'assurance au détail doit être autorisée dans les succursales bancaires, il faudra mettre l'accent sur la nécessité d'appliquer, en matière de permis, des exigences communes à l'ensemble du secteur des services financiers. Il faudra aussi veiller à assurer la protection des renseignements personnels qui concernent les consommateurs et à établir des règles strictes qui interdiront les ventes liées.

Pour ce qui est de la question générale des fusions, nous sommes entièrement d'accord avec l'opinion exprimée par le groupe de travail selon laquelle les projets de fusion doivent être évalués comme des cas d'espèce, compte tenu du contexte dans lequel ils sont proposés. Le secteur de l'assurance a récemment été le théâtre d'une activité intense en ce qui touche les fusions, ce qui a entraîné des changements importants au classement des entreprises sur le marché.

Par exemple, l'acquisition de la London Life par la Great-West en 1997 a, en plus de créer un précédent, donné naissance à un nouveau chef de file très solide sur le marché canadien. Compte tenu de la position que la Sun Life occupe actuellement sur le marché canadien, il sera essentiel que nous puissions faire l'acquisition d'autres entreprises si nous voulons figurer au nombre des compétiteurs du marché de l'assurance-vie, tels que les entrevoit le rapport. Le même principe pourrait bien s'appliquer en matière de fusion.

En conclusion, nous craignons que le rapport du groupe de travail puisse donner l'impression que les banques canadiennes et les compagnies d'assurance-vie canadiennes possèdent des capacités comparables au chapitre de la concurrence. Même si nous ne nous opposons pas activement au fait que l'on attribue des pouvoirs supplémentaires aux banques canadiennes dans le but d'accroître la concurrence, il est vital d'assortir ces pouvoirs de mesures de protection importantes, tel qu'il est indiqué dans le rapport.

En outre, il est essentiel que les compagnies d'assurance-vie aient accès au système de paiements canadien ainsi qu'aux réseaux électroniques de services financiers si elles veulent être en mesure de relever le défi qui attend l'industrie et dont fait état le groupe de travail.

Enfin, comme je l'ai indiqué précédemment, la Sun Life devra absolument s'engager dans des opérations de regroupement et de fusion d'entreprises si nous voulons compter parmi les grands compétiteurs du marché, tels que les perçoit le groupe de travail dans son rapport.

Merci de m'avoir donné la possibilité de vous faire des remarques liminaires préparées.

• 0920

Le président suppléant (M. Paul Szabo): Merci, monsieur Stewart. Vous nous avez fait un exposé très complet et je suis certain que les députés aimeraient maintenant aborder certains des points que vous avez soulevés.

Nous commençons par M. Crête.

[Français]

M. Paul Crête (Kamouraska—Rivière-du-Loup— Témiscouata—Les Basques, BQ): Je vous remercie de votre présentation. Je veux d'abord vous dire que la Sun Life, dans ma tête, représente des choses très particulières. C'est la compagnie qui assurait mon grand-père il y a plusieurs années, quand j'avais 10 ou 12 ans, mais c'est aussi la compagnie dont beaucoup de Québécois ont eu une perception assez négative, à un moment donné, à cause de la décision qu'elle avait prise de déménager son siège social. Tout cela donne une image un peu ambiguë à la compagnie.

Voici ce qui m'intéresse ce matin. Dans votre mémoire, vous dites que si les banques pouvaient entrer sur les marchés, il faudrait qu'elles soient assez réglementées. Vous faites notamment une remarque sur les banques liées, dans laquelle vous dites qu'il faudrait que ce soit très clair. Est-ce que cela veut dire que vous préférez le modèle permettant aux gens d'entrer dans les marchés des autres secteurs mais à condition qu'ils soient réglementés, à un modèle qui permettrait d'avoir un holding financier qui regrouperait des banques, des compagnies d'assurance, des vendeurs de fonds communs, etc.? Ces entreprises seraient dans le même holding, mais chacune aurait son champ d'action. Dois-je comprendre de votre mémoire que vous privilégiez le modèle qu'on propose dans le rapport plutôt qu'un modèle comme celui-là qui, à mon avis, favoriserait davantage une concurrence accrue, surtout dans les régions hors centre du Québec et du Canada?

[Traduction]

M. Donald Stewart: Voilà une...

[Français]

Je m'excuse. Je préfère parler en anglais.

[Traduction]

La question que vous posez est assez complexe. Vous savez, bien sûr, que le rapport rejette la notion de réglementation fonctionnelle, la jugeant impraticable. On lui a préféré la notion de réglementation par une entité.

Comme nous sommes une société internationale, nous pouvons nous inspirer de toute une diversité de modèles un peu partout dans le monde, ce qui nous a amenés à préférer un système privilégiant les mesures de protection, dans le cas bien sûr des banques proposant de l'assurance-vie à leurs clients. Nous accordons donc moins d'importance à la structure de l'industrie en matière de prestation de produits et de services dès lors que de telles mesures de protection seront en place.

Nous nous réjouissons donc du fait que le rapport propose, de façon générale, d'accorder aux institutions financières existantes les pouvoirs dont elles ne disposent pas encore, sous réserve que l'on mette en place les sauvegardes, les mesures de protection dont je viens de parler. J'espère que cela répond en partie à votre question.

[Français]

M. Paul Crête: Il me semble qu'à l'avenir, il serait préférable d'assurer la viabilité du système au moyen de la pression de la concurrence entre les intervenants plutôt qu'au moyen de la réglementation. On va probablement vivre dans ce secteur-là ce qu'on a vécu dans le domaine des télécommunications. Aujourd'hui, le CRTC essaie de rattraper la technologie à mesure qu'elle s'invente. J'ai le sentiment que dans votre monde, dans le monde financier, on s'en va un peu vers la même chose et qu'il s'agit beaucoup plus de définir les règles de la patinoire sur laquelle on doit fonctionner et de laisser les joueurs jouer, que de faire en sorte que chacun n'ait qu'une partie de la patinoire pour faire son métier.

[Traduction]

M. Donald Stewart: Je suis tout à fait d'accord avec les grands principes que le député vient d'énoncer. Le rapport favorise la concurrence en éliminant ce que d'aucuns pourraient appeler les frictions dues à différents systèmes de réglementation.

• 0925

Par exemple, l'industrie de l'assurance a manqué de certains pouvoirs dans le domaine du système de paiement, et elle ne bénéficie pas de certaines équivalences dans celui de l'assurance dépôt. Or, le rapport propose de supprimer ce genre de déséquilibre. D'un autre côté, il propose d'étendre les pouvoirs compétitifs des banques. J'estime que ces recommandations, dans leur ensemble, vont pousser le secteur des services financiers canadiens dans le sens que vous préconisez, et qui consiste simplement à réduire au minimum l'intervention de nature réglementaire et à permettre aux différents intervenants de se livrer concurrence dans le secteur des services financiers.

Nous sommes donc d'accord sur un plan philosophique et, de plus, nous estimons que ce rapport est un grand pas dans cette direction.

Le président suppléant (M. Paul Szabo): Monsieur Nystrom.

L'hon. Lorne Nystrom (Regina—Qu'Appelle, NPD): Je suis heureux de vous accueillir parmi nous ce matin, monsieur Stewart, et je vais vous poser certaines questions sur la nature compétitive du système entre banques et compagnies d'assurances.

Avant d'être réélu à la Chambre des communes en juin 1997, j'ai fait beaucoup de travail avec la Crown Life à Regina et je connais donc assez bien l'industrie de l'assurance-vie. J'ai travaillé sur les relations avec le gouvernement et sur d'autres dossiers.

Je voudrais connaître votre avis au sujet de la recommandation voulant qu'on permette aux banques de proposer des contrats d'assurance-vie dans les succursales.

Vendredi dernier, dans ma circonscription, j'ai rencontré 17 courtiers d'assurances multirisques qui s'inquiètent beaucoup du fait qu'on envisage de permettre aux banques d'offrir directement des assurances IARD à leurs clients, car eux ne sont pas de gros courtiers. J'aimerais connaître votre position à ce sujet et savoir quelles inquiétudes vous entretenez éventuellement à ce sujet. Vous en avez parlé dans vos remarques liminaires, mais j'aimerais que vous nous en disiez un peu plus—que vous disiez s'il faut ou non niveler les règles du jeu, dans quelles circonstances on pourrait permettre ce genre de chose et ainsi de suite.

M. Donald Stewart: D'entrée de jeu, je dois préciser que je vais exprimer le point de vue du milieu de l'assurance-vie. Comme notre société ne propose pas de produits d'assurances multirisques, je ne vous en parlerai pas et je limiterai mes remarques à la question de la vente au détail d'assurance-vie, car j'imagine que les questions dont vous êtes saisis sont relativement générales.

Nous ne sommes pas opposés au fait que les succursales bancaires vendent de l'assurance-vie au détail, surtout parce que nous sommes, par principe, favorables à la concurrence et que nous favorisons le choix par le consommateur. Nous serions donc philosophiquement mal placés pour nous opposer à cela. Les recommandations du rapport sont holistiques et vont dans le sens d'une amélioration, d'un élargissement ou d'une augmentation de la concurrence; quant à nous, d'un point de vue philosophique, nous favorisons le choix du consommateur et une augmentation de la concurrence.

Cela étant posé, nous estimons qu'il est nécessaire d'imposer aux banques les mêmes exigences en matière de permis que ce qui se fait déjà dans le système de l'assurance-vie avant de leur concéder la vente d'assurances au détail; il faut également protéger les renseignements personnels, surtout qu'il est possible que les banques étendent leurs relations financières avec leurs clients, ce qui pourrait donner lieu à des inquiétudes relativement à la protection de ces renseignements. Enfin, il faudra se doter de règles strictes interdisant la vente forcée. Voilà les trois aspects auxquels nous estimons qu'il est important de trouver une réponse dans ce contexte marqué par un manque d'opposition à la vente d'assurance au détail dans par les succursales bancaires.

L'hon. Lorne Nystrom: La taille des compagnies d'assurances par rapport à celle des banques vous inquiète-t-elle? Nous avons cinq ou six grandes banques dont les actifs se chiffrent en centaines de milliards de dollars, alors que d'un autre côté on compte beaucoup plus de compagnies d'assurances. Certes, la consolidation a déjà commencé dans le milieu de l'assurance, après la faillite de la Confédération-Vie et la fusion de différentes compagnies, mais les acteurs de votre industrie sont encore très petits comparés aux banques. Cela étant, est-ce qu'ils ne sont pas désavantagés?

• 0930

En outre, les banques se trouvent en première ligne; quand on s'adresse à elles pour obtenir une hypothèque, on peut être renseigné sur tous les produits qu'elles offrent. Vous venez de parler de la question de la protection des renseignements personnels. Vous retrouvez-vous dans une situation du genre David et Goliath ou êtes-vous, grâce à cela, davantage efficaces?

M. Donald Stewart: Cette situation nous incite peut-être à «essayer plus fort». Quoi qu'il en soit, nous sommes préoccupés par la taille relative de nos deux secteurs et, en ce qui me concerne, par la taille de notre compagnie par rapport aux plus grandes des banques. Le ratio n'est pas très différent sur le plan des actifs, puisqu'il est de dix à un, dix étant le ratio d'un chef de file bancaire et un celui des avoirs canadiens d'une compagnie d'assurances, chef de file également.

Jusqu'ici, nous avons livré une solide concurrence aux banques, sur toute une gamme de services financiers, et nous croyons que moyennant l'élargissement envisagé en matière de pouvoirs compétitifs et le maintien d'un bon service à la clientèle, nous parviendrons à demeurer concurrentiels sur le marché canadien. Cependant, ce ne sera pas facile et nous aurons affaire à une gageure plus importante qu'auparavant. Nous avons beaucoup de respect pour les banques, mais nous estimons pouvoir continuer à les concurrencer dans un avenir prévisible, étant donné notre fiche de route des dix dernières années, époque où l'on avait élargi les pouvoirs d'autres façons.

L'hon. Lorne Nystrom: Ma prochaine question s'adresse au pdg d'une grande compagnie d'assurances, que vous êtes. Si la Banque Royale et la Banque de Montréal ainsi que la CIBC et la Toronto Dominion fusionnent, nous nous retrouvons avec des banques dont les actifs se chiffreront en centaines de milliards de dollars. Par rapport au reste du secteur des services financiers au Canada, que se passerait-il si l'une de ces grandes banques venait à déposer son bilan? C'est une des préoccupations que nous entendons souvent, les gens craignant qu'elles soient trop grosses pour qu'on leur permette de faire faillite, ce qui nous obligerait à adopter un plan public de redressement ou à demander à un géant bancaire américain, par exemple la Citibank, de reprendre le failli.

Que se passerait-il dans ce genre de situation, selon vous? Je suppose qu'elles ne feront pas faillite, mais je pourrais me tromper. On voit bien aujourd'hui ce qui se passe au Japon et dans d'autres pays. Personne n'est parfait et un accident est vite arrivé. Il pourrait se produire une catastrophe. Eh bien, qu'arriverait-il au secteur des services financiers canadiens si l'un de ces géants bancaires, ayant des actifs de 500 milliards à un billion de dollars, venait à faire faillite? Qu'adviendrait-il de nous?

M. Donald Stewart: Je vais essayer de répondre à votre question. C'est une question que nous ne nous sommes pas véritablement posée.

En principe, quand une grande banque, comme celles qui seront constituées à la suite des fusions que vous venez d'évoquer, fait faillite, le problème se pose sur le plan des services d'intermédiation, c'est-à-dire sur celui de la relation entre les dépôts et les prêts de la banque. Cette situation provoquerait, dans une grande mesure, l'intervention de la Société d'assurance-dépôts du Canada. Il est évident que, comme on l'a déjà constaté dans le passé, cela imposerait une grande pression sur l'organisation qui doit déterminer si la faillite hypothétique et potentielle risque d'avoir une incidence sur le reste du secteur financier. La société d'État interviendrait principalement en qualité de garant, comme cela s'est fait lors des vingt dernières années, à l'occasion de faillites de moindre envergure de compagnies de fiducie. Nous serions surtout inquiets des risques de répercussion de ce phénomène sur le reste du secteur des services financiers.

Nous croyons cependant que ce genre d'amortisseur, ce mécanisme prévu pour réagir en cas de faillite, permettrait d'absorber un effondrement de cette envergure, moyennant l'adoption de mesures extraordinaires. Il y a toutefois lieu de s'inquiéter du phénomène de concentration, car il va à l'encontre de la tendance générale à la diversification, tendance qui favorise la multiplicité des institutions ou du moins qui assure la présence d'un nombre suffisant de telles institutions. Voilà ce que nous pensons de cela.

L'hon. Lorne Nystrom: Monsieur le président, j'aimerais enchaîner, si vous me le permettez, par une petite question.

Vous dites que cette situation serait extraordinaire, et il n'y a pas lieu d'en douter. Une telle faillite serait tellement massive qu'elle nécessiterait un fantastique apport de capitaux publics ou une énorme prise en charge du risque. Ce faisant, une grosse institution ne se trouverait-elle pas à bénéficier d'un avantage inéquitable sur le plan compétitif? Le consommateur moyen, conscient qu'elle serait trop grosse pour faire faillite, serait davantage incité à traité avec ce genre de banque qu'à appuyer des petites institutions comme la vôtre. Est-ce que cela ne confère pas dès lors un avantage concurrentiel déloyal à ce genre d'institution, même à une mégabanque par rapport à une banque de taille courante?

M. Donald Stewart: Oui, dans une certaine mesure; quoique, étant donné la position adoptée dans le rapport MacKay sur la question de la garantie de l'État accordée à l'assurance-dépôts par l'intermédiaire des banques plutôt que par celui de la SIAP, qui est privée, nous estimons que le désavantage est moins aussi important qu'à l'heure actuelle et que le public aurait du mal à se dire que de telles institutions sont «trop grosses pour faire faillite», parce qu'il y aurait toujours une certaine incertitude. Cela étant, il est excessivement difficile de répondre à cette question.

• 0935

Le président suppléant (M. Paul Szabo): Merci, monsieur Nystrom.

Monsieur Valeri, je vous en prie.

M. Tony Valeri (Stoney Creek, Lib.): Merci, monsieur le président.

Monsieur Stewart, vous avez parlé de structure d'entreprise dans votre exposé, plus particulièrement des sociétés de portefeuille. Qui, selon vous, va profiter du nouveau système? Les grandes banques de l'annexe I ou les sociétés de fonds mutuels? Par ailleurs, qu'est-ce que les banques pourraient faire en vertu de cette nouvelle structure qu'elles ne peuvent pas déjà faire?

Vous avez également parlé de certains problèmes sur les plans de la sécurité et de l'intégrité, mais vous n'avez pas parlé de la façon dont le BSIF pourrait intervenir et vous n'avez pas non plus précisé ce que pourraient être certains de ces problèmes. Pourriez-vous nous en parler maintenant? C'est d'ailleurs là ma première question.

M. Donald Stewart: Eh bien d'abord, en ce qui concerne la structure d'entreprise, nous nous sommes concentrés sur ce que devra être cette structure après la démutualisation, puisque c'est de cela dont il s'agit. Il faut donc replacer cela dans ce contexte plutôt que dans le contexte plus général que vous avez évoqué en amorce de votre question. Je pense que je pourrai répondre à votre question de façon globale si vous me permettez de le faire dans le contexte du secteur de l'assurance-vie.

D'abord, nous voyons là une simplification des procédures ainsi que certains avantages, mais pas d'avantages globaux. La société mère de la Sun Life compte environ 70 filiales dans le monde entier. Ainsi, elle assume à la fois des fonctions d'assureur-vie constitué et des fonctions de société de portefeuille. On clarifierait les choses si l'on séparait les deux pour avoir, d'un côté, une société de portefeuille à proprement parler et, de l'autre, une compagnie d'assurance-vie. On saurait alors de qui relève tel ou tel aspect. Nous estimons donc que cette structure permet d'abord de simplifier les choses quand on fusionne deux fonctions dans une même compagnie.

Quant aux questions de sécurité et d'intégrité, la compagnie de portefeuille dont il est question dans le rapport serait une entité réglementée et c'est dans ce cadre qu'on mettrait en place les mesures de protection nécessaires. Si on ne le faisait pas, la société de portefeuille pourrait se lancer dans des entreprises échappant au contrôle du BSIF, ce qui aurait éventuellement pour effet de contaminer le reste du groupe ou d'y étendre la contagion.

Nous estimons que c'est une question de simplicité. Par ailleurs, on nous dit que la société de portefeuille aurait un avantage sur le marché parce qu'elle aurait plus de souplesse pour attirer des capitaux. Cela lui serait mécaniquement plus facile. On nous dit aussi que cette formule présenterait un plus pour les porteurs de police en cas de démutualisation ultérieure.

M. Tony Valeri: Dans votre proposition, vous déclarez également qu'il est essentiel que Sun Life puisse consolider ses opérations ou fusionner avec d'autres pour devenir la force compétitive dont parle le groupe de travail. Étant donné la taille que vous auriez après une démutualisation, n'êtes-vous pas gênés par le processus public d'évaluation de l'incidence des changements, c'est-à-dire le processus de fusion proposé par MacKay? Est-il trop coûteux? Il est question d'entreprises légales et d'autres types d'initiatives susceptibles de faire partie d'une proposition de fusion. Pouvez-vous nous commenter cela?

Je suis conscient que vous êtes tourné vers l'avenir, mais tout ne se ramène-t-il pas à cela?

M. Donald Stewart: Tout à fait.

Je peux certainement vous donner notre avis à ce sujet. Étant donné la relative petite taille de l'industrie canadienne—n'oublions pas que nous sommes cinquièmes au Canada, avec des actifs en région de 20 milliards de dollars, ce qui représente à peu près 10 p. 100 des actifs d'une seule des grandes banques canadiennes—la déclaration publique d'incidence serait beaucoup moins gênante pour nous étant donné notre taille relativement petite sur le marché, et j'insiste ici sur l'adverbe «relativement». Ainsi, bien que nous aurions de la difficulté à nous plier à un certain nombre d'exigences dans la déclaration publique d'incidence, nous pensons que la certitude de ne pas avoir d'effets profonds sur la collectivité pallierait la trop grande difficulté à se plier à ces exigences. Selon nous, nous pourrions nous y conformer.

M. Tony Valeri: Le processus lui-même vous pose-t-il problème?

M. Donald Stewart: Non!

• 0940

M. Tony Valeri: Non!

Ma dernière question va porter sur l'autre solution proposée par MacKay relativement à la règle de propriété et aux exigences imposées aux sociétés à grand nombre d'actionnaires, comme la vôtre, après une démutualisation. M. MacKay propose d'accorder à partir de maintenant des droits acquis à certaines sociétés et organisations comptant peu d'actionnaires. Qu'en pensez-vous? Cela vous préoccupe-t-il? Est-ce une bonne formule?

M. Donald Stewart: Nous estimons que c'est à la fois pratique et équitable.

M. Tony Valeri: Pardon?

M. Donald Stewart: La formule qui consiste à accorder des droits acquis est à la fois pratique et raisonnablement équitable. Il est toujours difficile d'imposer des règles avec effet rétroactif. Une formule de ce genre me gênerait, mais il est difficile de s'opposer à celle-ci, parce que nous la trouvons équitable.

M. Tony Valeri: Très bien. Je vous remercie.

Le président suppléant (M. Paul Szabo): Merci, monsieur Valeri.

Je donne maintenant la parole à Mme Redman pour cette dernière série de questions.

Mme Karen Redman (Kitchener-Centre, Lib.): Merci, monsieur le président.

Dans votre mémoire, vous parlez d'accès au système de paiements. Vous dites être encouragé par la prise de position du groupe de travail, mais vous mentionnez également les conditions qui seraient raisonnables pour les autres réseaux et vous insistez sur le fait que cela devrait se faire dans les plus brefs délais. Voici ce que je veux savoir. En ce qui concerne l'accès des compagnies d'assurances aux GAB et aux dépôts directs, qui devrait fixer les droits destinés à couvrir vos frais? Est-ce que ce devrait être les membres de l'ACP? Comment devrions-nous établir ces droits de sorte que la tarification ne devienne pas un obstacle pour les institutions financières désireuses de s'intégrer à ce système?

M. Donald Stewart: Il existe déjà une structure tarifaire. Je devrais peut-être préciser que la compagnie que je représente a accès au système des paiements et qu'elle est membre d'Interac par le truchement d'une filiale. Il serait beaucoup plus pratique et moins chaotique d'incorporer cette capacité et les pouvoirs qui l'accompagnent au niveau des sociétés mères, parce que celles-ci auraient ainsi plus de facilité à présenter un seul et même visage à l'ensemble de leur clientèle.

Cependant, dans le cadre de la structure en place, il existe déjà des droits qui, selon nous, constituent un bon repère pour ce qui devrait se faire dans l'avenir. On pourrait les appliquer dans la plupart des cas. Nous serions satisfaits que cette échelle soit maintenue, à peu de chose près, ainsi qu'on applique la structure de régie déjà en place. Donc les règles actuelles nous satisfont. Nous serions, par contre, inquiets qu'on y apporte des changements.

Mme Karen Redman: À quels délais doit-on s'attendre? Vous dites que tout cela devrait se faire dans les plus brefs délais. À l'évidence, le rapport du groupe de travail MacKay, avec ses 124 recommandations, va bien au-delà de la question de la fusion des banques. Estimez-vous que cette formule devrait être en place avant qu'on autorise les fusions de banques?

M. Donald Stewart: Tout à fait, puisque plusieurs recommandations sont assorties de dates de mise en oeuvre plus tardives, comme 2002. Certaines ne sont accompagnées d'aucune date, mais il y en a plusieurs que nous aimerions voir mises en oeuvre tout de suite, et celle-ci tout particulièrement.

Mme Karen Redman: Merci.

Le président suppléant (M. Paul Szabo): Merci beaucoup, madame Redman.

Monsieur Stewart, vous nous avez présenté une position très claire sur certaines questions importantes et je vous en remercie beaucoup.

Chers collègues, comme vous le savez, nous allons devoir voter aujourd'hui. Je crois que la sonnerie retentira à 10 h 05 et que nous devrons aller voter à 10 h 35. Je vous demande donc de demeurer en place et je vais tout de suite inviter notre prochain groupe de témoins de s'approcher.

Monsieur Stewart, encore une fois merci de votre contribution.

M. Donald Stewart: Puis-je vous remercier de cette occasion, au nom de la compagnie que je représente. Nous avons beaucoup apprécié cela et je vous en remercie.

• 0945

Le président suppléant (M. Paul Szabo): Nous accueillons à présent le représentant de la Banque Laurentienne, M. Henri-Paul Rousseau qui en est le président et le chef de la direction, ainsi que Mme Céline Blanchet, directrice principale, affaires publiques.

Bienvenue, monsieur Rousseau. Nous avons hâte d'entendre votre exposé après quoi je suis sûr que les députés voudront vous poser quelques questions sur ce que vous nous aurez dit.

M. Henri-Paul Rousseau (président et chef de la direction, Banque Laurentienne du Canada): Merci, monsieur le président.

Nous sommes ravis de nous trouver ici ce matin. Comme je vous ai fait remettre des exemplaires de notre mémoire, je serai très bref dans mon exposé pour vous laisser le plus de temps possible afin de poser des questions.

Notre position au sujet du rapport MacKay est connue, mais j'aimerais répéter que nous tenons ce rapport comme étant très important. Dans l'ensemble, nous estimons qu'il est axé sur les grandes questions de l'heure et qu'un grand nombre de ces recommandations modifieront le secteur financier de façon positive.

Nous estimons que la grande priorité en matière de politique publique dans ce contexte doit consister à promouvoir davantage la concurrence sur le marché financier et, en votre qualité d'artisans de la politique, vous aurez essentiellement à choisir entre trois voies.

La première consiste à favoriser la concurrence par des sources externes, en relation avec la règle de propriété de 10 p. 100. Pour l'instant, nous excluons cependant cette approche.

La deuxième consiste à favoriser l'arrivée de nouveaux participants sur le marché. Nous estimons qu'un grand nombre des recommandations du rapport MacKay pourraient et devraient être mises en oeuvre, mais nous ne nous attendons pas à ce que cela modifie très rapidement et de façon substantielle la nature du marché du travail.

Nous pensons que vous devriez vous concentrer sur un ensemble de politiques et de recommandations susceptibles de favoriser la concurrence et d'accroître la capacité des acteurs déjà présents sur le marché, et susceptibles également de renforcer et de favoriser les transactions entre les différents piliers, de sorte que les institutions de l'annexe II—comme la nôtre et les autres banques—ainsi que les nouveaux arrivants, les compagnies de fonds de placement et les gestionnaires de fonds, puissent se regrouper et bénéficier de véritables économies ainsi que des effets d'une plus grande concurrence sur le marché.

Le rapport MacKay contient plusieurs choses éléments qui vont dans ce sens. Il s'agit principalement du premier ensemble de recommandations, soit celles de 1 à 40. Pour notre part, nous vous recommanderions, dans votre rapport, de suggérer au gouvernement fédéral d'adopter un processus en trois étapes.

La première devrait intervenir le plus tôt possible, c'est-à-dire vers le mois de février de l'an prochain, à l'époque du budget. J'espère que le ministre des Finances déposera un document de politique qui s'apparentera de très près à une mesure législative nous fixant—quand je dis «nous», je veux parler des acteurs du marché financier—l'ensemble des règles qui nous permettront de regrouper nos entreprises ainsi qu'un ensemble de règles concernant à la fois le cadre réglementaire et le cadre juridique, ainsi que des règles comptables qui régiront ce genre de transactions.

Lors de cette première étape, qui fixerait donc aux acteurs un ensemble de règles, les décisionnaires que vous êtes assisteraient à l'apparition de toute une série de nouvelles transactions menées par de nouveaux concurrents sur le marché.

La deuxième étape interviendrait entre le milieu et la fin de l'année prochaine, quand on enclencherait le processus d'approbation officielle à l'occasion duquel on se pencherait sur les transactions dont je viens de vous entretenir et sur la fusion des deux banques.

• 0950

Lors de la troisième étape, sur la foi des nouvelles règles du jeu et sous l'impulsion des nouveaux acteurs présents sur le marché, vous pourriez vous pencher sur les autres questions concernant la protection du consommateur ainsi que sur les autres aspects réglementaires. Je tiens à insister ici sur le fait que nous ne proposons pas de nous livrer à un écrémage et je veux que vous sachiez que tout cela obéit à une certaine logique.

Selon moi, si le rapport MacKay avait été rédigé en partant du principe que les 40 premières recommandations allaient être mises en oeuvre, le point de vue adopté sur plusieurs autres aspects aurait sans doute été bien différent. La raison en est fort simple: quand il n'y a pas suffisamment de concurrence sur un marché, il faut veiller à assurer une plus grande protection des consommateurs. En revanche, quand plusieurs nouveaux concurrents arrivent sur un marché, il n'est plus nécessaire de tenir le même discours ni d'adopter les mêmes règlements en matière de concurrence, parce que pour les décisionnaires, la concurrence est une façon de favoriser le choix du consommateur, d'accroître la valeur des produits et de permettre une meilleure comparaison entre différentes institutions.

Plus spécifiquement, le fait que les seules transactions actuellement proposées soient deux fusions de deux grandes banques n'est pas étranger aux dispositions contenues dans notre cadre juridique actuel. Ce n'est pas un accident, car on le doit très précisément au cadre juridique actuel et à nos règles comptables.

N'importe lequel d'entre nous—qu'il s'agisse d'une banque, d'une fiducie, d'une compagnie d'assurances, d'un courtier, d'un administrateur de fonds ou d'une société de fonds mutuels—qui désirerait acheter une autre institution ou se fusionner avec elle, fait face à un énorme défi à cause de notre cadre juridique et de nos règles comptables. Cela étant, nous proposons, tout comme MacKay le fait dans son rapport, qu'on apporte davantage de flexibilité à la structure d'entreprise grâce au concept de société de portefeuille. Quant à moi, le minimum correspondrait à la notion de société de portefeuille bancaire, qu'on retrouve dans d'autres règlements.

En fait, à l'analyse de la Loi sur les banques, on se rend compte qu'une banque est considérée comme une société de portefeuille bancaire. Le seul problème avec cette loi tient au fait que si vous êtes une banque, la seule façon de vous débrouiller consiste à posséder des filiales. La banque n'a pas la capacité voulue pour être filiale d'une société de portefeuille. Donc, j'estime qu'il faudrait au moins prévoir, dans la loi fédérale sur les banques, un groupe de sociétés de portefeuille bancaire et, si l'organisme de réglementation veut aller encore plus loin, nous pourrions alors réduire le nombre de sociétés de portefeuille financières actuellement réglementées.

S'agissant des règles comptables, nous pensons qu'Ottawa devrait prendre ce dossier en main. Si vous attendez que tous les comptables de la planète s'entendent sur quelque chose, vous devrez patienter longtemps. Pour l'instant, les institutions canadiennes ne sont pas sur un pied d'égalité avec les autres institutions dans le monde, quelles soient anglaise ou américaines. Vous devriez agir très rapidement pour veiller à ce que nous ayons exactement la même souplesse que les banques d'autres pays et, plus encore, pour que nous puissions effectuer les regroupements nécessaires, ici au Canada.

Pour terminer, je dirai qu'étant donné notre approche, nous proposons, sur un plan politique, de donner aux institutions canadiennes la chance de se regrouper et de créer ce que j'appellerais les forces de l'annexe II. Si tel doit être le principal objectif, j'estime que nous ne devrions pas insister pour modifier très rapidement les pouvoirs et la capacité de tel ou tel groupe d'institutions. Je veux parler ici de la capacité de vendre au détail des produits d'assurance, d'offrir du crédit-bail automobile et d'autres produits. Vous devez veiller à maintenir une certaine différence entre les institutions afin de les inciter à se regrouper.

C'est tout ce que j'avais à dire pour commencer. Je suis prêt à répondre à vos questions.

[Français]

Le vice-président (M. Nick Discepola (Vaudreuil—Soulanges, Lib.)): Avez-vous terminé, monsieur Rousseau? Merci beaucoup de votre présentation.

Nous allons passer aux questions des députés. Je demanderais à M. Forseth du Parti réformiste de poser sa première question.

[Traduction]

M. Paul Forseth (New Westminster—Coquitlam—Burnaby, Réf.): Merci beaucoup et bienvenue.

Vous avez parlé de la question de la propriété des banques, mais il existe la règle des 10 p. 100 et il est précisé que les banques doivent être des sociétés à grand nombre d'actionnaires. Vous dites qu'il faudrait régler cela. Eh bien, si l'on ne doit plus parler de 10 p. 100, à combien doit-on fixer le pourcentage pour la propriété? Et que devrait préciser le règlement quant au nombre d'actionnaires?

• 0955

M. Henri-Paul Rousseau: Nous sommes plutôt d'accord avec la proposition de M. MacKay. L'un des grands avantages que présente son approche est le fait qu'on envisage une plus grande flexibilité dans la façon de raisonner et d'aborder la chose. On ne cherche pas à appliquer une approche-type, unique. Je suis d'accord avec la plupart des recommandations contenues dans le rapport en ce qui concerne les institutions ayant des actifs inférieurs à un milliard de dollars, à 1,5 milliard de dollars et à 5 milliards de dollars, de même qu'avec les solutions proposées. Je pense que cela va créer de nouveaux incitatifs et favoriser l'arrivée de concurrents sur le marché, ce qui est précisément ce qu'on recherche.

Ce rapport contient certaines nuances qui pour objet de s'assurer que la plus grande partie de notre système canadien demeurera dans les mains de Canadiens et de Canadiennes, ce qui correspond à la règle des 20 p. 100. Je ne pense pas que ce passage de 10 à 20 p. 20 représente beaucoup. Je ne pense pas qu'il changera grandement les choses, sauf en ce qui concerne les règles comptables dans le cas de certaines transactions ou certains regroupements.

M. Paul Forseth: Une chose est claire, je pense: vous souhaitez que les règles du régime financier autorisent les fusions. Alors, je vais vous poser directement la question. Est-ce que les banques doivent s'attendre à des fusions ou à des prises de contrôle?

M. Henri-Paul Rousseau: Je ne puis vous répondre. Les règles qui nous régissent actuellement sont telles que les seuls types de transaction que nous puissions envisager sont les plus difficiles sur le plan juridique ou sont quasiment impossibles à réaliser sur un plan économique parce qu'elles créeraient un important écart d'acquisition. Voilà pourquoi nous avons réclamé davantage de souplesse sur le plan de la structure d'entreprise. Cela étant posé, j'ai tendance à croire que nous assisterons à une augmentation du nombre de transactions sous la forme de regroupement d'institutions, dans différents secteurs du marché canadien.

Il faut comprendre que si Great-West Life achète la London Life, la compagnie absorbante se retrouvera avec un important écart d'acquisition, mais celui-ci pourrait être compensé par l'apparition d'une grande synergie étant donné que cette transaction surviendrait entre entreprises appartenant à un même domaine, celui de l'assurance.

En revanche, ce ne serait pas la même chose dans le cas du regroupement d'une compagnie d'assurances, d'une banque et d'une société de fonds mutuels. Ces entreprises pourraient mettre en commun une grande partie de leurs coûts fixes liés à la commercialisation, à la formation et à la gestion du capital, mais elles ne bénéficieraient pas d'une synergie aussi importante sur le plan des coûts que des entreprises homogènes. Cela étant, les règles comptables actuelles nous empêchent de conclure ce genre de transaction. Voilà pourquoi vous n'êtes actuellement saisis que de deux propositions portant sur d'importantes transactions. Le marché a réagi à ce type de règles que vous avez fixées.

M. Paul Forseth: J'aurais une troisième et dernière question à poser pour cette série.

Le vice-président (M. Nick Discepola): Nous n'aurons qu'une seule série. Il nous reste 35 minutes que je devrai répartir de façon équitable. Mais prenez votre temps, il vous reste quatre à cinq minutes en ce qui vous concerne.

M. Paul Forseth: Merci beaucoup.

Vous avez parlé de légalisation des règles du jeu à l'échelle internationale. Je crois savoir qu'au Canada la règle de capitalisation, autrement dit la structure des capitaux permanents des banques, est fixée à environ 10 p. 100 d'avoirs canadiens. Pourtant, les banques étrangères se débattent souvent pour obtenir ne serait-ce que 6 p. 100 et même cette tranche de 6 p. 100 ne répondrait pas aux normes canadiennes. Cela m'amène à vous demander ce que vous entendez exactement par égalisation des règles du jeu à l'échelle internationale, surtout en ce qui concerne...

M. Henri-Paul Rousseau: Je veux parler, tout comme il en est question dans notre rapport, de la règle comptable régissant les regroupements d'entreprises. Comme vous le savez, la règle actuelle en vigueur au Canada stipule qu'en cas de transaction survenant entre entreprises non homogènes sur le plan de la capitalisation boursière, il y a production d'un écart d'acquisition qui est éliminé du capital de base, pour des fins réglementaires, de sorte qu'on se trouve confronter à deux réalités.

Dans le bilan qu'examine l'organisme de réglementation, l'écart d'acquisition ne fait pas partie de la valeur de la compagnie. D'un autre côté, les règles comptables canadiennes stipulent que vous devez conserver votre écart d'acquisition au bilan et l'amortir. Il existe une différence sur le plan des règles comptables entre ce que voit l'organisme de réglementation et ce que pratiquent les comptables. C'est différent de ce qui se passe aux États-Unis où, en cas de regroupement d'entreprises—c'est-à-dire de mise en commun d'intérêts pour des entreprises de tailles différentes—l'écart d'acquisition est traité directement au niveau du bilan. Cela étant, il n'y a donc pas deux bilans différents: l'un pour l'organisme de réglementation et l'autre pour les comptables. Voilà un exemple.

• 1000

Si vous comparez ces règles avec celles en vigueur au Royaume-Uni, c'est exactement la même chose. En Angleterre, on considère l'écart d'acquisition au même titre que tout autre actif. Il est réduit au bilan uniquement si sa valeur décroît.

Voilà donc des aspects techniques, mais néanmoins importants sur lesquels les décisionnaires devront se pencher. Le problème auquel nous nous trouvons confrontés tient au fait que les institutions financières sont hautement réglementées et que les règles comptables qui nous sont imposées sont les mêmes que celles auxquelles doivent se plier les autres entreprises canadiennes. Dans notre rapport, nous disons qu'Ottawa devrait prendre les choses en main, que l'organisme de réglementation, le BSIF, devrait prendre les rênes en main et mettre en place un ensemble de règles comptables telles que n'importe quelle société comme la nôtre soit en mesure de regrouper ses activités avec d'autres. C'est sur ce plan que la différence est très importante.

M. Paul Szabo: Merci.

[Français]

Le vice-président (M. Nick Discepola): Merci beaucoup, monsieur Forseth.

Monsieur Crête.

M. Paul Crête: Bonjour, monsieur Rousseau. Bonjour, madame Blanchet. Vous dites dans votre mémoire:

    il faut traiter le Rapport MacKay selon une approche «fast track» c'est-à-dire adopter le plus tôt possible les règles visant le renforcement de la concurrence...

Ainsi, selon vous, le marché canadien pourrait, d'ici quelques années à peine, être réorganisé autour de huit à dix groupes financiers. Votre hypothèse, c'est que, comme les PME ont fait valoir qu'elles voulaient davantage de concurrence, ces regroupements permettraient une concurrence accrue. C'est un modèle autre que celui d'une concurrence uniquement des banques.

J'ai une question à deux volets. J'aimerais que vous me précisiez si vous avez eu de la rétroaction de la part des associations de PME sur cette façon de voir la concurrence. Deuxièmement, j'aimerais que vous nous dressiez un portrait de ce qui va arriver si on n'adopte pas le fast track, si on va plutôt lentement. Quels seraient les inconvénients si on prenait plusieurs années pour mettre en place le futur système canadien?

M. Henri-Paul Rousseau: Pour ce qui est de votre première question, j'ai eu peu de contacts avec les associations de PME, mais j'ai eu beaucoup de contacts avec des dirigeants et dirigeantes de PME qui font partie de notre clientèle. Lorsqu'on leur explique que si on mettait ensemble plusieurs joueurs qui, aujourd'hui, exercent des activités différentes... On sait bien qu'un assureur, un courtier, une banque et un trust exercent des activités différentes, mais nous avons tous une chose en commun, soit de l'expertise et du capital qui pourraient être utilisés au service des PME. L'exemple typique que je donne, c'est que si vous regroupez de telles organisations dans une même société, vous allez avoir un nouveau joueur dans le marché, et ce nouveau joueur va concurrencer dans chacune des localités où il sera présent, ce qui n'est pas le cas présentement.

Donc, je n'ai pas parlé aux associations, mais j'ai parlé à des clients. J'ai rencontré à l'occasion des dirigeants d'associations avec qui j'ai partagé des idées, mais leur préoccupation porte davantage sur la fusion des banques que sur les modèles alternatifs de concurrence.

Pour ce qui est de votre deuxième question, vous me demandez quelles seraient les conséquences du statu quo, si je comprends bien. En supposant qu'il y a d'autres règlements d'inclus dans votre question, je dirais que la pire chose qui puisse arriver au système financier serait la suivante: il n'y a pas de changement dans les règles du jeu et, en même temps, vous introduisez, comme parlementaires, une série de nouveaux règlements concernant la protection des consommateurs. Cela nous inquiète beaucoup. Par exemple, une des conditions que le gouvernement fédéral pourrait imposer aux grandes banques qui veulent se fusionner serait d'assurer une meilleure protection des consommateurs. À ce moment-là, on aurait le pire des deux mondes. On aurait un monde très concentré et un monde où le coût de la concurrence des organisations comme la nôtre serait très élevé. En fait, cela menacerait notre capacité concurrentielle.

Donc, plutôt que d'adopter une approche de public utilities, c'est-à-dire un modèle qui a été un peu celui du transport aérien, des télécommunications ou d'autres secteurs d'activité économique au Canada, essayons de prendre tout de suite un modèle qui permet plus de concurrence entre les joueurs. Des sources de concurrence, il n'y en a pas beaucoup. Ou bien vous vous ouvrez vers l'extérieur en souhaitant que les autres viennent acheter le système, ce qui est peu probable de toute façon, ou bien vous vous dites qu'environ la moitié du capital des joueurs qui sont en place, des grandes banques qui sont là, pourrait être regroupé pour servir à la nouvelle concurrence. C'est ce que nous proposons.

M. Paul Crête: Monsieur le président, M. Loubier va poser la prochaine question. Je voudrais simplement dire qu'on a intérêt à examiner le modèle que vous proposez dans les régions où il y a déjà moins de concurrence des banques.

• 1005

M. Yvan Loubier (Saint-Hyacinthe—Bagot, BQ): Monsieur Rousseau, bonjour. Veuillez excusez mon retard. Ici, les retards sont fréquents. Je vous remercie d'être ici.

Hier, j'ai fait une présentation comme témoin au Comité des finances. J'avais décidé de le faire pour exprimer mon opinion et surtout l'opinion de mon parti sur le rapport MacKay en entier. On abonde dans le sens de votre présentation. Il faut procéder par étape. Il y a des priorités plus importantes que d'autres parmi les 124 recommandations, entre autres celles concernant les regroupements et les régimes de propriété.

Hier, lorsque j'ai présenté cet aspect du mémoire du Bloc, il y avait des sceptiques autour de la table, qui disaient que même si on réunissait des conditions quant au régime de propriété et quant à la possibilité de création d'alliances stratégiques ou de maillage multisectoriel, cela ne susciterait pas nécessairement ce genre de regroupement. Que répondez-vous à ça?

M. Henri-Paul Rousseau: Ma réponse à ça est assez directe. D'abord, le downside est nul. Vous n'aurez aucune conséquence négative si les politiques gouvernementales permettent de tels regroupements. Je n'en vois pas. Ça, c'est la première chose.

La deuxième est la suivante: qu'est-ce qui fait que vous avez aujourd'hui devant vous deux projets de fusion des grandes banques? Posons-nous la question: qu'est-ce qui fait ça? C'est dans l'intérêt économique de ces entreprises d'envisager de tels regroupements, mais cet intérêt économique est guidé par les incitatifs juridiques et comptables que vous, les parlementaires, mettez en place. Donc, on doit penser que, si vous changez ces règles par lesquelles on peut se regrouper, vous allez assister au Canada à des transactions comme il y en a dans d'autres pays. Je n'ai pas inventé les boutons à quatre trous ici. Si vous allez en Angleterre, en Europe et aux États-Unis, vous verrez que des organisations comme celles dont je parle existent. D'ailleurs, il y en a déjà qui existent au Canada. Pensez à Power Financial, qui est un exemple parfait d'institution qui regroupe à la fois de l'assurance et des fonds communs. Or, Power Financial est un holding, exactement comme ceux que nous proposons, et cette société fait concurrence dans divers champs d'activité, mais profite de certaines choses mises en commun, qui sont la capacité de partager au niveau du brand name, la capacité de partager au niveau du capital et la capacité de partager au niveau de la technologie. Donc, Power Financial est un bel exemple de ce qui peut arriver. Il pourrait y en avoir sept ou huit autres au Canada, mais ces transactions-là, vous ne les verrez pas dans le cadre actuel; elles vont apparaître uniquement si vous dites aux gens: «Voici les règles du jeu.»

En dernier lieu, qu'est-ce qui motive les dirigeants des sociétés? Nous avons tous plusieurs buts, mais le but premier est de s'assurer que les actionnaires, qui sont les propriétaires de la compagnie, aient un bon rendement.

Souvent on ne peut faire ces transactions qu'on voudrait faire, même si elles sont à l'avantage de nos actionnaires, parce que les règles du jeu nous empêchent de les faire. Je prétends que si vous changez les règles du jeu, les dirigeants des sociétés vont tout de suite sauter sur l'occasion de faire de telles transactions, mais aujourd'hui c'est suicidaire, soit parce que c'est légalement impossible, soit parce que c'est totalement injustifié sur le plan comptable.

Donc, tout ce qu'on dit dans notre proposition, c'est qu'il faut donner aux Canadiens une chance de jouer avec les mêmes règles que les autres, que ce soit aux États-Unis ou en Angleterre.

M. Yvan Loubier: Monsieur Rousseau, pour vous, les changements réglementaires et la création de consortiums de la nature de ceux dont vous avez fait mention sont-ils une condition préalable sine qua non à toute décision concernant la fusion des quatre grandes banques?

M. Henri-Paul Rousseau: Je pense que si le gouvernement canadien et le Parlement adoptaient des règles du jeu communes pour les institutions financières et laissaient au marché une période de temps pour réagir, vous verriez, tout comme l'opinion publique canadienne, les fusions de banques de façon totalement différente que si on gardait le statu quo.

M. Yvan Loubier: Combien de temps nous donnez-vous?

M. Henri-Paul Rousseau: Ce qui est important, c'est que la politique publique soit connue. C'est pour ça que j'espère qu'on aura un énoncé de politique assez ferme sur ces points au plus tard au mois de février, lors du budget. Deuxièmement, je pense que quatre ou cinq mois plus tard, vous allez voir apparaître très rapidement des projets de transaction.

Écoutez, ce n'est pas un secret de polichinelle: il y a énormément de dirigeants de compagnie de différents domaines financiers qui se parlent, mais il n'y a aucune transaction qui peut se faire parce que vous nous donnez des règles du jeu qui ne nous permettent pas de faire de telles transactions.

M. Yvan Loubier: Merci.

Le vice-président (M. Nick Discepola): Merci, monsieur Loubier.

Je demanderais maintenant à Mme Leung de poser sa question.

• 1010

[Traduction]

Mme Sophia Leung (Vancouver Kingsway, Lib.): Merci pour votre excellent exposé.

Vous avez parlé d'une troisième étape, celle consistant à faire des recommandations afin de protéger le consommateur. Nous avons entendu un grand nombre d'opinions différentes, surtout à propos de la crainte qu'éprouvent ceux qui, entretenant un simple point de vue humaniste, pensent que des milliers de personnes risquent de perdre leur emploi après une fusion. Certains craignent aussi que les services en région rurale seront nettement réduits. Comment vous y prendriez-vous pour améliorer ou protéger les services à la clientèle sur ces deux plans?

M. Henri-Paul Rousseau: Eh bien, j'espère que les lignes directrices sur lesquelles vous vous appuierez pour formuler une politique sur ces questions importantes consisteront à maintenir la concurrence à l'échelon local. La situation est tout à fait différente selon qu'on examine les marchés financiers à l'échelon mondial ou à l'échelon local. Même si le contact entre employés et clients a peu à peu diminué dans le temps, sous l'effet de la technologie, il demeure très important. Je recommande donc que le Bureau de la concurrence et le gouvernement fédéral exigent un certain désinvestissement de la part des banques désireuses de fusionner pour maintenir un certain degré de concurrence dans les régions rurales, à l'échelon local où vous jugerez que cela est nécessaire.

En revanche, si l'on adoptait l'autre approche—autrement dit si l'on contraignait ces banques à faire de même en leur imposant de respecter certaines règles de service dans toutes les régions après une fusion—ce qui correspond à l'approche des services publics, eh bien soyez assurés d'une chose: la rançon des affaires augmenterait et des institutions comme la nôtre ne seraient plus en mesure de concurrencer les autres. Nous disparaîtrions de la scène locale pour ne pas dire de la planète. Ce serait une très grave erreur de votre part que d'imposer un système par trop compétitif pour accepter la fusion de banques.

Deuxièmement, qu'y a-t-il de mieux pour le consommateur? Prenez par exemple l'industrie du téléphone cellulaire où la concurrence est féroce, on pourrait même dire trop si l'on en juge par le nombre impressionnant d'offres que l'on reçoit. Ce que je veux dire, c'est que si vous recherchez un téléphone cellulaire de nos jours, vous ne manquez pas de choix. On peut d'ailleurs se demander comment s'explique un tel choix, notamment sur les plans du prix, des services et de la qualité. Eh bien, c'est parce que le marché est très compétitif.

Voilà l'objectif que vous devez chercher à réaliser dans le secteur financier et vous devez vous demander comment y parvenir. Si vous y arrivez, le consommateur sera bien servi. Comment maintenir voire accroître la concurrence? Précisément en adoptant très vite les 40 premières recommandations du rapport MacKay. Commencez par cela. Vous verrez ensuite que le monde va changer, que le marché va changer, et vous pourrez toujours revenir sur les autres aspects de la réglementation, si vous le désirez et si vous êtes confrontés à des situations inacceptables. Le pire serait de maintenir le statu quo et d'imposer un surcroît de règlements afin de protéger le consommateur, ce qui correspond essentiellement à l'approche du type services publics, qui est très inefficace.

Mme Sophia Leung: On suppose qu'après une fusion, dans les régions rurales, les consommateurs auront moins de choix. Votre banque ou une autre serait-elle disposée à être davantage présente dans ces régions pour garantir la qualité des services?

M. Henri-Paul Rousseau: Quand je dis que nous espérons qu'en cas d'approbation des fusions vous demanderez aux banques fusionnées de vendre une partie de leurs activités à d'autres, c'est parce que nous comptons bien nous en porter acquéreur en partie. Nous avons pris de l'expansion en effectuant un grand nombre d'acquisitions, à la fois dans le temps et dans l'espace, c'est-à-dire en Ontario et au Québec. Nous avons donc acquis d'autres institutions et pris de l'ampleur et nous serons certainement présents pour servir de nouveaux clients, si nous en avons la capacité.

Vous devrez être prudents dans la façon de traiter la question du désinvestissement. Vous devrez peut-être veiller à ce que ceux qui achètent les succursales se portent effectivement acquéreurs de toutes les succursales dans certaines régions, sinon ils se retrouveront avec une enveloppe vide, parce que le consommateur pourra très rapidement transférer ses comptes dans une autre banque.

Mme Sophia Leung: Merci, monsieur le président.

Le vice-président (M. Nick Discepola): Monsieur Valeri, pour quatre minutes.

M. Tony Valeri: Merci, monsieur le président. Je serai relativement bref.

En fait je vais chercher à obtenir des clarifications et à comprendre les règles comptables. Je vais vous décrire un scénario pour cela.

• 1015

Supposez qu'on soit en présence de deux compagnies, l'une valant 4 milliards de dollars et l'autre 2 milliards de dollars.

M. Henri-Paul Rousseau: L'une vaut 4 milliards de dollars?

M. Tony Valeri: La première vaut 4 milliards de dollars et la deuxième 2 milliards de dollars, aux livres. Elles décident de fusionner.

M. Henri-Paul Rousseau: Très bien.

M. Tony Valeri: Au Canada, ces 4 milliards de dollars et ces 2 milliards de dollars pourraient très bien devenir 8 milliards de dollars en écart d'acquisition. Alors, nous allons parler de cela pour voir si j'ai bien saisi cet aspect.

D'abord, les règles comptables canadiennes permettent d'effectuer une majoration de valeur. Par la suite, cette majoration de valeur est dépréciée en regard du chiffre d'affaires. Je veux comprendre cela dans le cadre du mandat de notre comité. Au début, on réalise un gain, puis celui-ci est progressivement réduit. Finalement, cela se ramène presque à de la fiction comptable.

Aux États-Unis, contrairement à ce qui se passe ici, on dirait que la fusion potentielle représente 4 milliards de dollars plus 2 milliards de dollars, soit 6 milliards de dollars de valeur aux livres après l'opération.

Vous dites que ce genre de situation au Canada ne se produit que dans le cas d'une fusion de compagnies non homogènes. Ce ne sont donc que les entreprises de valeurs égales qui envisagent de fusionner chez nous, parce que cette règle comptable ne les touche pas. Elle ne vise en fin de compte que des entreprises de tailles différentes, c'est-à-dire dans les cas d'absorption d'une petite société par une grande.

Donc, essentiellement, cette fiction comptable ne concerne que la moitié des transactions. Vous dites que les règles comptables posent problème parce qu'elles ne s'appliquent pas à des entreprises de valeurs différentes désireuses de fusionner, mais le marché commence par surévaluer les actions en constatant l'écart d'acquisition résultant. C'est ce qui se passe?

M. Henri-Paul Rousseau: Non. Je vais reprendre votre exemple des deux entreprises. L'une a une valeur aux livres de 4 milliards de dollars, mais supposons que sa valeur au marché soit du double, soit de 8 milliards de dollars.

M. Tony Valeri: Cela correspond à l'écart d'acquisition?

M. Henri-Paul Rousseau: Non, ce n'est pas l'écart d'acquisition, c'est la valeur du marché reconnue par les actionnaires.

M. Tony Valeri: Très bien.

M. Henri-Paul Rousseau: Eh bien, dans cette entreprise, la valeur de tous les profits passés, qui ont été réinvestis et qui n'ont pas fait l'objet de dividendes, correspond à la valeur aux livres. Cette valeur correspond à la totalité des actifs diminués du passif. C'est ainsi qu'on détermine la valeur aux livres selon les règles comptables.

La valeur du marché correspond à ce que le marché accorde à l'entreprise. Elle est fondée sur la projection de profits, sur l'avenir de l'entreprise et elle obéit foncièrement à la règle de l'offre et de la demande.

Donc, supposons que la société A a une valeur aux livres de 4 milliards de dollars et une valeur au marché de 8 milliards de dollars, alors que la société B a une valeur aux livres de 2 milliards de dollars et une valeur au marché de 4 milliards de dollars, selon le même multiplicateur.

A priori, on peut conclure simplement que la capitalisation du marché de la société A, soit sa valeur déterminée par le marché, est de 8 milliards de dollars, c'est-à-dire deux fois sa valeur aux livres, alors que la valeur au marché de l'autre entreprise est de 4 milliards de dollars... également deux fois sa valeur aux livres.

Voici quelles seront les règles du jeu au Canada, c'est-à-dire les règles comptables en vigueur dans le secteur financier pour les entreprises réglementées par le fédéral si la société A se porte acquéreur de la société B.

Commençons par supposer que le prix soit seulement fonction de la valeur du marché. Ce n'est qu'une hypothèse, cela n'a pas d'importance, il s'agit simplement de simplifier le calcul pour ne pas jouer avec trop de données ce matin. Eh bien, que se passera-t-il dans ce cas? La société A se porte acquéreur d'une autre société pour 4 milliards de dollars dont la valeur aux livres est de 2 milliards de dollars.

M. Tony Valeri: Très bien.

M. Henri-Paul Rousseau: Quand la société A absorbe la société B, on intègre les deux comptabilités. Sur un plan juridique, la société A est l'acheteur de la société B. Sur un plan comptable, l'écart entre la valeur au marché de 4 milliards de dollars et la valeur aux livres de 2 milliards de dollars de la société B devient l'écart d'acquisition. Il n'y a rien de mal à cela. L'écart d'acquisition correspond à la même évaluation que celle que vous auriez aux États-Unis, au Royaume-Uni et donc au Canada.

Mais alors où se situe la différence? Pour les sociétés canadiennes, les règles comptables précisent que l'écart d'acquisition que vous avez ainsi créé devient l'actif réel. Il est inscrit au bilan.

• 1020

Donc, la société créée à la suite d'une fusion possédera un nouvel actif, un écart d'acquisition, de 2 milliards de dollars—ce qui correspond à la valeur aux livres de la société absorbée, soit encore 2 milliards de dollars. On retrouve donc les deux valeurs d'actif. D'un autre côté, la valeur aux livres sera de 4 milliards de dollars de plus. On additionne les deux. Vous avez compris?

M. Tony Valeri: Oui.

M. Henri-Paul Rousseau: Les règles comptables précisent qu'étant donné qu'il s'agit d'un actif réel, d'un actif créé à la suite d'une transaction auquel on aura accordé une valeur supérieure à la valeur aux livres, l'écart d'acquisition devra être déprécié sur une certaine période, par exemple 20 ans. Dans la plupart des cas, cette période se situe entre 15 et 30 ans.

L'année suivante, la nouvelle société réalisera des profits d'exploitation et aura comme nouveaux postes de dépenses un pourcentage des 20 milliards de dollars qui, pour un amortissement sur 20 ans, est de 5 p. 100. Les 5 p. 100 de ces 20 milliards de dollars constitueront donc un nouveau poste de dépenses. Il s'agira de l'amortissement de l'écart d'acquisition.

Ainsi, pendant la durée de vie de la nouvelle société, l'état des résultats affichera une dépense qu'on retrouvera pendant plusieurs années. Voilà ce que disent les règles comptables. Il n'y a rien de mal à cela, nous pouvons nous y faire.

Mais alors, où se situe le problème? Si vous êtes une institution financière fédérale, le BSIF vous dira, à la fin de l'exercice financier, que l'écart d'acquisition que vous aurez réalisé dès le lendemain de la transaction ne constitue pas un actif. Il devra donc être déduit de votre capital réglementaire. C'est la règle! Voilà donc la première partie du problème.

Sur le plan comptable, cet actif est reconnu, mais il ne l'est pas sur le plan réglementaire. On crée ainsi la première différence entre le bilan comptable et le bilan réglementaire. Une institution canadienne sera donc touchée par cela.

Qui plus est, puisque la société acheteuse se trouve à acquérir une autre institution financière, il lui faut un capital supplémentaire pour soutenir la nouvelle entreprise. C'est également la règle. Ainsi, non seulement vous avez besoin de capitaux supplémentaires, mais une partie des liquidités que vous versez disparaît purement et simplement parce que l'écart d'acquisition n'est pas reconnu comme actif. On se retrouve donc frappé d'une double malédiction.

Pourquoi donc les deux grosses banques peuvent-elles fusionner sans connaître ce genre de problème? Eh bien, parce que les règles comptables comportent une petite nuance, à savoir qu'il n'est pas question d'acquérir une autre société mais de fusionner deux entreprises...

M. Tony Valeri: C'est une fusion d'égaux.

M. Henri-Paul Rousseau: Dans ce cas, les égaux sont plus ou moins définis comme ayant une même valeur courante. Si vous faites cela, et si votre transaction est reconnue comme étant une fusion d'égaux—c'est-à-dire comme étant une fusion d'intérêts, acceptée par les comptables—vous ne créez aucun écart d'acquisition.

Vous vous retrouvez dès lors avec une formidable nouvelle société. Comme vous n'aurez pas créé d'écart d'acquisition, vous n'aurez pas à amortir ce genre de dépenses au fil des ans. Qui plus est, vous ne réduirez pas votre capital, ce qui est fort bien car vous vous trouvez précisément dans un domaine où les capitaux sont la seule chose dont vous ayez vraiment besoin. Voilà précisément la raison pour laquelle vous devez vous pencher sur ces deux transactions.

En revanche, s'il s'agissait de sociétés non égales, de sociétés non homogènes, vous ne seriez pas saisis de ce dossier. Voilà précisément pourquoi nous demandons que les règles soient changées et qu'on adopte soit les règles américaines soit les règles britanniques, qui prévoient que dans ce genre de situation des sociétés de tailles différentes peuvent fusionner au titre du groupement des intérêts. Voilà donc quelles sont les différences entre les deux systèmes.

J'ai été un peu long, mais je pense que c'était très important.

M. Tony Valeri: C'est effectivement très important, mais alors en Angleterre et aux États-Unis, il n'y a pas création d'écart d'acquisition—ou alors est-ce que les autorités réglementaires reconnaissent...

M. Henri-Paul Rousseau: Aux États-Unis, la nuance est la suivante: la règle régissant le regroupement des intérêts est différente et il n'est pas nécessaire que la valeur marchande des deux sociétés soit la même pour qu'elles aient droit à fusionner leurs intérêts. Il existe 72 critères très complexes, mais il est toujours possible d'entreprendre des transactions permettant à une entreprise d'en acquérir une autre en achetant ses actions. Dans un tel cas, et moyennant le respect de tout un ensemble de règles, la transaction est possible—c'est-à-dire le regroupement de deux entreprises—sans qu'il y ait création d'un écart d'acquisition. Telle est la règle en vigueur aux États-Unis.

• 1025

En Angleterre, les choses sont un peu semblables à ce qui se passe ici, si ce n'est que sur un plan comptable, on n'a pas à amortir l'écart d'acquisition. On n'amortit cet écart d'acquisition que s'il est négatif. Il est considéré comme un autre actif, comme un terrain et il apparaît au bilan en tant qu'actif valable tant qu'il a une valeur positive. Il n'est donc pas nécessaire de l'amortir quand on réalise une bonne transaction.

[Français]

Le vice-président (M. Nick Discepola): Merci, monsieur Rousseau.

Monsieur Nystrom, s'il vous plaît.

L'hon. Lorne Nystrom: Bienvenue, monsieur Rousseau et madame Blanchet.

[Traduction]

Pour commencer, je voulais vous poser une rapide question. À la suite de la fusion de deux entreprises égales, comme la Banque Royale et la Banque de Montréal, qui ont à peu près la même taille... La différence est plus importante dans le cas de la TD et de la CIBC, n'est-ce pas? Il n'en demeure pas moins qu'on les considère comme étant égales? À partir d'où définit-on la limite?

M. Henri-Paul Rousseau: Eh bien, le critère est la valeur marchande.

L'hon. Lorne Nystrom: Bien.

M. Henri-Paul Rousseau: Ainsi, au moment de la transaction... En outre, ces critères sont quelque peu nuancés. On pourrait dire que c'est acceptable entre 45 p. 100 et 55 p. 100. On a donc un écart de 5 p. 100...

L'hon. Lorne Nystrom: C'est précisément ce que...

M. Henri-Paul Rousseau: Quand elles ont annoncé l'intention de fusionner, la TD et la CIBC avaient presque la même taille. Aujourd'hui, cependant, étant donné les changements intervenus dans la valeur...

L'hon. Lorne Nystrom: De leurs actions.

M. Henri-Paul Rousseau: ...de leurs actions, on peut se demander si la même transaction est acceptable pour les actionnaires. Mais c'est là une conséquence de l'ajustement du marché et du retard mis à l'approbation de la transaction.

L'hon. Lorne Nystrom: Donc, à l'époque de l'annonce... Voilà ce que je veux dire. Supposons, de façon tout à fait hypothétique, qu'on autorise les fusions en mai prochain, à la suite d'une annonce faite, disons, en mars dernier—soit 14 ou 15 mois plus tard. C'est à cette époque qu'a été faite l'annonce? Eh bien, les actions peuvent monter ou descendre.

M. Henri-Paul Rousseau: Sur le plan comptable, c'est le moment de l'annonce qui compte, mais c'est en ce qui concerne l'approbation des actionnaires.

L'hon. Lorne Nystrom: Oui.

M. Henri-Paul Rousseau: Des actionnaires auraient pu être d'accord avec cette transaction 18 mois plus tôt, disons en mai ou en juin, et ne plus l'être maintenant. Le problème tient au fait que si vous changez les termes de la transaction, vous ne pouvez plus prétendre effectuer une fusion d'égaux. Là, les choses deviennent très complexes. C'est une des raisons pour lesquelles tout retard dans l'approbation peut porter un tort irréparable à ces fusions, quand la valeur au marché change trop. Ce sont là les conséquences de l'approbation réglementaire. Cela aussi se produit.

L'hon. Lorne Nystrom: Donc, la réalité peut être un peu différente quelques mois plus tard.

M. Henri-Paul Rousseau: Oui.

L'hon. Lorne Nystrom: Je voulais que nous parlions un peu de votre banque vis-à-vis des propositions de fusion de la Banque de Montréal et de la Banque Royale. Où se situent vos actifs et où se situent les leurs?

M. Henri-Paul Rousseau: Pour l'instant, le chiffre d'affaires annuel de la Banque Royale est équivalent à l'ensemble des actifs de la Banque Laurentienne. Voilà qui répond à votre question. Les banques en question sont 40, 50, voire 60 fois plus grosses que nous. Nos actifs sont de 13 milliards de dollars. Nous gérons en outre 13 milliards de dollars pour d'autres, car nous faisons de la gestion de biens. Ces deux banques sont déjà beaucoup plus grosses que nous et nous sommes donc confrontés à une concurrence 20 ou 40 fois...

En ce qui nous concerne, nous vivons dans un monde où la concurrence est nettement plus grosse que nous. Et vous savez, si cette fusion est autorisée, la banque résultante sera plus grosse encore. Nous sommes déjà un petit acteur et nous ne pouvons pas nous permettre de l'être davantage. Donc, pour ce qui est des tailles relatives, tout cela est question de... Nous avons déjà adopté une stratégie de petit joueur. Nous nous sommes réservé un créneau en fonction duquel nous déterminons nos interventions. Nous ne pouvons pas nous attaquer aux grosses banques de la même façon, car nous sommes trop petits.

L'hon. Lorne Nystrom: Que signifie cette fusion, pour vous? Pourrait-elle vous rendre la vie plus difficile ou est-ce sans importance? Ces deux banques sont déjà grosses et la banque résultante le sera plus encore. Ce que je veux dire, c'est que...

M. Henri-Paul Rousseau: Cela dépendra en grande partie de ce qui découlera des fusions. Par exemple, si les fusions sont approuvées suivant une approche marquée par l'adoption d'un grand nombre de règlements et si les banques deviennent en fait des services publics, je dirais qu'étant donné le nombre de nouveaux règlements auxquels nous devrons nous plier... En fait la question qu'il faudra se poser sera la suivante: «Quelle taille minimale une banque devra-t-elle avoir pour être considérée comme étant un service public dans ce secteur d'activités?» Et je n'ai pas la réponse.

• 1030

D'un autre côté, si l'on approuve les fusions de ces banques, si l'on adopte de nouvelles règles du jeu en matière de capacité de fusion, si les organismes de réglementation et le bureau exigent qu'elles désinvestissent une partie de leurs avoirs dans certains secteurs et si nous pouvons en récupérer une partie, nous pourrons alors transformer toute cette opération en véritable occasion commerciale.

Encore une fois, je vous rappelle que nous occupons un certain créneau et que nous devons toujours nous comporter comme un petit joueur sur le marché. À cause de cela, cette fusion ne sera pas sans conséquence pour nous. Mais tout dépendra davantage de la réaction sur le plan de la politique publique que de la fusion elle-même. C'est cela qui sera déterminant.

L'hon. Lorne Nystrom: Tout à l'heure, j'ai demandé au représentant de la Sun Life de réagir à l'idée voulant qu'une banque puisse être trop grosse pour faire faillite. Si la nouvelle banque, beaucoup plus grosse, faisait tout de même faillite, cela aurait des conséquences véritables sur le reste de l'industrie. Est-ce que cette situation ne confère pas à la nouvelle banque un avantage déloyal sur le plan de la concurrence? Le public s'attendrait à ce que, la nouvelle banque étant trop grosse, le gouvernement intervienne pour empêcher sa faillite en lançant une opération de sauvetage ou en permettant une prise de contrôle par des intérêts étrangers. On pourrait donc se demander s'il ne serait pas plus sûr de traiter avec ce genre de mégabanque qu'avec vous. Si vous deviez faire faillite, ce serait un désastre, mais ce ne serait pas la fin du monde pour le pays. Est-ce que cela ne confère pas un avantage déloyal aux grosses institutions financières, parce que les règles du jeu finalement ne seraient plus équitables?

M. Henri-Paul Rousseau: Oui et non. Je pense que ce problème existe déjà. La fusion ne fera que l'aggraver de façon marginale. Il existe déjà des grosses banques et je serais très surpris que le gouvernement canadien permette à l'une d'entre elles de faire faillite. Donc, ce genre de problème existe déjà.

Comment s'en accommode-t-on à l'heure actuelle? Eh bien, tout passe par l'assurance-dépôts. Le système d'assurance-dépôts au Canada existe précisément pour s'assurer qu'outre la taille des opérations financières des banques, les clients disposent d'une protection minimale dans leurs transactions avec des institutions financières, et c'est cela qui compte par-dessus tout. S'il fallait supprimer cette règle ou la modifier et ne plus disposer de l'assurance-dépôts, on créerait alors une grande iniquité dans le système. Si l'on a adopté la politique relative à l'assurance-dépôts au Canada, c'est précisément pour éviter le genre de problème que vous venez d'énoncer.

L'hon. Lorne Nystrom: Mais que se passerait-il au juste? Vous comparaissez ce matin devant nous en qualité de pdg d'une banque, eh bien, dites-nous ce qui se passerait en cas de catastrophe financière à la suite de la faillite d'une mégabanque.

M. Henri-Paul Rousseau: Les banques sont très réglementées. Nous devons régulièrement remettre des rapports à la Banque centrale et au gouvernement fédéral par l'intermédiaire du BSIF. Les consommateurs canadiens sont très bien protégés, car ce genre de données est communiqué presque quotidiennement. C'est précisément pour cette raison que les organismes de réglementation interviennent très rapidement dès que des institutions financières ont des problèmes.

Dans le type de scénario que vous évoquez, il semble que la faillite soit une surprise pour tous. Or, cela ne s'est jamais produit. Dans le passé, les faillites se sont toujours produites à l'issu de tout un processus durant lequel le gouvernement fédéral est intervenu pour se porter au secours de la banque, par le biais de notre système d'assurance-dépôts. Regardez ce qui s'est passé dans le domaine des sociétés de fiducie au début des années 80.

L'hon. Lorne Nystrom: J'aurais une dernière question à vous poser. Dans le Globe and Mail de ce matin, que je n'ai pas ici avec moi, Matthew Barrett nous menace presque en disant que si les fusions ne sont pas approuvées, il y aura des pertes d'emplois, que des succursales seront fermées et ainsi de suite. Sont-ce là de simples effets de manches par quelqu'un qui aime gesticuler ou pensez-vous qu'il dit la vérité? Je me demande si vous-même ou vos collègues pourriez réagir à cela.

M. Henri-Paul Rousseau: Vous savez, je n'aime pas trop commenter ce que les autres disent. Tout ce que j'aurais à dire à ce sujet, monsieur, c'est qu'il s'agit là d'une façon d'envisager le problème des fusions, mais ce qui compte par-dessus tout...

L'hon. Lorne Nystrom: Mais c'est une véritable menace, n'est-ce pas?

[Français]

Est-ce qu'on menace le Parlement du Canada?

[Traduction]

M. Henri-Paul Rousseau: Monsieur le président, je ne réagirai pas à cela.

Le vice-président (Nick Discepola): La SADC propose de passer à un système de primes fondées sur le risque, pour l'assurance-dépôts. Ainsi, si une petite institution présente un risque élevé, ses primes seront quasiment doublées par rapport aux autres. Que pensez-vous de cela?

M. Henri-Paul Rousseau: En théorie, le concept est excellent et, dans la pratique, comme pour les autres règles que nous avons énoncées, nous pourrons toujours nous accommoder de cette nouvelle règle. Toutefois, mieux vaut se garder de jouer le malin.

• 1035

La SADC a pour mission de veiller à ce que tout arrivant ou tout petit acteur accroisse le niveau de concurrence sur le marché. Si vous cherchez à contourner la difficulté en imposant un système de primes constituant un obstacle à la croissance, vous n'obtiendrez pas les résultats recherchés. Effectivement, il est toujours bon de pouvoir jouer sur les primes plutôt que sur la qualité des actifs et ainsi de suite; c'est prudent. D'un autre côté, vous devrez vous assurer que... Comment dire...

[Français]

qu'on ne jette pas le bébé avec l'eau du bain.

[Traduction]

Le vice-président (M. Nick Discepola): C'est ça, qu'on ne jette pas le bébé avec l'eau du bain.

[Français]

Merci infiniment, monsieur Rousseau. Malheureusement, on a une contrainte de temps étant donné qu'il y a un vote possible. Nous aimerions vous remercier de votre témoignage. Notre décision sera plus facile grâce à des personnes comme vous, mais c'est quand même une décision très difficile. Je crois que nous allons la prendre d'ici peu, et nous aimerions vous remercier de votre témoignage de ce matin.

M. Henri-Paul Rousseau: Merci, monsieur le président. Merci, mesdames et messieurs.

Le vice-président (M. Nick Discepola): Je demanderais maintenant à M. Robert Astley de se présenter à l'avant s'il est ici.

Chers collègues, il nous reste environ 40 minutes. Vous voulez qu'on suspende pour une minute? D'accord.

• 1036




• 1038

[Traduction]

Le vice-président (M. Nick Discepola): Je suis à présent heureux d'accueillir M. Robert Astley, représentant du groupe La Mutuelle du Canada. Malheureusement, monsieur Astley, nous allons devoir quitter nos sièges pour un vote ou deux en Chambre. Nous serons sans doute prévenus par une sonnerie une demi-heure avant, ce qui veut dire qu'il nous reste une quarantaine de minutes. Donc, si vous voulez commencer par votre exposé d'une dizaine de minutes, cela nous laisserait une trentaine de minutes pour les questions. Cependant, je me montrerai souple, selon l'heure exacte de l'appel au vote. Donc, la sonnerie que vous entendrez sera notre appel à aller voter.

Je vous souhaite donc la bienvenue et je vous invite à commencer sans tarder.

M. Robert Astley (président-directeur général, Mutuelle du Canada): Très bien. Merci, monsieur le président.

Je me nomme Bob Astley et je suis président-directeur général de la Mutuelle du Canada, principale compagnie du Groupe La Mutuelle. Nous nous réjouissons de l'occasion que vous nous donnez de prendre la parole devant vous ce matin. Je suis accompagné de M. Dick Biehler, vice-président des opérations pour Ottawa et de M. Frank Bomben, directeur des relations avec le gouvernement.

Je vais essayer d'être bref, monsieur le président, afin de vous laisser un maximum de temps pour les questions. Cependant, je pense qu'il serait utile de consacrer une trentaine de secondes à une présentation rapide du Groupe La Mutuelle. Tout d'abord, il faut dire que La Mutuelle du Canada a été constituée en tant qu'assureur mutualiste il y a 128 ans, dans la petite ville de Waterloo, en Ontario, où nous avons toujours notre siège social. Nous servons à présent deux millions de Canadiens et de Canadiennes et quelque 5 000 entreprises. Nous sommes le deuxième plus gros assureur au Canada, sur la base des opérations canadiennes. Nous sommes, d'ailleurs et surtout une société canadienne. Nous conduisons près de 85 p. 100 de nos opérations au Canada. Je noterai au passage qu'en décembre 1997, La Mutuelle a été la plus grosse compagnie d'assurances mutuelle à annoncer son intention d'obtenir de ses souscripteurs l'autorisation de se démutualiser.

Passons maintenant à la question du groupe de travail qui nous intéresse tous. Le Groupe La Mutuelle a appuyé la mise sur pied d'un groupe de travail, y voyant un moyen efficace de dresser un cadre d'avenir pour le secteur des services financiers au Canada. Nous avons participé aux consultations et nous avons hâte de passer aux étapes suivantes. Le Groupe La Mutuelle appuie l'essentiel du rapport. Nous avalisons les quatre thèmes autour desquels ont été articulées les 124 recommandations.

• 1040

Je compte vous entretenir aujourd'hui brièvement de quelques aspects de ce rapport. D'abord, je vais vous parler des recommandations auxquelles j'estime qu'il conviendrait de donner suite immédiatement, avant de passer à d'autres aspects qui exigent encore des consultations et un examen plus poussé.

Je vais brièvement vous entretenir de cinq questions qui, selon moi, nécessitent une attention immédiate. La première est celle de la démutualisation.

Le rapport du groupe de travail MacKay est tout à fait favorable à la démutualisation et les auteurs invitent le gouvernement à apporter très rapidement une touche finale au régime afin de le mettre en place et de passer à la démutualisation. Je dois dire que, dans le cas de La Mutuelle du Canada, cela profitera à quelque 900 000 souscripteurs canadiens.

La Mutuelle et les trois autres grandes mutuelles d'assurance-vie ont coopéré avec les représentants fédéraux pour définir le cadre de travail du processus de démutualisation. Comme vous le savez, une ébauche de règlement a été publiée au mois d'août dernier. Depuis cette époque, La Mutuelle a tenu de vastes consultations auprès de ses titulaires de polices pour les renseigner sur la démutualisation en leur envoyant des lettres, en installant des lignes téléphoniques sans frais, en mettant sur pied un site Web interactif, en tenant 12 réunions avec nos souscripteurs partout au Canada et en commandant un projet de recherche à la firme Angus Reid. Nous avons remis des sommaires de tout cela au BSIF, l'organisme de réglementation, dont les réactions positives nous ont réjouis.

Nous considérons qu'il est urgent que le gouvernement fédéral adopte la réglementation finale et apporte les changements mineurs à la loi qui permettront de mettre ce processus en place. Tout cela sera très profitable pour les titulaires de police et pour l'ensemble des Canadiens et des Canadiennes. Nous estimons que ce processus pourrait et devrait être lancé avant la fin de 1998, autrement dit que l'on devrait, d'ici là, apporter une touche finale au règlement et modifié la Loi sur les sociétés d'assurances sur un plan technique.

Passons au deuxième point, soit celui des règles de propriété, dont il est question dans le rapport du groupe de travail MacKay.

Nous sommes globalement d'accord avec le régime de propriété proposé pour les institutions financières, notamment avec le remplacement de la règle des 10 p. 100 par une règle des 20 p. 100, et par l'adoption d'un régime commun à toutes les institutions financières, fondé sur l'importance des avoirs propres.

Pour ce qui est des assureurs démutualisés, nous sommes d'accord pour les mettre à l'abri des prises de contrôle hostiles ou des propositions de fusion pendant une période de transition de trois ans. Cette proposition concorde avec le projet de règlement publié en août.

Cependant, nous ne sommes pas d'accord avec la recommandation MacKay visant à permettre des de fusions volontaires pendant la période de transition de trois ans. Dans la pratique, les offres de fusion peuvent être aussi coercitives que les offres de prise de contrôle. Nous estimons que les compagnies démutualisées ne devraient pas avoir à se défendre pendant la courte période de transition.

Le troisième point dont je veux vous parler concerne l'abolition de l'impôt sur le capital des institutions financières. Nous apportons tout notre appui à cette recommandation voulant qu'on élimine les taxes sur le capital. Il convient de remarquer que les institutions financières paient environ 20 p. 100 de toutes les taxes perçues sur le capital ainsi que de l'impôt fédéral sur le revenu, alors qu'elles réalisent moins de 6 p. 100 des bénéfices des sociétés, ce qui constitue donc un fardeau très lourd. Ainsi, le système actuel favorise une augmentation des coûts des produits et des services que doivent assumer les clients, il décourage les institutions de conserver des capitaux et il accroît les coûts correspondant aux capitaux existants.

Quatrièmement, parlons de l'accès au système de paiements. En bref, nous apportons notre appui à cette recommandation visant à permettre aux assureurs de devenir membres du système des paiements canadien. Pour nous, l'accès à ce système est très important pour que toutes les institutions financières puissent répondre aux besoins croissants de leurs clients.

Enfin, parmi toutes les questions à propos desquelles j'estime qu'une intervention immédiate s'impose, on retrouve celle des régimes d'assurance destinés à protéger les consommateurs. Nous sommes d'accord avec le fait qu'il conviendrait de placer la SADC et la SIAP sur un pied d'égalité, car l'actuel niveau de garantie offert par le gouvernement, par le biais de la SADC, rassure davantage les clients des institutions de dépôt. Nous invitons donc le comité à recommander au gouvernement d'adopter l'un ou l'autre de ces deux modèles et de demander rapidement la tenue de consultations afin d'en choisir un et de le mettre en oeuvre.

• 1045

Cela étant, monsieur le président, permettez-moi d'aborder très rapidement deux questions qui nécessitent un examen plus approfondi ou d'autres consultations. Je veux parler de la vente au détail d'assurances dans les succursales bancaires.

Nous estimons qu'il est trop tôt pour mettre en oeuvre la recommandation du groupe de travail visant à étendre aux succursales d'institutions de dépôt la possibilité de vendre de l'assurance au détail. Il faudra du temps avant qu'on ressente les effets positifs des changements qu'on se propose d'apporter à la SADC et à l'accès au système de paiement. Il existe encore un important déséquilibre sur le plan concurrentiel entre les assureurs et les institutions de dépôt, à cause de l'envergure des grandes institutions de dépôt et de la concentration des marchés, qui leur est favorable. Nous sommes d'accord avec la recommandation voulant que les régimes proposés relativement aux ventes liées coercitives, à la protection de la vie privée des clients et aux conditions requises pour l'agrément des intermédiaires doivent constituer des conditions préalables à tout changement devant être apporté au cadre actuel.

Je terminerai sur un sujet qui devrait faire l'objet davantage de consultations, je veux parler de l'accroissement du pouvoir des consommateurs. Nous sommes évidemment tout à fait d'accord avec la nécessité de mieux renseigner les clients à propos des transactions, des produits et des services financiers. Cela fait partie de notre travail. Nous appuyons en principe l'idée que les sociétés doivent agir en citoyens responsables, qu'elles doivent rendre des comptes et adopter des règles de conduite impeccables.

Toutefois, nous ne sommes pas d'accord avec l'adoption éventuelle d'autres règlements et mesures de conformité destinées à légiférer le comportement des sociétés. Les institutions financières sont déjà parmi les organismes les plus réglementés au pays. Les propositions contenues dans le rapport MacKay, même si elles obéissent à une bonne intention, seraient lourdes et coûteuses, et elles ne donneraient pas forcément lieu à une meilleure prise en compte de l'intérêt du public. Nous croyons que l'autoréglementation et la collaboration avec des groupes de clients, qui nous ont permis de réaliser beaucoup au cours des dernières décennies, sont en fait les meilleurs moyens d'assurer la conformité et de favoriser la concurrence et l'innovation sur le marché.

Pour conclure, monsieur le président, je dirais que, dans l'ensemble, La Mutuelle est heureuse de l'orientation du rapport MacKay. Il nous procure à tous un excellent point de référence et un guide précieux pour l'important débat d'ordre public qui s'ensuivra et grâce auquel les Canadiennes et les Canadiens obtiendront un secteur des services financiers qui sera concurrentiel, novateur, sûr et adapté à leurs besoins.

Merci de m'avoir donné l'occasion de vous entretenir de ces questions, monsieur le président. Je serai très heureux de répondre à vos questions.

Le vice-président (M. Nick Discepola): Merci beaucoup, monsieur Astley.

Je donne très rapidement la parole à M. Forseth pour ses questions. Nous commencerons par une première série de questions de cinq minutes. Allez-y.

M. Paul Forseth: Merci.

En page 4 de votre mémoire, sous le titre «La vente au détail d'assurance dans les succursales bancaires», vous dites:

    Le groupe de travail a correctement identifié les grandes questions d'intérêt public qui doivent être prises en considération avant de modifier [...] Les régimes proposés en ce qui concerne les ventes liées coercitives, la protection de la vie privée des clients et les conditions requises pour l'agrément des intermédiaires devraient être mis en place avant de donner suite à tout changement recommandé aux règles actuelles en matière de vente au détail d'assurance dans les succursales bancaires. Ces régimes doivent être structurés de manière à pouvoir être gérés et mis en application.

Vous avez certainement beaucoup pensé à cela. Avez-vous une idée de la façon dont ce régime fonctionnerait surtout en ce qui concerne leur mise en application? Comment cela fonctionnerait-il, selon vous?

D'autres témoins nous ont parlé de normes de formation et d'accréditation. Intervient également la question de la gestion d'un tel régime à terme de deux ou trois ans. On pourrait faire beaucoup tout de suite, on pourrait faire des promesses et donner l'impression que les règles du jeu sont équitables, mais comment conférer un caractère exécutoire à tout cela et apporter les assurances nécessaires afin que tout ce que l'on prévoit dès le début se produise effectivement dans quatre, cinq ou six ans d'ici? Pouvez-vous nous faire part de ce que vous avez entrevu en matière d'application de la loi?

M. Robert Astley: Vous venez de mettre le doigt sur un problème très important: il est toujours possible d'adopter des lois, mais leur application au niveau de chaque transaction risque de ne pas toujours être aussi transparente ou réalisable qu'on le souhaiterait.

• 1050

Personnellement, j'estime qu'il est essentiel qu'on tienne des consultations sur les éventuels régimes de protection de la vie privée, régimes qui interdiraient les ventes liées coercitives par des institutions offrant couramment des services financiers.

Il faudra aussi se doter de mécanismes de recours pour les consommateurs et de mécanismes de sanctions pour les institutions. Dans le domaine des ventes liées coercitives, on pourrait beaucoup trop facilement tomber dans le travers des sous-entendus et des présomptions susceptibles d'avoir des répercussions sur les clients, et cela est très difficile à réglementer. Voilà pourquoi je soutiens qu'une des conditions préalables nécessaires ne consiste pas simplement à mettre en oeuvre des lois de façon théorique, mais à inviter les institutions à participer à la création du système, au cadre qui sera instauré et à l'information des clients.

M. Paul Forseth: Mais qui dire alors de la formation continue et de l'accréditation? Les gens de l'assurance multirisques sont spécialisés, les assureurs-vie possèdent des titres de compétence et ils sont régulièrement accrédités. Comment, selon vous, les choses devraient-elles se passer dans les succursales bancaires pour s'assurer que les règles du jeu seront équitables?

M. Robert Astley: Nous insisterions sur le fait que tout intermédiaire offrant des services financiers suive une formation appropriée.

Les normes de compétence, dans le cas particulier de la vente de produits d'assurance et de titres, seraient les normes provinciales qui devraient s'appliquer de la même façon à tous les distributeurs, à tous les intermédiaires, sans égard au genre d'institutions financières pour lesquelles ils travaillent. C'est là un aspect très important. Par ailleurs, à l'échelle du pays, nous jugeons essentiel d'adopter des normes communes de compétence et d'agrément pour l'industrie des services financiers, pour tous les produits qui sont essentiellement les mêmes aux yeux des clients.

M. Paul Forseth: J'ai une dernière question à poser.

En page 3, vous parlez de l'abolition de l'impôt sur le capital des institutions financières et vous dites très clairement: «Le groupe La Mutuelle appuie la recommandation 44 b) i) du rapport qui recommande l'abolition des taxes spéciales sur le capital des institutions financières.» Vous poursuivez ainsi: «Le système actuel d'imposition arbitraire du capital des institutions financières a plusieurs effets négatifs.»

Pourriez-vous nous dire où nous nous situons sur ce plan dans le contexte international? Comment le Canada se compare-t-il aux autres et s'agit-il là d'un frein important à notre développement économique? Est-il problématique, pour le Canada, que les autres pays ne l'imposent pas?

M. Robert Astley: Je ne suis pas expert en matière de fiscalité internationale des compagnies d'assurances, surtout des régimes propres à d'autres pays, mais je crois que le régime d'imposition du capital au Canada est sensiblement plus lourd que les régimes en vigueur dans la plupart des autres pays. En fait, l'imposition du capital des institutions financières n'est en vigueur au Canada que depuis sept à dix ans.

Pour l'heure, en cette période où le climat économique est favorable, le niveau minimum d'imposition du capital d'institutions comme la mienne est relativement élevé. Cependant, comme la conjoncture économique est favorable, le groupe La Mutuelle paie davantage d'impôts sur ses profits que le minimum de taxes sur le capital. Toutefois, si nous devions revenir en récession et si les institutions financières n'enregistraient plus les mêmes bénéfices qu'à l'heure actuelle, ces taxes sur le capital deviendraient un véritable fardeau.

Pour en revenir à la comparaison avec ce qui se fait dans le reste du monde, je suis certain que mes collègues de l'Association canadienne des compagnies d'assurance de personnes pourraient vous donner davantage de détails pour dresser une comparaison à l'échelle internationale, mais, personnellement, je dirais qu'en période de récession, les taxes sur le capital sont beaucoup trop onéreuses et qu'elles entravent le fonctionnement du système financier.

M. Paul Forseth: Merci, monsieur le président.

[Français]

Le vice-président (M. Nick Discepola): Je demanderais à M. Loubier de poser ses questions.

M. Yvan Loubier: J'ai quatre questions à poser à nos témoins.

Premièrement, je reviens à la question de M. Forseth sur les ventes d'assurances en succursale bancaire. À la page 4 de votre exposé, vous dites que ça pourrait être prématuré, mais vous n'êtes pas en profond en désaccord sur la possibilité qu'un jour, avec le décloisonnement des institutions financières et avec les propositions faites par le rapport MacKay, entre autres, mais aussi par d'autres au Canada, on se retrouve dans une situation où les banques canadiennes vendent de l'assurance.

• 1055

Deuxièmement, étant donné vos préoccupations, êtes-vous au courant de l'existence de la Loi 188, au Québec, qui encadre bien toute la question de la protection du consommateur grâce à un bureau de surveillance qui impose des sanctions en cas de non-conformité ou dans des cas où l'intérêt du consommateur a été bafoué par des ventes liées ou autrement? Savez-vous aussi qu'il y a des exigences assez serrées concernant la formation professionnelle des courtiers d'assurance? Donc, est-ce que vous êtes au courant de l'existence de cette loi-là et, si oui, qu'est-ce que vous en pensez par rapport à ce que vous vivez dans votre industrie?

J'aurai deux autres questions à vous poser tout à l'heure.

[Traduction]

M. Robert Astley: Merci.

Nous sommes effectivement d'avis qu'il est prématuré de permettre la vente d'assurance par les succursales bancaires et l'utilisation des renseignements sur les clients, mais comme personne ne peut prédire de quoi l'avenir sera fait, ce que seront les exigences des clients ni la façon dont la structure du secteur des services financiers évoluera, je ne peux affirmer que le gouvernement fédéral ne devrait jamais adopter une telle mesure.

Je note que selon la structure actuelle du secteur des services financiers, les pouvoirs économiques sont fortement concentrés au niveau des grandes banques, des grandes institutions de dépôts. Nous sommes conscients que les problèmes de vente liée coercitive, de protection des renseignements personnels et des conditions requises pour l'agrément des intermédiaires sont très importantes en ce qui concerne les consommateurs. Voilà donc les éléments que nous jugeons importants.

Je n'estime pas pour autant qu'il faudrait automatiquement modifier ce régime à une date prédéterminée, mais je dis qu'il est impossible de savoir de quoi sera fait l'avenir à très long terme.

La deuxième partie de votre question concerne la loi 188 au Québec, que mes collaborateurs et moi-même connaissons effectivement. Elle a permis de répondre à certains des problèmes qui se posaient, mais je crois savoir qu'elle ne traite pas tous les enjeux que nous avons cernés. Elle est un grand pas dans le sens d'un règlement des préoccupations et des problèmes constatés, mais elle est loin d'instaurer un régime entièrement concurrentiel accordant les mêmes droits à tous les acteurs ainsi qu'un traitement équitable du consommateur.

L'un des problèmes fondamentaux auxquels on a affaire est celui de l'utilisation de renseignements personnels pour des fins autres que celles initialement prévues. Dans le cas particulier qui nous intéresse, les institutions de dépôt ont accès à de vastes quantités d'informations personnelles sur chaque client et l'utilisation abusive, réelle ou potentielle, de ce genre d'informations a de quoi nous préoccuper.

C'est un domaine sur lequel il faut de se pencher. Nous savons que les Canadiennes et les Canadiens sont très préoccupés par la protection des renseignements personnels.

[Français]

M. Yvan Loubier: Monsieur Astley, comment pouvez-vous dire que la Loi 188 n'a pas réglé tous les problèmes, alors que c'est à l'usage qu'on voit si une loi règle certains problèmes ou non et que cela fait seulement cinq mois que la Loi 188 est en application?

À première vue, ce que je vois, c'est que dans la Loi 188, il y a tout ce qu'il faut pour la protection du consommateur et la surveillance de l'évolution des différents acteurs sur le marché de l'assurance. Il y a aussi un système de sanctions qui est prévu en cas de non-conformité. Il y a des exigences professionnelles de part et d'autre, qui, du côté des courtiers de Desjardins, sont équivalentes aux exigences professionnelles normales qu'on trouve ailleurs. Comment pouvez-vous affirmer que ce modèle ne pourrait pas être applicable ailleurs au Canada, alors qu'à première vue—on y verra mieux à l'usage, au cours des prochaines années—tous les problèmes que vous avez mentionnés semblent trouver une réponse dans la Loi 188?

• 1100

[Traduction]

M. Robert Astley: Monsieur Loubier, comme vous venez de le dire, la Loi 188 n'est entrée en vigueur qu'il y a cinq mois. Elle représente une approche exhaustive et elle comporte de nombreux aspects valables, mais je n'en pense pas moins que rien encore n'a été prouvé ni testé à l'échelon du consommateur. En outre, elle ne visait pas tous les acteurs du marché québécois. Il nous reste à voir, dans l'ensemble du pays et au Québec en particulier, comment ce régime va fonctionner avant de pouvoir affirmer s'il est efficace ou pas. Je comprends tout à fait ce que vous voulez dire.

[Français]

M. Yvan Loubier: Je préfère votre deuxième réponse. J'aimerais poser une autre question, si vous me le permettez, monsieur le président.

Dans votre mémoire, à la page 2, vous dites en ce qui concerne les règles de propriété:

    Nous ne nous opposons pas à la recommandation de remplacer la règle des 10% par une règle des 20% à 45% selon l'importance des capitaux propres.

Vous savez qu'avec les négociations de l'Accord de libre-échange nord-américain, il y a eu une règle qui a existé jusqu'à tout récemment, la règle de 25 p. 100. La règle de 25 p. 100 disait que des étrangers ne pouvaient détenir plus de 25 p. 100 de la propriété d'une institution financière canadienne. À l'heure actuelle, le seul rempart qui nous reste quant à la protection face au contrôle étranger, c'est la règle de 10 p. 100.

M. MacKay dit qu'il faut laisser tomber la règle de 10 p. 100 pour les institutions qui ont des capitaux propres évalués à entre 1 milliard et 5 milliards de dollars. Ne croyez-vous pas qu'on favoriserait, par l'entremise de cette ouverture-là, le contrôle étranger sur les institutions financières canadiennes de moyenne envergure?

Deuxièmement, j'aimerais que vous justifiiez davantage votre appui à la recommandation 44 du rapport MacKay quant à l'abolition de l'impôt sur le capital des institutions financières. Cela rapporte quelques centaines de millions de dollars par année. Que suggérez-vous au gouvernement fédéral comme mesure compensatrice pour les pertes de revenu générées par l'abolition de la taxe? On peut comprendre que la taxe sur le capital peut créer des distorsions et influencer de la mauvaise façon les décisions des entrepreneurs, mais il faut suggérer quelque chose en contrepartie, me semble-t-il.

[Traduction]

M. Robert Astley: Pour ce qui est de votre première question, à propos du régime de propriété des grandes institutions financières et de la question de la propriété étrangère, l'actuelle règle de 10 p. 100 permet de s'assurer que nos grandes institutions financières canadiennes demeureront essentiellement sous le contrôle d'intérêts canadiens et seront gérées par des Canadiens. Le groupe de travail MacKay a estimé que c'était là un objectif d'intérêt public valable.

Quant à moi, le remplacement de la règle de 10 p. 100 par une règle de 20 p. 100, sous réserve de l'approbation du ministre—proportion pouvant aller jusqu'à 45 p. 100 pour l'ensemble des actionnaires—ne modifierait pas cette réalité et ne donnerait pas lieu à une prise de contrôle des grandes institutions financières par des intérêts extérieurs. En revanche, elle favoriserait la conclusion d'alliances plus créatives, la réalisation de transactions transfrontières et ce genre de chose. Donc, dans l'ensemble, je suis d'accord avec l'assouplissement de cette règle. Je ne pense pas qu'elle puisse menacer la réalisation de l'objectif de politique gouvernementale visant à assurer le contrôle canadien des grandes institutions financières.

S'agissant des institutions qu'on qualifierait de moyennes—autrement dit celles ayant des avoirs propres se situant entre un milliard et 5 milliards de dollars, catégorie, je dois préciser, à laquelle appartient La Mutuelle du Canada—le régime proposé par M. MacKay est très logique car il confère une certaine souplesse sous réserve du respect de la règle de propriété publique fixée à 35 p. 100. Il permet la réalisation d'alliances avec d'autres institutions, canadiennes ou étrangères, avec des assureurs ou avec d'autres genres d'institutions financières, qui seront peut-être nécessaires et appropriées dans l'avenir afin de permettre à des institutions comme la mienne ou à d'autres sociétés de taille comparable d'être concurrentielles et présentes sur le marché.

Voilà ce que je pense, mais je ne sais pas si j'ai entièrement répondu à votre question.

• 1105

Vous vouliez que je vous parle également de l'impôt sur le capital et que je vous dise si le gouvernement devrait faire quelque chose afin de récupérer les recettes qu'il risquerait de perdre ainsi. Eh bien, la réponse consisterait peut-être à évaluer de façon efficace le véritable profit économique des institutions financières. C'est tout à fait possible. Le ministère des Finances a d'ailleurs réalisé de grands progrès à cet égard au cours des dernières années.

On en est venu à adopter l'impôt sur le capital notamment parce que le ministère des Finances n'était pas satisfait des mesures de rentabilité des entreprises. Je pense qu'on a beaucoup fait pour régler ce genre de problème. Nous estimons, essentiellement, que la plupart des impôts devraient être fondés sur le revenu des entreprises.

[Français]

M. Yvan Loubier: Monsieur Astley, étant donné que le secteur financier est un secteur en évolution constante, qui demande et qui va demander de plus en plus de capitalisation et d'investissement dans la haute technologie, etc., ne croyez-vous qu'avec toute la question des impôts reportés, même avec le meilleur calcul des profits, les sociétés comme la vôtre ne paieront jamais d'impôt au gouvernement fédéral? Même si on établissait la meilleure mesure de profit au monde, ça ne fonctionnerait pas. Je trouve que votre argument est un peu biaisé, tout comme l'impôt sur le capital peut l'être.

[Traduction]

Le vice-président (M. Nick Discepola): Voulez-vous répondre monsieur Astley, mais brièvement s'il vous plaît?

M. Robert Astley: Je ne suis pas d'accord avec cela. J'estime que le fisc pourrait fort bien trouver une méthode d'imposition des compagnies d'assurances ou des autres institutions financières, qui soit équitable, adaptée et qui tienne compte de l'activité économique réelle.

Il est vrai que notre secteur change, il évolue et nous devrons continuer de nous tenir à jour. Toutefois, j'estime que le fisc pourrait évoluer lui aussi, à l'instar de la profession comptable qui fixe de nouvelles règles en matière de divulgation publique des résultats réels des institutions financières.

Partant, je préconiserais l'adoption d'un régime d'impôt sur le revenu des entreprises pour remplacer l'impôt sur le capital qui comporte des éléments dissuasifs.

Le vice-président (M. Nick Discepola): Merci, monsieur Astley.

Je vais maintenant demander à M. Szabo de poser ses questions.

M. Paul Szabo (Mississauga-Sud, Lib.): Merci, monsieur le président, et merci à vous, monsieur Astley, pour votre exposé.

Au début de nos audiences, il y a quelques semaines, nous avons accueilli des représentants de la Great-West, qui nous ont avoué sans ambages leurs craintes de devoir livrer concurrence aux banques suivant des règles du jeu qu'ils ont qualifiées de non équitables. Ils étaient très préoccupés par l'importante perte d'emplois ainsi que les autres effets négatifs qui pourraient découler des fusions de banques et de la vente d'assurance-vie dans les succursales d'institutions financières.

D'un autre côté, M. Stewart de la Sun Life du Canada, dans son exposé de ce matin, nous a résumé essentiellement les principes qu'il défend. Il est favorable à l'instauration d'un marché davantage concurrentiel, offrant plus de choix aux consommateurs. Il a conclu qu'étant donné qu'il appuie ces principes pour le secteur des services financiers, il ne peut pas s'opposer à la fusion des banques ni à la recommandation visant à permettre aux institutions bancaires de vendre des produits d'assurance-vie dans leur réseau de succursales.

Nous voilà donc en présence de deux points de vue opposés exprimés par des représentants d'un même secteur. J'ai cru comprendre de votre intervention que vous penchez davantage pour la position de la Great-West que pour celle de la Sun Life.

Pourriez-vous nous dire quelle crainte vous entretiendriez si l'on permettait aux réseaux de succursale des banques de vendre des produits d'assurance-vie.

M. Robert Astley: Eh bien, je devrais peut-être commencer par réagir aux deux aspects que vous avez soulevés, monsieur Szabo.

S'agissant de la question des fusions de banques, je me suis déjà prononcé contre leur approbation, notamment à cause de la concentration de pouvoirs économiques à laquelle elles donneraient lieu, mais aussi parce que, si les banques se retrouvent aujourd'hui en position privilégiée dans le secteur des services financiers, c'est grâce aux avantages que nos politiques leur ont accordés dans le passé. Nous sommes d'avis qu'il est nécessaire d'égaliser les règles du jeu avant de conférer d'autres avantages aux grandes banques.

• 1110

En outre, je dirais que si les fusions des banques sont approuvées, on ne reviendra pas en arrière; il n'est pas possible de reconstituer les oeufs après avoir fait l'omelette. Les Canadiennes et les Canadiens et le gouvernement du Canada ne pourront pas, dans deux ou trois ans d'ici, se dire qu'ils ont fait une erreur et décider de faire machine arrière; ce ne sera pas possible. Cela étant posé, j'ai soutenu qu'on n'a pas réussi à démontrer le bien fondé de la fusion des banques. Comme je l'ai dit en réponse à d'autres questions, il est impossible de savoir à quoi s'apparentera la structure des services financiers dans cinq ou dix ans d'ici, si bien qu'il ne faut surtout pas dire «fontaine je ne boirai pas de ton eau». Quoi qu'il en soit, nous ne sommes actuellement pas favorables à la fusion des banques.

M. Paul Szabo: Ma dernière question va porter sur une chose à laquelle j'ai beaucoup pensé, et j'aimerais vraiment connaître votre avis à ce sujet. J'ai l'impression qu'il serait très difficile, pour deux grandes entreprises, de préparer une proposition de fusion ou de regroupement sans, d'abord, savoir quelles seront les règles du jeu, à quelles restrictions elles seront soumises, ni quelles conditions leur seront imposées en cas d'approbation. Il me semble logique de procéder dans cet ordre et, bien franchement, je n'ai pas l'impression que les choses vont se dérouler ainsi pour l'instant.

M. Robert Astley: Pour vous parler de ma compagnie, je vous dirais qu'une des plus grandes inquiétudes que nous entretenons à propos de toute transaction ou ensemble d'actions stratégiques, tient à l'incertitude. Si je proposais à mon conseil d'administration d'adopter une certaine orientation stratégique, l'incertitude ou l'absence de certitude de pouvoir passer à l'action dans un délai raisonnable jouerait beaucoup. Je ne peux me mettre à la place des banques à charte et parler en leur nom, mais je sais que cet aspect est très important.

Je conclurais donc à cet égard que si le gouvernement peut disposer de règles claires établissant ce qui sera permis dans telle ou telle condition, tout le monde en ressortira gagnant et ce sera mieux que d'avoir des règles plutôt vagues risquant de donner lieu à des malentendus. Je comprends donc ce genre de préoccupations.

M. Paul Szabo: Merci, monsieur le président.

Le vice-président (M. Nick Discepola): Merci, monsieur Szabo. Je donne maintenant la parole à Mme Redman pour ses questions.

Mme Karen Redman: Merci, monsieur le président. Bienvenue, monsieur.

Pour l'instant, je vais me concentrer sur un point en particulier. Vous avez déclaré, et je suis tout à fait d'accord avec vous, que les 124 recommandations portent sur l'avenir du secteur financier. Eh bien, parlons un instant—et je suis en train de regarder votre sondage Angus Reid de l'Annexe 2—du fait que les principaux intéressés, vos souscripteurs, attendent que vous leur fournissiez des explications. Donc, pour quelles raisons envisagez-vous la démutualisation?

M. Robert Astley: D'abord et avant tout parce qu'elle servira mieux les intérêts de ces souscripteurs. Je sais que certains ont dit que cela ne semble pas obéir à de nobles principes et être plutôt intéressé, mais ce n'est pas vrai. Depuis 128 ans qu'elle est en affaire, La Mutuelle Vie du Canada a pour mission de servir les intérêts de ses souscripteurs qui sont également les propriétaires de la compagnie. À ce titre, nous avons d'ailleurs adopté plusieurs mesures au fil des ans, et nous avons notamment émis des dividendes spéciaux à nos souscripteurs participants.

Nous en sommes venus à conclure, après des années d'étude et après avoir vu ce qui se passe dans d'autres pays, que le meilleur moyen de servir nos souscripteurs consiste à leur proposer la démutualisation. Cette raison a été la première et la plus importante de toutes. Par ailleurs, nous avons estimé que, compte tenu de l'évolution rapide des services financiers, il serait plus efficace de disposer d'une structure de type actionnariat, souple et apte à réagir rapidement à toute nouvelle conjoncture.

Nous avons donc d'abord voulu servir nos clients, puis nous doter d'une structure nous permettant d'être plus concurrentiels dans l'avenir.

Mme Karen Redman: Le thème récurrent du rapport du groupe de travail MacKay est l'effondrement des quatre piliers, ce qui nous amène à inciter les institutions financières à faire preuve d'un plus grand esprit d'entreprise. Je vous sais gré d'avoir extrait les recommandations qui, selon vous, devraient être mises en oeuvre dans les plus brefs délais.

• 1115

Pensez-vous que le groupe de travail MacKay, que vous soyez d'accord ou pas avec certaines de ses recommandations, soit parvenu à trouver l'équilibre dont le gouvernement a besoin pour qu'on retrouve cet esprit d'entreprise dans tous les secteurs financiers?

M. Robert Astley: Oui, dans l'ensemble. C'est un rapport sérieux. Il a fait l'objet de beaucoup de recherches qu'on retrouve sous la forme des documents d'accompagnement. Cela ne veut pas dire que nous sommes d'accord avec toutes les recommandations. Cependant, dans l'ensemble, nous estimons que le rapport du groupe de travail MacKay représente un juste équilibre et qu'il met bien en relief certains problèmes.

Mme Karen Redman: Je vais vous demander également de me préciser pourquoi vous n'êtes pas d'accord avec une des recommandations du rapport, celle concernant la fenêtre d'opportunité de trois ans pour les prises de contrôle ou les acquisitions amicales. J'ai d'ailleurs trouvé très intéressant qu'on dise que les offres de fusion peuvent être aussi coercitives que des OPA. Je suppose que tout cela nous ramène à la vieille énigme de la vente liée sur laquelle ce comité s'est penché au printemps dernier.

Envisagez-vous des prises de contrôle pacifiques ou des fusions? Je pense ici au groupe La Mutuelle et à la Métropolitaine Vie. Est-ce juste une question de temps? Pourquoi vous opposez-vous à cela?

M. Robert Astley: Il nous faut sans doute vous replacer un peu en contexte. La recommandation du rapport MacKay précise que pendant trois années après la conversion, après la démutualisation, aucune tierce partie ne pourra faire d'offres pour prendre le contrôle de la compagnie. Ainsi, pendant trois ans, la compagnie convertie pourra fonctionner en tant que compagnie à capital-actions autonome cherchant à faire croître ses capitaux propres pour servir ses clients.

Il est également dit que, pendant cette période de trois ans, le conseil d'administration aura la possibilité de proposer une transaction volontaire. Or, nous disons que cela n'est pas réaliste, parce que le conseil d'administration se placerait ainsi dans une position périlleuse. En effet, le conseil d'administration se trouverait dans une situation très délicate si la compagnie proposait, en privé, de verser une prime importante en plus du prix d'action courant, pour faire accepter une transaction de ce genre. Le conseil d'administration serait dans une situation difficile, même si la valeur des actions ne reflète pas entièrement le potentiel de la compagnie. Voilà qui explique notre position.

En outre, pendant la période de trois ans suivant la démutualisation, la compagnie convertie doit retomber sur ses pieds, se frayer un chemin dans le marché et commencer à se comporter en compagnie à capital-actions, ce qu'elle n'a jamais été. Toujours pendant cette période, elle devra s'occuper de bien d'autres choses et nous croyons, tout comme M. MacKay, qu'une compagnie convertie devra disposer d'une certaine période pour se regrouper et être véritablement efficace sur le marché des capitaux.

Mme Karen Redman: Merci.

Le vice-président (M. Nick Discepola): Eh bien, madame Redman, je crois que vous venez de préparer le terrain pour ma question.

M. Rousseau de la Banque Laurentienne estime que de telles prises de contrôle ou de tels regroupements amicaux permettraient d'améliorer la concurrence—concurrence que nous essayons de favoriser, ici au comité. Cela étant, je me demande comment nous pourrions permettre à de telles petites institutions, par exemple... J'estime qu'elles sont les mieux placées pour concurrencer les banques, mais quant à moi, votre proposition visant à imposer un moratoire de trois ans présente justement le risque de freiner cette concurrence.

Vous semblez inflexible à propos de ce délai de trois ans, même pour des prises de contrôle amicales. Qu'est-ce qui vous empêche de chercher à fusionner avec une petite institution? Pourquoi êtes-vous tellement préoccupé par cela? En quoi votre proposition peut-elle stimuler la concurrence, puisque pendant les trois premières années, les banques jouiront d'un quasi-monopole?

M. Robert Astley: Ce qui m'inquiète, en fait, c'est que la démutualisation marquera un changement tellement fondamental pour une compagnie, dans la période suivant immédiatement la conversion, que pendant un certain temps elle devra surtout chercher à être rentable et à devenir une valeur certaine pour ses actionnaires et ses clients.

Le vice-président (M. Nick Discepola): Êtes-vous

[Note de la rédaction: Inaudible] sur cela?

M. Robert Astley: Potentiellement. En accord avec le rapport MacKay, nous estimons que cette période de transition de trois ans est tout à fait appropriée—elle n'est pas trop longue, mais elle n'est pas trop courte non plus au point de ne servir à rien—pour permettre à une compagnie de montrer ce qu'elle peut faire et de consolider sa position sur le marché. Trois ans, ce n'est pas long dans la vie d'un service financier et les compagnies mutuelles converties constituent tout de même un cas un peu spécial.

• 1120

Le vice-président (M. Nick Discepola): Devrait-on aller jusqu'à interdire tous les regroupements même amicaux? Ou au contraire, devrait-on être plus souples?

M. Robert Astley: Nous sommes d'avis que, dans le cas des compagnies mutuelles converties, les fusions amicales devraient être interdites. Par exemple, je m'opposerais à ce qu'on interdise à La Mutuelle, à la Sun Life, à Manuvie ou à Canada-Vie de faire des acquisitions sur le marché américain afin d'y prendre de l'expansion et d'accroître leur valeur. La recommandation du rapport MacKay vise en fait d'éventuelles fusions entre les quatre compagnies mutuelles.

Le vice-président (M. Nick Discepola): Merci beaucoup, je vais demander à M. Valeri de poser son habituelle question brève.

M. Tony Valeri: Effectivement, car ce sont les réponses qui prennent du temps.

Dans votre mémoire, vous affirmez que les recommandations 53 à 111 auraient des conséquences trop lourdes sur le plan de la réglementation. Elles portent sur des éléments qui, selon MacKay, auraient permis d'accroître considérablement le pouvoir du consommateur. Si l'on se dit que, dans l'avenir, les choses seront très différentes, vous conviendrez sans doute qu'on ne peut se contenter du statu quo, comme l'affirme MacKay. Pour lui, le statu quo n'a pas sa place dans l'avenir du secteur des services financiers. Il y a du changement, la démutualisation pointe son nez et il y a bien d'autres choses qui se produisent également. Ainsi, n'y a-t-il vraiment rien que vous trouviez de valable dans les recommandations 53 à 111, pour accroître le pouvoir du consommateur?

M. Robert Astley: Plusieurs aspects de ces recommandations sont déjà visés par les lois et les règlements, sous différentes formes, de même que dans les lignes directrices et les codes de pratique de l'industrie. Il y est notamment question de protection de la vie privée et de vente liée coercitive. J'estimais simplement que nous ne devions pas accepter tout cela en bloc, et continuer comme si de rien n'était. Il faut tenir davantage de consultations. Il nous faut davantage compter sur la collaboration de l'industrie et sur l'adoption de lignes directrices volontaires, et ne recourir à la loi qu'en dernier ressort pour garantir un comportement approprié. Dans ce domaine, la loi est un instrument plutôt grossier, mal adapté aux nuances du quotidien.

On a réalisé beaucoup de progrès sur plusieurs de ces plans et, comme je le disais, il existe déjà des lois. J'inviterais donc à la prudence; je recommanderais d'aller lentement, d'adopter une approche réfléchie dans tous ces domaines et de ne pas se dire qu'a priori tout cela est bon pour le consommateur et qu'il faut tout adopter en bloc. En fait, un grand nombre de ces dispositions ne représenteraient qu'une valeur douteuse pour les consommateurs et feraient grimper les coûts du système.

M. Tony Valeri: Ainsi, vous seriez d'accord pour que le comité recommande une approche de type étapiste au rapport MacKay: autrement dit, qu'on fasse certaines choses, mais qu'on n'aille pas forcément de l'avant en adoptant le rapport dans son intégralité. Cela est contraire à l'avis d'autres personnes qui nous ont déclaré que si l'on n'adoptait pas le rapport dans son intégralité, on le viderait de son sens.

M. Robert Astley: Nous serions tout à fait d'accord avec une approche de type étapiste, qui nous paraît très logique. Il y a lieu d'agir très rapidement, mais d'autres éléments, qui méritent plus d'étude, ne sont pas opportuns.

M. Tony Valeri: Le problème auquel notre comité est confronté très souvent tient au fait que, pour les particuliers qui témoignent devant nous, la protection du consommateur doit constituer la première étape. Ils nous disent: «si vous voulez faire quelque chose, assurez-vous au moins que le consommateur sera protégé avant d'apporter les changements envisagés». Or, vous soutenez que le genre de loi recommandée viendrait, en quelque sorte, entraver l'innovation et empêcher l'industrie d'être concurrentielle. Tout cela est un peu problématique pour nous.

M. Robert Astley: Certes, mais je recommande en fait de rechercher l'équilibre. J'estime que les compagnies doivent déjà respecter un grand nombre de mesures très importantes de protection du consommateur, comme les codes de conformité volontaires énoncés par les associations industrielles, les lois dans certains domaines et les normes régissant l'émission de permis, la formation et tout ce qui touche à la compétence. C'est pour cela que nous recommandons de rechercher le bon équilibre. Nous avons l'impression qu'on veut aller trop vite dans la partie du rapport MacKay traitant de l'accroissement du pouvoir des consommateurs, car la loi est un instrument beaucoup trop grossier pour parvenir à cette fin.

• 1125

M. Tony Valeri: Avez-vous le même sentiment à propos du processus public d'évaluation des incidences? En situation de fusions, estimez-vous que les recommandations portant sur l'adoption des déclarations d'incidence, éventuellement assorties de mesures juridiques, donneraient également lieu à un instrument trop lourd sur le plan réglementaire ou trop grossier?

M. Robert Astley: Non, je ne les classe pas dans la même catégorie. Le processus d'évaluation de l'intérêt du public, s'il est correctement géré, peut être une excellente façon de faire ressortir les problèmes et d'alimenter le débat.

Je dirais simplement que ce processus doit être opportun et qu'il faut assez rapidement passer aux actes. Comme je l'ai dit plus tôt, je crois que c'était en réponse à une question de M. Szabo, l'incertitude est l'un des facteurs les plus anémiant qui soit pour une entreprise. Personne ne trouvera son intérêt dans un processus long, mais l'idée de mettre en place un processus d'évaluation de l'intérêt du public est bonne.

M. Tony Valeri: Merci.

Le vice-président (M. Nick Discepola): Merci, monsieur Valeri.

J'aimerais que nous parlions d'une de vos recommandations, monsieur Astley, celle où vous dites que les régimes proposés relativement aux ventes liées coercitives, à la protection de la vie privée des clients et aux conditions requises pour l'agrément des intermédiaires devraient être mis en place avant de donner suite à tout changement recommandé aux règles actuelles en matière de vente au détail d'assurance dans les succursales bancaires. Vous concluez en disant que ces régimes doivent être structurés de manière à pouvoir être gérés et mis en application. J'aimerais que vous nous disiez comment nous pourrions structurer ces régimes pour qu'on puisse les gérer et les mettre en application.

J'ai été mis en présence d'un cas troublant—mais je pensais qu'il était isolé—lors de nos audiences dans les Maritimes. Après quelques appels téléphoniques, au cours des trois ou quatre derniers jours, j'ai découvert qu'il ne s'agit pas d'un incident isolé. Je me suis rendu compte qu'on a demandé à des gens d'affaires, directement ou indirectement—j'accorde le bénéfice du doute aux institutions—de faire des recommandations favorables au nom de certaines banques. Quand on gratte un peu, on se rend compte que ces gens-là, soit avaient une importante ligne de crédit avec l'une des banques désireuses de fusionner, soit qu'ils faisaient beaucoup affaire avec l'une des grandes banques canadiennes. On voit ici le genre de jeux subtil auquel les banques se livrent à l'heure actuelle, ce qui m'amène à penser que les enjeux sont très élevés. Peu importe si ce n'est là que de la persuasion douce—vous appellerez cela comme vous vous voudrez—je n'en pense pas moins que c'est de la coercition.

Je crains que, peu importe le type de loi que nous voudrons adopter au Parlement, nous ne parvenions pas à la faire respecter. Par exemple, je crains qu'on exerce énormément de pression sur les propriétaires de petites entreprises ou sur les particuliers désireux de renouveler leur ligne de crédit.

Certes, M. MacKay recommande l'imposition d'une amende de 100 000 $ et d'une peine d'emprisonnement, mais j'aimerais tout de même entendre vos suggestions quant au genre de régime gérable et applicable que nous devrions mettre en place ou étudier.

M. Robert Astley: Ce sont là des aspects très délicats parce qu'ils touchent directement au comportement de chacun, à la perception qu'ont les gens, à ce qu'ils entendent, aux sous-entendus qui circulent. Il y a des situations légitimes, où les affaires d'un client et d'une institution financière ou autres sont combinées, et pour lesquelles il faut tenir compte des prix et des services offerts. La difficulté consiste à mettre à jour les cas où il y a coercition, réelle ou perçue.

Voilà pourquoi je disais tout à l'heure à M. Forseth qu'il faudra d'abord laisser le soin aux institutions mêmes, c'est-à-dire à ceux qui comprennent ce qui se passe effectivement, et aux clients de se pencher sur ce genre de régime. Par la suite, il faudra trouver une façon de le faire fonctionner effectivement. Enfin, il faudra prévoir des recours pour les particuliers.

• 1130

Je n'ai pas de réponse magique, mais je dirais que ces questions subtiles sont importantes et qu'il faut les envisager, non pas sous l'angle d'un problème juridique, mais sous celui d'un problème de comportement, d'un aspect susceptible d'avoir des conséquences.

Le vice-président (M. Nick Discepola): Pensez-vous que si l'on accordait plus de pouvoir à un ombudsman indépendant on pourrait atténuer certaines des préoccupations que nous entretenons?

M. Robert Astley: Tout à fait. Par exemple, depuis 25 ans, notre association administre une ligne téléphonique gratuite pour renseigner ses clients et nous avons même, au cours des derniers mois, porté ce service au niveau de celui d'ombudsman pour agir tout de suite sur les plaintes reçues. Donc, comme vous le voyez, nous estimons que ce genre de mécanismes, quand il est bien structuré, peut être utile.

Le vice-président (M. Nick Discepola): Merci beaucoup, monsieur M. Astley. Je pense qu'il n'y a pas d'autres questions, d'autant plus que la sonnerie nous invite à aller voter.

Monsieur Astley, dans votre exposé vous avez dit qu'il était impossible de prévoir quelle sera la structure du secteur des services financiers dans cinq, dix ou quinze ans d'ici. Eh bien c'est ce genre de décision que nous devons prendre. Nous devons faire preuve de vision, nous devons veiller à mettre en place les régimes et la structure qui permettront à notre secteur des services financiers d'être compétitif à l'échelle internationale. Comme vous le savez, le défi est de taille.

Au nom de mes collègues, je tiens à vous remercier de votre contribution, car c'est grâce à ce genre d'intervention que nous pourrons formuler des recommandations au ministre des Finances et au gouvernement.

Encore une fois, merci, au nom de mes collègues à qui je rappelle que notre prochain témoin est déjà arrivé. Donc, je vous demande de revenir tout de suite ici après le vote en Chambre, pour que nous puissions entendre le prochain témoignage.

Je suspends la séance jusqu'à notre retour du vote.

• 1132




• 1301

Le vice-président (M. Nick Discepola): Bonjour. Merci, monsieur Heeney d'avoir fait preuve de patience pendant nos deux votes.

Nous reprenons nos consultations prébudgétaires et nous accueillons maintenant M. Doug Heeney des National Dual Council Representatives. M. Heeney appartient également au Conseil national des concessionnaires de Ford Motor, et il est coprésident, service aux clients, de l'équipe d'action nationale.

Je suis heureux de vous accueillir pour entendre votre exposé, après quoi nous aurons quelques échanges avec les députés présents. Je tiens à vous remercier de votre patience, encore une fois, et je vous invite à commencer votre exposé.

M. Doug Heeney (National Dual Council Representatives; coprésident, Service aux clients de l'équipe d'action nationale, Conseil national des concessionnaires, Ford du Canada Limitée): Merci beaucoup. J'espère que le vote s'est bien passé pour tout le monde.

Monsieur le président, honorables députés, je me retrouve devant vous aujourd'hui d'abord comme technicien, deuxièmement comme homme d'affaires et troisièmement comme concessionnaire et membre du Conseil de Ford national du Canada. Je suis plus particulièrement coprésident des concessionnaires auprès de l'équipe d'action nationale de service à la clientèle dont la responsabilité concerne les départements des pièces et des services de nos concessionnaires.

Lors de la dernière rencontre hivernale des concessionnaires, en février dernier, plusieurs ont déposé des mémoires soulignant la nécessité de mieux reconnaître et d'appuyer davantage nos techniciens, qui représentent une ressource de valeur pour nos concessionnaires.

Ce jour-là, nous avons adopté deux résolutions. L'une portant sur la mise en oeuvre d'un programme de reconnaissance de maître-technicien, destiné à sanctionner l'excellence technique. L'autre prévoit que Ford Canada et ses concessionnaires appuient de façon active l'effort conjoint déployé pour que les techniciens puissent déduire leurs outils de l'impôt sur le revenu.

Avec votre permission, j'aimerais parcourir brièvement mon mémoire, après quoi je me tiendrai à votre disposition pour répondre à vos questions. J'espère que nous parviendrons à instaurer entre nos deux industries une relation qui favorisera la communication et que nous trouverons les moyens nécessaires pour aider l'une de nos plus importantes ressources dans le domaine de la haute technologie, c'est-à-dire les techniciens de l'automobile.

Nous nous sommes fixé pour objectif d'obtenir une déduction fiscale qui procurerait un allégement aux techniciens et aux apprentis de l'automobile devant effectuer des dépenses incontournables et considérables au titre de l'achat d'outils, comme condition d'emploi. Idéalement, cet allégement devrait être inclus dans le budget fédéral de 1999. Le problème tient au fait que les apprentis et les techniciens de l'automobile doivent, comme condition d'embauche, acheter et maintenir en bon état les outils nécessaires à l'exercice de leur métier. En moyenne, un technicien de l'automobile dépense 15 000 $ pour acheter ses outils, mais plusieurs dépensent jusqu'à 40 000 $. Par ailleurs, l'évolution de la technologie oblige les techniciens à débourser en moyenne 1 000 $ par an pour renouveler leur outillage.

Avant même d'être embauchés, les apprentis doivent acheter une trousse d'outillage de base d'environ 4 000 $. Or, comme le salaire moyen d'un apprenti de première année est de 9,50 $ de l'heure, il doit s'attendre à dépenser 27 p. 100 de son revenu annuel après impôt, soit l'équivalent de plus de trois mois de salaire, à l'achat d'outils pour conserver son premier emploi.

Certaines dispositions spéciales contenues dans la Loi de l'impôt sur le revenu permettent actuellement aux artistes, aux opérateurs de scie à chaîne et aux musiciens de déduire de leur revenu les dépenses d'emploi obligatoires. Malheureusement, les apprentis et les techniciens de l'automobile n'ont pas droit au même traitement parce qu'ils ne sont pas des travailleurs indépendants. Il est non seulement injuste de refuser cet avantage fiscal aux apprentis et aux techniciens, mais cela constitue un obstacle à l'emploi, surtout pour les jeunes désireux de suivre un apprentissage. Le fardeau financier est déjà trop lourd pour la plupart des diplômés du postsecondaire. La nécessité d'effectuer des dépenses supplémentaires pour acheter des outils, en tant que conditions d'embauche, décourage de nombreux candidats d'envergure qui ne viennent donc pas grossir les rangs de notre industrie, au moment où nous en avons pourtant le plus besoin.

• 1305

L'industrie de la réparation et du service après-vente dans le secteur automobile au Canada est un partenaire de premier plan de l'économie canadienne, puisqu'il emploi quelque 341 000 personnes réparties entre 30 000 employeurs. Chaque année, cette industrie injecte environ 52 milliards de dollars dans l'industrie canadienne. Ce secteur est non seulement un employeur et un partenaire de premier plan de l'économie canadienne, mais il constitue également un élément clé de la compétitivité future du Canada.

La complexité technique des véhicules qui circulent sur nos routes aujourd'hui exige des outils et des compétences de pointe. Une déduction d'impôt aiderait à réduire la pénurie de main-d'oeuvre dans ce domaine. L'industrie du service après-vente du secteur de l'automobile souffre actuellement d'une grave pénurie de main-d'oeuvre qualifiée. Les concessionnaires d'automobile ont de plus en plus de difficulté à attirer et à retenir leurs techniciens. De nombreux employeurs craignent que la combinaison faibles taux d'embauche dans les programmes d'apprentissage et taux d'attrition élevés des effectifs en place ne donne rapidement lieu à une pénurie de main-d'oeuvre qualifiée dans l'industrie.

L'absence d'une déduction d'impôt est perçue comme un facteur de dissuasion par les jeunes gens qui s'apprêtent à franchir le pas entre l'école et le milieu professionnel. Si l'on permettait aux techniciens de déduire le coût de leur outillage, cela augmenterait la participation aux programmes d'apprentissage et encouragerait davantage de techniciens à demeurer dans le secteur de l'automobile.

Une réduction des prix se traduirait par une augmentation de la vente d'outils. Une déduction d'impôt au titre de l'achat d'outils réduirait effectivement le prix des outils pour les techniciens de l'automobile. Une réduction des prix entraînerait une augmentation du volume de vente d'outils de base, mais également d'outils plus complexes. Or, des outils et des diagnostics de meilleure qualité se traduisent par une plus grande satisfaction des propriétaires de véhicule. Les gains en productivité et en efficacité réalisés par les techniciens de l'automobile permettront aux consommateurs de gagner temps et argent. L'amélioration des compétences protège les emplois à long terme.

L'industrie de l'automobile a fait d'énorme progrès au cours des 90 dernières années. Les véhicules modernes peuvent être qualifiés d'ordinateurs sur roues. Il y a plus de technologie informatique dans les véhicules d'aujourd'hui qu'il n'y en avait à bord des vaisseaux Apollo lors des missions vers la lune. Les techniciens de l'automobile doivent suivre les progrès technologiques pour demeurer dans la course et, du même coup, assurer des emplois dans cette industrie, dans l'avenir.

Toutefois, le coût à payer pour cette compétitivité est élevé. Les outils doivent être constamment remplacés, à mesure que les procédés sont périmés et que les outils tombent en désuétude. Un allégement fiscal permettrait aux techniciens de l'automobile de renouveler régulièrement leur équipement et, ce faisant, d'améliorer leurs compétences techniques. Ils seraient ainsi assurés de demeurer compétitifs et de posséder des compétences moyennables pour l'avenir.

En résumé, les techniciens de l'automobile ne demandent pas de traitement spécial; nous demandons plutôt un traitement égal avec les autres professions qui bénéficient déjà d'un allégement fiscal pour les dépenses d'emploi obligatoires et importantes.

Le mérite de notre demande est reconnu depuis longtemps à divers niveaux du gouvernement. En fait, le Comité des finances, lors de la présentation du budget de 1998, a recommandé des mesures en vue de corriger cette iniquité. Nous comprenons la difficulté qu'a le gouvernement de déterminer le traitement fiscal approprié pour ces dépenses, ainsi que sa réticence à réduire ses recettes fiscales. Nous croyons cependant que la résolution de cette iniquité est essentielle à la santé à long terme de la profession de technicien de l'automobile et nous sommes désireux de collaborer avec le gouvernement à la formulation d'une solution juste et équitable.

J'ai joint à mon mémoire l'extrait d'un récent article paru dans Service Station and Garage Management—il s'agit de l'Annexe A—sur lequel j'aimerais m'attarder quelque peu. Cette annexe met en exergue quelques remarques de techniciens d'un peu partout au pays, en ce qui concerne l'achat d'outils.

    Craig Cook, technicien de son état, étudie la question à fond pour l'achat de son équipement. Il lit les revues professionnelles, pèse le pour et le contre avec ses collègues de travail et avec ses instructeurs lors des séances de formation, il fouille Internet et pose ses questions dans les groupes de discussion appropriés. D'ailleurs, il a bien raison de se montrer extrêmement prudent. Son arsenal d'équipement de test est notamment composé d'un oscilloscope de laboratoire et d'un ordinateur portable ainsi que d'un logiciel permettant d'assurer la communication entre les deux. L'année dernière, il a dépensé 7 000 $ en matériel de test. De plus, il a consacré environ 1 500 $ à sa formation. Il estime que l'atelier pour lequel il travaille dépense en plus de cela 9 000 $ par an.

    Il en va de même pour Ray Yergeau. Ce technicien possède son propre oscilloscope, son scanner et son équipement de test. «Cela m'a coûté cher,» reconnaît-il, «mais je suis heureux de posséder cet équipement. J'ai réparé toutes sortes de voitures grâce à lui, j'ai également dressé des diagnostics de panne pour d'autres ateliers, pour d'autres mécaniciens. Parfois, je suis même remboursé pour cela.» Yergeau s'explique quant à la principale raison pour laquelle il a effectué ses achats importants: «Je ne voulais pas être à la traîne de la technologie, je voulais me former à l'utilisation de ces équipements et j'étais donc prêt à les payer moi-même.» Yergeau craint de calculer ce qu'il lui en a coûté exactement, mais il estime verser au moins 100 $ par mois aux fournisseurs d'outillage.

• 1310

    Ross Merrow, quant à lui, déclare: «J'achète régulièrement les derniers modèles de scanner pour me permettre de reprogrammer les calculateurs de bord, ce dont je pouvais me passer il y a un an.» Il investit environ 3 500 $ par an en nouvel équipement, en plus des 1 500 $ qu'il lui en coûte pour actualiser les scanners qu'il possède.

    Les tous derniers achats.

    Le tout dernier achat d'Eli Melnick est un détecteur de fuite de canalisation à vide, de 1 500 $, qui lui sert à déterminer là où se trouvent les fuites à l'aide d'une fumée envoyée sous pression. Adrian Vander Graff vient juste d'acheter un matériel d'entretien de système d'injection de carburant ainsi qu'un ensemble de purge de système de transmission. Mais son chouchou s'appelle Simu-Tech; il s'agit d'un contrôleur d'interface fonctionnant sur PC qui lui permet d'améliorer sa capacité de diagnostic en atelier, surtout pour tester les systèmes de freins ABS. Ray Yergeau a dépensé 1 000 $ pour acheter une demi-boîte à outils sur roulettes, qu'il peut déplacer dans l'atelier, contrairement au casier monstrueux qu'il utilisait avant. Sa nouvelle acquisition est munie d'une surface en bois dont il se sert comme établi. Ross Merrow a acheté un ordinateur portatif uniquement pour avoir accès à sa base de données alimentée par les renseignements qu'il a recueilli sur les réparations passées.

Tous ces techniciens font cela pour se doter d'une technologie à laquelle ils sont confrontés à cause de la nature compétitive dans laquelle évoluent les fabricants d'automobile pour toute une variété de raisons.

J'ai joint d'autres pièces à mon mémoire. L'Annexe B présente les grandes lignes des résolutions que nous avons adoptées lors de la réunion du conseil des concessionnaires, au mois de février. L'Annexe C est une photocopie des points saillants du programme de maître technicien que nous avons mis en oeuvre à Ford Canada.

J'ai joint également deux ou trois extraits d'un guide signé par Arthur Anderson, qui a connu un grand succès au Canada, intitulé Preparing Your Income Tax Returns, édition de 1998—titre que j'ai indiqué sur la première page. L'extrait porte les arts de la scène. Je ne savais pas certain si vous étiez tous au courant du statut spécial de ces gens-là. À cet égard, je tiens à vous lire ceci:

    Revenu Canada essaie de faire la part des choses entre sa position habituelle voulant que les déplacements du lieu de résidence au lieu de travail ne soient pas une dépense d'affaire et les besoins spéciaux des gens du spectacle.

On trouve toute une série de citations dans ces pages-là, et je ne vous les lirai pas toutes. Cependant, cela prouve que Revenu Canada est disposé à examiner des situations particulières et à s'efforcer de trouver des solutions susceptibles de favoriser l'harmonisation fiscale et la bonne volonté du gouvernement et du ministère pour alléger le fardeau et instiller un esprit de concurrence afin de pouvoir améliorer la formation et d'attirer tout de suite plus de gens dans nos métiers traditionnels. Je ne suis pas certain que tout le monde ait bien saisi l'évolution qu'a connue notre industrie au cours des dix à douze dernières années.

Voilà tout ce que je voulais dire pour l'instant en m'appuyant sur mes documents, mais je serai heureux de répondre à vos éventuelles questions.

Le vice-président (M. Nick Discepola): Merci beaucoup, monsieur Heeney.

Je donne la parole à M. Forseth pour cette nouvelle série de questions.

M. Paul Forseth: Merci beaucoup.

Merci d'être venu ici aujourd'hui.

Le problème que vous soulevez a toute une histoire derrière lui et je pourrais dire qu'il s'agit d'une anomalie. D'aucuns pourraient prétendre que ce traitement fiscal, ou plutôt cette absence de traitement fiscal, détruit l'activité économique et perturbe le marché du travail parce que les règles du jeu sont inévitables et que cela a un effet démobilisateur.

Peut-être devrions-nous essayer de prendre les choses à l'envers pour déterminer le genre de comportement néfaste que nous voulions combattre par ce genre de traitement historique. Vous abordez le problème sous l'angle de la comparabilité, de l'absence de règles du jeu équitables par rapport aux autres travailleurs et vous citez l'exemple des musiciens et de ce qu'ils doivent faire.

Essayons d'expliquer cette vieille résistance au changement. Il y a une explication à cela et il est possible que si nous nous intéressions aux raisons invoquées par le gouvernement dans le passé et si nous essayions de déterminer pourquoi il ne veut pas franchir cette ligne—parce que je considère que c'est un problème de limite—pour inclure ou non telle ou telle dépense dans la catégorie des dépenses professionnelles...

• 1315

On pourrait prendre le cas des employés de banque et prétendre qu'ils doivent se conformer à un code vestimentaire pour être présentables et que, partant de là, leur costume et même leur coupe de cheveux sont des conditions d'emploi. Cela est discutable, mais il y a aussi les gens de la construction qui ne peuvent obtenir d'emploi et qui ne peuvent pénétrer sur un chantier s'ils ne portent pas de casque ni de bottes à embout d'acier.

Où fait-on passer la ligne en matière de vêtements protecteurs ou autre?

Il s'agit donc d'un vieux débat. J'ai l'impression que les comités ont souvent été saisis de ce genre de demande dans le passé, car c'est un vieux problème; pourtant, on hésite à faire quelque chose. Vous avez certainement étudié toutes les réponses qu'on aura pu vous opposer et je me dis que vous pourriez peut-être nous en parler et les démonter les unes après les autres, afin de nous permettre de mieux appréhender ce que nous devons faire.

M. Doug Heeney: Nous nous sommes posé la question entre nous et nous nous sommes demandés à quoi tenait ce genre d'appréhension; le risque d'abus, la lourdeur administrative sont sans doute des éléments de réponse. Nous nous sommes demandés s'il ne serait pas possible de le faire en passant par les employeurs, car s'il y a environ 100 000 techniciens; s'il fallait faire cela sous la forme d'une déduction fiscale sur le revenu personnel, le travail administratif serait considérable, il faudrait s'attendre éventuellement à subir un grand nombre de vérifications, sans compter les examens de documents et autres. En revanche, si l'on intervenait au niveau des entreprises, c'est-à-dire des employeurs, par le biais de déductions à la source, on réduirait le nombre d'intervenants à 10 000.

En outre, à ce niveau, il existe un système de freins et de contrepoids permettant de combler les éventuelles lacunes administratives dans ce genre de situation. Il faudrait remettre des reçus aux employeurs pour constituer les documents d'appui. Il existe déjà des systèmes de ce genre dans l'industrie, au niveau de l'administration de la paie.

Dans plusieurs États américains, on verse un supplément sur le salaire des techniciens au titre de la location de leur outillage, supplément qui peut atteindre 30 p. 100 selon les États. Autrement dit, si un technicien gagne 1 000 $ dans le mois, il est imposé sur 700 $ et il reçoit 300 $ non imposables, ce qui correspond à peu près au genre de correctif que l'on recherche dans de telles situations. C'est un aspect dont nous n'avons pas eu beaucoup l'occasion de discuter, ni de votre côté ni du nôtre, pour savoir comment nous pourrions nous y prendre. Je dirais que la première chose à faire consiste à nous asseoir et à constater l'iniquité; il nous faut faire quelque chose et il nous faut déterminer comment nous y prendre.

Cependant, j'estime qu'il faut d'abord prendre un engagement, après avoir cerné le problème et se dire qu'il faut passer à l'action.

Par exemple, mes vendeurs à salaire ne bénéficient d'aucune déduction fiscale, mais s'ils sont rémunérés à la commission, ils ont droit à toute une série de déductions fiscales. Certains de nos techniciens travaillent à temps plein, d'autres sont rémunérés suivant un tarif uniforme, c'est-à-dire à la pièce, et ils sont alors de petits entrepreneurs qui gèrent leur propre destinée, fixent même leur temps de travail, autrement dit, ils sont des petites entreprises au sein de nos sociétés et ils sont en plein contrôle de leur avenir si ce n'est qu'ils ne bénéficient pas de déductions fiscales au titre des frais d'immobilisation.

Donc, de ce point de vue, on pourrait considérer que les techniciens rémunérés à forfait sont dans la même situation que les vendeurs à commission des concessionnaires. Encore une fois, tout cela se ramène à une question de définition.

M. Paul Forseth: Vous dites que le règlement que vous citez dans le cas des musiciens pourrait fort bien être utilisé pour définir les situations qui vous intéressent.

M. Doug Heeney: J'ai l'impression que c'est celui-là qui a été invoqué à de multiples reprises par différents intervenants. Je l'ai joint à mon document parce que je n'ai vu aucun mémoire s'accompagnant d'un extrait de la loi.

M. Paul Forseth: Pouvez-vous nous dire quelle est la principale objection du ministère des Finances et du gouvernement général, et nous préciser pourquoi on n'a pas dépassé cette limite, malgré les demandes répétées année après année? Que veut-on éviter ainsi? Pourquoi est-ce que rien ne bouge?

• 1320

M. Doug Heeney: Je dirais qu'on a probablement eu peur de l'ampleur de la déduction fiscale. Des témoins qui m'ont précédé, par exemple le 2 octobre dernier, n'ont pas pris acte de l'augmentation potentielle des ventes d'outillage ni des retombées économiques favorables qui pourraient en découler. Quand on accorde une déduction fiscale, il faut songer qu'elle est favorable aux affaires. C'est cela qui nous motive tous. Nous voulons faire croître les entreprises canadiennes, que ce soit par un accroissement du niveau d'emploi, par la sécurité des emplois ou par la vente d'un plus grand nombre d'outils, et dans tous les cas il faut se demander comment y parvenir. La déduction fiscale favorisera-t-elle l'instauration d'un climat favorable aux affaires? Personnellement, je pense que oui. Les gens avec qui je me suis entretenu me l'ont tous affirmé.

Après la présentation du 2 octobre, qui n'a pas fait ressortir cet aspect, j'ai rencontré certains dirigeants de l'industrie, de même que des fabricants d'outillage. Je leur ai demandé s'ils vendraient plus d'outils advenant que les techniciens bénéficient d'une déduction fiscale. Tous m'ont répondu par l'affirmative, avec des proportions se situant entre 5 et 15 p. 100. Comme aucune étude n'a été effectuée à ce sujet, c'est de la simple conjecture.

Je me suis aussi entretenu avec plusieurs techniciens, dont certains m'ont paru faire preuve d'un jugement réfléchi, fondé. D'ailleurs, un de nos techniciens avait pris avec lui un scanner, qu'il venait juste d'acheter pour effectuer des tests. Il lui en a coûté 150 $, parce qu'il a dû faire un compromis étant donné que ce n'était pas vraiment celui qu'il désirait, parce qu'il n'effectuait pas non plus tout à fait les fonctions qu'il recherchait; mais c'était le seul qu'il pouvait se permettre. Celui qu'il aurait voulu lui aurait coûté 450 $. S'il avait bénéficié d'une déduction fiscale, c'est celui-là qu'il aurait acheté.

J'ai pensé que son cas était très convaincant et je suis sûr que si l'on cherchait, on en trouverait bien d'autres de ce genre. Moyennant une déduction fiscale, il aurait pu améliorer sa productivité, il aurait été plus efficace et nous aurions permis à nos clients d'économiser de l'argent. Si l'on adoptait une telle disposition, mon entreprise et l'entreprise de tous ceux qui évoluent dans l'univers de l'industrie automobile seraient beaucoup plus compétitives, parce que plus productives, et nous savons que dans notre industrie, la concurrence s'exerce sur des plans tout à fait nouveaux.

M. Paul Forseth: J'aimerais vous poser une dernière question. Quels sont les intérêts des détracteurs de votre proposition, détracteurs qui ont l'oreille du gouvernement et qui veulent en rester au statu quo? En général, quand il y a une ligne à franchir et que rien ne change, c'est qu'il y a opposition d'intérêts sur la question. Je me demande si quelqu'un à l'extérieur du gouvernement veut garder les choses telles qu'elles sont.

M. Doug Heeney: Ce n'est pas une question à laquelle il est facile de répondre, vous en conviendrez. À l'analyse, on pourrait se demander s'il n'y a pas d'autres employés qui doivent assumer le même fardeau financier pour conserver leur emploi. Personnellement, je ne pense pas, je ne vois pas cela chez mes amis, je n'ai pas vu cela chez d'anciens camarades d'école. Tout à l'heure je vous ai parlé des dépenses postsecondaires pour les individus moyens qui doivent rembourser des prêts étudiants de 25 000 $. Eh bien, ces gens-là n'envisageront certainement pas de dépenser 4 000 ou 5 000 $ de plus pour commencer un emploi. Je n'ai jamais entendu parler d'un avocat ni d'un médecin ayant eu à dépenser une telle somme pour commencer à travailler.

M. Paul Forseth: C'est le cas des dentistes.

M. Doug Heeney: Mais dans ce genre de situations, les dentistes s'installent en affaire et ils ont droit à des déductions pour amortissement.

M. Paul Forseth: C'est exact.

M. Doug Heeney: Je dois donc vous contredire.

M. Paul Forseth: Effectivement ce n'est pas comparable.

M. Doug Heeney: Et je le regrette.

M. Paul Forseth: Merci, monsieur le président.

Le vice-président (M. Nick Discepola): Merci.

[Français]

Monsieur Loubier, s'il vous plaît.

M. Yvan Loubier: Merci de votre présentation et surtout de nous l'avoir donnée en français et en anglais. C'est fort intéressant.

J'ai juste une remarque à vous faire. Si, l'an passé, vous avez réussi à faire inscrire votre préoccupation dans le rapport du Comité des finances, c'est parce que vous avez convaincu tous ceux qui étaient autour de la table de la validité de votre demande.

• 1325

Pour ma part, je peux vous assurer, et je vais probablement avoir l'appui de M. Forseth et de Mme Redman, que lors de la rédaction du prochain rapport, on va recommander à nouveau au ministre des Finances de corriger cette iniquité, peut-être avec plus d'arguments que la dernière fois. Vous avez convaincu les gens autour de la table. J'étais personnellement là lorsque vous avez fait votre présentation, l'an passé. Vous pouvez donc compter sur nous pour appuyer votre revendication, parce qu'elle est très légitime.

[Traduction]

M. Doug Heeney: Merci beaucoup. J'apprécie votre appui et je vous présente a priori mes excuses s'il y a eu des erreurs ou des omissions dans la traduction française. C'est ma femme et moi-même qui nous en sommes chargés ce week-end, alors...

[Français]

M. Yvan Loubier: C'est parfait. C'est très, très bien.

Le vice-président (M. Nick Discepola): Avez-vous une question, monsieur Loubier?

M. Yvan Loubier: Non, une simple remarque. Comme je vous le dis, monsieur le président, l'an passé, on l'avait inscrit comme étant une préoccupation. Vous étiez aussi là. J'espère qu'on fera la même chose cette année parce que c'est un dossier qui doit être réglé. Il est fort important.

Le vice-président (M. Nick Discepola): Parfait.

Madame Redman, s'il vous plaît.

[Traduction]

Mme Karen Redman: Merci, monsieur le président.

C'est vrai que cela se trouvait dans les recommandations de l'année dernière, et j'aimerais simplement replacer le tout en contexte. Dans le cadre de votre présentation, vous avez dit que 341 000 personnes sont employées par 30 000 employeurs. C'est énorme. Vous êtes-vous livré à une évaluation pour déterminer ce qu'il en coûterait au gouvernement d'adopter une telle disposition?

M. Doug Heeney: Non, pas de ce point de vue. Nous nous sommes essentiellement intéressés aux 5 265 techniciens et apprentis qui sont inscrits dans le réseau Ford. Vous constaterez sans doute que les gens de l'industrie de l'automobile se sont davantage intéressés au secteur après-vente. C'est un secteur vers lequel nous pourrions nous tourner pour obtenir davantage d'appui.

Mme Karen Redman: Permettez-moi de poursuivre. On demande aux employés de fournir leur outillage. Pourquoi est-ce que les employeurs ne le font pas?

M. Doug Heeney: Les gens doivent en posséder un minimum. En outre, il y a la protection contre le vol. Dans une certaine mesure, chaque employé d'un concessionnaire est spécialiste, qu'il soit spécialisé dans les systèmes de freinage, dans les transmissions automatiques, dans les directions ou dans le parallélisme du train avant. Dès lors, la plupart d'entre eux ont besoin d'outillage spécialisé.

Les techniciens n'aiment pas emprunter leur outillage et ils aiment maîtriser leur domaine de travail, pour appeler cela ainsi, puisqu'on peut dire que l'aire de service est leur domaine de travail. C'est leur atelier, c'est leur bureau. Ils aiment l'arranger à leur façon, y avoir leurs outils, y déposer leur équipement. Si le concessionnaire a une aire de service équipée, par exemple, et qu'il faut réparer deux ou trois voitures dans un domaine particulier un même jour, le technicien doit attendre. Certains techniciens préféreront utiliser tel ou tel outil ou telle marque plutôt que telle autre. Dans certains cas, c'est juste une question d'efficacité. Ils trouvent que cela leur convient mieux ou ils jugent que tel outil est meilleur que tel autre.

On a parlé d'ordinateurs portables. Eh bien, certains techniciens chargent les résultats de leurs réparations ou des tests ou encore des sources d'informations dans leur ordinateur pour être plus rentables que leurs camarades ou encore pour s'améliorer. Cela, comme je le disais, tient au fait qu'ils sont de petites entreprises chez les concessionnaires. Ils se vendent. Ils laissent même des cartes de visite dans les voitures pour indiquer que le véhicule a été entretenu par un tel ou un tel et que, la prochaine fois, c'est lui qu'il faudra appeler.

Autrement dit, ils contrôlent entièrement ce qui se passe dans l'aire de service. De ce point de vue, on peut affirmer qu'ils se vendent et c'est pour cela qu'ils ne veulent pas que leurs outils soient brisés ou empruntés par quelqu'un d'autre qui pourrait les égarer. Ils sont donc protectionnistes, en quelque sorte, mais ils ont raison, parce qu'il est difficile d'avoir certains outils en six exemplaires.

Mme Karen Redman: J'ai apprécié le fait que vous nous avez donné des exemples. Cela nous permet de mieux comprendre que, comme un technicien vous l'a dit, certains outils—en particulier les outils servant aux tests—sont nécessaires aujourd'hui mais ne l'étaient peut-être pas il y a un an. Cela démontre à l'évidence que la technologie a des répercussions dans tous les secteurs de l'économie de même que sur la vie des gens. On n'imaginerait pas a priori que les techniciens ont besoin d'un ordinateur.

• 1330

Je comprends tout cela, mais je comprends aussi, monsieur Heeney, que vous représentez un groupe bien particulier. Bien que je le comprenne, je vais revenir sur l'exemple cité par M. Forseth, celui du dentiste, et sur le fait que cette structure n'est pas reproduite dans le cas des gens que vous représentez. Cela étant posé, je me demande si les charpentiers et les autres corps de métier ont des besoins technologiques et s'ils ont également besoin d'outils particuliers. Je me demande s'ils ne sont pas dans une situation semblable... Je ne dis pas qu'il ne faut pas changer les choses pour votre groupe de techniciens sous prétexte qu'il n'en a pas besoin, mais nous devons nous demander si des gens travaillant dans d'autres secteurs ne se trouvent pas dans des situations semblables et ne doivent pas, eux aussi, acheter des outils.

M. Doug Heeney: En fait, ce matin, en rentrant de la vallée supérieure de l'Outaouais, je me suis arrêté sur la rue Elgin pour prendre un café avec ma belle-soeur. Son mari est charpentier. Je lui ai dit ce que je venais faire ici aujourd'hui. Elle m'a alors parlé de marteau. Son époux travaille pour une entreprise qui lui fournit tous les outils nécessaires, mais il doit acheter son marteau, sa scie et d'autres outils. Selon elle, il a investi probablement 800 $ dans son outillage. Les économies d'échelle ne s'appliquent pas aux charpentiers de la même façon qu'aux techniciens de l'automobile.

Quand on parle d'un technicien qui possède aujourd'hui un outillage de 15 000 $, c'est sans doute qu'il a acheté ses outils il y a cinq à dix ans. Dans mon atelier, j'ai un mécanicien qui s'est acheté un coffre à outils de 5 000 $. Il est spécialiste des transmissions automatiques et il avait besoin d'un gros coffre à outils pour y entreposer plusieurs outils spéciaux. Donc, ses 15 000 $ sont sans doute un minimum et la moyenne se situe peut-être davantage autour de 25 000 $. Les 800 $ du charpentier n'ont rien de comparable avec les 15 000 ou 20 000 $ du mécanicien. On ne parle pas des mêmes économies d'échelle.

Mme Karen Redman: Je viens de Kitchener où nous avons un important secteur industriel et manufacturier. En page deux de votre mémoire, vous dites que si l'on permettait aux techniciens de l'automobile de déduire le coût de leur outillage, on atténuerait le problème de la pénurie de main-d'oeuvre. Le fait de régler ce problème ou de modifier la structure de l'impôt sur le revenu ne permettra pas forcément de régler ce genre de problème, mais il est un fait que les manufacturiers de ma région disent avoir de la difficulté à obtenir de la main-d'oeuvre spécialisée. Vous en avez d'ailleurs un peu parlé à propos des programmes d'apprentissage. Quoi qu'il en soit, je me demandais si, selon vous, vous estimez qu'il conviendrait de faire autre chose sur ce plan.

M. Doug Heeney: Je vais vous donner un exemple qui me touche de près. En 1990, j'étais déjà à Renfrew, dans la vallée de l'Outaouais, j'ai fait paraître une annonce dans tous les journaux nationaux pour chercher un spécialiste des transmissions automatiques. Pendant douze ans, j'ai été technicien d'entretien de district à Ford Canada, avant de m'acheter ma concession, et j'avais donc pas mal de contacts chez les autres concessionnaires. Normalement, j'aurais dû pouvoir mettre la main sur un spécialiste excédentaire, quelque part. Eh bien je n'ai trouvé personne et j'ai dû faire venir un spécialiste d'Angleterre. Il m'a été plus facile de dénicher un technicien excédentaire dans un concessionnaire Ford en Angleterre que d'en trouver un ici; je n'ai même pas pu trouver un simple candidat que j'aurais pu former. Pourtant, ce n'est pas facile de mettre la main sur un aspirant technicien, de l'intégrer dans le système, de le former pour l'amener au niveau d'efficacité, de rentabilité et de qualité qu'exigent maintenant nos clients.

Nous sommes très vite passés du stade de simples mécanos de cour arrière ou, comme on le dit en anglais—terme que je déteste—de «grease monkeys» à celui de techniciens parfaitement qualifiés en électricité. L'électronique se retrouve dans presque toutes les composantes des voitures. Nous avons maintenant des voitures véritablement intelligentes. Les transmissions automatiques, les moteurs et les composantes de direction sont contrôlés par des boîtiers électroniques. Les dispositifs antipollution, tellement importants pour tout le monde, sont eux aussi contrôlés de façon électronique.

En 1992, un technicien au chômage est venu me voir pour obtenir un emploi. J'ai dû lui dire qu'il n'y avait pas de place dans cette industrie pour quelqu'un ne s'intéressant pas à l'électronique. Eh bien, il est allé suivre un cours au Collège Algonquin en réparation de plaquettes de circuits imprimés et il s'en est très bien sorti après cela. J'ai pu lui offrir un emploi et l'envoyer en formation Ford. Il a très bien réussi par la suite, parce qu'il avait appris à réparer les plaquettes de circuits imprimés sur PC et qu'il a ensuite suivi la formation de Ford. Les instructeurs de notre centre de formation m'appelaient pour me dire qu'il obtenait 100 p. 100 dans toutes les matières. Il comprenait tout. Il pouvait réparer les calculateurs de bord de nos voitures parce qu'il avait été correctement formé et qu'il comprenait la matière. Voilà le genre de personne qu'il nous faut dans notre industrie.

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D'autres concessionnaires m'appellent parce que je siège au Conseil national des concessionnaires. Ils me disent qu'ils perdent des techniciens, qui vont dans des métiers exigeant une qualification moindre, parce qu'ils estiment ne pas être suffisamment bien traités.

Ils ressentent l'évolution de notre industrie. Je n'ai jamais connu auparavant le type de changement que je suis en train de vivre en tant que concessionnaire aujourd'hui. J'aurais l'impression d'être pris dans un tourbillon si j'étais technicien travaillant pour un concessionnaire en voyant tous les changements qui se produisent. Je ne sais pas si je comprendrais tout cela ni si je saurais comment composer avec la situation. Bien des gens disent qu'ils n'ont pas facilement accès à la formation—c'est le cas de ceux qui ne travaillent pas pour des concessionnaires—ils trouvent que le prix des outils est élevé, ils n'ont pas droit à des déductions fiscales et ils se demandent ce que l'on fait pour eux.

Si je suis venu vous voir aujourd'hui, c'est parce que j'ai pris connaissance d'un article dans Service Station and Garage Management. Il s'agit en fait d'un éditorial qui a été écrit par la femme d'un technicien de la Colombie-Britannique ayant travaillé pour un concessionnaire Ford pendant 20 ans. Elle a l'impression que les gens de l'industrie, autorisés pour parler au nom de son mari, ne sont pas assez responsables et qu'ils ne font pas bien leur travail. Elle commencera à croire que les choses pourront peut-être changer dès que le responsable d'une compagnie ou d'une organisation ira parler, pour elle, à ceux qui peuvent influencer le pouvoir en place. Elle répondait en fait à un article de CARS où il était question d'aller témoigner devant un comité, de réclamer des changements et d'exercer une certaine influence sur le processus.

Sinon, à quoi tout cela peut-il servir? Je ne suis qu'un citoyen moyen essayant de faire ce qu'il peut et qui voit bien que ceux qui pourraient faire le plus pour lui ne sont pas là pour l'aider. Certes, j'occupe un certain poste. Je suis d'abord un technicien, je l'ai toujours été, et je suis un homme d'affaires. Le poste que j'occupe au sein de la compagnie Ford m'autorise à venir témoigner aujourd'hui et, je l'espère, à combler l'écart sur le plan des communications pour favoriser la compréhension entre le milieu politique et l'industrie de l'automobile.

C'est une des choses que nous faisons à l'échelon du Conseil national des concessionnaires, entre les concessionnaires et le fabricant. Par ce genre de dialogue, j'espère instaurer un climat dans lequel nous pourrons parvenir à une entente susceptible d'aider les techniciens. Voilà pourquoi je suis ici.

Mme Karen Redman: Eh bien, je pense que vous nous avez fort bien exposé votre cause et je vous remercie d'être venu.

Le vice-président (M. Nick Discepola): Merci, madame Redman.

[Français]

Une dernière petite question de la part de M. Loubier.

M. Yvan Loubier: Ce n'est pas une question.

Le vice-président (M. Nick Discepola): Un autre commentaire.

M. Yvan Loubier: Monsieur Heeney, c'est une remarque. Tout à l'heure, lorsque vous avez dit que c'étaient votre femme et vous qui aviez fait le texte en français, je n'ai pas eu le temps de réagir à votre affirmation. J'ai relu le texte. Vous m'avez dit que vous espériez qu'il n'y avait pas d'omissions. Vous direz à votre femme que je vous félicite tous les deux d'avoir fait ce texte-là, parce que le français est impeccable. C'est tout ce que je voulais vous dire. Merci beaucoup.

[Traduction]

M. Doug Heeney: Merci beaucoup.

Le vice-président (M. Nick Discepola): Monsieur Heeney, quand les techniciens utilisent leur propre outillage, ils n'obtiennent pas de prime pour cela?

M. Doug Heeney: Non.

Le vice-président (M. Nick Discepola): Bien. Dans notre municipalité, on versait une prime horaire aux mécaniciens qui utilisaient leur outillage. Cette tendance est-elle généralisée dans l'industrie ou cela dépend-il de l'employeur?

M. Doug Heeney: Eh bien, un technicien rémunéré à forfait, par exemple, gagnerait 19 $ de l'heure alors qu'un technicien à temps plein, travaillant dans la même installation ou sur le même marché gagnerait, disons, 13 ou 14 $ de l'heure.

Le vice-président (M. Nick Discepola): Donc, ils sont indemnisés parce qu'ils fournissent leur propre outillage.

M. Doug Heeney: Ils sont indemnisés parce qu'on ne leur garantit pas 40 heures par semaine. Ils maîtrisent leur milieu de travail et ils sont payés pour ce qu'ils produisent, selon une grille en vigueur dans l'industrie. Cela étant, le taux horaire peut varier quelque peu.

En outre, le taux varie selon leur niveau de compétence. Un grand nombre de concessionnaires paient leurs salaires sur la base... Par exemple, il existe huit échelles d'agrément dans le cadre du programme de technicien-maître et un grand nombre de concessionnaires Ford paient un peu plus que ce qui est normalement accordé pour chaque échelon. Ainsi, les différents échelons sont mieux rémunérés.

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Le vice-président (M. Nick Discepola): J'aurais une réserve: le nombre écrasant de personnes qu'il faudrait mobiliser pour vérifier un tel changement après modification; cela m'amène à me demander pourquoi l'industrie n'a pas trouvé un moyen d'administrer le programme pour permettre à Revenu Canada de ne vérifier que les 10 000 entreprises que vous comptez?

M. Doug Heeney: Je suis venu ici pour vous dire, du moins en ce qui concerne les concessionnaires Ford et le conseil des concessionnaires, que nous sommes disposés à collaborer avec le gouvernement à l'élaboration d'un programme de ce genre.

Le vice-président (M. Nick Discepola): Très bien. Merci.

Mes collègues veulent-ils poser d'autres questions? Non?

Dans ce cas, je vous remercie encore une fois de votre patience et je vous remercie pour votre exposé. Soyez certains que nous vous avons prêté une oreille favorable. Comme nous avons approuvé votre recommandation l'année dernière, je suppose que nous ferons la même chose cette année.

M. Doug Heeney: Parfait. Merci beaucoup. J'apprécie vos efforts quotidiens. Merci.

Le vice-président (M. Nick Discepola): Merci.

Nous reprendrons la séance à 15 h 30.