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FINA Réunion de comité

Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.

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STANDING COMMITTEE ON FINANCE

COMITÉ PERMANENT DES FINANCES

TÉMOIGNAGES

[Enregistrement électronique]

Le jeudi 29 octobre 1998

• 0909

[Traduction]

Le président (M. Maurizio Bevilacqua (Vaughan—King—Aurora, Lib.)): J'aimerais ouvrir la séance en souhaitant la bienvenue à tout le monde ce matin.

Comme chacun sait, le Comité des finances étudie actuellement le rapport du Groupe de travail sur l'avenir du Secteur canadien des services financiers et nous avons ce matin le plaisir de recevoir le président-directeur général de la Banque de la Nouvelle-Écosse, M. Peter Godsoe.

Monsieur Godsoe, bonjour. Nous sommes très heureux de vous donner la parole.

M. Peter Godsoe (président-directeur général, Banque de la Nouvelle-Écosse): Merci, monsieur le président. Je dois tout d'abord vous demander d'excuser mon retard qui est dû aux petits agréments que présente l'aéroport de Toronto. Je n'en dirai pas plus.

Je sais que vous avez déjà tenu de nombreuses et longues audiences et que vous avez déjà dû entendre à maintes reprises la même histoire; je pense néanmoins que la possibilité d'étudier l'orientation future du secteur financier canadien est une tâche ardue car elle est non seulement complexe—elle l'est véritablement—mais d'importance primordiale étant donné son effet sur l'économie.

• 0910

J'estime donc, monsieur le président, que vous êtes très bien placé pour contribuer à définir le meilleur cadre réglementaire pour le secteur financier, pour les consommateurs—car ce sont évidemment eux qui en sont le moteur—pour les petites et grandes entreprises, et pour les diverses collectivités de notre pays car nous sommes présents partout au Canada, ainsi que pour nos employés et nos actionnaires.

J'aimerais vous dire aujourd'hui très brièvement ce qu'est le secteur financier et comment il fonctionne.

Sur le rapport MacKay, je ferai nécessairement des remarques générales puisqu'il compte 124 recommandations. C'est un bon début, mais c'est un document fourni et complexe.

Je vous dirai ensuite quelques mots des fusions, même si le sujet est ennuyeux. Pourquoi? Parce que les banques représentent l'élément le plus important. Les services bancaires commerciaux, les opérations de crédit à l'intention de la collectivité, les relations avec les particuliers et avec les petites et moyennes entreprises sont au coeur de notre économie. Les fusions ont malheureusement pris de court jusqu'ici tout débat constructif sur l'avenir du secteur financier.

Enfin, je vous ferai part de quelques idées très générales sur l'avenir, car je sais que pour établir le cadre de politique publique voulu, vous estimez que le comité devrait s'attacher à cela, ce qui correspond d'ailleurs à son mandat.

En toile de fond, on peut dire que notre secteur, celui des services financiers, et plus particulièrement des services bancaires—car je crois que lorsqu'on l'envisage, on parle surtout de crédit, de disponibilité du crédit et des services bancaires essentiels—est le produit évident d'une politique gouvernementale éclairée pendant la majeure partie du siècle actuel. Aujourd'hui, il apparaît comme un système qui a connu la réussite; personne ne va le contester. Il est très efficace, très solide, très stable et extrêmement concurrentiel.

C'est un système national qui trouve son assise dans les cinq banques nationales créées du fait de la politique publique dans les années 20, qui est très avancé sur le plan technologique, l'un des plus avancés du monde dans le domaine électronique, et qui se font toutes une concurrence acharnée pour obtenir leur part du marché. Malgré certaines observations qui ont pu être faites, c'est un système tout à fait florissant. Nous avons des bénéfices nationaux record—pour les principaux services bancaires—et le rendement des capitaux propres est de 20 à 30 p. 100. Ce n'est donc pas un secteur menacé.

Cela dit, je ne plaide pas en faveur du statu quo qui a tendance à devenir un cri de ralliement. Nous sommes pour le changement, mais un changement qui favorise la concurrence et le choix, un changement qui est conçu dans l'intérêt du Canada et des Canadiens. Nous pensons que ce changement ne devrait être mis en oeuvre qu'après un examen attentif, complet et transparent comme le vôtre, où l'on envisage de conserver les points forts du système, surtout en ce qui concerne les services bancaires essentiels, tout en progressant et en s'adaptant pour l'avenir.

Je ne pense pas que les banques canadiennes soient en situation de crise ou que la concurrence étrangère soit sur le point de nous submerger. Au contraire, ce sont les marchés financiers mondiaux qui sont en plein désarroi. On s'inquiète beaucoup de l'économie mondiale et du risque systémique. On ne peut donc que se réjouir du fait que le secteur bancaire canadien soit solide, viable, stable, concurrentiel et qu'il dégage des bénéfices record.

Maintenant que nous avons la toile de fond, je vais me tourner vers le rapport MacKay qui constitue un bon début, et je félicite Harold et son groupe de travail pour ce rapport complet puisqu'il comporte, comme je l'ai dit, 124 recommandations importantes et parfois détaillées.

Nous sommes d'accord avec l'esprit général du rapport—comment ne pas l'être?—qui va dans le sens d'une concurrence et d'une compétitivité accrues et qui s'attache avant tout aux besoins des consommateurs, et qui responsabilise lesdits consommateurs grâce à la transparence et à la clarté de l'information.

Nous sommes également favorables à plusieurs recommandations qui figurent dans le rapport MacKay car elles comportent de nombreuses suggestions utiles pour mieux servir les consommateurs et les petites entreprises, pour mieux diffuser l'information—dans une langue simple, par exemple—pour divulguer davantage de statistiques concernant le crédit des petites et moyennes entreprises—et il est évident que l'on peut encore faire des progrès à ce chapitre—et concernant le fonctionnement des banques, pour permettre une plus grande souplesse aux institutions financières, un domaine d'intervention élargi pour les sociétés de portefeuille, diverses formes de partenariat, un système réglementaire plus progressiste en matière de comptabilité, de fiscalité, etc.; bref, toutes ces orientations politiques vont dans la bonne direction, du moins pour notre secteur.

• 0915

Mais il nous faut par ailleurs comprendre parfaitement l'ensemble des ramifications du rapport. Il nous faut par exemple examiner les recommandations qui proposent une méthode de gestion pour certaines activités des institutions et voir ce que cela signifie pour les banques, les autres institutions financières, les assurances, etc., sans oublier bien sûr les consommateurs et les petites entreprises.

En tant qu'homme d'affaires, je serais très méfiant à l'égard d'une augmentation de la réglementation et de la législation qui peut entraîner de nouvelles lourdeurs et des coûts supplémentaires, et constituer un obstacle très important pour ceux qui veulent entrer sur le marché, réduisant ainsi les bénéfices que l'on pourrait autrement tirer d'une concurrence accrue. Aussi nous faut-il évaluer avec soin la concordance entre les principes de la concurrence accrue d'une part et la réglementation et la législation plus importantes d'autre part.

À un niveau supérieur, il nous faut prendre en compte les recommandations concernant le système de paiements et la SADC en demandant l'avis de professionnels. Ce sont des questions complexes qui ont des répercussions énormes sur la solidité et la viabilité du secteur financier. Je ne les conteste pas; je dis simplement que des praticiens devront les examiner de très près. C'est pourquoi nous devons étudier avec soin l'ensemble des propositions présentées dans le rapport et discuter des questions soulevées. La législation, la réglementation et l'application constituent des défis importants—elles représentent une certaine rigidité et ne sont pas à prendre à la légère. Il est en outre important que le gouvernement essaie d'instaurer le meilleur équilibre possible entre les diverses parties du rapport et c'est pourquoi j'estime qu'il faut prendre le rapport comme un tout.

Je m'inquiète de la tendance naturelle à prélever ici et là des bribes de rapport, selon nos intérêts particuliers, sans tenir compte de sa totalité, à se précipiter pour adopter des mesures législatives et réglementaires populaires sans comprendre leurs coûts et leurs implications, à éviter des choix difficiles de gestion en cédant à certaines pressions efficaces et ciblées, ou à accepter ce qu'on voudra bien nous proposer en échange d'actions rapides et de fusions éventuelles.

Si je suis favorable à une action rapide, j'estime qu'il est beaucoup plus important de se doter du cadre politique voulu que d'agir vite. Il est important de ne pas envisager les fusions proposées avant d'avoir étudié exhaustivement le rapport MacKay et d'avoir une idée claire de ce que notre pays souhaite pour l'avenir en matière de services financiers complets. Je ne voudrais pas que l'on modifie de façon irréversible le système en permettant deux mégafusions bancaires pour prendre ensuite le temps de discuter du visage que nous souhaiterions pour le secteur à l'avenir.

Cela dit, j'aimerais aborder rapidement les fusions car elles représentent le changement le plus important et le plus irréversible du secteur bancaire depuis 75 ans. Il est évident que les fusions constituent une stratégie administrative valable. Je ne le conteste pas du tout. Les fusions à l'intérieur d'un même marché ne constituent pas une façon de se tourner vers l'avenir, elles sont une réponse classique—depuis l'époque où j'étudiais à l'école d'administration—grâce à laquelle les sociétés espèrent augmenter leur part du marché et réduire leurs coûts en éliminant le double emploi. C'est une stratégie administrative valable, et je n'ai rien contre elle en principe.

Mais la Banque Scotia estime qu'il faut procéder à une analyse très rigoureuse des mégafusions bancaires proposées. À notre avis, elles représentent une mauvaise politique publique. Elles sont évidemment mauvaises pour la concurrence et le choix. Je ne vois pas comment on pourrait contester cela. Elles sont mauvaises pour les consommateurs et les petites entreprises et mauvaises aussi parce qu'elles pourraient constituer une concentration des risques et du pouvoir—concentration qui est malsaine dans un pays de la taille du Canada.

Les fusions proposées élimineraient un tiers de notre système bancaire—cela est incontestable—tel qu'il existe actuellement. Cela ne s'est jamais fait dans aucun autre pays. Les concentrations bancaires arriveraient à un niveau jamais atteint nulle part ailleurs. Cela signifierait que 70 p. 100 de pratiquement toutes nos activités bancaires essentielles—et c'est vraiment de cela qu'il s'agit dans tout ce débat—seraient entre les mains de deux institutions; 70 p. 100 des services bancaires quotidiens qui touchent pratiquement tous les ménages canadiens: dépôts des particuliers, comptes d'opérations, prêts personnels, prêts hypothécaires, crédit pour les petites entreprises.

La mondialisation représente une force pour les marchés financiers, j'en conviens, même si les marchés des capitaux propres—en gros la distribution des valeurs mobilières des entreprises de taille moyenne—restent liés aux banques d'investissement locales, telles que Scotia McLeod et les courtiers des autres grandes banques. La mondialisation n'est pas un facteur à prendre en compte lorsqu'il est question des services bancaires destinés aux particuliers et aux entreprises. Nombreuses sont les études faites aux États-Unis et en Australie, et cela se retrouve encore dans le rapport MacKay, qui montrent que les comptes de dépôt des particuliers, les prêts personnels et le crédit destiné aux petites entreprises sont très locaux. Il est vrai que la technologie nous permet de retirer de l'argent, d'utiliser des cartes de débit plutôt que des chèques, d'avoir recours aux ordinateurs personnels et aux téléphones pour payer nos factures et connaître le solde de nos comptes, mais la véritable relation s'établit toujours avec les particuliers et les collectivités, et elle est tout à fait locale. Aucune banque ne va supprimer son système de succursales. C'est là en gros que nous trouvons tous nos nouveaux clients.

• 0920

Nous les Canadiens, voulons-nous créer le système bancaire national le plus concentré du monde pour le simple plaisir d'avoir deux acteurs avec une grande capacité sur les marchés financiers ou qui peuvent prendre de plus gros risques sur les marchés mondiaux? Nous n'avons certainement pas besoin de mégabanques pour le capital au Canada. Les banques canadiennes disposent d'un capital plus que suffisant pour tous les risques qui existent dans notre pays.

Nous vivons une période d'incertitude et de malaise profonds à l'échelle mondiale. Nous devons donner la meilleure orientation possible à notre secteur financier pour pouvoir mettre à la disposition des entreprises et des consommateurs canadiens les ressources dont ils ont besoin. Les mégafusions constituent une option très risquée, à mon avis. Elles sont irréversibles et créent une concentration sans précédent du pouvoir et de la prise de décisions—que ne tolérerait aucun autre pays.

J'estime que la question doit être examinée avec le plus grand soin et que, sous aucun prétexte, on ne devrait admettre que les fusions aient priorité sur le débat, sur le processus qui se déroule actuellement, ce qui malheureusement a été le cas depuis le tout début.

Permettez-moi de vous faire part de quelques réflexions sur l'avenir. En dernière analyse, le processus que vous suivez en décidant de l'orientation future du secteur financier doit être fait dans l'optique du Canada et en visant ce qui est bien pour les Canadiens.

Mais je ferais d'abord une petite mise en garde. Dans notre hâte de concevoir l'avenir et d'accepter la mondialisation, nous ne devons pas oublier les leçons du passé. Comme je l'ai dit plutôt, nous devons bâtir sur les fondations solides qui existent dans nos systèmes, qu'il s'agisse des banques, des assurances et autres—les points forts et la solidité de notre système canadien. C'est l'un des meilleurs du monde. Il faut notamment que la concurrence soit acharnée pour les services bancaires essentiels. C'est autour de cela que tourne le débat et c'est de cette façon qu'on le voit dans pratiquement tous les autres pays. Il est aussi crucial que le secteur reste sous contrôle canadien de façon générale.

Pour aller plus loin sur le sujet, l'une des leçons que nous sommes en train de tirer de la crise financière actuelle, qui est sans doute la plus grave que nous ayons connue depuis 50 ans, est que nous devons établir notre politique du secteur financier dans l'intérêt de notre pays, le Canada, afin de garantir aux entreprises et aux consommateurs canadiens l'accès au crédit et aux ressources dont ils ont besoin pour la conduite de leurs affaires.

Prenons l'exemple du Japon. Les contribuables devront payer dans ce pays plus d'un demi-billion de dollars américains—beaucoup plus que le total de notre économie—pour sortir les mégabanques de leur mauvais pas, les remettre d'aplomb afin qu'elles puissent consentir des prêts aux Japonais. Pourquoi? Parce que les banques étrangères ne se sont pas précipitées pour combler le vide, et cela depuis cinq ans.

La baisse récente du taux d'intérêt de la Réserve fédérale n'a été faite que pour les États-Unis; il ne s'agissait pas de sauver par là le système mondial ni d'aider le Canada. Les Américains s'inquiétaient—je me trouvais au FMI—d'une baisse du taux d'intérêt national.

L'année dernière, les contribuables français ont dû régler une addition de 22 milliards de dollars américains, soit 35 milliards de dollars canadiens, pour sauver le fleuron national de leur système bancaire, le Crédit Lyonnais.

Et bien sûr, je pense que nous le savons tous, les pays du tiers monde sont livrés à eux-mêmes. C'est à eux qu'il revient de résoudre leurs propres problèmes avec la sollicitude du FMI.

Voilà pourquoi le débat doit tourner autour de la solidité, de la stabilité et de la liquidité du système financier canadien ainsi que de la grande concurrence qui existe au Canada. La Banque Scotia croit dans une forte concurrence nationale. C'est le seul moyen et la meilleure façon de favoriser l'innovation et de créer des avantages durables pour les institutions financières canadiennes, tout en faisant en sorte que ces institutions offrent de bons services aux Canadiens.

• 0925

Nous pensons que la solidité et l'endurance qui découle d'une forte concurrence nationale à l'échelle des institutions donneront lieu à une compétitivité internationale. L'attitude inverse—c'est-à-dire celle qui consiste à créer des concurrents nationaux prépondérants—a rarement donné naissance à des champions nationaux, si vous voulez, qui ont réussi sur la scène internationale. C'est pourquoi nous sommes en faveur de politiques générales qui augmentent la compétitivité internationale sans compromettre toutefois la concurrence ici au Canada. Nous sommes évidemment favorables à l'arrivée sur le marché des concurrents étrangers dans la mesure où nous pouvons faire face de façon loyale à cette concurrence, comme cela a été le cas depuis 20 ans.

Pour relever les défis de l'économie et du monde en pleine évolution, les banques et autres—les compagnies d'assurances, les fonds mutuels, si vous voulez—doivent pouvoir disposer d'une certaine souplesse organisationnelle pour répondre aux exigences des clients, pour avoir accès à la technologie et aux compétences et pour gérer efficacement leurs entreprises. Je crois que nous avons besoin d'un cadre politique qui encourage cette souplesse sans instaurer la réglementation excessive à laquelle on pense naturellement pour faire contrepoids aux inquiétudes que l'on a quant à l'absence de concurrence, ce qui annulerait les bénéfices de la concurrence accrue et serait tout à fait préjudiciable aux consommateurs du secteur des petites entreprises.

En définitive, monsieur le président—et c'est là une remarque très générale que je fais—je pense que le Canada doit avoir plusieurs institutions financières nationales sous contrôle canadien qui soient très efficaces pour garantir une concurrence satisfaisante, un choix satisfaisant, une solidité satisfaisante et suffisamment de liquidité. Elles pourraient être au nombre de cinq ou de dix, mais certainement plus que deux.

Monsieur le président, une chose est certaine en ce qui concerne l'avenir, que les fusions aient lieu ou non, indépendamment de la législation et de la réglementation. La Banque Scotia existe depuis 1832. Cela fait un certain temps. Nous sommes une banque nationale représentée dans tout le pays depuis 1901. Nous avons l'intention de rester une banque nationale qui sert bien ses clients et offre des carrières intéressantes à ses employés, qui assure un solide rendement à ses actionnaires et qui fonctionne dans le cadre des collectivités canadiennes d'un bout à l'autre du pays. Nous sommes sûrs de notre capacité de faire face à la concurrence, d'innover, de nous adapter et de continuer à jouer un rôle de premier plan dans la vie économique canadienne.

Merci, monsieur le président.

Le président: Merci, monsieur Godsoe.

Nous allons maintenant passer à la séance des questions et des réponses en donnant la parole pour commencer à M. Ritz.

M. Gerry Ritz (Battlefords—Lloydminster, Réf.): Merci, monsieur le président.

Merci beaucoup de vos remarques perspicaces, monsieur Godsoe.

J'ai noté certaines choses que vous avez dites au cours de votre intervention. Vous avez déclaré que le rapport MacKay était un début. Pensez-vous que certaines choses manquent dans ce rapport, qu'à certains égards on ne va pas assez loin ou que l'on a carrément oublié de traiter certains éléments?

M. Peter Godsoe: Non, je pense que le rapport MacKay est très complexe. Sur le plan de la conception, le rapport et ses 124 recommandations sont très bien faits. On y trouve un peu de tout pour tout le monde.

Vous essayez d'élaborer une politique cohérente qui constitue un cadre pour une période de cinq ou dix ans pour le secteur. J'estime que vous devez demander à ceux qui administrent effectivement ces activités de donner leur avis pour ensuite en tenir compte. Par exemple, les banques et les compagnies d'assurances canadiennes n'ont pas vraiment participé au processus. C'est dans le détail et dans la mise en oeuvre que résident les plus grandes difficultés. Il y a aussi de nombreuses contradictions. D'une part, on veut une concurrence tout à fait ouverte et d'autre part, on estime utile d'augmenter la réglementation et la législation pour protéger les citoyens des banques.

J'aimerais qu'on discute à fond de l'autoréglementation et que l'on essaie de voir où résident les problèmes. J'aimerais qu'on procède à une évaluation des coûts et des bénéfices afin de voir combien tout cela va coûter. Je sais que l'Association des banquiers canadiens n'est pas bien placée pour faire des remarques constructives à cet égard, parce qu'elle est bien évidemment divisée sur la question des fusions et ne peut se prononcer sur rien. Mais c'est à faire et il reste donc encore beaucoup de travail à faire.

M. Gerry Ritz: Lorsque vous dites dans votre rapport que nous devons donner la meilleure orientation possible à notre secteur financier, c'est ce que vous laissez entendre.

M. Peter Godsoe: Absolument.

M. Gerry Ritz: Très bien, parfait.

Vous dites aussi que les opérations bancaires sont actuellement très concurrentielles. En tant que consommateur de services bancaires, je ne suis pas sûr d'être d'accord avec vous. Nous avons des taux d'intérêt fixes. Tout le monde se situe dans cette petite marge étroite. Où est la compétitivité qu'en tant que consommateur je devrais voir?

• 0930

Vous dites que les fusions sont mauvaises pour les consommateurs parce qu'elles entraînent une moins grande concurrence et pourtant les banques concernées par les fusions—celles qui aimeraient fusionner en tout cas—disent qu'elles vont baisser le prix de leurs services et offrir aux petites entreprises ce dont elles ont besoin. J'ai un peu de mal à accepter cette deuxième déclaration. Que faisaient-elles l'année dernière et l'année d'avant? À votre avis, d'où va venir cette concurrence extrême?

M. Peter Godsoe: Je pense que l'absence de concurrence est assez explicite. Nous voyons les mêmes chiffres que vous. Votre opinion est celle de très nombreux Canadiens.

Si on prend les chiffres bruts, les chiffres très généraux, notre système offre des prix inférieurs à ceux du système américain. Ses frais de service sont inférieurs d'un tiers et sa marge d'intérêt est pratiquement de 1 p. 100 inférieure, si on le compare avec ce que l'on estime être un système très concurrentiel. Nous avons les coûts les plus bas de tous les systèmes du monde anglophone. Cela ne change en rien le fait que les consommateurs et les petites entreprises du Canada souhaitent dans leur grande majorité une plus grande concurrence et non une concurrence inférieure.

J'imagine donc que si on supprime un tiers du système bancaire avec les fusions, on ne va guère favoriser une plus grande concurrence.

M. Gerry Ritz: Vous avez aussi dit qu'il fallait augmenter notre compétitivité internationale. Vous nous avez indiqué que votre banque avait obtenu sa charte en 1832. Vous avez toujours été très présents dans les Bahamas, en Amérique latine, dans des endroits de ce genre. C'est votre présence internationale. Les autres banques n'ont pas suivi cette voie. Est-ce que c'est quelque chose qui manque à leur portefeuille et qu'elles auraient dû faire?

M. Peter Godsoe: Je ne pense pas qu'il y ait grand-chose sur l'histoire dans le rapport MacKay. La Banque Scotia a commencé en 1832. Nous sommes alors allés à Boston et à New York. Nous étions à Kingston, en Jamaïque, avant d'être à Toronto. Je dois dire que la Banque de Commerce et la Banque de Montréal étaient en Californie dans les années 1860 avant que la Bank of America soit constituée. Comme nous, la Banque Royale a suivi la côte vers le Sud.

Nous avons choisi des stratégies différentes. Nous avons continué à élargir nos activités à l'échelle internationale. Nous sommes une banque multinationale depuis de nombreuses années. Nous sommes présents dans 53 pays. Nous avons 18 000 employés en Amérique latine dont la première langue est l'espagnol. Il n'est pas nécessaire d'être aussi important que Citibank pour le faire. J'ai eu à faire face à la concurrence de cette banque toute ma vie. Ce n'est pas ce qui fait d'elle ce qu'elle est. Nous avons également une grosse présence à New York. Nous nous situons parmi les dix premières banques consortiales de cette ville.

Lorsque je vivais là-bas, j'en suis sorti avec un sérieux préjugé et je croyais qu'on ne pouvait pas être assez gros pour en faire notre stratégie de développement. C'est donc une chose que nous faisons depuis longtemps. Chacun peut choisir une stratégie différente. Là où on se trompe, c'est lorsqu'on commence à parier sur un ou deux champions nationaux. J'estime que c'est dangereux et c'est toujours le pays d'origine qui paie le prix en cas d'échec. Je ne pense donc pas que ce soit une orientation valable de la politique publique. Je crois que nous devrions laisser la concurrence décider et les différentes stratégies évoluer.

M. Gerry Ritz: Pour lancer la discussion sur la concurrence et l'internationalité, etc., auriez-vous les mêmes inquiétudes si la Banque Royale fusionnait avec une banque américaine?

M. Peter Godsoe: Pas du tout, pas plus que je ne me serais inquiété si la Banque Royale avait fusionné avec London Life. Il y a très peu de chevauchement en matière de concurrence. J'ai pensé personnellement que cela entraînerait très peu de pertes d'emploi parce qu'on aurait regroupé en fait deux choses différentes. Je trouve que cela aurait constitué une évolution dans l'optique canadienne si de ce fait la concurrence avait augmenté pour les produits offerts aux consommateurs. Je n'y verrais aucune objection.

M. Gerry Ritz: Merci.

Le président: Merci, monsieur Ritz.

[Français]

Monsieur Rocheleau.

M. Yves Rocheleau (Trois-Rivières, BQ): Bonjour, monsieur Godsoe, et merci de votre témoignage. J'ai deux questions, monsieur le président.

La première porte sur le fait que vous faites allusion au Japon dans votre développement. Est-ce qu'il faut penser conséquemment que, si les règles du jeu n'étaient pas modifiées au Canada et qu'on avait la réalisation des mégabanques, des fusions, on risquerait peut-être, sur une base théorique, de vivre éventuellement une situation comme celle que vivent les Japonais?

La deuxième question est la suivante. Que pensez-vous de la suggestion de votre collègue M. Rousseau, de la Banque Laurentienne, qui préconise, pour contrer l'évolution inéluctable de l'arrivée des mégabanques, qu'on favorise, sur le plan de la loi et de la réglementation, l'arrivée sur scène de nouveaux intervenants qui seraient regroupés? Par exemple, une compagnie d'assurances pourrait se regrouper avec une compagnie de financement et une banque comme la vôtre, théoriquement, et un ou deux autres intervenants. Que pensez-vous de cette approche pour favoriser une meilleure concurrence?

• 0935

[Traduction]

M. Peter Godsoe: Merci, monsieur Rocheleau.

Pour le Japon, ce que j'ai dit, c'est que si les institutions financières ont des problèmes... Disons les choses autrement. Si une société de chemin de fer ou un grand magasin connaît des problèmes, nous faisons face à la situation et nous lui redonnons vie sous une autre forme après une faillite. Si les institutions financières connaissent des problèmes, elles arrêtent de prêter, le pays paie et ce n'est que le pays qui peut les sortir d'affaire. La communauté internationale n'aura aucune sympathie. Les banques japonaises ne prêtent pas actuellement. Il y a une crise économique importante au Japon non seulement parce que les Japonais ne peuvent pas construire de navires ou ne peuvent pas fabriquer de puces informatiques, mais parce que leur système bancaire s'est écroulé. Voilà pourquoi nous devons choisir la meilleure orientation possible.

C'est une question de politique publique. Il ne s'agit pas de laisser les marchés décider de tout. Cela n'a jamais été le cas. Nous sommes le produit d'une politique publique.

Quant à la suggestion de M. Rocheleau, si je l'interprète correctement—et on en a parlé—il dit en gros qu'il faut laisser le gouvernement adapter certaines des entreprises de taille moyenne pour offrir une concurrence avant que les banques puissent procéder à une mégafusion. Je dis à peu près la même chose. Je dis qu'il faut étudier l'idée avec le plus grand soin. Il ne faut pas agir avant de savoir. Il ne faut pas procéder aux mégafusions pour dire ensuite que vous avez construit ce magnifique terrain de vos rêves sur lequel tous ces concurrents extraordinaires vont venir remplacer le tiers du système bancaire que vous avez perdu. Cela ne s'est avéré vrai nulle part ailleurs. C'est pourquoi les Australiens, qui ont dû prendre une décision très semblable, ont simplement dit qu'ils n'allaient pas autoriser les mégafusions tant qu'il n'y aurait pas de concurrence.

Je crois que c'est ce qu'ils donnent comme argument: prenez la Banque Laurentienne, laissons-la évoluer, et si elle devient un concurrent important, c'est bien. Si la Banque Royale et la Banque de Montréal veulent ensuite fusionner dans deux ou trois ans parce qu'il y a des tas de concurrents importants, cela ne présente pas de risque pour le Canada. Mais c'est courir un très gros risque de le faire avant.

Il y a une réalité que j'aimerais mentionner. Au cours des 50 dernières années, les parts du marché pour les services bancaires essentiels entre les cinq plus grandes banques nationales n'ont pas changé; la Banque Royale a toujours été numéro un, la Banque de Commerce numéro deux, la Banque de Montréal numéro trois, la Banque Scotia numéro quatre et TD numéro cinq. Or nos styles de direction sont bien évidemment différents. Aussi brillants que nous ayons pu être à la Banque Scotia, nous sommes toujours en quatrième position et cela vous montre bien qu'il est très difficile de changer ces parts. Si vous n'attendez pas et que vous permettiez ces fusions, vous n'avez absolument aucune garantie que des concurrents vont venir. C'est je crois ce qu'il veut dire et je pense que c'est une remarque valable et une observation tout à fait judicieuse.

[Français]

M. Yves Rocheleau: Merci.

Le président: Merci, monsieur Rocheleau.

[Traduction]

Monsieur Brison.

M. Scott Brison (Kings—Hants, PC): Merci, monsieur le président.

Monsieur Godsoe, le groupe de travail MacKay est en principe prêt à autoriser les fusions dans la mesure où la demande arrive à franchir divers obstacles, y compris le Bureau de la concurrence. Pensez-vous honnêtement que le Bureau de la concurrence ne puisse pas traiter des problèmes de concentration ou de concurrence de façon indiquée en faisant des recommandations? Par exemple, on pourrait notamment prôner une certaine cession ou une restructuration du secteur. Je sais que Canada Trust a fait une proposition intéressante au Comité sénatorial des banques qui m'a semblé pouvoir nous permettre de sortir de l'impasse. J'aimerais savoir ce que vous en pensez car si nous mettons en place un processus d'approbation des fusions, en quelque sorte, qui comporte, entre autres bonnes pratiques de politique publique, une série d'obstacles y compris le Bureau de la concurrence et le processus d'analyse des répercussions dans l'intérêt public, cela ne répondrait-il pas à vos inquiétudes?

M. Peter Godsoe: En partie certainement et c'est ce que j'ai toujours dit depuis le début. «Il est exclu de penser maintenir le statu quo» est devenu le mot de passe pour «il faut agir immédiatement, l'avenir c'est maintenant.» J'ai dit non, c'est beaucoup trop important; je crois personnellement que le Bureau de la concurrence fait un travail très exhaustif. Mais il ne faut pas oublier que cela ne s'est jamais fait dans un autre pays. Il n'est pas possible de prendre les États-Unis, où on se défait des succursales, comme modèle. Nous avons ces cinq banques qui offrent tout ce qu'il faut et plutôt plus qu'il n'en faut partout.

Si je prends Canada Trust—je pourrais aussi prendre la Banque de Honkong et de Shanghai—elle voit une occasion de faire des affaires en reprenant certaines succursales. Et on sait que la stratégie de Canada Trust n'est pas de prêter aux petites entreprises mais d'offrir des opérations bancaires de détail. Cette institution va-t-elle se mettre à offrir des prêts aux petites entreprises en Ontario? Va-t-elle garantir qu'elle va se lancer dans cette activité? Je ne sais pas. Cela n'était pas dit dans son témoignage. Souhaite-t-elle uniquement avoir des succursales à Windsor et London, mais pas dans les petites villes? Je ne sais pas. Je crois qu'il faut pousser la chose assez loin avant de pouvoir conclure que c'est une solution.

• 0940

M. Scott Brison: Que diriez-vous d'une sorte de restructuration qui permettrait, par exemple, aux banques et aux sociétés de fiducie, en dehors des quatre qui discutent de fusionner actuellement, de fournir également un éventail plus large de services financiers au Canada? Par exemple, on pourrait dire non aux banques qui veulent fusionner pour le crédit-bail et le courtage d'assurance, mais on pourrait dire oui aux autres, y compris peut-être à la Banque de la Nouvelle-Écosse pour le crédit-bail et le courtage d'assurance, etc. Est-ce un autre compromis possible?

M. Peter Godsoe: C'est une possibilité. Que l'on adopte une stratégie qui nous permette de leur dire non et de dire oui aux autres semble certainement intéressant. Mais je ne suis pas tout à fait sûr que ce soit cela concevoir une politique publique.

Ce que vous faites en l'occurrence, c'est d'infliger une distorsion à la politique publique pour autoriser les fusions que vous jugez en gros contraires à la concurrence et favorables à une trop grande concentration du pouvoir. Vous essayez de l'infléchir pour créer un environnement qui permette aux autres de grandir. Vous dites, regardez, il y a des groupes assez solides dans notre pays. Il y a le système bancaire et le système des assurances. Ce que vous essayez de faire, c'est de créer un environnement leur permettant de se faire mutuellement concurrence ainsi que de faire face à la concurrence internationale. La petite entreprise et les consommateurs canadiens ont ensuite beaucoup plus de choix. On est donc en train de tout infléchir à la suite des fusions. C'est ce qui pour moi constitue le problème sur le plan de la conception.

M. Scott Brison: Bien sûr. Il y a une tendance mondiale, comme vous le savez, aux fusions dans le secteur financier, qu'il s'agisse d'UBS, de la Bank of America, ou de toute autre société mondiale d'envergure.

Prenez la position de l'une des banques qui essaient de fusionner. Je crois que dans le rapport MacKay on indique que certaines institutions financières canadiennes sont peut-être dans une meilleure position pour acheter certaines banques qui existent ailleurs—j'imagine que les États-Unis seraient le marché de choix—et que l'on pourrait en fait ramener au Canada davantage de bénéfices et d'emplois au lieu que ce soit le contraire.

Regardez ce qui s'est passé récemment avec Midland Walwyn, par exemple, qui était le dernier bastion. Il y a quelques années lorsque la question du secteur du courtage et du secteur bancaire était tout à fait d'actualité, on avait peur, surtout parmi les courtiers, et Midland Walwyn était le bastion. Les emplois correspondant au siège social ne sont plus à Toronto; ils sont pour la plupart à New York.

Ne craint-on pas que si nous n'y prenons garde, à long terme, la règle des 10 p. 100 pourrait ne pas être possible à maintenir? On pourrait avoir en fait une sorte de système bancaire canadien squelettique qui serait dirigé d'ailleurs, de New York ou de Genève par exemple.

M. Peter Godsoe: Personnellement, j'en doute. Je ne pense pas que cela se produise dans un avenir prévisible parce qu'il n'y a aucune pression exercée dans le cadre de l'OMC. Bien franchement, je ne connais aucun pays—on parle en général de la Nouvelle-Zélande, mais j'estime que ce pays n'est guère comparable au Canada—qui permette que le noyau central de son système bancaire commercial soit détenu ailleurs. Tout le monde a des règles voulant que, au-dessus de 10 p. 100, le pouvoir discrétionnaire d'un ministre doive s'exercer ou qu'on puisse dire «bon pour le service». Regardez le Royaume-Uni et les États-Unis.

J'ai entendu parler de Midland Walwyn. Nous oublions que Merrill Lynch s'occupait d'opérations de détail dans les années 80. La société a vendu ces services parce qu'elle a trouvé que la concurrence était trop dure. Elle est revenue pour acheter Midland Walwyn. On s'est tous demandé ce qui allait se passer. On nous a payé un très bon prix qu'on regrette maintenant. Et c'est normal, c'est aussi ça la concurrence. Elle paraît encore toute petite face aux sociétés de placement canadiennes. Cela ne me semble pas constituer une menace.

Ce que je vois comme une menace, c'est de concevoir nos politiques en fonction des fusions qui se produisent aux États-Unis. Vous dites que c'est entièrement différent puisqu'ils n'ont même pas de système national et qu'ils ont 9 000 banques. On avait prévu une règle voulant qu'on ne puisse avoir plus de 10 p. 100 de dépôts garantis parce qu'on avait compris instinctivement qu'une trop grande concentration n'était pas bonne pour le pays.

Eh bien, voilà longtemps que nous avons dépassé les 10 p. 100. Nous avons créé un système national dans les années 20 et je ne pense donc pas que les États-Unis constituent un bon modèle pour nous.

Le président: Monsieur Brison.

M. Scott Brison: J'aimerais poser une dernière question, monsieur le président.

S'il y a un domaine où le système bancaire canadien me semble avoir fait défaut depuis un certain temps, c'est celui de l'accès au capital, surtout pour les petites entreprises. Voyez ce qu'il en est lorsqu'il y a un resserrement du crédit. Lorsque les banques canadiennes, qu'il s'agisse de la Banque de la Nouvelle-Écosse ou d'une autre institution, commettent des erreurs lorsqu'elles prêtent à l'étranger, c'est le petit entrepreneur que l'on appelle au bureau du directeur local. Dans le passé, cela a constitué un problème. On peut avancer que l'un des points forts du système américain vient des banques communautaires et du nombre de banques. Si la Bank of Snellville en Georgie vous refuse ses services, vous pouvez aller voir la Bank of Loganville, et cela présente certains avantages.

• 0945

Les dispositions concernant les nouvelles banques constituent l'une des parties intéressantes des recommandations du groupe de travail MacKay. Pensez-vous que l'accès universel au système de paiements, l'allégement de la règle de la propriété avec des choses comme une exonération de dix ans de l'impôt sur le capital, vont réellement permettre la création de la Bank of Antigonish ou de la Bank of Wolfville à un moment donné à l'avenir? Que pourrions-nous faire pour encourager ce genre de choses? Je crois qu'il y a à cela des éléments positifs, dans la mesure où on renforce suffisamment le BSIF afin qu'il puisse faire face au surcroît de fardeau réglementaire.

M. Peter Godsoe: J'ai tendance à être d'accord avec vous. Je ne peux pas dire que nous n'avons pas besoin de système secondaire pour augmenter la concurrence. Ce que nous avons oublié de faire à mon avis, c'est de revenir en arrière pour essayer de voir pourquoi les autres tentatives de création de systèmes secondaires ont échoué.

La commission Porter du début des années 60 avait fait la même recommandation en 1966, et nous avons donc eu des sociétés de fiducie que nous avons fini par acheter intégralement. Nous avons fait d'autres tentatives. Comme vous le savez, dans le Canada atlantique, et en Nouvelle-Écosse en particulier, les banques dominent vraiment; elles constituent la seule animation dans une ville comme Antigonish ou Wolfville. Il faut donc prendre garde à ne pas se lancer dans une mauvaise affaire.

Le principe est bon, essayons de faire les choses bien. C'est tout ce que je dis et je pense qu'il y a à cela des coûts importants. La SADC a participé aux opérations d'une ou deux banques de l'Ouest et de quelques sociétés de fiducie. La facture a été d'environ 5 milliards de dollars. Qui paie la note? Les banques à charte du Canada en ont payé 80 p. 100 et vous savez quoi? Cela a sans doute été répercuté sur les consommateurs car nous continuons à faire des bénéfices.

Cinq milliards de dollars représente donc une belle somme pour une tentative d'instauration de services bancaires secondaires. Je crois que le principe est bon et qu'il nous faut opter pour cette solution.

J'ajouterais une simple remarque, monsieur le président, à savoir que le resserrement du crédit de la fin des années 80 aux États-Unis—j'ai passé pas mal de temps dans ce pays entre le Massachusetts et le Texas—a été bien pire qu'au Canada. Nous oublions que l'Amérique a connu une grave crise financière à la fin des années 80, la crise de S and L, et que certaines mégabanques, je ne prendrai pas la peine de les nommer, ont frisé la faillite à cette époque-là.

C'était il y a seulement huit ans. Au Canada, nous n'avons pas connu de crises financières parce que nous avons un système très solide et très stable. Ce fait a été tout à l'avantage du Canada et très peu de pays peuvent dire la même chose.

Le président: Merci beaucoup, monsieur Brison.

Monsieur Szabo, puis Mme Redman et M. Gallaway.

M. Paul Szabo (Mississauga-Sud, Lib.): Merci, monsieur le président.

Merci, monsieur Godsoe. Je dois avouer que nous aimerions tous avoir une feuille de marque pour l'indice de crédibilité et je pense que vous auriez eu 10 aujourd'hui. Il est très important pour nous d'entendre les opinions de toutes les parties concernées par la question, et je pense que votre exposé nous a montré la sagesse, l'expérience et le savoir-faire que les Canadiens aimeraient sans doute voir plus souvent dans le secteur bancaire. Je vous en félicite donc.

Dans votre intervention, vous avez fait une déclaration qui m'a un peu fait penser à la question de la poule et de l'oeuf; vous avez dit que la concurrence suivie par les fusions, suivies par... etc. D'après ce que vous avez dit, j'imagine que vous estimez qu'un surcroît de réglementation pourrait constituer un obstacle à l'arrivée de nouveaux intervenants dans le secteur bancaire. Cela me pousse à vous poser la question suivante: si nous avons l'équilibre voulu pour ce qui est du fardeau de la réglementation, d'où pensez-vous que cette nouvelle concurrence va venir?

M. Peter Godsoe: J'hésiterais à dire qu'elle va venir. Voilà ce que je veux dire car l'histoire nous montre qu'au cours des 50 dernières années—et il ne faut pas les oublier du jour au lendemain en disant simplement que le changement va être si important au cours des deux prochaines années qu'il dépassera l'évolution des 50 dernières années—la concurrence n'est pas venue. C'est pourquoi les banques à charte canadiennes ont toujours la même part du marché aujourd'hui qu'il y a 50 ans, par rapport à l'ensemble du système. C'est pour cela que nos parts respectives du marché restent les mêmes. Et il y a eu les fonds mutuels et les caisses de retraite et autres pour absorber l'épargne des Canadiens. Je crois qu'il faut encourager ce genre de choses, mais je ne suis pas convaincu que cela puisse se faire sans une bonne politique publique.

• 0950

En ce qui concerne la réglementation, tout comme la législation, elle coûte cher à mettre en oeuvre. Elle constitue un système très rigide car nous savons tous qu'une fois qu'un règlement ou une loi est en place, il faut se démener énormément pour la changer—énormément. Et avec nos ordinateurs et nos coûts, nous allons automatiquement avoir un avantage concurrentiel par rapport à une plus petite société qui essaie de le faire si les mêmes règles s'appliquent à elle. Je ne sais pas. Il n'y a pas de bonne réponse à cela, mais il est tout à fait vrai, comme le montre l'histoire des entreprises, qu'une grosse compagnie de téléphone qui est réglementée a un avantage concurrentiel par rapport à une petite compagnie qui est assujettie à la même réglementation. C'est tout ce que je veux dire.

M. Paul Szabo: Il y a deux jours, le gouverneur de la Banque du Canada a comparu devant notre comité et je pense que c'est la première fois que quelqu'un est venu nous dire qu'une augmentation de la concurrence au sein du secteur, et plus précisément du secteur bancaire, laisse entrevoir la possibilité de faillites bancaires. Et dans votre exposé vous avez donné l'exemple du Crédit Lyonnais en France. Et le gouverneur nous a également laissé entendre que les Canadiens devraient assumer ces faillites bancaires.

Il y a une chose que je dois vous demander. Si les banques ont un rendement de 20 à 30 p. 100 sur leurs avoirs propres pour les opérations nationales—vous n'avez pas parlé des 45 p. 100 de votre rendement qui vient de l'étranger—il me semble que le secteur bancaire a actuellement la capacité de s'assurer pratiquement lui-même ou de s'assurer contre les faillites. Que penseriez-vous du fait que les Canadiens élargissent ou protègent le rayon d'action de nos principales banques sans les tenir responsables des faillites éventuelles?

M. Peter Godsoe: Je crois que nous devons assumer des responsabilités. Ce que nous montre l'histoire depuis les années 20... Nous avons vécu la Dépression, les années de guerre, l'évolution des années 50 et 60, la situation volatile des années 70, les années 80, l'explosion technologique et la crise mondiale actuelle—car c'en est une bien que j'estime qu'elle soit en principe terminée—et les Canadiens n'ont pas eu à payer parce que nous avions une bonne base réglementaire, un bon système concurrentiel et suffisamment d'acteurs importants. C'est là l'essentiel; suffisamment d'acteurs importants. Nous étions en définitive autofinancés. Les 5 milliards de dollars qu'a dû payer la SADC, et qui ne l'ont été qu'en 1967, ont en gros été remboursés par les banques.

Ce à quoi faisait allusion le gouverneur Thiessen, à mon avis, c'est que si une institution devient si importante qu'on estime qu'elle est trop importante pour échouer, la direction a alors tendance à agir de façon cavalière et à se dire que quelqu'un va la sortir d'affaire—les banques japonaises. Là encore, l'histoire montre que lorsque les banques subissent une débâcle, si elles entraînent l'économie avec elle, ce qu'elles font en arrêtant de prêter aux petites et moyennes entreprises, les gouvernements doivent intervenir avec l'argent des contribuables. C'est pourquoi elles constituent un instrument de politique publique.

Bien sûr, nous sommes des sociétés ouvertes et nous devons prendre en compte les actionnaires, mais nous ne sommes pas entièrement le produit des marchés ouverts. Nous sommes protégés des prises de contrôle et nous avons une certaine sécurité parce que vous avez besoin de nous systémiquement. Que vous nous aimiez ou que vous nous détestiez, vous avez besoin de nous. Et merci pour vos aimables propos.

M. Paul Szabo: Soit dit en passant, les Canadiens détestent peut-être le secteur bancaire, mais ils adorent leur succursale. Je crois que tout le monde sait cela.

Pour finir, certains ont laissé entendre que si les fusions proposées n'avaient pas lieu, cela pourrait, et même très vraisemblablement, donner lieu à des réductions nettes d'effectif ou à des compressions, etc. Qu'en pensez-vous?

M. Peter Godsoe: Pour la Banque Scotia, ce n'est absolument pas vrai. Nous allons faire face à la concurrence et nous adapter indéfiniment, comme nous le faisons depuis 150 ans. Nous ne nous voyons pas arriver à un tournant où nous allons battre de l'aile si on ne nous laisse pas fusionner, si on ne nous autorise pas à le faire, on va devoir tout changer.

Nous pensons que ce que nous faisons en partie, c'est-à-dire l'impartition du service de la paye—nous avons vendu nos opérations de fiducie à la Banque Royale—se fait aux États-Unis depuis toujours. Il n'y a guère de banques américaines qui s'occupent des salaires. Ce n'est pas nécessairement une partie essentielle des services bancaires. Nos principales activités se font à Antigonish, Wolfville, Nobleton et Sudbury. Cela a toujours été. C'est encore là que nous gagnons 40 p. 100 de nos revenus et cela représente un très bon rendement de nos capitaux propres. Ce sont de très bonnes affaires. Elles ne sont pas polluantes; elles permettent d'employer beaucoup de monde. Il est très difficile de nous faire concurrence à cet égard. Nous ne sommes pas prêts de les abandonner.

• 0955

Le président: Merci, monsieur Szabo.

J'aimerais revenir sur une chose que vous avez dite, monsieur Godsoe, à savoir que, si je me souviens bien, la part du marché des grandes banques canadiennes n'a guère changé depuis 50 ans et vous avez ajouté que cela était dû en grande partie au fait que nous ayons un système si stable, si efficace.

Et si je vous disais que ce pourrait être parce que nous avons un système stagnant? Il n'est pas assez innovateur et manque d'esprit d'entreprise et c'est en gros pour cela que les acteurs n'ont pas changé.

M. Peter Godsoe: C'est une question sujette à controverse et je ne suis pas d'accord avec ce que vous dites car du point de vue technologique, on nous considère comme l'un des deux meilleurs systèmes du monde, l'autre étant celui des très grandes banques américaines et non de l'ensemble des banques américaines, bien au-dessus du système européen ou japonais. Nous avons donc évolué dans ce sens.

Nous nous comportons tous très bien à l'échelle internationale, malgré tout ce que l'on dit. TD représente le troisième escompte mondial. Nous sommes en situation prépondérante dans les Antilles. Lorsque j'ai commencé il y a 30 ans, ce n'était pas le cas. Nous avions affaire à Citibank, Chase, Barclays. Nous avons racheté certaines d'entre elles. Nous avons avancé. Il y a donc eu beaucoup de changement. Nous sommes une banque universelle.

Le changement au cours des dix dernières années a été extraordinaire. Nous avons les assurances avec les téléphones et les cartes de crédit. Vous savez, nous sommes encore en tête pour les cartes de crédit dans notre pays. Les redoutables sociétés à produit unique ont énormément de mal à nous faire concurrence; elles ont beaucoup plus de mal qu'en Angleterre.

Avons-nous l'esprit d'entreprise? Monsieur le président, vous savez que nous sommes de très grosses sociétés et il n'y a pas de doute qu'il y a des bureaucraties naturelles chez nous qui nous empêchent de faire le meilleur travail possible. Je crois que nous en sommes tous conscients.

Le président: Madame Redman.

Mme Karen Redman (Kitchener-Centre, Lib.): Merci, monsieur le président. J'ai vraiment beaucoup aimé votre exposé et j'ai repris l'une des phrases de la page 3. Ça me semble être votre principal argument ou en tout cas l'un de vos principaux arguments: «Il est beaucoup plus important de se doter du cadre politique voulu que d'agir vite.»

J'ai l'impression que vous traitez les recommandations MacKay comme un tout, dans leur totalité. On ne dit pas dans le rapport MacKay que les fusions devraient avoir lieu. On dit qu'elles devraient être étudiées comme une solution légitime pour les activités du secteur bancaire et on prévoit un processus. Vous semblez donc parler d'un processus différent et d'un moment différent et j'aimerais que vous élaboriez un peu là-dessus.

M. Peter Godsoe: Je pense qu'on dit dans le rapport MacKay que c'est une option valable et je suis tout à fait d'accord avec cela. Il est tout à fait bien de fusionner, de réduire les coûts et d'éliminer le double emploi.

Le défi pour la politique publique est de savoir si cela va créer de trop grandes concentrations—le Bureau de la concurrence—et si cela aura des répercussions sur la façon dont on conçoit l'évolution du secteur des services financiers et sur les collectivités canadiennes, et une telle décision est plutôt d'ordre politique.

Cela figure à mon avis en partie dans le rapport MacKay. Je ne suis pas sûr de ce que cela veut exactement dire. S'agit-il d'un site sur le Web? Qu'entend-on par «conditions»? Je suis quant à moi assez sceptique sur les conditions, non pas parce que les gens ne sont pas honorables; c'est simplement que l'histoire nous montre que les conditions ne donnent pas les résultats escomptés. Si une récession se produit, quelqu'un va dire: «Je regrette, je dois changer cela pour le bien de mon institution.» Il est très difficile de faire respecter les conditions. Elles n'ont en général pas donné les résultats escomptés, sauf dans de très rares cas.

C'est pour cela que je dis qu'il nous faut donner la meilleure orientation possible au système. Il est beaucoup trop important pour l'économie canadienne car le crédit est absolument essentiel.

Nous nous trouvons actuellement dans une situation de resserrement mondial du crédit, que nous voulions l'admettre ou non, et cela nous montre que l'histoire n'a pas été submergée par la mondialisation ou la technologie des marchés financiers. Si vous ne pouvez pas obtenir d'argent, vous ne pouvez pas accroître vos activités. C'est ce qui se produit. Il y a des pays qui n'arrivent pas à obtenir de capitaux. Le tiers monde est pratiquement exclu des emprunts. C'est pourquoi il nous faut y réfléchir avec soin. Il ne s'agit pas uniquement de Bay Street, il s'agit de tout le Canada.

• 1000

Je pense qu'on dit avec raison dans le rapport MacKay que c'est une option stratégique valable mais on dit aussi qu'il y a de réelles inquiétudes, le feu orange. C'est de cela que doit en partie s'occuper le comité, c'est-à-dire veiller à ne pas se laisser submerger par les fusions, à regarder le tableau d'ensemble.

Mme Karen Redman: Si les fusions ne sont pas autorisées, quelle modification devrions-nous apporter au régime réglementaire proposé dans le rapport MacKay?

M. Peter Godsoe: Je pense qu'il est tout à fait valable de s'attacher au consommateur et à la petite entreprise. Je ne vois aucun inconvénient à cela. J'aurais quelques réticences à nous voir nous précipiter dans la réglementation et la législation sans avoir envisagé auparavant l'autoréglementation pour voir si elle fonctionne. Voilà en gros ce que je veux dire.

Pour ce qui est des deux gros secteurs, celui des banques et celui des assurances, je crois qu'il est tout à fait justifié que le secteur des assurances s'inquiète d'être submergé par le secteur bancaire. Je ne parle pas ici du droit de proposer des assurances ou non; je parle simplement des principaux éléments de construction. Malheureusement, les compagnies d'assurances sont placées dans une situation où la démutualisation est indispensable pour leur permettre de mobiliser davantage de capitaux. Le secteur bancaire se trouve placé dans une position où les fusions ont submergé tout le reste. Ni l'un ni l'autre ne cherchent donc vraiment à voir quel effet cela aura sur les coûts ni comment nous allons évoluer dans les cinq prochaines années, et il est important de le faire pour voir les choses à long terme.

Je suis bien sûr favorable aux fusions dans la mesure où on estime qu'elles ne sont pas contraires à l'intérêt public, et qu'elles ne vont pas créer des possibilités exagérées de concentration et de décision. Lorsque je considère personnellement le secteur bancaire, je me dis que c'est l'activité d'octroi de crédit qui est essentielle et non pas la gestion des capitaux ou les fonds mutuels.

Pour vous, il s'agit de savoir si on va continuer à financer les petites entreprises, qui va combler le vide et si on va continuer à permettre l'accès à ces comptes essentiels. Si nous ouvrons le système de paiements, combien vont en profiter?

J'ai des doutes. Ce sont des choses qui coûtent très cher à mettre sur pied. Les compagnies d'assurances ont eu les pouvoirs de sociétés de fiducie pendant longtemps, car la mise en place est très dure et il faut être sûr d'avoir énormément de sources de crédit—et non pas moins.

Le président: M. Gallaway est le suivant et nous donnerons ensuite la parole à M. Nystrom.

M. Roger Gallaway (Sarnia—Lambton, Lib.): Merci, monsieur le président.

Monsieur Godsoe, vous avez soulevé une question très intéressante concernant la concurrence étrangère. J'ai l'impression que les banques qui souhaitent fusionner ont présenté comme argument le fait de devoir faire face à la concurrence internationale. Nous le savons. Et pour le prouver on nous brandit le fait qu'il y a eu une invasion dont personne ne nous a parlé. Ces banques existent et font des affaires assez importantes. L'un des témoins représentant l'une des grandes banques a parlé d'une région du pays où ces envahisseurs font des affaires. Il se trouve que je viens de cette région du pays. J'ai essayé de trouver activement des gens qui faisaient affaire avec ces banques fantômes des États-Unis et je n'ai pu dénicher personne.

J'aimerais vous demander si, en vertu de notre régime actuel, il y a un moyen de mesurer ou de quantifier leur nombre et le volume d'affaires qu'elles réalisent? Si elles font effectivement des affaires, font-elles le jeu de la concurrence ou sont-elles en train de prendre un créneau dont ne s'occupent pas les institutions financières canadiennes?

M. Peter Godsoe: Pour répondre à la dernière question d'abord, elles sont en train de faire le jeu de la concurrence dans des créneaux où elles pensent pouvoir faire de l'argent, de la même façon que nous faisons le jeu de la concurrence aux États-Unis dans un créneau où nous pensons pouvoir faire de l'argent, c'est-à-dire dans le secteur des prêts importants. La Banque Scotia paie un impôt sur le revenu aux États-Unis qui représente des centaines de millions de dollars, nous faisons donc plus d'argent là-bas que n'importe quelle banque étrangère puisse rêver de faire au Canada.

Pour ces redoutables sociétés à produit unique, je m'amuse toujours à dire que lorsque je suis sorti de l'école et que je suis venu travailler à la banque, je pouvais obtenir une carte de crédit American Express. Lorsque j'étais étudiant et que j'avais besoin d'argent, j'ai obtenu un prêt de Household Finance. Je pouvais obtenir un crédit-bail auto de Ford, de General Motors ou de Chrysler. Je pouvais obtenir un prêt de The Associates fondé sur mes biens.

Les sociétés à produit unique existent depuis toujours. Elles ne sont pas nouvelles. Elles existent depuis 50 ans. Et vous savez quoi? Lorsque les grands économistes mondiaux regardent le Canada et évaluent son système financier, ils le mettent en première place pour ce qui est de sa sûreté et de sa solidité, mais en 43e place pour la compétitivité générale. Pourquoi? Parce que les banques étrangères n'ont que 8 p. 100 de la part du marché de notre pays. Elles ont 14 p. 100 aux États-Unis, nous inclus.

• 1005

Je suis donc comme vous; partout où je vais, je me demande où elles sont. Wells Fargo a accordé pour 50 millions de dollars de prêts aux petites entreprises à partir d'un centre téléphonique situé à Denver je crois. Si nous ne faisons pas 50 millions de dollars de prêts aux petites entreprises en une semaine, les choses vont mal parce que nous recevons peu de remboursements. Ce n'est donc pas un gros problème.

Je pense vraiment qu'il s'agit uniquement de regarder vers l'avenir pour essayer de nous convaincre que vous devez fusionner parce que vous n'êtes pas assez gros pour faire face à la concurrence chez vous, et j'estime franchement que ce n'est pas vrai.

M. Roger Gallaway: On nous dit qu'il y a une entreprise que j'appellerais une salle des machines qui est active à Nepean et qui est gérée par une institution américaine appelée MBNA. Qu'est-ce qui pourrait convaincre un Canadien de traiter avec MBNA plutôt qu'avec la Banque de la Nouvelle-Écosse?

M. Peter Godsoe: La MBNA est une excellente société de cartes de crédit. Elle peut vous donner une carte de crédit qui vous permet d'avoir un taux d'intérêt inférieur ou davantage de points. Sa grande spécialité est ce que l'on pourrait appeler les cartes d'affinité. Elle va aller trouver une université ou un autre organisme et lui offrir de créer une carte de crédit avec elle en partageant les frais. C'est bien. Les banques canadiennes détiennent encore 90 p. 100 des activités de cartes de crédit. Un peu de concurrence n'a jamais fait de mal à personne. Nous ne pouvons pas dire que MBNA va nous forcer à abandonner cette activité, parce que cela ne se fera pas. Elle vous offre une autre solution, mais c'est tout, elle ne vous propose que des cartes de crédit.

M. Roger Gallaway: Vous avez soulevé la question de l'augmentation de la réglementation. Voulez-vous parler de ce que j'appellerais les dispositions de protection des consommateurs qui figurent dans le rapport MacKay ou parlez-vous de quelque chose d'autre qui m'a échappé?

M. Peter Godsoe: Non, je voulais parler de ce que pourrait provoquer le rapport MacKay. En gros, sur les cinq chapitres qu'il comporte, deux traitent de cette question, l'un de la réglementation et l'autre du pouvoir des entreprises. Vous dites qu'il y a là une possibilité parce que politiquement, il est beaucoup plus facile d'étudier la réglementation et la législation pour faire contrepoids à ce que l'on juge être un pouvoir trop grand, comme solution possible.

Je dis simplement que j'espère qu'on va en discuter de façon très approfondie car chaque fois qu'on crée un nouveau texte de loi, il reste en vigueur au moins 20 ans alors que c'est un secteur qui devrait s'adapter pour répondre aux besoins des consommateurs, sachant qu'il y a des inquiétudes très légitimes qui existent. Si nous ne le faisons pas de nous-mêmes en tant que secteurs—des assurances, des banques, etc.—le gouvernement va prendre un règlement ou adopter une loi, mais j'espère que ce sera le dernier recours et non le premier.

Le président: Merci, monsieur Gallaway.

Monsieur Nystrom.

L'honorable Lorne Nystrom (Regina—Qu'Appelle, NPD): Merci beaucoup, monsieur le président. J'aimerais souhaiter la bienvenue à M. Godsoe parmi nous ce matin. J'ai suivi avec grand intérêt les observations que vous avez faites publiquement devant le comité du Sénat. J'ai assisté à votre assemblée annuelle à Ottawa au Centre des congrès en janvier dernier. Je dois vous féliciter pour la position que vous avez adoptée et qui est réconfortante en ce qu'elle diffère de celle de certains de vos collègues qui sont P.D.G. de certaines autres banques.

Je veux vous poser des questions sur deux sujets différents. Vous dites que si ces mégafusions se font, 70 p. 100 des opérations bancaires se retrouveront concentrées dans les mains de deux institutions. C'est une situation qui n'existe nulle part ailleurs dans le monde. L'ironie, dans tout ce débat, est que bon nombre de pays ne permettraient même pas que l'on discute d'une telle concentration. Je trouve donc vos remarques très réconfortantes.

J'ai demandé à M. Thiessen il y a quelques jours ce qu'il entendait par «trop gros pour faire faillite» lorsqu'il a fait les remarques dont vous avez parlé. Vous nous avez déjà mis en garde en citant l'exemple du Crédit Lyonnais en France qu'il a fallu sortir d'affaire en injectant 22 milliards de dollars. Qu'arriverait-il dans notre pays si le Parlement approuvait ces mégafusions et si dans quelques années, le malheur voulait que l'une d'elles fasse faillite? Quelles conséquences cela aurait-il sur le reste des services financiers de notre pays?

Étant donné qu'elle serait si importante, le gouvernement serait sans doute contraint de la sortir d'affaire ou de veiller à ce qu'elle ne fasse pas faillite. Est-ce que cela constituerait pour les autres banques une concurrence déloyale? En tant que consommateur, Roger Gallaway et moi savons aussi que la banque serait si importante que si elle faisait faillite, ce serait une véritable catastrophe. Nous bénéficierions donc d'une sécurité plus grande avec elle qu'avec la Banque Scotia ou une coopérative de crédit locale. Ai-je bien évalué la situation? J'aimerais que vous répondiez à ces deux questions.

M. Peter Godsoe: Vous l'avez bien évaluée jusqu'à ce que vous disiez que vous seriez plus en sécurité avec ces banques qu'avec la Banque Scotia. J'aurais dit le contraire.

Si nous regardions le risque au Canada, du point de vue de la politique publique, nous voulons davantage de banques concurrentielles à l'échelle nationale et fortement concurrentielles à l'échelle régionale, et non moins. De cette façon le risque est réparti—je ne trouve pas de meilleure expression—si l'une d'elles connaît des problèmes. Le risque est réparti de sorte que vous avez davantage de choix à Antigonish ou ailleurs. Grossir n'a jamais été la solution.

• 1010

À l'heure actuelle, si une banque connaissait des problèmes ou si nous avions une compagnie d'assurances qui connaissait des problèmes, nous pourrions nous en sortir. Si on perdait une banque, il nous en resterait encore au moins quatre et les compagnies d'assurances évoluent, ainsi que certaines banques régionales comme la Banque Laurentienne qui est en train de prendre de l'ampleur. Mais si vous en aviez en gros deux et que l'une d'elles connaisse des problèmes—c'est là l'essentiel de votre question—je ne sais pas. On dit de façon peut-être un peu cavalière dans le rapport MacKay que l'on pourrait peut-être trouver un acheteur étranger. Est-ce vraiment ce que nous voulons? Voulons-nous mettre 35 à 40 p. 100 de notre système bancaire dans les mains d'un étranger? Il nous faudrait subventionner cette banque de toute façon et c'est pourquoi je pense que c'est une solution très risquée pour le Canada. Elle est irréversible et nous n'avons pas de réponse à cette question. Tout ce que nous pouvons prévoir, ce sont les problèmes si la chose devait se faire.

L'hon. Lorne Nystrom: Oui, et M. MacKay dit que ce pourrait être un acheteur étranger alors que d'autres disent que ce pourrait être une énorme injection de la part des contribuables—mais on revient toujours de toute façon aux contribuables.

Voici la question que j'aimerais vous poser: quel serait l'effet sur le reste du secteur financier si, et c'est une hypothèse, une mégabanque était autorisée à se constituer, si elle faisait faillite et s'il n'y avait pas d'injection massive de la part des contribuables canadiens? Mais j'imagine qu'on n'aurait pas le choix. Qu'il nous faudrait la sortir d'affaire.

M. Peter Godsoe: oui, vous avez répondu à la question. On n'a absolument pas le choix. La grande majorité des prêts aux petites entreprises... Vous pouvez dire que les prêts aux petites entreprises représentent seulement 55 p. 100 du crédit total aux petites entreprises, mais c'est 75 p. 100 des relations essentielles. Elles en ont absolument besoin. Il y a vos dépôts et il y a les milliers de succursales qui existent dans les localités canadiennes. On ne peut pas les fermer et il faudrait donc que les contribuables la sortent d'affaire.

Ce que l'exemple du Japon prouve, ou ce que la crise mondiale prouve, c'est que chaque pays s'évalue en fonction du crédit disponible. C'est ce que j'essayais de vous montrer. Les banques japonaises ne prêtent pas. Devinez ce qui s'est passé! Ces cinq dernières années, les banques étrangères, les banques mondiales ou autres ne sont pas arrivées. Le Japon est pris dans ce que l'on pourrait appeler le piège de la liquidité. Personne n'emprunte, personne ne prête. Cela nous obligerait, nous les Canadiens, à sortir d'affaire la mégabanque. Nous n'aurions pas d'autre choix.

Si quelqu'un trébuche maintenant, il y a suffisamment de puissance dans le reste du système pour essayer de répartir les choses: on pourrait dire que l'un va s'occuper de telle partie, l'autre va s'occuper de telle autre partie. On pourrait collectivement la maintenir en activité dans l'intérêt du Canada. C'est ce que je répondrais instinctivement, mais je ne suis pas expert en la matière.

L'hon. Lorne Nystrom: J'imagine que personne ne sait combien de milliards de dollars il en coûterait aux contribuables de sortir d'affaire la banque. C'est un peu comme envoyer une fléchette sur la cible.

M. Peter Godsoe: Non, mais ce que nous savons, c'est qu'il s'agit de plus de 500 milliards de dollars américains au Japon. Il s'agissait de 35 milliards de dollars canadiens pour le Crédit Lyonnais seulement. Ce serait donc important.

L'hon. Lorne Nystrom: Plus de 500 milliards de dollars américains au Japon.

M. Peter Godsoe: C'est ce qui se produit.

L'hon. Lorne Nystrom: C'est difficile à...

M. Peter Godsoe: Nous savons que la crise de S and L représentait 250 millions de dollars américains.

La Banque Scotia est présente au Mexique. Nous sommes je crois propriétaires de la cinquième banque du pays. Nous l'administrons pour le gouvernement et elle représente un tiers du PIB mexicain. Au Japon, il s'agit du quart du PIB. C'est autant d'argent qui ne va pas aux hôpitaux et aux écoles, secteurs auxquels nous, les Canadiens, pouvons consacrer de l'argent. Vous ne voulez pas le dépenser à sortir d'affaire une banque, c'est bien évident. Les directeurs généraux auront une pension à leur retraite et les actionnaires récupéreront leur argent, mais le contribuable paiera. C'est la leçon que l'on peut tirer de l'histoire du secteur financier.

L'hon. Lorne Nystrom: J'imagine que la question est de savoir comment le contribuable peut acquitter une telle facture. Nous avons eu des consultations prébudgétaires dans tout le pays. Il a été question de quelques centaines de millions de dollars pour un programme agricole d'urgence et de mettre un peu plus d'argent dans le secteur de la santé ou dans la recherche médicale, etc., mais ici nous parlons littéralement de dizaines et de dizaines de milliards de dollars. C'est assez effrayant.

M. Peter Godsoe: Il faut que vous sachiez tout de même que c'est une toute petite possibilité parce que nous avons au Canada l'un des meilleurs systèmes du monde. Les Britanniques ont eu des problèmes, les Français ont eu des problèmes, les Américains ont eu des problèmes et les Japonais ont eu des problèmes. Nous avons réussi à nous sortir de toutes sortes de choses: les crises du pétrole et de l'immobilier, les crises du tiers monde, la Dépression des années 30, les récessions. Nous avons un système stable. Il n'est pas parfait. Il a connu des périodes de resserrement du crédit. Mais il n'a rien coûté aux contribuables, je ne veux donc pas faire sortir ce fantôme. Mais je dis qu'avant de le changer de façon importante puisqu'un tiers du système va disparaître ou que l'on va grossir, il faut débattre de ces questions.

• 1015

Vous venez de les poser. On les a posées au gouverneur Thiessen. J'estime justifié qu'elles soient posées non pas par crainte mais simplement pour regarder vers l'avenir. C'est ce que nous essayons de faire.

L'hon. Lorne Nystrom: Les citoyens ordinaires commencent à me poser ce genre de questions lorsque je me promène dans ma circonscription de Regina ou ailleurs dans le pays.

J'aimerais vous demander si vous pensez ou non que Matthew Barrett bluffe lorsqu'il dit que si ces fusions n'ont pas lieu, ces banques vont fermer des succursales et licencier du monde.

M. Peter Godsoe: Je pense que M. Barrett dirige une très bonne banque. Il a été un directeur général extraordinaire et un concurrent difficile ces dix dernières années. Je ne l'ai jamais entendu dire quelque chose en quoi il ne croyait pas entièrement.

Ceci dit, s'il procédait à des fermetures et à une réduction des activités, je serais heureux de combler ce vide. Nous évoluerons différemment.

L'hon. Lorne Nystrom: Il bluffe donc peut-être. Je sais que certains d'entre nous le voient un peu comme une menace. Il nous dit en quelque sorte qu'il faut approuver ces fusions, sinon...

Mais c'est certainement une question qu'il est injuste de vous poser.

Vous avez dit que ces banques voulaient fusionner pour pouvoir faire de plus gros paris sur les marchés mondiaux. C'est une déclaration assez dure. Ne pourriez-vous pas la préciser davantage.

Certains ont dit que ces banques veulent fusionner non pas à cause de la mondialisation mais pour leur part du marché national. Elles veulent être plus grosses pour vous forcer vous et les autres acteurs à leur laisser la place. Il s'agit uniquement de la part du marché intérieur. Il y aurait ces deux grosses banques et leur clientèle ne cesserait de croître.

M. Peter Godsoe: Je devrais effectivement préciser cette déclaration car j'ai peut-être parlé un peu à la légère.

Lorsqu'on cherche des exemples ailleurs, on cite souvent les Suisses. S'ils ont fusionné, c'est à cause de toutes les banques cantonales. La Suisse est un tout petit pays, elle aime les champions nationaux—il y a l'industrie pharmaceutique et Nestlé—et tout se fait avec les deux banques qui existent. Les deux banques en question vont toutes les deux perdre environ 1 milliard de dollars, sans doute après impôt, pour le dernier trimestre, dans leurs services des marchés financiers. C'est ce que je voulais dire lorsque je parlais de dettes énormes. Ce n'est pas ce qu'elles étaient censées faire, mais elles l'ont fait, les fusions n'avaient donc aucun rapport avec le marché intérieur...

Je crois sincèrement que les fusions qui nous concernent portent uniquement sur le Canada. La totalité de l'effet se verra au Canada. Les résultats finaux se verront au Canada. Toutes ces idées d'aller sur les marchés étrangers avec les stratégies dont elles peuvent se doter pour prendre de l'ampleur aux États-Unis en achetant des banques ou ailleurs, concernent l'avenir. C'est chez nous que les choses se feront dans l'immédiat et au cours des cinq prochaines années. Il s'agira de parts plus importantes du marché, de rationaliser les coûts, de perdre un tiers de notre système bancaire. Je tiens à ce que ce soit clair.

Je ne sais quelles seront les stratégies par la suite, parce que j'estime que nous changeons tous. Il y a moins d'un an, on lançait la mondialisation en disant que c'était la seule voie possible. Aujourd'hui, la mondialisation n'est pas aussi bien acceptée qu'elle aurait pu l'être car nous avons eu des marchés financiers mondiaux et nous discutons actuellement au FMI, à la Banque mondiale et ailleurs de savoir si les marchés financiers mondiaux sont en fait une si bonne chose. Il faut une certaine réglementation et il nous faut envisager. Voilà vraiment ce que je devrais dire. Je ne vois pas l'avenir aussi clairement que certains de mes collègues.

L'hon. Lorne Nystrom: Il s'agit donc uniquement du Canada, de la concurrence intérieure et d'une plus grande part du marché dans notre pays. J'imagine donc que MM. Cleghorn et Barrett nous comptent des sornettes lorsqu'ils parlent de la nécessité de devenir plus gros.

Vous vous comportez par exemple très bien en dehors du pays. Je crois que votre banque est mieux placée que les autres pour ce qui est de la part du revenu qui vient de l'étranger. Si j'ai bonne mémoire, la plus grande partie de votre revenu vient de l'extérieur; je me pose donc des questions sur l'argument de MM. Cleghorn et Barrett voulant qu'il faille devenir plus gros pour être plus concurrentiel. Ils vont tout de même rester à la 19e ou à la 20e position à l'échelle mondiale, donc s'ils prennent quelques livres et qu'ils pèsent un peu plus, cela va-t-il les rendre meilleurs? Vous dites que non.

M. Peter Godsoe: Permettez-moi de préciser. Je pense qu'ils croient honnêtement dans leurs arguments. Ils dirigent de bonnes banques et ils croient dans leur stratégie.

Il se trouve que je suis d'accord avec vous. Il est vrai que si l'on prend toutes les banques canadiennes, avant que l'on démutualise leurs compagnies d'assurances, et qu'on ajoute de surcroît Power Corp, on reste plus petit que la nouvelle Bank of America ou la nouvelle Citicorp. Ce n'est pas par la taille que l'on pourra y parvenir. Je crois qu'il y a contradiction dans les termes. La taille ne constitue pas une stratégie, c'est un mot, un adjectif.

L'hon. Lorne Nystrom: Merci beaucoup.

Le président: Merci, monsieur Nystrom.

J'aimerais que les députés fusionnent leurs questions en une seule pour que l'on puisse en poser davantage.

Monsieur Epp.

• 1020

M. Ken Epp (Elk Island, Réf.): Merci, monsieur le président, et merci, monsieur Godsoe d'être venu.

Il y a beaucoup de choses que j'aimerais discuter avec vous, mais nous allons manquer de temps. Je vais donc me concentrer sur une petite question et vous en poser ensuite une autre sur laquelle j'aimerais avoir une réponse un peu plus longue.

Voici la petite question: dans votre rapport et dans votre déclaration, vous n'avez pas du tout parlé de la question de savoir si oui ou non vous souhaitez diversifier les produits que vous offrez au peuple canadien. Plus précisément, voulez-vous pouvoir vendre des polices d'assurance-auto et d'assurance-vie à vos guichets? Voulez-vous vous occuper de crédit-bail automobile et avoir une réserve de voitures d'occasion derrière votre bâtiment? J'aimerais savoir si vous voulez vous lancer dans ce genre d'activités. C'est la première chose; vous pourriez très bien répondre par oui ou non. Peut-être qu'à une autre occasion je pourrais vous demander votre philosophie à ce sujet.

Mais il y a une question sur laquelle j'aimerais que vous vous étendiez un peu plus. Vous êtes pour la concurrence; du moins c'est ce que vous dites. Et pourtant, vous êtes l'un des acteurs du système de paiements, le système d'où les banques ont pratiquement exclu tous ceux qui voulaient offrir une véritable concurrence pour des activités comme les services de paye. J'aimerais que vous vous étendiez un peu plus sur cette partie de ma question.

Merci.

M. Peter Godsoe: Je répondrai à la dernière d'abord. J'ai fait un discours à notre assemblée générale annuelle en 1994 dans lequel je demandais qu'on ouvre le système de paiements et cela figure dans le procès-verbal. La seule réserve que j'aie, c'est qu'il y a une question de sûreté et de sécurité. Je ne veux pas entrer dans les détails, mais je pense qu'il est très important qu'au Canada nous conservions notre système de compensation pour que les paiements se fassent le même jour d'un bout à l'autre du pays. Les Américains n'ont pas un tel système. Très peu de pays en ont un.

C'est un domaine très complexe. S'en servir comme d'un obstacle pour empêcher l'arrivée de participants il y a longtemps... Je crois qu'avec Internet et avec toutes sortes d'autres choses, il est idiot de le murer et je suis donc pour l'ouvrir. Mais je veux simplement qu'on étudie avec soin la question de la sécurité.

Si je me mets à faire de la distribution d'assurance sous forme de crédit-bail, pour prendre le plus facile d'abord, pour le crédit-bail automobile, 80 p. 100 est assuré par les compagnies géantes américaines. On peut cependant dire que la Banque Scotia est actuellement un fournisseur assez important de crédit-bail. Nous avons 1 100 courtiers et nous avons 750 millions de dollars de crédit-bail. Nous avons conçu un produit il y a quatre ans, et il est en train de démarrer. En fait, nous avons laissé la déduction pour amortissement au courtier et nous nous occupons du crédit-bail automobile.

Nous prenons le risque de la voiture d'occasion... Mais écoutez, j'ai suffisamment de problèmes à conduire une voiture et encore plus à essayer d'en vendre une...

Des voix: Oh, oh!

M. Peter Godsoe: ...et nous réassurons chez Liberty Mutual aux États-Unis. Cela marche très bien. Comme je l'ai dit, 750 millions de dollars ce n'est pas un petit portefeuille de crédit-bail. Nous sommes donc présents dans ce secteur. Nous avons simplement conçu un produit parce que nous étions exclus.

Pour les assurances, oui, j'aimerais pouvoir offrir des assurances dans nos succursales, parce que le Canada est l'un des très rares pays à ne pas permettre une telle chose. Est-ce que je sympathise avec le secteur de l'assurance vie et des assurances générales lorsqu'il prend en compte l'emploi et les agents? Est-ce que je comprends l'aspect politique de tout cela? Bien sûr. Ces agents sont de petits entrepreneurs dans leur localité. Ils essaient de voir comment ils vont gagner leur vie et ils se disent que les banques vont venir leur prendre leur affaire.

Je vois les choses un peu différemment. Je pense que lorsque l'on pourra offrir des assurances dans nos succursales, il s'agira des assurances les moins payantes, pas celles qui offrent une bonne valeur ajoutée. Mais ceci dit, je crois que c'est un débat politique qui va sans doute encore durer un certain temps. Je ne pense pas que cela se fasse du jour au lendemain et je ne vais pas concevoir les plans de la Banque de la Nouvelle-Écosse en comptant pouvoir offrir ce produit demain.

M. Ken Epp: Merci, monsieur.

Le président: Merci, monsieur Epp.

Monsieur Discepola.

M. Nick Discepola (Vaudreuil—Soulanges, Lib.): Merci, monsieur le président. J'ai deux brèves questions à poser.

Monsieur Godsoe, je suis on ne peut plus d'accord avec la plupart des choses que vous avez dites mais davantage encore lorsque vous dites qu'il s'agit d'une question canadienne et que cela n'a rien à voir avec la concurrence mondiale. Au fur et à mesure du déroulement du débat, je suis de plus en plus convaincu que nous devons peser avec soin notre décision car elle affecte les Canadiens.

Il y a plusieurs choses que vous avez dites sur lesquelles j'aimerais des précisions. J'imagine que l'un des défis importants pour notre comité est d'essayer d'envisager les choses au-delà de la période de cinq ans dont vous avez parlé. Nous devrions aussi faire les recommandations voulues pour pouvoir disposer encore d'un système concurrentiel à l'échelle mondiale dans dix ans.

Voici donc ma première question. Vous dites que nous devrions prendre le rapport MacKay dans sa totalité. D'autres témoins nous ont laissé entendre qu'il faudrait peut-être mettre en oeuvre progressivement les recommandations. Étant donné qu'il s'agit d'un processus irréversible, peut-être allons-nous prendre un nombre donné de recommandations, les mettre en oeuvre progressivement sur plusieurs années avant de décider si nous allons passer à l'étape suivante ou non. J'aimerais donc savoir ce que vous pensez de cette possibilité de les appliquer de façon progressive. J'aimerais aussi savoir s'il faut qu'on envisage un délai plus long que cinq ou dix ans.

• 1025

Je vais peut-être vous poser aussi ma deuxième question. Elle porte sur le fait que les grandes banques disent qu'elles ont énormément de concurrents qui arrivent et qu'elles doivent pouvoir fusionner pour faire face à cette concurrence. Les exemples cités en général sont MBNA et Wells Fargo. Mais vous, d'un revers de la main, vous écartez Wells Fargo. Cinquante-deux millions? Vous faites cela en une semaine. Et si vous ne le faites pas en une semaine, vous avez de graves problèmes. L'autre exemple est MBNA; c'est une institution très agressive. Mais je crois que dans les deux cas nous avons encore une très bonne position en tant que Canadiens car, comme vous l'avez dit, vous possédez encore 90 p. 100 des parts du marché des cartes de crédit. Mais est-il possible que si ces concurrents réussissent à s'implanter, c'est parce que les banques ne se sont pas occupées de ces créneaux et qu'elles voient maintenant cela comme un moyen... Je ne sais pas, pour finir, je ne suis pas convaincu que la concurrence arrive, d'où que ce soit.

Et vous dites même que vous aimeriez une plus grande concurrence. D'où va-t-elle venir? Je veux parler de la vraie concurrence.

M. Peter Godsoe: Je vais répondre à votre dernière question d'abord et je passerai ensuite à la question du plus long terme.

J'ai dit depuis le début qu'il s'agit des opérations bancaires essentielles. Il ne s'agit pas des cartes de crédit, des fonds mutuels ou de la gestion des capitaux. Nous faisons aussi ces choses-là parce que nous sommes des banques universelles. C'est bien. Nous avons plus de 1 000 fonds mutuels dans notre pays. Y a-t-il un inconvénient à ce que sur les 15 plus importants, deux ne soient pas canadiens? Les 13 autres sont canadiens. Pour les deux autres, il s'agit d'une part de Templeton qui est ici depuis 1954. Vous voyez, je ne trouve pas que ce soit une très grosse menace. Car c'est de cela qu'il s'agit en partie. Je fais face à la concurrence aux États-Unis et dans 53 autres pays. Il me semble que l'on devrait autoriser les autres à venir faire de la concurrence ici.

J'ai entendu parler des services de paye, des cartes de crédit... nous savions tous, mais nous avons laisser la Banque Nationale le dire, lorsqu'on a dit que Citibank avait obtenu le marché des cartes de crédit du gouvernement, que la Banque Nationale avait eu le marché pour MasterCard et cette banque est loin d'être l'une des plus grosses du Canada.

J'estime donc que ces arguments n'avaient peut-être pas autant de poids que ça et que la question était de savoir qui allait offrir une concurrence pour les prêts aux petites entreprises. Qui allait venir faire de la concurrence dans les petites et grandes villes, dans les secteurs ruraux? Qui allait venir se poser en concurrent dans les régions isolées? Qui allait administrer les succursales? N'importe qui peut venir par voie électronique. Pensez-vous vraiment que les banques électroniques vont forcer les succursales à fermer? Dans le monde, personne d'autre ne le fait. Pourquoi les Américains se rachètent-ils mutuellement? Parce qu'ils essaient de créer un système d'opérations bancaires nationales à partir des succursales. Autrement, pourquoi fusionneraient-ils? Ils se contenteraient d'acheter des compagnies d'électronique et des sociétés de fonds mutuels. C'est tout ce que je voulais dire.

C'est de cela qu'il retourne dans notre débat. Je ne crois pas un instant que des concurrents vont venir remplacer le tiers de notre système bancaire lorsque nous le perdrons. Je crois que c'est irréversible et je pense que si nous nous trompons, ce qui va se produire, c'est que vous allez être contraints de prévoir une nouvelle réglementation dans cinq ans parce que vous allez dire qu'il y a une trop grande prépondérance; ce que l'on considère vraiment comme trop grand maintenant est si important que je vais devoir venir faire de la concurrence avec les banques gouvernementales ou avec la réglementation. Et en tant que représentant de la Banque Scotia, ce n'est pas ce que je veux.

Nous faisons face à la concurrence depuis 1832 sans cela en grande partie et je ne pense pas que l'on puisse dire que nous n'ayons pas réussi. J'ai donc de très grandes réserves. Voilà ma réponse à cette question. Je suis tout à fait d'accord. C'est du Canada qu'il s'agit.

Pour la question du plus long terme, peut-être est-ce parce que je suis un homme d'affaires, je dis que si j'essaie de voir les choses dans trois, quatre ou cinq ans, je me méfie beaucoup d'avoir une stratégie trop coulée dans le béton, car je sais que la technologie change et je sais que les habitudes des consommateurs changent; je dois donc m'adapter à ce marché. Je crois que vous êtes dans une position unique pour regarder l'ensemble du tableau pour dire que vous ne voulez pas trop infléchir le système ni dans un sens ni dans l'autre. Je me méfie beaucoup des attaques préemptives, que ce soit dans le contexte militaire ou dans celui des affaires, car si on se trompe, c'est le public qui paie. Si c'est quelque chose de mineur, ça va, la compagnie paie, et c'est bien ce qui devrait être.

Dans ce cas, je pense que vous regardez le tableau plus général. Il y a bien sûr la technologie. Nous dépensons 600 millions de dollars pour la technologie et j'ai consacré toute ma journée d'hier à la technologie. Mais la technologie n'est pas mon premier souci. Ce sont les clients qui priment. Et la plupart des grandes banques du monde sous-traitent leurs activités. C'est souvent ce que fait Citicorp. Elle dépense plus que les quatre banques fusionnées ne pourraient le faire de toute façon. Elle sous-traite. Pourquoi? Parce qu'elle dit qu'elle doit avoir accès à la technologie de pointe; deuxièmement, il faut qu'elle consacre plus de temps à ce qu'elle fait le mieux.

• 1030

Nous faisons donc des entreprises en participation. Il nous faudra le faire. D'où vont venir nos normes? De Netscape, de Java, de Microsoft; ce n'est pas une banque canadienne qui va les inventer. Le fait que nous ayons plus d'argent ne va pas nous rendre plus intelligents. Je me méfie beaucoup de cet argument car je sais qu'il n'y a pas une seule grande société que je connaisse dans le secteur bancaire qui emprunte cette voie. Nous allons tous devoir sous-traiter.

Si nous essayons de voir ce qu'il en sera dans 10 ans, il faut prendre en compte les éléments fondamentaux du fonctionnement de l'économie canadienne, du fonctionnement de l'accès au crédit, du fonctionnement des opérations bancaires essentielles et du fonctionnement de l'accès aux comptes de base, ce qui nous ramène aux paiements et au fait d'ouvrir le système. Vous allez dire, d'accord, ouvrons-le. Mais il vaut mieux être sûr que la concurrence existera avant de faire ce changement important simplement à cause de l'opinion d'un directeur général ou de quelques directeurs généraux, car, croyez-le ou non, nous sommes humains et nous faisons beaucoup d'erreurs à la longue. C'est du moins mon cas.

M. Nick Discepola: En ce qui concerne le rapport, est-ce tout ou rien, ou peut-on l'appliquer progressivement?

M. Peter Godsoe: Non, je crois que l'on peut en mettre en oeuvre certaines parties progressivement. Ce que je redoute, c'est lorsqu'on prélève ici et là. Nous avons tous un programme, l'un va donc venir avec tel programme et l'autre avec tel autre programme et vous pouvez très bien infléchir les choses, ce qui peut entraîner des distorsions alors qu'on devrait prendre en compte l'ensemble. J'estime personnellement que le rapport MacKay contient quelque chose pour tout le monde. Et tout ce qui contient quelque chose pour tout le monde ne constitue pas une vision aussi claire que: «on va faire exactement telle chose»; vous êtes donc en mesure de faire contrepoids et de veiller à ce que cela ne se produise pas. Tel programme se réalise et tel autre programme ne se réalise pas et on se réveille cinq ou dix ans plus tard pour se rendre compte qu'on n'avait pas de vision, mais qu'on s'était livré à une bataille politique.

M. Nick Discepola: Merci beaucoup.

Le président: Une dernière question, monsieur Rocheleau.

[Français]

M. Yves Rocheleau: Monsieur Godsoe, vous dites à la page 5 de votre document qu'aux États-Unis, les dernières baisses de taux d'intérêt se sont faites non pas en pensant à la communauté internationale, aux pays qui sont en difficulté ou à l'économie mondiale, mais plutôt pour tenter d'éviter un effondrement du crédit intérieur. Pourriez-vous rapidement nous tracer un tableau de ce qu'il advient du crédit intérieur aux États-Unis et au Canada? En tenant pour acquis que la situation est positive pour le Canada, que faut-il maintenir, dans la révision des banques, pour faire en sorte que cette situation positive se maintienne?

[Traduction]

M. Peter Godsoe: Je pense qu'actuellement au Canada, pour obtenir du crédit, il faut en gros s'adresser aux banques canadiennes. Je ne pense pas que l'on ait beaucoup de problèmes à obtenir du crédit des banques internationales, et c'est ce que je voulais dire avant tout. Je crois que vous êtes en mesure, avec des acteurs importants, de nous influencer en nous persuadant moralement de continuer à prêter. Je ne pense pas que vous soyez en mesure d'influencer la communauté internationale pour qu'elle prête. C'est la leçon que l'on peut tirer de l'expérience japonaise. La leçon que je tire de la réaction des responsables de la Réserve fédérale, c'est qu'ils avaient très peur.

J'étais au FMI, et vous y étiez aussi je crois et leurs inquiétudes ont changé. Tant que c'était un problème mondial, ils disaient que c'était le problème de l'Indonésie ou de la Thaïlande; que tout allait bien pour eux. Dès l'instant où ils ont commencé à penser qu'il pourrait y avoir un resserrement du crédit aux États-Unis, et c'est ce qu'ils ont pensé—et j'étais à une réunion où ils l'ont exactement dit, je veux parler du président de la Banque fédérale de New York—à ce moment-là, ils ont agi. S'il y avait un resserrement du crédit ou un gros problème au Canada, je ne crois pas qu'ils changeraient leurs taux d'intérêt. Ils agissent donc lorsque c'est pour le bien des États-Unis.

Ce que je ne cesse de répéter, c'est que c'est du Canada qu'il s'agit. Il s'agit de s'occuper de ce qui est fait au Canada et de veiller à bien faire les choses pour les Canadiens. Il ne s'agit pas de mondialisation. Il ne s'agit pas de stratégie internationale. Nous sommes suffisamment solides et durs pour faire face à la concurrence. C'est ce que nous avons prouvé pendant 50 ans et je ne vois pas cela changer l'année prochaine ni l'année d'après. Si cela change dans cinq ans, on pourra modifier la politique. Je pense qu'il est tout à fait erroné de vouloir aller trop vite à cet égard. Je crois qu'il est très important que nous restions maîtres chez nous, que nous soyons les maîtres dans notre propre maison pour ce qui est d'accorder du crédit, car les leçons que l'on peut tirer aujourd'hui sont très claires et prouvent qu'il faut le faire.

Le crédit reste essentiel pour le fonctionnement de notre économie. Il n'a pas été le moins du monde submergé par les marchés financiers et la seule chose qui intéresse les petites et moyennes entreprises, c'est de voir le taux baisser. C'est essentiel.

[Français]

Le président: Merci. Monsieur Rocheleau.

M. Yves Rocheleau: Vous parlez d'effondrement du crédit intérieur. En quoi la situation aux États-Unis est-elle plus grave et dramatique que celle au Canada? Il y a quand même aussi un endettement au Canada.

• 1035

[Traduction]

M. Peter Godsoe: Chose intéressante, cela ne s'est pas produit pour les petites et moyennes entreprises. Je pense qu'elles ont ressenti un resserrement du crédit important parce que les marchés financiers ont fermé. Il n'était pas possible d'émettre des actions ou des obligations, on avait donc besoin des banques. Les banques ont commencé à se montrer réticentes. Elles subissaient des pertes spéculatives et certaines choses se produisaient. Elles appliquent la même psychologie qu'un particulier qui achète un réfrigérateur. Elles disent: «Oh mon Dieu, j'ai des problèmes; je vais arrêter de prêter.» Elles se sont donc inquiétées et c'est pourquoi elles ont baissé les taux d'intérêt. Elles essayaient d'ouvrir les marchés financiers.

Sur un plan positif, je pense que les banques canadiennes, depuis la Banque Nationale jusqu'aux cinq grandes, n'ont pas ressenti ces pressions. Nous voulions faire des affaires. Nous nous occupions de prêter. Il y a eu quelques petits problèmes sur les marchés des effets financiers qui ont été repris dans la presse, mais nous avons résisté et avons créé la liquidité voulue de sorte que notre système a bien supporté cela. Je ne pense pas du tout que l'on connaisse un resserrement du crédit ici.

Le président: Monsieur Godsoe, au nom du comité, j'aimerais vous remercier infiniment de nous avoir donné votre opinion sur la question. Elle est évidemment quelque peu différente de celle des autres personnes qui ont comparu devant le comité. Néanmoins, il est important que nous réfléchissions à cette opinion également pour essayer de conseiller sagement le ministre des Finances sur l'avenir du secteur des services financiers.

Ce que vous avez dit sur l'avenir, à savoir que l'on ne peut pas vraiment prévoir ce que sera la situation dans 10 ou 15 ans, me fait réfléchir. Comme vous l'avez justement dit, ces derniers mois il y a eu une évolution dans le débat, par exemple, portant sur la mondialisation. Il se peut que certains soient en train de changer d'avis sur cette question particulière ou que ces personnes aiment les éléments positifs de la mondialisation mais ne peuvent pas supporter les pressions lorsqu'elles se font sentir. C'est donc là aussi une chose à laquelle il nous faudra réfléchir.

Merci beaucoup. Nous allons suspendre la séance pendant environ deux minutes.

M. Peter Godsoe: Merci, monsieur le président.

• 1037




• 1048

Le président: J'aimerais reprendre la séance.

Nous avons maintenant le plaisir de recevoir les représentants de l'Association canadienne des compagnies d'assurance de personnes Inc. Le président du conseil d'administration est M. Chris McElvaine, président-directeur général d'Empire Life. M. Mark Daniels est président de l'organisation et M. Greg Traversy, vice-président exécutif de l'élaboration des politiques.

Soyez les bienvenus. Nous serons heureux d'entendre vos observations.

M. Chris McElvaine (président-directeur général, Empire Life; président du conseil d'administration, Association canadienne des compagnies d'assurance de personnes Inc.): Merci beaucoup, monsieur le président.

Monsieur le président, mesdames et messieurs les députés, merci de nous permettre de nous adresser aujourd'hui au comité au nom de l'Association canadienne des compagnies d'assurance de personnes. Notre organisation représente 84 compagnies membres qui sont responsables de plus de 90 p. 100 des contrats d'assurance-vie et maladie souscrits au Canada, et qui protègent plus de 20 millions de Canadiens et plus de 10 millions d'autres titulaires de police ailleurs dans le monde.

J'ai à mes côtés le président de l'ACCAP, Mark Daniels, et M. Greg Traversy qui est vice-président exécutif.

• 1050

Quelles que soient les circonstances, c'est toujours un privilège que de contribuer au processus parlementaire démocratique du Canada. C'est pour notre industrie un plaisir particulier de témoigner devant le Comité permanent des finances de la Chambre des communes. Notre industrie apprécie les nombreuses contributions apportées dans le passé par le comité à la politique publique, notamment en ce qui concerne les mesures fiscales qui ont permis d'élargir l'accès des travailleurs indépendants non constitués en société à l'assurance complémentaire médicale et dentaire, laquelle a été recommandée l'année dernière par votre comité et proposée par le ministre des Finances dans le budget de 1998.

Monsieur le président, en nous préparant à la discussion d'aujourd'hui avec votre comité, nous avons été conscients que vous et vos collègues allez jouer un rôle essentiel de conseil auprès du ministre dans les mois à venir afin de lui indiquer si les recommandations doivent être mises en oeuvre, et dans l'affirmative à quel moment et de quelle manière. Le mémoire que nous avons soumis au comité—ainsi que notre témoignage d'aujourd'hui—a été conçu pour contribuer de façon constructive à vos délibérations. Mais permettez-moi de préciser d'entrée de jeu qu'à la suite de la discussion de ce matin, nous serons également heureux de fournir au comité toute information supplémentaire qu'il jugera utile.

Je vous donnerai dans mes remarques d'aujourd'hui un bref aperçu de ce mémoire qui est fondé sur un processus de concertation très général entre les dirigeants de notre industrie sur le rapport du groupe de travail. Tout au long de l'évaluation du rapport par notre industrie et en préparant le mémoire, nous n'avons pas oublié que vous et vos collègues du Parlement essayez de voir quelles mesures serviront au mieux l'intérêt public et c'est donc là-dessus que nous avons essayé de nous concentrer dans notre mémoire.

Avant d'aborder le détail de nos réactions au rapport du groupe de travail, qui figurent dans le mémoire au comité, il y a une chose que je tiens à préciser. Le rapport du groupe de travail, qui a été publié dans le délai prévu et sans doute dans les limites budgétaires fixées, ce dont nous sommes conscients, constitue une contribution excellente au processus complexe et permanent de la restructuration du cadre législatif et réglementaire régissant notre secteur des services financiers. Si notre industrie n'est pas d'accord avec chaque recommandation du rapport, nous croyons que ce document représente un point de départ utile et une information contextuelle précieuse pour l'élaboration des politiques et les processus législatifs à venir. Il constitue un plan de route précieux pour garantir la solidité et la compétitivité future du secteur au Canada, ainsi que sa capacité de réagir aux besoins des consommateurs.

Monsieur le président, lorsque des représentants de notre industrie ont comparu devant votre comité à la mi-septembre, pendant les travaux préparatoires qui ont précédé la constitution du groupe de travail, vous avez indiqué que vous souhaitiez entendre des témoins s'exprimer sur la vision ainsi que sur des questions particulières après le dépôt du rapport. Bien sûr, le groupe de travail a présenté une vision du secteur des services financiers qu'il souhaite voir; cette vision comporte trois éléments essentiels—à savoir les attentes légitimes des consommateurs, la structure institutionnelle indiquée et le cadre réglementaire permettant de répondre efficacement à ces attentes et de développer cette structure. Le groupe de travail a conclu que le secteur actuel des services financiers au Canada correspondait en grande partie à cette vision. De même, le groupe de travail a également constaté que des améliorations étaient possibles dans de nombreux domaines, et c'est ce qui fait l'objet de ses recommandations.

Comme le comité le sait parfaitement, notre industrie a présenté cinq mémoires au groupe de travail l'automne dernier dans lesquels on décrit le monde des assurances et le cadre politique qui s'y applique—et un aperçu de ces documents figure à l'annexe 2 du mémoire que nous avons préparé à l'intention du comité. Ces mémoires au groupe de travail reflétaient l'opinion de notre industrie sur ce qu'il faudrait faire pour mettre en oeuvre cette vision et la faire coïncider avec l'opinion du groupe de travail.

Monsieur le président, nous partageons deux éléments particulièrement importants de la vision du groupe de travail. Pour plus de précisions, je vais reprendre les termes choisis par le groupe de travail dans son rapport. Le premier élément important de cette vision commune est le suivant:

    Nos marchés sont maintenant très concentrés et l'un des principaux défis, pour les décideurs publics, consiste à encourager les institutions dynamiques à faire directement concurrence aux grandes banques dans tout le pays.

Et cela figure aux pages 213 et 214 du rapport.

• 1055

Le deuxième élément essentiel de la vision du groupe de travail que notre industrie partage est exprimé de la façon suivante dans le rapport:

    [L]es sociétés d'assurances, fortes de leur assise intérieure et de leur présence de longue date à l'étranger, deviendront des acteurs encore plus importants et visibles, à l'avenir, dans le secteur des services financiers canadien. Il est extrêmement important pour le Canada, ainsi que pour son économie en évolution, qu'elles réussissent cette adaptation.

Ce passage se trouve aux pages 64 et 65 du rapport.

Si nous passons aux questions de détail maintenant, monsieur le président, un élément important de la vision du groupe de travail est que—et je cite encore une fois—«le système de paiements devrait être ouvert et accessible, tout en restant efficient et conforme aux règles prudentielles.» Pour ce faire, le groupe de travail a recommandé que l'accès au système de paiements soit élargi et que l'administration du système soit améliorée.

Comme le savent les membres du comité, notre industrie essaie depuis de nombreuses années d'obtenir que l'on change l'accès et l'administration, et que l'on permette notamment de délivrer des cartes de paiement aux détenteurs de police. Notre industrie paie près de 100 millions de dollars par jour aux particuliers canadiens ou en leur nom. Pouvoir effectuer ces paiements de façon aussi efficace et pratique que possible, et de la façon que souhaitent les consommateurs, est de la plus haute importante pour que notre industrie ait la capacité de continuer à satisfaire les besoins des clients et de rester concurrentielle.

Notre industrie arrive aux mêmes conclusions que le groupe de travail, à savoir que la concurrence, la compétitivité et la commodité dont bénéficient les consommateurs se trouveraient nettement améliorées si des initiatives étaient prises dans le domaine du système de paiements. Notre secteur exhorte donc le comité à donner son aval aux recommandations concernant le système de paiements et à appuyer la suggestion du groupe de travail voulant que des mesures soient prises au plus vite.

Un autre élément important de la vision du groupe de travail est la confiance des consommateurs en leur système financier et l'appui qu'ils lui accordent. À cet égard, les mécanismes d'indemnisation des consommateurs ont un rôle important à jouer pour permettre à la vision du groupe de travail de se réaliser. Comme le comité le sait, il existe une anomalie importante dans la structure actuelle des mécanismes d'indemnisation des consommateurs qui découle du fait que la SADC a accès aux ressources financières de la Couronne alors que la SIAP n'y a pas accès. Le groupe de travail a reconnu cette anomalie dans sa conclusion brève lorsqu'il a dit que—et je cite, monsieur le président—«il est important et opportun de corriger cette iniquité concurrentielle.» Le groupe de travail poursuit en disant que «il est temps de placer la SADC et la SIAP sur un pied d'égalité.»

Le groupe de travail propose cette initiative afin de réaliser deux grands objectifs d'intérêt public: premièrement, l'égalité des déposants et des titulaires de polices; et deuxièmement, une concurrence et une compétitivité accrues. Notre industrie est entièrement d'accord avec le groupe de travail. Nous exhortons donc le comité à recommander au gouvernement d'adopter rapidement une démarche visant à mettre sur un pied d'égalité les divers régimes.

Vous-même et les membres de votre comité savez sans doute que vos prédécesseurs au Parlement ont prévu des dispositions spéciales régissant les activités d'assurance dans la Loi sur les banques depuis 1923. Cela montre que les éléments importants de l'intérêt public sont touchés par la nature du cadre de ces activités. Les recommandations du groupe de travail à cet égard définissent quatre dimensions de l'intérêt public qui seraient touchées par une modification du cadre régissant la vente au détail des assurances par les institutions de dépôt. Ce sont la concurrence et la compétitivité, l'élimination des pratiques coercitives en matière de ventes liées, la protection des renseignements personnels et le niveau de compétence des intermédiaires.

Nous admettons que ce sont quatre aspects de l'intérêt public qu'il importe de prendre en compte. Toutefois, nous pensons que ces objectifs relatifs à l'intérêt public seraient mieux servis par une approche différente de celle qui est proposée par le groupe de travail. Notre désaccord porte surtout sur la façon de mieux permettre la concurrence et la compétitivité.

Le groupe de travail reconnaît bien sûr qu'il y a plusieurs injustices dans les politiques et la législation qui donnent un avantage concurrentiel aux institutions de dépôt par rapport aux compagnies d'assurance de personnes. Il recommande à juste titre d'éliminer bon nombre de ces inégalités. Toutefois, nous pensons que le groupe de travail a sous-estimé le temps nécessaire pour obtenir les effets positifs prévus sur la concurrence et la compétitivité de ces initiatives telles que l'ouverture du système de paiements et la mise sur pied d'égalité de la SADC et de la SIAP.

• 1100

Nous croyons aussi que le groupe de travail a surestimé la nécessité d'élargir les activités de distribution des assurances aux institutions de dépôt pour accroître la concurrence. Le cadre actuel permet déjà des possibilités importantes de distribution d'assurance par les institutions de dépôt, et la concurrence de notre industrie qui compte 130 concurrents est déjà très intense. Standard & Poor's a en fait parlé de concurrence féroce dans un rapport récent sur le secteur. Le rapport du groupe de travail lui-même indique que les consommateurs sont bien servis par cette concurrence acharnée qui existe dans le secteur et cite les faibles primes d'assurance-vie que paient les Canadiens—sur les huit pays industrialisés que le groupe de travail a étudiés, le Canada se situait au septième rang.

Notre secteur exhorte donc le comité à recommander que l'adoption et la mise en place de mesures efficaces relatives au système de paiements et aux mécanismes d'indemnisation des consommateurs précèdent toute modification du cadre législatif et réglementaire actuellement applicable à la distribution de l'assurance par les institutions de dépôt.

En ce qui concerne l'élimination des pratiques coercitives en matière de ventes liées, la protection des renseignements personnels et la compétence des intermédiaires, notre industrie convient avec le groupe de travail que les garanties législatives doivent être bien en place avant que soit apportée toute modification au cadre régissant actuellement la distribution de l'assurance par les institutions de dépôt.

Enfin, en ce qui concerne la recommandation du groupe de travail voulant que l'on supprime l'interdiction actuelle d'utilisation des renseignements personnels sur les clients par les institutions de dépôt pour commercialiser l'assurance, le comité sera certainement très intéressé par les résultats d'une grande enquête nationale, que nous avons incluse à l'annexe 3 de notre mémoire au comité. Les résultats de cette étude de Compas sont très clairs: «Les Canadiens s'opposent massivement et uniformément à ce que les banques utilisent des renseignements financiers personnels pour vendre des produits d'assurance-vie.» De plus, «il n'y a virtuellement aucun appui à l'égard de ces pratiques. Seul de 3 à 6 p. 100 des répondants croient que le gouvernement devrait permettre de telles techniques de marketing.»

La fiscalité est un autre domaine qui intéresse la politique publique et que le groupe de travail traite abondamment dans son rapport et que nous abordons en détail dans notre mémoire au comité. Selon une étude récente de Statistique Canada, notre industrie a connu le taux de croissance moyen le plus élevé pour ce qui est des impôts sur le revenu et sur le capital entre 1988 et 1994. Les impôts globaux ont quadruplé pour atteindre 1,8 milliard de dollars au cours de la décennie de 1987 à 1997.

Il est clair que de telles augmentations représentent un défi sérieux pour les sociétés, mais leurs implications vont bien au-delà. Le groupe de travail a conclu que le niveau et la structure de la fiscalité qui s'appliquent à notre industrie, et au secteur de façon plus générale, ont eu des répercussions négatives importantes sur l'intérêt public. Le rapport indique précisément que: «les charges fiscales imposées aux institutions financières canadiennes nuisent à la compétitivité des entreprises canadiennes.»

Il indique en outre que: «les impôts sur le capital... créent des incitations incompatibles avec une bonne gestion prudentielle.» On dit en conclusion que «les charges fiscales imposées aux institutions financières canadiennes... alourdissent les coûts subis par les utilisateurs canadiens de services financiers.»

L'industrie est d'accord avec l'évaluation du groupe de travail voulant que l'intérêt public soit mal servi par la situation fiscale actuelle, et nous exhortons le comité à encourager les gouvernements fédéral et provinciaux à mettre en oeuvre les recommandations du groupe de travail.

Le dernier chapitre de notre mémoire, comme vous-même et vos collègues pouvez le constater, porte sur les recommandations touchant 14 autres domaines qui pourraient avoir un effet sur la capacité de l'industrie de mettre en oeuvre la vision donnée par le groupe de travail. Par souci de brièveté, je n'en aborderai que deux.

• 1105

Le groupe de travail recommande l'instauration par voie législative d'un ombudsman fédéral. Il y a longtemps que l'industrie s'est engagée à venir en aide aux consommateurs avec son Centre d'assistance aux consommateurs, qui remonte à 25 ans et qui a toujours offert un service efficace de traitement des demandes. Depuis le 1er septembre de cette année, nous avons ajouté un Service de conciliation qui s'occupe de résoudre les cas plus difficiles. Le centre compte des responsables des plaintes des sociétés membres qui travaillent déjà en étroite collaboration avec les autorités provinciales telles que l'ombudsman des assurances de l'Ontario.

Étant donné toutes ces initiatives, l'industrie ne croit pas qu'il soit nécessaire et urgent d'introduire de nouveaux mécanismes de recours dans notre industrie. Toutefois, si le comité décidait que les services de l'ombudsman recommandés par le groupe de travail étaient nécessaires, notre industrie serait prête à apporter sa contribution positive étant donné sa grande expérience dans le domaine. Il serait notamment important de veiller à ce que ce nouveau système s'harmonise avec les mécanismes de recours qui existent déjà dans l'industrie.

Enfin, j'aimerais aborder les recommandations du groupe de travail concernant la modification importante du mandat et de la régie du BSIF. Il est notamment recommandé que le mandat soit modifié pour qu'y figure également la nécessité de parvenir à un équilibre entre la concurrence et l'innovation d'une part et la solidité et la viabilité financières d'autre part. Cette orientation suscite de graves inquiétudes dans notre industrie. Les responsabilités supplémentaires qu'on propose de confier au BSIF pour encourager la concurrence et l'innovation et pour assurer la protection des consommateurs pourraient l'empêcher de bien s'acquitter de sa tâche essentielle qui consiste à veiller à la solidité et à la viabilité financières des sociétés. Le mandat du BSIF deviendrait plus difficile et éventuellement plus ambigu du fait des tensions qui existent entre la solidité et la viabilité financières d'une part et la promotion de l'innovation de l'autre.

Notre industrie propose donc que le comité recommande que des changements aussi importants du rôle et du mandat du BSIF fassent l'objet d'une étude approfondie avant de prendre des mesures prudentes.

En conclusion, monsieur le président, notre industrie est heureuse d'avoir eu la possibilité de donner son avis au comité. Nous tenons à vous féliciter, vous et vos collègues, de l'énergie et de la patience dont vous avez fait preuve en essayant d'obtenir l'opinion des Canadiens intéressés dans toutes les régions du pays, dont un grand nombre d'assureurs de personnes. Nous serons très heureux de travailler avec le comité au cours des mois et des années à venir tandis que se déroulera le processus d'élaboration du cadre législatif et réglementaire. Pour l'immédiat, je serais très heureux de répondre aux questions que les membres du comité pourraient avoir à me poser sur ce que je viens de dire ou sur ce que contient notre mémoire plus détaillé.

Merci, monsieur le président.

Le président: Merci beaucoup, monsieur McElvaine.

Je donne maintenant la parole à M. Ritz, qui a des questions à vous poser.

M. Gerry Ritz: Merci, monsieur le président.

Merci, messieurs, pour votre exposé. C'est du beau papier lustré que vous avez utilisé pour votre brochure. Vous devez avoir de plus gros bénéfices que les banques. Leurs brochures étaient beaucoup moins impressionnantes.

Ce qui m'a frappé dans votre exposé, c'est que vous avez beaucoup insisté sur la protection des renseignements personnels. Dans l'éventualité d'un accroissement du nombre d'institutions de dépôt, ne pensez-vous pas que cette protection sera plus difficile à assurer? Comment maintenir le régime actuel de protection des renseignements personnels dans ce contexte?

M. Chris McElvaine: Vous parlez d'un accroissement du nombre d'institutions de dépôt; que voulez-vous dire au juste?

M. Gerry Ritz: Eh bien, vous recommandez entre autres qu'on donne la possibilité à davantage d'institutions de devenir institutions de dépôt, notamment dans le contexte de l'évolution du secteur des services financiers; autrement dit, d'avoir accès au système de paiements, si vous préférez.

M. Chris McElvaine: Nos compagnies d'assurance-vie ne désirent pas devenir des institutions de dépôt. Si nous voulons pouvoir accéder au système de paiements, c'est pour faciliter la distribution des versements de prestations au titre de l'assurance-vie, des rentes, et des demandes de remboursement des frais médicaux et dentaires qui, comme je vous l'indiquais tout à l'heure, se montent à 100 millions de dollars par jour. Ce qui nous intéresse, c'est le mécanisme de distribution. Si nous souhaitons accéder au système de paiements et participer à son administration, c'est pour faciliter la distribution des versements.

M. Gerry Ritz: Je comprends; c'est pour que vous puissiez faire cela à l'interne plutôt que de sous-traiter ce travail. Je comprends votre argument.

Vous avez également soulevé la question de la compétence des intermédiaires. Le personnel de vente qui travaille dans votre organisation doit non seulement subir une formation poussée mais obtenir les autorisations nécessaires. Est-ce que les exigences varient d'une province à l'autre? Comment établir dans ce contexte des règlements fédéraux qui soient acceptables d'un bout à l'autre du pays?

• 1110

M. Chris McElvaine: Monsieur le président, le secteur des assurances est un peu unique en ce sens que nos distributeurs, comme nous l'avons déjà indiqué, sont réglementés par la province et tenus d'obtenir une autorisation provinciale en bonne et due forme. En règle générale, les conditions qui s'y rattachent peuvent varier un peu d'une province à l'autre, mais elles reposent sur certains éléments de base. Évidemment, nous aimerions qu'elles soient davantage harmonisées pour que les différences entre les diverses provinces soient minimes.

Notre recommandation est donc la suivante: si on envisage d'autoriser les institutions de dépôt à vendre les assurances au détail dans leurs succursales, les intermédiaires qui offrent des services de consultation devraient être assujettis au même cadre réglementaire ainsi qu'aux mêmes conditions en matière d'autorisation, de formation et d'études. J'hésite à dire s'il devrait s'agir d'une responsabilité fédérale ou provinciale, parce que cela m'amènerait nécessairement à parler de la Constitution.

M. Gerry Ritz: Merci.

[Français]

Le président: Madame Gagnon, une question?

Mme Christiane Gagnon (Québec, BQ): Oui, j'ai une petite question concernant l'accès au système de paiement par Interac.

Dans les banques, plusieurs consommateurs et consommatrices se plaignent de ce que certains services sont coupés à cause de ce système. Ne pensez-vous pas que ce système pourrait avoir un impact sur la qualité des services à la clientèle? Prenons, par exemple, le cas des gens qui auraient besoin fréquemment de renseignements très précis. Le système Interac fait-il en sorte que certains services sont moins offerts à cause d'une diminution de l'achalandage? C'est un peu ce qui se passe dans les banques présentement: les banques ferment et il y a moins de services à la clientèle.

[Traduction]

M. Chris McElvaine: Monsieur le président, comme je l'ai déjà indiqué, le secteur des assurances-vie s'intéresse beaucoup à cette possibilité parce que nous entretenons des contacts fréquents avec nos clients par l'entremise du mécanisme de distribution. Si nous voulons accéder au système de paiements, c'est pour faciliter ces contacts et améliorer notre capacité de faire ces versements à nos titulaires de polices. Notre intention n'est pas d'en faire notre unique méthode de distribution; nous estimons cependant qu'il s'agirait d'un complément intéressant à notre panoplie actuelle d'instruments.

Si je comprends bien votre question, madame, vous n'avez pas à craindre que les autres possibilités disparaissent, elles existeront toujours. Il ne s'agit absolument pas de recourir uniquement à ce véhicule de distribution.

Le président: Je donne maintenant la parole à M. Daniels.

M. Mark Daniels (président, Association canadienne des compagnies d'assurance de personnes): Monsieur le président, je voudrais ajouter quelque chose aux explications de mon collègue en ce qui concerne le système de paiements. Dans un sens, ce souhait répond à vos propres aspirations vis-à-vis de l'avenir du secteur. À notre avis, le système de paiements, de par sa grande commodité, offre toutes sortes de possibilités de simplification et de facilitation des transactions qui sont particulièrement intéressantes pour les consommateurs.

Mais à vrai dire, la question de l'accès au système de paiements concerne surtout notre conception de l'avenir. La technologie progresse à un rythme effréné grâce aux cartes à puce et à d'autres trucs du même genre. À l'heure actuelle, l'Association canadienne des paiements contrôle non seulement le système de compensation mais la planification et l'évolution du système de virements électroniques. Si les compagnies d'assurances n'en font pas partie, elles ne pourront jamais profiter de l'effet de levier qui fait partie intégrante de ce système. C'est donc pour toutes ces autres raisons également que nous insistons tellement sur l'importance du système de paiements.

[Français]

Mme Christiane Gagnon: J'ai posé la question parce que je sais qu'il y a une partie de la population qui n'utilise pas encore ce genre de service et qui ne l'utilisera probablement pas non plus, préférant les services traditionnels. Peut-être que le fait d'introduire ça trop rapidement fait en sorte que les consommateurs et consommatrices se sentent très loin des services qu'on a à leur donner. Il arrive souvent qu'en regardant le bilan de son compte à la fin du mois, on s'aperçoit qu'il y a un gros montant de frais accumulés pour l'usage de la carte d'accès à Interac. On peut être très surpris. On pense que ça ne coûte rien quand on insère une carte dans un guichet. Ce n'est qu'à la fin du mois qu'on peut en vérifier le coût. Mais il y a beaucoup de consommateurs qui n'ont pas de compte bancaire et qui n'ont donc pas ce service Interac. Je voulais vous demander si vous vous préoccupiez de répondre aux besoins de cette clientèle spécifique qui n'utilise pas Interac. Merci.

• 1115

[Traduction]

M. Chris McElvaine: Oui, monsieur le président, il convient dans ce contexte de rappeler que les compagnies d'assurances recourent surtout à un système de distribution qui repose sur des intermédiaires, c'est-à-dire des personnes plutôt que des succursales ou des bureaux proprement dit. Nous traitons donc avec des agents qui sont actifs dans les localités, grandes et petites, situées d'un bout à l'autre du Canada. Il existe donc des distributeurs indépendants qui assurent ce genre de services personnalisés en livrant les chèques aux clients et en entretenant des contacts étroits avec ces derniers.

Avec votre permission, monsieur le président, je vais changer de casquette. Si je peux me permettre de parler à titre de président d'Empire Life, je peux vous assurer que nous sommes justement très fiers de cette méthode de distribution de nos produits et de notre capacité d'offrir à nos clients des services commodes et facilement accessibles offerts par des agents compétents, bien formés et disponibles qui peuvent entretenir ce genre de relations suivies avec la clientèle.

Le président: Avez-vous d'autres questions? Merci.

Je voudrais revenir sur la question des mesures à prendre pour améliorer les possibilités d'avenir du secteur des services financiers. Avant votre exposé, M. Godsoe nous a parlé du fait que la part de marché des grandes banques canadiennes n'a guère changé depuis 50 ans. À cet égard, cependant, il existe deux écoles de pensée. Selon la première, ce serait parce qu'il existe ici un environnement concurrentiel stable et sécuritaire. L'autre école de pensée attribue cette stabilité à la stagnation et au manque de dynamisme du marché actuel. C'est peut-être dû à un manque d'innovation, et il est effectivement tout à fait possible que l'esprit d'entreprise soit absent dans cette branche-là du secteur des services financiers.

L'une des questions clés pour nous est celle de la concurrence et les moyens à prendre pour améliorer le degré de concurrence et la compétitivité. C'est très important, en ce qui nous concerne. Par contre, nous nous préoccupons également de la possibilité d'extrême concentration.

L'une des nombreuses critiques formulées à l'égard des banques à l'heure actuelle concerne justement la question de la concentration—là je parle de la part de marché des grandes banques. En ce qui concerne les dépôts de particuliers dans les institutions de dépôt en 1997, il se trouve que les cinq grandes banques canadiennes représentent environ 58,1 p. 100 de tous ces dépôts. Pour ce qui est de la part des primes d'assurance-vie détenue par les cinq plus importantes compagnies d'assurance-vie, là il s'agit de 59,3 p. 100.

S'agissant de l'avenir, qu'allons-nous faire pour dynamiser le secteur des assurances-vie? L'esprit d'entreprise va-t-il s'y manifester davantage? Et va-t-il évoluer en fonction de la vision de M. MacKay, à savoir un secteur plus ouvert et plus accessible aux entrepreneurs?

M. Chris McElvaine: Monsieur le président, je vais attaquer vos questions sous plusieurs angles.

D'abord, les compagnies d'assurance-vie sont très différentes des institutions de dépôt, en ce sens qu'il existe dans notre secteur une grande diversité du point de vue du type—des entreprises étrangères et nationales, des sociétés de fonds communs de placement ou encore des compagnies appartenant essentiellement aux actionnaires—est de la taille des entreprises en question. Donc, à mon avis, il existe dans ce secteur une plus forte diversité du point de vue de la concentration ou de la propriété.

Par contre, les grandes banques à charte constituent en quelque sorte un groupe assez exclusif, à mon avis, monsieur le président, en ce sens qu'il s'agit uniquement d'entreprises avec de nombreux actionnaires qui en sont effectivement les propriétaires, et jusqu'à présent, les acteurs étrangers et les plus petites banques n'ont eu que très peu d'accès à ce marché. Les grandes banques n'ont donc pas eu à rivaliser avec autant de concurrence que nous dans le secteur des assurances.

• 1120

Encore une fois, je me permets de mettre ma casquette de président de la compagnie Empire Life. Empire Life est une entreprise de taille intermédiaire dans le secteur des assurances-vie. C'est-à-dire que nous serions sans doute au dixième, onzième ou peut-être douzième rang, selon vos critères d'évaluation. Notre compagnie est contrôlée par les actionnaires majoritaires. Nous avons fait des acquisitions—nous avons même été très actifs sur le plan des acquisitions. La grande majorité de nos acquisitions ont été des entreprises étrangères.

Alors voilà qu'un acteur canadien de taille intermédiaire achète activement d'autres entreprises et devient un concurrent fort rentable et redoutable pour les entreprises plus importantes. Ces dernières sont toutes en voie de démutualisation, l'unique exception étant les sociétés de fonds communs de placement. Ces dernières ne suivent pas l'exemple des autres, d'après ce que j'ai pu comprendre—et je ne prétends pas pouvoir parler pour elles—à cause du problème de l'accès aux capitaux—c'est-à-dire la capacité de faire des acquisitions.

Sans vouloir vous donner une trop longue réponse à votre question, monsieur le président, il me semble important de se rappeler, par rapport aux pourcentages que vous avez mentionnés, que si l'on regroupe les actifs nationaux de toutes les compagnies d'assurance-vie au Canada, la valeur de l'actif national de ces dernières serait tout de même inférieure à celle de l'actif intérieur de la Banque Royale. Donc, quand on parle de concentration, il faut bien se rendre compte qu'il y a une importante différence d'échelle entre le secteur des assurances de personnes et le secteur bancaire.

Le président: Il reste qu'il existe une bonne concentration dans votre secteur.

M. Chris McElvaine: Il y a eu effectivement une certaine consolidation, notamment en raison du retrait des entreprises étrangères; autrement dit, cette consolidation ne s'est pas faite uniquement au niveau national.

Le président: Très bien. Merci.

Madame Leung.

Mme Sophia Leung (Vancouver Kingsway, Lib.): Merci, monsieur le président.

Je voudrais tout d'abord vous remercier pour cet exposé très informatif. Ma question donne suite à celle du président sur l'esprit d'entreprise. Je remarque que vos compagnies sont bien établies, puisqu'elles existent depuis 1894, et que vous avez plus de 20 millions de titulaires de polices. Avez-vous commencé à concurrencer des entreprises étrangères dans des secteurs qui n'ont pas été pénétrés jusqu'à présent par des entreprises canadiennes?

M. Chris McElvaine: Monsieur le président, proportionnellement parlant, les compagnies d'assurance-vie canadiennes ont eu énormément de succès sur les marchés internationaux. Certaines de nos grandes compagnies ont d'importantes opérations internationales dans de nombreuses régions du monde. En fait, si vous choisissiez un pays—le Royaume-Uni, les États-Unis ou d'autres—vous constateriez qu'il y existe des entreprises très actives et vigoureuses—des concurrents bien connus sur ces marchés—qui soit appartiennent à des Canadiens soit sont basées au Canada. À mon avis, les compagnies canadiennes ont connu énormément de succès du point de vue de leurs activités internationales.

Mme Sophia Leung: Merci. Par contre, si je ne m'abuse, il existe également au Canada des entreprises étrangères. Par exemple, Cathay Pacific Airlines a pris en charge une bonne partie des opérations de Canadian Airlines. Et il existe de nombreux autres exemples. Avez-vous à affronter ce genre de concurrence dans votre secteur?

M. Chris McElvaine: Monsieur le président, nous devons nécessairement rivaliser avec nos concurrents étrangers. Par contre, à mon avis, les compagnies canadiennes n'estiment pas avoir besoin de protection particulière contre leurs concurrents étrangers. Le secteur des assurances de personnes est beaucoup plus ouvert. Il existe au Canada depuis belle lurette de grandes compagnies étrangères qui sont très actives sur le marché canadien et, qui plus est, y connaissent un grand succès. Plus récemment, certaines d'entre elles ont décidé de s'en retirer, mais je ne prétends pas savoir pour quelles raisons elles ont décidé de le faire.

J'ai l'impression qu'il y a davantage d'acteurs étrangers qui ont quitté le secteur des assurances-vie que de nouveaux concurrents. Quoi qu'il en soit, rien n'empêche une compagnie étrangère offrant des assurances de personnes de s'implanter ici.

• 1125

Mme Sophia Leung: Donc, vous arrivez à bien affronter la concurrence. Si vous êtes si convaincu qu'il faut donner un grand éventail de choix aux consommateurs et avoir un marché ouvert qui favorise la libre concurrence, pourquoi la possibilité d'avoir à concurrencer ces banques vous inquiète-t-elle autant?

M. Chris McElvaine: C'est une bonne question. À mon avis, ce n'est pas le fait d'avoir à concurrencer les banques qui nous inquiète; nous souhaitons simplement que tout le monde soit sur le même pied d'égalité.

Le groupe de travail MacKay a fait un certain nombre de recommandations fondamentales concernant, entre autres: la question de l'accès au système de paiements, la question de la protection des consommateurs, le manque d'égalité entre la SADC et la SIAP, et la question de garantir la présence d'intermédiaires compétents qui soient à même de fournir de bons conseils aux clients. Voilà les questions qui doivent à notre avis être éclaircies avant qu'on accorde aux institutions de dépôt un accès accru au secteur des assurances. Si je dis «accru», c'est parce que les institutions de dépôt sont déjà très présentes dans le secteur des assurances. Ce n'est pas comme si elles avaient été exclues de ce marché.

Mme Sophia Leung: Mais si vous avez raison de croire que la compétitivité de vos compagnies d'assurance de personnes repose sur l'accès à des agents fort compétents qui peuvent bien renseigner les consommateurs, vous n'avez pas grand-chose à craindre.

J'ai une autre question à vous poser. Vous avez proposé la création d'un poste d'ombudsman indépendant. C'est une idée fort intéressante. Quel serait, à votre avis, le rôle d'une telle personne et quelle structure chapeauterait cette activité?

M. Chris McElvaine: Comme nous l'avons indiqué dans notre mémoire, l'Association met à la disposition des consommateurs un centre d'information qui assure l'accès, par le biais de lignes téléphoniques sans frais à des personnes bien renseignées qui peuvent dispenser des conseils. Ces dernières ont toujours pu jusqu'à présent jouer le rôle d'intermédiaires dans le règlement de questions de cette nature, et nous croyons avoir une assez bonne expérience de ce type d'activité étant donné ce que je mentionnais tout à l'heure, à savoir que nous sommes assujettis à de nombreux règlements provinciaux visant à protéger les consommateurs. Ce centre d'information entretient de très bonnes relations avec les commissaires d'assurance provinciaux qui sont chargés de ce genre de...

Donc, en ce qui nous concerne, nous disposons déjà d'une procédure efficace, bien gérée et éprouvée permettant à des clients individuels qui ont des préoccupations ou des plaintes de s'adresser à un intermédiaire. Nous recommanderions d'y apporter peut-être certaines améliorations, plutôt que d'opter pour la création d'un organisme national... Par contre, si le comité et les organismes de réglementation estiment qu'il est préférable de créer un tel organisme, nous nous ferons un plaisir de vous aider éventuellement à réaliser cet objectif.

Mme Sophia Leung: Merci.

Merci, monsieur le président.

Le président: Monsieur Discepola.

M. Nick Discepola: Merci, monsieur le président.

L'une des recommandations du groupe de travail MacKay qui m'a le plus surpris est celle qui concerne l'utilisation de renseignements confidentiels pour cibler certaines clientèles. Plus j'y pense, plus je me dis qu'en tant que législateurs, nous arriverons difficilement à empêcher par voie législative l'abus de ce genre d'information, malgré les peines très sévères que recommande le rapport MacKay.

Par exemple, je regarde les résultats d'un sondage que vous avez mené qui vous a permis de constater que 73 p. 100 des Canadiens, quel que soit leur profil démographique et où qu'ils habitent... en fait, même 89 p. 100 des répondants sont d'avis qu'il faut «probablement interdire» ou «interdire définitivement» l'utilisation de cette information.

Je me demande donc pourquoi le groupe de travail MacKay a opté pour une nouvelle donne, en quelque sorte, puisqu'il recommande que les banques puissent utiliser ces renseignements. Savez-vous pourquoi il aurait fait une telle recommandation? Par contre, il n'est pas allé à l'autre extrême... c'est-à-dire qu'il n'est pas allé jusqu'au bout en recommandant, par exemple, que les banques puissent fusionner. Il s'est contenté de lever un drapeau orange. Pourquoi n'en a-t-il pas profité pour lever un drapeau rouge concernant l'éventuelle utilisation abusive de cette information?

• 1130

M. Chris McElvaine: À mon avis, toutes les institutions qui possèdent des renseignements personnels ont certaines obligations, étant donné que leurs clients leur ont fourni des renseignements en toute confiance. Nous comprenons très bien les préoccupations des consommateurs concernant l'utilisation appropriée, par opposition à l'utilisation éventuellement abusive, des renseignements personnels.

On peut ériger toutes sortes de barrières réglementaires, mais en fin de compte, tout dépendra du genre d'information qui est utilisée, de quelle façon elle est utilisée, les règlements qui s'y appliquent, et l'administration de cette information.

Je ne suis évidemment pas en mesure de vous dire pour quelles raisons le groupe de travail MacKay aurait fait une telle recommandation. Je vous rappelle encore une fois qu'il existe une réglementation provinciale très rigoureuse concernant l'utilisation de cette information et la protection de la vie privée à laquelle sont assujetties toutes les compagnies d'assurances. Comme cette réglementation provinciale existe, nous sommes bien obligés de nous y conformer.

L'utilisation de renseignements confidentiels en vue de cibler certaines clientèles n'est pas nouvelle; c'est courant dans de nombreux secteurs d'activité. Je suis sûr que vous aussi recevez toutes sortes de publicité importune, comme moi, d'ailleurs, et que vous vous demandez souvent comment les auteurs de cette publicité ont réussi à vous trouver.

Donc, nous devons tous en être préoccupés. Les organismes, les institutions, les responsables de la réglementation et les législateurs doivent tous s'intéresser vivement à l'utilisation de cette information.

M. Nick Discepola: À votre avis, y a-t-il des critères qu'on pourrait incorporer dans la loi pour répondre à vos préoccupations en ce qui concerne l'éventuelle utilisation abusive de cette information?

M. Chris McElvaine: À mon avis, c'est certainement possible, monsieur le président, mais cela risque d'être assez compliqué. Je n'ai pas de recommandation spontanée à vous faire à ce sujet, mais je peux évidemment demander l'aide de mes collègues pour savoir quels mécanismes feraient éventuellement l'affaire.

M. Mark Daniels: Monsieur le président, nous n'avons pas de formule magique à vous proposer. Pour moi, M. Discepola a mis le doigt sur le vrai problème. Nous ne savons pas vraiment comment vous pourriez, par voie réglementaire, limiter l'utilisation des renseignements personnels pour éviter les problèmes d'abus tout en laissant aux banques suffisamment de marge de manoeuvre.

À l'heure actuelle, il n'existe que deux interdictions. Les banques ont le droit d'être propriétaires de compagnies d'assurances. Elles peuvent vendre des assurances, et elles le font déjà. Par contre, elles n'ont pas le droit de vendre les assurances dans leurs succursales. Mais si je ne m'abuse, certains témoins vous ont déjà fait savoir que la question de la vente des assurances dans les succursales ne pose pas vraiment de problème.

Le vrai problème est celui de l'utilisation des renseignements personnels pour cibler certaines clientèles. Quand on fait le lien entre cette utilisation abusive et la préoccupation de MacKay—la possibilité de ventes liées avec coercition—on prend justement conscience de l'ampleur de la problématique.

Nous ne savons pas vraiment ce qu'il faut faire pour limiter suffisamment l'utilisation de cette information. Si vous réussissez à le faire, on pourra en théorie éliminer ce problème, car c'est un problème majeur. Si nous avons demandé cette étude à Compas, c'était justement pour nous permettre de savoir si les consommateurs s'en préoccupaient autant que nous le croyions. Et les résultats de cette étude cadrent justement avec votre propre description du problème.

M. Nick Discepola: Je ne suis pas du tout convaincu qu'on puisse contrôler suffisamment l'utilisation de ces renseignements.

Pour ce qui est de l'indemnisation des consommateurs, votre secteur semble favoriser la fusion des systèmes d'indemnisation prévus pour les institutions de dépôt et les compagnies d'assurance-vie. Dans ses recommandations, M. MacKay a proposé deux modèles: celui de la société de la Couronne et celui du secteur privé. J'aimerais bien savoir comment la tarification devrait se faire à votre avis par rapport à chacun de ces modèles, de quelle façon les institutions devraient être régies et quels critères on devrait prévoir.

M. Chris McElvaine: Merci, monsieur le président. Votre question est à la fois pertinente et critique.

Plusieurs modèles différents ont été proposés. Les deux mentionnés dans le rapport du groupe de travail MacKay ne sont pas nécessairement les seuls modèles. Nous voulons surtout éviter qu'on décide qu'il faut absolument passer par là. Ce qui nous intéresse surtout, c'est de faire en sorte que les deux systèmes soient équivalents du point de vue de la protection dont jouit le consommateur, afin qu'un titulaire de police et un déposant qui traitent avec une banque aient l'impression de bénéficier d'une protection équivalente en cas de faillite de l'une ou de l'autre institution.

• 1135

Cela soulève de nombreuses questions d'interfinancement apparent ou réel entre le secteur des dépôts et le secteur des assurances; par conséquent, la coexistence de deux structures distinctes n'est pas nécessairement irréalisable. Il faut surtout s'assurer que les deux secteurs sont régis de la même façon et que le manque d'accès au Trésor est le même dans un cas comme dans l'autre. Voilà ce qui nous semble essentiel.

M. Nick Discepola: Merci.

Le président: Merci, monsieur Discepola.

Monsieur Pillitteri.

M. Gary Pillitteri (Niagara Falls, Lib.): Merci, monsieur le président.

Bonjour, messieurs. Je regrette de ne pas avoir pu être présent pendant votre exposé, mais il est possible que j'aie déjà entendu certains de vos arguments.

Permettez-moi donc de vous poser une question. Je vous l'ai sans doute déjà posée, mais elle me semble d'autant plus justifiée depuis que le rapport MacKay est sorti. Vous avez la possibilité depuis 1992 de devenir institutions de dépôt et d'ouvrir des banques, mais vous n'en avez pas profité jusqu'à présent. Par contre, le groupe de travail prétend que la création d'une banque ayant un capital aussi faible que 10 millions de dollars permettrait d'accroître la concurrence qui s'exerce sur ce marché. Êtes-vous vraiment convaincus... Vous n'avez pas encore cherché à pénétrer ce marché, mais selon les conditions que propose le groupe de travail maintenant, seriez-vous prêts à le faire, et sinon, pourquoi?

M. Chris McElvaine: Vous m'avez posé une question fort complexe, monsieur le président. Je vais essayer de vous expliquer les problèmes qui y sont associés à mon avis.

Les compagnies d'assurances n'ont pas la possibilité d'accepter des dépôts. Il existe certaines dispositions—et je ne suis pas tellement au courant de la question—mais si je comprends bien, certaines dispositions législatives adoptées en 1992 permettent en théorie à une compagnie d'assurances ayant de nombreux actionnaires de posséder une banque qui a, elle aussi, de nombreux actionnaires. Cela présente un contraste intéressant avec la situation des banques, qui peuvent posséder une compagnie d'assurances. Rien n'empêche une banque de devenir propriétaire d'une compagnie d'assurances.

Je ne conteste pas l'opportunité de votre question, mais si les banques ont déjà le droit de posséder des compagnies d'assurances, pourquoi réclament-elles un accès accru à ce secteur... Si les compagnies d'assurances ont déjà la possibilité d'être propriétaires d'une banque, à ce moment-là, nos positions respectives sont équivalentes. Cependant, ce sont les banques qui réclament un accès accru à ce secteur alors qu'elles ont déjà le droit de posséder des compagnies d'assurances.

Pour en revenir à votre question sur les raisons pour lesquelles les compagnies d'assurances n'auraient pas établi de banques, je me permets de vous faire remarquer que cela suppose un capital considérable. De plus, il existe d'importantes restrictions en matière de propriété qu'on ne peut négliger. Comme je représente une compagnie d'assurance-vie de taille moyenne à peu d'actionnaires, j'avoue qu'il s'agit là d'une opération dont les modalités ne me sont pas tellement connues et je me demande si la compagnie d'assurance-vie Empire pourrait même y recourir.

M. Mark Daniels: Monsieur le président, je voudrais simplement vous faire remarquer que vous allez recevoir M. D'Alessandro un peu plus tard aujourd'hui, et que sa compagnie possède effectivement une banque. Donc, vous voudrez peut-être soulever la question auprès des représentants de la financière Manuvie, car elle possède une petite banque.

Le président: Monsieur Pillitteri.

M. Gary Pillitteri: Si j'ai posé la question, c'est parce que les gens semblent croire que si on donne suite à toutes ces recommandations, la concurrence sera grandement accrue. Par contre, M. Godsoe nous disait plus tôt qu'en réalité, il n'y aura pas plus de concurrence parce qu'étant trop petite, vous serez absorbée par les autres.

Donc, plutôt que de favoriser l'entrée sur le marché de plus de concurrents que les grandes entreprises vont finir par engloutir de toute façon... c'est-à-dire que je me pose des questions sur l'opportunité du modèle adopté aux États-Unis, où le nombre de banques qui sont créées ou qui font faillite chaque année est extrêmement élevé... Et que pensez-vous du principe des acheteurs avertis? Dans ce contexte, de quelles garanties bénéficieraient les consommateurs ou contribuables canadiens?

• 1140

M. Chris McElvaine: J'ai entendu les propos de M. Godsoe tout à l'heure. Il parlait beaucoup de la concentration, par rapport à la diversification, ce qui a suscité une bonne discussion. Si je comprends bien ses arguments, il disait qu'un excès de concentration donne lieu à des organisations qui sont trop grandes et dont la faillite serait impensable, de telle sorte que c'est le Trésor qui doit nécessairement protéger ces organisations.

À l'autre extrême, s'il existe des milliers de banques et de compagnies d'assurance-vie, il est possible que les consommateurs ne sachent plus à qui s'adresser. Je ne sais pas vraiment où en serait le juste milieu, entre garantir une saine gestion, une vive concurrence sur le marché et des choix intéressants pour les consommateurs, car c'est bien de ça qu'il s'agit ici... Il faut garantir aux consommateurs un accès adéquat et un bon éventail de choix, et les consommateurs doivent également être convaincus que le système ou la structure en place et les règlements qu'applique le gouvernement vont les empêcher de commettre une erreur grave, si je peux le dire ainsi.

On ne peut pas protéger tout le monde contre tous les dangers. Le consommateur a l'obligation de faire preuve de prudence au moment de choisir l'institution qui lui convient et le mécanisme par lequel il souhaite traiter avec cette institution. Cela vous semblera peut-être un peu extrême, monsieur le président, mais il ne faut pas non plus encourager l'avidité. Parfois les consommateurs entendent parler d'offres qui sont trop intéressantes pour être vraiment légitimes, mais ils décident quand même de s'en prévaloir. Ensuite, quand l'affaire tourne mal, c'est au gouvernement ou au Trésor de venir à leur secours.

Je travaille dans le secteur des assurances au Canada depuis une quarantaine d'années, et je suis fermement convaincu que nous avons dans le secteur des services financiers un système très solide et très bien géré. Nous devrions en être fiers. D'ailleurs, de nombreux organismes à l'étranger utilisent le système de réglementation canadien comme un modèle. Donc, il faut être prudent, comme le disait M. Godsoe. Il ne faut pas révolutionner tout ce secteur; il faut plutôt réfléchir longuement à la question, et, à la suite d'un bon débat, convenir d'apporter au système actuel les améliorations qui s'imposent.

Monsieur le président, excusez-moi d'avoir donné une aussi longue réponse.

M. Gary Pillitteri: Merci beaucoup, monsieur le président.

Le président: Merci beaucoup, monsieur Pillitteri.

Nous aurons encore deux questions, une de Mme Bennett, et l'autre de M. Brison.

Mme Carolyn Bennett (St. Paul's, Lib.): Pour en revenir aux recommandations du groupe de travail MacKay, celui-ci propose un régime de propriété cohérent pour l'ensemble des institutions financières fédérales en fonction non pas de la taille mais plutôt du type d'institution dont il s'agit. Vos membres ont-ils des préoccupations en ce qui concerne les seuils de 1 milliard de dollars et de 5 milliards de dollars qui sont proposés pour l'avoir propre ou encore au sujet des dispositions relatives aux droits acquis? Est-ce acceptable en ce qui concerne vos membres?

M. Chris McElvaine: Monsieur le président, c'est justement là-dessus qu'il existe une divergence d'opinions parmi les membres de l'Association. Il n'existe pas parmi nos membres une préférence marquée ni pour ce modèle ni pour un autre modèle, et par conséquent, l'Association n'a pas l'intention de se prononcer là-dessus.

Par contre, là vous me donnez l'occasion de changer de casquette et d'exprimer mon opinion à titre de président de la compagnie d'assurance-vie Empire. Comme je vous l'ai dit plus tôt, la compagnie d'assurance-vie Empire, qui est une compagnie à capital-actions, a un actionnaire majoritaire. Nous avons examiné de nombreux modèles présentés comme étant plus avantageux ou sécuritaires pour les consommateurs que d'autres structures. Mais à mon avis, les antécédents de ce secteur ne nous permettent pas de conclure à la supériorité de l'un ou l'autre des modèles. Le fait est que des institutions ayant de nombreux actionnaires ont fait faillite, des institutions ayant un seul propriétaire ont fait faillite, et des institutions à la fois grandes et petites ont fait faillite.

• 1145

Donc, la question de la propriété est assez complexe. Je recommanderais, toujours à titre de président de la compagnie d'assurance-vie Empire, de ne pas conclure qu'une structure à propriétaire unique constitue la panacée qui nous évitera toute possibilité de problèmes, notamment pour l'organisation en question.

Mme Carolyn Bennett: Merci.

Le président: Merci, madame Bennett.

Monsieur Brison.

M. Scott Brison: Merci, monsieur le président.

À bien des égards, le débat sur l'assurance-vie est fondamentalement différent de celui sur les assurances IARD et le crédit-bail automobile. La plupart des gens reconnaissent que l'assurance-vie constitue davantage un instrument financier que ne le seraient les assurances IARD. Les banques nous font remarquer qu'elles vendent déjà des fonds mutuels et des REER dans leurs succursales, et que les restrictions actuelles ne cadrent pas avec le désir de garantir que les banques puissent offrir aux Canadiens une vaste gamme de services et d'instruments financiers.

Dans l'hypothèse d'un assouplissement des règles de propriété, de la possibilité d'établir de nouvelles banques, de la modification des dispositions touchant les sociétés de portefeuille et d'un libre accès au système de paiement, vos membres pourraient effectivement devenir des banques. Par conséquent, j'avoue ne pas très bien comprendre pourquoi ceux-ci sont encore si réticents à accepter que les banques puissent vendre des assurances-vie, étant donné que vous auriez un accès sans précédent au système de paiements si l'on adoptait les recommandations du groupe de travail MacKay.

J'aimerais connaître votre réaction.

M. Chris McElvaine: Encore une fois, le problème essentiel est celui de l'équité. Parlons donc de l'hypothèse que voici.

Si l'idée est de permettre demain matin aux banques de vendre des assurances au détail par le biais de leur réseau de succursales, c'est-à-dire qu'elles puissent le faire tout en continuant d'avoir accès au système de paiements, mais sans être assujetties aux règlements provinciaux en matière de distribution, à ce moment-là, elles auront l'avantage de la protection de la SADC. C'est là qu'il y a incohérence, monsieur Brison.

Nous ne prétendons pas que les banques ne devraient pas bénéficier d'un tel accès. Par contre, nous voulons que les mécanismes soient modifiés pour mettre tout le monde sur un pied d'égalité sans qu'on leur accorde cet accès. Pour nous, le secteur des assurances de personnes est déjà très concurrentiel, et par conséquent, le fait de permettre l'accès aux assurances par l'entremise des succursales bancaires ne présente pas de gros avantages pour les consommateurs en ce qui nous concerne.

Est-ce que cela répond à votre question?

M. Mark Daniels: Monsieur le président, me permettriez-vous de fournir quelques éclaircissements?

De façon très générale, le cadre législatif mis en place en 1992 permet aux banques, sociétés de fiducie et compagnies d'assurances d'être actives dans ces trois branches. À l'exception de trois choses, elles peuvent tout faire à l'interne. Il y a aussi d'autres exceptions mineures, mais voilà essentiellement les trois activités interdites: d'abord, les assureurs ne peuvent pas recevoir de dépôts commerciaux, ce qui veut donc dire qu'ils ne peuvent se substituer aux banques; deuxièmement, les institutions de dépôt ne peuvent pas vendre des assurances par l'entremise d'un réseau, ce qui signifie donc qu'elles peuvent pas les vendre dans leurs succursales bancaires en se servant de renseignements confidentiels pour cibler certaines clientèles; et troisièmement, certaines activités fiduciaires sont réservées exclusivement aux sociétés de fiducie. Il y est également question de crédit-bail et d'autres éléments mineurs, mais voilà essentiellement les restrictions actuelles. Autrement, dans ce beau nouveau monde qu'on propose, tout le monde pourra tout faire à l'interne.

Notre argument concernant le système de paiements n'a rien à voir avec les dépôts commerciaux. Nous n'avons jamais réclamé le droit de recevoir des dépôts commerciaux. D'ailleurs, je ne connais aucun assureur qui souhaite pouvoir recevoir de tels dépôts. Par contre, nous voulons absolument profiter des pouvoirs qu'on nous a confiés en 1992—par exemple, le pouvoir d'émettre des cartes de débit et de crédit. À l'heure actuelle, ce n'est pas possible, car n'étant pas membres du système de paiements, nous ne pouvons pas les utiliser. Donc, comme vous l'expliquait M. McElvaine, accéder au système de paiements correspond pour nous à mettre tout le monde sur un pied d'égalité.

• 1150

Je serais extrêmement surpris que d'autres compagnies d'assurances viennent vous réclamer le droit de recevoir des dépôts. Nous ne sommes pas des banques, et nous ne souhaitons pas l'être non plus.

M. Scott Brison: Une dernière question, si vous permettez.

Par rapport à votre argument sur l'utilisation du réseau de succursales bancaires, ne pensez-vous pas que l'accès à ce réseau risque de devenir beaucoup moins important dans l'immédiat, étant donné que les Canadiens se servent de plus en plus d'Internet ou du téléphone pour acheter des produits? La distance devient un facteur de moins en moins déterminant du coût des télécommunications, et cette réalité révolutionne l'ensemble des branches d'activité. Il nous arrivera un jour d'expliquer aux membres de la nouvelle génération qu'il fut un temps où les gens s'adressaient à leur succursale bancaire pour acheter un service, et ils vont obligatoirement nous répondre: «Qu'est-ce que c'est qu'une succursale bancaire?»

N'est-il pas un peu discutable de prétendre que ces mesures vont nous permettre de réagir à la réalité actuelle—autrement dit, que nous avons déjà dépassé le stade où nous pouvons envisager d'accroître la réglementation ou de faire quoi que ce soit, en tant que législateurs? Ne pensez-vous pas que les technologies de l'information et des télécommunications vont transformer ce secteur à un point tel que le cadre de nos discussions actuelles est déjà largement dépassé?

M. Chris McElvaine: Vous posez une excellente question, monsieur Brison.

Nous parlons essentiellement de distribution. À mon avis, nous ne proposons aucunement que la distribution soit limitée, et c'est bien à ce niveau-là que s'exerce la concurrence. Certains vont choisir de distribuer leurs produits par le biais d'Internet, alors que d'autres préféreront recourir à des intermédiaires.

Le problème qui se pose n'est pas simplement la possibilité pour les banques de distribuer leurs produits par l'entremise de succursales ayant une présence matérielle sur le terrain. Par contre, les banques qui offrent de tels services devraient être assujetties aux mêmes conditions—favorables et non favorables—restrictions, réglementation et critères d'accès que les compagnies d'assurances. Ce n'est pas le mécanisme de distribution proprement dit qui pose problème à nos yeux, mais plutôt les conditions fondamentales dans lesquelles cette distribution va se faire.

D'ailleurs, monsieur le président, si vous me permettez un dernier petit commentaire, vous avez très bien décrit la différence entre les compagnies d'assurances IARD et les compagnies d'assurance-vie. En ma capacité de président de la compagnie d'assurance-vie Empire, je suis également administrateur d'une compagnie d'assurances IARD. Par rapport aux recommandations du groupe de travail MacKay, je peux vous dire que mes collègues du secteur des assurances IARD sont surtout préoccupés par la question de la vente au détail des assurances, car c'est surtout celles-là qui posent problème à leurs yeux. Je voulais simplement vous faire remarquer que le secteur des assurances-vie est touché par de nombreuses recommandations du groupe de travail MacKay, alors que d'après ce que j'ai pu comprendre, le secteur des assurances IARD est surtout touché par la question de la vente au détail des assurances.

M. Scott Brison: Merci.

Le président: Merci, monsieur Brison.

Permettez-moi de vous demander un éclaircissement. De façon générale, est-ce que vous nous conseillez de faire preuve d'une très grande prudence en donnant suite aux recommandations du rapport MacKay? Est-ce ça votre message essentiel?

M. Chris McElvaine: C'est-à-dire que nous vous conseillons de faire preuve de prudence dans certains domaines, oui, et d'attendre d'avoir débattu et approfondi toutes les questions épineuses avant d'agir. Par contre, dans le cas d'autres recommandations, nous vous conseillerions de procéder rapidement à leur mise en oeuvre.

Si je comprends bien, le comité voudrait faire une distinction entre les questions qui peuvent passer par la voie rapide, si je peux le dire ainsi, et celles qui nécessitent plus de réflexion, de débat et d'étude. D'ailleurs, nous sommes tout à fait d'accord sur cette approche. Évidemment, nous avons nos propres opinions quant aux questions qu'on devrait privilégier pour la voie rapide et celles qui requièrent un traitement plus lent et posé, et nous avons justement essayé de les décrire dans notre mémoire.

Le président: Je tiens à dire à nos témoins que leur mémoire était effectivement extrêmement complet et que nous apprécions au plus haut point leur contribution à notre étude. Vous nous avez vraiment aidés à comprendre les préoccupations et le point de vue de votre secteur, et nous vous en sommes très reconnaissants.

Je vous remercie donc au nom de tous les membres du comité.

M. Chris McElvaine: Merci, monsieur le président.

Le président: Nous allons faire une pause de deux minutes avant de reprendre nos travaux.

• 1154




• 1205

Le président: Je rouvre la séance en souhaitant la bienvenue à M. Léon Courville et à Mme Dominique Vachon, qui représentent tous les deux la Banque nationale du Canada.

Comme vous le savez, vous disposerez de 10 à 15 minutes pour faire votre exposé. Ensuite nous ouvrirons la période des questions.

M. Léon Courville (président, Banque des particuliers et des entreprises et chef des Opérations, Banque nationale du Canada): Merci beaucoup.

[Français]

Nous vous remercions de l'occasion que vous nous donnez de témoigner devant vous. Je ferai d'abord quelques commentaires en français et je poursuivrai mon allocution en anglais.

Je vous présenterai en premier lieu le point de vue de la Banque nationale sur l'évolution des services financiers et nos réactions au rapport du groupe de travail sur l'industrie des services financiers au Canada.

Il est important de souligner que nous sommes la plus petite des grandes banques, soit la sixième en taille au Canada. Nous représentons environ 7 p. 100 du système bancaire canadien. Soixante pour cent de nos actifs sont concentrés au Québec, et le reste à l'extérieur du Québec, principalement en Ontario, dans l'Ouest canadien et surtout aux États-Unis. Nous sommes heureux d'annoncer que nous n'avons pas été aux prises avec la crise asiatique, ayant réussi à replier nos opérations là-bas avant que le problème ne se présente.

Il est important de souligner une des caractéristiques de la Banque nationale: même si nous ne représentons que 7 p. 100 du système bancaire canadien, nous consentons de 13 à 14 p. 100 des prêts commerciaux. Il y a donc dans notre bilan une surpondération des prêts aux entreprises, essentiellement de petites et moyennes entreprises. Comme nous oeuvrons principalement au Québec, une grande partie de ces actifs sont investis dans cette province. Nous pouvons donc dire que nous sommes une banque principalement commerciale. Telle est notre vocation. Notre stratégie est axée en ce sens et une bonne partie de nos structures et de nos modes d'opération découlent de cette stratégie fondamentale. Face à nos concurrents, nous pouvons sûrement affirmer que nous sommes essentiellement une banque axée sur les petites et moyennes entreprises et que cela fait partie de notre stratégie intrinsèque.

Notre structure régionale est un bel exemple de cette adaptation-là. Nous croyons que les prêts aux petites et moyennes entreprises demeurent d'abord et avant tout une activité bancaire. De nombreuses activités bancaires, dont les prêts aux grandes entreprises, les prêts aux consommateurs et les prêts hypothécaires, sont maintenant exercées par un ensemble d'institutions, et la valeur ajoutée des banques par rapport aux autres institutions n'est pas aussi forte que ça. Nous n'avons pratiquement aucun concurrent dans ce domaine et il n'existe pratiquement aucune autre activité qui soit axée vers les prêts aux petites et moyennes entreprises. Le système bancaire canadien repose énormément sur cette activité puisqu'elle lui est propre et que c'est là que les banquiers misent vraiment sur la valeur ajoutée par rapport aux autres institutions financières qui les concurrencent dans plusieurs secteurs d'activité.

Donc, le prêt commercial demeure une activité presque exclusivement bancaire. Notre structure régionale a donc été adaptée en fonction de cette activité. Les prêts aux petites et moyennes entreprises nécessitent qu'on recueille de l'information sur les clients, qu'on leur offre un suivi, qu'on les dirige et qu'on les conseille. Cela se fait dans le cadre d'une structure régionale et décentralisée, puisque des décisions culturelles entrent bien souvent en jeu et qu'il faut bien connaître son client.

J'aimerais ajouter qu'en raison de notre présence et de notre prépondérance au Québec, nous sommes habitués à la concurrence. Nous ne concurrençons pas seulement des banques, mais aussi le Mouvement des caisses Desjardins, qui constitue environ 40 p. 100 du système financier québécois et qui est le concurrent de toutes les banques, y compris la Banque nationale. Ainsi, les recommandations du rapport MacKay en vue de permettre l'arrivée de nouveaux concurrents ne nous effraient pas. Nous sommes habitués à cette concurrence-là depuis un bon bout de temps.

En tant que banque commerciale, nous avons également réussi à développer un réseau international dépendant essentiellement de notre activité commerciale. Pendant très longtemps, nous avons exercé des activités en Asie parce l'import-export entre le Canada et cette partie du monde était extrêmement important. Cela nous a amenés en Corée, en Chine et en Europe, où nous avons conclu des alliances avec d'autres banques, puisque notre présence là-bas, dans des milieux extrêmement concurrentiels, n'aurait rien ajouté. Grâce à ces alliances, nous sommes en mesure de mieux desservir nos clients lorsqu'ils se pointent en Europe ou lorsque des clients européens viennent faire affaire avec des clients canadiens.

J'aimerais aussi soulever la question de la technologie puisqu'elle joue un rôle important face aux fusions bancaires et à l'évolution des services financiers. Même si nous sommes la plus petite banque, nous avons quand même réussi à maintenir, à certains égards, des avances technologiques. Nous avons été les premiers à faire des démarches en vue d'offrir à nos clients les services de débit automatique. Avant que le débit naisse au Canada, nous avions tenté une expérience avec une chaîne d'alimentation en ce sens. Nous avons aussi été les premiers à offrir un lien électronique avec un ordinateur portatif. Nous avons pris une part très active dans le commerce électronique et avons acquis une vue d'ensemble complète du système des paiements et de facturation électronique. Les initiatives que nous avons prises en ce sens nous placent à la tête de toutes les institutions financières au Canada.

• 1210

[Traduction]

En ce qui concerne les fusions, la Banque nationale a déjà exprimé son opposition à ce projet. Je n'ai donc pas l'intention de faire valoir tous les mêmes arguments et je ne prétends donc pas vous fournir des explications complètes à ce sujet.

Il y aura une période de transition qui profitera peut-être à la Banque nationale, car dans le contexte d'une fusion, un plus un n'égale pas deux. Autrement dit, c'est l'occasion d'obtenir de nouveaux clients, de même que certains employés mis à pied par les autres banques qui seraient certainement de bons éléments.

À notre avis, ces fusions vont entraîner à long terme un accroissement des règlements auxquels sont assujetties les institutions financières canadiennes, étant donné qu'elles vont donner lieu à une concentration accrue dans ce secteur. La concentration est très négative parce qu'elle engendre l'inefficacité et n'avantage aucunement le consommateur. Il en résulte un système qui manque totalement de dynamisme. De plus, pour nous la voie réglementaire n'est pas la plus indiquée. Nous estimons que les consommateurs sont mieux servis par un marché où s'exerce une vive concurrence.

Il y a aussi la question du risque. Je suis sûr que vous en avez déjà entendu parler. Dans le contexte d'une plus forte concentration des institutions, le jeu des stratégies est nécessairement limité, ce qui apporte des risques additionnels au système.

Malheureusement, le secteur bancaire ne ressemble à aucune autre branche d'activité. Si un magasin d'alimentation fait faillite, d'autres arriveront pour en prendre charge, mais les banques seront liées les unes aux autres. C'est un peu comme un pot rempli de vers de terre. Nous dépendons les unes des autres. Si l'une des banques a un problème, tout le système bancaire canadien est considéré avoir un problème, aux yeux des autres pays du monde et même aux yeux du système financier canadien dans son ensemble. Donc, il faut être très prudent.

En présence de stratégies rivales, les marchés arrivent le plus souvent à soutenir un secteur d'activité. Si une entreprise perd au jeu, l'autre gagnera et les gens s'adapteront à la nouvelle donne. Mais dans le contexte d'une concentration accrue, un nombre moindre de participants donnera lieu à un nombre moindre de stratégies, augmentant ainsi les risques pour l'entreprise elle-même et pour l'ensemble du secteur, dans le cas du secteur bancaire notamment.

Si vous me permettez, je voudrais m'attaquer aux arguments avancés en faveur des fusions. On vous a dit que le gouvernement du Canada a fait un appel d'offres et a dû accorder un contrat pour ses cartes de visite et son système de paiements à des concurrents étrangers comme Citibank et American Express. Je me permets de vous faire remarquer, tout d'abord, que c'est nous qui avons été l'adjudicataire du contrat fédéral pour les cartes de crédit destinées aux employés fédéraux pour les achats de faible valeur. Nous avons donc émis quelque 25 000 cartes de crédit, ce qui est déjà beaucoup plus qu'American Express. Voilà donc un important secteur d'activité pour notre banque, secteur où nous avons été adjudicataire d'un important contrat qui ne nous fait absolument pas perdre de l'argent même si nous sommes le plus petit acteur.

De plus, pour ce qui est des sociétés de fonds communs de placement, on entend souvent dire que Fidelity est tout simplement trop grande. Eh bien, ça la regarde. Elle est active dans ce secteur depuis bien plus longtemps que les banques. Face à ce genre d'arguments, à savoir qu'il s'agit là de concurrents très puissants, je maintiens que si vous réagissez en autorisant ces fusions, vous le ferez surtout pour des raisons de protectionnisme, et non pour favoriser la concurrence.

Je vous fais également remarquer que si une entreprise veut être à même d'affronter la concurrence à l'échelle internationale, il faut d'abord qu'elle puisse le faire dans son propre pays. Si vous n'êtes pas en mesure de rivaliser avec vos concurrents internes, c'est parce que vous êtes inefficaces et vous devez donc moderniser et rationaliser vos opérations. Ce ne sont pas les fusions qui vont vous permettre de le faire. Elles ne sont qu'un prétexte pour reporter à plus tard l'exercice de rationalisation qui s'impose.

Enfin, j'estime que le système canadien est un système dans lequel les économies de diversification ont été beaucoup plus importantes que les économies d'échelle. Quand je parle d'économies de diversification, je veux dire par là que nous sommes des banques universelles. Nous avons de nombreuses opérations visant une même clientèle, et nous vendons une vaste gamme de produits. Mais le fait de connaître les clients de nos clients, et les employés de nos clients, nous amène également à nous diversifier et à entreprendre une vaste gamme d'activités qui est justement l'atout et la caractéristique fondamentale du système canadien. Malheureusement, il est impossible à mon avis de bénéficier simultanément d'économies de diversification et d'échelle. On ne peut pas être bon en tout si l'on profite d'économies de diversification en étant une entité universelle. J'ai l'impression que nous avons oublié les principes qui sous-tendent le système bancaire au Canada qui sont justement à l'origine de sa grande efficacité.

Pour ce qui est du rapport MacKay, il s'agit à mon avis d'un rapport très complet. Il aborde de nombreuses questions importantes, et la Banque nationale du Canada accueille très favorablement la possibilité de vendre des assurances, surtout que notre principal concurrent au Québec le fait. Ce dernier a le pouvoir de vendre non seulement des assurances-vie mais des assurances IARD.

• 1215

J'estime également qu'il incombe au gouvernement fédéral d'harmoniser la législation qui régit les institutions financières. Si le fait qu'une institution soit constituée sous le régime de la loi fédérale dans une province en particulier pose problème, il faut absolument prendre des mesures pour régler ce problème. On ne peut pas se permettre de l'ignorer. À mon avis, il s'agit là d'un obstacle sérieux. Et même si nous aimerions être actifs dans le secteur des assurances, non pas nécessairement en étant propriétaires de compagnies d'assurances, mais en distribuant des assurances, il ne fait aucun doute que nous accueillerions très favorablement toute initiative nous permettant de rivaliser avec notre principal concurrent, qui possède déjà ce pouvoir dans la province du Québec.

Pour ce qui est de la fiscalité, le groupe de travail MacKay a également dit que l'impôt sur le capital n'est pas approprié. Nous sommes tout à fait d'accord là-dessus, et nous insistons à nouveau sur le fait qu'il existe un écart entre le traitement qui nous est réservé par rapport à d'autres institutions. Par exemple, le Mouvement des caisses Desjardins au Québec paie très peu d'impôts sur le capital, alors que nous en payons beaucoup. Au début de l'année, son obligation fiscale est déjà inférieure de 100 millions de dollars à la nôtre. C'est un beau cadeau à recevoir au 1er janvier. Quand vous êtes dirigeant de banque, c'est assez rassurant de savoir qu'au 1er janvier de chaque année, vous pourrez vous dire que vous avez une longueur d'avance correspondant à 100 millions de dollars sur vos concurrents. Encore une fois, le rapport MacKay vous offre l'occasion de vous prononcer sur l'impôt sur le capital, et peut-être aussi l'occasion de recommander une structure fiscale plus harmonisée pour toutes les institutions financières, qu'il s'agisse de coopératives de crédit ou de banques.

Le rapport MacKay offre également à des institutions comme la Banque nationale une souplesse accrue au niveau non seulement des pouvoirs nouveaux qu'il propose de leur confier mais aussi de la propriété. La Banque nationale ne compte pas réexaminer sa stratégie pour le moment, car une question essentielle pour nous est celle savoir si quelqu'un peut avoir un intérêt majoritaire correspondant à 65 p. 100 dans la Banque nationale du Canada. Mais il ne fait aucun doute qu'elle nous offre plus de marge de manoeuvre, et que nous aurons à prendre une décision à ce sujet en temps et lieu. Elle nous donne également la possibilité de former des alliances qui étaient exclues précédemment. Mais pour le moment, nous ne pouvons donner de réponse définitive à cette question.

Enfin, le rapport MacKay propose d'accorder au ministre énormément de pouvoir discrétionnaire et prépare également la voie à une réglementation plus lourde. Je ne suis pas sûr qu'il convienne de privilégier cette solution.

Je me permets de vous faire remarquer une légère incohérence constatée dans le rapport MacKay. Il semble dire que le système bancaire est efficace. Mais si c'est vrai, pourquoi s'acharner à améliorer quelque chose qui marche bien.

Enfin, je voudrais soulever un point tout à fait critique pour nous—et pour vous aussi—qui représente un problème épineux. Il concerne l'évolution du secteur des services financiers et l'existence de points d'entrée multiples pour le consommateur—les succursales bancaires traditionnelles, les guichets automatiques, le système de cartes de débit, les services bancaires téléphoniques, et les services bancaires par Internet ou ordinateur personnel. Nous offrons toutes ces possibilités à notre clientèle, mais nous suivons nécessairement des stratégies différentes dans chacune de ces branches.

Il y a des banques qui excluent certains clients, alors que d'autres augmentent leurs tarifs. Notre approche consiste à proposer à nos clients un éventail de services qu'ils choisiront en fonction de leurs besoins et dont la tarification est variable. C'est le principe paie-qui-profite, et c'est cette stratégie que nous privilégions.

Permettez-moi de soulever un autre point important. Avec le temps, nous nous habituerons probablement à ces systèmes nouveaux. En fait, le service bancaire téléphonique représente sans doute la formule la moins coûteuse et la plus commode pour les consommateurs. Pourquoi aller au guichet automatique ou à sa succursale pour payer la note du téléphone ou de l'électricité? C'est beaucoup plus efficace de recourir au service téléphonique. On n'a pas besoin de sortir et on peut le faire à n'importe quelle heure de la journée.

Bien que certains consommateurs se soient montrés un peu réticents, nous avons fait des expériences—même auprès des personnes âgées—qui nous ont permis de constater qu'une fois qu'ils y sont initiés, ils apprécient beaucoup ce service. Le problème en est surtout un de transition, et c'est ça que nous vivons à l'heure actuelle. Mais étant une banque commerciale dont l'orientation est bien claire, nous sommes fermement convaincus que les contacts personnels constituent l'ultime moyen d'accès aux services bancaires.

Lorsqu'un client rencontre un problème—et cela ne veut pas dire que payer une facture de téléphone pose problème—ou veut se faire conseiller, nous allons au-delà des machines. Pour nous il importe que nos clients puissent rencontrer quelqu'un et lui parler de vive voix. On pourrait dire qu'il s'agit là d'un aspect subsidiaire de notre stratégie commerciale. Quand vous avez une banque commerciale, vous devez connaître à fond tous vos clients. Ils veulent d'ailleurs que leur banque les connaisse et qu'elle soit au courant de leur cheminement. C'est pour ça qu'ils se plaignent quand un directeur de comptes est muté ailleurs. Ils ressentent le besoin de se raconter. Une personne qui est connue d'une autre fait confiance à cette dernière et ne veut pas perdre ce lien de confiance.

Donc, nous verrons avec le temps si nous nous trompons ou non, mais de notre côté, nous déployons énormément d'efforts pour nous assurer que les opérations proprement dites se déroulent de la manière la plus commode possible, pour que les clients puissent accéder à des services de conseillers ou opter pour des relations plus directes lorsqu'ils en ressentent le besoin.

Voilà qui conclut mon exposé, monsieur le président.

• 1220

Le président: Merci beaucoup, monsieur Courville.

J'ouvre maintenant la période des questions; les intervenants auront chacun cinq minutes. Monsieur Ritz, vous avez la parole.

M. Gerry Ritz: Je vous remercie de votre présence aujourd'hui et de votre exposé.

D'après ce qu'on dit, le rapport du groupe de travail MacKay serait une première étape dans la transformation du secteur des services financiers. D'après vous, est-il urgent que des changements importants y soient apportés? Le rapport MacKay compte 124 recommandations. Est-ce qu'il est allé trop loin ou pas assez loin? Y a-t-il des lacunes? A-t-il négligé certains éléments qu'il aurait dû aborder, à votre avis?

M. Léon Courville: Non. À mon avis, le rapport MacKay est vraiment très complet et aborde l'ensemble des grandes questions. En fait, je dirais même que tous les témoins que vous allez recevoir y trouveront quelque chose qui concerne leur situation ou problème particulier. Voilà justement l'une des qualités du rapport MacKay.

Par contre, je ne sais pas si vous pouvez tout faire en même temps. En fait, pour répondre directement à votre question concernant l'urgence de la situation, je dirais que tout ce qui permet de favoriser la concurrence devrait sans doute être mis en oeuvre assez rapidement. En réalité, cela aurait dû être fait depuis longtemps au Canada. J'ai une formation d'économiste et par conséquent je suis d'avis qu'une entreprise qui est efficace chez soi, sur son marché national, va réussir n'importe où dans le monde; mais pour être efficace chez soi, il faut avoir des concurrents.

J'avoue que la concurrence constitue au Canada un problème très épineux. Les sociétés de fiducie et les compagnies d'assurance-vie se sont lancées dans l'intermédiation, mais sans grand succès. Quant aux sociétés de fiducie, elles ont presque toutes disparu. Donc, cela pose certainement problème au Canada. Ce problème ne se pose pas au Québec en raison de la très forte présence des caisses populaires, mais dans les autres régions du Canada, il faut y trouver une solution rapidement.

À mon avis, tout ce qui suscite l'intérêt d'autres acteurs pour notre marché ou qui facilite leur entrée sur le marché—notamment l'attribution de pouvoirs additionnels qui mettent toutes les institutions financières, qu'il s'agisse de banques ou de compagnies d'assurance-vie, sur un pied d'égalité—sera le bienvenu et ne devrait pas tarder à être mis en application.

M. Gerry Ritz: Merci.

À votre avis, cette obsession pour les fusions qui a surgi depuis la mise sur pied du groupe de travail MacKay aurait-elle en quelque sorte empêché les gens de bien comprendre les vrais objectifs de MacKay et de ses collègues? Serait-il juste de dire qu'on s'est un peu écarté du chemin à cause de ces projets de fusion?

M. Léon Courville: Vous me demandez en réalité de me prononcer sur la procédure suivie par le gouvernement. Malheureusement, vu le délai de cinq ans que le gouvernement s'est fixé pour réexaminer en profondeur le secteur des services financiers au Canada, la presse s'est tout de suite laissée obnubiler par la question des fusions, à un point tel qu'il semble à présent difficile d'envisager quelque changement que ce soit en ce qui concerne la composition du secteur des services financiers ou les mesures législatives et réglementaires qui le visent sans avoir toujours à l'esprit la possibilité de fusions.

Dans un sens, je trouve malheureux que cela arrive maintenant. Pour moi, la structure de la réglementation et de la législation financière doit être déterminée indépendamment de la question des fusions. Celles-ci relèvent de la concurrence et devraient être abordées dans ce contexte. Par contre, essayer de définir une loi en fonction d'éventuelles fusions, ce n'est certainement pas être tourné vers l'avenir.

M. Gerry Ritz: Merci.

Le président: Merci beaucoup, monsieur Ritz.

Madame Gagnon.

[Français]

Mme Christiane Gagnon: À la lumière de vos propos, j'ai cru comprendre que vous vous opposiez à la fusion des banques. Plusieurs intervenants du milieu nous ont dit qu'en étudiant la question de la fusion des banques, il ne faut pas oublier que certains autres changements sont devenus nécessaires, que nous sommes en pleine évolution et qu'il faut réagir à la libéralisation du commerce international. Vous semblez armés pour vous y engager; vous dites que vous avez les deux pieds dedans et que cela semble bien fonctionner. Mais plusieurs autres institutions bancaires nous ont dit qu'elles devaient être plus grandes et plus fortes et qu'on devait regrouper des capitaux plus importants pour faire face aux géants à l'extérieur du Canada. À part le statu quo face à la fusion des banques, que proposez-vous? Tout le monde s'entend pour dire qu'au-delà de ces fusions, il faudra quand même s'adapter aux nouvelles réalités, compte tenu qu'on est en plein dans la mondialisation et la libéralisation du commerce.

M. Léon Courville: D'abord, je ferai un commentaire concernant la mondialisation. C'est un mot qui est presque devenu un argument. On dit «mondialisation», puis c'est comme si tout était fini. À l'échelle mondiale, le pourcentage du PIB que nous exportons n'a pas augmenté depuis 40 ans, bien que celui des autres pays ait grandement augmenté. Dans le domaine financier, comme ailleurs, la mondialisation n'est pas un phénomène nouveau, tout comme les grands complexes internationaux ne sont pas nouveaux. Elle ne devrait donc pas nous inquiéter de façon particulière.

• 1225

Deuxièmement, au fil des ans et plus particulièrement au cours des dernières années, le système bancaire américain a connu une consolidation et une résurgence de ses profits, après un désastre presque aussi important que celui qu'a connu le Japon, mais qu'on a réglé de façon beaucoup plus expéditive. C'est ce qu'ont connu les institutions financières américaines, il y a à peine 10 ou 12 ans.

Mais les États Unis ont beaucoup crû. Nous nous sommes sortis de la récession avec beaucoup de difficulté ici, au Canada. On n'a pas connu de croissance semblable à celle des Américains. Il est clair que les banques américaines sont bien plus rentables que les banques canadiennes. Il y a une très forte corrélation entre l'activité économique et les revenus que les banques peuvent toucher. Or, la comparaison qu'on fait entre la rentabilité des banques canadiennes et celle des banques américaines est faussée parce qu'on oublie qu'on a conféré certains pouvoirs aux institutions américaines existantes pour restructurer le système financier et que les États-Unis ont connu une croissance plus forte.

Troisièmement, aux États-Unis, on n'a pas encore fait de consolidation; il y a 11 000 banques et on en crée 200 par année. Notre consolidation est faite depuis bien longtemps; nous sommes en avance. C'est pourquoi je disais tout à l'heure: If it ain't broke, don't fix it. Notre système a besoin d'aménagements et de plus de concurrence. Nous n'avons que six banques et si elles sont moins grosses qu'elles ne l'étaient dans le passé, ce n'est pas parce nos banques sont trop petites, mais parce que le pays est trop petit. Dans l'ensemble mondial, le pourcentage du PIB canadien a baissé et il est donc normal que les banques aient subi les conséquences de cette baisse, ce qui ne veut pas dire qu'elles soient moins importantes.

Finalement, madame Gagnon, vous avez assez des doigts d'une main pour compter les vraies banques internationales: il y a Citibank, deux banques hollandaises et Hongkong & Shanghai. Vous avez encore votre petit doigt pour en trouver une autre, si elle existe, mais je ne crois pas que ce soit le cas. Des grandes banques internationales, ça n'existe pas. Ce qui existe, ce sont des banques qui ont des niches.

Il y a 10 ans, quand ça allait mal aux États Unis, nous avons acheté une institution ou une niche, an asset-based lending, en vue de consentir des prêts aux petites et moyennes entreprises. Cette acquisition nous permet de favoriser les liens entre les petites et moyennes entreprises des deux côtés de la frontière. Pourquoi les banques se réveillent-elles aujourd'hui et veulent-elles aller investir aux États Unis, alors qu'il y a 10 ans, ça ne coûtait rien? Pourquoi ne l'ont-elles pas fait? Pourquoi ont-elles attendu alors qu'il y a 10 ans, c'était le temps de le faire? C'est ma réponse à votre question.

Mme Christiane Gagnon: Est-ce que vous êtes en faveur des holdings et du regroupement des capitaux en vue de permettre aux banques d'être plus fortes sur le plan financier?

M. Léon Courville: À mon avis, les banques sont déjà fortes sur le plan financier. La structure des holdings est effectivement une belle structure qui permet deux choses. Elle permet d'exercer des activités supplémentaires dans le contexte d'une filiale et de ne pas soumettre ces activités commerciales ou financières à des règles bancaires globales qui, dans le fond, n'ont rien à voir directement avec la fonction bancaire traditionnelle. Elle permet aussi une meilleure équité au niveau du traitement des institutions financières, qu'elles exercent une activité ou une autre. Finalement, je pense qu'on pourrait fort bien réglementer les banques comme des banques et s'assurer qu'elles ne fassent pas faillite; et dans l'éventualité où une banque éprouverait des problèmes, ce serait le holding, et non pas la banque, qui devrait y faire face. Si le holding fait face à un problème et que la banque est bien réglementée, comme les banques le sont présentement, la banque n'aura pas à en assumer les conséquences. Le holding pourra faire faillite. On s'en fout, dans le fond, parce que ce sont les actionnaires qui paieront. Mais la banque, en raison de l'intégrité du système bancaire, pourrait continuer à fonctionner comme banque et poursuivre ses activités. Le holding permet une certaine flexibilité, sans qu'on augmente le risque. Ma réponse à votre question est donc oui.

Mme Christiane Gagnon: Avant de vous quitter, j'aimerais poser une dernière question. Vous avez dit que vous étiez intéressés à vendre de l'assurance. Est-ce que vous seriez en faveur du respect de la Loi 188 qu'a adoptée l'Assemblée nationale si un tel voeu vous était accordé et qu'on changeait la réglementation?

M. Léon Courville: Vous me demandez si on respecte les lois?

Mme Christiane Gagnon: Non, non. Êtes-vous en faveur des dispositions de cette loi?

M. Léon Courville: Oui, absolument. Il y a eu de petites anicroches l'an dernier. Je voulais justement souligner qu'il y a une dualité de réglementation dans le domaine de l'assurance au Canada. À mon avis, le gouvernement fédéral n'a jamais assumé ses responsabilités en vue de s'assurer qu'il y ait une certaine harmonisation.

À Rome, il faut vivre comme les Romains. Peut-être devrait-on faire en sorte que l'assurance soit régie par le gouvernement fédéral. Il est évident que nous respecterons la loi provinciale, tout comme nous l'avons fait dans bien d'autres domaines tels que celui de la protection du consommateur.

• 1230

La loi actuelle nous satisfait, mais nous aimerions y proposer certaines modifications. D'une certaine façon, elle a été taillée sur mesure pour un de nos concurrents. En tout cas, c'est toujours un bon bout de fait.

Mme Christiane Gagnon: Merci.

[Traduction]

Le président: Monsieur Pillitteri.

M. Gary Pillitteri: Merci, monsieur le président.

Monsieur Courville, je suis bien content de vous voir en comité aujourd'hui.

On dit que le groupe de travail MacKay fait des recommandations sur le secteur bancaire, mais les banques qui ont comparu devant le comité nous disent qu'elles veulent fusionner pour être plus grandes et plus concurrentielles sur les marchés mondiaux. Elles admettent que pour certaines banques, entre 30 et 40 ou 45 p. 100 de leur actif total viennent de l'extérieur.

Vous avez dit que vous ne déteniez que 7 p. 100 du secteur bancaire au Canada, mais que vous êtes à l'origine d'entre 13 et 14 p. 100 de tous les prêts commerciaux. Comment se fait-il que vous déteniez 13 ou 14 p. 100 du marché des prêts commerciaux alors que les cinq autres banques, qui sont de grandes institutions très présentes au Canada, n'en ont pas du tout? Avez-vous décidé d'offrir ce service ou d'établir ce portefeuille parce que vous vouliez mettre l'accent sur les prêts commerciaux, à la différence des autres banques? Est-ce parce que ces prêts que vous consentez à la PME sont garantis par le gouvernement?

M. Léon Courville: Non. Ce n'est certainement pas parce que les prêts sont garantis par le gouvernement. La Banque nationale du Canada s'est fixé comme stratégie d'être une banque commerciale. Nous sommes des banquiers commerciaux. Telle est la stratégie de notre banque depuis belle lurette, stratégie qui a été adoptée lors de la fusion des deux banques constituantes, soit la Banque provinciale du Canada et la Banque canadienne nationale. À notre avis, c'est justement là que nous ajoutons de la valeur à notre produit.

Après deux ou trois années d'excellents profits sur les marchés financiers, les services bancaires traditionnels reprennent du poil de la bête. Vous verrez que le classement de la Banque nationale par rapport aux autres banques canadiennes fera l'objet d'une promotion importante, car nous recommençons à mettre l'accent sur les activités bancaires traditionnelles.

Voilà la stratégie que nous avons adoptée pour toutes nos structures organisationnelles. J'ai parlé de décentralisation. Nous avons toujours un système de prêts décentralisé pour l'octroi des prêts aux petites et moyennes entreprises. Cela nous a créé certains problèmes. Nous peaufinons par conséquent ce système, mais nous ne voulons certainement pas centraliser les opérations de crédit.

Nos activités internationales ont été conçues pour compléter nos activités commerciales. C'est pour cela que nous avons été les premiers à nous implanter en Asie. C'est également pour cette raison que nous avons acheté une unité de la Bank of New England aux États-Unis—c'est-à-dire pour pénétrer le marché américain des prêts commerciaux à la PME. Nous sommes également affiliés en France avec une caisse populaire que nous avons choisie parce qu'elle était la plus forte dans le secteur des prêts aux entreprises de taille moyenne. C'était la même chose en Italie. Et nos activités en Amérique latine reposent sur les mêmes objectifs.

Même si nous sommes encore petits, nous avons adopté une stratégie très claire, qui est d'être une banque commerciale. Voilà ce que nous voulons faire. À notre avis, c'est cette activité-là qui convient le mieux aux banques. Cela nous a parfois coûté cher. Dans un contexte où les faillites sont à la hausse—et les grandes compagnies ne font pas faillite aussi souvent que les petites compagnies—les conséquences d'une telle stratégie peuvent parfois être négatives. Au Québec, le nombre de faillites commerciales a été plus élevé qu'ailleurs au Canada. Nous le savons fort bien. Mais je suis convaincu que cette stratégie va finir par porter fruit. C'est un créneau qui deviendra par la suite le créneau privilégié des banques. C'est là que nous pouvons ajouter de la valeur.

Si vous voulez obtenir un prêt pour votre entreprise, vous devez d'abord vous faire connaître d'un banquier. À qui d'autre allez-vous vous adresser? Peut-être voudrez-vous être connu de deux ou trois banquiers pour protéger vos arrières, ce qui est très bien, je vous encouragerais à le faire. Mais ce banquier veut vous connaître et vous voulez aussi qu'il vous connaisse. C'est une réalité culturelle, et pour que ce soit possible, vous devez entretenir des relations suivies avec votre client. Ce n'est pas possible quand vos contacts se font par machines interposées. Et ce n'est pas non plus le système d'évaluation par point qui vous permettra de le faire.

Je pourrais passer des heures à vous parler de ça. Mais je vais m'arrêter là, en espérant avoir répondu à votre question.

• 1235

M. Gary Pillitteri: Je voudrais poursuivre la discussion, monsieur le président.

Votre réponse m'amène à la question suivante. La banque a-t-elle besoin d'être plus grande pour être concurrentielle, étant donné l'arrivée sur notre marché de tant de concurrents étrangers. Vous avez parlé, entre autres, de Wells Fargo, de Capital One, etc. Ces institutions constituent-elles de véritables concurrentes, en ce qui vous concerne, comme elles le prétendent, d'ailleurs? Vous est-il jamais arrivé d'avoir refusé un marché important, à l'intérieur ou à l'extérieur du pays, parce que votre banque n'était tout simplement pas assez grande?

M. Léon Courville: Votre question a deux volets. Pour ce qui est de Wells Fargo, là vous parlez des prêts aux petites entreprises. Tout comme ING, avec sa banque virtuelle, ces nouvelles institutions n'ont pas énormément d'impact et surtout ne dépensent pas beaucoup. Elles ne nous font pas concurrence. Par contre, elles font quelque chose que nous aurions dû faire avant, alors c'est sans doute positif qu'elles soient là. Nous avons commencé à faire ce qu'elles font déjà pour de plus petites compagnies qui présentent davantage de risques. Nous faisons la même chose qu'elles, et elles ont parfaitement raison de le faire. Il faut qu'on s'adapte. Et ce n'est pas uniquement parce qu'elles se sont implantées ici. Pour moi, les projets de fusion ressemblent davantage à une mesure protectionniste qu'autre chose. La concurrence est très positive parce qu'elle favorise l'efficacité chez soi. Et si vous n'êtes pas efficace chez vous, vous ne le serez jamais à l'étranger.

Pour ce qui est des marchés importants, il y en a eu un certain nombre auxquels nous n'avions pas la possibilité de participer, mais même la Banque Royale, qui est la plus grande banque au Canada, ne pouvait pas le faire. Mais pourquoi tous les marchés importants devraient-ils se faire au Canada? Je vous fais remarquer en passant que ces gros marchés reposent sur un consortium. Autrement dit, vous faites partie d'un plus grand groupe. Vous achetez le prêt et vous ne vous occupez plus de rien. Bien sûr, cela comporte certains risques, mais c'est un marché international et vous y êtes présent au même titre que tous les autres. Nous avons conclu par le passé des marchés importants, que j'ai regrettés dans certains cas parce qu'ils ont mal tourné et là j'aurais voulu retourner en arrière. Vous savez de quoi je parle. Qu'est-ce qui nous empêche de le faire?

M. Gary Pillitteri: Merci beaucoup.

Le président: Merci beaucoup, monsieur Pillitteri.

Il nous reste suffisamment de temps pour permettre à M. Nystrom et à M. Brison de poser chacun une question.

[Français]

L'hon. Lorne Nystrom: Je viens de la Saskatchewan. La Banque nationale n'est pas très présente chez moi, mais nous avons certaines similarités avec vous, qui avez des caisses populaires, puisque nous avons des credit unions.

Je voudrais vous poser la question que je posais à M. Godsoe ce matin. Si on permettait aux banques de fusionner, deux banques accapareraient à peu près 72 p. 100 du marché canadien, soit une proportion plus importante que dans n'importe quel autre pays au monde. Est-ce qu'une telle mégabanque serait, comme on dit en anglais, too big to fail? Quelles seraient les conséquences de la faillite d'une telle mégabanque pour le secteur financier et pour les contribuables canadiens? Des Canadiens de tous les coins du Canada me posent souvent cette question. De très importants capitaux sont en jeu. Nous avons été témoins des faillites de banques au Japon et de la faillite du Crédit Lyonnais en France, il y un certain nombre d'années, où l'on a dû accorder des subventions de l'ordre de 20 milliards de dollars. Ce sont d'importantes sommes d'argent. Quelles seraient les conséquences d'une telle situation ici, au Canada?

M. Léon Courville: Je crois que les conséquences seraient désastreuses. Nous avons déjà vécu de telles situations. Par exemple, lorsque les compagnies de fiducie ont éprouvé des problèmes, on a dû créer tout une armature pour faciliter les transitions nécessaires. Vous avez aussi été témoins de la foule d'enquêtes qu'on a dû entreprendre au sujet de la Northland Bank et de la CCB, qui ne représentaient pourtant pas une importante partie du système financier canadien. Nous sommes déjà too big to fail. Des faillites entraîneraient de graves problèmes. Si la Banque nationale, qui est la plus petite, devait affronter de sérieux problèmes, on soulèverait, tant au niveau canadien qu'international, une série de questions sur le système financier canadien.

En mettant tous nos oeufs, et même de très gros, dans le même panier, on risque de défoncer le panier et de faire tomber les oeufs par terre, ce qui serait désastreux. À mon avis, c'est un argument très sérieux. Si des représentants de la Banque du Canada viennent témoigner devant vous, j'espère que vous leur poserez cette même question. Leur point de vue sera peut-être plus objectif que le mien parce que nous sommes contre les fusions. Mais effectivement, on ne saurait nier que cela peut poser des risques immenses et qu'on aurait de la difficulté à régler les problèmes qui en découleraient.

[Traduction]

Le président: Merci, monsieur Nystrom.

[Français]

L'hon. Lorne Nystrom: Merci beaucoup.

[Traduction]

M. Scott Brison: Merci pour votre exposé. Vous avez justement dit que les deux entités fusionnées détiendraient 49 p. 100 du marché des dépôts des particuliers. Vous laissez entendre que c'est une proportion trop élevée. Mais au Québec, vous et la Caisse Desjardins détenez 60 p. 100 de tous les dépôts. La Caisse Desjardins en détient 44 p. 100, et vous, 16 p. 100. Le corollaire de votre argument serait que vous cherchiez à vous départir de certains de vos intérêts au Québec pour pouvoir vous conformer à la norme nationale que vous proposez. Est-ce votre intention, pour être conséquent avec vous-mêmes et votre position?

• 1240

M. Léon Courville: Non, telle n'est pas notre intention. Nous sommes arrivés où nous sommes malgré les efforts de nos concurrents. Nous n'avons pas été obligés de fusionner pour le faire.

M. Scott Brison: Mais vous êtes très présents sur ce marché.

M. Léon Courville: Et les autres aussi.

M. Scott Brison: Ce que vous avez dû faire pour y arriver importe peu pour les consommateurs; vous êtes là, voilà tout.

M. Léon Courville: Non, il y a une différence entre la concentration qui résulte de comportements concurrentiels et le fait d'avoir à rivaliser avec d'éventuels concurrents qui sont présents sur le marché. Si nous faisons payer nos hypothèques un peu trop cher ou si les dépôts rapportent trop peu chez nous, la Banque Royale, la Banque de Montréal ou les caisses populaires vont récupérer les clients que nous allons perdre. Mais si elles n'existent pas, qui va pouvoir les récupérer? Les prix vont augmenter; voilà tout. C'est ça la différence.

Si vous gagnez la Coupe Stanley 10 années de suite, c'est parce que vous avez la meilleure équipe. Ce n'est pas parce qu'aucune autre équipe joue contre vous. Nous avons d'autres équipes qui jouent contre nous: la Banque de Montréal, la Banque Royale et la Banque de Nouvelle-Écosse. Elles sont toutes présentes sur le marché. Et vous voulez leur demander de partir, mettons en Ontario, pour céder leur place à d'autres? C'est impossible, parce qu'il existe sur ce marché des concurrents potentiels.

Je tiens également à vous faire remarquer que ce chiffre de 40 p. 100 que vous indiquez, en parlant de la part de marché des caisses populaires, est un peu trompeur parce que leurs structure et mode de fonctionnement sont un peu différents des nôtres. Elles sont très décentralisées—beaucoup plus que nous, même si nous sommes également décentralisées. Mais chacune constitue une entité différente.

Cela dit, même si elles ne représentaient qu'une seule entité, leur position sur le marché résulte d'un comportement concurrentiel. Il nous est impossible de faire payer plus pour nos hypothèques que la Banque Royale; les clients iront tout de suite ailleurs. Et nous le savons. Mais si la Banque Royale disparaît, nous allons forcément augmenter nos prix. Nous resterons à 16 ou à 18 p. 100. Nous ferons de gros bénéfices et les consommateurs en subiront les conséquences. Voilà la différence.

M. Scott Brison: Merci.

Le président: Merci, monsieur Brison.

Monsieur Courville, madame Vachon, je voudrais vous remercier au nom de tous les membres du comité de votre présence devant nous aujourd'hui. Vous nous avez certainement donné matière à réfléchir, et nous tiendrons compte de vos conseils en réfléchissant aux recommandations que nous devrions faire au ministre des Finances. Merci infiniment pour votre contribution.

Nous allons faire une pause d'une minute avant d'accueillir M. David Nield et les autres représentants de Canada-Vie.

• 1242




• 1247

Le président: Je rouvre la séance et je souhaite la bienvenue au président-directeur général de Canada-Vie, M. David Nield.

Vous êtes certainement au courant de la procédure que nous suivons dans ce comité. Vous disposez d'environ 10 ou 15 minutes pour faire votre exposé, et ensuite nous ouvrions la période des questions. Bienvenue.

M. David A. Nield (président-directeur général, la Compagnie d'assurance du Canada sur la vie): Merci infiniment, monsieur le président, et bonjour à tout le monde. Je suis David Nield, président-directeur général de la Compagnie d'assurance du Canada sur la vie. Je tiens à vous remercier de l'occasion qui m'est donnée cet après-midi de présenter mes observations au comité permanent.

Je me joins à mes collègues pour féliciter M. MacKay et les membres du groupe de travail d'avoir présenté en temps opportun un rapport aussi complet et bien réfléchi. Il s'agit maintenant de traduire les recommandations du rapport en de nouvelles lignes de conduite administratives qui constitueront les balises opérationnelles du secteur des services financiers au Canada. Il me semble assez évident que les appuis ne manquent pas pour faire avancer cette tâche. Canada-Vie sera heureuse d'apporter son concours à ce travail, si besoin est.

Il se passe certainement bien des choses chez les compagnies d'assurance-vie en général et les compagnies mutuelles d'assurance-vie en particulier. Les changements ne manquent pas et l'un d'eux est celui de la démutualisation, sur lequel je ne m'attarderai pas aujourd'hui. Le groupe de travail MacKay indique dans son rapport qu'à son avis, la démutualisation sera vraiment dans l'intérêt des compagnies mutuelles et des titulaires de leurs polices, tout en étant bénéfique pour l'évolution future du secteur des services financiers. Nous sommes tout à fait du même avis, et notre conseil d'administration a d'ailleurs demandé à Canada-Vie de préparer un plan d'action pour la démutualisation, plan que nous élaborons activement à l'heure actuelle.

Il s'agit d'un processus assez complexe qui demandera énormément de temps, d'énergie et d'argent. Bien des défis se posent à l'interne—par exemple, comment restructurer notre compagnie et répartir équitablement les actions entre les titulaires de nos polices. Il y a aussi des défis à relever, particulièrement au Canada, pour ce qui est des communications externes. Si je dis que les communications externes risquent d'être plus difficiles au Canada, c'est parce qu'au Royaume-Uni et en Irlande—deux pays où nous menons des activités—on estime que les démutualisations, c'est de l'histoire ancienne. Mais au Canada, il s'agit d'un processus tout à fait nouveau et nous devons par conséquent bien renseigner les titulaires de nos polices en nous servant de moyens aussi variés et à portée aussi vaste que possible. À l'interne, c'est certainement le changement structurel le plus important à se produire depuis 1961.

• 1250

Je voudrais maintenant, pour vous expliquer mon propos, vous parler un peu de Canada-Vie avant de vous présenter l'essentiel de mes observations. Canada-Vie a été fondée à Hamilton, en Ontario, en 1847. Elle a été la première compagnie d'assurance-vie à être implantée au Canada. À sa fondation, elle était une société à capital-actions.

L'année 1961 est une année importante pour nous car c'est à ce moment-là que nous sommes devenus une mutuelle d'assurance. Certains disent que si on vit assez longtemps, on finit par revenir à son point de départ, et c'est certainement vrai pour ce qui est de la démutualisation. Aujourd'hui, nous desservons plus de 8 millions de titulaires qui détiennent des polices individuelles et des contrats collectifs au Canada, au Royaume-Uni, en Irlande et aux États-Unis. En tant qu'entreprise internationale, nos capitaux gérés pour le fonds d'administration générale et les fonds réservés se chiffraient à 39,6 milliards de dollars, dont 16 milliards de dollars (ou 40 p. 100), au Canada. L'an dernier, notre revenu-primes a totalisé 5,2 milliards de dollars, et notre revenu net, 266 millions de dollars. La valeur totale des assurances en vigueur au Canada et à l'étranger dépassait donc 260 milliards de dollars. Pour vous donner une idée de notre taille relative, nous sommes la cinquième compagnie d'assurance-vie au Canada du point de vue de notre actif, mais notre compagnie ne compte pas parmi les 50 plus grandes sociétés internationales d'assurance-vie.

Le groupe de travail a préparé la voie pour nous permettre de composer avec les conséquences des grands changements qui s'opèrent actuellement dans le milieu très concurrentiel où nous menons nos activités. Je me permets de citer l'un des points saillants du rapport:

    Il est extraordinaire de constater la vitesse avec laquelle le monde change. Poussé par la technologie et les nouvelles idées, le monde qui s'approche de l'an 2000 n'est vraiment plus celui que nous connaissions, il y a 10 ou même 15 ans.

Et c'est tellement vrai! La volatilité engendrée par cette évolution a vraiment créé la nécessité d'actualiser la réglementation qui vise les institutions financières. En fait, depuis que le groupe de travail a entrepris ses travaux au début de 1997, le monde des affaires et le contexte concurrentiel ont changé. Citons, à titre d'exemple bien connu, l'acquisition par Great-West Life de London Life, et le projet de fusion de quatre banques canadiennes en deux, ici au Canada.

Sur la scène internationale, nous avons aussi assisté à de grandes acquisitions et d'importantes fusions. Songeons, par exemple, à la fusion de Citicorp et de Travelers Group aux États-Unis; à la croissance ininterrompue du très puissant groupe ING, dont le siège social est aux Pays-Bas; à l'expansion internationale de AXA, qui est basée en France; aux fusions de certaines banques en Suisse; et à l'acquisition du réseau Sun America par AIG, l'une des plus grandes entreprises financières en Amérique du Nord qui est active dans toutes les régions du monde. Canada-Vie elle-même a également participé à ce mouvement en effectuant huit acquisitions amicales au cours des six dernières années. La dernière—celle de Crown-Vie n'est pas encore conclue.

Je cite ces quelques exemples pour souligner deux choses en particulier: d'abord, que les changements continuent sans répit et que la dimension des établissements financiers dans le monde augmente selon une progression géométrique; et ensuite, que le Canada ne peut pas se mettre à l'écart du mouvement de regroupement qui caractérise actuellement le secteur des services financiers.

Ce phénomène de regroupement est attribuable à deux facteurs. D'abord, il y a trop de participants dans un marché où la demande pour l'assurance-vie traditionnelle est à la baisse. Deuxièmement, les compagnies qui ont toujours vendu des assurances-vie par le passé se voient dans l'obligation d'affronter de nouveaux concurrents, notamment dans le secteur de l'épargne et des placements. Les sociétés de fonds communs de placement sont tous les deux d'importants acteurs sur ce marché.

Dans ce contexte, il me semble essentiel que le cadre réglementaire qu'on envisage d'adopter encourage autant que possible la liberté de choix et l'innovation—des choix prudents, certes, mais des choix tout de même.

Par ailleurs, il serait prudent et nécessaire de protéger les intérêts légitimes du public, en nous assurant notamment de la solidité financière et de la compétitivité des institutions financières. Il faut aussi que le cadre réglementaire favorise et reconnaisse la liberté de choix en s'assurant que les règles d'engagement, si on peut dire, ne sont pas excessivement bureaucratiques, restrictives ou lourdes.

À mon avis, la plupart des recommandations du rapport MacKay atteignent ces objectifs-là. Par exemple, j'accueille favorablement ces recommandations concernant l'accès au système de paiements canadien, la révision indispensable des impôts sur le capital que paient les institutions financières, et la nécessité de s'assurer que tous soient sur un pied d'égalité en ce qui concerne la protection dont jouissent les consommateurs. De plus, j'appuie vivement sa proposition en ce qui concerne la création d'une période de transition de trois ans suivant la démutualisation, pendant laquelle les OPA hostiles ne seraient pas permises.

• 1255

Cependant, compte tenu du rythme auquel se produisent actuellement les changements, il importe que les compagnies continuent de pouvoir procéder à une fusion amicale pendant la période de transition, si leur conseil d'administration et leurs titulaires de polices estiment que ce serait avantageux pour tous les intéressés. Le rapport MacKay prévoit cette possibilité si l'entreprise concernée peut faire la preuve que non seulement c'est dans l'intérêt du public, mais qu'il est souhaitable de procéder à cette fusion avant la fin de la période de transition de trois ans. Cependant, comme je vous l'expliquerai un peu plus tard, nous avons tout de même certaines réticences en ce qui concerne les critères retenus par le groupe de travail pour déterminer si la fusion est dans l'intérêt du public et la procédure que propose ce dernier pour l'examen public des projets de fusion.

D'autres éléments me semblent également un peu problématiques. Là je veux parler des recommandations sur les politiques en matière de propriété et les propositions du groupe de travail concernant les fusions et les acquisitions. Il s'agit là de questions essentielles pour des compagnies comme la nôtre qui ont une présence non seulement au Canada mais dans le monde entier. Je m'explique.

Comme je l'indiquais il y a quelques instants, Canada-Vie a cherché activement à prendre de l'expansion en acquérant d'autres compagnies. Depuis 1992, nous avons fait l'acquisition de trois compagnies au Royaume-Uni, trois aux États-Unis, une en Irlande, et nous travaillons à l'acquisition d'une deuxième compagnie ici au Canada. Pourtant, nous avons réussi à peine à suivre le mouvement du marché. Si l'on adopte de nouveaux règlements qui empêchent ou ralentissent notre expansion, notre capacité d'améliorer ou même de maintenir notre performance actuelle sera compromise.

Il ne s'agit pas là d'un argument théorique, mais d'une situation bien concrète. Deux agences d'évaluation, Moody's Investors Service et Duff & Phelps, ont déclaré que les perspectives de Canada-Vie sont négatives. Pourquoi? Parce que ces deux agences estiment que nous devons être un participant plus important sur le marché intérieur. S'appuyant sur la vague de consolidations au Canada, l'agence Moody's a précisé que les compagnies de premier ordre ont une longueur d'onde d'avance sur les autres compagnies, y compris Canada-Vie qui, à son avis, est une compagnie de deuxième ordre. Pour devenir une compagnie de premier ordre, selon la définition de l'agence Moody's, Canada-Vie doit prendre de l'expansion.

Dans le contexte de cette réalité bien concrète, je suis troublé de constater ce qui me semble être une certaine prévention dans le rapport contre la création de plus grandes compagnies. À la page 112 du rapport, nous lisons ceci:

    Les preuves que nous avons étudiées ne démontrent pas clairement que, pour la plupart des objectifs visés, la dimension est une variable d'une importance stratégique [...]

Mais je peux vous assurer que lorsqu'on dit au sujet de la compagnie que vous dirigez qu'elle a des perspectives négatives, principalement parce que sa présence nationale n'est pas assez importante, la dimension devient justement une variable stratégique importante, quels que soient les arguments théoriques visant à démontrer le contraire.

Quant à savoir ce qui constitue une grande institution financière, les auteurs du rapport retiennent comme critère que l'avoir des actionnaires doit se monter à 5 milliards de dollars. Les règles en matière de propriété et les critères d'examen public des fusions s'alignent donc sur ce chiffre. Mais si on veut définir une «grande» institution financière, pour nous, 5 milliards de dollars représente un chiffre trop faible; une compagnie dont l'avoir des actionnaires se monte à seulement 5 milliards de dollars ne serait pas considérée comme une compagnie de premier ordre sur la scène internationale et, qui plus est, l'avoir des actionnaires des grandes banques est bien supérieur. Pour moi, le minimum devrait être de 10 milliards de dollars.

Abordons maintenant la question de la propriété. Le rapport recommande que toute institution financière dont l'avoir des actionnaires dépasse 5 milliards de dollars ait un grand nombre d'actionnaires. Les institutions dont l'avoir des actionnaires est inférieur à 1 milliard de dollars pourraient appartenir à quiconque serait considéré comme un propriétaire apte et adéquat par le ministre des Finances. Pour les institutions dont l'avoir des actionnaires se situerait entre 1 milliard de dollars et 5 milliards de dollars, il faudrait qu'au moins 35 p. 100 des actions avec droit de vote soient détenues par un grand nombre d'actionnaires et cotées en bourse.

Ces trois exigences différentes, qui reposent sur la taille de l'entreprise, entraîneront, de par leur complexité, des dépenses additionnelles et laisseront planer des doutes au sujet de ce qui arrivera lorsqu'une compagnie passe d'une catégorie à l'autre à la suite d'une expansion ou d'une réduction de ses activités. Le cadre réglementaire devrait favoriser la création d'institutions financières solides, dynamiques et concurrentielles qui peuvent réagir rapidement à la transformation ininterrompue du marché, plutôt que d'imposer des critères qui seront difficiles à interpréter.

La dimension est également un critère pour la procédure d'examen public prévue pour les fusions. Cette procédure serait requise lorsque deux institutions dont l'avoir des actionnaires de chacune serait d'au moins 1 milliard de dollars proposent de fusionner pour créer une nouvelle entreprise dont l'avoir des actionnaires serait d'au moins 5 milliards de dollars. Par définition, une fusion représente un gros investissement de temps de la part des cadres et d'énergie de la part de l'ensemble de l'entreprise, de même que des coûts importants. Exiger que de petites fusions fassent l'objet d'un examen public nous semble un fardeau inutile.

• 1300

De plus, la procédure d'examen public prévoit la prise en considération de l'intérêt des Canadiens. Nous ne reconnaissons que vaguement l'importance de la compétitivité internationale, les critères retenus semblent ne tenir aucun compte des intérêts légitimes des parties concernées à l'étranger, ce qui pourrait être injuste, selon les circonstances. Nous avons énormément de personnel au Royaume-Uni, en Irlande et aux États-Unis. Le fait est que nos opérations au Royaume-Uni sont presque aussi importantes que celles qui se déroulent au Canada. Étant donné que la moitié de nos activités et de nos titulaires de polices se trouvent à l'extérieur du Canada, il nous incombe de prendre en compte leurs intérêts. À mon avis, le critère de l'intérêt public doit tenir davantage compte du fait que dans le cas de certaines compagnies, bon nombre des intéressés se trouvent à l'extérieur du Canada.

J'ai déclaré d'entrée de jeu que le cadre réglementaire qu'on envisage d'adopter doit encourager et favoriser autant que possible la liberté de choix et l'innovation. Des choix prudents, certes, mais des choix quand même. Le Canada a besoin d'un secteur des services financiers qui soit sain, dynamique et en pleine expansion. Ainsi le cadre réglementaire doit offrir aux entreprises la marge de manoeuvre dont elles ont besoin pour s'adapter rapidement à un marché complexe qui est en perpétuel mouvement. À mon avis, les recommandations du rapport MacKay de même que les modifications que j'ai proposées permettront dans une très large mesure d'atteindre ces objectifs.

Merci beaucoup.

Le président: Merci beaucoup, monsieur Nield. Nous ouvrons maintenant la période des questions. J'accorde un tour de cinq minutes aux députés suivants: M. Ritz, M. Brison, et M. Discepola.

M. Gerry Ritz: Merci, monsieur le président.

Monsieur Nield, permettez-moi tout d'abord de vous remercier pour votre exposé.

J'ai des questions à vous poser concernant certains des arguments que vous avancez. On dirait que vous avez l'habitude de fusions et d'acquisitions qui valent des milliards de dollars, et par conséquent, vous n'y accordez peut-être pas la même importance que bon nombre d'autres consommateurs.

Vous dites que la procédure d'examen public est trop lourde lorsqu'il s'agit de petites fusions. Mais j'aimerais savoir comment vous définissez les «petites» fusions.

Vous dites que l'auto-réglementation qui caractérise actuellement votre secteur est suffisante pour protéger les consommateurs dans l'éventualité de petites fusions. Peut-être pourriez-vous me fournir d'autres éclaircissements à ce sujet.

M. David Nield: Je vais d'abord m'attaquer à la question de la dimension et de l'intérêt public. J'essayais de vous expliquer que dans le contexte actuel, et même dans le secteur bancaire, une entreprise dont l'avoir des actionnaires se monte à 5 milliards de dollars n'est pas une si grande entreprise. L'avoir des actionnaires de notre compagnie dépasse légèrement 2,5 milliards de dollars. Nous avons 2 500 employés au Canada. Si notre compagnie devait fusionner avec une autre compagnie de même dimension, nous aurions 5 000 employés au Canada. Le CNR a déclaré la semaine dernière qu'il juge approprié de réduire ses effectifs en congédiant quelque 3 000 employés. C'est dans ce contexte que je me demande comment on peut vraiment tenir compte de l'intérêt légitime du public?

L'autre dimension du problème, bien entendu, c'est que l'avoir des actionnaires canadiens de notre entreprise dépasse 1 milliard de dollars, de telle sorte que nous sommes considérés uniquement comme une entreprise nationale, alors que nous sommes actifs dans quatre pays différents. Si la démutualisation se concrétise, nous aurons plus de titulaires de polices et d'actionnaires à l'étranger qu'au Canada. Donc, je me demande comment on peut vraiment tenir compte de l'intérêt du public si nous donnons suite à la recommandation du rapport, qui semble s'intéresser uniquement aux intérêts canadiens.

Voilà donc le contexte de mes remarques précédentes.

M. Gerry Ritz: Très bien. Y a-t-il à votre avis d'autres éléments dont nous devrions tenir compte dans le contexte de la démutualisation?

M. David Nield: Il faut au départ se demander si le chiffre de 5 milliards de dollars est celui qu'il faut retenir pour l'examen public des projets de fusion. Voilà donc un premier élément.

Deuxièmement—et les avocats qui m'accompagnent sont peut-être mieux à même de se prononcer là-dessus que moi—le rapport MacKay précise que ces fusions devront être «dans l'intérêt du public», ce qui représente pour les intéressés une exigence très rigoureuse. J'aurais préféré dans ce contexte qu'on propose d'écarter «tous ce qui serait contraire à l'intérêt du public»—une exigence assez différente qu'il est beaucoup plus facile de satisfaire. Une compagnie comme la nôtre serait à ce moment-là davantage en mesure de tenir également compte des intérêts des parties concernées à l'étranger.

M. Gerry Ritz: Merci.

Le président: Merci, monsieur Ritz.

Monsieur Brison.

• 1305

M. Scott Brison: Merci.

Dans quelle mesure les recommandations du rapport MacKay concernant les changements à apporter au système de paiements, si on y donne suite, vont-elles influer sur vos activités en matière d'assurance-vie? Donc, quelle serait l'incidence sur votre entreprise, et dans quelle mesure serez-vous portés à y recourir...

M. David Nield: Le rapport que vous ont fait les représentants de l'ACCAP ce matin ont bien expliqué la situation à ce sujet. Nous avons des déboursés considérables. Bon nombre de nos titulaires de polices trouveraient plus commode de pouvoir passer par le système de paiements. Ce dernier représente une bonne solution dans bon nombre de cas, sinon dans tous.

Mais pour vous situer un petit peu le contexte, les compagnies d'assurance-vie sont surtout considérées comme des compagnies de protection. Voilà la conception traditionnelle des assurances-vie. Dans notre entreprise, 75 p. 100 des actifs sont investis dans des fonds communs de placement ou des instruments d'épargne. Donc, même si nous ne sommes pas une institution de dépôt au même titre que les banques, qui reçoivent de nombreux dépôts de faible valeur, bon nombre de nos produits concurrencent directement ceux des sociétés de fonds communs de placement que vendent les banques.

Bon nombre de nos produits offrent des intérêts garantis et donnent donc lieu à des dépôts considérables. Ces sommes auraient pu être déposées dans une banque, mais comme nos produits sont plus intéressants, les gens s'adressent plutôt à nous. Donc, la possibilité pour nos clients d'accéder à ces sommes par le biais du système de paiements serait très commode et cadrerait parfaitement avec la recommandation du rapport MacKay concernant la nécessité de renforcer le secteur des assurances-vie en vue de favoriser la concurrence. Ce serait justement une façon de faire émerger cette concurrence, et je peux vous assurer que nous y aurions recours. Je ne peux pas vous garantir que cela pourrait se faire dès demain, mais c'est une dimension qui nous semble importante pour rehausser notre compétitivité.

M. Scott Brison: Vous n'avez pas vraiment critiqué la possibilité pour les banques de vendre des assurances-vie, et je suppose donc que vous n'y êtes pas opposé, n'est-ce pas?

M. David Nield: Non. Je suis un fervent partisan de la concurrence. Les bonnes entreprises prospèrent dans un contexte concurrentiel. Mes seules réticences à cet égard seraient celles que j'ai déjà exprimées ce matin, à savoir que tout le monde doit être sur un pied d'égalité; que les intermédiaires doivent posséder les qualités requises et être assujetties aux mêmes exigences en matière d'autorisation et d'accréditation que les autres; et que les mesures visant à interdire les ventes liées et à protéger les renseignements personnels doivent être rigoureusement appliquées. Je suis bien d'accord pour dire qu'il est difficile de concrétiser ces objectifs dans la législation, mais je suis sûr qu'il existe des outils qui nous permettent de le faire.

Je suis tout à fait d'accord pour que les banques prennent de l'expansion. Si je peux ouvrir une petite parenthèse, cependant, quand je compare le taux de rendement d'une banque à celui d'une compagnie d'assurance-vie, j'ai du mal à concevoir que quiconque ait envie de se lancer dans une branche qui offre des marges aussi faibles. Mais je suppose que les gens se disent toujours que leur activité commerciale est compliquée, alors que celle des autres est facile.

M. Scott Brison: C'est d'ailleurs une bonne raison de ne pas faire de la politique.

Des voix: Oh, oh!

Le président: Merci, monsieur Brison.

Monsieur Discepola.

M. Nick Discepola: Merci, monsieur le président. Je vais partager mon temps de parole avec M. Szabo.

J'ai une très brève question à vous poser, monsieur Nield. À la page 3 de votre mémoire, vous dites que vous êtes d'accord sur la recommandation du groupe de travail MacKay concernant la création d'une période de protection de trois ans après la démutualisation.

M. David Nield: De protection contre les OPA hostiles.

M. Nick Discepola: Oui, c'est ça.

Nous avons reçu la semaine dernière les témoignages des représentants du Mutual Group, et j'en ai profité pour leur demander pour quelles raisons ils insistaient pour bénéficier, sur une période de trois ans, de protection contre les OPA amicales. Ils ont affirmé qu'ils tenaient à être protégés contre les deux, c'est-à-dire les OPA non seulement hostiles mais amicales ou négociées. Une des raisons qu'ils ont évoquées était la possibilité que le conseil d'administration fasse l'objet de pressions ou d'influence indues. J'aimerais donc savoir pour quelles raisons... À votre avis, qui devrions-nous écouter, vous ou eux?

M. David Nield: Eh bien, j'estime évidemment que c'est nous que vous devriez écouter. J'espère, d'ailleurs, avoir avancé de bons arguments pour soutenir ma proposition.

Tout cela se tient. Quand on a eu l'avantage d'écouter le point de vue de plusieurs témoins, comme j'ai pu le faire aujourd'hui, la finalité de tout l'exercice devient plus claire.

• 1310

M. Peter Godsoe a parlé des problèmes associés à un délai de trois à cinq ans pour la planification stratégique et la définition de l'orientation de l'organisation. Je dirais que le délai de planification maximum est de l'ordre d'un mois en ce moment. Je ne vous dis pas cela pour plaisanter mais parce que le marché se transforme réellement à une vitesse fulgurante. Comme notre entreprise est active dans quatre grandes régions géographiques, je peux peut-être pressentir des changements qui ne se sont pas encore manifestés sur le marché canadien. Ce genre de moment finit par toucher l'ensemble des régions du monde, et je constate justement que la situation évolue très rapidement.

À mon avis, une période de trois ans d'immobilisation totale ne rendrait pas service aux parties intéressées, aux titulaires de polices, aux éventuels actionnaires ou au public en général, car il faut bien se rappeler que la situation concurrentielle évolue extrêmement rapidement. Je suis donc fermement convaincu que le fait de nous imposer un délai de trois ans, pendant lequel nous ne pourrions participer à certaines opérations que nous jugeons dans l'intérêt de l'organisation, nous lierait les mains et les autres compagnies du monde nous laisseraient loin derrière.

Quant à la possibilité que le conseil d'administration soit indûment influencé dans ce contexte, je peux vous garantir que ce ne serait jamais le cas de notre conseil d'administration. Tout ce que je propose fait l'objet d'un examen et d'un questionnement intense de la part des administrateurs. Ils sont tous très indépendants. Ils ont tous leur propre avis sur ce qu'il faut faire, et même s'ils m'écoutent, ce sont eux qui prendront la décision finale. Donc, je ne crains aucunement que les administrateurs soient indûment influencés dans ce contexte.

M. Nick Discepola: Merci.

Le président: Monsieur Szabo.

M. Paul Szabo: Merci.

Nous avons reçu les représentants de Great-West Life et de Mutual Life, qui ont d'ailleurs exprimé des préoccupations semblables. Mais la position de Great-West Life m'a tout de même surpris; ils nous ont dit très clairement qu'ils sont dans l'impossibilité d'affronter la concurrence du fait que les règles ne sont pas les mêmes pour tout le monde.

Don Stewart, qui représente Sun Life—c'est un de mes électeurs, d'ailleurs—a déclaré devant le comité: «Je souscris aux principes de la libre concurrence et de la liberté de choix pour les consommateurs, et nous sommes parfaitement en mesure de concurrencer les autres entreprises.» J'ai l'impression que votre position se rapproche davantage de celle de Sun Life pour ce qui est des questions abordées par le rapport MacKay.

Je trouve intéressant que les compagnies d'assurance-vie n'aient pas la même position à ce sujet, et j'ai l'impression que c'est surtout à cause du problème des ventes liées avec coercition, ou des pressions indues que peuvent subir les clients, et de la possibilité de mettre en place des règlements qui permettent à tous les acteurs du secteur des services financiers de se concurrencer. Quelle est votre position concernant les mesures à prendre pour mettre tous les acteurs sur un pied d'égalité afin qu'ils puissent tous se concurrencer?

M. David Nield: Merci de m'avoir posé cette question. Je vous fais remarquer, cependant, que c'est plutôt moi qui étais ravi de constater que Sun Life avait adopté la position de Canada-Vie, plutôt que l'inverse. C'est vrai qu'elle a témoigné avant nous, mais...

Le président: Nous prenons bonne note de cette mise au point.

M. David Nield: Merci. Je dis ça depuis longtemps, d'ailleurs.

Cette question a deux volets. D'abord, j'ai l'habitude de concurrencer les autres banques au Royaume-Uni et en Irlande. Ce qu'on appelle «bancassurance» y existe depuis plus de 10 ans. Et nous avons très bien réussi à rivaliser avec cette compagnie. Elle a évidemment une plus grosse part de marché que nous, mais nos services sont tout de même concurrentiels.

Par contre, pour ce qui est des ventes liées et la protection des renseignements confidentiels—et je crois savoir qu'on vous a présenté de l'information plutôt anecdotique pour indiquer que la protection de la vie privée est une préoccupation tout à fait légitime—je peux vous dire que nous avons connu justement ce problème en Irlande il y a quelques années. Il s'est produit à plusieurs reprises que quelqu'un prenne des assurances chez nous, que le chèque passe à la banque, et qu'avant qu'on puisse se retourner, la banque se mette à vendre des assurances à ce client. Là, aussi, il s'agit d'information anecdotique, mais vous voyez bien à quel point la protection de la vie privée est compromise si un directeur de banque décide, après avoir vu un chèque libellé à une compagnie d'assurances, qu'il va faire intervenir un agent pour modifier la transaction. Alors, je suis tout à fait d'accord pour dire que ces deux éléments posent problème.

Mais comme vous l'expliquaient ce matin les représentants de l'ACCAP, un facteur tout aussi important est celui de la distribution. Comment faire pour vendre ces produits?

Je dirais que nous sommes une entreprise à circuits de distribution multiples. Nous avons donc plusieurs façons de commercialiser nos produits. Nous avons des agents dans des succursales, et nous vendons également nos produits par l'entremise de courtiers et d'agents de change, de même que dans notre compagnie d'assurances IARD et sur Internet. Je peux distribuer nos produits au consommateur de la manière que privilégie le consommateur. Je n'ai pas qu'un seul circuit de distribution.

• 1315

Par contre, les compagnies que vous avez mentionnées sont essentiellement des compagnies à circuit de distribution simple, du point de vue de leurs produits individuels. Cela pose peut-être des problèmes particuliers sur le plan de la concurrence, et c'est sans doute l'une des raisons pour lesquelles ce secteur est aussi diversifié. Nous sommes tous un peu différents. Même si nous avons des objectifs et des intérêts communs, en fin de compte, nous nous livrons une concurrence très vive. Quand votre secteur d'activité compte 130 compagnies, de même que les banques, il va sans dire que si vous n'êtes pas en mesure d'affronter la concurrence, vous ne survivrez pas longtemps.

M. Paul Szabo: Merci.

Le président: Merci beaucoup, monsieur Szabo.

Monsieur Nield, merci infiniment pour votre exposé.

M. David Nield: Merci.

Le président: Nous allons examiner votre mémoire et en extraire le meilleur. Merci infiniment.

Nous allons suspendre nos travaux pendant environ 30 secondes.

• 1316




• 1317

Le président: Je rouvre la séance. Je souhaite la bienvenue à M. Dominic D'Alessandro, président-directeur général de la Financière Manuvie.

Vous savez évidemment la procédure que nous suivons au Comité des finances. Vous disposez d'environ 10 à 15 minutes pour faire votre exposé, et ensuite nous ouvrirons la période des questions. Bienvenue.

M. Dominic D'Alessandro (président-directeur général, la Financière Manuvie): Merci beaucoup, monsieur le président et membres du comité. Je n'aurai pas besoin des 15 minutes qui me sont impartis; mes remarques aujourd'hui seront assez brèves.

Je voudrais tout d'abord vous remercier de m'avoir invité à comparaître. Si je me présente devant vous aujourd'hui, c'est parce que je suis convaincu que vous, les législateurs, et nous, les gens d'affaires, faisons face à l'une des périodes les plus critiques de toute l'histoire de l'évolution du secteur des services financiers au Canada. Nous avons l'obligation de collaborer pour nous assurer que ce secteur continue d'être fort et dynamique et d'être constitué de certaines des meilleures compagnies du monde. Nous ne pouvons nous permettre de nous tromper.

Avant d'aborder plus particulièrement les recommandations du rapport MacKay, il convient de mettre en relief l'important rôle du secteur des services financiers dans l'économie canadienne en général. Ce secteur représente 550 000 emplois directs, dont 100 000 dans le secteur des assurances-vie. Son activité représente une proportion importante des échanges de services entre le Canada et d'autres pays. La plupart de nos plus importantes institutions financières ont l'ampleur et les capacités nécessaires pour concurrencer les meilleures entreprises du monde et offrent à la population canadienne des produits et services de première qualité.

Notre défi consiste donc à préserver le dynamisme et l'esprit compétitif qui ont toujours caractérisé ce secteur jusqu'à présent. C'est la raison pour laquelle nous, à la Financière Manuvie sommes tellement heureux que le groupe de travail MacKay ait reconnu le besoin de changements structurels tels qu'un accès accru au système de paiements canadien, la démutualisation rapide des compagnies d'assurance-vie, et l'élimination des inégalités concurrentielles qui caractérisent actuellement les régimes d'assurances dont bénéficient les consommateurs.

Nous trouvons également encourageant que le groupe de travail parle de la possibilité que les compagnies d'assurance-vie jouent un rôle plus important en assurant des services financiers aux Canadiens et en offrant éventuellement une solution de rechange pour ceux qui ne veulent pas traiter avec les banques à charte.

Il y a tout de même une réalité à laquelle on n'échappe pas: les banques ont une position extrêmement dominante dans le secteur canadien des services financiers. À notre avis, leur position de dominance n'est pas susceptible de changer dans l'immédiat. Nous estimons au contraire qu'à moins que le gouvernement se fixe comme objectif précis de maintenir et de renforcer l'indépendance du secteur des assurances-vie, les banques finiront par prendre le dessus dans notre secteur, comme elles l'ont fait dans le cas des sociétés de fiducie et des courtiers en valeurs mobilières.

Aujourd'hui je voudrais brièvement commenter trois questions fondamentales: la large répartition du capital, la démutualisation, et le traitement des regroupements d'entreprises.

La Financière Manuvie est d'accord avec les recommandations du groupe de travail en ce qui concerne le maintien à perpétuité du régime de la large répartition du capital—qu'on appelle également la règle des 10 p. 100—pour les grandes institutions financières. Cette politique a bien servi notre secteur et le pays dans son ensemble. Je suis convaincu qu'en l'absence d'une telle politique, notre secteur des services financiers ne serait jamais devenu aussi dynamique et concurrentiel qu'il l'est actuellement, et ne serait pas non plus contrôlé par des intérêts canadiens, ce qui est également vrai.

• 1320

Les sociétés mutuelles d'assurance-vie au Canada, pour leur part, ont toujours suivi cette tradition de large répartition du capital. Cependant, nous avons atteint une étape critique dans notre évolution, puisque nous comptons nous transformer, par le biais de la mutualisation, en société ouverte à capital-actions.

La démutualisation va rehausser notre position concurrentielle en nous permettant de réunir des capitaux et de concurrencer la plupart des autres institutions financières en étant assujetti aux mêmes règles qu'elles. La démutualisation va également nous exposer à la saine discipline des marchés financiers. Qui plus est, la démutualisation va améliorer notre capacité d'attirer et de garder de bons cadres.

Autre élément non négligeable, la démutualisation représente des avantages considérables pour nos titulaires de polices. Ils vont recevoir des actions de participation ou une somme en espèces correspondant à 100 p. 100 de la valeur des compagnies démutualisées. En même temps, les droits dont ils jouissent en vertu de leurs polices ne changeront aucunement.

La démutualisation des quatre plus grandes mutuelles d'assurances donnera lieu à ce qui sera sans doute la plus importante distribution de liquidités jamais connue dans l'histoire du Canada. Ainsi environ 10 milliards de dollars seront distribués à près de 2 millions de Canadiens. Un calcul très simple permet de constater qu'ils toucheront en moyenne environ 5 000 $. Dans le cas de la Financière Manuvie, la somme moyenne versée aux titulaires sera de 7 000 $. Que ce soit l'un ou l'autre des deux montants, il s'agit d'une récompense des plus intéressantes pour les titulaires de polices.

La démutualisation aura également une incidence très positive sur l'économie canadienne. La distribution des capitaux propres aux Canadiens constituera un important stimulant économique sans pour autant imposer un fardeau financier au gouvernement. En fait, les recettes fiscales sont susceptibles d'augmenter à mesure que les titulaires de polices profitent de leur nouvelle richesse.

Le rapport du groupe de travail MacKay appuie vivement la démutualisation et précise que cette démarche est positive pour le secteur tout en étant dans l'intérêt des titulaires de polices et des compagnies elles-mêmes. Au cours des derniers mois, nous avons consulté nos titulaires de polices et travaillé en étroite collaboration avec les décideurs pour que les règlements prévus garantissent aux titulaires de polices un traitement à la fois juste et équitable.

À présent nous faisons appel à vous, les parlementaires. Nous espérons que vous serez d'accord avec nous pour dire que la démutualisation doit se faire dans les plus brefs délais. Nous vous invitons par conséquent à favoriser l'adoption dès que possible des modifications législatives qui s'imposent, modifications qui, d'après ce que nous ont dit les porte-parole du gouvernement, ne tarderont pas à être déposées.

La démutualisation est un phénomène mondial qui se manifeste en Afrique du Sud, en Australie, au Royaume-Uni et aux États-Unis. Dans le cas de toutes les démutualisations réalisées jusqu'à présent, la très grande majorité des titulaires de police se sont toujours prononcés en faveur de la démutualisation. Nous nous attendons par conséquent à ce qu'il en soit ainsi au Canada.

Mais il faut reconnaître que la modernisation de la structure du capital social ne constitue que la première étape de la transformation de nos compagnies. Les marchés auront besoin d'un certain temps pour s'adapter à notre nouveau statut de société ouverte, tout comme nous aurons besoin de temps pour opérer à l'interne les changements de culture qui s'imposent lorsqu'on se transforme en société ouverte. Dans le cas de la Financière Manuvie, vu la qualité de nos franchises et le potentiel considérable de nos diverses activités dans le monde entier, une fois que la démutualisation sera réalisée, nous—et à mon avis, d'autres compagnies démutualisées également—deviendront des cibles intéressantes d'offres publiques d'achat.

Le groupe de travail a d'ailleurs reconnu cette réalité et recommande par conséquent une période de transition de trois ans au cours de laquelle les compagnies démutualisées ne pourraient faire l'objet d'OPA hostiles ou de projets de fusion. Cependant, cette période de transition nous semble trop brève. Une période de transition de cinq ans nous semble plus réaliste pour ce qui est de permettre à ces compagnies de devenir des sociétés ouvertes dynamiques et indépendantes.

Le groupe de travail recommande en outre que l'interdiction des fusions ne vise pas les offres amicales qui pourraient être faites entre compagnies d'assurances démutualisées. Le groupe de travail estime que le fait d'interdire de telles fusions limiterait indûment la capacité du secteur d'entreprendre une certaine consolidation. La Financière Manuvie est d'accord avec le groupe de travail et recommande vivement que les fusions de compagnies démutualisées consentantes soient autorisées pendant la période de transition.

Il convient de noter, cependant, que le groupe de travail recommande que suivant la période de transition, les grandes compagnies d'assurances démutualisées puissent faire l'objet de prises de contrôle de la part des banques à charte. L'acquisition d'une ou même de toutes les compagnies démutualisées est effectivement facile à prévoir. On peut soutenir que de telles prises de contrôle seraient contraires à la vision que préconise le groupe de travail, à savoir des compagnies d'assurance-vie qui concurrencent vigoureusement les grandes banques bien établies.

• 1325

Voilà qui m'amène au point essentiel que j'ai soulevé tout à l'heure: que les politiques gouvernementales devront favoriser les assureurs si on souhaite que ces derniers s'épanouissent. Il s'agirait—et je me répète—de prévoir dans ces politiques, entre autres, l'accès au système de paiements, l'appui du gouvernement pour nos régimes de protection des consommateurs, le maintien d'un régime de large répartition du capital, et une période prolongée de transition.

Les recommandations que nous vous faisons aujourd'hui favorisent grandement l'émergence d'autres entreprises canadiennes de services financiers de niveau mondial. J'espère que vous conviendrez avec moi pour reconnaître que c'est un objectif tout à fait valable à se fixer.

Merci donc de nous avoir donné l'occasion de présenter notre point de vue. Je suis maintenant à votre disposition pour répondre à vos questions sur la réaction de la Financière Manuvie aux recommandations du groupe de travail ou sur tout aspect de nos activités.

Le président: Merci beaucoup, monsieur D'Alessandro. Nous ouvrons maintenant la période des questions.

Monsieur Ritz.

M. Gerry Ritz: Merci, monsieur le président.

Je voudrais tout d'abord vous remercier de votre présence devant nous aujourd'hui.

Vous avez soulevé un certain nombre de points concernant la période de transition, etc. Vous demandez une période de transition de cinq ans, plutôt qu'une période de deux ou trois ans comme celle dont il a été question jusqu'à présent. Vous dites également que la possibilité d'une période de trois ans d'immobilisation—pour reprendre le terme de M. Nield—ou d'interdiction des fusions amicales est à écarter. Vous dites que ces fusions devraient être autorisées.

En tant que législateurs, comment pouvons-nous équilibrer les intérêts des uns et des autres dans la Loi si nous décrétons qu'il n'y aura pas de fusions bancaires pendant la période de transition de cinq ans que vous revendiquez; et que faire dans le cas des fusions bancaires amicales... Comment rationaliser tout ça? Je comprends très bien qu'on compare des choses tout à fait dissemblables; que c'est surtout une question de sémantique.

M. Dominic D'Alessandro: Je tiens tout d'abord à vous faire remarquer la différence entre le positionnement des divers assureurs au Canada et celui des banques. Si vous regroupiez l'ensemble des 100 compagnies d'assurance-vie au Canada, vous auriez une entité de la taille de la Banque Royale. Donc, obligatoirement, la fusion de quelques compagnies d'assurances n'a pas les mêmes conséquences pour l'économie canadienne ou le consommateur canadien que les fusions de banques qui sont proposées, étant donné que chacune de ces banques détient une part importante du marché.

De plus, des produits de remplacement sont disponibles chez d'autres fournisseurs, et nos produits sont moins essentiels pour le fonctionnement quotidien de l'économie que les produits et services qu'offrent les banques. Combien de fois vous arrive-t-il de parler aux responsables de votre compagnie d'assurances? Comparez donc cela au nombre de fois que vous parlez...

M. Gerry Ritz: On peut espérer que cela n'arrive pas très souvent.

M. Dominic D'Alessandro: C'est exact. La plupart des gens ont des contacts différents avec leur compagnie d'assurances. Par conséquent, les fusions de banques qui sont proposées auront nécessairement de plus lourdes conséquences.

Le rapport MacKay propose que les fusions ne soient pas automatiquement interdites mais fassent plutôt l'objet d'un examen en profondeur. À cet égard, la procédure prévue par le gouvernement est exactement ce qu'il faut.

M. Gerry Ritz: S'agit-il ici de deux questions bien distinctes—c'est-à-dire, d'une part, les fusions, et d'autre part, les améliorations qui sont en train d'être apportées au secteur des services financiers? Faut-il les considérer comme deux choses bien distinctes?

M. Dominic D'Alessandro: La démutualisation des compagnies d'assurance-vie et la modernisation de notre structure de capital social, etc...

Comme je l'ai indiqué dans mes remarques liminaires, la démutualisation est un phénomène mondial; il n'y a pas que le Canada qui soit touché par ce mouvement. Et si ce changement s'opère à l'heure actuelle, c'est parce qu'on estime que la structure du capital social de ces entreprises ne cadre plus avec l'évolution du système financier. Les raisons en sont multiples: la mondialisation, les progrès technologiques, l'évolution démographique, et les préférences des consommateurs. Tous ces facteurs entrent en ligne de compte.

Nous aurions tort de confondre le processus de démutualisation avec les projets de fusion actuellement à l'étude. Il s'agit de deux questions tout à fait distinctes.

M. Gerry Ritz: Merci.

Le président: Merci, monsieur Ritz.

Monsieur Szabo.

M. Paul Szabo: Merci.

Merci pour votre exposé. Je trouve rafraîchissant de constater que certains arrivent à voir un peu plus loin dans l'avenir. Vous faites partie d'une branche d'activité qui ne craint pas d'être absorbée par les banques, mais qui va tout de même jouer un rôle important à l'avenir au fur et à mesure de l'évolution des entreprises de votre secteur et de la démutualisation. C'est assez intéressant comme phénomène.

Si je comprends bien, vous trouvez inévitable que les compagnies qui font partie de votre secteur d'activité fassent l'objet d'offres publiques d'achat ou de fusions et par conséquent, vous demandez une période de transition un peu plus longue. Il serait utile que vous nous expliquiez les raisons pour lesquelles vous serez plus susceptibles demain que vous ne l'êtes aujourd'hui de faire l'objet de ce genre de prise de contrôle.

• 1330

M. Dominic D'Alessandro: Merci beaucoup. Je vais profiter de votre question pour vous expliquer un peu la vision de la Financière Manuvie

La Financière Manuvie est un peu comme Canada Vie. Nous sommes actifs dans une douzaine de pays différents. Environ 65 p. 100 de nos revenus et de nos bénéfices viennent de l'extérieur du Canada. Nous avons récemment fêté notre 100e anniversaire à Hong Kong; nous sommes présents en Asie depuis fort longtemps. Nous sommes la deuxième compagnie du monde à être autorisée à mener des activités commerciales dans la République populaire de Chine. Nous avons un gros chiffre d'affaires en Indonésie, en Corée, à Taïwan, à Singapour, et dans les Philippines. Nous avons aussi un gros chiffre d'affaires aux États-Unis, et des activités considérables ici au Canada.

Nous constatons à présent que nous sommes maintenant bien positionnés pour créer au Canada ce que j'appellerais une autre compagnie de services financiers de niveau mondial. D'ailleurs, à mon avis, nos banques sont à même d'affronter la concurrence canadienne ou étrangère.

Mais il nous faut du temps pour nous préparer. Au lendemain de la démutualisation, notre compagnie appartiendra à 700 000 personnes vivant dans toutes les régions du monde qui ne sauront même pas que la compagnie leur appartient. La plupart des titulaires de polices de compagnies mutuelles ont pris des assurances, non pas parce qu'ils voulaient devenir propriétaires, mais parce qu'ils voulaient obtenir une certaine protection ou d'autres services que leur offrait leur compagnie d'assurances.

Imaginez donc que l'année prochaine, à la même époque, mettons, toutes ces personnes qui ont des actions mais ne connaissent pas vraiment les perspectives de la Financière Manuvie reçoivent par la poste une offre d'acquisition d'actions à un prix correspondant à 25 p. 100 de plus que le cours de ces actions à la bourse. Les gens pourraient facilement se laisser tenter par la possibilité de vendre leurs actions.

De plus, en tant que société mutuelle, suivre un certain mode de fonctionnement... Comme M. Nield, le témoin précédent, le disait tout à l'heure, pourquoi quelqu'un voudrait-il passer d'un secteur d'activité où il touche un taux de rendement de 18 p. 100 à un autre secteur d'activité où le taux de rendement n'est que de 6 ou 7 p. 100? On peut évidemment espérer qu'en devenant une société ouverte, une fois qu'on a bien organisé ses affaires, les taux de rendement seront plus intéressants.

Mais il faut tout de même prévoir une certaine période de transition quand on cesse d'être société mutuelle, dont les objectifs selon certains sont assez différents, pour devenir une société ouverte où vous donnez la priorité à la bonne utilisation de tous les capitaux que vos titulaires de police ou actionnaires ont mis à votre disposition. Certaines compagnies d'assurance-vie ouvertes ont d'excellents taux de rendement. Great-West Life en est un bon exemple ici au Canada.

Cependant, il est tout à fait normal qu'on ait besoin de temps pour se faire connaître des marchés et des investisseurs institutionnels du monde entier, afin qu'ils puissent faire une bonne... De toute façon, vous seriez extrêmement vulnérable si vous ne pouviez bénéficier d'une telle période de transition. Pour notre part, nous sommes une très grande compagnie—moins grande que les banques, mais nous avons tout de même des opérations fort diversifiées dans différentes régions du monde, et avant que tout le monde soit sur la même longueur d'onde, il faut tout de même un certain temps.

Il n'est pas raisonnable de penser que cela peut se faire en deux ans.

M. Paul Szabo: Les représentants du secteur des assurances IARD et les courtiers nous écrivent régulièrement. Je viens tout juste de regarder une lettre que m'a envoyée un autre électeur, qui est président de GRCS Insurance Brokers Inc., et ces gens-là ont peur. Ils craignent de faire faillite si les succursales bancaires se mettent à vendre des assurances.

Donc, la situation est un peu différente du côté des assurances-vie, car le fait de pouvoir offrir un service de consultation et une grande expertise à nos clients nous protège beaucoup mieux. Cela ne se crée pas du jour au lendemain.

Mais si les succursales bancaires pouvaient vendre des assurances-vie, les compagnies d'assurance-vie ne craignent-elles pas que les banques aillent tout de suite y chercher les meilleurs éléments?

M. Dominic D'Alessandro: Oui. Il y a deux points importants. Comme l'expliquaient certains autres témoins tout à l'heure, le fait est que les banques vendent déjà des assurances. Elles le font dans une certaine mesure par l'entremise de filiales, et grâce à ces filiales, elles réussiront avec le temps à s'emparer d'une part de plus en plus importante de ce marché. Évidemment, si elles réussissent à élargir leur clientèle dans ce secteur, les compagnies d'assurance-vie auront nécessairement moins de clients, et il faut bien se rappeler que le gâteau n'a qu'un certain nombre de parts.

Bien entendu, les banques veulent pouvoir utiliser leurs banques de données pour cibler certains segments de marché et, ce faisant, certains clients. La possibilité de ventes liées avec coercition suscite des préoccupations. Saviez-vous que 80 p. 100 des prêts hypothécaires consentis par les banques sont assortis d'une assurance-vie? Vous devriez justement demander aux représentants des banques de vous dire combien de bénéfices les banques tirent de cette assurance-là. Voilà un exemple de ventes liées. Le client est libre de ne pas prendre les assurances offertes, mais comme je viens de vous l'indiquer, 80 p. 100 des clients le font. Voilà donc un autre élément préoccupant.

• 1335

De l'avis de notre compagnie, il est inévitable, à mesure que les distinctions entre les différents produits s'atténuent, que les banques se lancent dans notre branche d'activité. Et elles le feront comme bon leur semblera. Il s'agit simplement d'une question de temps. En tout cas, voilà notre point de vue.

Il y a des changements qu'on peut qualifier de révolutionnaires et d'autres qui sont plutôt progressifs. Si vous leur accordiez l'accès à ce marché dès demain, à mon avis, cela provoquerait de grandes perturbations—pas tellement pour une compagnie comme la Financière Manuvie, étant donné que nous sommes actifs dans d'autres pays, mais certainement pour les 50 000 personnes environ qui vendent des assurances au Canada dans différentes localités. Cela perturberait énormément le secteur des assurances. Par contre, si les changements étaient plus progressifs...

En Australie, où les banques sont autorisées à distribuer des assurances, le nombre d'agents a diminué au fil des ans, de telle sorte qu'il y en a à présent cinq fois moins. On parle donc d'une diminution très importante. Le consommateur peut maintenant prendre ses assurances où il veut. Il existe encore des agents; mais il y en a beaucoup moins qu'avant. À notre avis, il se produira exactement la même chose ici après un certain temps.

M. Paul Szabo: Je suis bien content de voir que vous êtes optimiste en ce qui concerne l'avenir du secteur. C'est bon à savoir.

M. Dominic D'Alessandro: Mais j'insiste bien sur le fait que les politiques gouvernementales doivent nous être favorables. Nous ne demandons pas la lune. Mais nous voulons avoir le temps de mettre nos compagnies sur des assises solides. Si nous ne bénéficions pas d'une certaine protection...

Vous avez bien vu que la Banque Royale a offert d'acheter London Life. Pourquoi? Eh bien, parce que Great-West Life n'était pas disponible et parce qu'il était impossible d'acquérir une société mutuelle. Mais dès que les sociétés mutuelles seront disponibles, surtout si on les empêche de fusionner entre elles, toutes seront d'excellentes cibles pour les banques.

M. Paul Szabo: Un autre témoin nous a dit: «Il ne faut pas travailler vite; il faut surtout travailler bien». J'ai l'impression que vous êtes d'accord.

M. Dominic D'Alessandro: Oui, tout à fait.

M. Paul Szabo: Merci, monsieur le président.

Le président: Merci.

Monsieur Discepola.

M. Nick Discepola: J'ai une très brève question, monsieur le président.

Je voudrais profiter de la présence de M. D'Alessandro pour faire appel à son expérience du secteur bancaire et de celui des assurances.

Je partage bon nombre de vos préoccupations, et je suis tout à fait convaincu que nous aurons une décision très difficile à prendre, mais elle devra être prise.

Pour ce qui est de la démutualisation, même si nous prévoyions un période de transition de plus de trois ou cinq ans, pour moi, ce n'est pas ça qui compte. J'estime que nous devrions sans doute interdire complètement les offres publiques d'achat hostiles. N'est-il pas inévitable, même à la fin de la période de protection de trois ou de cinq ans, que vous soyez des cibles des plus intéressantes pour les banques de telle sorte qu'elles finissent bien par vous absorber de toute façon?

M. Dominic D'Alessandro: C'est une bonne question, et elle me donne l'occasion de soulever deux points que j'ai négligé de mentionner tout à l'heure.

La période de cinq que recommande la Financière Manuvie correspond à la pratique normale dans d'autres pays où il y a eu démutualisation des sociétés mutuelles. Dans l'État de New York, par exemple, l'acquisition de sociétés en voie de démutualisation est interdite pendant une période de cinq ans. Pourquoi voulons-nous bénéficier du même délai? Eh bien, pour éviter justement la situation que vous avez décrite.

Quant à la Financière Manuvie proprement dite, suivant notre transformation en société ouverte, moyennant des marchés raisonnables, cette dernière aura une valeur boursière de 10 milliards de dollars ou peut-être même davantage. Comme vous le savez, ce n'est guère différent de celle de certaines banques canadiennes. Si la Financière Manuvie ou certaines sociétés mutuelles canadiennes décident de fusionner avec d'autres entreprises, si nous profitons au maximum de cette période de cinq ans, il n'est pas impossible que nous ayons un capital primaire plus important que celui des banques canadiennes, et à ce moment-là, nous serons sur un pied d'égalité.

La compagnie AIG, dont parlait quelqu'un ce matin, a une valeur boursière plus importante que celle de Citibank et Travelers ensemble. Mais la plupart des gens ne le savent pas. Il s'agit d'une des compagnies les plus solides et profitables du monde entier. Nous pouvons d'ores et déjà rêver du jour où nous nous établirons ici au Canada une mini AIG. Ce serait très positif pour le Canada, pour la Financière Manuvie, pour nos employés, et pour nos titulaires de polices.

Notre compagnie, située rue Bloor à Toronto, a 2 000 employés, et heureusement qu'ils sont là, plutôt qu'ailleurs, étant donné la valeur du dollar, etc. Ils assurent des services... C'est-à-dire que l'ensemble de nos opérations américaines sont administrées ici au Canada. C'est bon pour le Canada, et c'est bon pour nous.

• 1340

Les politiques du gouvernement devraient chercher à favoriser la création, non pas d'un plus petit nombre de grandes compagnies, mais d'un plus grand nombre de compagnies solides et dynamiques. L'argument selon lequel les banques doivent se regrouper pour conserver leur part du marché et affronter la concurrence internationale ne tient pas debout; c'est parfaitement faux. C'est ce qu'elles essaient de faire valoir depuis neuf mois auprès de la population canadienne, mais sans grand succès, parce que ça ne tient tout simplement pas debout.

M. Nick Discepola: Comme vous le savez sans doute, les banques demandent également que la règle des 10 p. 100 en matière de propriété—celle qui prévoit une large répartition du capital—si elle est maintenue, vise l'ensemble du secteur des servies financiers. Comment réagissez-vous à la possibilité que cette restriction vise également votre secteur?

M. Dominic D'Alessandro: Nous demandons que la règle des 10 p. 100 s'applique pendant une période de cinq ans. Si, à la fin de ce délai, nous ne pouvons continuer d'être une compagnie indépendante, une autre banque ou une autre institution financière à capital largement réparti qui se conforme à la législation canadienne devrait avoir la possibilité d'acquérir notre compagnie.

Comme je l'ai indiqué dans mes remarques liminaires, la règle des 10 p. 100 a très bien servi le Canada. Pour un pays aussi petit que le nôtre, notre économie est tout de même caractérisée par un degré de concentration élevée. Est-ce que vous auriez voulu qu'un de ces conglomérats qui a eu des problèmes il n'y a pas si longtemps soit propriétaire de la Banque Royale? Vous auriez aimé cela? Je ne pense pas. Je ne pense pas que vous souhaitiez une concentration encore plus forte dans ce secteur.

Le fait est que l'octroi de crédit et l'intermédiation sont différents d'autres activités. Ce sont ces institutions-là qui décident qui va obtenir du crédit et qui ne va pas en obtenir. Cela soulève toutes sortes de questions concernant la souveraineté et le mode de gestion du système bancaire. Il n'est pas souhaitable que cette gestion relève ni de trop peu d'acteurs, ni d'acteurs étrangers.

La proposition sur laquelle il faut éliminer la règle des 10 p. 100 et ouvrir grande la porte aux entreprises étrangères qui voudraient acheter nos grandes banques n'a absolument aucun sens. Aucun pays industrialisé du monde ne permettrait que cela se produise. Ils n'appliquent peut-être pas la règle de 10 p. 100, mais croyez-moi, ils ont d'autres règles qui empêcheraient une telle chose.

M. Nick Discepola: Préféreriez-vous que ce soit 20 p. 100 ou un autre chiffre?

M. Dominic D'Alessandro: Les recommandations de MacKay m'ont semblé bien réalistes, parce qu'il a dit essentiellement qu'il sera peut-être nécessaire, temporairement, de prévoir plus de souplesse si, mettons, vous procédez à une acquisition importante dans le cadre de laquelle vous souhaitez payer les actions, etc. Donc, il faut de la souplesse...

La règle des 10 p. 100 a donné de bons résultats. Du moment qu'une personne détient trop d'actions... Si la règle des 10 p. 100 a été établie au départ, c'était justement pour éviter qu'un propriétaire ou actionnaire puisse exercer une influence démesurée sur les opérations de la banque, étant donné que les intérêts du propriétaire et du déposant peuvent être contradictoires. Il s'agit donc d'une bonne règle. Encore une fois, elle a très bien servi le Canada.

M. Nick Discepola: Êtes-vous d'avis finalement que votre secteur saura relever tous ces défis si...

M. Dominic D'Alessandro: Finalement, si nous tenions cette réunion dans cinq ans, à mon avis, nous serions beaucoup moins de représentants du secteur à vous faire part de nos vues. Il n'y a pas de place au Canada pour une centaine de compagnies d'assurance-vie; c'est aussi simple que ça. Comme je l'ai dit tout à l'heure, au fur et à mesure que les banques vont se lancer dans cette branche—même si elles doivent se contenter de ce qui leur est actuellement autorisé, c'est-à-dire par l'entremise de leurs filiales—elles vont nécessairement nous enlever des clients.

Quelles sont les compagnies qui sont parties au cours des trois ou quatre dernières années? La Compagnie d'assurances New York Life, la Prudentielle d'Angleterre, la Prudentielle des États-Unis, la Métropolitaine, et toute une série d'autres compagnies d'assurance-vie ont toutes quitté le Canada, parce que notre marché n'est pas assez grand pour soutenir autant de compagnies.

Pour moi, une consolidation est donc inévitable. J'entrevois la survie d'une ou de deux compagnies d'assurance-vie comme celles que je décrivais tout à l'heure, c'est-à-dire des compagnies indépendantes qui seraient sur un pied d'égalité avec nos grandes banques; mais certainement pas cinq ou six.

M. Nick Discepola: Merci beaucoup.

Le président: Merci, monsieur Discepola.

Monsieur Pillitteri.

M. Gary Pillitteri: Merci beaucoup, monsieur le président.

Bonjour, monsieur D'Alessandro. Je regrette de ne pas avoir été présent pendant votre exposé, mais je crois comprendre que vous, aussi êtes participant au système bancaire. J'ai oublié de poser cette question à un témoin précédent. On nous dit qu'énormément de fusions se réalisent actuellement aux États-Unis et qu'il existe déjà plus 9 000 banques. Je sais qu'il existe plus de lois de protection des consommateurs aux États-Unis qu'au Canada. Si les mêmes lois s'appliquaient au Canada en ce qui concerne le nombre d'institutions de dépôt autorisées, quels aspects des fusions proposées seraient interdits aux États-Unis?

M. Dominic D'Alessandro: Excusez-moi; vous me demandez si les fusions proposées ici au Canada seraient autorisées aux États-Unis?

M. Gary Pillitteri: Voilà.

• 1345

M. Dominic D'Alessandro: Non, elles ne seraient certainement pas autorisées aux États-Unis. D'abord, ils n'ont pas encore de système bancaire national. Même quand Bank of America et Nations Bank auront fusionné, créant ainsi la plus grande banque de détail aux États-Unis, leurs services bancaires ne seront toujours pas disponibles d'un bout à l'autre du pays; elles sont présentes dans seulement 35 ou 36 États sur 50. Cette nouvelle banque détiendra seulement 3 ou 4 p. 100 du marché américain.

Encore une fois, la fusion de Citibank et de Travelers est loin de correspondre au niveau de concentration dont il est question ici au Canada. À mon avis, on ne tolérerait pas aux États-Unis que la part de marché d'une quelconque de nos cinq grandes banques soit aussi grande.

M. Gary Pillitteri: Merci.

Vous avez parlé des opérations de la Financière Manuvie dans toutes les régions du monde. Est-ce qu'elles sont réglementées aux États-Unis de la même façon qu'au Canada?

M. Dominic D'Alessandro: Oui. Nous devons nous conformer...

On considère en général que le Canada applique une réglementation adéquate et que ses institutions financières sont très respectées et mènent leurs activités de façon saine et appropriée. Les autres pays estiment en l'occurrence que nos opérations relèvent surtout de l'organisme de réglementation canadien, mais il reste que nous devons nous conformer aux règlements qui s'appliquent dans chaque pays dont nous sommes actifs.

Mais dans ces autres pays, les organismes de réglementation s'attendent à ce que les autorités canadiennes jouent un rôle prépondérant dans la réglementation de nos opérations.

M. Gary Pillitteri: Donc, quand quelqu'un avance l'argument des fusions bancaires qui se font aux États-Unis et dans le monde entier pour justifier celles qui sont proposées ici, cela ne tient pas debout, car en réalité, ces fusions ne seraient jamais permises aux États-Unis.

M. Dominic D'Alessandro: Non. Pour moi, l'un des témoins que vous avez reçus tout à l'heure l'a très bien dit—et même le premier ministre l'a très bien dit lorsqu'il a déclaré que si la dimension était le seul critère important, les banques japonaises seraient fantastiques. Le fait est que sur les 10 plus grandes banques du monde, sept sont des banques japonaises. Avez-vous déjà entendu parler d'une banque japonaise novatrice? Posez-vous la question: ces banques offrent-elles de bons services à la population japonaise? À présent c'est l'immobilisation totale; tout le pays est paralysé.

Donc, invoquer comme argument l'importance de l'actif, comme le font nos banques—qui n'arrêtent pas de nous dire: «Regardez cette autre compagnie, son actif est deux fois plus important que le nôtre»—ça n'a pas de sens. Comme l'expliquait un de leurs représentants, l'actif, ce n'est qu'une statistique; ce n'est pas une qualité. Je peux vous affirmer, en tant qu'ex-directeur des finances de la Banque Royale, ex-président d'une petite banque canadienne et président d'une compagnie d'assurances, que rien, absolument rien n'est exclu pour nos grandes banques à l'heure actuelle qui ne le sera plus quand elles seront deux fois plus grandes, sauf peut-être la possibilité de répercuter leur inefficacité sur la population canadienne.

M. Gary Pillitteri: Merci.

Le président: Monsieur D'Alessandro, vous avez travaillé dans les deux secteurs, celui des banques et celui des assurances. En tant que législateurs, nous cherchons évidemment à connaître le point de vue du public et de personnes comme vous, qui sont des experts dans leur domaine, afin de profiter de vos conseils. Par contre, en ce qui concerne les fusions, nous nous retrouvons dans une situation un peu unique, étant donné que quatre PDG canadiens affirment que ces fusions seront positives pour le secteur canadien des services financiers. Quelle est leur véritable motivation, à votre avis?

M. Dominic D'Alessandro: Il se trouve que j'ai prononcé un discours lors de l'assemblée annuelle de notre compagnie, peu de temps après l'annonce de l'éventuelle fusion de la Banque de Montréal et de la Banque Royale. J'ai commencé mon discours en indiquant que j'admirais ces banques pour ce qu'elles avaient réussi à faire. Notre formation d'hommes d'affaires nous pousse dans ce sens. Si nous sommes en tête d'une organisation, nous voulons qu'elle soit dominante. Nous voulons la positionner pour qu'elle soit inattaquable par nos concurrents, pour que sa domination soit inéluctable et qu'elle puisse se défendre face à toutes les menaces. Voilà ce que nous essayons de faire.

À mon avis, ces projets de fusion sont motivés par un désir de domination du marché intérieur. C'est une volonté d'hégémonie qui se manifeste en l'occurrence; les banques veulent s'assurer que quoi qu'il arrive, personne ne va leur voler leur territoire. Voilà justement leur grande force; et je ne leur reproche pas ça. C'est ce que les hommes d'affaires comme nous sont censés faire. En essayant de créer de la richesse et de bien utiliser les capitaux, nous cherchons aussi, comme on nous a appris à le faire, à profiter de notre part de marché et de notre positionnement. Voilà justement ce qu'on reproche à M. Gates.

• 1350

Le président: Donc, dans votre secteur, tout cela est parfaitement normal. Vous-même avez déclaré que vous souhaitiez que votre propre compagnie prenne de l'expansion et se regroupe éventuellement avec d'autres entreprises.

M. Dominic D'Alessandro: Oui, absolument. Mais comprenez-moi bien: ce n'est pas une ambition blâmable—loin de là. S'ils sont capables de le faire, tant mieux pour eux.

Le président: Autrement dit, si vous étiez PDG d'une banque, votre stratégie serait probablement la même.

M. Dominic D'Alessandro: Disons que je m'y serais peut-être pris différemment.

Le président: Très bien.

M. Nick Discepola: Vous auriez attendu pour le faire.

M. Dominic D'Alessandro: Peut-être. Je m'y serais peut-être pris un peu différemment.

Le système bancaire canadien a des assises canadiennes suffisamment solides pour... Combien de compagnies canadiennes ont un capital primaire aussi important que le leur, une part de marché aussi importante que la leur, et des revenus garantis de plus de 1 milliard de dollars par année, grâce aux services bancaires dispensés aux consommateurs? À votre avis, combien de compagnies jouissent de tous ces avantages?

Je leur livre concurrence en ce qui concerne certaines lignes de produits, mais je constate que les entreprises du monde entier font la même chose que moi. Quand je les entends, je me dis: «Mon Dieu, si je dois continuer à écouter de tels arguments, et s'ils ont vraiment raison, autant dire à mes administrateurs que nous allons fermer boutique, parce que si les banques ne sont pas en mesure d'affronter la concurrence, qu'allons-nous faire, nous?» Que vont-elles faire les autres entreprises canadiennes? Ne pensez-vous pas...

Ces compagnies-là qui disposent d'immenses ressources prétendent être menacées par les autres entreprises du monde et que si on ne leur permet pas d'occuper une position dominante sur le marché intérieur, Dieu seul sait ce qui peut arriver. À votre place, j'écarterais sans hésitation cet argument.

Le président: Oui, mais vous dites que c'est parfaitement normal.

M. Dominic D'Alessandro: Oui, c'est peut-être normal, et c'est pour cela que nous avons un Parlement. C'est pour cela que vous êtes là pour jouer ce rôle. Il existe une tension naturelle entre ce qui correspond à l'intérêt du public et ce qui permet de maximiser les bénéfices des entreprises. Il faut bien des règles.

Je ne reproche pas à M. Gates de vouloir être une force dominante dans son secteur. Tout le monde peut s'émerveiller de la richesse qu'il a réussi à créer. Mais est-ce que son entreprise devient tellement grande qu'il se permet peut-être de passer outre aux règles? Il faut des règles. C'est de ça qu'il s'agit. Il existe des règles au Canada et dans ce contexte, on examine actuellement les projets de fusion. Je me contente de vous donner mon opinion très franche sur la question.

Le président: Comme vous le savez, monsieur D'Alessandro, le comité n'est pas chargé d'examiner les deux projets de fusion. Nous devons plutôt conseiller le ministre des Finances sur l'évolution future du secteur des services financiers. Nous constatons, cependant, que la plupart des gens qui viennent témoigner devant le comité parle surtout du présent. Et bon nombre d'entre eux veulent également protéger leur propre compagnie...

M. Dominic D'Alessandro: Oui, bien sûr.

Le président: ...ce qui est parfaitement normal.

En tant que législateurs, cependant, nous avons à accomplir deux tâches importantes. La première consiste à nous assurer que l'intérêt du public est protégé, et c'est d'ailleurs notre principale motivation. De plus, nous devons essayer—et c'est ce qu'on attend de nous—de prévoir les éventuelles difficultés qui pourraient surgir. Il s'agira donc de faire certains compromis si nous voulons tenir compte de tous les facteurs et des intérêts des uns et des autres.

Je voulais simplement vous dire que vous nous avez grandement aidés à connaître les questions qui préoccupent le plus votre secteur, et nous vous en remercions.

M. Dominic D'Alessandro: Merci beaucoup.

Le président: Merci beaucoup.

La séance est levée.