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FINA Réunion de comité

Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.

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STANDING COMMITTEE ON FINANCE

COMITÉ PERMANENT DES FINANCES

TÉMOIGNAGES

[Enregistrement électronique]

Le mardi 2 mars 1999

• 1539

[Traduction]

Le vice-président (M. Nick Discepola (Vaudreuil—Soulanges, Lib.)): Je déclare la séance ouverte.

[Français]

Conformément au mandat que lui confère le paragraphe 108(2) du Règlement, le Comité reprend son étude du rapport du Groupe de travail sur l'avenir du secteur des services financiers canadien.

• 1540

J'aimerais vous souhaiter la bienvenue. Comme vous le savez, le 10 décembre dernier, le comité permanent a déposé son rapport préliminaire en réponse aux différents témoignages entendus jusqu'alors. Nous nous étions engagés également à poursuivre des études et des discussions ce printemps, ce que nous faisons aujourd'hui.

Vous pouvez ajouter des choses que vous connaissez déjà, nonobstant la décision du ministre des Finances rendue au mois de décembre sur les fusions bancaires. On parle ici de l'avenir des institutions financières et du secteur des services financiers. J'aimerais donc que la discussion ne porte pas uniquement sur la possibilité ou non de fusions bancaires.

• 1545

J'aimerais présenter tout de suite nos invités aux membres du comité. Ce sont M. François Vaudreuil, président de la Centrale des syndicats démocratiques; M. Jacques St-Amant, analyste chez Option consommateurs; Mme Thérèse Hurteau-Farinas, de la Fédération des femmes du Québec; Mme Marguerite Bourgeois, du Front commun des personnes assistées sociales; M. Roger Lagacé, de l'Association québécoise de défense des droits des personnes retraitées; M. Normand Guimond, conseiller syndical; Mme Daren Laine, du Projet Genèse; et M. André Sénéchal, membre de la coalition.

On aura une présentation d'environ dix minutes par M. Vaudreuil et de cinq minutes par les représentants de divers groupes ainsi que des commentaires de M. St-Amant. On réserve une période de discussion d'environ une heure aux membres du comité. Alors, si cela vous va, commençons sans plus tarder avec M. Vaudreuil. Bienvenue.

M. François Vaudreuil (président, Centrale des syndicats démocratiques, Coalition québécoise pour le maintien des emplois et services bancaires personnalisés): Monsieur le président, je voudrais d'abord remercier le Comité permanent des finances de nous accueillir. Nous aurions cependant préféré grandement que la rencontre de cet après-midi ait lieu à Montréal. D'autres personnes de la coalition auraient pu alors nous accompagner.

Cet après-midi, la Coalition québécoise pour le maintien des emplois et services bancaires personnalisés veut vous soumettre les trois principaux sujets qui la préoccupent grandement. Notre premier objectif est d'assurer à toute personne au Canada, cela sans discrimination, la possibilité d'ouvrir un compte bancaire.

Le deuxième objectif poursuivi est de garantir à toute personne au Canada la possibilité d'avoir accès à des services bancaires personnalisés à une distance raisonnable de son domicile et selon des horaires d'ouverture suffisants.

Notre troisième objectif est qu'on puisse offrir des services bancaires de base à des tarifs raisonnables et identiques à ceux qui sont prélevés pour l'utilisation des guichets automatiques.

C'est le coeur de la présentation qu'on voulait faire. On pourrait poursuivre avec les autres personnes de la coalition, en commençant par Mme Bourgeois.

Mme Marguerite Bourgeois (Front commun des personnes assistées sociales, Coalition québécoise pour le maintien des emplois et services bancaires personnalisés): Je me nomme Marguerite Bourgeois et je suis une personne assistée sociale. Je suis ici au nom de plus de 600 000 personnes assistées sociales représentées par le Front commun en tant qu'organisme provincial. Nous représentons aussi 41 groupes membres du Front commun.

• 1550

Le problème qui se pose aux assistés sociaux au moment de l'ouverture d'un compte, c'est qu'on leur demande de fournir de nombreux documents: la carte d'assistance sociale, la carte d'assurance-maladie, le bail et des preuves de résidence. Il y a même des banques qui ont demandé qu'une personne déjà cliente de la banque se présente avec les nouveaux venus. Nous trouvons cela vraiment aberrant parce que, que nous soyons assistés sociaux ou travailleurs, l'argent a la même valeur.

En plus, il y a de plus en plus de succursales qui ferment. À Ville Émard, où je vis depuis peu, déjà deux banques ont fermé, dont une à l'angle de la rue Jolicoeur et du boulevard Monk. Or, je sais que de nombreuses personnes âgées vivent près de là. Elles ont de la difficulté à se déplacer et plusieurs d'entre elles sont des assistées sociales. Pour elles, cela entraîne beaucoup de désagréments.

Il est bien beau de dire qu'il y a un guichet automatique, mais plusieurs de ces personnes ont de la difficulté à s'en servir. Il n'y a pas toujours quelqu'un sur les lieux pour les aider et leur dire comment faire. Souvent on insiste pour qu'on se serve de ces guichets automatiques. Mais quand on ne sait presque pas lire, c'est très difficile si on n'a pas quelqu'un à côté de soi qui explique comment faire au fur et à mesure du déroulement de la transaction, sur quel bouton presser, etc. Les gens sont perdus. J'en ai vu sortir de là en pleurant parce qu'ils n'avaient pas été capables de faire leur transaction. Je ne parle pas seulement de personnes âgées ou d'assistés sociaux, mais aussi d'analphabètes, car il y en a encore beaucoup.

À Verdun, je faisais partie d'un groupe qui travaillait à la défense des droits des personnes affectées mentalement. Sur la rue Wellington, il y avait un guichet qui leur était spécialement réservé le 1er du mois et où était affichée la mention «personnes handicapées seulement». Cela contribue à renforcer les préjugés; personne ne se sent à l'aise de l'utiliser. Cela a été aboli à force de pressions faites par les groupes communautaires. Il n'empêche qu'on a eu pendant quelques années des difficultés avec cela.

Il y aussi des endroits où, si la personne n'a pas un certain montant dans son compte de banque le 1er du mois, elle a des frais supplémentaires à payer. Les caisses l'ont fait et nous sommes venus à bout de le faire abolir après une grande campagne. Il y a à peu près six mois, dans une banque de Saint-Henri, on a demandé 3 $ à une personne qui n'avait pas une certaine somme dans son compte de banque. Nous trouvons cela inadmissible. C'est pourquoi nous demandons que les services à la clientèle soient rétablis ou maintenus dans les banques afin que les gens ne soient pas obligés d'utiliser les guichets automatiques, parce que cela leur occasionne vraiment de gros problèmes.

Je passe la parole à M. Roger Lagacé.

Le vice-président (M. Nick Discepola): Monsieur Lagacé, s'il vous plaît.

M. Roger Lagacé (Association québécoise de défense des droits des personnes retraitées, Coalition québécoise pour le maintien des emplois et services bancaires personnalisés): Bonjour, monsieur le président. Merci de nous recevoir aujourd'hui. Nous sommes très heureux de nous trouver parmi vous et nous espérons que nos présentations sauront vraiment vous sensibiliser à la nécessité d'utiliser du personnel plutôt que des services électroniques, tels que les guichets automatiques.

En premier lieu, disons que je représente l'AQDR, l'Association québécoise de défense des droits des retraités, et aussi, pour la circonstance d'aujourd'hui, la FADOQ. Ensemble, ces deux grands organismes provinciaux réunissent environ 325 000 membres au Québec.

Ce que nous observons depuis cinq ans, c'est que, d'abord, le nombre de guichets automatiques a beaucoup augmenté; il est passé de 653 à 2 445, ce qui représente une augmentation de 275 p. 100. Quelles en ont été les conséquences? D'abord, la majorité des postes de caissiers et de caissières ont été abolis; donc, il y a eu un effet sur la main-d'oeuvre. Ensuite, les heures d'ouverture des succursales ont été réduites; alors qu'auparavant elles étaient de 10 heures à 15 heures, en beaucoup d'endroits, elles sont maintenant de 11 heures à 14 heures. De plus, le personnel attitré aux services au comptoir a diminué. Enfin, les frais bancaires associés aux transactions effectuées au comptoir ont été augmentés.

Quand vous utilisez un guichet automatique, vous payez moins de frais que quand vous vous adressez à du personnel au comptoir. À notre avis, il y a là une manoeuvre visant à encourager la clientèle à transiger avec les machines plutôt qu'avec la main-d'oeuvre.

• 1555

Je vais illustrer ce que j'avance au moyen de deux cas qui ont été rapportés dans La Presse du lundi 19 novembre 1998. Je vous en ai remis copie dans des enveloppes, grâce aux bons services de ma collègue, qui est ici à ma gauche et que je remercie. Ces exemples peuvent être multipliés par mille.

Dans un de ces cas, il est 9 h 45. Les succursales ne sont pas encore ouvertes; ce sont les guichets automatiques qui sont en opération. Cela se passe à la Banque Royale d'Anjou. Un homme de 69 ans frappe sur l'imprimante en disant que sa carte est prise là-dedans et que le guichet ne lui retourne pas son livret. Vous voyez tout de suite que la panique s'est emparée de lui.

Juste à côté, il y a une dame de 85 ans qui, elle, demeure hypnotisée devant la machine. Pendant cinq longues minutes, elle tente quelques manoeuvres hésitantes pour observer, confuse, l'écran qui lui adresse le même message en anglais: «Welcome to personal touch banking. To begin please insert your card's magnetic strip down and to right. Le libre-service Royal vous souhaite la bienvenue». Or, la dame ne parle pas anglais et le seul message qu'elle voit en français lui souhaite la bienvenue.

Qu'est-ce qui se passe alors? Comme beaucoup d'autres personnes, dans les deux cas que je viens de citer, les gens ont consenti à libérer le comptoir pour se rabattre sur les guichets automatiques. Tous les deux ont ressenti de l'angoisse face à cette machine à dollars, face au sentiment d'être espionnés, face au sentiment de se sentir pressés par la file qui les suit, alors qu'ils se sentent hésitants.

Il y a quelques semaines, on a vu dans des journaux qu'à Montréal, des malfaiteurs avaient bousculé pendant plusieurs mois des personnes âgées venues au guichet automatique pour qu'elles échappent leurs cartes. Ils ramassaient ensuite ces cartes afin de les utiliser dans d'autres guichets automatiques. Beaucoup de transactions ont été faites avec les cartes de personnes qu'on avait bousculées.

En 1997, la SPCUM, le service de police de Montréal, a reçu au-delà de 300 plaintes portant seulement sur des fraudeurs; 65 p. 100 de ces fraudes avaient été commises au moyen de cartes de débit appartenant à des personnes de 60 ans et plus. La moyenne des pertes se situait entre 2 000 $ et 3 000 $ à Montréal.

Également, certaines personnes âgées oublient leur carte dans le guichet parce qu'elles se sentent inconfortables à cause de la file d'attente qui les suit.

Quant au numéro d'identification personnel, il n'est pas nécessairement confidentiel; quand une personne âgée se présente à un guichet automatique et qu'elle a besoin d'aide, le préposé de l'institution bancaire qui vient à son aide lui demande quel est son numéro d'identification personnel. On n'est pas censé communiquer son numéro à quiconque. Cependant, la personne qui se trouve face au préposé oublie ceux qui sont derrière elle et donne rapidement son numéro. Les gens qui sont dans la file d'attente peuvent facilement l'entendre.

On lui demande aussi quelles transactions elle veut faire. Elle répond qu'elle veut transférer de l'argent, ou encore en retirer. On lui remet alors une somme d'argent. Donc, la confidentialité du système n'est pas à toute épreuve. C'est le sergent Franciline Robinson de la Division des fraudes de Montréal qui nous a communiqué ces renseignements.

En conclusion, nous voulons vous dire que les banques à charte constituent un service public pour la population. Nous demandons que la loi oblige les banques à offrir à la population des services bancaires personnalisés, peu importe le statut social et le lieu de résidence au Canada.

La population québécoise demande majoritairement de continuer à effectuer des transactions courantes au comptoir de leur succursale, auprès d'un caissier ou d'une caissière. C'est le désir de 83 p. 100 des personnes âgées. Nous attendons du gouvernement fédéral qu'il utilise tous les moyens à sa disposition pour faire en sorte que les besoins financiers des Canadiens et des Canadiennes soient pris en considération. Cela signifie des services justes et raisonnables pour tous les Canadiens et les Canadiennes de toutes les régions, riches ou pauvres.

Je termine en vous disant que la mère monoparentale qui encaisse un chèque du bien-être social et la personne à la retraite qui encaisse son supplément de revenu garanti ont droit aux mêmes services que les plus fortunés qui achètent un nouveau condo ou que le chef d'industrie qui conclut une affaire de plusieurs millions de dollars avec un pays étranger.

Merci, monsieur le président.

Le vice-président (M. Nick Discepola): Merci, monsieur Lagacé.

• 1600

Nous entendrons maintenant Mme Daren Laine.

[Traduction]

Mme Daren Laine (membre du Projet Genèse): Je suis membre du Projet Genèse, organisme communautaire de Montréal auquel je me suis jointe parce que je vivais d'aide sociale et que je voulais trouver des façons...

Le vice-président (M. Nick Discepola): Un moment, je vous prie.

[Français]

Vous avez des problèmes, monsieur Guimond?

M. Normand Guimond (conseiller syndical, Coalition québécoise pour le maintien des services bancaires personnalisés)): La traduction est-elle disponible seulement dans un sens? J'ai de la difficulté avec les boutons. Imaginez ce que c'est avec les guichets automatiques.

[Traduction]

Le vice-président (M. Nick Discepola): Allez-y, s'il vous plaît.

Mme Daren Laine: J'ai donc adhéré à cet organisme communautaire de mon quartier, parce que j'avais des difficultés avec les services bancaires, notamment.

Je fais également partie du comité des locataires d'une unité de logements à loyer modique où j'habite et qui regroupe 100 locataires; j'y occupe le poste de secrétaire-trésorière. La moitié des locataires de ces logements ne parlent, ne lisent et n'écrivent ni le français ni l'anglais. La majorité d'entre eux viennent me voir chaque fois qu'ils reçoivent de la correspondance, y compris de la publicité, et il se trouve qu'ils reçoivent souvent de l'information de la banque.

Nous savons tous que recevoir un chèque ne donne strictement rien s'il vous est impossible de le toucher; mais malheureusement, les gens dont je vous parle, et particulièrement les gens à faible revenu, ont bien du mal à toucher leur chèque. Lorsque vous vivez dans des logements à loyer modique, vous côtoyiez des gens qui non seulement, ont du mal à toucher leur chèque, mais ont peine à comprendre ce qu'on leur explique. Seulement 10 p. 100 d'entre eux se servent du guichet automatique, car les consignes prêtent à confusion. S'il se trouve qu'un caissier soit libre, ils préféreront tous aller le voir plutôt que d'utiliser le guichet automatique.

Dans mon cas personnel, lorsque j'ai reçu un chèque, je me suis présentée à la banque de façon insouciante convaincue que mon compte, ouvert il y a 30 ans, était toujours actif. Or, on m'a fait savoir que ce compte n'existait plus, alors qu'il était toujours actif deux semaines auparavant. Le personnel changeant fréquemment dans une banque, j'ai essayé de trouver quelqu'un qui me connaissait, et j'ai heureusement trouvé une personne qui s'était déjà occupée de moi. Je lui ai donc demandé d'aller aux renseignements, puisque la caissière qui m'avait informée de la fermeture de mon compte avait refusé formellement d'aller aux renseignements. Elle m'avait expliqué qu'elle ne pouvait rien faire pour moi, mon compte étant fermé. Le jeune homme, qui avait déjà été mon caissier, a eu l'amabilité de se renseigner, et il se trouve que j'avais libellé un chèque au montant de 24 $, alors qu'il me manquait 2 $ dans mon compte.

Dans une société, il est important d'avoir un compte, et je suis restée sidérée de voir avec quelle facilité on peut vous fermer votre compte alors qu'il est si difficile d'en ouvrir un. J'ai refusé de battre en retraite parce que je connaissais mes droits. Mais j'étais tout de même inquiète, car je devais payer mon loyer et ma nourriture. Il y a tellement de choses à acheter avec l'argent que vous recevez, particulièrement si votre budget est serré. Je reçois, pour ma part, 600 $ par mois, et chaque sou compte.

• 1605

J'ai donc quitté la banque ébranlée, même si on avait résolu mon problème. Pendant une demi-heure, j'ai dû insister pour que quelqu'un aille aux renseignements. Or, cela faisait 30 ans que j'étais cliente de cette banque, et on a agi simplement parce que l'on a bien vu que je n'allais pas battre en retraite. J'ai fait valoir que mon député se trouvait à deux coins de rue de là, et qu'il me suffirait d'aller la voir à son bureau. C'est à ce moment-là, que les employés ont commencé à me prendre au sérieux.

Cet incident m'a fait comprendre à quel point la situation peut être difficile pour ceux qui ne connaissent pas leurs droits et renoncent trop aisément. J'ai donc décidé d'aller ouvrir quatre comptes pour d'autres locataires de mon édifice à qui la même chose était arrivée. Comme deux de ces locataires sont d'anciens malades souffrant de troubles psychiatriques, je dois les accompagner chaque fois, car, je connais leur cas et je sais qu'ils ne confieraient leur argent à personne d'autre. Leurs comptes ont déjà été fermés 15 fois en une seule année!

Je sais que, pour les banques, il est difficile de faire affaires avec des gens dont la vie n'est pas régularisée. Mais étant donné le nombre croissant de gens qui ont des difficultés avec les banques...

Pour ce qui est de l'autre problème que l'on a signalé, j'ai beaucoup de chance, car j'habite dans un quartier qui compte six banques. Nous sommes chanceux, car il s'agit d'un des rares quartiers à être doté de plus d'une succursale bancaire, ce qui n'est pas le cas pour tous. Mais c'est parce que j'habite dans un secteur qui compte aussi six hôpitaux et beaucoup de cabinets de médecins, et ces gens utilisent tous des banques.

Il faudrait ériger, pour les banques, une instance de réglementation qui fonctionnerait un peu comme le CRTC pour les médias: ainsi, cette instance ferait en sorte que tous les citoyens ont accès aux banques, qu'ils ont droit à un préavis,—ce qui n'est pas toujours le cas, puisque l'on ne m'a jamais avisée de la fermeture de mon compte,—et aux raisons pour lesquelles leurs comptes sont fermés et que lorsqu'ils se présenteront à la banque, il y aura quelqu'un qui pourra ouvrir un compte pour eux en suivant des critères bien définis et qui les laissera ensuite se débrouiller...

Malheureusement, le système bancaire actuel est orienté de plus en plus vers ceux qui ont de l'argent, et plus vous avez d'argent, plus la banque s'occupera de vous. Mais personne ne devrait se voir refuser l'ouverture d'un compte ni se voir refuser d'encaisser son chèque. Mais ce qui m'inquiète le plus, c'est qu'un bout de papier qui n'est pas un billet ne vaut plus rien.

Sans argent, c'est comme si vous étiez sans domicile. Cela équivaut à être à la rue, et à ne rien avoir. Or, un chèque, c'est censé être de l'argent. Le Bureau de bien-être social vous dit que vous avez de l'argent entre les mains, et la banque vous dit la même chose. Après tout, c'est ce petit bout de papier que vous avez entre les mains. Mais ce n'est pas vrai, ce n'est pas comme de l'argent. Cela équivaut à n'importe quel petit bout de papier sur lequel serait écrit votre nom!

J'en ai discuté avec les gens de mon édifice. Hier encore, au même moment où j'apprenais que j'irais à Ottawa, des locataires se demandaient qui ils pourraient aller voir à la banque pour empêcher que leur compte ne soit fermé. Il faut trouver une façon pour que ces gens-là soient desservis comme n'importe qui d'autre.

Autre problème, les frais de service qui sont très élevés. Lorsque l'on prélève 1,25 $ pour chaque chèque touché et 05c. par mois pour garder le compte ouvert, cela est énorme pour quelqu'un comme moi qui reçoit 600 $ par mois. Après, lorsque vous rentrez chez vous, vous entendez dire aux nouvelles que les banques ont fait des profits de milliards de dollars! C'est scandaleux d'entendre dire à la radio à quel point les banques sont riches, quand elles font tant de difficultés à ceux qui veulent toucher leur chèque de 600 $ par mois qui représente tout ce qu'ils ont pour vivre...

• 1610

Par conséquent, comme je connais un peu le mandat du CRTC et la façon dont il fonctionne, je me suis dit qu'il serait bon que les banques... Je ne sais si les banques sont des institutions publiques, mais c'est le seul endroit où il est possible d'aller pour toucher son chèque.

Si les banques sont des institutions publiques, profitent-elles d'allégements fiscaux spéciaux? Dans la négative, vers qui se tourner si la banque refuse de vous laisser toucher votre chèque? Après tout, un chèque est un document en règle, et je ne vois pas pourquoi il ne serait pas possible de le toucher. C'est pour nous une façon honnête de recevoir notre argent; nous ne flouons personne. Nous recevons ce chèque en toute bonne foi, et nous nous attendons à ce qu'on nous permette en toute bonne foi de le toucher.

Si je m'attarde autant sur cette question, c'est parce qu'il est scandaleux de se rendre compte que je ne pourrais continuer à vivre ainsi si je ne pouvais plus toucher mon chèque, puisque c'est mon seul moyen mensuel de subsistance et que mon niveau de vie en dépend, ainsi que la façon dont je vais vivre pendant ce mois. Sans chèque, je me retrouve à la rue... Et je ne vois pas pourquoi je devrais m'inquiéter de ne plus pouvoir toucher mon chèque.

Le vice-président (M. Nick Discepola): Pourriez-vous clore et nous dire ce que vous recommandez au comité?

Mme Daren Laine: J'aimerais que l'on précise si une banque est une institution publique et si elle a droit de faire ce qu'elle fait, à savoir refuser de servir les clients.

En second lieu, je suggère la mise sur pied d'une instance de réglementation qui obligerait les banques à donner à tous les clients, quels qu'ils soient, les services auxquels ils ont droit.

En troisième lieu, j'estime que les assistés sociaux ou ceux qui ont des revenus de moins de 16 000 $ par an n'aient pas à payer des frais de service bancaires. Si je mentionne un montant de 16 000 $, c'est parce que Statistique Canada considère 16 000 $ comme étant le seuil de la pauvreté.

Le vice-président (M. Nick Discepola): Merci beaucoup. Nous ouvrirons le dialogue plus tard et nous pourrons sans doute répondre à certaines de vos questions, tout comme vous pourrez répondre à certaines des nôtres, nous l'espérons.

[Français]

Madame Thérèse Hurteau-Farinas, s'il vous plaît.

Mme Thérèse Hurteau-Farinas (vice-présidente, Fédération des femmes du Québec, Coalition québécoise pour le maintien des emplois et services bancaires personnalisés): Je m'appelle Thérèse Hurteau-Farinas et je suis une des vice-présidentes de la Fédération des femmes du Québec, un organisme démocratique de pression politique non partisane.

La fédération a une perspective féministe pour l'accès des femmes à l'égalité, à l'équité, à la dignité et à la justice dans tous les domaines.

Nous sommes un groupe du Québec et nous voulons nous affilier à des groupes en dehors du Québec qui auraient le même point de vue que nous.

Nous aussi, à la Fédération des femmes du Québec, reconnaissons l'importance des institutions financières dans la société. Cependant, toutes les fusions de ces institutions vont-elles permettre de servir la société comme elle est en droit de l'être?

Nous pensons que toute fusion des institutions bancaires peut entraîner des conséquences assez dramatiques pour les femmes du Québec et du reste du Canada. On peut penser, à première vue, aux pertes d'emplois dans un secteur économique essentiellement féminin. Puis il est possible qu'elle entraîne aussi une diminution des services bancaires offerts à toute la population, femmes et hommes de tous âges.

En effet, si toute fusion se traduit par des fermetures de succursales, des pertes d'emplois, un nombre plus élevé de guichets automatiques et une diminution de la concurrence dans les milieux financiers, il est difficile de croire que la population, en particulier les femmes, n'en sera pas affectée.

• 1615

Est-ce que toutes les Québécoises et tous les Québécois pourront avoir accès aux services bancaires qui leur sont essentiels? Cet accès leur coûtera-t-il plus cher? Est-ce que des consommateurs de services bancaires vont apprécier qu'il y ait moins de caissières et de caissiers pour répondre à leurs questions? En plus, les Québécoises et les Québécois moins favorisés vont-ils avoir à se déplacer loin de chez eux pour affronter un guichet automatique? Est-ce qu'une machine peut répondre à toutes les questions?

Nous voulons, à la Fédération des femmes du Québec, des services bancaires humains et adaptés à la personne, et non adapter la personne à la machine.

Nous n'avons pas à nous laisser dicter notre conduite et nos choix par des intérêts spécifiquement financiers. Chacune et chacun, nous avons le droit d'utiliser les services financiers adaptés à nos besoins. Autrement dit, laissons aux Québécois et aux Québécoises le choix d'utiliser les guichets automatiques ou encore les services à la clientèle.

Nous souhaitons surtout, au sein de la Fédération des femmes du Québec, que toute fusion des services bancaires, si elle a lieu, respecte les femmes dans leur intégrité et leur spécificité. Il ne faut pas oublier qu'elles constituent plus de la moitié de la population, une moitié qui n'est pas suffisamment reconnue à sa juste valeur. Les femmes en ont assez d'être sacrifiées à l'importance du néo-libéralisme.

Déjà les banques font des milliards de profits chaque année. Si toute fusion de banques veut dire des pertes d'emplois pour des centaines de femmes afin d'assurer une augmentation de revenu pour une poignée d'individus déjà bien nantis, la Fédération des femmes du Québec ne saurait être d'accord et joint sa voix aux autres membres de la coalition pour exiger le maintien des services bancaires personnalisés. En effet, nous croyons fermement qu'une société saine et juste se construit dans le respect de chacun.

Je vous remercie.

Le vice-président (M. Nick Discepola): Merci beaucoup, madame Hurteau-Farinas. Monsieur André Sénéchal, s'il vous plaît.

M. André Sénéchal (membre de la Coalition québécoise pour le maintien des emplois et services bancaires personnalisés): Je m'appelle André Sénéchal et je suis président des syndicalistes à la retraite du conseil de travail de Montréal de la FTQ. C'est le pendant de la FTQ en région. Je siège au comité des handicapés de la FTQ et à la table de concertation pour l'emploi des personnes handicapées de la région de Montréal.

Je vais vous laisser le rapport que je vais vous soumettre; vous comprendrez que je n'ai pas eu le temps de le photocopier. Je vous ai aussi laissé mon adresse; vous comprendrez que j'aimerais le ravoir.

Les données suivantes proviennent du diagnostic régional pour la région Montréal-Centre, établi par le fonds d'intégration. Le rapport est assez récent, il est de novembre 1998, et il touche une population de personnes handicapées âgées entre 15 et 64 ans.

La population de la Communauté urbaine de Montréal est de 1 213 000 personnes. En 1992, le niveau de détresse physiologique était de 26,9 p. 100, touchant 22 p. 100 des hommes et 31 p. 100 des femmes.

Dans la région de Montréal-Centre, 111 000 personnes, soit 9 p. 100 de la population, sont handicapées de différentes manières, soit 58 000 légèrement, donc 52 p. 100, et 53 000 sévèrement, donc 48 p. 100. C'est de ce dernier groupe que je veux vous parler.

Dans ce groupe, 32 p. 100 ont entre 55 et 64 ans, c'est donc une clientèle âgée; 27 p. 100 de ces personnes vivent seules, comparativement à 14 p. 100 dans la population en général. Pour une personne qui vit seule, il est assez difficile de demander à une chaise roulante ou à un animal d'aller à la caisse populaire à sa place.

Le revenu d'emploi de ces personnes, si elles travaillaient à temps plein, serait de 29 000 $ pour les hommes, et de 25 000 $ pour les femmes. En fait, le revenu annuel des hommes est de 16 779 $ et celui des femmes, de 11 700 $. Ces gens ont donc besoin de caisses populaires et de guichets.

• 1620

Les handicaps portent sur la vision, l'audition, la parole, la mobilité et l'agilité intellectuelle. Dans toute la région, 111 549 personnes ont de ces problèmes, dont 53 000 à un niveau modéré ou grave. Ainsi, c'est 4,3 p. 100 de toute la population de Montréal qui est touchée par de tels problèmes.

Je vais maintenant vous tracer le portrait de la ville de Montréal. Elle est divisée en 13 régions: Ahuntsic, Saint-Michel, Rosemont, etc. Je n'ai pas besoin de vous dessiner la ville de Montréal. Je vais revenir à une région que je connais très bien et à une expérience personnelle que j'ai vécue à Montréal-Nord, dans la circonscription que représente M. Coderre.

À Montréal-Nord, 53 090 personnes ont un handicap, ce qui représente 9,44 p. 100 de la population. À la Caisse populaire Sainte-Colette, qui est l'une des plus grosses de Montréal—elle a deux ou trois autres succursales dans Montréal-Nord—, les heures d'ouverture sont de 11 heures à 14 heures les lundi, mardi, mercredi et vendredi, et de 11 heures à 19 heures le jeudi. Il y a deux entrées car ça paraît bien d'avoir une rampe d'accès pour les fauteuils roulants à l'entrée principale. Cependant, pour aller au guichet automatique, vous devez passer par un escalier de cinq marches, sans rampe d'accès. Donc, une personne handicapée est obligée d'aller à la caisse entre 11 heures et 14 heures. Combien peut-il y avoir de caisses populaires et de banques organisées comme cela? Je peux vous dire une chose; il y en a beaucoup. Ce n'est pas à moi à les découvrir; c'est votre rôle. Mais je sais qu'il y en a.

Durant les heures d'ouverture, à Sainte-Colette—c'est une expérience que j'ai vécue en tant que client—, depuis qu'on a restreint les heures d'ouverture en septembre, il y a presque toujours de longues files d'attente. Pourquoi? Tout simplement parce que les gens ne veulent pas utiliser le guichet automatique. Il y a deux possibilités. On peut attendre en ligne, ce qui est impossible pour plusieurs personnes handicapées qui n'ont pas de fauteuil roulant. Quand on est assis dans un fauteuil roulant, ce n'est pas si mal, mais quand il faut attendre trois quarts d'heure ou une heure debout, c'est vraiment plus difficile. L'autre option est de se présenter au comptoir de renseignements pour faire toutes sortes d'opérations. Il y a un comptoir où tout le monde va. J'y suis allé. J'ai été obligé d'expliquer mon handicap parce que ça ne paraît pas que je suis handicapé. Bien que je sois capable de tenir ce crayon, je ne suis pas capable de ramasser quoi que ce soit. Il a fallu que j'explique à la personne en quoi consistait mon handicap. Et dites-vous bien une chose: c'est ainsi à beaucoup d'endroits, parce que partout où je vais pour participer à des réunions ou pour d'autres raisons, les personnes handicapées me disent la même chose. Je ne sais pas combien je représente de personnes, mais c'est ainsi.

Depuis septembre, à cet endroit, deux personnes se sont conduites correctement envers moi. La plupart du temps, quand je vais là, la tâche de celui ou celle à qui je m'adresse est de m'envoyer au guichet automatique. J'ai dit non et j'ai gagné. Combien de personnes y arrivent? Je ne le sais pas. Si c'est ainsi à Sainte-Colette, je suis certain que cela arrive ailleurs. Ce n'est pas moi qui irai vérifier, mais j'en suis certain.

• 1625

De plus, les fermetures d'institutions bancaires vont éloigner les personnes handicapées. Vous connaissez peut-être le transport adapté à Montréal, qui fait vraiment pitié. Cela prend 45 minutes, une heure et même une heure et demie pour avoir le transport adapté. Tu arrives là et la caisse populaire est fermée.

Je remercie la coalition de m'avoir donné la chance d'exprimer nos inquiétudes face aux services bancaires ainsi que le comité permanent d'avoir bien voulu les entendre, tout en espérant que vous en tiendrez compte.

Je voudrais vous remettre le diagnostic régional. Vous allez peut-être en apprendre sur les personnes handicapées. Ce document vient du CAMO, le Comité d'adaptation de la main-d'oeuvre pour les personnes handicapées. N'oubliez pas que c'est Ottawa qui nous donne une subvention de quatre millions de dollars. Si vous voulez nous donner une telle subvention, ce serait peut-être utile de prendre 15 ou 20 minutes pour lire ce document.

Le vice-président (M. Nick Discepola): Merci, monsieur Sénéchal.

Monsieur Normand Guimond, s'il vous plaît, pour conclure cette partie de la présentation.

M. Normand Guimond: On a voulu, par notre présentation de cet après-midi, compléter l'intervention de notre coalition faite en novembre dernier à Montréal. On a ajouté des exemples précis, des témoignages, mais vous remarquerez aussi quelques plaidoyers pour les revendications exprimées par notre président auparavant.

Monsieur le président, étant donné les contraintes encourues par le déplacement à Ottawa pour la présente consultation—on en a fait mention lors de l'introduction—, le monde rural et celui des agriculteurs n'ont pu se joindre à notre délégation. Ils ont fait entendre leur voix et leurs revendications lors de la consultation du 3 novembre dernier à Montréal. Nous profitons de l'occasion pour vous rappeler l'essentiel du message que le président de l'Union des producteurs agricoles, qui représente 46 000 membres, a fait parvenir au ministre Paul Martin quant à la réorganisation des services financiers. Je cite le président, M. Laurent Pellerin:

    Tous savent que la logique des grandes banques est d'abord et avant tout celle du profit; elle ignore volontiers et le plus souvent les considérations à caractère social comme le maintien d'emplois existants ou l'accessibilité pour tous, sur l'ensemble du territoire, à des services bancaires de base personnalisés.

    Nous sommes particulièrement inquiets, quant à nous, de ce qui pourrait advenir de l'accessibilité aux services financiers en région. Si les institutions financières raréfiaient leurs succursales en périphérie, où et dans quelles conditions les producteurs agricoles pourraient-ils avoir accès à du financement? Vont-ils devoir faire des kilomètres, aller ailleurs, en ville ou dans un autre village, là où leurs chances sont moindres parce qu'ils ne sont pas connus? Va-t-on revenir aux pénibles conditions qui prévalaient dans le temps du crédit agricole au début du siècle?

    Il faut aussi savoir et prendre en considération le fait que l'institution financière joue un rôle important en milieu rural tant au chapitre de l'activité économique que de la contribution à la vie communautaire. Qu'on se rappelle l'exemple des bureaux de poste... De tout temps et aujourd'hui encore, les grandes institutions financières ont eu un accès privilégié à la richesse. Et voilà qu'elles en veulent encore plus. Nous sommes fermement convaincus qu'elles ont en retour l'obligation de maintenir des services accessibles partout et pour tous et de favoriser la création d'emplois, deux formes de redistribution de la richesse. Il s'agit non seulement d'une obligation sociale mais d'une obligation morale dont l'État doit se faire le gardien.

Tel était le message qu'envoyait M. Pellerin au ministre Martin l'automne dernier.

Maintenant, je voudrais glisser un mot sur la question de l'emploi. Je suis aujourd'hui le porte-parole de l'ensemble du mouvement syndical du Québec. Toutes les centrales syndicales sont représentées. Vous pouvez voir, dans votre dossier, les 22 organismes qui le composent; c'est au-delà d'un million de travailleurs et de travailleuses que nous représentons. Ces personnes sont syndiquées et sont aussi des consommateurs et des consommatrices.

Monsieur le président, quels que soient les secteurs de la population, il est essentiel que le gouvernement légifère pour améliorer les services bancaires personnalisés. Les témoignages précédents ont été éloquents à cet effet. Pour offrir ces services à la population, il faut du personnel et des emplois.

• 1630

Les banques canadiennes réalisent, année après année, des profits records. Elles cumulent une richesse qu'elles ont l'obligation de partager en termes de services à la population et en termes d'emplois. Pour réaliser leurs profits, les banques ont adopté une série de stratégies dont la principale vise la coupure d'emplois par milliers, surtout depuis 1993.

Sans considérer les fusions éventuelles des banques, une entente de Deloitte & Touche prévoit la fermeture de la moitié des succursales bancaires canadiennes ainsi que la perte de 35 000 emplois au cours des trois prochaines années. Ce sont 35 000 personnes qui seront blessées, atteintes dans leur dignité, leur vie familiale et leur vie sociale. Une prévision de 35 000 pertes d'emplois donne 35 000 bonnes raisons au gouvernement fédéral de légiférer pour civiliser les tenants d'une grande richesse collective.

La restructuration des services financiers et la déréglementation que souhaitent les banques ne visent qu'à satisfaire l'avidité de leurs actionnaires, qui ne contribuent pourtant qu'à 5 p. 100 au capital total de ces mêmes institutions. Les banques ont une responsabilité sociale qu'elles doivent traduire en emplois, au bénéfice des populations locales.

Notre coalition n'est pas contre l'installation ni l'utilisation des services bancaires automatisés. Elle est surtout pour l'amélioration des services bancaires personnalisés, s'appuyant sur un sondage de la firme Léger & Léger qui indique que 89 p. 100 de la population québécoise considère que le gouvernement doit légiférer afin d'assurer et d'améliorer les services bancaires personnalisés.

Mesdames et messieurs les députés, notre coalition prétend représenter le Québec social presque au complet; vous n'avez qu'à regarder la délégation et la liste des organismes qui en font partie. Au nom de tous les citoyens et citoyennes, de tous les consommateurs et consommatrices que nous représentons, nous vous demandons d'accueillir nos revendications pour leur assurer les services bancaires et les emplois auxquels ils ont droit. Merci, monsieur le président.

Le vice-président (M. Nick Discepola): : Merci, monsieur Guimond. Je demanderais maintenant à M. St-Amant de conclure cette partie des... [Note de la rédaction: Difficultés techniques].

M. Jacques St-Amant (analyste, Option Consommateurs, Coalition québécoise pour le maintien des emplois et services bancaires personnalisés): Les problèmes, vous les connaissez déjà; nous vous en avons parlé à quelques reprises et d'autres l'ont fait aussi. J'aimerais revenir rapidement à quelques éléments d'analyse, mais surtout regarder des solutions auxquelles vous pouvez, comme législateurs, participer de façon active.

On a l'impression que les institutions financières de dépôt préféreraient ne plus offrir certains services, même si la population les demande. Il semble qu'on ne puisse pas compter sur la concurrence pour régler les problèmes dont on vous a parlé, ni maintenant ni sans doute dans l'avenir. Or, il faut s'assurer que tous les Canadiens puissent avoir accès à des services bancaires de base abordables, correspondant à leurs besoins. Les clients devraient décider des services sur le marché et non pas seulement les entreprises qui les offrent.

Je vais aborder les trois éléments qui nous intéressent: accès aux services de base, fermeture de succursales et frais. Tout d'abord, parlons de l'accès. Le groupe de travail l'a constaté en septembre dernier, et le Comité sénatorial permanent des banques et du commerce et vous-mêmes l'avez confirmé en décembre: il est essentiel que tous les Canadiens qui le désirent puissent avoir accès à des services bancaires de base. Ils doivent pouvoir ouvrir un compte, y déposer des fonds et avoir accès à ces derniers. Malheureusement, dans les villes et les campagnes, on constate que ce n'est pas toujours le cas. Vous en avez pris acte dans votre rapport préliminaire. Vous avez également appuyé les recommandations 88 à 92 du groupe de travail, à quelques détails près. Nous en sommes heureux et vous en remercions, mais nous vous invitons à faire un pas de plus, pour deux raisons.

D'abord, le groupe de travail a formulé sa recommandation 92 en se fondant sur les faits publiquement connus à l'époque et il a mis l'accent sur les problèmes d'accès liés à l'identification. Or, la situation a changé, au cours de la dernière année, de façon assez manifeste.

• 1635

On en trouve la confirmation dans une étude réalisée par la firme A.C. Neilsen pour le compte de l'Association des banquiers canadiens dont les résultats ont été publiés en août dernier, soit à peine deux semaines avant la publication du rapport du groupe de travail. On en trouve aussi des indices dans une enquête réalisée par Option consommateurs, l'organisme pour lequel je travaille, qui a été publiée l'automne dernier et dont nous vous avons remis copie lors de notre rencontre de novembre dernier.

Ces deux études démontrent deux choses: la situation ne s'améliore que très lentement en matière d'identification et, de plus, d'autres obstacles à l'accès apparaissent. On voit par exemple les enquêtes de crédit se multiplier. Quand un consommateur se présente en succursale pour ouvrir un compte, on lui dit de revenir la semaine suivante car on n'est pas disponible ce jour-là. On impose un délai avant que le compte ne soit ouvert ou actif. On constate aussi, assez régulièrement, des gels de fonds. Par exemple, si vous voulez ouvrir un compte, tous les chèques que vous déposerez seront gelés pendant une semaine ou deux, pour les deux premiers mois. Évidemment, pour un prestataire de l'aide sociale, cela équivaut en pratique à un refus d'ouverture parce que cette personne a besoin de ses fonds immédiatement.

Il y a parfois des situations étranges. Le mois dernier, par exemple, une consommatrice a communiqué avec nous. Elle s'était adressée à une succursale bancaire dans la banlieue où elle habite pour ouvrir un compte. La caissière lui a demandé, entre autres, si elle avait un emploi. Elle a répondu qu'elle en avait un mais qu'elle préférait que le banque ne communique pas avec son employeur, ce qu'elle avait parfaitement le droit de faire. Il n'y a rien, a priori, qui permette à une banque de communiquer avec un employeur au sujet d'un client, surtout pour l'ouverture d'un simple compte. Mais la banque a trouvé cela un peu suspect ou anormal. On a procédé à une enquête de crédit et constaté que madame avait fait une faillite quelques années plus tôt. La banque a décidé de ne pas ouvrir de compte.

Je vous rappelle qu'il existe une entente entre l'Association des banquiers canadiens et le ministère des Finances intervenue en décembre 1997, dans laquelle les banquiers se sont engagés à ne pas refuser d'ouvrir un compte en raison d'une faillite. Malheureusement, cela ne s'est pas encore rendu jusqu'aux succursales.

Cette consommatrice était par ailleurs libérée de sa faillite. À notre connaissance, il n'y avait donc aucun motif raisonnable, rationnel de lui refuser l'ouverture d'un compte. La consommatrice et nous avons communiqué avec le gérant de la succursale, le siège social et l'ombudsman de la banque, mais sans résultat car on n'a pas confiance en cette personne. On ne nous donne pas de motif; on dit simplement qu'on refuse d'ouvrir le compte. Des gens, à l'intérieur de cette institution, ne comprenaient pas pourquoi madame voulait ouvrir un compte dans leur succursale alors qu'elle en avait déjà un ailleurs. Apparemment, ces gens ne sont pas conscients du fonctionnement de la concurrence sur le marché bancaire et du fait qu'on puisse vouloir changer d'institution. Cela nous est apparu un peu étonnant.

On nous a rapporté, au cours des derniers mois, des cas où l'on a refusé l'ouverture d'un compte parce que les personnes n'avaient pas de carte de crédit. Des préposés à la clientèle ont indiqué à d'autres personnes que si elles avaient fait un seul chèque sans provision dans la dernière année, l'ouverture d'un compte pouvait leur être refusée. Les obstacles, donc, se multiplient.

La première entente intervenue entre l'ABC et le ministère des Finances sur l'identification remonte à deux ans. Les choses n'ont pas beaucoup évolué; en fait, elles se compliquent. Malgré les efforts appréciables de l'Association des banquiers canadiens, les choses ne bougent pas au niveau des succursales.

Le groupe de travail recommandait au Parlement de légiférer si les choses ne s'amélioraient pas dans un délai raisonnablement court. Nous sommes d'avis que ce délai est écoulé et qu'il est temps d'intervenir.

Une action législative pourrait prendre plusieurs formes. Par exemple, la loi pourrait stipuler qu'une banque qui accepte des dépôts de consommation doit ouvrir sans délai un compte de base à toute personne exhibant une pièce d'identité—cette exigence relative à une pièce d'identité figure déjà sur une liste établie dans la réglementation fédérale—à moins que la banque n'ait des motifs raisonnables de croire que cette pièce est falsifiée ou qu'une personne veut ouvrir un compte pour faciliter la commission d'actes illégaux. Cela existe déjà dans certains États américains.

Ou bien, s'inspirant de la législation française, le Parlement pourrait confier au bureau de protection des consommateurs dont vous avez suggéré la création le pouvoir de désigner une banque qui devrait ouvrir un compte pour une personne qui aurait, par exemple, essuyé deux refus consécutifs d'ouverture dans des succursales. Il y a donc des solutions envisageables, possibles, déjà appliquées ailleurs dans des États civilisés.

D'autre part, compte tenu des pratiques bancaires parfois étonnantes, nous vous invitons à adopter des règles en matière de gel de fonds en vous inspirant, là encore, de la loi étasunienne adoptée en 1987 sous M. Reagan, qui n'avait pourtant pas la réputation d'être un gauchiste avéré.

• 1640

On dit avec raison que le système de compensation interbancaire canadien est l'un des meilleurs au monde. Ce serait bien que tous les Canadiens puissent en profiter également. Or, un sondage Ekos réalisé l'an dernier pour le groupe de travail MacKay indiquait que 18 p. 100 des Canadiens subissent, au moins à l'occasion, des gels de fonds et que 68 p. 100 d'entre eux jugent que cela leur cause des difficultés. Donc, il y a matière à intervention, d'autant plus que ce sont surtout les jeunes et les personnes à faible revenu qui sont victimes de ces gels et que, à ce qu'on dit, plus du quart de ces gens font les frais de ces gels de fonds.

On nous dit parfois qu'il faut faire attention car il se produit des fraudes. Attention! Le receveur général du Canada a communiqué des données indiquant qu'à peine un centième de 1 p. 100 des effets émis par le receveur général font l'objet d'une fraude et que, le plus souvent, ce sont des chèques de montants assez importants, du moins plus importants que de simples remboursements de TPS ou de prestations d'assurance-emploi.

Le problème de l'accès aux services bancaires de base est grave et persistant. Nous sommes d'avis qu'il est relativement facile à régler. Nous vous invitons donc vivement à recommander dans votre rapport final que le Parlement légifère, comme l'y invitait le rapport MacKay, afin qu'on puisse enfin parler de ces situations au passé. Il y a, quant à nous, près de 10 ans que nous en discutons avec les banquiers.

J'en viens maintenant aux fermetures de succursales, qui constituent elles aussi un problème sérieux. D'abord, cela aussi est un obstacle à l'ouverture d'un compte parce qu'il est assez rare qu'on puisse ouvrir un compte par guichet automatique, par téléphone ou par Internet; il faut aller au comptoir pour ouvrir un compte. S'il n'y a plus de comptoir, il y a un problème. Ensuite, ces fermetures de succursales frappent surtout certaines régions et elles ont un effet particulièrement important sur certaines catégories de clientèle.

Concernant les questions régionales, nous vous avons distribué deux cartes, une de la ville de Calgary et une d'une partie de l'est de l'Ontario. Si vous y jetez un coup d'oeil, vous y verrez des points rouges et des points verts. Les points rouges représentent les fermetures de succursales. À Calgary et dans la partie de l'Ontario qui va grosso modo de la frontière du Québec jusqu'à Kingston, on peut observer, pour la période des 10 années allant de 1987 à 1997, de nombreux points rouges, notamment en milieu rural ou dans les quartiers du centre de Calgary. On voit aussi quelques points verts, représentant de nouvelles succursales, surtout en banlieue.

Ces deux cartes proviennent d'une étude qu'Option consommateurs a publiée en juin dernier. Il y en a en tout une vingtaine et certaines sont vraiment très éloquentes. On voit clairement les tendances; le phénomène est patent. Cela a un effet sur la proximité des services. De plus en plus, les succursales sont loin des gens. Cela a aussi un effet sur la diversité des services. Si vous examinez la carte 18, la carte de l'est de l'Ontario, vous verrez que dans les secteurs C et D, 6 et 7, dans une région qui fait presque 100 kilomètres carrés, on retrouve essentiellement des succursales de la Banque de Montréal et de la Banque Toronto-Dominion. Il n'y a pas vraiment de choix.

La situation est similaire dans beaucoup d'autres régions du Canada. Je pense par exemple au Cap-Breton où, dans une vaste partie de l'île, il y a quelques credit unions, deux ou trois succursales de la Banque Royale et, au bout de la péninsule, une succursale de la Banque de Nouvelle-Écosse. C'est tout.

Si, en magasinant sur Internet, vous constatez que le compte le plus avantageux pour vous est offert par la CIBC, tough luck; la CIBC la plus proche se trouve facilement à 80 kilomètres. On nous répondra que ce n'est pas grave, que les gens peuvent aller au guichet automatique et faire d'autres opérations électroniques. Les témoignages qu'on a entendus plus tôt ont illustré, je pense, que ce n'est pas toujours évident.

Les statistiques nous indiquent aussi clairement que ce n'est pas évident. On a réalisé un sondage CROP en janvier 1998, qui indiquait que 23 p. 100 des consommateurs québécois n'allaient jamais au guichet automatique; cette proportion atteint 27 p. 100 hors de Montréal et Québec, en milieu rural, où il y a souvent moins de guichets; 39 p. 100 chez les ménages à faible revenu; 53 p. 100 chez les personnes âgées qui ne vont jamais au guichet; et 60 p. 100 chez les personnes ayant moins de huit ans de scolarité. Cela fait beaucoup de monde.

Au Québec toujours, les trois quarts des consommateurs vont au guichet automatique en moyenne trois fois et demie par mois, c'est-à-dire pratiquement une fois par semaine. Il n'est donc pas étonnant que, selon le sondage Ekos réalisé pour le groupe de travail, 67 p. 100 des Canadiens estiment qu'il est extrêmement important pour eux de pouvoir obtenir des services bancaires personnalisés. Cette proportion atteint 72 p. 100 chez les électeurs à faible revenu, 79 p. 100 chez les gens en milieu rural et 86 p. 100 chez les personnes âgées.

• 1645

Bref, les Canadiens ne sont pas résignés à la fermeture de leurs succursales. D'ailleurs, dans le même sondage Ekos, on constate que 56 p. 100 d'entre eux sont d'avis que les banques ne devraient pas pouvoir fermer des succursales simplement parce que les gens ont accès, par ailleurs, à des services électroniques. Les gens souhaitent continuer à utiliser des services personnalisés et non des guichets automatiques. À tout le moins, ils veulent avoir le choix.

Pour les personnes à faible revenu ou ayant un faible niveau de scolarité et pour certaines personnes handicapées, l'accès à un préposé à la caisse est à toutes fins utiles essentiel. On n'a peut-être plus besoin d'un grand édifice à colonnes abritant seulement des services bancaires; on peut installer des caissiers dans des supermarchés ou ailleurs. Mais on ne peut pas se contenter d'installer des guichets automatiques.

Nous estimons, par conséquent, qu'il ne suffit pas de dire que les fermetures de succursales sont inévitables et qu'on pourrait simplement donner un préavis de quelques mois pour permettre à tout le monde de s'ajuster. Les enjeux, au plan de la qualité des services et au plan de la concurrence, sont beaucoup trop importants pour cela.

Une proposition qu'on pourrait envisager est la suivante: lorsqu'une banque veut fermer une succursale, elle devrait en informer la communauté, mais aussi ce bureau de protection des consommateurs dont on parle. Celui-ci devrait avoir le pouvoir, dans les cas opportuns, de tenir une consultation publique où la banque devrait venir se justifier et où seraient examinés les impacts de la fermeture sur la communauté.

Le bureau devrait aussi pouvoir autoriser ou interdire une fermeture, ou encore l'autoriser à certaines conditions dont, peut-être, le paiement de compensations monétaires à la communauté qui est touchée. Cela inciterait sans doute les banquiers à étudier beaucoup plus sérieusement leurs projets de fermeture.

Peut-être quelques-uns parmi vous ont-ils vu l'émission Market Place diffusée en septembre dernier. On y faisait état notamment d'une succursale à Lynn Lake et d'une autre à Ottawa que les banques avaient voulu fermer. Les gens ont protesté, et une des banques s'est rendu compte que cela causait effectivement des problèmes. Finalement, des mesures ont été prises a posteriori par les banques. C'est ce genre d'erreurs qu'il s'agit d'éviter, parce qu'elles ont des effets sur la population et sur l'économie. Ce sont des effets qui sont très éparpillés, qui sont difficiles à intégrer et à mesurer, mais ils n'en sont pas moins réels.

Le même bureau de protection des consommateurs pourrait aussi garder l'oeil ouvert sur la question des heures d'ouverture des succursales parce que, dans certains cas, elles diminuent rapidement. On a parlé plus tôt d'une caisse populaire. Il en va de même pour les banques. Il y a là à tout le moins quelque chose à surveiller.

Un dernier point porte sur les réseaux de succursales et devrait être pris en compte par le ministre des Finances lorsqu'il examine des opérations importantes comme les projets de fusion. Les autorités américaines en tiennent compte régulièrement. Ainsi, lors de la fusion de la First Union Corporation et de la Corestates Financial Corporation, l'an dernier, une entente a été soumise à l'approbation des autorités par laquelle l'institution survivante s'engageait à ne fermer aucune succursale dans un quartier à faible revenu à moins d'en maintenir ou d'en ouvrir une dans un rayon d'un tiers de mille de celle qui ferme, et ce, pendant deux ans après la fusion. Quand je regarde la situation à Montréal et les fermetures qu'on y effectue, je ne puis que constater que nous sommes très loin des résultats obtenus actuellement aux États-Unis.

Un service abordable est évidemment un élément essentiel. Ce n'est pas tout d'ouvrir un compte de banque, il faut aussi pouvoir en payer les frais. À cet égard, les efforts des institutions financières varient beaucoup actuellement. Quelques-unes offrent des forfaits intéressants; je pense entre autres à la CIBC et aux Caisses Desjardins au Québec où, pour des montants relativement faibles, on permet aux gens de faire un petit nombre de transactions, ce qui est mieux que rien. Mais ces forfaits sont en général mal connus, les institutions financières faisant, hélas, peu d'efforts pour y sensibiliser leur clientèle, pour l'informer qu'ils existent.

Cela reflète un problème chronique et sérieux qui existe dans ce marché: il est extrêmement difficile pour les consommateurs de s'y retrouver. Il y a une variété de comptes, de forfaits et de variantes. Les dépliants et les brochures sont, dans bien des cas, incompréhensibles. À titre d'exemple, l'an dernier, notre magazine a fait une étude sur les frais bancaires. Nous avons dressé quatre profils de consommateurs et avons demandé aux principales institutions quel compte elles suggéreraient d'ouvrir à ces catégories de personnes et combien cela leur coûterait par mois. Or, il y a des gens des sièges sociaux de quelques institutions financières qui ont fait des erreurs de calcul. Alors, imaginez le consommateur; il n'y comprend rien.

Tout récemment, le Bureau de la consommation d'Industrie Canada rendait publics les résultats d'une première enquête annuelle sur les frais bancaires. Ces résultats illustrent également la complexité et la diversité des comptes d'affaires. C'est un premier pas intéressant, mais il faut faire davantage.

• 1650

Comme on l'a mentionné plus tôt, il est flagrant que la tarification actuelle pousse la clientèle vers les opérations électroniques. En voici un exemple simple: à la Banque Toronto-Dominion, dans un compte «Croissance», l'automne dernier, les frais étaient de 60 ¢ pour un retrait en succursale et de 40 ¢ pour un retrait au guichet automatique; ils étaient de 1,90 $ pour le paiement d'une facture en succursale et de 40 ¢ au guichet.

Les banquiers nous disent que les transactions électroniques sont moins coûteuses. C'est bien possible, mais il existe très peu de données publiées qui nous permettent de porter un jugement là-dessus. Il y a encore moins de chiffres qui permettraient d'évaluer la rentabilité des opérations électroniques. Bref, actuellement, on ne sait pas combien cela coûte aux banques et quels profits elles font, ou ne font pas, grâce aux services courants.

On sait cependant qu'une opération bancaire sur Internet coûte à peu près 1 ¢ à la banque. Croyez-moi, les tarifs qu'elle charge au client sont plus élevés que cela et les marges bénéficiaires sont sans doute fort honorables. Mais on n'a pas de données précises pour le vérifier. Il serait possible de prendre des mesures concrètes pour augmenter la visibilité et l'intelligibilité des documents concernant les frais bancaires, comme des autres documents dont parle le rapport MacKay.

L'évolution du marché devrait aussi faire l'objet d'une veille continue et, comme je l'ai mentionné plus tôt, le Bureau de la consommation a mis ce processus en marche. Un éventuel groupe de protection des consommateurs pourrait sûrement faire mieux et davantage.

Il est également nécessaire que des mesures soient mises en place pour accroître la transparence, comme la divulgation des états financiers des institutions, afin qu'on sache vraiment de quoi on parle.

En guise de conclusion, les services bancaires, comme on l'a dit aussi plus tôt, sont essentiels. Malheureusement, les pratiques bancaires actuelles tiennent à l'écart une part croissante de la population. En fait, les banquiers favorisent actuellement l'émergence d'un secteur bancaire marginal, fait de prêteurs sur gages et de boîtes comme Insta-Chèques. Cela n'avantage personne. C'est une évolution qui peut être évitée dans la mesure où les institutions financières prennent en compte les besoins réels de leurs clients.

Il semble malheureusement qu'on devra les pousser un peu à le faire par quelques mesures législatives légères, mais qui permettraient au moins à tous les Canadiens d'avoir accès à des services de base personnalisés abordables. En effet, pour des millions de Canadiens, l'avenir du secteur financier canadien n'évoque pas certaines mutations dans le pouvoir des banques ou certaines autres questions de structure, aussi importantes soient-elles. Cela signifie essentiellement une chose très concrète: serai-je encore capable d'aller à la banque? C'est par la réponse que le Canada donnera à cette question que les Canadiens vont juger si la réforme qui s'annonce est bonne ou mauvaise.

Merci beaucoup.

Le vice-président (M. Nick Discepola): Merci, monsieur St-Amant. Nous allons tout de suite passer à des questions des députés. Nous allons d'abord donner la parole à M. Ken Epp, du Parti réformiste.

[Traduction]

M. Ken Epp (Elk Island, Réf.): Merci, monsieur le président, et merci à tous les témoins d'avoir accepté de nous faire part de leur point de vue.

D'entrée de jeu, je voudrais m'excuser de ne pas parler français. J'ai grandi dans une région du Canada qui ne comptait aucun francophone à l'époque. Lorsque j'étais aux études, comme j'aimais les maths et les sciences, j'ai choisi ces options plutôt que le français. C'est malheureux, car je pourrais aujourd'hui communiquer avec vous dans votre langue. Mais les étudiants à qui j'ai enseigné étaient ravis que je leur parle anglais, puisque c'était leur langue à eux aussi.

J'en viens au fait. Vous avez bien décrit la démoralisation de ceux qui appartiennent aux divers groupes représentés ici—les personnes âgées, les handicapés et ceux qui ne sont pas très riches—devant leur incapacité à obtenir des services bancaires. Je prête une oreille sympathique à vos propos, lorsque vous dites qu'il est essentiel aujourd'hui dans notre société de pouvoir mener des transactions financières, c'est-à-dire de pouvoir recevoir de l'argent et de le dépenser.

J'ai l'impression que les problèmes que vous avez signalés devraient pouvoir se résoudre facilement. Je ne suis ni un ami ni un avocat des banques, je peux vous l'assurer, mais devant la description de certains des obstacles auxquels vous vous heurtez, je ne puis m'empêcher de me demander pourquoi les banques agissent ainsi, puisqu'elles ne tirent aucun avantage à se faire des ennemis parmi vous. Cela ne leur donne rien non plus de refuser de faire des affaires.

• 1655

Je peux comprendre la raison d'être de certains des règlements bancaires. Ainsi, pour ce qui est des pièces d'identité et de l'obligation d'avoir un compte avec la banque avant de pouvoir toucher votre chèque, c'est sans doute dû au fait que certaines personnes se sont présentées déjà à la banque en prétendant que le chèque qu'elles avaient en main était le leur, alors qu'elles l'avaient trouvé, ou volé, peu importe. Or, j'imagine que la banque s'est trouvée flouée à son tour, lorsque le véritable bénéficiaire du chèque s'est présenté au guichet pour réclamer son argent. J'imagine que c'est à cause de cela que tout a commencé. Si nous vivions dans une société où tous étaient honnêtes, les banques et les gens d'affaires n'auraient sans doute pas à ériger ce genre d'obstacle. Mais c'est une réalité de la vie que nous allons devoir accepter. J'ignore ce que vous en pensez, mais je ne sais pas comment éviter cette situation.

À l'époque de mon enfance, en Saskatchewan, nous n'avions pas de serrure sur nos portes. Aujourd'hui, non seulement mes parents ont-ils une serrure, mais ils ont une serrure à pêne dormant, parce que les moeurs ont changé. À l'époque, on laissait sa porte déverrouillée, pour le cas où quelqu'un aurait besoin de profiter de la chaleur de votre foyer pendant votre absence. Aujourd'hui, on verrouille sa maison pour éviter que des intrus n'y pénètrent pour voler vos biens.

Les choses ont évolué. Mais comment nous adapter? J'ai entendu certaines suggestions, notamment de réglementer les banques et de légiférer pour les obliger à garder leurs succursales ouvertes qu'elles soient rentables ou non. Je me demande s'il est vraiment réaliste d'exiger qu'une entreprise, comme une banque, garde ses portes ouvertes et ne mette pas à pied son personnel, même si elle n'est pas rentable? Après tout, on n'exige pas cela d'autres entreprises. On n'exige pas des pharmacies qu'elles nous vendent leurs produits à moins du prix coûtant et à un prix moindre que ce qu'il leur en coûte pour les commercialiser. Il faut tenir compte de cet aspect.

Ce qu'a dit Mme Laine m'a particulièrement intéressé. Elle a expliqué qu'il pouvait être très frustrant pour les assistés sociaux de ne pouvoir ouvrir un compte bancaire. J'aimerais qu'elle me vise si la centaine de familles qui habitent dans l'appartement à loyer modique dont elle parle s'opposent à être obligés de prouver leur identité au moment où elles veulent toucher un chèque.

Mme Daren Laine: Non.

M. Ken Epp: Donc, pas de problème. Elles sont d'accord pour présenter une carte d'identité avec une photo.

Mme Daren Laine: Oui. Elles jugent que c'est raisonnable comme demande. En fait, ces gens se promènent d'habitude avec toutes leurs pièces d'identité sur eux, même leur passeport.

M. Jacques St-Amant: Je conviens avec M. Epp que les moeurs ont changé et que les banques sont une facette encore plus essentielle à la vie moderne que naguère.

[Français]

Pourquoi les banques sont-elles parfois réticentes à desservir une partie de la population? C'est peut-être, entre autres, parce qu'il s'agit de clientèles qui ne sont pas rentables, ou moins rentables que d'autres, malheureusement.

Vous parliez de l'identification et des risques de fraude. Je reviens aux données que je citais et qui proviennent du receveur général du Canada. Il y a à peine un centième de 1 p. 100 des chèques émis par le receveur général dans une année qui sont falsifiés par la suite. Selon les données qu'on a reçues par ailleurs du ministère québécois qui gère le domaine de l'aide sociale, le nombre des chèques falsifiés varie autour de un millième de 1 p. 100. Faudrait-il imposer des exigences excessives à tout l'ensemble de la population quand on voit la faible occurrence de ces fraudes? Je n'en suis pas certain. C'est un peu comme si on disait qu'il faut placer un policier à chaque coin de rue. Cela réduirait sûrement la criminalité, mais cela entraînerait des coûts et des inconvénients qu'on préfère éviter.

Vous parliez de mieux encadrer les fermetures éventuelles des succursales. Il y a déjà, au Canada et ailleurs, des entreprises privées qui font l'objet de contraintes très particulières et qui ne peuvent pas cesser de desservir la clientèle à leur gré. Je pense aux entreprises de téléphonie: Bell Canada, B.C. Tel, Telus Corporation, etc. Je pense aux transporteurs ferroviaires qui ne peuvent pas, de but en blanc, demain matin, décider qu'ils abandonnent un bout de ligne. Ils doivent s'engager dans un processus pour en obtenir l'autorisation. C'est la même chose dans le domaine du transport aérien et dans d'autres domaines, parce que ces entreprises offrent des services qui sont essentiels à la vie de notre société.

• 1700

Ce que nous proposons n'est pas complètement innovateur ou irréaliste; ce sont des choses qui existent dans d'autres secteurs industriels et, dans certains cas, dans d'autres États, entre autres aux États-Unis. Donc, c'est tout à fait possible. Bien sûr, on n'a peut-être plus besoin de la succursale traditionnelle dans tous les cas. Bien sûr, une succursale de la taille de cette salle dans un certain quartier n'est peut-être pas nécessaire à cet endroit. Peut-être peut-on envisager un local plus petit ou occuper un espace dans un marché d'alimentation. Nous trouverions cela fort convenable en autant que les services demeurent accessibles, tant qu'il y a des caissiers en chair et en os et tant que ces services-là demeurent abordables. Mais les banques, en général, remplacent la succursale par un guichet automatique. C'est ce qui ne va pas.

[Traduction]

M. Ken Epp: Les gens que vous représentez seraient d'accord à ce qu'on dépose directement leurs chèques, par exemple? Si je comprends bien, bon nombre d'entre eux reçoivent de l'argent du gouvernement sous forme de chèques de pension, ou de chèques de bien-être social, par exemple. Je sais que le gouvernement prône le dépôt direct, car cela lui permet d'économiser. Cela coûte beaucoup moins cher de traiter les paiements électroniquement, et cela permet de virer directement l'argent dans les comptes. Cela évite d'avoir à retenir les fonds, car dès que le gouvernement du Canada vire de l'argent dans un compte, cela équivaut à du comptant. Plus besoin de retenir les fonds, et les gens peuvent se présenter à la banque le jour même où le chèque est déposé, pour recevoir la somme qu'ils désirent retirer après avoir montré une pièce d'identité.

Je trouve que cette façon de faire est préférable, car si l'on perd le contrôle du chèque qui a été émis, c'est-à-dire s'il devient trop facile de toucher les chèques, on augmente le risque que les personnes âgées, par exemple, fassent l'objet d'un vol. Il faut absolument éviter que des voyous puissent, n'importe où, aller voler les chèques des personnes âgées puis aller les toucher facilement, sans autorisation.

Seriez-vous d'accord avec le dépôt direct, et cela présente-t-il une solution?

Mme Daren Laine: J'aimerais répondre. C'est une question très importante car elle touche tous les citoyens, et pas seulement les locataires de notre édifice qui n'ont que de faibles revenus.

La ville de Montréal, qui administre notre unité de logement à loyer modique, a déjà lancé une campagne monstre pour expliquer le dépôt direct. Dans mon cas personnel, mes chèques de bien-être ne sont pas déposés directement. Toutefois, je m'explique mal ma réticence, puisque la ville de Montréal peut prélever directement le montant de mon loyer. Je ne vois pas pourquoi j'hésiterais à faire déposer directement mes chèques de bien-être dans mon compte, mais j'ai l'impression que j'aime bien recevoir en main propre mon chèque. J'hésite à tout faire faire par voie électronique, à faire envoyer mon chèque à la banque et à le faire retirer de la même façon... C'est comme si je n'existais même pas, puisqu'aucune de ces transactions n'exige ma présence. Je sais très bien que c'est une bonne chose, logiquement parlant, mais il reste que j'ai l'impression de n'avoir aucune mainmise sur mon argent.

M. Ken Epp: C'est très curieux.

Le vice-président (M. Nick Discepola): Nous allons nous en tenir pour commencer à des tours de 10 minutes. D'accord? Vous avez déjà eu 11 minutes à votre disposition, et il y a un vote à 18 h 15.

M. Ken Epp: Me laissez-vous le temps de poser une toute petite dernière?

Le vice-président (M. Nick Discepola): Très bien.

M. Ken Epp: Je pense que vous exprimez ce que ressentent beaucoup de gens, et j'en ai rencontré qui m'ont dit la même chose. Est-ce qu'on ne pourrait pas les rassurer un peu mieux? Je ne sais comment on s'y prendrait, mais cela fait moi-même 14 ans que je fais déposer directement mon chèque à la banque. Pendant tout ce temps, chaque fois que j'allais chercher 100 $ à un guichet automatique avec ma carte, il me suffisait de taper mon numéro NIP à quatre chiffres, et je recevais l'argent comptant, accompagné d'un relevé me disant combien d'argent il me restait dans mon compte. Et ça marchait à chaque fois. Cela pourrait être une solution, mais il faudrait rassurer la population. Mais comment faire? J'imagine que vous pourriez répondre mieux que moi.

Le vice-président (M. Nick Discepola): Demandons peut-être à deux autres témoins de répondre.

• 1705

[Français]

Monsieur Vaudreuil, puis monsieur St-Amant.

M. François Vaudreuil: La question du dépôt direct est très intéressante parce qu'elle nous ramène à un problème de fond, celui d'offrir des services bancaires personnalisés aux clients. Lorsque nous parlons de services bancaires personnalisés, nous sous-entendons des services humains. Afin de respecter cette approche axée sur la prestation de services humains, on doit donner aux clients la possibilité de choisir entre le dépôt direct et la conservation des chèques. On doit respecter le choix de chaque personne. L'automatisation des services bancaires, comme l'arrivée de nouvelles technologies dans tout milieu de travail, suscite certaines craintes et crée un sentiment d'insécurité. Je crois qu'à ce jour, les banques n'ont pas assumé leur responsabilité de sécuriser leurs clients. On n'a qu'à penser à l'insécurité que doivent ressentir le grand nombre de Canadiens analphabètes. Je ne connais pas beaucoup de banques qui facilitent l'accès à ces citoyens-là; elles les excluent. Nous n'acceptons pas que dans une société, certaines personnes soient exclues. À ce qu'on sache, les banques n'ont pas de difficultés. Elles devraient donc se pencher sur les problèmes de l'analphabétisme et de la résistance au changement.

On veut essentiellement que vous légifériez afin que les personnes continuent d'avoir le choix de faire leurs transactions comme elles le veulent. Au lieu de faire du marketing pour expliquer des programmes fort complexes, les banques devraient travailler à vulgariser les opérations bancaires et à aider les gens qui en ont besoin en leur offrant de véritables services personnalisés humains. Ce n'est pas compliqué, ce qu'on demande: on veut que les banques s'occupent des gens. À notre avis, c'est là une de leurs responsabilités de fond.

Nous croyons que chaque individu devrait avoir un libre choix face au dépôt direct et que les banques devraient avoir la responsabilité d'accompagner les individus qui auront choisi cette voie afin qu'ils puissent apprendre à utiliser les nouvelles technologies.

Le vice-président (M. Nick Discepola): Monsieur St-Amant, cela présuppose évidemment qu'une personne qui opte pour le dépôt direct a déjà ouvert un compte à une banque.

M. Jacques St-Amant: Monsieur le président, vous m'enlevez les mots de la bouche; vous avez deviné mes pensées. Comme le mentionnait M. Vaudreuil, le premier élément porte sur le choix que feront les gens. Deuxièmement, il faut que les institutions financières acceptent d'ouvrir des comptes. Troisièmement, il ne faut pas perdre de vue le fait qu'il devient de plus en plus facile, même pour le consommateur moyen ou à l'aise, de perdre complètement le contrôle de son compte parce qu'il y a des fonds qui entrent par dépôt direct, tandis que d'autres sortent par débit préautorisé. Des erreurs se glissent malheureusement très souvent au niveau des débits préautorisés, de sorte qu'on ne sait même plus combien il nous reste dans le compte et qu'on se retrouve à découvert parce qu'un débit préautorisé est arrivé trop tôt ou qu'on a oublié une transaction. Il peut y avoir de très bonnes raisons pour lesquelles les gens préfèrent maintenir les transactions sur papier et comprendre ce qui se passe.

Le vice-président (M. Nick Discepola): Très brièvement, monsieur Lagacé.

M. Roger Lagacé: Monsieur le président, veuillez me permettre de renchérir sur les propos émis par M. Vaudreuil et de parler plus particulièrement des retraités et des personnes âgées. Mon collègue André Sénéchal faisait allusion à la ville de Montréal-Nord, dont je suis un résidant. Sa population s'élève à 83 000 personnes, dont 17 000 sont des personnes retraitées et des personnes âgées, soit environ 20 p. 100 de la population. Comme l'expliquait M. Vaudreuil, pour toutes sortes de facteurs, dont l'analphabétisme, lorsque ces personnes se retrouvent devant un guichet automatique, elles sont prises de panique face à cette nouvelle technologie qu'elles se sentent incapables de contrôler. Ces personnes souffrent peut-être de perte d'autonomie et elles n'ont peut-être plus l'esprit aussi aiguisé qu'il y a quelques années. Le fait de voir toute une file de gens derrière elles peut les angoisser et être cause de panique. Ce sont des éléments fort importants dont nous devons être conscients, et nous demandons au gouvernement canadien d'en tenir compte. La situation est la même partout au pays. Qu'une personne soit âgée de 65 ou 85 ans et qu'elle vive à Montréal-Nord, à Montréal, Winnipeg ou Vancouver, elle connaîtra exactement les mêmes problèmes.

• 1710

Nous réclamons donc un service personnalisé. La suggestion du député Epp, qui proposait justement le dépôt intégral dans le livre bancaire, représente sûrement une partie de la solution, mais ce n'est pas la seule. Lorsque vous devez vous présenter à votre institution bancaire pour faire un retrait, un virement ou un dépôt, vous retrouvez cette file d'attente et vous devez faire vos transactions pendant des heures d'ouverture limitées. Comme je l'indiquais lors de ma présentation, leurs heures d'ouverture, qui étaient de 10 heures à 15 heures auparavant, sont maintenant de 11 heures à 14 heures. On doit faire face à une foule de problèmes semblables au plan humain. Même si des préposés tentent d'enseigner aux retraités et aux personnes âgées comme se servir de ces fameuses machines et que ces derniers apprennent graduellement à les maîtriser, chaque fois qu'ils s'en servent, ils sont pris de panique. Bien qu'une personne de 70, 75 ou 80 ans puisse assimiler certains concepts, je doute énormément qu'elle puisse maîtriser complètement la situation. Je vous remercie.

Le vice-président (M. Nick Discepola): Merci. Deux autres témoins avaient également demandé de prendre la parole. Ils pourront peut-être exprimer leur point de vue lorsqu'ils répondront aux questions des prochains intervenants.

Monsieur Loubier, je vous accorde 18 minutes et 20 secondes.

M. Yvan Loubier (Saint-Hyacinthe—Bagot, BQ): Merci, monsieur le président.

Bienvenue et félicitations pour votre présentation. Vos interventions confirment qu'on a bien fait de travailler fort pour obtenir une prolongation des consultations sur le rapport MacKay. Vous nous apportez un éclairage tout à fait différent de ce qu'on a entendu depuis le début des audiences sur ce rapport. Vous nous présentez un point de vue qui met d'abord et avant tout l'humain à l'avant-scène et évoquez toutes les préoccupations qui gravitent autour de cet aspect. C'est tout à votre honneur. Je suis bien heureux que vous soyez ici aujourd'hui.

En 1997, connaissant ou anticipant les problèmes éprouvés par les gens face au secteur bancaire, on avait proposé la création d'un comité parlementaire spécial qui, à tous les ans, recevrait les doléances des représentants des consommateurs, des personnes assistées sociales, des personnes handicapées et des personnes âgées sur les frais bancaires et sur les services ou l'absence de services. On proposait que les banques aient à rendre des comptes à ce comité et soient tenues de rentrer dans le rang si elles étaient reconnues fautives en ce qui a trait aux frais et aux services non offerts.

Est-ce que vous appuyez la création d'un tel comité parlementaire spécial, investi même d'un pouvoir d'enquête sur le secteur bancaire et sur les services, les frais et les situations de discrimination?

C'est ma première question; d'autres suivront par la suite.

M. Jacques St-Amant: Merci. Il est évident qu'une intervention parlementaire plus active pourrait être bénéfique. Il me semble que le rôle essentiel d'un tel comité serait, dans le fond, de faire en sorte que les problèmes soient mis sur la place publique. La question de l'accès est sur la place publique depuis des années, et on ne constate malheureusement pas de changements très rapides. Bien qu'un tel comité puisse être utile, je crains qu'il s'avère insuffisant.

M. Yvan Loubier: Monsieur St-Amant, cette commission parlementaire spéciale aurait le pouvoir d'obliger les succursales bancaires à corriger leur tir et des situations semblables à celle que vous avez évoquée plus tôt au sujet de la carte d'identité. La présence d'un tel comité parlementaire spécial, investi du pouvoir de réglementation et du droit d'obliger les succursales bancaires à rentrer dans le rang aurait corrigé ce problème qui persiste depuis deux ans.

M. Jacques St-Amant: Oui, sans doute. Je ne suis cependant pas sûr que les députés de la Chambre des communes auraient le temps de siéger assez régulièrement pour entendre l'avalanche de plaintes qu'ils risqueraient de recevoir. Dans ce contexte, je serais tenté de croire qu'il faudrait peut-être envisager la mise sur pied d'un organisme administratif permanent. Dans votre rapport préliminaire, vous recommandiez la création d'un bureau de protection du consommateur. Cela pourrait s'avérer un outil fort important.

De toute évidence, les parlementaires peuvent jouer un rôle important, mais je ne suis pas certain que vous teniez à vous engager dans le règlement des milliers de litiges qui opposent, à tous les ans, les Canadiens aux institutions financières. Il y a peut-être lieu de chercher encore l'outil le plus adapté aux besoins.

• 1715

M. Yvan Loubier: Vous avez parlé du gel des fonds tout à l'heure et donné l'exemple de la loi aux États-Unis. Est-ce qu'aux États-Unis, on a interdit tout simplement cette pratique-là ou si elle est acceptable dans certaines circonstances?

M. Jacques St-Amant: La loi américaine est assez complexe, mais ses grandes lignes précisent que certaines sommes doivent être immédiatement disponibles, tandis que les autres doivent l'être après des délais qui sont relativement courts. Aux États-Unis, on ne permet pas des situations semblables à celles qu'on permet au Canada, où une banque décide parfois de geler des fonds pendant 10 jours, deux semaines ou un mois, comme on l'a déjà vu.

M. Yvan Loubier: D'accord.

M. Jacques St-Amant: Si vous le souhaitez, je pourrai vous faire parvenir davantage de précisions.

M. Yvan Loubier: Je l'apprécierais. Votre suggestion relative à l'annonce de la fermeture de toute succursale bancaire et à la tenue d'une enquête publique sur les conséquences m'apparaît pas mal intéressante. On pourrait également songer à un processus semblable dans le cas de plaintes au sujet des frais bancaires.

La question que je me pose porte davantage sur les situations qu'on vit à l'heure actuelle. De nombreux citoyens vivent déjà les conséquences des fermetures qui ont été faites par le passé et sont privés de services. On les refoule aux guichets automatiques. Qu'est-ce qu'on fait face à cette situation-là?

Vous nous avez parlé de l'avenir, mais il me semble qu'il nous en manque un petit bout puisqu'à l'heure actuelle, il faudrait peut-être évaluer la situation et corriger certaines iniquités ou situations qui sont préjudiciables aux gens. Qu'est-ce que vous en pensez?

M. Jacques St-Amant: De toute évidence, cette question n'est pas simple. Si le Parlement voulait aller jusqu'à dire aux institutions financières qu'elles doivent offrir des services et que, si elles ne le font pas, il va prendre des mesures, ma foi, nous n'y verrions pas d'objections. Si on décidait de ne pas aller jusque-là, il faudrait davantage compter sur le rôle que pourrait jouer la pression publique, peut-être par l'entremise d'un comité semblable à celui que vous évoquiez plus tôt. Comme l'indique l'étude qu'a faite Option Consommateurs l'an dernier, il y a des régions entières au Canada où il y a très peu de services. Dans certains cas, les interventions de députés ont réussi à sauver ce qui existait. Mais il faut tenir au débat sur la question du niveau de services, qui sera peut-être différent, mais qui devrait être acceptable.

M. Normand Guimond: Monsieur Loubier, on a mentionné que les banques qui se proposent de fermer des succursales devraient donner un avis préalable et qu'un comité d'étude devrait évaluer les répercussions qu'auraient ces fermetures. J'irais même jusqu'à proposer qu'un comité de justification local soit créé dans de tels cas. Il faut partir du concept que les institutions financières ont une responsabilité sociale très importante qui se traduit au quotidien dans chaque coin du pays, qu'il soit éloigné ou non des centres urbains.

Je suis heureux que vous ayez posé une question au sujet de la situation actuelle. Il me semble que le désastre a assez duré. Notre coalition serait probablement la première organisation à porter le drapeau réclamant un moratoire afin de mettre fin au désastre important qui est en train de se faire. La banque représente plus qu'un service financier; elle est, entre autres dans le milieu rural, le noyau autour duquel toute la vie sociale et économique se bâtit. On a pu constater son importance lorsque la population de Lac-au-Saumon, dans l'est du Québec, a pris en main sa caisse et a organisé un référendum lors duquel 90 p. 100 de la population a voté en faveur du maintien de la caisse. Les citoyens ont été obligés de se battre pied de terrain par pied de terrain. Dans les centres urbains, c'est plus difficile, mais les mêmes ravages nous guettent.

J'aimerais revenir aux propos de M. Epp et vous dire qu'il me semble que les banques pourraient résoudre de tels problèmes. Enfin, tout dépend de l'importance qu'on leur donne. On ne peut pas se fier aux banques parce qu'elles se préoccupent de protéger les dividendes de leurs actionnaires.

On vous demande de prendre la défense de la population car un nombre grandissant de citoyens subissent quotidiennement des préjudices. Telle est votre responsabilité. M. Martin a dit non aux fusions et j'estime qu'il a pris une décision courageuse d'ici à ce qu'on ait eu le temps de vérifier tout ce qui se passe. On pourrait faire la même chose dans ce cas-ci et imposer un moratoire sur toutes les fermetures. Cela nous permettrait de voir où on s'en va et d'éviter le ravage qui est en train de se faire.

Le vice-président (M. Nick Discepola): Monsieur Lagacé.

M. Yvan Loubier: Est-ce que vous m'accorderez encore du temps par la suite?

Le vice-président (M. Nick Discepola): Oui.

M. Roger Lagacé: Monsieur Loubier, si vous me le permettez, j'aimerais traiter rapidement de la question des frais bancaires. Bien qu'on ait parlé tout particulièrement des personnes âgées un peu plus tôt, je parlerai ici au nom de tous les consommateurs.

• 1720

Quand vous allez au comptoir et faites affaire avec un être humain, les frais sont plus élevés que quand vous allez au guichet automatique. Quand vous payez votre compte de Bell Canada ou d'Hydro-Québec au guichet automatique, c'est gratuit; quand vous le payez à la caissière, les frais sont d'environ 1,75 $. Donc, les frais sont élevés.

L'Association québécoise de défense des droits des personnes retraités demande que les frais soient équitables et non discrétionnaires. Les frais au guichet automatique devraient être les mêmes qu'au comptoir. Il ne faut pas prendre des moyens détournés pour obliger les personnes âgées à se servir des guichets automatiques. On sait que les personnes âgées sont plus près de leurs sous que la population en général. Je vous remercie.

Le vice-président (M. Nick Discepola): Merci. Monsieur Sénéchal.

M. André Sénéchal: Il ne faudrait pas essayer de trouver des solutions pour l'ensemble. On a parlé tout à l'heure du dépôt direct.

Je fais des déclarations de revenus pour les personnes âgées et handicapées. J'en fais à peu près 200 par année. J'ai l'expérience de ces gens-là. Parmi ces gens, il y en a peut-être cinq qui choisissent le dépôt direct. Il est facile de choisir le dépôt direct. On n'a qu'à inscrire qu'on veut le dépôt direct sur sa déclaration de revenus et on l'a. Il ne faut pas aller chercher les solutions les plus simples. Les gens ne veulent pas de ces solutions-là. Ils ne veulent pas du dépôt direct. Ils n'ont pas de compte de banque. La solution la plus simple n'est pas de cocher la case. Il ne faut pas oublier qu'au départ, il faut inscrire son numéro de compte de banque pour avoir le dépôt direct.

Le vice-président (M. Nick Discepola): Monsieur Loubier.

M. Yvan Loubier: Vous avez lu le rapport MacKay, n'est-ce pas? Vous le connaissez bien. Vous le connaissez probablement mieux que la plupart de nous autour de la table.

Dans le rapport MacKay, on parle d'une tendance au décloisonnement des institutions financières. On dit qu'à un moment donné, il sera presque inévitable que non seulement les banques mais aussi d'autres acteurs du secteur financier offrent des services bancaires. C'est ce qu'on appelle le décloisonnement.

Si on limite la réglementation aux banques sans tenir compte de la tendance qui s'annonce, on risque de manquer le bateau. Chez vous, il y a une peut-être banque qui va quitter. Une autre institution financière, qui va pouvoir accepter des dépôts, l'émission de chèques, etc., va prendre la relève, mais ce ne sera pas une banque. Cependant, la loi aura été faite pour les banques.

Comment répondez-vous à cela?

M. Jacques St-Amant: La réponse à votre question est contenue dans la question. Il ne s'agit pas de viser spécifiquement les banques, mais de viser toutes les institutions financières qui, maintenant ou à l'avenir, accepteront des dépôts. Donc, s'il faut des dispositions dans la Loi sur les sociétés d'assurances, par exemple, on en mettra. S'il en faut dans la Loi sur les sociétés de fiducie et de prêt—et il en faudra—, on en mettra. C'est déjà le cas d'ailleurs. Il y a plusieurs domaines qui se recoupent déjà et on retrouve dans les trois lois des dispositions qui concordent. Donc, ce n'est pas un problème essentiel. Il faut actuellement y songer, mais ce n'est pas majeur.

M. Yvan Loubier: J'aimerais poser une dernière question si vous me le permettez, monsieur le président. J'en aurais des centaines, mais on n'a pas assez de temps.

Que pensez-vous des community banks américaines? Les banques communautaires américaines peuvent-elles s'intégrer à la solution à vos problèmes globaux?

M. Jacques St-Amant: Il y a déjà des tentatives qui se font en termes de services bancaires communautaires. Je pense par exemple au microcrédit dans certaines régions ou dans certains quartiers.

Les banques communautaires américaines ont pu se développer parce qu'elles visaient un marché qui est extrêmement différent. C'est un marché dans lequel il y a actuellement quelque 9 000 banques. Jusqu'à il y a quelques années à peine, c'était extrêmement fragmenté. Or, au Canada, un nouveau joueur a beaucoup plus de difficulté à s'installer et à percer. Ça n'est pas impossible, mais ce n'est pas demain la veille.

Le groupe de travail fait le pari qu'avec les réformes qu'il propose, de nouvelles institutions financières émergeront. Ce sera peut-être le cas, mais je ne suis pas disposé à dire qu'il faut penser les réformes en fonction de ça. Si ça arrive, tant mieux, mais il se peut fort bien que ça n'arrive pas ou que ça n'arrive pas partout, loin de là.

M. Yvan Loubier: Mais vous n'êtes pas fermé à ce que M. MacKay propose. En tout cas, cela pourrait être une évolution souhaitable pour les gens.

M. Roger Lagacé: Monsieur Loubier, je sens que vous êtes sur le point de terminer. Permettez-moi de faire un commentaire.

M. Yvan Loubier: Ce n'est pas moi; c'est le président qui veut m'arrêter. C'est pour ça que je me dépêche. Cela ne me dérangerait pas de vous garder jusqu'à minuit.

• 1725

M. Roger Lagacé: Permettez-moi de commenter sur le dépôt direct. J'aimerais vous rappeler et rappeler aux autres députés de ce comité que lors d'une sondage CROP—mon collègue Jacques pourra me reprendre s'il y a lieu—, 26 p. 100 des gens ont dit qu'ils ne se servaient jamais du guichet automatique. Cela ne veut pas dire que ces gens n'ont pas de compte de banque et cela ne veut pas dire, non plus, qu'ils ont tous des comptes de banque. Donc, il faut penser que certaines personnes ne peuvent pas bénéficier du dépôt direct. On ne parle pas seulement des chèques gouvernementaux, mais des chèques de tous ordres. Dans la réflexion qui vous mènera à votre décision, vous devrez vous demander ce qu'il faut faire dans le cas de ces gens. Il faut aussi penser aux chèques personnels. Supposons que je vous fasse un chèque. Devrai-je avoir recours au dépôt direct? C'est un sujet à aborder car il y a des gens qui ne veulent pas du tout du dépôt direct.

M. Yvan Loubier: Merci.

Le vice-président (M. Nick Discepola): Merci.

Madame Redman, s'il vous plaît.

[Traduction]

Mme Karen Redman (Kitchener-Centre, Lib.): Merci, monsieur le président, de me laisser poser une question. Je vous remercie de nous avoir fait part de vos préoccupations, qui viennent s'ajouter à celles d'autres témoins.

D'entrée de jeu, j'aimerais commenter une observation qui a été faite à plusieurs reprises, à savoir que les banques faisaient des profits énormes. À mon avis, on peut dire que les choses vont bien au Canada lorsque les banques font d'énormes profits, puisque plus de 50 p. 100—je pense que ça va chercher jusque dans les deux tiers—des Canadiens sont actionnaires de nos banques. Autrement dit, les Canadiens en profitent eux aussi, lorsque le secteur financier est en bonne santé.

Toutefois, j'aimerais aborder maintenant deux sujets. D'abord, le rapport MacKay suggérait aux institutions financières de publier une déclaration d'investissement dans la collectivité. Avez-vous songé à la possibilité que les banques offrent le choix de certains services à des groupes spécifiques de la population? On pourrait par exemple demander aux banques de faire venir certains segments de la population pour leur montrer comment utiliser les guichets automatiques, afin qu'ils soient plus à l'aise; on pourrait aussi obliger les banques à offrir certains services spéciaux aux clients illettrés ou aux clients handicapés qui sont incapables de se servir du guichet automatique. On pourrait, par conséquent, considérer ces mesures comme étant une déclaration d'intention de la part de la banque d'investir dans la collectivité, et on pourrait obliger les banques à dire si elles y adhèrent et à expliquer pourquoi elles n'y adhèrent pas. Est-ce que cela répondrait à certaines de vos préoccupations?

On a également signalé que les assistés sociaux n'ont souvent pas la pièce d'identité qu'exigent les banques. On a envisagé plusieurs modèles dont l'un était la carte d'identité. Ailleurs, à Toronto, il semble que l'on ait voulu utiliser les empreintes digitales des assistés sociaux, méthode qui répugne sans doute à la plupart d'entre nous. Avez-vous envisagé d'autres solutions pour permettre à ceux qui n'ont pas de permis de conduire d'avoir accès aux services bancaires, tout en protégeant les banques? Les banques cherchent à se protéger, ce qui est légitime, et veulent savoir à qui elles prêtent de l'argent, mais elles sont également obligées d'offrir leurs services à tous les citoyens.

Le vice-président (M. Nick Discepola): S'il n'en tenait qu'à M. Loubier, nous utiliserions la carte d'électeur pour les services bancaires aussi.

[Français]

Monsieur St-Amant.

M. Jacques St-Amant: Permettez-moi de ne pas commenter cet élément. Au Comité permanent de l'industrie, vous avez des collègues qui s'intéressent actuellement à la protection des renseignements personnels. Si vous me le permettez, je réserverai mes commentaires là-dessus. Autrement, on en aurait pour jusqu'à minuit.

À l'égard de la publication du rapport sur la responsabilité envers les collectivités dont parlait le groupe de travail, c'est une idée qui, en soi, est fort intéressante. Malheureusement, dans le rapport du groupe de travail, elle est présentée en termes très généraux, très vagues. Ça pourrait effectivement devenir un simple exercice de relations publiques, et cela ne serait utile à personne.

Je pense qu'il serait bon de s'aligner vers cela, mais il faudrait qu'il y ait un encadrement quant au contenu des rapports de ce genre. Il faudrait sans doute aussi qu'il y ait une procédure quelconque qui permettrait de les examiner publiquement quelque part. Le comité de la Chambre dont parlait tout à l'heure le député de Saint-Hyacinthe—Bagot pourrait être un lieu intéressant.

Quant à la question de l'identité, nous partageons l'inquiétude que vous avez exprimée dans votre rapport préliminaire à l'égard de la recommandation du groupe de travail qui parlait de la création d'une carte. Nous sommes d'avis que la création d'une carte spécifiquement pour cela n'est pas une solution. Les gens ont toutes sortes d'identifiants qui peuvent varier. La question de l'identification est extrêmement complexe. Demander aux gens d'associer de façon spécifique une pièce à un acte n'est pas très réaliste ou très pratique. Il suffit d'imaginer qu'on se fasse voler sa carte, par exemple. On aurait un sérieux problème.

• 1730

La réglementation fédérale actuelle permet à une personne d'ouvrir un compte dans une institution financière en présentant une seule pièce d'identité. Là je pense au règlement sur le recyclage des produits de la criminalité.

La règle G8 de l'Association canadienne des paiements encadre, quant à elle, l'encaissement de chèques fédéraux pour des gens qui n'ont pas de compte. On dit dans cette règle, qui a été établie dans le cadre d'une entente entre le ministère fédéral des Travaux publics et le secteur financier, qu'on exige une carte s'il y a photo et signature, sinon deux cartes. Ces exigences sont relativement acceptables, parce que les données dont on dispose indiquent que la grande majorité des Canadiens, soit 98 p. 100, ont deux cartes.

Mais on a actuellement des problèmes sur le terrain. En pratique, certaines institutions financières exigent davantage de cartes ou exigent des cartes spécifiques. Ça va bien si vous avez votre passeport, par exemple. La vie est belle! Mais si vous êtes une personne à faible revenu ne voyageant pas et n'ayant jamais voyagé, vous n'avez pas de passeport. Vous avez peut-être votre carte d'assurance-maladie et vous avez égaré votre carte d'assurance sociale il y a déjà un certain temps. Cela peut devenir compliqué quand on a trop d'exigences.

Donc, actuellement, la loi fédérale permet d'ouvrir un compte avec une carte selon les amendements qui ont été apportés l'automne dernier, si j'ai bonne mémoire. On parle de droits mis à jour récemment. Si cela suffit pour le ministère de la Justice et le ministère des Finances, il me semble que cela devrait suffire pour les banquiers.

M. Roger Lagacé: Merci de votre question, madame la députée. Votre première question concernait les groupes communautaires. Il serait possible de sensibiliser les personnes âgées, que je représente, et peut-être même de leur offrir de la formation.

Mon association, l'AQDR, l'Association québécoise de défense des droits des personnes retraitées, l'a déjà fait dans le passé. Nous organisons beaucoup de conférences dans une année, qui concernent entre autres la fiscalité et le revenu. Nous avons demandé la collaboration du personnel de certaines institutions financières. Ces gens viennent initier des personnes âgées ou retraitées au guichet automatique. On a là un groupe homogène. Tout le monde se connaît, c'est dans la même résidence, etc. Dans un tel cas, il est plus facile de faire cette initiation que si on est dans l'institution financière même, quand il y a des gens qui attendent depuis 15 ou 20 minutes. La panique est moins grande.

C'est un des éléments d'une solution, mais ce n'est pas la solution entière. Pour faire cette formation-là, il faut que les gens consentent à y participer. Si vous voulez faire cette formation-là et que vous invitez les gens à y venir, certains viendront et assisteront au début de la présentation mais ne resteront pas jusqu'à la fin. D'autres ne viendront pas du tout.

Ensuite, une bonne partie des personnes retraitées et des personnes âgées restent isolées dans leur demeure. Elles n'en sortent jamais pour telle ou telle raison personnelle, et nous respectons leur décision. D'autres ne s'intéressent pas du tout à ce type de conférence. Donc, on ne peut pas rejoindre l'ensemble des membres de mon association et l'ensemble des groupes communautaires et des personnes retraitées et âgées.

Je vous remercie.

Le vice-président (M. Nick Discepola): Merci.

Madame Redman, avez-vous d'autres questions?

Docteur Bennett, s'il vous plaît.

[Traduction]

Mme Carolyn Bennett (St. Paul's, Lib.): J'ai une question à l'intention de M. Sénéchal. Pourriez-vous me dire qui a commandé le rapport auquel vous avez fait allusion et pour qui il a été préparé? Vous comprendrez que notre comité aimerait bien mettre la main dessus.

Je préside un sous-comité de DRHC s'intéressant aux personnes avec des incapacités, et ce rapport m'intéresse. Je ne le connaissais pas.

[Français]

M. André Sénéchal: Il vient de la Chambre des communes.

[Traduction]

Mme Carolyn Bennett: Mais quel était le nom du rapport?

[Français]

M. André Sénéchal: Je vais vous donner l'explication, madame Bennett.

Le vice-président (M. Nick Discepola): Il ne vient pas de la Chambre des communes.

M. André Sénéchal: Non, non, je vais vous donner une explication.

[Traduction]

Le vice-président (M. Nick Discepola): Ce rapport a bénéficié de l'aide du gouvernement fédéral, mais il ne s'agit pas d'un rapport de la Chambre des communes.

Mme Carolyn Bennett: Je me demandais si l'on pouvait avoir le titre du rapport.

Le vice-président (M. Nick Discepola): Vous l'aurez. La greffière l'a, et vous pourrez l'obtenir après la séance.

• 1735

Mme Carolyn Bennett: Il a dit que c'était 4 millions de dollars. Je me demande qui a payé ces 4 millions de dollars.

Le vice-président (M. Nick Discepola): Le gouvernement a versé ces 4 millions de dollars.

Mme Carolyn Bennett: À quel groupe?

[Français]

M. André Sénéchal: Je vais vous expliquer, madame.

Dans un des derniers budgets fédéraux, on a dit qu'on allait aider les personnes handicapées. Comme d'habitude, les régions autres que le Québec se sont mises ensemble. Chez nous, c'est le CAMO, le Comité d'adaptation de la main-d'oeuvre, qui gère ce programme. Notre rôle est de trouver des emplois aux personnes handicapées. Je suis certain qu'une copie a été envoyée à Ottawa. Cela a été fait avec les fonds que vous donnez aux régions.

M. Yvan Loubier: Donc, ce n'est pas un rapport du fédéral?

M. André Sénéchal: Non, c'est un rapport québécois. Vous devez en avoir au fédéral, mais c'est un rapport québécois.

M. Yvan Loubier: Mme Bennett était estomaquée parce que...

Mme Carolyn Bennett: Qu'est-ce que le Groupe DBSF?

M. André Sénéchal: C'est le groupe qui a fait le rapport pour le compte du Comité d'adaptation de la main-d'oeuvre des personnes handicapées.

[Traduction]

Le vice-président (M. Nick Discepola): Et ce groupe bénéficie de l'aide gouvernementale. C'est là qu'interviennent les 4 millions de dollars. Est-ce clair maintenant?

Mme Carolyn Bennett: Je n'en suis pas sûre, mais je m'arrête ici.

Le vice-président (M. Nick Discepola): Monsieur Guimond.

[Français]

M. Normand Guimond: C'est un bel exemple de la façon dont on sait bien utiliser les fonds du Canada quand on en a le contrôle.

Des voix: Ah, ah!

M. Yvan Loubier: C'est une bonne leçon pour... [Note de la rédaction: Inaudible].

M. André Sénéchal: C'est ce que je voulais dire, mais j'étais trop gêné. Mon ami Normand l'est moins que moi.

M. Normand Guimond: La firme DBSF, qui a fait cette recherche, est une firme d'experts-conseils. Elle l'a faite pour équiper le comité qui a travaillé à bâtir le programme de création d'emplois pour les personnes handicapées.

[Traduction]

Mme Carolyn Bennett: Mon travail consiste à m'assurer que les rapports ne dorment pas sur des tablettes et que nous faisons vraiment quelque chose pour les handicapés, c'est-à-dire que l'on partage les meilleures pratiques qui existent partout au pays. Il ne suffit donc pas d'avoir un rapport, il faut aussi savoir ce qu'il y a dedans.

Le vice-président (M. Nick Discepola): Votre Comité du développement des ressources humaines voudra peut-être les contacter.

Mme Carolyn Bennett: Oui.

Le vice-président (M. Nick Discepola): Très bien.

M. Scott Brison (Kings—Hants, PC): Merci, monsieur le président.

Je vous remercie tous de vos interventions d'aujourd'hui. Il est très utile de bien comprendre les problèmes que pose l'utilisation des services bancaires à tous les Canadiens.

Le groupe de travail MacKay a fait des recommandations très vagues concernant un ensemble fondamental de services bancaires offerts à tous les Canadiens, peu importe leur revenu, leur handicap ou quoi que ce soit d'autre. Et ce rapport nous aidera à définir la mécanique du système, et ainsi nous pourrons faire des recommandations précises.

Savez-vous que les banques à charte offrent aujourd'hui des programmes pour les personnes ayant des besoins particuliers? Les banques offrent de tels programmes aux personnes handicapés ou illettrés. Le problème se pose entre autres au niveau de l'identification. Est-ce qu'il vous serait utile, par exemple, d'avoir une carte prouvant que vous avez des besoins spéciaux, qui vous identifierait auprès de la succursale, sans la moindre difficulté, et qui permettrait à la personne handicapée ou analphabète de communiquer directement et sans problème avec le caissier? C'est une solution très simple, mais est-ce qu'on a discuté de cette proposition ou de cette idée? Qu'en pensez-vous?

[Français]

M. Jacques St-Amant: D'une part, c'est un fait que la plupart des institutions financières, sinon toutes, ont des programmes qui permettent d'aider certains types de clientèles. On a d'ailleurs collaboré à l'occasion avec certaines banques pour en raffiner quelques-uns. Malheureusement, ces programmes sont souvent très mal connus, ou alors ils disparaissent.

Je pense par exemple à un programme qui a été mis en place dans un quartier de Toronto qui s'appelle Jane-Finch, où la Banque Royale a été très, très active au niveau de la formation de son personnel, notamment, pour donner des services appropriés aux personnes à faible revenu, qui sont nombreuses dans ce quartier. Les choses allaient vraiment très bien, jusqu'au jour où la banque a décidé de fermer sa succursale dans Jane-Finch. Il y a à l'occasion de petits problèmes d'adaptation et il y a aussi un problème d'information à l'égard de ces programmes.

• 1740

Par ailleurs, vous parliez d'une carte qui permettrait d'identifier certaines difficultés. Il faut faire attention. Il faut éviter de prendre le risque de stigmatiser des catégories particulières de personnes: ce sont des pauvres et on leur donne certains services. Je vois, monsieur Brison, que ce n'est pas ce que vous souhaitez, mais ce risque peut exister si on prend cette avenue.

Quant à nous, il n'y a pas de raison que tout le monde ne puisse pas obtenir des services adéquats, tout simplement.

[Traduction]

M. Scott Brison: En fait, ce que j'ai dit—et je parlais seulement des personnes handicapées ou illettrées—avait trait à une carte prouvant leurs besoins spéciaux qui faciliterait les services qu'elles recevraient à leur banque ou dans toute grande banque. Je crois savoir que les banques offrent maintenant des services aux personnes ayant des besoins spéciaux, mais l'identification reste un problème, je veux donc savoir si cela aiderait. Je ne parle pas expressément des personnes à faible revenu; je parle de celles qui ont des handicaps, et cela comprend l'illettrisme.

[Français]

M. Jacques St-Amant: Mais le risque existe de toute manière. Pour qu'une telle carte joue son rôle, il faut qu'on ait devant soi un caissier et non pas un guichet automatique. Il faut aussi tenir compte de cet élément.

[Traduction]

M. Scott Brison: D'accord.

[Français]

M. André Sénéchal: Pour répondre à votre question, je vais vous donner un exemple. Il y a des institutions qui reçoivent les personnes handicapées, mais les institutions financières ont réduit leur personnel. Elles ne sont pas venues voir les associations d'handicapés et elles ne veulent pas venir. Donc, elles ont réduit leur personnel. Elles disent à un employé de servir à tel endroit et cet employé sert à peu près tout monde, y compris les personnes handicapées. Qu'est-ce qui arrive?

C'est bien beau de faire des promesses, de donner de l'argent et ainsi de suite, mais quand je vois que la deuxième ou la troisième plus grosse caisse à Montréal n'est même pas capable d'avoir une rampe pour les personnes handicapées en fauteuil roulant, je ne m'attends plus à quoi que ce soit des institutions financières. Madame, je pense que vous êtes d'accord avec moi. Qu'est-ce qu'il faut? Il faut des êtres humains, des personnes, et non des machines. Votre rôle est de faire en sorte qu'il y ait des personnes pour servir ces personnes-là. C'est aussi simple que cela.

Je n'ai jamais cherché à faire le tour de la question. J'entre dans la question et je vois le problème. Cela se fait ailleurs. Si cela se fait à Sainte-Colette, cela se fait ailleurs et cela se fait probablement à Ottawa.

[Traduction]

Mme Daren Laine: Je veux répondre à votre question.

Quand j'ai un problème avec la banque que je veux régler, je commence par composer le numéro sans frais pour services à la clientèle, mais malgré tout les problèmes que j'ai eus, dont j'en ai mentionné quelques-uns, je n'ai jamais entendu parler de ce programme. On m'a toujours dit de m'adresser aux services à la clientèle de ma banque, et je me suis toujours retrouvée devant une jeune personne qui n'avait aucune expérience et qui était complètement perdue. Cette personne n'y connaît rien, d'habitude, et elle n'a pas pris la peine de s'informer. C'est là où on a vraiment besoin d'une personne qui a de l'expérience et qui sait ce qui se passe, qui connaît intimement la banque—et c'est ce qu'on appelle une personne qui a de l'expérience—et j'ai l'impression que l'on désigne à ce service les personnes qui ont le moins d'expérience. Alors je rappelle les services à la clientèle et je dis: «Voyez la personne à qui vous m'avez adressé. Je veux porter plainte.» Alors on me dirige vers l'ombudsman. Mais moi je ne veux pas porter plainte. Je veux que cette personne me donne le service dont j'ai besoin.

• 1745

La banque est donc fautive dans la mesure où elle ne respecte pas l'importance de ce poste. Si elle fait des frais pour créer ce poste et y nommer quelqu'un, elle devrait choisir une personne capable de faire le travail et de bien le faire.

Je n'ai donc pas entendu parler de ce programme.

Le vice-président (M. Nick Discepola): D'accord.

[Français]

Monsieur Lagacé, s'il vous plaît.

M. Roger Lagacé: Monsieur le député, la question que vous posez n'est pas la solution à tous les maux. Donner une carte d'identité à une catégorie de personnes, c'est catégoriser un secteur de la population. Certaines personnes souhaiteraient avoir une telle carte, mais il y aurait beaucoup d'autres personnes pour qui cela ne fonctionnerait pas, cela pour toutes sortes de raisons: la Charte canadienne, la préservation de l'identité, la préservation de la personne humaine et ainsi de suite.

En deuxième lieu, nous redisons avec force cet après-midi qu'il faut absolument un service personnalisé, humain. La carte d'identité n'est pas la solution au problème. On a besoin d'humains.

[Traduction]

Le vice-président (M. Nick Discepola): Monsieur Brison.

M. Scott Brison: Les problèmes que vous décrivez relativement aux banques existent dans d'autres secteurs aussi. Par exemple, on assiste, depuis 20 ou 30 ans, à un mouvement majeur de concentration dans le secteur de l'épicerie au Canada.

Ma famille a possédé une épicerie de campagne en Nouvelle-Écosse pendant presque 30 ans, et elle l'a vendue vers la fin des années 60. À l'époque, cette épicerie fournissait à la localité tous les services imaginables, on y achetait des cadeaux de Noël aussi bien que des aliments pour chevaux, on y trouvait une boucherie et à peu près tout ce dont les gens avaient besoin. Depuis, l'épicerie a été vendue, elle a changé plusieurs fois de propriétaires qui l'ont exploitée différemment à tel point qu'il n'en reste à peu près plus rien, ce n'est plus qu'un dépanneur. Mais ça, c'est parce que les gens ne magasinent plus comme avant.

Les services bancaires ont aussi évolué de cette façon, car les gens décident de ne plus faire affaire avec la banque comme auparavant. On a assisté récemment à des fusions dans le secteur de l'épicerie, par exemple, et d'après un rapport que j'ai lu récemment, il y aurait probablement eu une augmentation de 7 p. 100 des prix des denrées à cause, croit-on, de cette concentration accrue.

Avez-vous fait des démarches semblables, par exemple, auprès du gouvernement, du Bureau de la concurrence, au sujet du secteur de l'épicerie? Chose certaine, les épiceries ont une importance vitale au même titre que les services bancaires ou même davantage selon certains. Avez-vous présenté des instances relativement aux épiceries, ou seulement relativement aux banques?

[Français]

M. Jacques St-Amant: Pas vraiment, du moins dans le cas de notre association de consommateurs, et cela pour plusieurs raisons. La première, c'est tout simplement que les gens ne se plaignent à peu près jamais chez nous de ce qu'ils ne parviennent pas à acheter des aliments. Ils trouvent un endroit. Ils entrent dans le magasin, ils achètent leurs biens...

[Traduction]

M. Scott Brison: Mais on paie davantage dans certains cas parce que, par exemple, dans les localités rurales ou dans les secteurs urbains plus pauvres, les seules épiceries dans ces secteurs ne sont en fait que des dépanneurs qui pratiquent des prix plus élevés.

[Français]

M. Jacques St-Amant: Là on parle d'un marché qui est tout à fait différent, et je vais en tenir compte. Donc, on n'a à peu près pas de plaintes. Les gens parviennent à s'alimenter et ils ont un immense avantage: on n'a pas besoin de s'identifier pour aller au supermarché. Il y a beaucoup moins de conditions et d'obstacles à l'accès.

Il est vrai qu'il y a des variations de prix selon le type de magasin, mais le marché de l'alimentation est très différent du marché bancaire. La concurrence y joue de manière fort différente. Dans le domaine de l'alimentation, les prix sont déterminés en général localement ou régionalement, alors que la plupart du temps, les prix des services bancaires de base, comme le coût mensuel d'un compte, sont déterminés sur une base nationale.

Il est assez difficile, me semble-t-il, de comparer des marchés qui sont foncièrement différents quant aux conditions d'accès, quant à la manière dont les prix sont établis, quant à la concurrence qui y existe. En alimentation, dans la plupart des municipalités, il y a quelques dépanneurs et un marché d'alimentation. Au Canada, dans la plupart des municipalités, ou bien il n'y a aucune institution qui offre des services financiers, ou bien il y en a une seule.

• 1750

On a effectué une recension. Pour mettre les choses en perspective, il y a environ 10 000 localités différentes au Canada. Parmi celles-là, il y en a 2 573 où il y a au moins une institution financière. Donc, au départ, dans les trois quarts des localités canadiennes, il n'y a rien: il n'y a ni banque ni caisse populaire. Dans plus de la moitié des 2 573 localités desservies, il y a une seule institution financière présente. Donc la présence des points de service sur le marché est totalement différente dans le secteur bancaire. C'est très différent du secteur de l'alimentation ou d'autres secteurs de détail.

M. Roger Lagacé: Monsieur le député, si vous me le permettez, j'aimerais apporter un complément de réponse.

Dans les banques, les heures d'ouverture ont été réduites. Il y a eu des coupures de services. Par contre, vous allez au supermarché à l'heure que vous voulez. Vous ne voulez pas faire la file? Vous pouvez y aller à 8 heures le matin, 10 heures le matin ou à 11 heures le soir. C'est ouvert jusqu'à minuit et il n'y a pas de problème. Vous n'aimez pas attendre votre tour? Vous êtes libre d'y aller quand vous le voulez et vous choisissez là où vous voulez aller. À la banque, on vous oblige à passer à une machine, ce qui n'est pas le cas dans les épiceries ou ailleurs dans le secteur commercial.

[Traduction]

M. Scott Brison: On étudie des propositions de collaboration que des banques ont proposées—et la question est à l'étude—d'offrir des services bancaires dans les bureaux de poste et cela se produit déjà dans certains cas. On voit même des chaînes d'épicerie offrir des services bancaires, comme les services bancaires du Choix du Président ce qui permettrait plus de souplesse pour ce qui est des heures d'ouverture. Certaines banques font valoir que, pour celles qui ont des guichets automatiques, l'accès aux services bancaires n'a jamais été aussi grand qu'aujourd'hui parce qu'on peut en fait retirer de l'argent au comptoir.

Bon nombre de ces changements sont impulsés par la technologie, et il est très difficile d'arrêter ce mouvement, même pour nous, législateurs. Mais si nous collaborons avec les banques, et si les banques collaborent avec les gens pour rendre les technologies plus conviviales... par exemple, il existe aujourd'hui une technologie qui permet aux guichets automatiques de reconnaître le visage de quelqu'un. On est en train de développer cette technologie. Le guichet automatique peut, grâce à une caméra, reconnaître le visage du client, et l'accès pourrait même se faire avec des empreintes digitales et la reconnaissance du visage, et vous n'auriez plus à inscrire votre numéro de code.

Au lieu d'obliger les gens à lire les instructions sur l'écran, si nous avions un symbole quelconque que reconnaîtraient les illettrés et les handicapés, lesquels n'auraient plus qu'à appuyer sur l'écran, est-ce que cela réglerait certains de vos problèmes. Ils sont si nombreux. Si l'on admet que l'on ne peut arrêter la technologie, est-ce qu'on ne peut pas la rendre plus conviviale? N'est-ce pas ce que l'on devrait faire?

[Français]

Le vice-président (M. Nick Discepola): Monsieur Sénéchal.

M. André Sénéchal: J'aimerais faire une petite remarque. Vous parlez de mettre des comptoirs dans des bureaux de poste. Monsieur le député, je ne vous apprendrai rien en disant que le fédéral a fermé des bureaux de poste. Cela ne donne rien de mettre des guichets dans des endroits fermés; ces bureaux de poste sont fermés.

[Traduction]

Une voix: C'est votre gouvernement qui les a fermées.

[Français]

Le vice-président (M. Nick Discepola): Monsieur St-Amant.

M. Jacques St-Amant: Merci.

[Traduction]

Comme vous dites, une bonne part de cette évolution est impulsée par la technologie et non par la demande, et cela pose un problème.

[Français]

À l'égard des bureaux de poste, j'aimerais dire deux ou trois choses. Cela peut effectivement être une solution là où il n'y a pas de services offerts actuellement. Cela permettrait au moins de donner des services de base. Mais il y a un certain nombre de choses paradoxales. Il serait étrange qu'on sacrifie le réseau actuel, qui a coûté des milliards de dollars, nous disent les banquiers, et qu'on investisse des centaines de millions de dollars pour ouvrir autre chose. En termes d'allocation de ressources, il y a là de sérieuses questions à se poser.

L'autre difficulté à laquelle il faut songer à l'égard de cette hypothèse, c'est qu'il devient extrêmement difficile d'offrir des services bancaires; c'est extrêmement complexe. Déjà les préposés spécialisés dans les banques ont toutes les misères du monde à comprendre ce qu'ils font. Si on demande à quelqu'un qui travaille dans un bureau de poste de faire son travail de postier et, en plus, de comprendre le travail de banquier, je sens qu'on va avoir à l'occasion des problèmes sérieux. On ne parvient déjà pas à former des gens qui travaillent dans les banques pour qu'ils puissent répondre aux plaintes adéquatement et connaître les règles qui s'appliquent.

• 1755

Comme on l'a dit un peu plus tôt, l'hypothèse de remplacer les grandes succursales actuelles par des comptoirs dans des supermarchés peut être intéressante, mais à condition—nous y revenons, nous le répétons et le répéterons jusqu'à la mort—que des services personnalisés, des services humanisés soient offerts. Il ne suffit pas de dire qu'on va fermer la succursale qui est au coin de la rue puisqu'il y a un guichet automatique au supermarché. Cela ne règle pas le problème des gens. On peut fermer la succursale, mais il faut alors affecter du personnel à un comptoir au supermarché, à des heures autant que possible décentes.

Le vice-président (M. Nick Discepola): Le dernier mot vous revient, monsieur Lagacé.

M. Roger Lagacé: Je mentionnerai, à l'intention de M. le député, que les guichets automatiques, c'est-à-dire les machines et la technologie, existent déjà à Montréal dans les grandes surfaces et même dans certains commerces de petite surface, comme de petits dépanneurs. Certaines chaînes en sont déjà équipées.

Cependant, quand vous allez à ces endroits, vous avez choisi de le faire. Personne ne vous a imposé d'y aller et personne n'a à vous familiariser avec la machine ou encore à vous enseigner comment vous en servir. Les gens n'ont pas le choix de ne pas aller dans institutions financières; on vous oblige à les fréquenter. Cela fait une très grande différence.

Les gens qui s'en servent n'ont pas non plus le même âge. Généralement, les personnes âgées n'iront pas au guichet automatique du dépanneur ou de la grande surface. Dans le cas des banques, on doit aller à une institution financière. On vous y oblige et on vous cause du stress et de l'angoisse. Finalement, tout cela a également un effet sur votre santé.

Le vice-président (M. Nick Discepola): Merci. Monsieur Sénéchal.

M. André Sénéchal: C'est la dernière fois que je prends la parole.

À un guichet automatique, dans une maison de personnes âgées... Il faut dire que je m'occupe aussi des retraités. Il y a six personnes qui attendent alors que la personne âgée est en train de converser avec la caissière. Il n'y a aucune intimité. Un de nos membres y était et a pu savoir qu'elle faisait un transfert de 30 000 $ et un autre de 60 000 $, parce que la confidentialité n'était pas respectée. Les six personnes qui attendaient pour passer à la caisse ont entendu que celle qui était à la caisse avait retiré 30 000 $ et 60 000 $. J'ai raconté cet incident dans le document que je vous ai fourni. Je ne sais pas si vous allez le traduire, mais je vous ai donné l'information dans le document et c'est la vérité.

Alors, il faut faire attention à la confidentialité dans les caisses et dans les banques.

Je vais terminer en vous disant qu'il se trouve souvent de bons samaritains prêts à aider une personne âgée. La vérité, c'est qu'ils en profitent pour prendre leur numéro de carte, etc. Ce ne sont pas la plupart d'entre eux qui le font, mais souvent ce sont eux qui se servent des cartes et qui commettent des vols. Si on peut s'adresser directement à un caissier ou une caissière, on peut au moins lui faire confiance.

Le vice-président (M. Nick Discepola): Merci. Monsieur Loubier, nous avons un vote en Chambre à 18 heures. Soyez donc bref.

M. Yvan Loubier: Une seule question.

Est-ce que votre coalition a déjà rencontré l'Association des banquiers canadiens en rapport avec vos recommandations? Je vous demande cela par simple curiosité

M. Jacques St-Amant: Formellement, non. Il y a des organismes membres de la coalition, notamment Option Consommateurs, qui sont en contact plus qu'occasionnels avec l'Association des banquiers canadiens, notamment sur la question de l'accès. Nous travaillons depuis 1993 sur ces questions, entre autres avec M. Hébert qui était ici.

Le vice-président (M. Nick Discepola): Madame Hurteau-Farinas, s'il vous plaît.

Mme Thérèse Hurteau-Farinas: Pour continuer dans la ligne de ce que monsieur disait, j'ajouterai qu'à ce moment-là, les problèmes ne touchent pas seulement les personnes âgées. Il y a aussi de jeunes femmes qui ont de la difficulté à utiliser le guichet automatique. Quand on voit une jeune mère avec deux ou trois enfants devant le guichet automatique, on sait qu'elle préférerait aller au comptoir.

Il ne s'agit donc pas simplement de cataloguer les personnes âgées; dans toutes les catégories d'âges, on a besoin de services personnalisés. Il faudrait que ce soit mentionné, parce que ça ne l'a pas vraiment été. Je veux donc préciser que ce sont des personnes de tous âges qui ont besoin de services personnalisés.

Le vice-président (M. Nick Discepola): Merci, madame. Le mot de la fin revient à M. Vaudreuil.

• 1800

M. François Vaudreuil: Nous avions trois objectifs en venant ici cet après-midi afin de vous sensibiliser à la question.

Le premier objectif portait sur la possibilité pour chaque personne au Canada de s'ouvrir un compte bancaire. Vous avez pu voir que, malgré l'entente intervenue entre le gouvernement et l'Association des banquiers canadiens, sur le terrain, concrètement, à tous les jours, il se pose des problèmes majeurs et il n'est pas donné à tout le monde de pouvoir ouvrir un compte de banque.

Notre objectif était de vous demander d'assurer à tout le monde l'accès à des services personnalisés. Encore là, nous avons donné des exemples relatifs aux gens qui ont des problèmes d'alphabétisation, aux personnes âgées, aux gens qui ont besoin d'aide et des exemples de l'absence de confidentialité qui existe. Même si les banques ont adopté certains codes de conduite, on s'aperçoit que cela ne fonctionne pas vraiment.

L'autre objectif concernait la tarification. On déplore évidemment que lorsqu'une personne choisit d'utiliser des services personnalisés plutôt que des services technologiques, cela lui coûte plus cher. On se dit qu'il devrait y avoir égalité de traitement et que cela ne devrait pas coûter plus cher.

On observe que, malgré une sorte d'autorégulation établie soit par des codes de conduite, soit par des ententes entre le gouvernement et les banques, sur le terrain et dans le quotidien, cela ne fonctionne pas.

Ne pas pouvoir ouvrir un compte en banque est un affront à la dignité d'une personne. Est-ce que dans une société libre et démocratique comme celle du Canada, on peut se permettre que des gens n'aient pas le droit d'avoir un compte de banque? Poser la question, c'est y répondre: c'est non.

Je pense que même si les banques se fabriquent une image d'excellents citoyens corporatifs, quand elles se présentent dans des conférences, quand elles se présentent ici devant ce comité pour vous expliquer qu'elles ont adopté des politiques concernant les problèmes des personnes qui ont des difficultés d'alphabétisation, quand elles vous expliquent qu'elles ont conclu avec le gouvernement, en 1997, une entente pour permettre aux gens d'avoir des comptes bancaires, au fond elles cherchent à se donner bonne conscience et travaillent à leur image corporative. Dans les faits, dans le quotidien, l'autorégulation ne fonctionne pas.

Il faut absolument que le gouvernement légifère, réglemente et contraigne les banques. Il existe une culture, dans les succursales bancaires, qui est de ne pas venir en aide aux démunis et aux défavorisés. Comme on dit au Québec quand il s'agit d'un assisté social, on ne s'en occupe pas.

J'ai le regret de vous dire que cela est inacceptable, que c'est une approche qui n'est pas soucieuse de la dignité humaine. Nous ne saurions accepter cela et c'est la raison pour laquelle nous demandons au gouvernement de légiférer, afin que les trois objectifs que nous vous avons présentés puissent être atteints dans la vie de tous les jours. Le but est aussi que la culture qui existe dans les succursales bancaires puisse changer et que la vie de tous les jours soit conforme aux beaux discours dont se gargarisent les grandes banques dans les grandes conférences et dans des lieux comme celui-ci.

Je vous remercie, monsieur le président.

Le vice-président (M. Nick Discepola): Merci infiniment, monsieur Vaudreuil.

Si vous prenez la peine de lire notre recommandation 90(b) et celles qui suivent, auxquelles M. St-Amant a fait allusion dans sa présentation, vous verrez qu'elles concordent avec deux ou trois des mesures que vous avez proposées, entre autres celle qui demande aux institutions de donner accès à un service de base à des frais raisonnables.

Vous avez aussi présenté d'autres points de vue aujourd'hui et j'aimerais, de la part du comité, vous en remercier. En effet, cela amène d'autre eau au moulin. J'espère que nos recommandations conduiront effectivement à des actions de la part des banques. Il est certain que notre travail n'est pas terminé et que nous continuerons à exercer des pressions.

De ma part et au nom des membres du comité, je veux vous remercier énormément, entre autres de vous être déplacés. Je vous souhaite un bon voyage de retour à Montréal ce soir.

• 1805

La séance est levée.