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FINA Réunion de comité

Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.

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STANDING COMMITTEE ON FINANCE

COMITÉ PERMANENT DES FINANCES

TÉMOIGNAGES

[Enregistrement électronique]

Le mardi 4 mai 1999

• 0939

[Traduction]

Le président (M. Maurizio Bevilacqua (Vaughan—King—Aurora, Lib.)): La séance est ouverte. Bienvenue à tous ce matin.

Comme vous le savez, le Comité des finances se penche sur la question de la productivité, qui ces derniers mois, a beaucoup retenu l'attention à l'échelle du Canada. Comme toujours, le Comité des finances sollicite l'avis de spécialistes et de particuliers qui représentent un vaste public afin de cerner ce dossier, et afin de connaître les initiatives que vous avez lancées ainsi que vos opinions sur une question qui m'apparaît très importante, alors que nous tentons de renforcer l'économie par ailleurs déjà vigoureuse.

• 0940

Veuillez noter que vous avez environ cinq à 10 minutes pour faire vos commentaires liminaires sur la productivité; je vous saurais reconnaissant de ne pas prendre davantage de temps. Par la suite, en sus de la période de questions et réponses à laquelle les députés vont participer, j'aimerais que les membres du groupe de discussion les déclarations des autres membres. C'est le genre d'échange que j'aimerais susciter à cette table ronde.

Nous allons commencer par la représentante de la Chambre de commerce du Canada, la présidente, Nancy Hughes Anthony. Elle est accompagnée de Dale Orr, qui est membre du comité de la politique économique.

Bienvenue, vous pouvez commencer.

Mme Nancy Hughes Anthony (présidente et directrice générale, Chambre de commerce du Canada): Merci beaucoup.

Il n'est pas facile, comme vous l'avez dit, de se limiter à 10 minutes pour parler d'un sujet comme la productivité, mais nous allons essayer. Comme vous l'avez dit, monsieur le président, je m'appelle Nancy Hughes Anthony et je suis présidente et directrice générale de la Chambre de commerce du Canada. Je suis accompagnée par Dale Orr, vice-président principal de WEFA Inc. et également membre de la politique économique de la Chambre de commerce.

Nous nous réjouissons de pouvoir exprimer notre point de vue sur l'important débat de politique relatif à la performance du Canada en matière de productivité. La Chambre est fermement convaincue que l'amélioration de la productivité du Canada est l'un des principaux moteurs de la croissance, de la création d'emplois et de la prospérité et, qu'à ce titre, elle doit être bien comprise par les responsables de l'élaboration des politiques. La politique publique doit jouer un rôle vital pour créer la conjoncture économique propice à une forte croissance de la productivité, à une croissance soutenue du PIB et, par conséquent, à une hausse du niveau de vie de tous les Canadiens.

[Français]

La Chambre de commerce du Canada est l'association d'affaires la plus importante et la plus représentative au Canada. Nos membres représentent toute la gamme des entreprises qui existent au Canada, ce qui nous permet d'être le porte-parole des entreprises de tous les secteurs.

[Traduction]

Le comité permanent a entendu récemment de nombreux témoignages sur l'évaluation de la productivité et du niveau de vie du Canada et sur la performance du Canada dans ce domaine. Les experts de la productivité ne s'entendent pas tout à fait sur certaines données relatives à la performance du Canada et, faut-il s'en étonner, l'incertitude est grande et le débat très animé en ce qui concerne les politiques recommandées pour améliorer notre productivité et notre niveau de vie. La Chambre de commerce du Canada est très au fait de ces témoignages et a structuré son mémoire en tenant compte des points de vue des experts sur la productivité et le niveau de vie.

Les comparaisons de la productivité du Canada dans le temps ou par rapport aux États-Unis peuvent être très utiles pour révéler si nous avons été à la hauteur de notre potentiel et pour révéler les aspects à améliorer. Mais, au bout du compte, monsieur le président, nous devons adopter les politiques requises pour que notre rendement soit à la hauteur de notre potentiel à l'avenir.

Malgré le débat entourant les estimations révisées de Statistique Canada qui révèlent que la productivité canadienne a dépassé celle des États-Unis dernièrement, nous savons que notre niveau de vie et que la croissance de notre productivité s'est détériorée considérablement depuis les années 1960 et 1970. En outre, certaines prévisions entrevoient une détérioration marquée de la productivité au cours des trois à cinq prochaines années. Étant donné que la productivité est l'une des clés de la hausse du niveau de vie, le Canada doit encore axer sa politique économique sur la stimulation de la productivité et le maintien d'une croissance économique vigoureuse.

Monsieur le président, la Chambre de commerce du Canada appuie sans réserve les efforts du gouvernement visant à accroître la productivité. Mais selon nous, le gouvernement devra mettre l'accent sur les politiques qui accordent la plus grande priorité aux facteurs d'incitation à la croissance économique. Il devrait prendre ce cap, quelle que soit la décision du comité relative à l'indicateur pertinent de la productivité, que la productivité du Canada ait été plus élevée ou moins élevée que celle des États-Unis et quelle que soit l'importance que le comité attache à l'amélioration de la productivité par rapport à l'amélioration plus générale du niveau de vie.

Le gouvernement a indiqué à maintes reprises que l'amélioration de la productivité et la hausse du niveau de vie du Canada sont des assises importantes de ses politiques économiques. En fait, le premier ministre a déclaré dans son allocution devant la Chambre de commerce du Canada, à l'occasion de notre assemblée générale annuelle de 1998, que la productivité est la clé pour améliorer le niveau de vie et que le gouvernement axerait un grand nombre de ses efforts en ce sens. J'aimerais savoir, monsieur le président, peut-être pendant la période de questions, si vous pourriez faire la lumière sur les commentaires du premier ministre, dont on a fait état hier, qui semblent marquer un changement d'opinion. En fait, si vous pouviez nous dire comment cela se répercutera sur le mandat du comité, nous vous en serions reconnaissants.

• 0945

Le président: Ne vous inquiétez pas, notre comité est indépendant.

Mme Nancy Hughes Anthony: L'une des grandes préoccupations de la Chambre au sujet du programme de la productivité du gouvernement, c'est que le gouvernement tente d'utiliser le terme «productivité» à toutes les sauces pour justifier diverses dépenses de programmes dans les budgets futurs. Une condition essentielle d'une croissance économique soutenue est que le gouvernement continue à assainir les finances du pays.

Premièrement, il devrait contrôler les dépenses. La voie qui mène à une économie plus productive et en meilleure santé n'est pas des hausses spectaculaires des dépenses de programmes.

Deuxièmement, le gouvernement doit s'engager plus fermement à rembourser systématiquement la dette. À 64 p. 100, le ratio dette/PIB est encore très élevé, et selon nous, il faut le ramener à au moins 50 p. 100 dans un délai raisonnable, avant que le gouvernement ne commence à envisager d'importantes hausses des dépenses de programmes.

Avant tout, monsieur le président, la réduction de l'impôt doit devenir une des grandes priorités budgétaires, surtout en cette nouvelle période d'excédents importants. La Chambre de commerce du Canada est fermement convaincue que le gouvernement devrait accorder la même importance à la réduction de l'impôt actuellement qu'il en a accordé à l'élimination du déficit il y a quelques années à peine.

De toute évidence, monsieur le président, le gouvernement doit être actif dans d'autres secteurs de politique qui influent directement sur la productivité. La mise au point de nouvelles technologies, la diffusion de la technologie et des pratiques exemplaires, ainsi que l'éducation et la formation comptent parmi les plus importantes. Mais nous estimons que si le régime fiscal du Canada continue d'entraver ce qui peut inciter les Canadiens à être plus productifs, à investir, à prendre des risques, à embaucher et à rester au Canada, les autres initiatives de politique ne pourront pas atteindre leurs objectifs.

J'ajouterais qu'il ne fait aucun doute que le milieu des affaires a un rôle important à jouer pour accroître la productivité. Les entreprises investissent dans les usines et l'équipement, embauchent de la main-d'oeuvre, mettent au point et adoptent de nouvelles technologies et aident l'économie à grandir. Mais encore une fois, si les politiques qui créent un climat propice à la croissance de la productivité ne sont pas en place, les entreprises ne pourront pas exploiter pleinement leur capacité de prendre de l'expansion et de créer des emplois.

Je crois, monsieur le président, que vous avez sûrement entendu beaucoup de témoignages selon lesquels les écarts énormes entre l'impôt sur le revenu des particuliers défavorisent gravement le Canada lorsqu'il tente de prévenir l'émigration des contribuables qui constituent son assiette fiscale, en particulier vers son voisin du Sud. Même si l'émigration annuelle n'est pas particulièrement élevée par rapport à l'ensemble de la main-d'oeuvre canadienne, je crois que le facteur important dont il faut se souvenir est que les immigrants ont tendance à être des professionnels instruits, très qualifiés, très productifs et très mobiles. Or, nous avons besoin d'eux pour occuper des emplois à forte valeur ajoutée dans les industries de croissance novatrices. Perdre des professionnels de ce calibre se traduit par un taux de rendement très négatif sur l'investissement dans l'éducation. Ainsi, le Canada paie le coût social de l'éducation, mais si un grand nombre de ses meilleurs éléments quittent le pays, il ne récolte pas tous les fruits de cet investissement.

Bien que le chômage ait nettement diminué depuis 1993, le taux de chômage du Canada est encore bien supérieur à celui des États-Unis, et nous sommes loin d'avoir atteint le plein d'emploi. Je dois insister pour dire qu'à notre avis les cotisations d'assurance-emploi doivent continuer de baisser, ce qui incitera les entreprises à embaucher du personnel, tout en rognant moins sur le chèque de paie des Canadiens productifs.

Compte tenu des cotisations de l'assurance-emploi et au RPC, les charges sociales augmentent considérablement, en raison notamment de la hausse prévue des cotisations au RPC. En outre, l'excédent de la caisse d'assurance-emploi devrait atteindre 26 milliards de dollars d'ici la fin de 1999, ce qui rend encore plus urgentes des baisses des cotisations d'assurance-emploi.

En terminant, monsieur le président, l'impôt doit diminuer beaucoup plus rapidement qu'il ne le fait depuis les deux derniers budgets. Il faut insister davantage sur la réduction de l'impôt dans l'ensemble de la politique budgétaire du gouvernement. Il importe que le gouvernement profite pleinement de la période d'excédents actuelle pour réduire considérablement les impôts. Nous estimons qu'une démarche minimaliste ne réglera pas les problèmes les plus pressants du Canada que sont la compétitivité, la productivité et la baisse du niveau de vie.

• 0950

J'aimerais souligner à l'intention du comité que pour miser sur la productivité, le gouvernement doit orienter sa politique économique de manière à assurer l'expansion de l'ensemble de l'économie et à créer de la richesse, ce qui améliorera le sort de tout le monde, au lieu d'ergoter sur la part de gâteau qui revient à chacun. J'estime que nous devons unir nos efforts afin de faire grossir ce gâteau dont tout le monde profitera. Pour ce faire, le gouvernement doit fonder l'élaboration des politiques sur en ensemble de facteurs qui incitent à entrer sur le marché du travail, à travailler plus fort et de manière plus intelligente, à rester au Canada, à embaucher plus de travailleurs et à investir au Canada.

L'une des priorités de politique fondamentales du gouvernement devrait être d'alléger le lourd fardeau fiscal au Canada par rapport à nos principaux concurrents.

Merci beaucoup.

Le président: Merci beaucoup.

Nous allons maintenant entendre la Fédération canadienne de l'entreprise indépendante, représentée par Mme Catherine Swift, présidente-directrice générale, et par M. Garth Whyte, vice-président, Affaires nationales. Bienvenue.

Mme Catherine Swift (présidente-directrice générale, Fédération canadienne de l'entreprise indépendante): Merci beaucoup, monsieur le président. Comme toujours, nous sommes très heureux d'être ici pour vous donner le point de vue du secteur de la petite et de la moyenne entreprise au sujet de la productivité.

Comme vous le savez sûrement, la FCEI est une organisation nationale et non partisane de défense des entreprises. Elle regroupe actuellement plus de 93 000 petites et moyennes entreprises dans tous les secteurs et dans toutes les régions du pays. Certaines des données que nous allons présenter aujourd'hui, dont certaines sont révélées pour la première fois, sont tirées d'enquêtes menées auprès des membres.

La controverse récente touchant la productivité nationale du Canada a soulevé un grand nombre de questions importantes du point de vue de la communauté des petites et moyennes entreprises. En dépit d'un certain nombre d'études récentes comportant des conclusions contradictoires, il n'y a aucun doute du point de vue des petites entreprises que le Canada a un problème de productivité.

J'ai observé une partie du débat, et souvent il s'agit d'un débat plutôt stérile où l'on essaie de définir la productivité et de déterminer combien on peut faire danser d'anges sur la tête de l'épingle de la productivité. Cela me rappelle une blague sur les économistes: s'ils trouvent un concept qui fonctionne dans la pratique, ils doivent prouver qu'il fonctionne aussi en théorie. Je crois qu'une bonne partie du débat porte sur les indicateurs qui montrent clairement que nous avons un problème de productivité et pourtant nous semblons déterminés à utiliser des modèles économétriques complexes.

L'un de ces indices est la tendance à long terme à la baisse de notre devise depuis les années 70. C'est quelque chose que la plupart des pays jugeraient très grave et qui implique également une baisse du niveau de vie. Notre taux de chômage est environ deux fois plus élevé qu'aux États-Unis, un écart anormalement élevé. Ce sont des facteurs très troublants qu'on ne peut ignorer, surtout dans le contexte d'un débat sur la productivité.

Cependant, la productivité doit aussi être envisagée comme un moyen pour atteindre une fin et non pas comme une fin en soi. La plupart des Canadiens, selon de récents sondages, classent la productivité au bas de l'échelle dans l'ordre de priorités, tandis qu'ils classent le niveau de vie en tête de liste. De toute évidence, les gens ne font pas le lien entre certaines de ces questions et ignorent les répercussions de la croissance de la productivité sur leur vie quotidienne. Je crois qu'il importe donc d'employer des termes que les gens comprennent.

Les faits démontrent que les Canadiens se sont appauvris au cours des années 90. Le revenu net moyen des Canadiens a baissé d'environ 6 p. 100 entre 1989 et 1996, et notre taux d'épargne, qui était auparavant très élevé par rapport au reste du monde, est maintenant tombé à 1 p. 100 du revenu des particuliers. Les Canadiens travaillent maintenant environ six mois de l'année pour remplir les coffres du gouvernement. Selon des données publiées par Statistique Canada il y a quelques mois, les impôts représentent la catégorie la plus importante des dépenses des Canadiens, avant la nourriture, les vêtements et le logement.

Bien que des réductions mineures aient été annoncées dans certains secteurs, le fardeau fiscal fédéral cumulatif a augmenté au cours des cinq dernières années, et les dépenses de programmes comme nous le savons, sont de nouveau à la hausse. À la page 3 de notre mémoire, un graphique illustre clairement ce qui s'est produit. Les recettes ont constamment augmenté. Nous avons observé une baisse des dépenses de programmes au début des années 90, mais celles-ci sont de nouveau à la hausse.

Nous observons aussi une croissance des taxes sur les entreprises qui sont indépendantes des profits, et c'est quelque chose dont nous avons toujours fait, dans le secteur de la petite entreprise, une cause célèbre, car ces taxes nuisent à la création d'emplois, à l'expansion des entreprises et à la création de nouvelles entreprises.

• 0955

Le graphique à la page 4 est tiré du rapport publié l'année dernière par Jack Mintz, du ministère fédéral des Finances, et il montre clairement que comment ces taxes indépendantes des profits—celles que vous payez même si vous n'enregistrez aucun profit et même si vous enregistrez des pertes—augmentent considérablement depuis de nombreuses années, surtout depuis le milieu des années 70. Les taxes en fonction des profits—celles qui posent moins de problème aux entreprises parce qu'elles doivent au moins enregistrer un profit avant de payer des taxes—diminuent en proportion de l'impôt global sur les entreprises.

Nous jugeons un peu ironique que les politiciens déplorent la condition des démunis et la pauvreté chez les enfants au Canada, alors qu'ils permettent le maintien de cette parodie d'impôts. Bien que l'équation de productivité comprenne un grand nombre d'éléments, les impôts élevés qui appauvrissent les particuliers canadiens et les petites entreprises en sont un élément clé.

Certains reportages publiés dernièrement nous paraissent plutôt intéressants. On faisait allusion à un discours prononcé dernièrement par le ministre de l'Industrie, où il a notamment parlé de l'excédent budgétaire. La moitié de l'excédent doit être consacrée à la croissance de notre collectivité, et l'autre moitié à réduire le fardeau fiscal, comme s'il s'agissait de deux choses distinctes.

Par ailleurs, certains députés du caucus libéral exercent des pressions sur M. Martin pour qu'il dépose un budget en faveur des enfants l'année prochaine, comme si cette question était distincte du niveau de vie. Je crois que certains débats que nous lançons sont plutôt factices, car si nous améliorons le niveau de vie et la productivité des Canadiens, nous allons forcément améliorer la situation des enfants pauvres, des familles pauvres, et créer plus d'emplois, etc., dans l'ensemble de l'économie.

Comme vous le savez sans doute, le secteur canadien des entreprises comprend surtout des PME, puisque 90 p. 100 des entreprises comptent 50 employés ou moins. À la page 5 de notre mémoire, le graphique circulaire illustre la répartition entre les différents secteurs de l'économie canadienne. Nous savons en outre que les petites entreprises créent environ 60 p. 100 de tous les emplois au Canada, et ce pourcentage augmente. Mais la diapositive no 6 établit une comparaison entre 1979 et 1995 pour ce qui est de la part relative du secteur de la petite entreprise. Comme vous pouvez le voir, elle a considérablement augmenté pendant cette période.

Le message des petites entreprises au gouvernement au cours de cette période a été constant. Réduisez les impôts, réduisez la dette nationale et allégez la charge de la réglementation complexe et pesante, ainsi que les droits d'usager, si l'on veut que la productivité du secteur des petites entreprises s'améliore.

Nous avons récemment effectué une enquête, et même si nous n'avons pas encore tous les résultats, nous avons fait une première analyse des données en prévision de la réunion d'aujourd'hui, et les données sont présentées à la page 7 de notre mémoire. La diapositive énumère essentiellement les priorités des petites entreprises en matière de productivité. Nous avons posé la question qui figure au bas de la page: quelles mesures concrètes le gouvernement fédéral pourrait-il prendre pour permettre à votre entreprise de faire davantage ou de produire davantage avec les ressources dont elle dispose?

Les résultats sont sans équivoque. Les trois premières réponses, qui arrivent à peu près nez à nez, avec une proportion supérieure à 80 p. 100, sont: réduire les taxes sur la masse salariale, réduire les impôts sur le revenu et rembourser la dette fédérale pour réduire la pression provenant des impôts. D'autres éléments étaient aussi importants: évidemment, il y a la question de la réglementation, celle des droits exigés par le gouvernement, qui ont augmenté considérablement ces dernières années. Et puis il y a des réponses d'un autre ordre: fournir des encouragements aux investissements directs, améliorer l'accès aux programmes de financement, les programmes d'information, etc., au bas de la liste. Les priorités fiscales sont évidemment des facteurs clés de la croissance de la productivité dans le secteur de la petite entreprise.

J'aimerais vous parler d'un rapport qu'un de mes collègues, Brien Grey, et le président d'alors de la Chambre de commerce du Canada, Phil O'Brien, ont rédigé en 1994. Il s'intitulait «Franchir les obstacles: Bâtir notre avenir». Nous vous en avons remis des exemplaires, même si je suis convaincu qu'Industrie Canada et le ministère des Finances en ont probablement des piles dans leurs entrepôts étant donné qu'ils avaient commandé conjointement ce rapport à l'époque.

Un certain nombre de recommandations pragmatiques ont été faites, en détail, quant aux moyens de promouvoir la productivité sur plusieurs fronts à la fois, notamment sur celui de l'impôt, du financement, des capitaux propres, de la dette et de la réglementation. Jusqu'à présent, pratiquement aucune des recommandations n'a été adoptée. De nombreuses personnes dans le secteur de la petite entreprise ont consacré beaucoup de temps à la rédaction de ce rapport. On nous a dit qu'il serait étudié attentivement. Le gouvernement ferait bien de réexaminer ce rapport puisque ces recommandations sont aussi pertinentes aujourd'hui que lors de sa publication.

Selon moi, le problème en ce qui concerne la productivité n'est pas un manque de bonnes idées mais plutôt un manque de volonté de la part de nos dirigeants de prendre les mesures nécessaires pour affronter une solution durable au problème. Cela dit, il faut aussi éviter la tentation de s'engager dans une politique à la petite semaine, comme de nouveaux allégements d'impôts pour certaines industries ou certains secteurs, comme nous l'avons souvent vu par le passé, et nous ne serions pas dans le pétrin où nous nous trouvons aujourd'hui si ces mesures avaient été efficaces.

• 1000

Le gouvernement peut contribuer dans une large mesure à l'amélioration de la productivité, par trois moyens. Nous estimons que le gouvernement doit faire un meilleur travail pour définir le problème lié à la productivité. Les récentes études contradictoires qui nous sont parvenues de différentes sources gouvernementales ont nuit à la crédibilité du gouvernement sur cette question, et cette crédibilité doit être rétablie.

Le gouvernement doit aussi faire participer activement les intervenants à la recherche de solutions au problème de la productivité et éviter la tentation d'adopter une politique à la petite semaine ou de rejeter le blâme sur différents groupes. Le gouvernement doit écarter du débat les discussions stériles sur la productivité et ramener l'accent sur les questions que tout le monde comprend, comme la réduction de la charge fiscale, l'assouplissement de la réglementation et la réduction des frais d'usagers, qui nuisent à la productivité et à la capacité de création d'emplois des petites entreprises.

Les problèmes de productivité ont évolué au cours des dernières décennies, et leur résolution nécessitera l'effort et l'engagement concerté de tous les intervenants: les gouvernements; les entreprises, petites et grandes; les syndicats; et tous les Canadiens. Il nous tarde de contribuer à ce processus.

Merci.

Le président: Merci, madame Swift. Lorsque nous reviendrons à vous, vous pourrez nous dire ce que les entreprises peuvent faire à leur niveau pour améliorer leur productivité, car cela est également important. Selon nous, cette question n'intéresse pas que le gouvernement, le secteur privé doit aussi faire sa part.

Nous allons maintenant passer à notre troisième témoin, de la Fédération canadienne des municipalités. Nous recevons M. Jim Knight, directeur général, et M. Gilles Vaillancourt, maire de Laval (Québec). Soyez les bienvenus.

[Français]

M. Gilles Vaillancourt (maire de Laval, Fédération canadienne des municipalités): Merci, monsieur le président. La Fédération canadienne des municipalités vous remercie de l'occasion que vous lui donnez de participer à cette table ronde sur la productivité organisée par le Comité permanent des finances.

Dans ce bref exposé, nous soulignerons la nécessité d'investir à long terme dans les infrastructures urbaines en vue d'accroître la viabilité, la productivité et la qualité de vie au Canada.

La FCM est le porte-parole national des municipalités depuis 1937. Nos 700 municipalités membres et 16 associations provinciales et territoriales représentent près de 70 p. 100 de la population du Canada. La FCM est une association vouée à l'amélioration de la qualité de vie au sein des collectivités canadiennes.

[Traduction]

M. James W. Knight (directeur général, Fédération canadienne des municipalités): Le Canada compte plus de 4 000 gouvernements municipaux, allant des plus grandes villes jusqu'aux petites collectivités rurales et éloignées. Nous estimons que collectivement, ils exercent une influence prépondérante sur l'économie canadienne, notre culture, notre qualité de vie, et en bout de ligne sur notre productivité.

Les gouvernements municipaux sont des intervenants majeurs dans l'économie canadienne, influençant la diffusion des technologies et des innovations ainsi que la productivité. Leurs investissements dans les services publics, le transport, et l'approvisionnement en eau, le traitement des eaux usées, etc., en font des acteurs clés.

En 1996, les municipalités ont dépensé 39,2 milliards de dollars pour offrir des services communautaires à la population de même qu'aux entreprises, et elles employaient plus de 400 000 Canadiens. Les dépenses des municipalités représentent environ 5 p. 100 du produit intérieur brut du Canada. En plus d'accaparer pour une part appréciable des dépenses du secteur public au titre des produits et services, les municipalités engagent des dépenses en immobilisation qui totalisent environ 9 milliards de dollars, soit le tiers de tous les investissements publics, et environ 6,5 p. 100 de tous les investissements en immobilisations au Canada.

Au cours des dernières années, les villes canadiennes sont en fait devenues des villes nord-américaines, rivalisant avec d'autres villes d'Amérique du Nord, en particulier des villes des États-Unis, afin d'attirer des investissements essentiels à l'amélioration de la productivité. Si nos villes se laissent devancer sur le plan des services et des installations collectives, les investisseurs vont s'en désintéresser.

Pendant un certain temps, les villes américaines étaient en crise. Nous nous sommes réjouis de ce que nos villes affichaient une meilleure performance que les villes américaines. Il importe toutefois de souligner aux Canadiens que depuis quelques années, les villes américaines connaissent une véritable renaissance. Cette renaissance est en partie attribuable à l'investissement massif de fonds fédéraux dans le transport, le renouvellement urbain, la sécurité, les infrastructures de base et le logement.

• 1005

Au Canada, le seul lien qui existe aujourd'hui entre le gouvernement fédéral et les municipalités, c'est que le gouvernement fédéral impose les municipalités. Il impose le carburant, par exemple, utilisé par les réseaux de transport en commun. Il n'y a aucun programme d'investissement à l'heure actuelle. Nous sommes donc profondément préoccupés par l'attrait de nos villes à long terme pour les investisseurs.

[Français]

M. Gilles Vaillancourt: Le programme Travaux d'infrastructures Canada, inspiré par la FCM, s'est avéré un très grand succès pour le gouvernement fédéral, les gouvernements provinciaux et territoriaux, les gouvernements municipaux et, en particulier, pour les Canadiens. Le programme, qui a pris fin le 31 mars, a atteint son double objectif de création d'emplois et de réfection ou de construction d'infrastructures. De façon aussi importante, le programme s'est avéré un modèle pour la prise de décisions et la coopération intergouvernementale.

Un récent sommaire du Conseil du Trésor établit le total des investissements dans les infrastructures pendant les six années du programme à plus de 8,3 milliards de dollars avec une contribution de 2,4 milliards de dollars du gouvernement fédéral. Plus de 17 000 projets ont permis de créer environ 130 000 emplois à court terme. D'après le Conseil du Trésor, ces emplois ont contribué à améliorer les compétences des travailleurs, un élément essentiel pour accroître la productivité. Les deux tiers des fonds ont été investis dans des infrastructures urbaines de base, telles que les routes, les égouts et les ponts, qui sont également essentielles pour assurer le déplacement efficace des produits et des services.

Le programme Travaux d'infrastructures Canada n'a toutefois pas permis de répondre complètement aux besoins à long terme du Canada en matière d'infrastructures. Ce n'est d'ailleurs pas ce à quoi s'attendait la FCM, compte tenu de l'ampleur du problème révélé dans diverses études réalisées par la fédération entre 1985 et 1995. Diverses sources estiment que les besoins d'investissement dans les infrastructures au cours des 20 prochaines années seront de l'ordre de 40 à 100 milliards de dollars.

Une étude réalisée en 1996 par l'Université McGill a conclu que les dépenses publiques pour les infrastructures favorisaient la croissance du secteur privé. Le renouvellement des infrastructures est nécessaire pour maintenir et accroître la prospérité et la qualité de vie. Si le Canada veut être concurrentiel sur les marchés internationaux, il doit renouveler ses infrastructures. Plus que tout autre pays industrialisé, le Canada dépend du commerce international pour assurer sa croissance économique et sa prospérité. Dans le monde entier, les gouvernements des pays tels que l'Allemagne, le Japon et les États-Unis engagent des sommes importantes en vue d'améliorer leurs infrastructures. La productivité et l'efficacité économique, tout comme la santé publique, sont étroitement liées à un réseau de transport efficace, à la qualité de l'eau et à l'élimination des déchets.

[Traduction]

M. James Knight: Initialement, un nouveau programme d'infrastructure urbaine à long terme devrait être axé sur les infrastructures de base procurant des innovations ainsi que des avantages pour l'environnement et la santé. Notre mémoire décrit en détail les efforts de collaboration que nous déployons avec le Conseil national de recherches du Canada pour nous assurer que les investissements réalisés utilisent les meilleures technologies, plus particulièrement des technologies qui peuvent accroître notre capacité d'exportation. Essentiellement, le programme devrait être suffisamment souple pour répondre à la fois aux besoins des collectivités urbaines, rurales et éloignées et mettre l'accent sur les systèmes de gestion des déchets, notamment leur réacheminement, la gestion responsable des produits, la modernisation des sites d'enfouissement, le captage du méthane, l'amélioration des technologies d'incinération—en particulier à la lumière des nouvelles découvertes sur les émissions de produits toxiques. Les réseaux d'approvisionnement en eau sont toujours essentiels, y compris le traitement et la conservation de l'eau, le traitement des eaux usées, l'évacuation des eaux de pluie, etc.—en mettant l'accent sur l'élimination des produits chimiques nocifs parfois utilisés dans le traitement des eaux usées.

Les autres secteurs importants comprennent les sources d'énergie de remplacement; l'efficacité énergétique; l'efficacité des véhicules; le transport en commun, que j'ai déjà mentionné; la réduction de la pollution qui se répercute sur la santé et la qualité de l'air; de même que la mobilité, notamment les investissements pour la réfection et la modernisation des routes, les trains de banlieue et le transport public axé sur les technologies de pointe, comme les piles à combustion, tout en améliorant la santé en rehaussant la qualité de l'air; et enfin, la revitalisation des rues principales, en préservant la qualité de vie dans les centres-villes.

• 1010

Évidemment, nous étudions d'autres sources possibles de financement, y compris les partenariats entre les secteurs public et privé, les fonds renouvelables et, comme je l'ai dit, l'affectation de la taxe d'accise perçue sur les carburants.

[Français]

M. Gilles Vaillancourt: Les contraintes budgétaires majeures ont incité beaucoup de municipalités à envisager des partenariats publics-privés comme moyen d'investir dans des infrastructures. Le financement privé peut aider les collectivités à répondre à leurs besoins d'infrastructures pour la gestion de l'eau et des déchets, mais il ne peut jamais satisfaire à toutes les exigences ni couvrir tous les coûts. Il faut encore des engagements financiers de la part de tous les paliers de gouvernement, en particulier dans les technologies plus coûteuses et qui reflètent les meilleures pratiques.

[Traduction]

M. James Knight: Le mémoire aborde de façon passablement détaillée divers mécanismes de financement. Je n'en dirai pas davantage à ce sujet. Nous constatons tout de même qu'il existe de grandes possibilités d'accroître l'efficacité de la prestation des services par le truchement d'investissements additionnels et donc d'accroissements de la productivité.

Je tiens tout de même à signaler l'importance du financement du transport. Tout en vous priant de constater, comme nous l'avons fait, que les recettes du gouvernement fédéral provenant de taxes sur le carburant totalisent 3,8 milliards de dollars, comparativement à un investissement dans les transports à hauteur de 400 millions de dollars. Il nous semble vraiment nécessaire de réinvestir ces sommes dans les services de transport et nous proposons de façon explicite dans notre mémoire qu'une partie des taxes d'accise fédérales perçues sur l'essence et le gazole soit affectée à des investissements visant les systèmes de transport, y compris les transports publics, comme cela se fait aux États-Unis. Nous estimons que le gouvernement fédéral peut prendre l'initiative à cet égard et que les gouvernements provinciaux emboîteront le pas.

[Français]

M. Gilles Vaillancourt: En conclusion, monsieur le président, les infrastructures d'un pays sont d'une importance capitale pour la capacité de productivité d'une région, ainsi que pour la capacité de son économie d'assurer une croissance soutenue. L'assainissement de l'air, de l'eau et du sol est essentiel pour protéger la santé humaine et améliorer la qualité de vie. Un programme national d'infrastructures urbaines axé sur les investissements dans les technologies reflétant les meilleures pratiques permettra de créer des emplois, d'accélérer l'innovation et la diffusion de la technologie, et d'améliorer les compétences des travailleurs qui sont essentielles à l'accroissement de la productivité.

La FCM aura le plaisir de collaborer avec le Comité des finances au cours des prochains mois alors qu'il continuera d'élaborer les principaux paramètres de sa proposition pour un nouveau programme d'infrastructures urbaines pour le millénaire.

Je vous remercie, monsieur le président.

[Traduction]

Le président: Merci beaucoup.

Je tiens à signaler aux participants que, à mesure que nous entendons les divers témoins, par exemple, les représentants de la Chambre de commerce et maintenant ceux qui préconisent un programme d'infrastructures, nous accumulons des listes de demandes faites au gouvernement et, à titre de membres du comité, nous tentons de déterminer comment investir de façon raisonnable les sommes dont nous disposons. Ainsi, nous demanderons peut-être un peu plus tard à nos témoins quel ordre de priorités nous devrions retenir.

Je vais maintenant passer au représentant du Council for Health Research in Canada, M. Peter Glynn, qui est membre du comité exécutif de l'organisme. Je vous souhaite la bienvenue.

M. Peter A. R. Glynn (membre du comité exécutif, Council for Health Research in Canada): Merci, monsieur le président.

À titre de représentant du conseil pour la recherche en santé au Canada, je suis heureux d'avoir l'occasion de participer à l'étude qu'effectue le comité en matière de productivité, de croissance économique, et de niveaux de vie. Nous vous remercions de nous avoir invités.

Il faut envisager toute amélioration de l'économie à l'heure actuelle et pour l'avenir en tenant compte des défis que doit relever le Canada face à la mondialisation d'une économie qui dépend de plus en plus du savoir et de l'innovation. La recherche en santé et en science biomédicale contribue à l'économie non seulement par la création d'emplois aujourd'hui mais aussi par le développement de nouvelles connaissances qui permettront de résoudre des problèmes de santé et créer des emplois pour l'avenir. La recherche dans les sciences de la santé et biomédicale nous aide, premièrement, à comprendre et à expliquer la santé aussi bien que la maladie, deuxièmement, à identifier des mesures et des programmes efficaces d'intervention et de traitement, troisièmement, à déterminer les meilleurs moyens d'exécuter de tels programmes et de favoriser la santé et, quatrièmement, à mettre au point de nouvelles techniques et technologies qui nous permettront d'améliorer les pratiques actuelles.

Au cours des dernières années, le gouvernement fédéral a pris des mesures pour créer un environnement susceptible de favoriser une croissance économique soutenue. Il semble bien, monsieur le président, que le gouvernement ait pris bonne note du dernier rapport de votre Comité permanent des finances en adoptant notamment une politique budgétaire visant à réduire l'endettement du pays et diverses stratégies d'investissement en matière de création du savoir, d'innovations, d'éducation, d'emplois et de santé.

• 1015

Nous estimons que, dans son rapport de l'automne 1998, le comité permanent a bien saisi l'importance de la recherche biomédicale et en santé sur la qualité de soins de santé, la productivité et le développement d'une économie axée sur le savoir. Nous félicitons le gouvernement d'avoir reconnu l'importance de la recherche et de l'innovation en matière de santé pour assurer une croissance économique continue au Canada. La création des instituts canadiens de recherche en santé et le financement accru accordé dans le budget aux centres d'excellence en matière de diabète, de santé autochtone et de recherche en sciences infirmières illustrent concrètement son engagement à cet égard. Selon nous, il importe de continuer à investir dans la création du savoir aussi bien que dans sa dissémination et de son utilisation pour assurer un accroissement continu de développement économique et de la productivité.

La santé préoccupe les Canadiens. C'est même du premier de nos soucis. En général, nous reconnaissons la valeur de notre régime de soins de santé et le rôle qu'il joue. Nous sommes disposés à affecter des ressources considérables pour assurer le fonctionnement du régime de soins de santé, et nous sommes disposés à contribuer largement en dons de charité pour soutenir la recherche en matière de santé.

Cependant, la santé, c'est bien davantage que les soins de santé. La bonne santé dépend d'un revenu suffisant, de la possibilité de jouer un rôle utile dans la société, de logements satisfaisants, de la nutrition, de l'éducation, de mesures de soutien sur le plan social, d'un environnement sans danger—et plus généralement, d'une bonne partie de ce dont mes collègues des municipalités viennent de parler. Il est généralement reconnu qu'une bonne santé rend les gens plus productifs et réduit la dépense improductive des ressources. L'accès à des ressources financières suffisantes et la qualité de l'enseignement peuvent jouer un rôle déterminant dans la bonne santé des gens. Également, il y a de plus en plus de preuves que les problèmes de la petite enfance, dans la mesure où ils ne sont pas réglés, risquent d'avoir des effets néfastes à long terme sur la santé et le comportement.

Il ressort très clairement des travaux de Fraser Mustard et de l'Institut canadien des recherches avancées que le développement du cerveau est vulnérable aux influences de l'environnement et que leurs effets perdurent. Je crois d'ailleurs savoir que M. Mustard comparaîtra devant vous cet après-midi.

Pour créer une société innovatrice et productive, il est tout à fait essentiel d'investir dans l'enfance. Dans la mesure où la croissance économique améliore le niveau de vie et facilite l'accès à l'éducation, à l'emploi et aux services de santé publics, elle entraîne une amélioration de la santé.

L'inverse est également vrai. La mauvaise santé et les inégalités dans l'état de santé nuisent à la productivité et nécessitent des soins de santé plus considérables. À titre d'exemple, signalons que les maladies cardio-vasculaires sont celles qui imposent le fardeau financier le plus considérable à la société. Elles représentent des dépenses de 7,3 milliards de dollars, soit 17 p. 100 du total des coûts directs de la maladie.

Les coûts indirects, y compris la valeur de la productivité perdue en raison de maladie et d'invalidité de même que la perte de revenus et de pouvoir d'achat futurs attribuables au décès prématuré sont encore plus considérables. Ces coûts indirects sont énormes. Voici ce qu'ils peuvent représenter, annuellement, pour les grandes catégories de maladies: troubles musculosquelettiques, 15 milliards de dollars; maladies cardio-vasculaires, 12 milliards de dollars; cancers, 10 milliards de dollars.

Ce n'est qu'en connaissant les causes profondes de la maladie que nous en serons en mesure de mettre au point les interventions qui s'imposent pour améliorer la santé et accroître la productivité. De toute évidence, il importe d'effectuer des recherches en santé qui nous permettront de comprendre comment favoriser et maintenir la santé. La chose est indispensable pour que la santé de la population s'améliore et que les Canadiens accroissent ainsi leur productivité et contribuent davantage à la société.

Dans son rapport de 1998, le Comité permanent des finances proposait un pacte de productivité et décrivait cinq éléments devant favoriser l'accroissement de la productivité. Cependant, il manque, selon nous, un élément essentiel. En effet, une population en bonne santé est l'assise sur laquelle repose la productivité. Je crois que c'est de cela que voulait parler le premier ministre dans son discours d'hier.

Il existe un lien inextricable entre l'économie et la santé de la population. Partout dans le monde, la corrélation est forte entre l'état de santé des habitants d'un pays et la vigueur de son économie. Un pays en bonne santé est un pays riche. Le gouvernement doit donc déterminer comment créer la richesse pour améliorer la santé et ainsi pouvoir engendrer encore davantage de richesse et un plus haut niveau de vie.

La recherche en sciences de la santé englobe une vaste gamme d'activités, allant de la recherche biomédicale fondamentale à la recherche sur les populations et les comportements, en passant par la recherche clinique, la recherche évaluative et la recherche portant sur les régimes et services de santé. Elle vise essentiellement à améliorer la santé. Elle permet d'aller plus loin en matière de prévention, de diagnostic et de traitement des maladies. Elle entraîne également une amélioration de la productivité dans le secteur des soins de santé. Elle permet de réduire la durée d'hospitalisation ainsi que les pertes de productivité attribuables à l'incapacité de longue durée.

Cependant, la recherche dans les sciences de la santé procure à la société des avantages qui vont au-delà de l'amélioration de la santé et, conséquemment, de la productivité. En effet, la recherche en sciences de la santé et de la vie entraîne une amélioration du savoir et de l'innovation qui contribue de façon directe au dynamisme de notre économie. Ce type de recherche exerce un effet déterminant sur la productivité à long terme du fait qu'elle améliore le capital humain et les transferts de technologie vers le secteur de l'entreprise.

Monsieur le président, vous avez demandé qu'on vous donne un exemple d'une société qui a accru sa productivité. La société Medtronic, qu'on pourrait considérer comme une petite filiale à Mississauga d'une très grande multinationale, a obtenu le mandat de la production mondiale de stimulateurs cardiaques en raison du fait qu'elle a réussi, depuis dix ans, à accroître sa productivité de plus de six fois. Elle y est arrivée grâce à ses recherches en robotique, en soins de santé et aussi à cause de son approche novatrice. Il vous sera peut-être utile de discuter de l'ensemble de ces facteurs avec les représentants de cette société. En effet, sa réussite n'est pas attribuable à un seul d'entre eux.

• 1020

Les données estimatives concernant les dépenses affectées à la recherche en santé ne fournissent qu'une évaluation fort conservatrice de l'apport véritable de cette activité à l'économie. Selon les estimations de l'Institut canadien d'information sur la santé, on a dépensé, en 1996, 800 millions de dollars pour effectuer des recherches sur la santé. La croissance future du secteur de la santé sera fonction des investissements que l'on fait aujourd'hui dans ce domaine. Il n'existera d'entreprise solide et bien établie dans le secteur de la santé que dans la mesure où leur croissance et leur développement pourront s'appuyer sur des activités de recherche fondamentale financées par les gouvernements et les organismes sans but lucratif du secteur de la santé. Les nouvelles connaissances permettent à de nouvelles sociétés de prendre leur envol et de s'établir. Les investissements consentis aujourd'hui pour favoriser l'augmentation du savoir et l'innovation peuvent déboucher, dans cinq ou dix ans, sur un accroissement de la richesse, une amélioration de la santé, de l'emploi et du développement technologique.

Les investissements dans la recherche sur les services et les systèmes de santé permettent de limiter les coûts des soins de santé grâce à l'amélioration des méthodes de diagnostic et de traitement et à de nouvelles connaissances qui permettent de prendre des décisions plus éclairées en matière de soins. L'amélioration du savoir se répercute sur la pratique médicale, les traitements, les appareils, les médicaments, les soins aux patients et les résultats d'une façon générale.

Pour comprendre à quel point il peut être important de favoriser la recherche en matière de services de santé pour accroître la productivité dans le secteur des soins de santé, il suffit de savoir que pratiquement 10 p. 100 de notre PIB est consacré aux soins de santé. Par conséquent, toute dépense gouvernementale en matière de recherche sur la santé qui vise à engendrer de nouvelles idées, à améliorer l'infrastructure et les ressources humaines est un investissement dans la productivité. De la même manière toute politique qui favorise la création, la dissémination et l'application des nouvelles connaissances qui en résulte représentent un investissement fructueux pour l'avenir.

Pour accroître la productivité dans le secteur de la recherche sur la santé, il faudra confier à nos chercheurs les plus doués les instruments et les ressources qui leur permettront d'effectuer leur travail. La capacité d'innover appartient aux personnes exceptionnelles. Il y aura croissance économique lorsque le nouveau savoir, issu des travaux des chercheurs de première ligne, aura été transformé en possibilités concrètes pour les entreprises privées du secteur de la santé.

Si le Canada ne réussit pas à accroître sa productivité et sa croissance en matière de recherche sur la santé et dans les secteurs liés à la santé, notre pays continuera d'être très en retard sur ses partenaires du G-7 aussi bien en matière d'investissements visant la recherche sur la santé que sur le plan de la croissance, plus en aval, de l'ensemble du secteur de la santé. Si nous ne réussissons pas à investir suffisamment dans la recherche sur la santé, nos jeunes chercheurs les plus brillants et les plus prometteurs seront tentés de profiter de l'occasion que leur offrent d'autres pays. La perte de jeunes canadiens bien scolarisés accroîtra, d'une part, le fardeau que doivent assumer nos chercheurs et, d'autre part, entraînera pour l'avenir, à mesure que les chercheurs actuels prendront leur retraite, une pénurie de plus en plus considérable que nous aurons de la difficulté à combler. De plus, la perte d'individus dont les idées seront le fondement des nouvelles connaissances se soldera en fin de compte par une perte de valeur ajoutée des possibilités commerciales d'avenir.

Pour terminer, permettez-moi, au nom du Conseil pour la recherche en santé, de remercier le gouvernement fédéral d'avoir réinvesti dans la santé et dans les soins de santé lors du dernier budget fédéral. À nous maintenant de faire fructifier cet investissement. Vous nous voyez encouragés par l'engagement du gouvernement fédéral de créer les Instituts canadiens de recherche en santé. Vous avez invité les milieux de la recherche à agir de manière à renouveler la recherche en soins de santé pour le XXIe siècle. Le Conseil ne doute pas du fait que nous allons être en mesure de relever le défi et de montrer, au cours des trois prochaines années, toute l'importance et l'utilité de la recherche en santé. Il nous semble extrêmement important que le gouvernement fédéral assure un soutien à long terme aux ICRS. Nous espérons qu'il restera ouvert à l'avenir au dialogue concernant le niveau opportun d'investissements à long terme en recherche sur la santé.

Monsieur le président, nous proposons trois recommandations. Premièrement, que le gouvernement fédéral s'engage à l'égard des Instituts canadiens de recherche en santé pour une période supérieure à trois ans, dans la mesure où les milieux de la recherche pourront élaborer une nouvelle approche en matière de recherche sur la santé. Dans votre rapport de l'an dernier vous aviez proposé 1 p. 100, et nous sommes d'accord avec un tel objectif.

Nous recommandons, en deuxième lieu, de miser sur les jeunes chercheurs en créant à leur intention un climat qui favorise et récompense l'excellence et de mettre au point des systèmes d'information qui permettront de mesurer et d'évaluer la contribution de la recherche sur la santé à l'économie et à la prestation des soins de santé.

En troisième lieu, favoriser la tenue annuelle d'une table ronde sur la recherche en santé et l'économie à laquelle participeraient les intervenants clés des milieux de la santé, de la recherche en santé et en sciences biomédicales du gouvernement, des organismes sans but lucratif ainsi que des organismes privés à but lucratif, de manière à trouver les façons de faire en sorte que la collaboration des intervenants des divers secteurs favorise l'accroissement de la productivité et la croissance économique.

Vous me permettrez, monsieur le président de terminer en citant Paul Romer, économiste à Stanford et également Fellow de la Banque Royale à l'Institut canadien des recherches avancées. La citation provient d'un article récent dans Entropy, le bulletin d'information de Founder's Network. Le docteur Mustard pourra vous donner plus d'information à ce sujet. Voici donc la citation:

    Dans la nature, ce ne sont pas les occasions qui manquent. C'est plutôt le talent qui manque aux êtres pour profiter de toutes les occasions qui se présentent à nous. Dans pratiquement tous les domaines, nous progressons dans la mesure où nous nous appliquons. Les exemples abondent. Par ailleurs, nous ne faisons aucun progrès là où nous ne concentrons pas notre attention sur le problème.

Merci, monsieur le président.

• 1025

Le président: Merci beaucoup, monsieur Glynn.

Nous accueillons maintenant Dr Mary Ellen Jeans, du Groupe d'intervention Action Santé. Soyez la bienvenue.

Dr Mary Ellen Jeans (directrice exécutive, Association des infirmières et infirmiers du Canada; coprésidente du Groupe d'intervention Action Santé (HEAL)): Merci, monsieur le président et merci aux membres du comité, de l'occasion qui m'est donnée de comparaître devant vous aujourd'hui dans le cadre audiences que vous tenez sur la productivité, le bien-être économique et le niveau de vie.

Comme le savent bon nombre d'entre vous en raison de nos comparutions antérieures, le Groupe d'intervention Action Santé, HEAL est une coalition de quelques 30 organisations. Nous nous employons à protéger et à renforcer le système de soins de santé du Canada. Les membres de HEAL représentent plus d'un demi-million de dispensateurs et de consommateurs de soins de santé. Le groupe a l'intention de travailler de concert avec d'autres organisations et gouvernements pour faire en sorte que le système de soins de santé réponde efficacement aux besoins des Canadiens.

Vous avez demandé aux témoins de répondre à une série de questions portant sur la productivité. Je sais que, au cours de la première phase des audiences, un certain nombre de témoins ont décrit la productivité et l'ont définie, en expliquant son importance et ses effets pour les Canadiens. Ce matin, nous avons certainement entendu des exposés fort intéressants.

J'aimerais pour ma part vous parler de la santé et du système canadien de soins de santé tout en vous expliquant en quoi ces aspects sont liés à la productivité. Dans une allocution récente portant sur l'opinion publique et la productivité, Michael Marzolini, le président de Pollara, a fait valoir que les Canadiens n'ont pas encore saisi le lien entre la productivité et les soins de santé. En accroissant la productivité nationale, a-t-il dit, nous dégagerions de nouvelles ressources financières pour les soins de santé. Ainsi, selon l'opinion fort répandue, le système de soins de santé serait une sorte de boulet que traîne l'économie, une source de dépenses. Permettez-nous de proposer une autre façon de voir les choses.

Pour assurer le dynamisme de notre économie, les Canadiens sont notre ressource la plus précieuse. Il faut donc sÂassurer qu'ils sont en bonne santé pour garantir l'effet voulu sur la productivité. Bien que la chose semble relever de l'évidence, il vaut la peine de souligner une fois de plus le lien direct qui existe entre la santé générale de la population et la productivité. Nous en apprenons toujours davantage sur les facteurs qui garantissent la santé de la population. Peter Glynn a signalé certains résultats récents à cet égard et je vous invite également à prendre connaissance du rapport annuel de l'Organisation mondiale de la santé, où l'on fait état des liens qui existent entre la santé, l'économie et la productivité.

Nous savons que ceux qui se situent en haut de l'échelle sur les plans socio-économiques et éducationnels sont en meilleure santé. Nous savons, par exemple que le chômage entraîne des répercussions physiques et mentales graves, non seulement pour la personne directement touchée mais pour sa famille. Et, comme on a pu l'apprendre ce matin, des répercussions particulières touchent les enfants qui représentent la prospérité future de notre pays. Le phénomène de la pauvreté chez les enfants a des effets néfastes durables et importants sur la productivité et la santé de la nation.

Il existe un rapport entre l'alphabétisation et la santé, aussi bien à l'échelle des individus qu'à celle de l'ensemble de la société. Les employeurs aussi bien que les chercheurs comprennent le rapport qui existe entre un milieu de travail plus sein et la productivité. Par exemple, on note qu'un certain nombre d'employeurs, y compris Nortel ici à Ottawa, mettent en oeuvre des programmes en matière de promotion de la santé et de mieux-être des employés. Santé Canada et l'Institut national de la qualité ont uni leurs forces pour créer un programme de prix destiné à valoriser la santé en milieu de travail au Canada.

À l'échelle des sociétés, le rapport entre le revenu et l'état de santé devient plus clair.

Notre message est donc le suivant: pour que la productivité augmente au Canada, nous devons travailler à améliorer la santé. Nous devons investir dans la santé dans le cadre d'une stratégie d'ensemble visant à accroître la productivité.

Que dire maintenant du régime de soins de santé du Canada? Sur le plan structurel, il ressort d'un certain nombre d'études qu'un régime public de soins de santé viable et suffisamment financé contribue énormément à la compétitivité économique du Canada. Le Conference Board du Canada et KPMG ont d'ailleurs effectué récemment des travaux à ce sujet.

• 1030

Comme l'a soutenu HEAL par le passé, dans les mémoires qui vous ont été soumis, les dépenses consacrées aux soins de santé sont stabilisées. En 1997, la tranche des dépenses au chapitre des soins de santé comme proportion du PIB, est revenue au niveau de 1990, et le Canada occupe maintenant le cinquième rang parmi les pays de l'OCDE pour les soins de santé, derrière les États-Unis, l'Allemagne, la Suisse et la France.

Selon un certain nombre de chercheurs, on peut mieux maîtriser les dépenses en matière de santé dans le cadre d'un régime public à payeur unique. Or, A. Charles Baillie, président et directeur général de la Banque Toronto-Dominion, a fait valoir à l'occasion d'un discours récent devant le Board of Trade de Vancouver que le fait de passer à un régime public à payeur unique coûterait peut-être moins cher au gouvernement, mais coûterait beaucoup plus cher au pays.

Du point de vue des entreprises, un système de soins de santé viable et bien financé peut être considéré comme un facteur important dans la décision d'une entreprise de s'établir au Canada. Il s'agit donc d'un facteur susceptible d'attirer l'investissement à long terme, de favoriser la création d'emplois à valeur ajoutée, d'engendrer de nouvelles sources de revenu et de richesse pour la société et de contribuer à l'assiette fiscale du Canada.

Dans la mesure où ils ont facilement accès à un système de santé bien financé, les Canadiens peuvent être traités rapidement après une maladie ou un accident et retourner au travail dans les meilleurs délais pour ainsi participer à la production. De la sorte, les coûts directs, sous forme par exemple d'assurance-invalidité ou d'autres programmes sociaux, sont réduits au minimum. En reprenant plus rapidement le travail, ils allègent également le fardeau des familles et d'autres dispensateurs de soins.

Notons également au passage que le régime de soins de santé emploie une proportion importante de la population active du Canada. Dans certaines petites localités du Canada, il s'agit d'un employeur de premier plan, et même parfois du plus important. La main-d'oeuvre du secteur des soins de santé est très scolarisée. Nous avons appris aujourd'hui qu'un certain nombre de Canadiens très scolarisés quittent le pays pour diverses raisons qui ont été citées. Je dirai pour ma part que depuis trois ans, des milliers de médecins et d'infirmières ont quitté le Canada pour se rendre dans d'autres pays, surtout aux États-Unis. Le problème n'est pas sans importance, et nous aurions tort de ne pas en tenir compte.

Le régime de soins de santé constitue une composante indissociable de la stratégie industrielle du Canada à court, moyen et long termes pour ce qui est de favoriser le développement économique, la viabilité et la productivité. Citons par exemple le développement, la mise au point et l'exportation des produits et résultats de la recherche en santé, en biotechnologie et en génomique humaine.

D'autres témoins vous ont parlé ou vous parleront de la valeur de la recherche en santé et en science médicale, ainsi que de l'importance de l'enseignement supérieur et de son apport à la productivité. Selon les responsables de HEAL, le comité doit nécessairement tenir compte du rapport constructif qui existe entre la santé et la productivité et de la valeur des programmes sociaux canadiens, y compris ceux qui existent en matière de soins de santé, à cet égard.

L'an dernier, lorsque les représentants de HEAL ont comparu devant votre comité, ils vous ont demandé deux choses. Nous vous avons demandé de réinvestir dans le régime de soins de santé, d'en rétablir la vigueur. Nous vous avons également demandé d'investir dans l'expansion de tous les aspects du régime de soins de santé, en mettant l'accent sur la promotion de la santé et la prévention des maladies.

Pour ce qui est du budget, à titre de représentante du milieu de la santé, nous sommes reconnaissants des investissements prévus en matière de soins de santé. Il faut cependant déplorer l'absence d'investissement additionnel en matière de promotion de la santé et de prévention des maladies, qui sont pourtant absolument indispensables pour garantir la productivité de la société canadienne.

Je vous remercie de nous avoir donné l'occasion de présenter nos points de vue. Je suis impatiente de participer à la discussion.

Le président: Je vous remercie beaucoup, docteur Jeans.

Nous cédons maintenant la parole au Dr Barry McLennan, de la Coalition pour la recherche en sciences biomédicales et en santé. Voyez le bienvenu.

Dr Barry D. McLennan (président, Coalition pour la recherche biomédicale et en santé): Merci, monsieur le président. Je vous remercie de me donner l'occasion de comparaître devant votre comité permanent à titre de représentant de la Coalition.

Comme la plupart d'entre vous le savent, la Coalition pour la recherche biomédicale et en santé représente un large éventail de Canadiens. Permettez-moi de citer notamment les 16 écoles de médecine et centres de santé universitaires, les facultés d'agriculture et de médecine vétérinaire, le milieu de la recherche clinique, l'Institut canadien de médecine académique, le Collège royal des Médecins et Chirurgiens du Canada, la Fondation pour la recherche en sciences de la santé de l'Association canadienne de l'industrie du médicament, le Collège des médecins de famille du Canada, et les Canadiens pour la recherche médicale.

• 1035

Je crois bien que les membres du comité ont en main notre mémoire. Je vais m'y rapporter au cours de mon exposé. Il est organisé selon la structure des questions auxquelles vous nous avez demandé de répondre dans votre lettre du 21 avril.

Permettez-moi, tout d'abord, de rappeler les propos du ministre des Finances, M. Martin, qui déclarait récemment que le Canada devait absolument inverser la tendance à long terme de la baisse de sa productivité en allégeant la fiscalité, en réduisant la dette et en investissant dans la R-D. Certains de ces aspects ont d'ailleurs été abordés par d'autres témoins ce matin.

En lisant le National Post ce matin, j'ai remarqué une manchette qui signalait que la présentation du rapport sur la productivité serait retardée de deux mois. Pourtant, on semblait en connaître le contenu. Selon l'auteur de l'article, le rapport signalait que la croissance de la productivité au Canada avait été à peu près nulle l'an dernier. Voilà qui nous rappelle une fois de plus, comme si c'était nécessaire, ce que d'autres ont signalé ce matin, à savoir que nous devons affronter sans détours le problème de notre baisse de productivité.

Le paragraphe d'introduction de notre mémoire donne diverses définitions de la productivité. On peut notamment définir la productivité comme étant une augmentation du produit intérieur brut réel par habitant. Dans la mise à jour économique et financière du mois d'octobre, on disait que l'amélioration de la productivité représentait le principal défi pour le Canada. Nous ne pouvons donc pas plaider l'ignorance. Nous n'avons tout simplement pas encore fait grand-chose à ce sujet.

Ne perdons pas de vue que l'innovation est le moteur de la productivité, comme d'autres l'ont signalé ce matin. Or, nos investissements publics en matière de recherche constituent l'une des principales façons de favoriser l'innovation au Canada, et, par conséquent, d'accroître la productivité.

Il ne fait pas de doute que la R-D joue un rôle clé, notamment dans le secteur des sciences de la vie. L'enchaînement de cause à effet a pour origine la création du savoir. Le savoir entraîne un accroissement de la productivité qui, à son tour, débouche sur une augmentation du produit intérieur brut. En effet, qui dit investissement dans la recherche dit accroissement de la connaissance, dit amélioration de la productivité, dit augmentation du PIB.

Permettez-moi de rappeler les résultats encore valables aujourd'hui d'une étude effectuée par l'AUCC, l'Association des universités et collègues du Canada, en 1993. Il en ressortait que chaque dollar dépensé en R-D universitaire, entraînait une augmentation réelle de 7,5 $ du PIB.

Un examen plus attentif de ces chiffres est d'ailleurs fort révélateur. En effet, environ la moitié de l'activité dont il est question vise des dépenses de recherche dans les écoles de médecine et les centres de soins de santé universitaires du Canada. On peut donc conclure que les activités de recherche en sciences de la santé en 1993 ont ajouté environ 37 milliards de dollars au PIB. Il s'agit là de 5 p. 100 du total du PIB pour cette année-là ou, autrement dit, d'environ 100 000 emplois. Il s'agit là de données de 1993.

J'ai hâte de voir une mise à jour à ce sujet, mais d'après les rapports provisoires que j'ai vus, ce chiffre est encore valable. Il est absolument vrai que l'activité dans le secteur de la recherche en santé représente le nouveau moteur de l'économie.

D'autres témoins ont parlé ce matin du fait que les petites entreprises sont le pivot de notre activité économique. C'est absolument vrai. J'ajouterai seulement qu'il faut aussi regarder la croissance des petites entreprises commerciales dans le secteur de la recherche en santé, car l'activité économique qui y est associée est formidable.

Nous savons donc que l'augmentation du produit intérieur brut est une mesure clé de la productivité. L'investissement dans la recherche en santé s'est révélé un catalyseur de l'activité économique. Comme Peter Glynn l'a dit il y a quelques minutes, un investissement dans des cliniques biomédicales qui font de la recherche en santé produit un double rendement de l'investissement. On obtient d'abord une augmentation de la productivité et ensuite une diminution des pertes de productivité parce qu'on assure une meilleure santé aux travailleurs. Les gens en bonne santé sont des travailleurs plus productifs; c'est très simple.

Le fardeau que représente la maladie pour le pays, d'après les estimations, est absolument renversant. Je donne des détails à ce sujet à la page 4 de notre mémoire, où nous estimons que le piètre état de santé de nos travailleurs coûte 38,3 milliards de dollars au Canada.

Comme le ministre Martin l'a dit dans son discours du 16 février «La recherche est au coeur d'un système de soins de qualité».

• 1040

Dans notre mémoire, nous parlons en détail d'un secteur important qui contribue maintenant énormément à l'activité économique et à la productivité. Je veux parler du tableau figurant à la page 3 du mémoire et portant sur le secteur des sciences de la vie et du potentiel de croissance de l'emploi qu'il représente.

Le potentiel de croissance de l'emploi dans le secteur des sciences de la vie est vraiment stupéfiant. Au Canada aujourd'hui ce secteur emploie plus de 86 000 Canadiens, ce qui est beaucoup plus que le secteur de l'aérospatiale, avec ses réalisations bien connues dans ce pays. On estime que l'emploi dans le secteur des sciences de la vie passera à plus de 136 000 d'ici l'an 2003. Nous avons l'occasion dans ce pays de vraiment profiter de ce fait. Au cours des deux prochaines décennies, la croissance dans le secteur des sciences de la vie sera absolument phénoménale. Les économistes estiment que le taux de croissance sera de l'ordre de 10 p. 100 à 20 p. 100 par année. Nous ne pouvons tout simplement pas nous permettre en tant que nation de ne pas saisir l'occasion pour progresser dans ce domaine et améliorer la productivité du pays.

Permettez-moi de vous donner un exemple. D'autres ont mentionné des exemples ce matin mais je vais vous en donner un autre, soit l'histoire de Biochem Pharma. Cette entreprise a démarré grâce à une subvention de recherche accordée à quelques scientifiques par le Conseil de recherches médicales il y a quelques années. Biochem Pharma emploie aujourd'hui plus de 1 000 personnes. Elle fabrique des médicaments efficaces dans le traitement du sida et de l'hépatite B. C'est un excellent exemple de croissance et d'amélioration de la productivité dans le secteur de la biotechnologie. Ce n'est qu'un exemple parmi d'autres.

Il y a aujourd'hui dans le pays plus de 300 entreprises, dont plusieurs sont des petites entreprises, qui emploient plus de 25 000 personnes dans le seul secteur de la biotechnologie. On estime que le taux de croissance dans ce secteur est de l'ordre de 10 p. 100 à 20 p. 100 par année. Voici une autre façon de voir la chose. Au cours de la dernière année, plus de 50 p. 100 des nouveaux médicaments soumis à l'approbation des organismes de réglementation provenaient du secteur de la biotechnologie.

Le Canada est le deuxième pays au monde dans le domaine de la biotechnologie pour ce qui est du nombre absolu d'entreprises. Je trouve cela absolument époustouflant. Nous sommes un petit pays. Nous avons un dixième de la population des États-Unis et pourtant c'est le seul pays du monde qui nous dépasse en ce qui concerne le nombre d'entreprises existantes. Nous sommes sur un pied d'égalité avec le Royaume-Uni. Nous avons une occasion formidable de saisir l'occasion pour utiliser nos talents et nos ressources en biotechnologie afin d'augmenter notre productivité et d'améliorer la santé des Canadiens.

Vous nous avez aussi demandé s'il y aurait vraiment des conséquences à ne pas augmenter notre productivité. Eh bien, il y en aurait certainement. Si nous ne parvenons pas à améliorer notre productivité, il y aura plusieurs conséquences. Certains témoins en ont parlé ce matin. Je me contenterai de parler de deux d'entre elles.

Quelques témoins ont déjà fait allusion ce matin au fardeau économique que représente la maladie. En 1993—il s'agit encore de données qui remontent à quelques années—on estimait ce fardeau à 22 p. 100 de notre PIB ou, pour le situer sur une base individuelle, à plus de 5 000 $ par personne. C'est le fardeau économique de la maladie. Nous devons manifestement améliorer nos soins de santé et notre productivité pour faire en sorte que les travailleurs canadiens soient en bonne santé.

On a fait allusion ce matin à l'exode des cerveaux. C'est un problème énorme pour le pays. Notre propre enquête révèle que nous perdons au profit des États-Unis seulement, cinq chercheurs ayant une solide formation dans le domaine de la santé pour chaque chercheur qui revient. Nous avons même les noms et adresses de ces personnes. Il s'agit de gens en chair et en os.

Le coût terrible de cette perte pour le pays est estimé à plus de 500 millions de dollars par année. Permettez-moi d'expliquer ce que cela signifie. Si nous essayons de remplacer chaque personne que nous avons perdue, le coût total de la formation des remplaçants, serait équivalent à ce montant. Nous ne pouvons tout simplement pas nous permettre de laisser continuer ce phénomène. D'autres témoins en ont parlé ce matin. Je parle seulement d'un secteur—celui de la recherche en santé. Nous perdons des gens dans d'autres secteurs également. Nous devons transformer l'exode des cerveaux en un retour des cerveaux au pays.

Le gouvernement a un rôle important à jouer pour s'assurer que le Canada offre un environnement concurrentiel. Il y a plusieurs facteurs qui déterminent ce qui constitue un environnement concurrentiel. Si nous voulons attirer des investissements étrangers directs dans le pays, nous devons offrir un contexte attrayant. Nous devons nous assurer que nos règlements et nos dispositions législatives sont justes et concurrentiels face aux autres pays. Nous devons faire en sorte que les délais et les coûts liés à l'obtention de l'approbation d'un médicament biotechnologique soient concurrentiels avec ce qui existe aux États-Unis et en Europe. Notre rapport contient des recommandations à cet égard.

• 1045

Nous devons nous assurer d'avoir au Canada une équipe de scientifiques et de chercheurs ayant une solide formation pour effectuer la recherche dont on a besoin et à laquelle s'attendent les investisseurs. Comme je viens de le mentionner, nous devons capitaliser sur nos talents en biotechnologie dans notre pays. Je vous donne un exemple précis. Le gouvernement du Canada a créé il y a quelques années un programme de partenariat technologique pour commercialiser les connaissances dans des secteurs stratégiques d'innovation. Au cours des dernières années, on a pu ainsi financer 70 projets différents. C'est une bonne nouvelle.

Je tiens cependant à vous signaler que sur ces 70 projets, seulement deux étaient dans le secteur de la biotechnologie. Nous devons nous concentrer sur ce secteur qui est nouveau et fait fureur en ce moment. C'est dans ce domaine que les choses bougeront vraiment au cours des deux ou trois prochaines décennies. L'une des recommandations que nous formulons dans notre mémoire exhorte Partenariats technologiques Canada à se rajuster pour se concentrer sur le secteur de la biotechnologie. C'est un nouveau secteur en pleine croissance et nous devons en profiter.

Comme Peter Glynn l'a fait il y a quelques minutes, je tiens moi aussi à féliciter le comité pour les recommandations qu'il a formulées l'automne dernier, et aussi d'avoir il y a quelques années recommandé au gouvernement du Canada d'investir dans la recherche en santé. Je félicite le comité et le gouvernement du Canada d'avoir décidé de financer une nouvelle initiative audacieuse, soit l'établissement des Instituts canadiens de recherche en santé.

Ce n'était qu'un élément du budget fédéral. Il y avait aussi d'autres mesures concernant la recherche en santé que nous étions tous heureux de voir. On en a parlé également ce matin—l'initiative concernant les infirmières, un financement additionnel pour la Fondation canadienne pour l'innovation, le financement de la recherche sur le diabète, et d'autres. Il y a énormément de bonnes nouvelles pour la recherche en santé dans le pays.

Je suis membre, comme d'autres, du conseil d'administration provisoire des Instituts canadiens de recherche en santé. Nous avons tenu quelques réunions récemment et je suis heureux de vous informer qu'il règne un niveau formidable d'enthousiasme, d'encouragement et de confiance renouvelée chez les chercheurs en santé au Canada. Nous avons même reçu des appels de Canadiens résidant aux États-Unis et qui se demandent s'ils pourraient revenir. Voilà une nouvelle passionnante! Il y a énormément d'enthousiasme face à cette nouvelle initiative.

Nous sommes aussi très conscients, monsieur le président, que vous avez confié une énorme responsabilité au conseil provisoire d'administration qui doit bien faire les choses afin de respecter les promesses faites et de justifier la confiance que vous avez mise en nous. Les nouveaux instituts seront un succès, j'en suis bien convaincu. Ce nouvel organisme augmentera notre activité économique ainsi que notre productivité. Il contribuera à inverser la tendance de l'exode des cerveaux, et ce qui est encore plus important, à améliorer la santé des Canadiens à un coût réduit. Ce sont toutes des choses très souhaitables.

La principale recommandation que nous formulons ce matin—je ne lirai pas ces recommandations, car elles figurent dans notre mémoire—est que le gouvernement assure la stabilité de son engagement à financer la recherche en santé, comme l'a dit Peter Glynn, car ainsi l'amélioration attendue de la productivité en résultera, pour le bénéfice de tous les Canadiens.

Merci beaucoup.

Le président: Merci beaucoup, docteur McLennan.

Nous entendrons maintenant M. James Turk, représentant de l'Association canadienne des professeures et professeurs d'université.

M. Jim Turk (directeur exécutif, Association canadienne des professeures et professeurs d'université): Bonjour. Je m'appelle Jim Turk. Je suis directeur exécutif de l'Association canadienne des professeures et professeurs d'université. Notre organisation représente 30 000 membres du corps enseignant, bibliothécaires et chercheurs travaillant dans la plupart des universités du Canada. Je suis accompagné de notre principal conseiller économique, David Robinson.

Les membres du comité sont certainement très conscients, après nous avoir entendu tous témoigner sur cette question, qu'il y a encore beaucoup de controverse au sujet de la possibilité que les niveaux de productivité du Canada soient maintenant inférieurs à ceux d'autres pays industrialisés. Nous sommes tous aux prises avec les chiffres très différents qui proviennent du U.S. Bureau of Labor Statistics, de l'OCDE, et de Statistique Canada.

D'après une série de statistiques, les différences entre le Canada et les États-Unis de 1989 à 1997 sont négligeables; le taux de changement était identique à 0,9 p. 100. Si l'on calcule le taux en fonction du nombre d'heures travaillées, l'écart joue en faveur du Canada.

La différence réelle entre nous et les États-Unis se situe dans le secteur manufacturier, mais même cette différence disparaît lorsqu'on enlève deux industries où réside presque toute la différence entre les États-Unis et nous, soit les secteurs de la machinerie industrielle et du matériel électronique. Le fait est que c'est très difficile et compliqué de démêler tout cela, et que nous devons rétablir les faits en ce qui concerne les statistiques, avant de pouvoir parler d'une crise de productivité.

• 1050

Quoiqu'il en soit, une chose est claire. Comme la plupart des autres pays industrialisés, le Canada a vu la croissance de sa productivité baisser significativement depuis le début des années 70. C'est dû en grande partie au choc pétrolier du milieu des années 70 et à la diminution de l'impact des facteurs historiques qui avaient donné du tonus à la productivité pendant la période d'après guerre, comme la croissance du secteur public, l'avènement de nouvelles technologies, et une réorientation de la main-d'oeuvre du secteur agricole à faible productivité vers d'autres secteurs.

La croissance de la productivité a ralenti encore plus dans les années 90. Il y a lieu de remarquer—et c'est vraiment important pour le comité—que ce déclin est survenu en dépit de toutes les mesures prises par Ottawa en vue, parait-il, d'améliorer la productivité: le libre-échange, l'objectif zéro en matière d'inflation, et la compression des effectifs dans le secteur public. En dépit de toutes ces mesures, la productivité a en fait baissé encore plus dramatiquement dans les années 90.

La question de la productivité est en train de devenir un autre tremplin dans certains milieux pour justifier d'autres propositions semblables—et vous en avez entendu mentionnées certaines aujourd'hui—à celles qui ont engendré le bourbier économique actuel, soit encore plus de déréglementation, de privatisation et de réduction des dépenses publiques. Et en tête de la liste figure la réduction des impôts comme solution à tous nos maux, y compris nos maux en matière de productivité. Les données établissant un lien de cause à effet entre des niveaux plus élevés de productivité et des impôts réduits, sont cependant pratiquement inexistantes. On ne voit aucune corrélation entre les niveaux de productivité des pays industrialisés et leur taux d'imposition. En outre, les taux d'impôt effectifs sur le revenu des sociétés au Canada sont déjà faibles comparativement à ceux des autres pays et se comparent bien à ceux des États-Unis. Il est très important que le comité tienne compte de ces faits.

Trois raisons principales expliquent la faible croissance de productivité dans les années 90: la stagnation macroéconomique, les faibles investissements des entreprises et des gouvernements, en particulier dans la R-D, un marché du travail faible et la croissance du travail à temps partiel et du travail indépendant. Parlons pendant un instant de chacun de ces trois facteurs.

En ce qui concerne la stagnation macroéconomique, les taux d'intérêt élevés et les compressions financières ont ralenti la croissance économique générale. La croissance moyenne réelle du PIB du Canada au cours des années 90 nous situe près du dernier quart de tous les pays industrialisés. La situation est encore pire que ces chiffres semblent l'indiquer étant donné que la population du Canada croît plus rapidement que celle de plusieurs autres pays. Une croissance relativement lente du PIB de 2 p. 100 après inflation, disons, se traduit même par une augmentation du niveau de vie dans les pays où la croissance de la population est faible, comme dans la plupart des pays d'Europe et au Japon. Au Canada, cependant, où la population augmente au rythme de 1,5 p. 100 par année, une croissance de 2 p. 100 signifie pratiquement aucune amélioration du niveau de vie. Si l'on mesure le PBI par habitant, on constate alors que le Canada a connu une baisse de son niveau de vie dans les années 90.

Le deuxième facteur est le faible investissement fait par les entreprises et les gouvernements, et c'est un facteur extrêmement important. Les investissements nets des entreprises canadiennes dans des biens de capital fixe—la machinerie et le matériel—se sont situés en moyenne à 5 p. 100 à peine du PIB dans les années 90, soit le niveau le plus bas depuis 60 ans. C'est alarmant parce que la véritable croissance de la productivité résulte de l'utilisation de techniques de production plus efficaces, grâce à l'aide de nouvelles technologies et de nouveaux équipements. Ces derniers éléments sont liés à des investissements dans la R-D.

À cet égard, la proportion du PIB que le Canada consacre aux travaux de R-D, en dépit de généreuses subventions fiscales à des activités privées de R-D, a constamment été inférieure à celle du reste du monde. C'est en grande partie dû au niveau élevé et croissant de propriété étrangère dans le secteur de la fabrication où l'on utilise des technologies de pointe au Canada. Les chiffres sont très clairs: les entreprises étrangères ont tendance à mener leurs activités de R-D dans leur pays d'origine plutôt que dans leurs succursales. La réduction du financement de l'enseignement par les gouvernements au cours des six dernières années et un sous-financement chronique de la recherche menace de faire empirer encore davantage la situation.

Depuis les années 70, la diminution la plus prononcée des investissements a eu lieu dans le secteur public. En tant que proportion du PIB, les investissements publics ont baissé de près de 30 p. 100 entre les années 70 et les années 90. Ce grave sous-investissement dans notre infrastructure publique est en train de devenir malheureusement apparent quand on voit la détérioration de nos écoles et de nos campus, ainsi que de nos hôpitaux, bibliothèques et autres établissements publics.

Le troisième facteur est la faiblesse du marché du travail. En dépit d'une baisse récente du taux officiel de chômage, le marché du travail est demeuré faible au Canada. Le travail indépendant représente près de la moitié de tous les nouveaux emplois créés dans les années 990. La plupart de ces postes sont marginaux, du travail de faible productivité entrepris par des personnes qui ont été victimes des réductions d'effectifs dans les secteurs public et privé. Certains chiffres montrent que la productivité moyenne des travailleurs autonomes au Canada est peut-être seulement la moitié du niveau de productivité des travailleurs employés par quelqu'un. La croissance rapide du travail indépendant contribue donc à faire baisser la productivité dans l'ensemble de l'économie.

• 1055

Des données de 1998 font ressortir de telles craintes. La croissance réelle du PIB en 1998 se situait juste en-deçà de 3 p. 100, et le taux moyen d'emploi a augmenté de 2,8 p. 100, c'est-à-dire que la productivité de la main-d'oeuvre par personne employée a progressé de 0,2 p. 100 seulement, ce qui dénote un problème très grave. Cela confirme nos soupçons, c'est-à-dire que bien que des emplois aient effectivement été créés ces dernières années, ce n'étaient pas de bons emplois. Étant donné la croissance du travail à temps partiel, du travail indépendant et d'autres emplois à faible valeur, l'augmentation du nombre d'emplois ne se traduit pas par une productivité supérieure ni par un niveau de vie plus élevé.

Nous avons plusieurs propositions. D'après les recherches effectuées, la productivité est déterminée par trois facteurs corrélatifs: le capital physique, le capital humain et les progrès techniques. Cela signifie qu'il faut une approche à trois volets pour augmenter la productivité.

Premièrement, en ce qui concerne les investissements dans le capital physique, les secteurs privé et public doivent accroître leurs investissements dans le capital fixe. Le secteur privé en particulier doit accroître ses investissements dans les installations et l'outillage. Il n'y a absolument pas de données qui confirment qu'on atteindrait cet objectif en réduisant les impôts sur les sociétés. Les taux d'imposition effectifs au Canada sont déjà bas par rapport aux autres pays, comme je l'ai déjà dit. Contrairement à ce que certains ont laissé entendre, ce ne sont pas les impôts élevés qui ont ralenti les investissements privés dans le capital physique, ce sont plutôt les taux d'intérêt élevés et le contexte de faible croissance macroéconomique dans les années 90. On obtiendra plus sûrement des niveaux d'investissement plus élevés si les taux d'intérêt réels restent bas et si les gouvernements utilisent leurs pouvoirs budgétaires pour favoriser une plus forte croissance de la demande globale et réduire l'écart de production dans l'économie.

En ce qui concerne les investissements dans le capital humain, c'est-à-dire le deuxième facteur, il faut que les gouvernements dépensent davantage pour l'éducation, les soins de santé et d'autres programmes sociaux, pour résoudre le problème de la productivité. De tels programmes contribueront à créer une main-d'oeuvre en meilleure santé, mieux formée et plus sûre, et ils sont donc d'une importance vitale pour plusieurs raisons, et notamment parce qu'ils aideront à améliorer le niveau de vie.

Considérons le secteur universitaire. Les universités de recherche au Canada fonctionnent avec environ la moitié des revenus par étudiant, comparativement aux universités publiques américaines. Cependant, les investissements dans le capital humain rapporteront seulement lorsque le climat se sera amélioré dans le secteur des emplois, et c'est un élément également très important. Un chauffeur de taxi qui possède un doctorat n'est pas plus productif qu'un chauffeur sans doctorat. Les gains qu'on peut tirer de l'éducation dépendent beaucoup de l'existence et de la création de bons emplois.

Le dernier facteur est celui de la R-D. Le fait d'apprendre à créer de nouveaux types de produits et services de manière plus efficace constitue un élément crucial pour l'augmentation de notre productivité et l'amélioration de notre niveau de vie. Cependant, le piètre dossier du Canada dans la R-D a nui à l'amélioration de notre situation économique. Encore là, on ne peut pas blâmer le régime fiscal. Malgré de généreuses subventions fiscales accordées au secteur privé pour la R-D, le Canada a de loin le plus faible taux de tous les grands pays en ce qui concerne l'investissement dans la R-D.

Si nous voulons résoudre ce problème, il faudra que les divers paliers de gouvernement du Canada prennent des mesures pour contrer le niveau croissant de propriété étrangère dans les industries de fabrication de technologie de pointe au Canada. Si la tendance historique se maintient, des niveaux élevés de propriété étrangère dans ces secteurs entraîneront même plus tard une diminution des activités de R-D. Étant donné que le secteur privé n'investit pas assez dans la R-D, les gouvernements doivent jouer un rôle plus actif dans ce domaine.

Le rapport publié récemment par le groupe de spécialistes sur la commercialisation des résultats de la recherche universitaire, remis hier au Conseil consultatif des sciences et de la technologie, est un exemple de mauvais conseils que reçoit le gouvernement. Dans son zèle pour promouvoir l'innovation et axer le financement sur la recherche qui offre des promesses de gains commerciaux à long terme, le groupe de spécialistes menace de mettre fin au type même de recherche fondamentale—c'est-à-dire la recherche motivée par l'investigation scientifique—qui nous a donné la plus grande partie des résultats commerciaux et sociaux auxquels les Canadiens accordent de l'importance.

Votre comité fait face à des questions très difficiles. Les économistes présentent des données contradictoires et leurs affirmations se contredisent souvent. Les différences dans leurs positions et tous les autres témoignages que vous entendez reposent sur des détails très techniques et souvent ésotériques dont les économistes discutent interminablement, et si vous les laissez faire, ils vous feront subir cet interminable débat.

Vous avez entendu des témoins suggérer différentes choses aujourd'hui. Votre défi, d'après nous, ne consiste pas à choisir à qui vous devriez faire plaisir. Votre défi ne consiste pas à vous demander si vous devez choisir quelques idées des uns ou des autres. Votre défi consiste à déterminer quelle analyse est correcte, car les mesures que vous déciderez de proposer dépendront de l'analyse de départ que vous choisirez, et je pense que c'est le défi actuel et futur de votre comité.

Merci beaucoup.

• 1100

Le président: Merci beaucoup, monsieur Turk.

Nous passons maintenant à une période de questions et réponses. M. Solberg.

M. Monte Solberg (Medicine Hat, Réf.): Merci beaucoup, monsieur le président.

J'ai apprécié les exposés que nous avons entendus aujourd'hui. Ils étaient très instructifs.

Je dois commencer en parlant d'une suggestion faite plus tôt par le président, quand il a dit que nous devons nous pencher notamment sur ce que font les entreprises pour améliorer leur productivité. Je tiens cependant à faire savoir à nos témoins que pour l'opposition officielle, là n'est pas la question. Nous sommes satisfaits de laisser les entreprises s'occuper de leurs affaires. Quant à moi, je veux examiner les politiques gouvernementales. Je pense que c'est là la question essentielle.

Je commencerai par signaler que le gouvernement dit qu'il n'y a pas vraiment un gros problème. Le premier ministre et le ministre des Finances ont dit par exemple qu'ils ont réduit les impôts, qu'ils les ont réduits de 16 milliards de dollars. Ils ont réduit les cotisations à l'assurance-emploi. Je me demande alors, s'il en est ainsi, pourquoi nous tenons ces réunions. Quelles plaintes avez-vous à formuler? Si le gouvernement a tellement bien réussi à réduire les impôts, pourquoi l'économie ne connaît-elle pas un grand essor et pourquoi notre niveau de vie n'augmente-t-il pas au point de dépasser celui des États-Unis? C'est là ma question.

Le président: Monsieur Turk.

M. Jim Turk: Je suppose que plusieurs d'entre nous aimeraient répondre à cette question.

Nous voulions faire valoir qu'on ne résoudra pas les problèmes de productivité en réduisant les impôts. Le Canada a déjà de faibles taux d'imposition effectifs sur le revenu des sociétés, comparativement aux autres pays du monde.

M. Monte Solberg: Monsieur Turk, permettez-moi de répondre à cela. Si j'ai bien compris, le Canada se situe vraiment dans la moyenne, en ce qui concerne les impôts sur les sociétés. Vous conviendrez par contre, je pense, qu'en ce qui concerne les impôts sur le revenu des particuliers, nos taux sont parmi les plus élevés du G-7, et nos charges sociales sont à la hausse. Je pense en outre que nos taxes municipales sont parmi les plus élevées du monde, du moins en ce qui concerne les pays industrialisés.

Mme Catherine Swift: Nous sommes premiers au monde.

M. Monte Solberg: Je comprends ce que vous dites, mais le simple fait que nous ayons un problème d'exode des cerveaux, que toutes sortes de statistiques démontrent que les gens partent... M. McLennan nous l'a dit. Je pense que nous avons effectivement un problème de fiscalité et que les faits le démontrent.

Mme Catherine Swift: Nous devons aussi reconnaître que les impôts sur le revenu des sociétés sont jugés peu élevés par bien des gens. Comme nous l'avons mentionné dans notre mémoire, ils sont les moins problématiques, car au moins on les paie quand on fait des profits. Toutes les taxes indépendantes des profits dont il est question dans un tableau tiré du rapport Mintz du ministère des Finances montrent... Les taxes indépendantes des profits comprennent les taxes sur la masse salariale, les impôts fonciers au niveau municipal—je reconnais qu'il ne s'agit pas de votre niveau de gouvernement—les frais exigés de plus en plus par tous les gouvernements, et qui ont augmenté considérablement, et cela inclut aussi, à mon avis, toutes les augmentations d'impôt sur le revenu. C'est la raison pour laquelle nous ne mettons pas l'accent sur une taxe en particulier, mais sur l'ensemble du fardeau fiscal. Même au palier fédéral, nous savons qu'il y a eu des augmentations considérables.

Je trouve significatif que des gens comme les membres du Conseil canadien de développement social recommandent qu'on élimine la fiscalité insidieuse. Voilà un groupe préoccupé par la politique sociale qui dit qu'il y a effectivement un problème sérieux, c'est-à-dire qu'on appauvrit davantage les pauvres en n'ajustant pas les tranches d'imposition au taux d'inflation, ce qui a permis au gouvernement fédéral d'accumuler des milliards de dollars dans ses coffres depuis le début des années 90.

Nous ne parlons donc pas seulement de la position des entreprises ici. C'est un phénomène très généralisé et les impôts sur les sociétés en sont un élément. Les impôts sur le revenu des particuliers par contre... De fait, les entrepreneurs qui font partie de notre groupe accordent autant de priorité aux impôts sur le revenu des particuliers qu'aux taxes sur la masse salariale.

M. Monte Solberg: Vous ne croyez donc pas que les impôts baissent au gouvernement fédéral?

Mme Catherine Swift: Non, ils ne baissent pas en réalité. Je veux dire qu'ils augmentent cumulativement depuis déjà plusieurs années.

M. Monte Solberg: En dépit de ce que le gouvernement dit. Je tiens aussi à signaler à cet égard que le gouvernement fédéral perçoit maintenant 6 milliards de dollars chaque année de Canadiens qui gagnent moins de 20 0000 $ par année.

Le président: Monsieur Solberg, madame Anthony voudrait aussi intervenir.

M. Monte Solberg: Je vous en prie.

Mme Nancy Hughes Anthony: J'essayais d'intervenir, monsieur Solberg, parce que la question est tellement bonne.

Je souligne aussi à M. Turk, et pour la gouverne des membres du comité, que la Chambre parle actuellement d'accorder une grande priorité aux impôts personnels. On y parle des impôts perçus auprès des Canadiens. Je vais vous donner un exemple.

Il y a quelques semaines, j'étais dans la région de Kitchener, Waterloo, Guelph, Cambridge et Woolwich. Les chambres de commerce de la région réunissent le monde des affaires et essaient ensemble de former une sorte de consortium qui mettra l'accent sur les connaissances techniques disponibles dans la région. On trouve dans cette région du pays d'excellents soins de santé et des universités formidables. On n'arrive cependant pas à convaincre les jeunes de la région de Kitchener, Waterloo, Cambridge et Guelph à rester dans la région pour travailler dans les types d'entreprises qui y prospèrent.

• 1105

Ils constatent également qu'ils ne peuvent pas attirer des investissements de l'extérieur, et ils signalent que les impôts personnels sont l'un des principaux facteurs qui découragent ce genre de croissance.

Donc, bien que je reconnaisse que le gouvernement estime avoir fait des progrès pour ce qui est de la réduction de l'impôt personnel, compte tenu des excédents qu'il affiche, il est temps qu'il prenne des mesures courageuses qui permettront d'améliorer réellement la compétitivité de notre système d'impôt personnel.

Le président: Monsieur Turk.

M. Jim Turk: Monsieur le président, vous avez invité les échanges parmi les témoins. Je tâcherai de ne pas en abuser mais je ne peux pas m'empêcher de faire un commentaire compte tenu de ce qui a été dit.

Lorsqu'on examine les niveaux d'imposition, il faut examiner ce qu'ils permettent d'acheter. C'est-à-dire que les Canadiens, comme tout le monde, ont besoin d'une diversité de biens et de services, et nous pouvons les payer soit par l'intermédiaire du secteur privé ou par l'intermédiaire des impôts. Lorsque nous comparons les niveaux d'imposition avec ceux en vigueur aux États-Unis, il est important d'examiner ce que nous obtenons grâce à nos impôts, et je dirais que nous en obtenons nettement plus ici qu'aux États-Unis. Et si nous examinons l'évaluation faite par la revue Fortune des milieux idéaux pour les placements des sociétés et ainsi de suite, les villes canadiennes souvent viennent en tête de liste à cause de toutes ces choses que nos impôts permettent d'acheter.

Je pense qu'il s'agit simplement d'un exemple, tout comme la discussion sur la productivité, qui ne se prête pas à des réductions et des comparaisons simplistes. L'exode des cerveaux en est un autre exemple. En fait, si on examine les données, on constate que le Canada accueille plus de spécialistes qu'il n'en perd.

Nous avons fait une comparaison avec les États-Unis des gens qui partent... Dans le secteur universitaire, la majorité des gens que je connais qui partent—dans nos enquêtes sur nos membres qui partent—ne partent pas à cause des impôts élevés. Ils partent à cause de l'insuffisance de l'investissement dans la recherche, parce qu'ils n'arrivent pas à obtenir de laboratoires, à obtenir des subventions de recherche qu'ils peuvent obtenir aux États-Unis. Ce sont les principales raisons de leur départ.

Toute cette question d'exode des cerveaux est un peu comme la question de la productivité et des impôts. La situation est beaucoup plus compliquée que cela, et tout compte fait, il y a beaucoup plus de gens qui viennent au Canada que de gens qui en partent.

Le président: Monsieur Solberg.

M. Monte Solberg: N'est-il pas vrai, toutefois, qu'il n'y a pas si longtemps, les taux d'imposition au Canada étaient comparables à ceux en vigueur aux États-Unis et pourtant nous avions notre propre façon de faire les choses? Nous avions nos propres filets de sécurité sociale et nous avions un niveau de vie considéré équivalent ou supérieur à celui des États-Unis.

Aujourd'hui, le ministre de l'Industrie dit que notre niveau de vie est inférieur à celui du Mississipi et de l'Alabama et des plus pauvres des États américains du grand Sud. Comment conciliez-vous alors ce que je considère être un fait avec l'argument que vous venez de présenter?

M. Jim Turk: Je ne suis pas allé récemment au Mississipi ni en Alabama, mais j'aimerais beaucoup y aller avec le ministre de l'Industrie pour voir ce qu'il en est. Je pense que la prétention selon laquelle notre niveau de vie est équivalent à celui du Mississipi, de l'Alabama et de la Louisiane ne résisterait pas à un examen empirique ou physique effectué lors d'une visite.

M. Monte Solberg: Il s'agit de données provenant de Statistique Canada. Je n'ai rien inventé.

M. Jim Turk: Je n'ai pas vu ces données. J'aimerais en prendre connaissance. Je n'arrive pas vraiment à croire qu'elles reflètent la réalité.

M. Monte Solberg: J'aimerais maintenant m'adresser aux représentants des municipalités.

L'une des préoccupations qui a été exprimée c'est que si nous nous engageons dans un autre programme d'infrastructures, certaines décisions risquent d'être influencées par des considérations d'ordre politique. Je pense que le vérificateur général lui-même a laissé entendre que, dans certains cas, lors du dernier programme d'infrastructures, il y a eu des cas où on a fait un mauvais usage des fonds—jusqu'à un tiers des fonds, je crois. Je me demande si vous pourriez nous indiquer comment éviter que le processus de prise de décisions devienne politisé lorsqu'il s'agit d'attribuer des fonds en matière d'infrastructure.

M. James Knight: Évidemment, il n'existe pas de programme parfait. Je dirais toutefois que le programme d'infrastructures, en attribuant plus de 70 p. 100 de ses ressources à l'infrastructure de base, a agi tout à fait dans les règles.

En Ontario, par exemple—et cela représente 40 p. 100 du programme—l'allocation des fonds s'est faite uniquement par habitant. Il n'y a eu aucune politisation en Ontario. Ce programme a été exécuté dans les règles et l'argent a été réparti en fonction de la population.

• 1110

Dans l'ensemble, c'est ce qui s'est passé au Canada. Les cas extraordinaires qui ont été parfois signalés étaient les exceptions. Mais l'expérience ontarienne a été assez intéressante.

M. Monte Solberg: Mais s'il s'agissait d'un programme de 6 milliards de dollars et qu'un tiers de cet argent a été mal utilisé, cela représente 2 milliards de dollars. C'est beaucoup d'argent.

M. James Knight: Ce n'est certainement pas ce que j'ai dit. J'ai dit que 70 p. 100 de ces fonds ont été utilisés pour l'infrastructure de base, c'est-à-dire les routes, les trottoirs, les égouts. Il y a eu d'autres types d'investissement qui étaient tout autant justifiés et qui ont été appuyés par les gouvernements fédéral, provinciaux et municipaux qui ont travaillé ensemble, donc il est absurde de laisser entendre que 30 p. 100 de cet argent a été gaspillé.

M. Monte Solberg: Reportons-nous au rapport du vérificateur général. C'est le vérificateur général qui a fait cette observation.

M. James Knight: Sauf votre respect, le vérificateur général n'a pas déclaré que 30 p. 100 de l'argent a été gaspillé. Dans l'ensemble, le vérificateur général a estimé que le programme a assez bien fonctionné et est en train de formuler des recommandations dont pourrait s'inspirer un programme futur.

Le programme s'est concrétisé assez rapidement. Il a été mis en oeuvre presque immédiatement. L'infrastructure bureaucratique nécessaire pour l'appuyer a parfois présenté un léger décalage. Le vérificateur général publiera un rapport sur les leçons tirées du premier programme, qu'il a considéré en général assez positif—les leçons à tirer en prévision du prochain programme. Ce rapport devrait être rendu public bientôt, je pense cette année, donc nous devrions tous y jeter un coup d'oeil.

M. Monte Solberg: J'ai une dernière question en ce qui concerne le programme d'infrastructures. L'un des éléments de la formule de ce programme était les taux de chômage. Je pense que cela représentait à peu près la moitié de la formule totale. L'autre moitié portait sur la pondération par habitant.

Donc, si l'objectif est d'établir l'infrastructure là où elle est nécessaire, pourquoi avoir une formule qui inclut les taux de chômage?

M. James Knight: On voulait en partie en faire un programme de création d'emplois. Dans l'optique des municipalités, les extrants étaient surtout les services durables. C'est ce que voulaient les gouvernements municipaux. Mais le gouvernement fédéral, qui s'intéresse au chômage, a apporté des ajustements marginaux aux allocations peut-être pour augmenter le nombre d'emplois disponibles dans les régions où le chômage était plus élevé. Il s'agit de rajustements relativement mineurs soit des pourcentages de 2, 3 et 4 p. 100, pas plus.

Le président: Je vous remercie, monsieur Solberg.

Madame Bennet.

Mme Carolyn Bennet (St. Paul's, Lib.): Je vous remercie, monsieur le président.

La semaine dernière, il était clair que la façon dont nous mesurons la productivité ne prend pas en compte la santé et l'éducation et que, par conséquent, on se demande si le PIB par travailleur, ou toute autre formule, nous indiquera réellement si notre situation va progresser au pays, s'il y a lieu de la redéfinir et si le revenu disponible... ou s'il existe un autre moyen quelconque d'en parler.

Je suppose que je suis déçue de constater que la chambre et la Fédération canadienne de l'entreprise indépendante—que même le rapport de la chambre indique que les principaux moteurs de la croissance de la productivité sont les investissements en capitaux, une main-d'oeuvre spécialisée, formée et souple—peu importe ce que l'on entend par souple—et des marchés ouverts, mais qu'il ne dit rien à propos de la santé de la main-d'oeuvre. Lorsque vous examinez les priorités en matière de productivité des PME présentées par la Fédération—si une Canadienne sur cinq s'occupe d'une personne âgée ou handicapée, et certaines données dont j'ai pris connaissance indiquent un taux d'absentéisme de 46 p. 100, c'est parce qu'il faut que ces femmes s'absentent pour s'occuper de leurs proches.

Nous avons des entreprises qui se débrouillent vraiment bien. Si on examine la main-d'oeuvre canadienne, on voit que les travailleurs de l'automobile viennent ici parce que les ouvriers ne sont pas complètement drogués et qu'ils font bien leur travail.

Donc il y aurait certains secteurs à améliorer comme les programmes de soins à domicile et de prévention de la toxicomanie. Même des organismes comme VIA Rail... J'ai été étonné la semaine dernière de constater que Jim Stanford n'a pas célébré les entreprises qui offrent des programmes destinés à prévenir les maux de dos plutôt que d'attendre que les gens réclament des indemnités pour accident du travail. Si ces entreprises mettent à la disposition des travailleurs des gymnases pour assurer leur mise en forme, nous savons que ces entreprises qu'en fait leur productivité est meilleure. Lorsque l'on parle de productivité, pourquoi le secteur privé ne nous propose-t-il pas le genre de mesures qui reconnaissent les avantages d'offrir des programmes de santé et d'éducation et des façons d'améliorer ce type de programme?

• 1115

En ce qui concerne la recherche en santé, je suis tout à fait pour et c'est tout à fait normal. Je pense que la recherche est de plus en plus subventionnée par l'industrie pharmaceutique ou le secteur privé. Cependant, je tiens à savoir ce que le gouvernement peut faire pour veiller à ce que la recherche, au lieu d'être axée sur les traitements, soit axée sur les vaccins. Comment pouvons-nous orienter le financement de la recherche afin qu'au bout du compte, nous empêchons les gens de tomber malades? En ce qui concerne la recherche sur le SIDA, sur le plan de la productivité, tous les médicaments au monde ne seront jamais aussi efficaces qu'un bon vaccin.

Ce sont mes questions.

Le président: Nous commencerons par Mme Hughes Anthony puis nous passerons à Catherine Swift ou M. Whyte.

Mme Nancy Hughes Anthony: Pour répondre à votre question, comme vous le savez la Chambre de commerce représente des gens de toutes les régions du pays, de chaque collectivité et de chaque circonscription, et ce sont des gens qui ont des enfants et qui ont des préoccupations en matière de santé. Donc définitivement...

Mme Carolyn Bennett: Je ne crois pas que le mot «santé» soit mentionné dans votre rapport.

Mme Nancy Hughes Anthony: Compte tenu du temps qui nous est alloué aujourd'hui, nous ne pouvons pas parler de tout. Je pense que la santé fait de toute évidence partie de l'équation de la productivité.

Mme Carolyn Bennett: Et l'absentéisme?

Mme Nancy Hughes Anthony: Je ne comprends pas ce que vous voulez dire lorsque vous parlez de cet élément soi disant gratuit parce que le fait est qu'il n'y a qu'un contribuable au bout du compte.

Mme Carolyn Bennett: Je veux dire que cela n'entre pas dans l'équation de la productivité.

Mme Nancy Hughes Anthony: Je pensais, monsieur le président, que le rôle du comité était d'examiner la façon d'améliorer la situation économique dans son ensemble afin de favoriser la croissance du Canada et pas nécessairement d'argumenter sur la façon de diviser le gâteau en petits morceaux. Nous savons que l'économie du Canada ne croît pas à un rythme concurrentiel sur le plan international. Nous savons que nous sommes à la traîne. Je pensais que le travail du comité était d'examiner la façon de favoriser la croissance de l'économie au profit de tous afin que nous puissions avoir des Canadiens en bonne santé et instruits capables de travailler au Canada. Il faudrait les motiver à rester au Canada et à travailler dans des entreprises en expansion et où l'investissement étranger...

Mme Carolyn Bennett: Mais lorsque nous mesurons la productivité, nous ne mesurons pas la productivité du secteur des soins de santé ni du secteur de l'éducation. On n'en tient pas compte.

Mme Nancy Hughes Anthony: Mais je ne pensais pas que c'était le mandat du comité aujourd'hui.

Mme Carolyn Bennett: Mais la Chambre de commerce ne devrait-elle pas se préoccuper de la productivité dans ces domaines qui pour l'instant ne sont pas mesurés dans les moyennes?

Mme Nancy Hughes Anthony: Je demanderai à mon associé de commenter cet aspect.

M. Dale Orr (membre, Comité de la politique économique, Chambre de commerce du Canada): Je serai bref. Il ne fait aucun doute que si une population en mauvaise santé réduit la productivité des travailleurs, cela sera mesuré. Donc, c'est un facteur qui est mesuré.

Bien qu'on ne s'entende pas sur certaines données, certains éléments sont assez clairs. Notre productivité a été beaucoup plus faible au cours des années 90 qu'au cours des années précédentes. Ce n'est pas parce que nous sommes en moins bonne santé. Notre niveau de vie a diminué considérablement au cours des années 90 comparativement à celui des Américains. Cela est assez clair. Mais ce n'est pas non plus parce que nous devenons moins bien portants que les Américains.

Mme Carolyn Bennett: Sur quelles données vous appuyez-vous pour déclarer cela?

M. Dale Orr: Il s'agit de données acceptées par pratiquement tous ceux qui ont comparu ici le premier jour de ces audiences.

Le président: Je vous remercie, madame Bennett.

Monsieur Whyte ou madame Swift.

M. Garth Whyte (vice-président, Affaires nationales; Fédération canadienne de l'entreprise indépendante): Je vous remercie, monsieur le président.

Tout d'abord, je tiens à préciser que nous sommes venus ici à votre demande pour parler de productivité. C'est vous qui avez choisi ce thème, pas nous. J'encourage tous les témoins à éviter de se lancer dans un débat à ce sujet. Il semble qu'ils veulent que nous débattions de cela entre nous pour dire, vous voulez ceci, vous voulez cela, que pouvons-nous faire? Nous craignons que l'étude ne devienne politisée.

Tous les membres ici présents sont parfaitement au courant de ce que nous avons fait en ce qui concerne les soins de santé. Tous savent les pressions que nous avons exercées afin d'obtenir une déduction d'impôt pour les travailleurs autonomes. Ils sont au courant du régime de prestation d'assurance-maladie sur lequel nous avons travaillé en collaboration avec l'Association canadienne des compagnies d'assurances de personnes à l'intention de nos membres.

Nous avons dix minutes pour faire notre exposé ici. Nous ne voulions pas nous lancer dans un débat sur la façon de mesurer la productivité. Nous vous avons dit que c'est votre problème. Nous avons également dit qu'en ce qui concerne la productivité, c'est la fin qui nous intéresse et non les moyens. Ce que nous voulons, c'est déterminer comment améliorer la vie de tous les Canadiens.

• 1120

Si vous voulez connaître notre position sur les soins de santé, prenez connaissance de notre mémoire prébudgétaire qui comprend tout un chapitre sur les soins de santé et dans lequel nous avons fermement appuyé l'augmentation des transferts au système de soins de santé. Lorsqu'il s'agit de la petite entreprise, cette question de portefeuille à la place du coeur ne fonctionne pas.

Nous prenons à coeur toutes ces questions. Si vous voulez parler de l'emploi chez les jeunes, vous avez tous une copie de notre étude sur l'emploi chez les jeunes qui indique comment nous tâchons de favoriser l'acquisition de compétences. Cela fait partie encore une fois de la question de la productivité.

Cela ne figure pas dans notre exposé. Tout ce que nous vous avons donné, c'est une question que nous avons posée à nos membres: qu'est-ce qui pourrait aider votre entreprise à en faire plus ou à produire plus avec les ressources dont elle dispose?

Cependant, si nous posions cette question, ils demanderaient comment le gouvernement fédéral le fait-il? Cela est provincial et cela est municipal. Donc c'est pourquoi nous avons demandé quelles sont les mesures actives de la part du gouvernement fédéral qui aideraient votre entreprise à en faire plus ou à produire plus?

Le gouvernement fédéral a tendance à mettre l'accent sur l'augmentation des subventions et des subsides. C'est ce qu'ont répondu 12 p. 100 de nos membres. Il a tendance à mettre l'accent sur un meilleur accès aux marchés de l'État, qui représente un aspect important, mais qui n'a été mentionné que par 10 p. 100 de nos membres. Nous leur avons demandé une liste, que nous avons soumise à l'examen des Finances et de vos hauts fonctionnaires quant à la façon de procéder, et ce sont les questions que nous avons choisies. Nos membres préconisent de réduire les charges salariales et l'impôt sur le revenu, de rembourser la dette fédérale et d'alléger la réglementation qu'ils trouvent trop lourde.

Que peuvent faire les petites entreprises; elles peuvent aider à former leurs employés et à assurer un milieu de travail plus sain. Nous avons des gens qui traitent avec les commissions des accidents du travail d'un bout à l'autre du pays—et le comité ne s'en est jamais occupé—pour tâcher de mettre au point des mesures de prévention destinées à réduire les risques de blessures. Donc nous sommes très conscients de cet aspect.

Je n'ai pas l'intention de me lancer dans un argument sur la productivité parce que vos intentions sont politiques.

Mme Carolyn Bennett: Mais j'estime que l'absentéisme est un problème grave.

M. Garth Whyte: Bien sûr.

Mme Carolyn Bennett: Il ne figure pas sur la liste de questions que vous avez posées à vos membres.

M. Garth Whyte: Nous nous en occupons au niveau provincial. Je ne sais pas ce qu'on peut faire à propos de l'absentéisme. Quelle sorte de programme pouvez-vous offrir?

Mme Carolyn Bennett: Il y a le programme de soins à domicile, parce que dans 46 p. 100 des cas d'absentéisme, l'employé doit s'absenter pour rester à la maison afin de s'occuper d'un parent ou d'un enfant malade.

M. Garth Whyte: Mais lorsque vous demandez comment améliorer leur productivité...

Mme Catherine Swift: Nous n'avons pas parlé du fait selon lequel le Canada est le premier pays au monde en journées de travail perdues à cause des grèves. Ne croyez-vous pas que c'est un problème de productivité? Il y a bien des choses dont aurions pu parler aujourd'hui, ce que nous n'avons pas fait, si nous voulions aborder chaque aspect de cette question.

Nous essayons de parler des priorités. Et ces priorités diffèrent selon les différents éléments des collectivités et c'est ce que nous pensions être censés faire.

Le président: Dr McLennan, suivi de M. Glynn.

Dr Barry McLennan: J'aimerais répondre à la question de Mme Bennett.

Je pense que vous avez demandé si nous devrions être préoccupés par le montant de l'investissement pharmaceutique dans notre pays, et j'aimerais essayer d'y répondre. Comme vous le savez, l'investissement par l'ensemble de l'industrie au Canada atteint presque 1 milliard de dollars par année. Seulement 24 ou 25 p. 100 environ de cet investissement est consacré à la R-D, ce qui n'est pas une proportion importante. Cependant, je n'ai aucune objection à ce que les milieux de la recherche en santé fassent affaire avec l'industrie à condition que les règles soient claires, à condition que nous comprenions ce qu'ils considèrent essentiel et qu'ils comprennent nos obligations. Si nous n'arrivons pas à nous entendre là-dessus, alors nous ne ferons pas affaire avec eux.

Mme Carolyn Bennett: Je trouve merveilleux que nous ayons cet argent de l'industrie pharmaceutique.

J'aimerais savoir s'il faudrait prévoir de l'argent pour des initiatives qui sont considérées d'une grande importance publique.

Dr Barry McLennan: Permettez-moi de répondre à cette question. Comme je l'ai mentionné dans mes observations, nous sommes très heureux que le gouvernement ait appuyé le lancement des Instituts canadiens de recherche en santé. Il faut comprendre qu'il s'agit d'une toute nouvelle façon de faire de la recherche en santé au Canada. L'un des grands atouts de ce programme, c'est qu'il permettra de réunir les membres des groupes de santé communautaires, les groupes qui se soucient de la pauvreté chez les enfants, des coûts des soins à domicile pour les particuliers, et ainsi de suite. Nous allons réunir des groupes qui partagent des intérêts communs en tant que chercheurs et citoyens intéressés, tant parmi ceux qui financent la recherche que parmi ceux qui l'effectuent, grâce à ce recoupement d'instituts virtuels.

Donc je pense que grâce à cette initiative, on mettra l'accent sur la question même que vous posez. J'estime que cela est important. Je pense que nous en avons besoin et que nous devons mettre en commun notre sagesse collective à cet égard.

Si vous me le permettez, monsieur le président, j'aimerais commenter l'observation faite par M. Turk à propos de l'exode des cerveaux. C'est une question complexe. Mais je vous renvoie à notre mémoire qui renferme trois éléments indiquant que l'exode des cerveaux est une réalité dans notre pays.

J'ai eu le même débat avec le ministre des Finances de notre propre université. Depuis le 1er décembre, j'ai perdu cinq chercheurs dans ma faculté, de bons chercheurs, des gens extrêmement compétents et productifs. Il m'a répondu vous les avez remplacés. C'est vrai mais je ne les ai pas remplacés par des gens de même calibre, et c'est là la différence. Sur le plan strictement comptable, remplacer quelqu'un par un autre, cela revient du pareil au même. Or ce n'est pas le cas ici et c'est extrêmement important.

Le prix de l'exode des cerveaux au Canada, c'est que nous formons des gens et que nous les perdons. Dans ce secteur, nous avons des chiffres précis. Je vous renvoie aux données du C.D. Howe Institute, à notre propre enquête et à celles d'autres organismes qui indiquent qu'il s'agit d'un réel problème. Je ne veux pas dire qu'on ne peut pas remplacer quelqu'un. Là où je veux en venir, c'est que vous ne remplacez pas la personne que vous avez perdue par une personne productive et chevronnée qui a fait ses preuves. C'est là le prix que l'on paie et dont négligent souvent de tenir compte ceux qui ne font qu'additionner des chiffres.

• 1125

Merci.

Le président: Monsieur Glynn.

M. Peter Glynn: Je vous remercie, monsieur le président et tous les membres du comité. À mon avis, ce qu'il faut comprendre c'est qu'il n'y a pas de solutions simples ou rapides à ces problèmes. Il s'agit de créer étape par étape un environnement propice à la recherche, favorable au progrès social, notamment dans la santé, accueillant pour les investisseurs et propre à assurer une bonne imbrication de tous ces facteurs.

L'exode des cerveaux dépend de divers facteurs. Le fardeau fiscal en est peut-être un mais, comme l'a dit Jim Turk, le principal incitatif à rester c'est un emploi dans une université qui a du financement pour la recherche en santé et qui peut compter sur des bailleurs de fonds. Je vous avoue bien franchement que c'est probablement plus important que le taux d'imposition. Il faut que les chercheurs puissent poursuivre les travaux de recherche qui les intéressent.

J'ajouterai en réponse à la question de M. Bennett sur les solutions à apporter aux problèmes de la politique gouvernementale touchant à la recherche en santé, que je suis aussi membre du conseil d'administration provisoire des ICRS et, comme Barry l'a dit, nous avons l'occasion de créer des programmes de recherche beaucoup plus imaginatifs sur les plus importantes questions de politique publique en accordant peut-être un peu moins d'importance à la recherche orientée par les chercheurs, bien qu'elle soit toujours importante.

Ce qui m'inquiète réellement c'est cette recherche de solutions instantanées. Si nous pouvions tout commercialiser dès demain, ce serait très bien. J'en reviens à ce que disait Jim Turk à savoir que les idées fondamentales doivent continuer d'être explorées. Ce genre de recherche n'est pas généralement financé par l'industrie mais plutôt par les gouvernements et les organismes de santé sans but lucratif. Il faut revaloriser la recherche pour que, petit à petit, les gens retrouvent le sentiment que notre pays trouve utile que les jeunes se lancent dans la recherche et fassent carrière dans ce milieu pendant 30 ans. Nous avons détruit cela à la fin des années 80 et au début des années 90. Il nous faudra dix ans pour tout reconstruire, sinon plus. Il suffit de trois ans pour détruire. Il faut beaucoup plus de temps pour reconstruire.

Monsieur le président, pour alléger un peu le ton, je vous signale que la livraison de mai du Atlantic Monthly renferme un article intéressant intitulé «The Great Disruption, Human Nature and the Reconstitution of Social Order». C'est peut-être sur cela que travaille le comité: «Le passage à l'heure de l'information s'est accompagné d'effondrement social dans tout le monde industrialisé». Ainsi, vous n'êtes pas seuls.

Le président: Cela nous rassure énormément.

Dr Jeans.

Dr Mary Ellen Jeans: Je tiens à réitérer ce que disent mes collègues au sujet des rivalités qui nous opposent. Il m'apparaît clairement que la plupart des Canadiens chérissent certaines valeurs et qu'ensemble nous pouvons probablement trouver des solutions équitables même aux problèmes très compliqués. Ce serait beau. C'est Peter Glynn, je crois, qui disait qu'il nous faut travailler ensemble beaucoup plus.

Je représente 30 organisations qui s'intéressent à la santé en général et à la santé des consommateurs, mais nous ne travaillons pas quotidiennement avec des organismes d'autres secteurs, du moins pas autant que nous devrions le faire. Voilà un premier commentaire.

J'aimerais toutefois lancer un défi à M. Orr qui dit que notre état de santé ne se dégrade pas. J'estime que c'est l'un des principaux problèmes, lequel devra être pris en compte dans le contexte du passage à l'ère de l'information, à savoir comment mesurer la santé. Des mesures approximatives comme la durée de vie ne nous renseignent pas très bien.

Si vous prenez le cas des enfants au Canada actuellement... Je m'entretenais hier avec un collègue qui m'a parlé de 16 suicides dans une ville du Nouveau-Brunswick au cours des six derniers mois. Nous savons que la toxicomanie est à la hausse. Nous savons que les problèmes d'ordre émotif et psychologique sont en hausse. Nous savons tous qu'il y a 10 ou 15 ans il y avait une infirmière dans chaque école; aujourd'hui, une infirmière est responsable de 10 écoles. Vous ne pouvez pas me dire que ce genre de compressions n'a pas eu d'impact sur les aspects déterminants moins visibles de la santé dans notre pays.

• 1130

Voilà pourquoi j'estime que nous devons privilégier une vue d'ensemble si nous voulons trouver des solutions raisonnables pour améliorer à l'avenir la productivité au Canada.

Le président: Merci, docteur Jeans.

J'aimerais en profiter pour apporter une précision. Quand nous avons décidé de faire cette étude, nous savions fort bien que la tâche ne serait pas facile. La solution de facilité, pour nous les membres du comité, serait de mettre fin à cette étude sous prétexte que le Comité des finances n'a pas à s'intéresser à la productivité. C'est un dossier réellement ardu. La plupart des gens, même les économistes qui ont comparu devant le comité, ne s'entendent pas sur les façons de mesurer la productivité. Mais là n'est pas le rôle de notre comité. Le comité est prêt à s'attaquer à des sujets ardus et voilà pourquoi nous avons invité des représentants des différents secteurs.

Mettons les choses au clair. Nous voulons savoir comment créer davantage de richesse dans notre pays. Comment pouvons-nous nous y prendre pour que tous en profitent? Il ne s'agit pas de susciter des rivalités—loin de là. D'ailleurs, c'est tout le contraire. Il s'agit de découvrir comment nous pouvons créer un climat qui sera source de prospérité et de savoir quel rôle peut jouer le gouvernement pour créer un tel climat. Voilà notre mission.

Madame Anthony.

Mme Nancy Hughes Anthony: Je suis tout à fait d'accord avec vous et je vous remercie de ces commentaires car il me semble que c'est exactement dans ce sens que doit s'engager la discussion.

J'aimerais revenir à la question que j'ai posée plus tôt où je supposais que dans le cadre de votre étude, aucune solution, aucune option, aucune possibilité n'était exclue. Comme je l'ai dit, je m'inquiète à l'idée que le premier ministre ait pu fermer la porte à certaines solutions dans une allocution qu'il a prononcée hier—je n'étais pas là mais j'en ai lu des comptes rendus. Il semblait dire que la fiscalité ne pose aucun problème et que tout va bien. Je me demande si cela aura une incidence sur le mandat du comité.

Le président: Non, parce que le pays doit toujours créer de la richesse si nous voulons trouver des solutions aux problèmes que vous et nos autres témoins nous ont énumérés. Je tenais à être bien clair là-dessus, d'accord?

Monsieur Turk.

M. Jim Turk: Nous avons tous en commun le désir d'améliorer le niveau de vie et la qualité de vie de tous les Canadiens. Toutefois, je ne suis pas d'accord avec certains autres témoins qui disent que vous tentez de nous dresser les uns contre les autres. Nous comparaissons devant vous pour vous présenter des analyses très divergentes du problème et des solutions très contrastées. D'ailleurs, certaines des solutions que nous recommandons sont diamétralement opposées à celles que d'autres vous font. Je ne crois donc pas que vous tentez de nous mettre en joute. Nous jetons un éclairage différent sur la situation.

Comme nous l'avons dit, pour nous l'investissement dans le capital humain, dans les ressources humaines, est très important si vous voulez accroître la productivité. Cela signifie un bon système de soins de santé et un système d'éducation d'excellente qualité. Si l'on réduit l'impôt dans d'autres secteurs, cela signifie qu'il y aura moins d'argent à consacrer à cette infrastructure publique si nécessaire si nous voulons améliorer la productivité. Ainsi, il y a des différences d'analyse fondamentale et comme j'ai tenté de l'expliquer dans ma conclusion, le défi qui se pose au comité c'est de décider quelle analyse est la bonne puisque cela déterminera quelles recommandations vous allez formuler.

Malheureusement, la situation n'a rien d'idéal puisqu'il ne suffit pas que vous nous réunissiez pour qu'ensemble nous trouvions le moyen d'unir nos efforts. Toutes les organisations représentées ici aujourd'hui sont très sérieuses, comme nous le sommes, j'en suis certain, lorsqu'elles disent vouloir régler les problèmes et chacun de nous est convaincu que les solutions que nous vous proposons sont très sensées. Le hic, c'est que nos vues divergent totalement sur le choix de ces solutions qui nous apparaissent si sensées.

Vous nous avez posé une question sur les investissements en recherche, etc., et j'ai mentionné un rapport qui devait être déposé hier auprès du Conseil consultatif des sciences et de la technologie. J'encourage vivement le comité à lire ce rapport. Vous y trouverez un objectif qui se rattache à ce dont nous avons discuté ici, à savoir comment commercialiser la recherche universitaire afin d'accroître l'innovation et la productivité. Et je crois que c'est un désastre, car les auteurs du rapport concluent que le gouvernement fédéral devrait financer les recherches dont les résultats peuvent être commercialisés à court terme.

De plus en plus au Canada les fonds de recherche proviennent en partie de partenaires du secteur privé, et ces derniers s'intéressent de plus en plus, étant donné la concurrence qu'ils doivent soutenir, à des recherches dont ils peuvent espérer tirer quelques revenus dans un avenir immédiat. Voilà pourquoi il y a très peu d'aide à obtenir pour la recherche fondamentale, sauf si elle est financée par des organismes publics.

• 1135

Et voilà qu'on publie un rapport qui recommande de nouvelles restrictions où seuls les travaux de recherche ayant un potentiel commercial seraient financés. Le danger, c'est que jusqu'à maintenant c'est la recherche fondamentale qui a été la principale source de retombées économiques, voire sociales. Nous savons guérir les ulcères, mais le chercheur qui a trouvé le remède parce qu'il était convaincu que la cause était bactérienne avait la réputation d'être si toqué que personne ne voulait lui donner d'argent. Il a dû lui-même ingérer les bactéries pour prouver qu'il avait raison et que son traitement était le bon. Ainsi, s'il avait dû s'allier à un partenaire du secteur privé, nous n'aurions pas de remède pour les ulcères. La liste, de la santé au laser, est très longue.

Il ne faut donc pas fermer la porte. Nous devons comprendre que s'il souhaite assurer la productivité à long terme, le gouvernement doit déterminer quelles politiques garantiront ce résultat. Souvent, ce ne sont pas celles qui garantissent les gains les plus évidents à court terme. Il faut faire preuve de vision, et voilà pourquoi les soins à domicile, le financement des universités, des soins de santé, de la recherche fondamentale, de l'infrastructure municipale, etc., revêtent une importance si cruciale si nous voulons atteindre nos objectifs.

Le président: Merci.

Madame Swift.

Mme Catherine Swift: S'il y a une volonté fondamentale que nous tentons de faire admettre depuis quelque temps déjà c'est qu'il ne faut pas nécessairement choisir entre l'allégement du fardeau fiscal et la qualité des soins de santé. Quiconque étudie les états financiers du gouvernement fédéral sait qu'il y a là des milliards et des milliards de dollars. Depuis des années, nous recommandons la réduction, voire l'élimination, des subventions aux entreprises. Cela s'est fait dans une certaine mesure, et c'est, je crois, l'une des recommandations faites par votre comité dans le passé. Ce n'est peut-être pas tout à fait réaliste, mais l'idée qu'il faut choisir entre le financement de la santé et l'allégement du fardeau fiscal est sans fondement.

J'aimerais faire un commentaire. Tous les témoins semblent partager le même avis, sauf M. Turk; donc je ne crois pas que nous puissions dire que nos points de vue sont diamétralement opposés. Comme vous le savez, nos données proviennent de sondages d'opinions auprès d'un grand nombre de propriétaires de petites entreprises au Canada—souvent des dizaines de milliers—de sorte que ces données sont assez représentatives. Je trouve difficile à accepter que l'on puisse mettre en doute la validité du point de vue d'un secteur important de l'économie canadienne.

Certains disent que nous avons au Canada des politiques de réduction de l'impôt et de déréglementation, mais les faits démontrent le contraire. Les statistiques du gouvernement, du ministère des Finances ou de Statistique Canada, peu importe, montrent que la tendance des dernières années va dans le sens contraire.

Les problèmes de productivité que nous avons connus dans les années 90—là-dessus il n'y a peut-être pas d'unanimité, mais les résultats de recherche tendent à le confirmer—laissent croire que depuis quelques décennies nous ne nous sommes pas réellement éloignés des politiques; c'est plutôt elles qui nous ont rattrapés dans les années 90.

Je serais porté à dire que nous avons subi des pressions en raison de facteurs internationaux. Nos politiques fiscales, la mondialisation, et quoi encore, ont fait subir au Canada des pressions plus lourdes qu'il y a 20 ans, même si déjà à l'époque notre fardeau fiscal était relativement élevé. Nous n'avons pas corrigé ces problèmes.

La productivité, comme beaucoup d'autres choses, est relative. Les décisions que nous avons prises au Canada en matière de réglementation, de fiscalité, de régimes de protection sociale, etc., doivent être comparées avec celles d'autres pays, car, lorsqu'il s'agit d'évaluer la productivité, aucune mesure n'est absolue. Il ne s'agit pas de savoir si nous avons fait quelque chose, mais de savoir si un autre pays a fait plus ou moins la même chose.

Je vais m'en tenir à cela.

Le président: Monsieur Glynn.

M. Peter Glynn: Monsieur le président, en réponse directe à l'une de vos questions, j'aimerais dire que l'un des problèmes auxquels nous nous sommes heurtés dans le passé, c'est que les dépenses du secteur public sont considérées comme des dépenses, c'est-à-dire comme une perte pour le pays. À mon avis il faudrait—et votre comité pourra peut-être être utile à cet égard—que les dépenses soient considérées comme des investissements tout aussi légitimes que les investissements du secteur privé. Il faudrait réussir à mieux faire connaître le secteur public par le secteur privé, et vice versa.

Permettez-moi de reprendre l'exemple de Mme Jeans, qui parlait de l'infirmière-hygiéniste qui visitait les écoles. Je n'ai jamais entendu le secteur privé dire que c'est inacceptable, que nous devrions rétablir, sinon améliorer, le niveau des services destinés à favoriser la croissance et l'épanouissement des enfants, afin que nous ayons des travailleurs scolarisés capables d'innovation et des gens dont les revenus sont suffisants pour qu'ils puissent acheter nos produits. Les dépenses du secteur public doivent être considérées comme des investissements, et non pas comme des dépenses ou des pertes pour l'économie. Il faut réussir un rapprochement.

• 1140

Le secteur privé doit faire plus au niveau local s'il veut garantir l'efficacité, l'efficience et la productivité du système de soins de santé. Il tend à se tenir en retrait, et ce n'est guère utile. Ces deux solitudes doivent se rapprocher. Monsieur le président, votre comité pourra peut-être trouver une façon de les rapprocher.

Le président: Merci, monsieur Glynn.

Monsieur Szabo, et ensuite M. Brison.

M. Paul Szabo (Mississauga-Sud, Lib.): Merci, monsieur le président.

L'un des sujets qui me préoccupent, c'est la diversité d'opinions sur la réalité de l'exode des cerveaux. Il me semble que chacun peut citer des données empiriques pour justifier son point de vue. Statistique Canada nous a fourni le 28 avril des renseignements que j'ai trouvés très instructifs.

L'une des statistiques—et permettez-moi de vous en citer quelques-unes—révélait qu'entre 1990 et 1996, dernière période pour laquelle des données sont disponibles, l'immigration de Canadiens vers les États-Unis était en moyenne de 21 731 personnes par année. L'immigration vers le Canada était en moyenne de 230 581 personnes, de sorte qu'il y avait plus de dix fois plus d'immigrants que d'émigrants. C'était le plus fort pourcentage depuis 1955. Plus de gens viennent au Canada qu'il n'y en a qui partent. C'est important de retenir cela comme point de départ.

Ensuite, on a fait une analyse par catégorie professionnelle afin que nous puissions mesurer l'ampleur du phénomène, et c'est aussi important. Pour les chercheurs en médecine et les médecins, etc., entre 1990 et 1996, 307 médecins, en moyenne, ont quitté le Canada. Il y avait au Canada près de 60 000 médecins, ce qui signifie qu'environ 0,5 p. 100 en moyenne sont partis, ce qui vous donne un ordre de grandeur. Dans le cas des infirmières, 0,3 p. 100 en moyenne ont quitté le Canada pendant la même période. Pour les chercheurs en informatique, c'était 1 sur 1 000; pour les ingénieurs, 3 sur 1 000; les cadres, 1 sur 1 000. Ainsi, en proportion de la population active, cela montre bien que nos travailleurs qualifiés ne quittent pas massivement le Canada.

On parle aussi beaucoup des diplômés d'université. Qui perdons-nous? Entre 1990 et 1996, 8 500 diplômés d'université quittaient le Canada annuellement. Le nombre estimatif de diplômés d'université arrivant chaque année au Canada était de 33 000, soit trois fois plus. Parmi les néo-Canadiens ou les gens venus s'établir au Canada entre 1990 et 1996, 27,9 p. 100 avaient un baccalauréat ou mieux, comparativement à 17 p. 100 seulement des personnes nées au Canada. D'ailleurs, les immigrants étaient plus scolarisés; 9,2 p. 100 des immigrants, comparativement à 3,1 p. 100 des personnes nées au Canada, avaient une maîtrise, un doctorat ou un diplôme en médecine. C'est intéressant.

Enfin, selon la plus récente enquête par sondage réalisée aux États-Unis, seulement 15 p. 100 des Canadiens travaillant aux États-Unis gagnaient plus de 50 000 $. Je voudrais réellement savoir pourquoi autant de gens s'empressent de croire que nous perdons nos meilleurs cerveaux quand, en réalité, il y a un exode net uniquement parmi les médecins et les chercheurs.

La question est de savoir—et j'aimerais entendre la réaction des témoins—pourquoi nous devrions réduire les impôts pour tous les secteurs de la population active uniquement pour stopper l'exode net de médecins et de chercheurs s'il n'y a pas d'exode net des cerveaux dans tous les secteurs, et c'est le cas, puisque nous enregistrons un gain net dans la plupart des catégories professionnelles. Ne faudrait-il pas plutôt cibler nos ressources limitées de façon à obtenir un rendement optimal pour chaque dollar investi?

• 1145

Mme Catherine Swift: D'abord, cet exode des cerveaux est théorique, et, bien franchement, ce n'est pas un sujet qui préoccupe énormément les petites entreprises. Les entreprises comme Northern Telecom s'en plaignent, davantage et disent que si cela continue... C'est un phénomène qu'ils vivent. Ils ne l'ont pas imaginé. De nombreuses entreprises s'en plaignent mais ce n'est pas un problème qui préoccupe énormément nos membres. Cela ne veut pas dire que certains n'en souffrent pas, mais ce n'est pas un problème très aigu pour nos membres.

Toutefois, il n'y a pas que l'exode des cerveaux qui puisse justifier une réduction du fardeau fiscal. C'est une excellente façon de donner davantage de revenus disponibles aux pauvres, comme nous le savons, car beaucoup de groupes sociaux ont dit que la ponction fiscale crée de sérieuses difficultés pour les tranches de revenus les plus faibles. Nous avons pu constater que les deux économies les plus robustes au pays à l'heure actuelle, pour ce qui est de la création d'emplois, sont l'Alberta et l'Ontario, deux gouvernements qui ont privilégié la réduction du fardeau fiscal. Bien entendu, ce n'est pas le seul facteur qui joue, loin de là.

Je connais un certain nombre d'universitaires et d'autres... Je sais que l'Institut C.D. Howe, par exemple, a voulu faire une étude approfondie du phénomène de l'exode des cerveaux et a dû y renoncer faute de données. Par conséquent, il est difficile de cerner le problème, faute de données, et l'Institut C.D. Howe, qui a une excellente réputation comme institut de recherche, n'a pas publié de rapport chiffré pour cette raison. Le manque de données est un sérieux obstacle dans ce domaine.

Toutefois, les gens du secteur de la santé...

M. Paul Szabo: Vous doutez de la réalité de l'exode des cerveaux.

Mme Catherine Swift: Oui, j'ai des doutes, parce qu'aucune véritable étude approfondie n'a...

M. Paul Szabo: D'accord. Alors, Statistique Canada...

Mme Catherine Swift: Comme je l'ai dit, dans le secteur de la petite entreprise, ce n'est pas perçu comme un problème grave.

M. Paul Szabo: D'accord.

Le président: Madame Jeans, suivie de M. Whyte.

Dr Mary Ellen Jeans: J'aimerais bien lire ce rapport, parce que ces chiffres ne ressemblent en rien aux données que nous avons recueillies. Toutefois, le plus important n'est pas de savoir combien arrivent et combien partent, mais bien de savoir qui part et quel effet cela a sur la qualité. Par exemple, si 300 médecins partent, le nombre de médecins par habitant est réduit. Il faut aussi voir qui part. Une étude réalisée par l'Institut C.D. Howe en 1991 sur les infirmières au Canada révélait que 40 p. 100 de tous les nouveaux titulaires de diplômes partaient. C'était peut-être un petit nombre, mais c'était les nouveaux titulaires de diplômes. Cela a une incidence considérable sur la qualité des soins à long terme.

Je suis très heureuse qu'il y ait un rapport. Ce sera intéressant d'y répondre. Nous avons tous la responsabilité de chercher à améliorer la qualité des données.

Le président: Monsieur Whyte.

M. Garth Whyte: Merci, monsieur le président.

Voilà pourquoi nous sommes venus représenter nos membres. Nous pouvons ouvrir un débat sur les définitions, mais nous préférons parler de ce que nos membres disent de la productivité, de ce qui les aiderait à améliorer leur niveau de vie, celui de leurs employés et de leur collectivité. Et voilà pourquoi le gouvernement nous a demandé de participer à ces audiences, car, tous les ans, jusqu'à l'an dernier, il a souligné l'importance de la contribution du secteur de la petite entreprise à la création d'emplois, à la croissance économique du Canada et au développement économique local.

Je ne peux m'empêcher de contester ce qu'ont dit certains témoins. Nous travaillons avec le gouvernement. La ministre Bradshaw a dit que si nous voulons trouver une solution à la pauvreté chez les enfants et aider les gagne-petit, il faut travailler avec les petites entreprises. Et nous avons coopéré avec elle.

Je trouve tout cela difficile à avaler, car nous sommes venus dans l'espoir de trouver des solutions à certains problèmes. Nous avons demandé à nos membres de nous dire quels sont les véritables problèmes. Oui, il y a des statistiques qui vous aident à évaluer la situation, mais souvent elles ne sont pas récentes, tandis que notre organisation visite 3 000 petites entreprises par semaine. Nous leur parlons jour après jour. Ce sont les véritables baromètres de l'économie. Ils savent évaluer son état de santé. Ils nous disent que le fardeau fiscal est écrasant. Vous ne voulez peut-être pas l'entendre, mais c'est ce qu'ils nous disent.

Est-ce important? Monsieur le président, vous avez entendu comme moi l'allocution du ministre d'État responsable de l'Agence de planification économique pour le gouvernement du Canada. Je n'ai pas à vous décliner ses états de service.

Mme Catherine Swift: C'était le Japon.

M. Garth Whyte: Le Japon, désolé.

J'aimerais le citer, parce que je me sens attaqué de toute part quand les gens disent que ce sont des emplois sans importance, et que le travail indépendant n'est pas une option que devrait envisager le Canada dans le contexte de l'accroissement de la productivité. Industrie Canada, dans son mémoire sur la productivité, indique que le Japon est le pays qui a la plus forte productivité.

Ainsi, le ministre du Développement économique du pays qui a la plus forte productivité dit: «Le Japon se démarque des autres pays industrialisés en ce sens que le nombre de travailleurs indépendants est en recul, sauf dans le secteur de l'agriculture.» Et le ministre du Développement économique du Japon dit qu'il juge nécessaire qu'il y ait une transformation de l'économie du Japon. Il dit: «... le moment est venu pour le Japon de s'affranchir des règlements bureaucratiques», et il doit favoriser l'essor d'«innombrables nouvelles entreprises qui créent de la valeur à partir de connaissances diverses». C'est là le pays le plus productif qui dit devoir favoriser le travail autonome et la croissance et la diversification des petites entreprises.

• 1150

Voilà pourquoi ce débat sur la productivité et les statistiques nous embête; ces statistiques sont utilisées pour désigner des coupables, mais quand nous consultons les pays les plus productifs pour savoir ce qu'ils font, ils nous disent que la solution, ce sont de petites et moyennes entreprises florissantes. Nous allons ensuite voir les petites et moyennes entreprises du Canada et nous leur demandons ce dont elles ont besoin pour accroître leur productivité, et nous présentons ces données au comité. Ce n'est peut-être pas ce que vous voulez entendre, mais c'est ce que nous disent les 3 000 chefs de petites entreprises que nous visitons toutes les semaines. Ils nous disent qu'il y a peut-être un problème.

Cela ne règle pas tous les autres problèmes, parce que des experts dans d'autres domaines proposent des solutions qui donneraient de meilleurs résultats pour eux. Nous disons que le secteur de la petite entreprise au Canada nous a dit ce dont il a besoin pour améliorer sa productivité.

Le président: Oui. Et, monsieur Whyte, si cela peut vous consoler, quand je parle aux dirigeants de petites entreprises dans ma circonscription et dans tout le pays, ils me font la même réponse, et c'est pour cette raison que nous vous avons invité à comparaître aujourd'hui, pour que vous puissiez dire à tout le monde ce que vos membres vous disent. Il n'y a pas de problème ici. Nous devons écouter ce qu'ont à dire les représentants des divers secteurs, car l'économie et la société canadiennes n'ont rien d'homogène...

M. Garth Whyte: Nous ne sommes pas d'accord.

Le président: ...et il nous faut être ouverts aux divers points de vue.

Madame Hughes Anthony.

Mme Nancy Hughes Anthony: Évidemment. Pour renchérir, je pense que vous avez raison, monsieur Szabo. Il y a de nombreuses statistiques, mais elles ne reflètent pas nécessairement l'aspect qualitatif. Nous avons peut-être des données quantitatives: tant qui partent, tant qui arrivent. Mais d'après ce que nous entendons aujourd'hui, nous avons assez de témoignages d'entreprises qui sont inquiètes, de professionnels de la santé qui sont inquiets, d'éducateurs qui sont inquiets pour pouvoir dire que le pays tout entier doit s'attaquer à ce problème.

Il nous faut trouver le moyen de réunir un ensemble d'incitatifs, de sorte que l'on voudra venir au Canada et que ceux qui sont ici souhaiteront y rester et y réussir. Voilà la tâche de ce comité. À notre avis, c'est un mélange de plusieurs des choses que vous avez entendues aujourd'hui, y compris s'assurer que les Canadiens sont compétitifs sur le plan de leur revenu après impôt.

Encore une fois, je ne veux pas qu'on se retrouve avec une situation où c'est l'un ou l'autre; il faut un mélange de facteurs. C'est une dure tâche, et je félicite les membres du comité de s'y être attaqués.

Le président: Monsieur Brison.

M. Scott Brison (Kings—Hants, PC): Merci, monsieur le président.

M. Paul Szabo: Monsieur le président, puis-je poser une dernière question?

Le président: Oui, certainement.

M. Paul Szabo: À la page 3 du mémoire de la Fédération canadienne de l'entreprise indépendante, il y a un tableau qui indique les recettes du gouvernement fédéral. Dans le texte, on affirme que le fardeau fiscal fédéral a augmenté ces cinq dernières années. Est-ce que ces chiffres sont normalisés, car au cours de cette période plusieurs centaines de milliers de personnes de plus travaillaient, et les recettes fédérales ont augmenté non pas parce que les impôts personnels ont augmenté, mais parce qu'un plus grand nombre de personnes travaillaient?

M. Garth Whyte: Je suis heureux que vous mentionniez le tableau, car nous avions préparé tout un exposé sur ce tableau. Mais, évidemment, nous ne disposions que de 10 minutes.

Ce tableau révèle, tout d'abord, que nous ne sommes pas ici pour prétendre que la dépendance du gouvernement par rapport à ces recettes n'a pas augmenté. Or la question est de savoir comment il a touché ces recettes. L'expansion de l'économie a fait augmenter les recettes.

Toutefois, nous avons plusieurs autres tableaux qui s'ajoutent à celui-ci. Nous notons qu'il y a eu réduction des cotisations à l'AE, mais que l'ensemble des charges sociales fédérales a augmenté parce que l'augmentation des cotisations au RPC est supérieure aux réductions des cotisations à l'AE. Il y a eu des réductions de l'impôt personnel, mais avec l'élargissement des tranches d'imposition, cela signifie que l'année suivante 50 p. 100 disparaît, l'année d'ensuite les deux tiers, et la troisième année il ne reste plus rien.

Ensuite il y a les droits. Les droits gouvernementaux ont augmenté.

M. Paul Szabo: Excusez-moi, mais le RPC n'est pas une recette gouvernementale, n'est-ce pas?

M. Garth Whyte: Non, je dis que les charges sociales ont augmenté même si on a réduit les cotisations à l'AE.

M. Paul Szabo: Oui, mais vous ne tenez pas compte du RPC dans votre tableau, n'est-ce pas?

M. Garth Whyte: Je passe au vif du sujet.

M. Paul Szabo: Non, je veux vraiment...

M. Garth Whyte: Je passe au vif du sujet.

M. Paul Szabo: Vous avez dit que les recettes ou les taux du RPC avaient augmenté, mais que les taux ou les recettes du RPC n'influent pas sur cette courbe, n'est-ce pas?

Mme Catherine Swift: Non.

M. Garth Whyte: Non.

M. Paul Szabo: Oui, merci.

• 1155

Mme Catherine Swift: En d'autres termes, on sous-évalue le fardeau réel pour l'entreprise. Vous avez raison, ce tableau sous-estime en fait l'augmentation pour les entreprises, car évidemment on a touché cette augmentation.

M. Paul Szabo: C'est un investissement. Cela revient à l'employé.

Mme Catherine Swift: Cela revient à l'employé? Non, à l'employeur.

M. Paul Szabo: Les cotisations au RPC reviennent à...

Mme Catherine Swift: Bien que l'employeur... et le travailleur autonome évidemment, paient deux fois, de sorte que ce groupe est doublement touché, alors que la moitié seulement des cotisations lui est rendue, si on peut dire. Évidemment, l'employeur verse la moitié des cotisations pour le compte des employés, comme vous le savez probablement.

M. Garth Whyte: J'ai une remarque à faire. Ce que nous tentons de dire et ce que nous pourrions démontrer avec d'autres tableaux dont j'aimerais d'ailleurs vous entretenir, car cela touche les gens, et c'est pourquoi on a l'impression... Nos représentants tentent de faire des choses, de faire la ventilation des réductions d'impôt, mais en même temps le fardeau continue à augmenter. La Ontario Bond Trading Association—et vous pouvez demander aux attachés de recherche de la Bibliothèque du Parlement de le vérifier—affirme que le pourcentage de l'impôt fédéral par rapport au PIB a augmenté de 14 p. 100 en 1994 à 17 p. 100 en 1997. En d'autres termes, le fardeau fiscal fédéral a augmenté. Bien que le gouvernement ait annoncé qu'il tentait de mettre en place des réductions ciblées, le fardeau fiscal global a augmenté.

M. Paul Szabo: Dans le cas de toutes les taxes?

M. Garthe Whyte: Au palier fédéral.

M. Paul Szabo: Que représente l'impôt des sociétés? De nombreuses sociétés perdaient de l'argent et ont pu utiliser le report prospectif d'une perte après la crise économique, ce qui a vraiment faussé les données en ce qui concerne les sociétés.

M. Garth Whyte: Si vos bénéfices sont nuls, vous ne pouvez pas...

M. Paul Szabo: Pourquoi ne pas dire la vérité?

M. Garth Whyte: C'est pourquoi nous avons inclus le tableau suivant tiré du rapport Mintz.

Mme Catherine Swift: Vous devriez comprendre le régime un peu mieux.

Le président: Monsieur Solberg.

M. Monte Solberg: Je m'oppose à ce genre d'intimidation. Les témoins tentent de répondre, et il leur saute à la gorge. Je demande au président de permettre aux témoins de répondre. Ils ont une position à faire valoir, et je pense que M. Szabo pourrait faire preuve, pour changer, d'un peu de courtoisie, et attendre qu'ils aient fini de répondre.

Mme Catherine Swift: C'est malheureux, mais cela démontre qu'alors que nous tentons d'identifier un problème, il est dans l'intérêt de plusieurs de démontrer qu'il n'y a pas de problème. Or il y a manifestement un problème à ce niveau. Comme l'a dit Garth, vous ne voulez peut-être pas l'entendre dire, vous pouvez protester autant comme autant, mais les opinions des divers groupes représentés ici portent à croire que le problème est grave, même si vous voulez utiliser certains faits et chiffres pour prétendre qu'il ne l'est pas.

Le président: Merci. Merci, monsieur Szabo.

Monsieur Brison.

M. Scott Brison: Monsieur le président, tout d'abord, je tiens à souhaiter la bienvenue à tous les intervenants qui sont ici aujourd'hui. Certains d'entre vous ont des opinions divergentes, ce qui ne saurait que nous profiter.

Je dois dire que j'ai des préjugés personnels en ce qui concerne l'impôt, parce que j'ai étudié cette question et parce que j'ai comparé le fardeau fiscal canadien à celui d'autres pays, plus particulièrement à celui de notre plus grand partenaire commercial, les États-Unis, et j'estime qu'il faut examiner cette question le plus rapidement possible.

Tout d'abord, ce n'est pas une situation gagnant-perdant. L'Institut C.D. Howe a été mentionné à quelques reprises ici, parce que... nous pouvons avoir une augmentation des dépenses de programmes au Canada qui suive le rythme de croissance de la population et de l'inflation tout en conservant un dividende fiscal qui augmente d'environ 4,6 milliards de dollars par année. Ce n'est donc pas une situation gagnant-perdant. Il n'y a aucune raison de vouloir dresser ou d'essayer de dresser un groupe contre l'autre.

À la suite des commentaires de M. Szabo et de ceux de Mme Swift, je dois dire que je trouve que nous consacrons ici des efforts tout à fait disproportionnés à tenter de réfuter des vérités de La Palice qui devraient sembler tout à fait évidentes. Lorsque des entreprises comme Nortel affirment qu'elles perdent de 400 à 500 ingénieurs d'élite par année qui s'en vont aux États-Unis, comme législateurs nous devrions nous en préoccuper.

Si le gouvernement canadien veut sincèrement jouer un rôle dans la société planétaire du savoir, nous devons nous préoccuper de ceux que nous perdons, non seulement en termes de nombres, mais aussi en termes de qui nous perdons. C'est ce que me dit la collectivité médicale, c'est ce que me dit la collectivité des chercheurs, c'est ce que me disent les secteurs de haute technologie. Et ce sont des secteurs très importants pour le Canada.

Nous pouvons certainement devenir une nation d'empotés et de lourdauds si tous ceux qui ont une formation poussée, qui sont motivés et productifs et qui sont sur le point de participer à l'économie planétaire partent, et si nous gardons tous les autres. Nous pouvons devenir la Manchourie du 21e siècle et produire presque rien à valeur ajoutée. Toutefois, je ne pense pas que c'est vraiment ce que nous souhaitons.

• 1200

En ce qui concerne la productivité dans le secteur public, nous en avons dit quelques mots. Au Canada, le secteur public représente 40 p. 100 de notre économie. On peut dire qu'au-delà de 30 p. 100 il y a un rendement décroissant marqué. Je dirais que nous devons nous préoccuper du niveau de dépenses publiques au Canada si nous ne tentons pas de quantifier les résultats, et dans le domaine des soins de santé et en éducation. Je sais que j'aborde là un domaine de compétence provinciale, mais si nous voulons parler de productivité, nous ne faisons pas notre travail ici si nous excluons l'éducation.

C'est ma première question. Je serais heureux de savoir comment vous pensez que nous pouvons améliorer notre mesure de la productivité en ce qui concerne les dépenses publiques dans le domaine des soins de santé, de l'éducation et des autres services gouvernementaux, et devons-nous envisager d'offrir des services publics par l'entremise d'entreprises privées, ou tout au moins envisager le mariage des forces du marché et des forces concurrentielles pour la prestation de services publics afin d'augmenter la productivité? Voilà ma première question.

Deuxièmement, nous parlons beaucoup de diminutions d'impôt au Canada. Nous avons quelques très bons rapports sur la réforme fiscale. La volonté politique ne semble pas exister pour y donner vraiment suite, mais le rapport Mintz parle précisément des taxes sur le capital, des profits, mais également des taxes équitables sur le capital que nous avons au Canada, surtout dans le secteur des services financiers. J'aimerais savoir ce que vous pensez de la réforme fiscale—pas uniquement de la réduction d'impôt, mais de la réforme fiscale dans les domaines qu'il nous faut d'abord viser. Je sais que, sur le plan politique, on est plus intéressé par la réduction de l'impôt personnel, pour des raisons évidentes, surtout à la lumière des différences de taux d'impôt marginal avec les États-Unis. Mais je dirais qu'il y a aussi, pour les sociétés, des freins importants à la productivité inhérents à notre régime fiscal.

Ce sont là les deux domaines généraux—la réforme fiscale et la mesure de la productivité dans le secteur public.

Le président: Qui désire commencer? Monsieur Orr.

M. Dale Orr: Oui, merci.

On a présenté plusieurs arguments qui soulignent l'importance de la relation entre la productivité et la réduction des impôts. Pour l'analyste, c'est assez probant. Si l'on réduit l'impôt personnel, nous aurons une augmentation du PIB et de l'emploi. En outre, si nous réduisons les cotisations à l'AE, le PIB et l'emploi seront plus élevés. Dans chaque cas, donc, qu'il s'agisse de diminutions de l'impôt personnel ou de diminutions des cotisations à l'AE, nous nous trouverions à créer de la richesse, ce qui est vraiment ce dont il s'agit, comme vous l'avez dit, monsieur le président.

Je remercie M. Brison de ce qu'il a dit sur la réforme fiscale. Je suppose que c'est justement le peu de réductions de l'impôt personnel et des cotisations à l'AE qui nous porte à nous y arrêter, parce que nous estimons que c'est le point le plus important. Quant aux 16 milliards de dollars dont parle le premier ministre, il faut noter qu'on en parle, c'est tout. Nous n'avons pas vu 16 milliards de dollars en réductions d'impôt. Il dit que cela pourrait se faire au cours des quelques prochaines années.

En ce qui concerne la réforme du régime fiscal des sociétés, il y a eu un excellent rapport, le rapport Mintz, qu'a mentionné M. Brison, qui comprend de nombreuses idées, et c'est malheureux qu'il soit toujours sur la tablette. De notre point de vue, si on prenait des mesures relativement à l'IP et ensuite à l'AE, il y a de nombreuses bonnes idées dans ce rapport qui attendent que le gouvernement y donne suite.

Il y a beaucoup à faire en ce qui concerne la réforme fiscale.

Mme Catherine Swift: Je n'ai que quelques commentaires rapides à faire. Comme vous pouvez le constater à la lumière des données de notre plus récent sondage—et c'est vrai depuis plus d'un an maintenant—, nos membres placent l'impôt sur le revenu en tête de liste avec les charges sociales. Précédemment, les charges sociales occupaient un rang supérieur, et donc je pense que cela reflète l'opinion de nos membres, à savoir qu'il faut maintenant accorder plus d'attention à l'impôt sur le revenu.

Quant à des mesures précises, éliminer l'élargissement des tranches d'imposition, réindexer le taux d'imposition à l'inflation... c'est une taxe invisible, comme vous le savez. Il est intéressant et tout à fait juste que plusieurs groupes spécialistes des politiques sociales partagent l'opinion du milieu des affaires à ce sujet, parce que tous, tous les contribuables, y gagneront, même ceux dont les revenus sont faibles.

• 1205

Nous estimons également qu'il convient d'éliminer complètement les surtaxes. Il devait s'agir de surtaxes visant à éliminer le déficit, et nous considérons qu'on peut maintenant s'en débarrasser. Je pense que ces deux mesures, sans paraître énormes, augmenteraient considérablement l'équité de notre régime fiscal.

Je n'ai qu'un autre très court commentaire à faire sur le moment d'une réduction d'impôt. Voici ce que nous avons constaté à la fin des années 80 et qui semble se reproduire maintenant. À l'époque, l'économie du Canada était plutôt solide, vous vous en souvenez, et plusieurs gouvernements ont augmenté les taxes à tous les niveaux. Nous avons vu les cotisations à l'AE augmenter en fait à ce moment-là, nous avons vu nombre de gouvernements provinciaux augmenter les impôts, etc. La crise économique qui nous a durement touchés au début des années 90 s'est avérée beaucoup plus grave, à notre avis, en termes d'emplois perdus, de faillites d'entreprises, à cause des mesures fiscales prises par les gouvernements.

On se plaint moins des impôts lorsque l'économie se porte bien. C'est le cas actuellement, Dieu merci. Nos membres sont assez optimistes en ce qui concerne la prochaine année, ce qui évidemment est très positif. Pensez-vous que ce sera le cas éternellement? Pas du tout.

Le meilleur moment pour réduire les impôts, c'est lorsque le gouvernement a des rentrées d'argent supplémentaires, c'est-à-dire maintenant, ce qui nous permettra de mieux nous situer en prévision du ralentissement inévitable qui se produira un jour, ce que nous, économistes, pouvons débattre, mais cela finira par se produire. Donc le moment choisi est très important.

Le président: Le Comité des finances a justement considéré cet aspect au cours des dernières consultations prébudgétaires. C'est la raison pour laquelle nous avons préconisé l'élimination des surtaxes de 3 et de 5 p. 100.

Monsieur Whyte, suivi de M. Turk.

M. Garth Whyte: Nous avons beaucoup travaillé avec votre gouvernement. Nous allons continuer à travailler avec vous. Nous avons collaboré pour ce qui est de l'emploi des jeunes et de la santé. Nous connaissons les budgets affectés à la santé pour les cinq prochaines années. Nous connaissons les objectifs en matière d'endettement et de PIB. J'aimerais répondre à votre question plutôt que d'entrer dans les détails. Quel est l'objectif du gouvernement fédéral relativement au pourcentage d'impôt par rapport au PIB? Pourquoi ne fixons-nous pas d'objectif? Même s'il faut du temps, pourquoi ne pas nous donner un objectif? Quand il s'agit d'impôt, on ne semble pas s'en préoccuper. On évalue à la pièce, mais quel est le fardeau fiscal global? Voilà ce que nous tentons de garder en vue.

L'autre aspect de la productivité qui allait ressortir, à mon avis, mais qui ne l'a pas fait, c'est qu'il y a moins d'entreprises moyennes au Canada qu'aux États-Unis. Il en est ainsi à cause de la limite, c'est-à-dire le seuil de 200 000 $ accordé aux petites entreprises. Si vous dépassez ce seuil, soudainement vos impôts augmentent considérablement. Il y a aussi la question de la main-d'oeuvre et des autres règlements—plus de 50 employés, 20 employés au niveau provincial, et donc vous ne prenez pas d'expansion. Nous constatons aussi qu'un grand nombre de nos membres n'ont pas recours aux banques pour obtenir du financement parce qu'ils disent ne pas avoir besoin de prendre de l'expansion; ils ne veulent pas réhypothéquer leur maison, ils ne veulent pas risquer le bien-être de leur famille et de leurs employés, et donc ils ne s'agrandissent pas.

En fait, on constate la tendance opposée. De nombreux membres ont déclaré qu'ils réduisaient leurs activités à une seule personne parce que cela n'en valait tout simplement pas la peine. C'est une question qu'il nous faut examiner. Encore une fois, voilà pourquoi nous voulons que vous réexaminiez le rapport que vous nous avez fait préparer. On y trouve quelques très bonnes initiatives à faible coût qu'il y a lieu d'examiner. Si vous voulez aborder la productivité du point de vue de la petite entreprise, c'est à examiner.

Le président: Monsieur Turk.

M. Jim Turk: M. Brison a soulevé deux questions dont on pourrait discuter pendant le reste de l'après-midi. Je vais tenter de répondre à chacune en 30 secondes.

Tout d'abord, je rappelle aux membres du comité que le programme semble être devenu la façon de réduire les impôts plutôt que ce que je considère comme la question importante: est-ce qu'une réduction d'impôt augmentera la productivité? Je répète ce que j'ai dit dans notre exposé et je serais heureux d'en discuter avec les membres du comité par la suite: les preuves à l'appui d'un rapport de cause à effet entre des niveaux plus élevés de productivité et des impôts plus faibles n'existent pas pratiquement. Il n'y a aucune corrélation entre les niveaux de productivité des pays industrialisés et les niveaux d'imposition. Voilà la première chose.

Deuxièmement, en ce qui concerne la prestation de services par le secteur privé et l'abandon des services publics aux forces du marché, je vais vous donner rapidement deux exemples. Si vous songiez aux fournisseurs privés à but lucratif d'enseignement postsecondaire au pays, un modèle revient. Ils accordent leur attention exclusivement à ce qui produira des revenus plutôt qu'à ce qui est nécessaire. Il n'y a aucune vision à long terme de ce qui serait bon; on se préoccupe de ce qui produira les bénéfices les plus élevés. On constate donc qu'il y a une prolifération dans ces établissements privés de futurs gardes de sécurité. On est peu enclin à investir dans une formation coûteuse, comme dans le secteur médical et autres, parce que ce n'est pas rentable. Dans la mesure où on s'en remet au secteur privé, il y a un coût social.

• 1210

Le meilleur exemple toutefois, c'est de comparer les régimes de soins de santé du Canada et des États-Unis. Le régime américain coûte considérablement plus cher et de nombreux Américains n'ont pas accès à des soins de santé convenables. Suivre leur exemple, c'est justement la façon de perdre les gains des 40 dernières années.

Le président: Docteur McLennan, suivi de Mme Jeans.

Dr Barry McLennan: Merci, monsieur le président.

J'aimerais revenir sur quelque chose que M. Szabo a dit. J'ai beaucoup de difficultés à déchiffrer les rapports de Statistique Canada pour une raison très simple: on a tendance à fondre les données. J'aimerais bien voir le rapport que vous venez de mentionner, et je m'excuse de ne pas l'avoir vu.

C'est justement la raison pour laquelle nous avons effectué notre propre sondage il y a un an, et c'est pourquoi je pense que l'Institut C.D. Howe, l'une de nos principales institutions de recherche en politique économique, a publié son rapport en octobre dernier. Il est évident qu'il faut discuter de cette question plus avant, mais le rapport de l'institut et nos propres données révèlent très clairement qu'il y a vraiment un problème d'exode des cerveaux qui coûte cher au Canada sur le plan de la recherche dans le domaine de la santé. C'est incontestable.

Il faut examiner cette question, et je mets les membres du comité en garde en ce qui concerne les rapports de Statistique Canada que j'ai vus et où on est porté à combiner les chiffres. Je reviens à ce que j'ai dit au cours de mon exposé: vous pouvez perdre une personne et la remplacer par quelqu'un d'autre, mais ce n'est pas un jeu à somme nulle, car vous avez perdu quelqu'un de productif au sommet de sa carrière pour le remplacer par quelqu'un de nouveau. Cette nouvelle personne a peut-être beaucoup de potentiel, mais vous ne le saurez pas avant 10 ans. Entre-temps, il y a un coût pour le pays, et c'est de cela que je parlais.

Je vous mets donc en garde: soyez très prudents en interprétant les chiffres concernant ceux qui franchissent la frontière.

Le président: Merci.

Madame Jeans.

Dr Mary Ellen Jeans: Je vais dire quelques mots sur le mélange public-privé dans ce qui est notre régime à financement public et quelques mots aussi sur la façon dont nous considérons ces choses.

Vous avez un exemple à l'heure actuelle au Canada qui vient appuyer ce qu'a dit le M. Turk sur le secteur de l'éducation. Nous avons les soins à domicile en ce moment, divers modèles dans différentes provinces. En grande partie, les soins à domicile sont offerts par des entreprises du secteur privé, et ce, sur le dos des patients et des travailleurs. La rémunération a diminué. Les travailleurs sont à temps partiel et occupent des emplois temporaires, ce qui en dernière analyse diminue leur pouvoir d'achat dans le contexte de la productivité globale. Personne n'est responsable des normes de soins. Il est très difficile de réglementer une industrie où différentes personnes travaillent. En outre, si vous voulez examiner les résultats, ou même combien vous consacrez aux soins à domicile au pays, il sera beaucoup plus difficile de normaliser cette information. Je pense donc qu'il faut faire très attention de ne pas suivre cette voie.

Le président: Madame Redman.

Mme Karen Redman (Kitchener-Centre, Lib.): Merci, monsieur le président.

Je ne considère pas ce débat comme une occasion de dresser les témoins les uns contre les autres, mais plutôt comme une possibilité d'échanger des idées. Je suis vraiment très heureuse d'entendre les différents points de vue qui ont été présentés.

J'en suis venue à comprendre, en étudiant la productivité, que, notamment, c'est un outil très utile, mais non pas une fin en soi. Nous tentons en fait d'augmenter le niveau de vie des Canadiens, ce qui est un peu comme réduire le déficit. Ce qui nous incitait vraiment à réduire le déficit, c'est que nous voulions libérer de l'argent de façon à le réinvestir comme le souhaitent les Canadiens, ce que le présent gouvernement a fait.

J'aimerais parler pendant un instant de l'échange d'idées et revenir sur certains aspects abordés par Mme Hughes Antony. Je représente Kitchener, et je pense que vous avez parlé précédemment de la région de Cambridge. Officiellement, cette région est insuffisamment desservie et a été désignée comme telle par la province de l'Ontario malgré le fait que c'est un endroit où il fait très bon vivre. La région est prospère; nous avons de grandes sociétés, comme Totoya et ATS, qui investissent dans la région, et le secteur de la haute technologie y est en plein essor.

La Chambre de commerce, le CTT, une organisation composée de la région de Waterloo et de la ville de Guelph, et Communitech, un organisme du secteur public-privé, se sont réunis non seulement pour promouvoir la localité, mais également pour examiner le fait que, officiellement, nous manquons de services de soins de santé, ce qui à leur avis est une question économique, quelque chose que la Chambre de commerce et les municipalités de la région maintiennent dans le but de recruter du personnel médical.

Je pense donc qu'il y a échange d'idées, malgré le fait que l'économie est en plein essor. Les représentants de la Chambre de commerce me disent ce que leurs membres aimeraient voir arriver. Je peux vous dire qu'il y a encore beaucoup de travail à faire, qu'il y a d'autres questions que l'impôt sur le revenu et la question de savoir si nous devons l'abaisser pour augmenter la productivité.

• 1215

Voici ce que j'aimerais vous demander. Si nous voulons considérer la productivité comme un outil, ce qui est le cas à mon avis, on avance différents scénarios et différents points de vue. J'aimerais demander aux représentants de la Chambre de commerce, de la FCEI et à M. Turk, parce que c'est son commentaire qui m'a soufflé cette pensée: faut-il envisager des objectifs à court terme ou à long terme dans notre examen de la productivité? Quelle est la meilleure façon de s'y prendre pour gagner quelque chose pour la population canadienne et ne pas s'enliser dans les données statistiques?

Le président: Madame Hughes Anthony, suivie de M. Turk.

Mme Nancy Hughes Anthony: Je suis tout à fait d'accord avec votre exemple. Dans le domaine dont vous parlez, la Chambre de commerce et d'autres organisations craignent beaucoup de ne pouvoir garder dans leur localité les professionnels de la santé. On examine donc les raisons qui poussent ces personnes à partir. L'une de ces raisons est le revenu après impôt, mais il y a aussi l'accès à d'autres genres d'installations, la possibilité de mener d'autres types de recherche, etc. Tout cela fait partie de la productivité. Voilà pourquoi cela m'encourage de vous entendre dire que nous devons travailler ensemble.

Pour ce qui est du deuxième point, la chambre dirait—et cela fait écho à ce que d'autres ont dit aujourd'hui—que c'est maintenant, au moment où le gouvernement anticipe des excédents budgétaires, qu'il faut agir. Le temps est venu de relever la barre pour le contribuable canadien. À ce chapitre, je dirais aussi qu'il faut également que le Canada s'engage à régler le problème du ratio de la dette au PIB, qui, comme vous le savez, réduit la marge de manoeuvre dont jouit le gouvernement pour investir dans l'économie.

J'ignore si mon collègue, M. Orr, veut ajouter quelque chose sur le calendrier. Je crois que, à notre avis, c'est une question pressante.

M. Dale Orr: Oui, et d'ailleurs les prévisions de croissance économique au Canada pour cette année et l'an prochain sont assez raisonnables. Le moment est tout à fait indiqué pour prendre ce genre de mesures.

Mme Catherine Swift: J'ai interprété votre question un peu différemment. Vous avez parlé de mettre l'accent sur l'avenir rapproché, sur les mesures qui auraient une incidence à court terme plutôt qu'à long terme. Pour ma part, j'estime que toute solution durable sur le front économique se doit d'avoir des conséquences à long terme.

Ce qui illustre le mieux cela, du point de vue des gens d'affaires et probablement du point de vue de tout le monde, c'est la capacité de planifier. Comme l'a dit mon collègue, Garth, tout à l'heure, nous avons vu le ministère fédéral des Finances planifier ses actions en matière de dépenses, en matière de dette, etc. Toutefois, il n'y a pas eu de plan en matière fiscale, et cette absence de planification de la fiscalité est un grand mystère pour tous.

Je ne crois pas que l'on préconise des solutions déraisonnables. Nous tentons de trouver des solutions équilibrées et réalistes autant pour le gouvernement que pour les Canadiens. Bien sûr, la question est de savoir si le gouvernement s'estime en mesure de dépenser l'argent des Canadiens mieux que ne peuvent le faire les Canadiens eux-mêmes. Il y a actuellement un surplus de plusieurs milliards de dollars. Comme Dale l'a dit, il est toujours inquiétant de voir deux économistes s'entendre, mais le pronostic pour l'économie canadienne est toujours semblable. Au cours des dernières années, nous avons constaté que le rendement de nos membres représente un assez bon indicateur prévisionnel.

Si nous agissions maintenant, cela serait avantageux, car cela permettrait de prolonger, du moins je l'espère, la période actuelle de croissance économique, mais aussi de mieux positionner les Canadiens. Les Canadiens sont très endettés en ce moment. Si le revenu dont ils disposent augmente, ils pourront mieux ordonner leurs finances personnelles et ils auront moins de difficulté lorsque l'économie ralentira.

Alors, agir maintenant, sans pour autant le faire de façon irréfléchie... Aucune bonne politique économique ne donne de résultats à peine un an plus tard. Nous l'avons vu dans le passé. Nous recommandons donc l'adoption de politiques stables sur plusieurs années afin de redonner confiance aux gens, aux consommateurs et aux entrepreneurs, et d'en retirer des avantages économiques positifs, réels et durables.

Mme Karen Redman: J'aimerais avoir une précision: qu'est-ce qui justifierait une réduction des impôts? Serait-ce la nécessité de dégager des fonds pour les investissements, pour les dépenses?

Mme Catherine Swift: Essentiellement, pour toutes ces raisons. Comme vous le savez, les dépenses de consommation représentent environ 60 p. 100 de l'économie. Actuellement, l'humeur des consommateurs est assez bonne. Les niveaux des dépenses de consommation sont acceptables. C'est très avantageux. La reprise des dépenses de consommation a beaucoup contribué à la récente croissance de l'emploi. Voilà donc un argument en faveur d'une réduction d'impôt.

• 1220

Bien sûr, du point de vue des entrepreneurs, cela signifie un investissement continu, une création d'emplois continue, etc.

Nous savons que le taux d'épargne n'a jamais été aussi bas, ce qui est très inquiétant pour l'avenir. Nous ne voulons pas que les gens dépendent de l'État ou, du moins, nous voulons minimiser cette dépendance dans la mesure du possible.

Tous ces facteurs plaident en faveur d'une réduction des impôts.

Nous tenons à collaborer avec le gouvernement, avec les différents ministères, sur différentes questions de politique, et ce, n'importe quand. Nous voyons que le gouvernement fédéral est tenté d'abandonner ses habitudes de frugalité, et cela nous inquiète. C'est ce qui a provoqué bon nombre de nos problèmes, à la fin des années 80, et même depuis le début des années 70, époque à laquelle nous avons commencé à accumuler notre dette actuelle de 600 milliards de dollars, qui nous coûte 40 milliards de dollars chaque année en intérêts. Je suis certaine que nous pourrions tous trouver de bien meilleures façons de dépenser ces 40 milliards de dollars.

Nous souhaitons donc assister à une planification à moyen terme qui permettrait aux Canadiens de disposer de quelques dollars de plus, pour toutes les raisons que vous avez mentionnées.

M. Jim Turk: Pour répondre à votre question sur le court terme et le long terme, les mesures que le gouvernement fédéral devrait prendre, à notre avis, pour s'attaquer efficacement au problème de la productivité sont pour la plupart des mesures à long terme, même s'il est nécessaire d'agir maintenant.

Les investissements dans les infrastructures physiques dont on a parlé sont nécessaires pour nos collèges, nos universités, nos municipalités, etc. Les investissements dans le capital humain... je n'aime pas beaucoup ce terme. L'investissement dans les ressources humaines porte ses fruits à long terme, mais doit être fait maintenant. La qualité de l'instruction que reçoivent actuellement les jeunes donnera des dividendes dans l'avenir.

En matière de recherche et de développement, nous félicitons, comme d'autres l'ont fait, le gouvernement fédéral de sa décision de financer les instituts canadiens de recherche en santé. Il serait important pour le gouvernement de faire plus de R-D directement et de mener d'autres genres de recherche, compte tenu du peu de R-D qui se fait dans le secteur privé au pays, et ce, même si les résultats ne seront visibles qu'à long terme.

Pour notre part, et ce serait là notre conclusion, la question n'est pas de savoir combien le gouvernement dépense, mais plutôt à quoi le gouvernement consacre son argent. Si vous investissez dans l'avenir des Canadiens, c'est une dépense qui rapportera des dividendes à tous.

Merci.

[Français]

Le président: Monsieur Vaillancourt.

M. Gilles Vaillancourt: Ce matin, des gens de qualité sont venus exprimer des points de vue importants et apporter un éclairage et une contribution très intéressants pour la commission, ce qui aidera ses membres lorsqu'ils devront faire des choix. Je vais revenir comme cela, au hasard, sur les interventions que nous avons entendues ce matin.

On a parlé de baisses d'impôt et de réduction de la dette. Des efforts en ce sens ne peuvent certainement pas constituer une erreur pour qui que ce soit au Canada. En laissant plus d'argent dans les mains des contribuables et en permettant aux Canadiens et Canadiennes d'exprimer leur choix un peu plus librement quant à la consommation, on ne commet certainement pas être une erreur.

On vous a recommandé d'investir dans les infrastructures de recherche dans les domaines de la santé, de la biotechnologie en particulier et de l'éducation. Ceci est certainement très, très important, voire aussi important que des baisses d'impôt. Tout ce que les gens vous ont dit revêt un caractère d'importance indéniable.

Mais j'aimerais également souligner que tous ces gens qui font de la recherche et toute cette élite de la société vivent dans des communautés. Les communautés canadiennes ne reçoivent pas de leur gouvernement, que ce soit au niveau provincial ou fédéral, l'attention et les investissements qu'elles devraient recevoir.

En termes de déplacement de la population, les États-Unis sont notre principal concurrent. À une certaine époque, les municipalités américaines ne recevaient pas non plus de leurs États l'attention et les crédits qu'elles devaient recevoir. Nous n'étions donc pas alors en mauvaise posture. Mais la situation est différente aujourd'hui parce que le gouvernement fédéral américain a adopté une stratégie ciblée en vue de développer certaines villes, dont Boston. Certains milieux américains font l'objet de toute une transformation actuellement, et nous faisons maintenant face à une concurrence incroyable, de sorte qu'il ne servirait à rien d'investir principalement dans la recherche.

Les propos que j'ai entendus ce matin ne font que confirmer l'importance de maintenir des communautés en santé, des communautés renouvelées, des communautés qui sont capables de créer un milieu de vie intéressant et à la hauteur des aspirations que nous avons exprimées. Voilà pourquoi il est nécessaire de nous doter d'un programme d'infrastructures municipales subventionné largement par notre gouvernement fédéral et touchant des secteurs aussi vitaux pour le développement que le transport en commun. Nous serions évidemment disposés à vous faire part de nombreuses suggestions.

• 1225

Mais on aurait tort de croire que toutes les propositions dont nous avons entendu parler ce matin pourront se réaliser si nos communautés locales ne sont pas d'abord bien équipées pour faire face aux défis de l'avenir et si nous sommes incapables de développer à court terme des politiques et des visions en termes d'investissement.

[Traduction]

Le président: Monsieur Glynn.

M. Peter Glynn: Merci, monsieur le président.

Votre comité voudrait peut-être examiner plus en détail le concept de la productivité au sein du secteur public. Une bonne part de l'économie canadienne est financée à même les fonds publics, que ce soit l'enseignement, les soins de santé, les services publics ou les municipalités. L'un des dilemmes auxquels nous faisons face, c'est que notre capacité d'investissement dans la technologie et les installations qui mènent à des progrès en matière de productivité est, c'est le moins qu'on puisse dire, entravée. Encore une fois, nous devons trouver des façons de mettre le secteur privé à contribution et trouver de nouvelles idées pour le secteur privé. Ce pourrait être la cession-bail pour les hôpitaux, ce qui serait bien mieux que de demander aux collectivités de trouver 30 p. 100 de l'investissement.

Notre secteur public ne s'adapte pas assez rapidement au progrès technologique, et cela freine sa productivité; il en résulte qu'il exige toujours davantage d'argent plutôt que de faire un meilleur usage des sommes dont il dispose.

Le président: Monsieur Discepola.

M. Nick Discepola (Vaudreuil—Soulanges, Lib.): Merci, monsieur le président.

Les témoins ont déjà répondu à la plupart de mes questions. Mais puisque j'étais ici hier soir, j'aimerais préciser—je n'ai pas encore lu le journal, car je suis parti très tôt ce matin pour être ici à 9 h 30—que ce que j'ai entendu dire hier soir, c'est que le premier ministre a déclaré qu'il n'y aurait pas de réductions des impôts des particuliers si cela mettait en danger notre filet de sécurité sociale. J'en conclus que ces réductions ne se concrétiseront que si elles ne compromettent pas nos soins de santé, notre éducation, où nous comptons réinvestir.

Il a ajouté qu'il est injuste de comparer notre régime fiscal à celui des États-Unis, car il faut tenir compte de tout. Si on tient compte de notre assurance-maladie, de la qualité et du niveau de vie dont on jouit au Canada, il est très difficile de comparer les niveaux d'imposition. Par conséquent, si je l'ai bien compris, il a dit que si la communauté des affaires, ou qui que ce soit d'autre, s'attend à ce que les impôts baissent jusqu'au niveau des États-Unis, à court terme ou à long terme, elle sera déçue.

Je suis très mêlé, et je crois que c'est aussi le cas de mes collègues, car la semaine dernière des témoins nous ont dit que la productivité est très difficile à mesurer, qu'on ne devrait pas inclure la contribution des secteurs de la santé, de l'éducation ou de la fonction publique, car elle ne compte plus au bout du compte. Cela ne signifie pas que cette contribution est négligeable, mais un expert nous a dit qu'elle devrait être exclue de toute mesure de la productivité.

Lorsque je vais dans ma circonscription, j'écoute les petits entrepreneurs—dont je suis—qui demandent tous des allégements fiscaux pour les particuliers. Toutefois, je ne les entends pas réclamer des allégements fiscaux pour les entreprises.

La productivité en soi est difficile à définir, et si je la mesure d'après la réaction de mes commettants, je dirais qu'ils en ont peur. Pour un travailleur d'usine, la productivité signifie qu'il devra travailler plus fort en échange de moins. C'est la mentalité qui prévaut, et je suis heureux de constater qu'il y a au moins un consensus ici aujourd'hui lorsque j'entends Mme Hughes Anthony ou le président dire que la productivité est synonyme de production et de richesse pour tous les Canadiens. Vous avez dit que nous devons accroître le gâteau afin que la part de chaque Canadien soit plus grosse.

C'est vous que je cite, monsieur Whyte. Vous avez demandé comment nous pouvons améliorer la qualité de vie des Canadiens. Si vous aviez posé cette question dans votre sondage, la réponse aurait peut-être été différente.

Mme Catherine Swift: Nous l'avons posée.

M. Nick Discepola: Voilà pourquoi nous sommes ici. Nous ne sommes pas ici pour faire avancer notre programme politique. Ce comité a été créé après une période de réflexion, il y a quelques mois, à l'issue de laquelle nous nous sommes dit que notre Comité des finances consacre tout son temps et ses efforts à l'examen de projets de loi et aux consultations prébudgétaires, qui nous occupent de mai jusqu'à octobre ou novembre. Nous avons décidé de prendre un peu de recul et, unanimement, d'étudier la productivité.

Voilà les remarques que je voulais faire, et vous pouvez les commenter si vous le souhaitez.

J'aimerais maintenant passer à la question qui a été abordée par M. Turk, je crois, mais qui n'a pas été reprise dans les autres questions. Il s'agit des importants avantages fiscaux, surtout au Québec, par exemple, qu'ont accordés certains gouvernements provinciaux et le gouvernement fédéral à des secteurs de la R-D. Vous avez dit, et je crois que cela a été prouvé, que ces efforts n'ont pas porté fruit.

Je me demande si ce n'est pas le régime fiscal en soi qui entrave la recherche et le développement. Pourquoi le Canada ne participe-t-il pas davantage à la R-D? Peut-être que, à titre de décideurs, nous devrions mettre l'accent sur deux questions clés.

La première est de savoir si nous ne devrions pas cesser d'investir dans la R-D, puisque le truc ou la souricière a déjà été inventée ailleurs, et il serait préférable d'encourager les Canadiens à importer cette technologie et à l'utiliser. Peut-être ne sont-ils tout simplement pas au courant, par exemple.

• 1230

Par ailleurs, la plupart des experts disent que, si nous voulons améliorer la productivité, nous devons aider les entreprises à améliorer leur capital fixe. Vous avez fait allusion aux usines et aux équipements. Les gouvernements dans le passé, et cela a été le cas de notre gouvernement ces quatre ou cinq dernières années, ont hésité à financer la construction d'usines et l'acquisition d'équipements. Or, dans ma propre circonscription, il y a huit ou dix ans, le gouvernement précédent a aidé une entreprise à acheter pour 500 $ une pièce d'équipement qui aujourd'hui produit des articles incroyables.

Alors, est-ce que notre gouvernement ne devrait pas reprendre la tradition d'aider les entreprises à financer la construction d'usines et l'achat d'équipements? Voudriez-vous répondre à cette question et à celle sur la R-D?

Le président: Monsieur Turk.

M. Jim Turk: En ce qui a trait au soutien à la R-D, le Canada a l'un des programmes les plus généreux d'encouragement à la recherche et au développement dans le secteur privé de tous les pays industrialisés. Cependant, il n'a pas bien fonctionné, et c'est un problème dont on a discuté longuement. La cause de ce problème nous ramène à un argument assez peu populaire par les temps qui courent, celui dont nous avons fait mention dans notre exposé.

Le niveau de propriété étrangère est très élevé au Canada, et bon nombre d'études montrent que les plus importantes dépenses en recherche et en développement se font généralement dans le pays d'appartenance de la société. Même dans le secteur pharmaceutique, si on examine la recherche et le développement que font ici les grandes transnationales pharmaceutiques, il s'agit surtout d'essais cliniques, et non pas de recherche fondamentale. La plupart des nouveaux médicaments qui ont été mis au point ici sont des variantes de médicaments existants, et non pas des thérapies entièrement nouvelles.

M. Nick Discepola: Prétendez-vous donc que nous devrions réduire ou limiter davantage la propriété étrangère?

M. Jim Turk: À mon avis, on ne peut examiner les deux questions isolément; par conséquent, dans votre recherche d'une solution, vous devrez faire face à cette réalité très difficile. C'est d'ailleurs lié à un autre facteur—l'autre réalité assez déplaisante, mais qui doit être soulevée—à savoir que ce sont les grandes sociétés qui consacrent le plus d'argent à la recherche et au développement. Or, un très grand nombre des entreprises canadiennes sont des petites entreprises, et dans celles-ci le niveau des dépenses en R-D et le recours aux nouvelles technologies sont bien moindres que dans les grandes sociétés.

C'est un autre facteur dont on doit tenir compte. L'innovation est très présente chez les petites entreprises—dans le secteur biomédical et dans d'autres, il y a des possibilités—mais si on examine la recherche et le développement dans son ensemble, on constate que le nombre disproportionné d'entreprises appartenant à des intérêts étrangers et de petites entreprises fait que, même avec les politiques généreuses du gouvernement, les dépenses en R-D ne se concrétisent pas.

La question est donc de savoir ce qu'on doit faire. Je ne crois pas que ce soit une bonne idée de simplement importer la technologie mise au point ailleurs. La plupart des inventions brevetables qui ont une certaine valeur commerciale sont en fait de petites améliorations qu'on a apportées à un procédé ou à un produit existant qui intéresse surtout l'entreprise ayant conçu le produit ou le procédé original, souvent une entreprise étrangère ou appartenant à des intérêts étrangers. Il y a donc ainsi de nombreuses fuites d'innovations vers l'extérieur du pays.

Vous soulevez ici, à quelques minutes de la fin de cette séance, une question très pertinente, mais très complexe, à laquelle il n'y a pas de solution facile. Le seul conseil que je puis donner à votre comité est de souligner au gouvernement du Canada l'importance d'investir dans la recherche et le développement, de soutenir financièrement les bourses de recherche et d'augmenter les ressources des conseils subventionnaires, car pour toutes ces raisons nous ne pouvons nous attendre à ce que le secteur privé ouvre la voie comme il pourrait le faire en Allemagne, aux États-Unis ou au Japon. Le rôle du secteur public au Canada est d'autant plus important. C'est donc là qu'il faut tenter de trouver une solution au problème.

• 1235

Le président: Madame Swift.

Mme Catherine Swift: Je voudrais faire deux ou trois remarques.

Il est vrai que le niveau élevé de propriété étrangère dans l'économie canadienne est un problème. C'est un problème qui ne date pas d'hier: d'une part, nous nous plaignons que notre faible productivité réduise les investissements étrangers et, d'autre part, nous nous plaignons du niveau important d'investissements étrangers. On ne peut avoir à la fois le beurre et l'argent du beurre, même si cela nous plairait bien parfois. N'oublions pas que ces investissements étrangers créent beaucoup d'emplois.

Je noterai qu'en ce qui concerne les petites entreprises, Statistique Canada a fait des études ces dernières années qui montrent que, proportionnellement à la taille de leur actif, les petites entreprises consacrent davantage à la R-D que les grandes entreprises comparables. Je le répète, je suis certaine que la structure du capital social y est pour quelque chose, car beaucoup des très grandes entreprises ont leur siège social ailleurs, et, M. Turk a raison, c'est là où se trouve leur siège social que se fait au moins la plus grande partie de leur R-D. Relativement parlant, le niveau de R-D dans le secteur des petites entreprises est disproportionné à l'ensemble de leur actif, si on le compare aux grandes entreprises.

Je cherche des solutions. C'est une question difficile. Nous ne voulons pas nécessairement limiter l'investissement étranger, car cet investissement a bien des avantages pour nous. Cette solution équivaudrait pour nous à nous saborder pour échapper à l'ennemi. Mais je pense qu'il faut aussi envisager la chose du point de vue de l'emploi. Les données montrent que 50 p. 100 des emplois qui ont été créés au cours des dix dernières années l'ont été par des entreprises qui n'existaient pas en 1989.

Autrement dit, si votre seule solution est de subventionner les entreprises, comment subventionnez-vous une entreprise qui n'a pas encore démarré?

Il nous apparaîtrait donc préférable de prévoir des mesures qui encourageraient le démarrage des entreprises—et bon nombre de ces mesures fiscales ont cet effet bénéfique. Le financement est aussi crucial. Nous avons déjà témoigné devant votre comité à maintes reprises au sujet du financement. Je ne répéterai pas ce que nous avons dit alors, mais nous croyons qu'on pourrait faire beaucoup à ce chapitre pour aider les entreprises de toutes les tailles.

Le président: Docteur McLellan.

Dr Barry McLellan: J'aimerais revenir sur deux points qui viennent d'être soulevés. Le Canada, à l'échelle mondiale, n'est pas un joueur d'importance dans le secteur pharmaceutique. Sa contribution représente environ 4 p. 100. Vous direz peut-être que cela n'a pas d'importance, que cela n'a pas à nous inquiéter. Moi, j'estime qu'on ne doit pas faire fi de ces 4 p. 100, car l'industrie pharmaceutique internationale veut faire affaire au Canada et le fait déjà.

Ce qui est intéressant—et j'en traite plus longuement dans notre rapport, que personne n'a sans doute eu le temps de lire—c'est que les entreprises de biotechnologie auxquelles j'ai fait allusion sont de petites entreprises, et que les petites entreprises sont mieux en mesure de s'adapter et d'innover que les grandes. Voilà pourquoi j'estime que la propriété étrangère n'est pas un problème pour nous, car la plupart des activités du secteur biotechnologique, par exemple, relativement à la recherche en santé se font ici même au Canada dans de petites entreprises.

Nous ne sommes plus limités par l'argument économique qu'on faisait valoir il y a une vingtaine d'années, ou même une dizaine d'années, sur le fait qu'il n'y a ici que des succursales. Bien des choses se passent ici même en ce moment, et nous devrions les examiner, les encourager et les faciliter afin d'accroître la productivité de ces petites entreprises, comme on l'a suggéré. Ce sont de petites entreprises, mais elles sont au coeur de l'action.

Il faut donc créer un environnement qui permette à ces entreprises de prospérer. On a déjà parlé de la fiscalité, mais il y a aussi la réglementation et d'autres questions qui nous ramènent également à l'exode des cerveaux.

Nous ne nous entendrons pas aujourd'hui sur les chiffres, manifestement, mais ne serait-il pas bien de pouvoir créer au Canada un environnement dans lequel nos fils et nos filles voudraient rester au Canada et pourraient trouver des emplois chez eux? C'est de cela qu'il s'agit. Si nous pouvions créer un milieu qui ferait que les jeunes pourraient et voudraient rester dans leur localité, dans leur province, ou, à tout le moins, au pays, nous augmenterions la productivité.

Le président: Merci.

Monsieur Whyte.

M. Garth Whyte: J'ai une remarque à faire. La question n'a pas encore été soulevée, mais elle est pertinente. Tentons de faire le lien avec les soins de santé.

Le recouvrement des coûts, la stratégie de recouvrement des coûts du gouvernement, est actuellement à l'étude, et je crois que votre comité pourrait apporter sa contribution à cette étude ou au moins formuler des recommandations à ce sujet.

Nous constituons une coalition de 31 organismes et groupes d'affaires; c'est donc un enjeu pour nous. Le propriétaire d'une grande entreprise de soins de santé se dit que les frais étant les mêmes, puisqu'il devra les payer s'il veut faire du développement, il vaut mieux le faire en France ou aux États-Unis, car il triple ses coûts s'il doit payer ses frais là-bas et les payer aussi ici.

• 1240

Selon notre étude, qui n'a pas été réfutée et s'est rendue jusqu'au Conseil du Trésor, les frais à Santé Canada ont augmenté de 502 p. 100 au cours des trois dernières années et continuent d'augmenter. Comment cela rehausse-t-il notre productivité? Comment cela contribue-t-il à la R-D? Comment cela permet-il d'accroître les travaux de recherche en santé ici au Canada?

Comme l'a dit ce monsieur, il vaut mieux pour lui rester aux États-Unis. Les économies d'échelle y sont meilleures. Il n'a qu'à faire la recherche là-bas et à payer les frais là-bas. Cela se justifie, alors que, s'il le faisait ici, cela ne se justifierait pas.

Nous devrions nous pencher sur notre politique de frais—est-ce que ce sont vraiment des frais exigés en échange de services ou simplement d'autres frais? Pourquoi ne pouvons-nous accepter, par exemple, les examens réglementaires faits par l'Allemagne, les États-Unis ou la France? Nous devrions nous pencher sur la question.

M. Nick Discepola: Oui, et j'aimerais rassurer la Chambre de commerce et la Fédération de l'entreprise indépendante. Le premier ministre a aussi dit hier soir que nous ne reprendrons pas les dépenses donnant lieu à un déficit. Les dépenses augmenteront peut-être, mais ce sera dans des domaines bien ciblés, tels que les soins de santé, comme on l'a fait dans le dernier budget, etc. Mais ce ne sera pas une politique de dépense systémique, ce qui serait bien plus inquiétant pour vous, je crois, qu'une simple hausse des dépenses.

Merci.

Le président: Merci, monsieur Discepola.

Au nom du comité, je tiens à vous remercier. L'étude de cette question représente un défi, surtout du point de vue des communications. Lorsque je parle avec des Canadiens ordinaires qui se lèvent tous les matins pour aller travailler, qui respectent la loi et les règles, mais qui, à la fin du mois, n'arrivent pas à joindre les deux bouts, je constate qu'on comprend mal ce qu'est vraiment la productivité. J'ai aussi constaté qu'on me comprend mieux lorsque j'explique les avantages de la productivité, tels qu'une économie plus efficiente et des revenus plus élevés.

Nous, les membres du comité, devrons formuler des recommandations concernant la politique monétaire et budgétaire, la politique fiscale et le soutien à l'éducation et à la recherche et au développement. Nous devrons aussi voir, bien sûr, comment nous pourrions aider le marché à mieux fonctionner. Nous devrons nous pencher sur la réglementation et la déréglementation. Nous devrons tenter de trouver des façons d'accroître l'efficience. Bien sûr, il ne faut pas oublier que nous vivons dans un marché mondial pour ce qui est du commerce, une autre question relative à la productivité. À mesure que les pays se spécialisent dans certains domaines, la seule façon pour eux d'augmenter leur part du marché est d'accroître leur productivité et leur spécialisation.

Nous savions que la tâche ne serait pas facile. Vous avez témoigné du fait que ce sujet sera certainement intéressant.

Au nom du comité, encore une fois, merci. La séance est levée.