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FISH Réunion de comité

Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.

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STANDING COMMITTEE ON FISHERIES AND OCEANS

COMITÉ PERMANENT DES PÊCHES ET DES OCÉANS

TÉMOIGNAGES

[Enregistrement électronique]

Le jeudi 27 mai 1999

• 0913

[Traduction]

Le président (M. Charles Hubbard (Miramichi, Lib.)): La séance est ouverte.

Conformément au paragraphe 108(2) du Règlement, notre comité étudie les phoques et la chasse au phoque. Nous avons déjà tenu des audiences sur la question et nous préparons actuellement notre rapport, que nous espérons déposer avant le congé d'été.

Nous avons été très impressionnés par le fait que le CCRH a pris position sur la question; nous aimerions souhaiter la bienvenue à leurs représentants ce matin. Nous aimerions qu'ils nous fassent part de leurs préoccupations et de la position du Conseil à l'égard des phoques, et de l'impact de ces mammifères sur les stocks de poisson sur la côte Est. Nous aimerions donc souhaiter la bienvenue ce matin à M. Fred Woodman, président du Conseil. Monsieur Woodman, pourriez-vous nous présenter ceux qui vous accompagnent ce matin?

Nous accueillons également ce matin un groupe du nord de Terre-Neuve. Nous les verrons à l'écran sous peu, nous l'espérons. Nous essaierons d'entendre les commentaires des deux groupes de témoins ce matin.

Monsieur Woodman, vous pouvez maintenant prendre le temps nécessaire pour présenter votre exposé au comité. Le comité compte en fait plus de représentants que vous n'en voyez ce matin, et puisque d'autres comités se penchent également sur des questions importantes ce matin, tous les députés ne sont pas encore arrivés. Ils se joindront à nous d'ici midi.

Bienvenue, monsieur Woodman. Vous avez la parole.

M. Fred Woodman (président, Conseil pour la conservation des ressources halieutiques): Merci, monsieur le président. Je crois que vous m'avez déjà présenté, mais pour ceux qui n'ont pas entendu le président, j'aimerais signaler que je m'appelle Fred Woodman et que je suis président du Conseil pour la conservation des ressources halieutiques.

• 0915

Je suis accompagné aujourd'hui de M. Dan Lane, de l'Université d'Ottawa, et de M. George Rose, de l'Université Memorial de Terre-Neuve, qui sont les scientifiques experts sur les phoques. Mon exposé sera en termes plutôt généraux.

Nous sommes venus aujourd'hui, monsieur, parce que vous nous avez invités à débattre de la question des phoques au Canada atlantique; nous sommes très heureux de nous rendre à votre invitation.

Comme vous le savez, le Conseil a rendu public, le 6 mai dernier, le rapport qu'il a présenté au ministre au sujet des besoins de conservation qui touchent les stocks de poisson de fond dans le golfe du Saint-Laurent et certains stocks de morue à Terre-Neuve. Ce rapport renfermait un chapitre sur les phoques. Dans nombre de ses rapports antérieurs, le CCRH avait demandé au ministre de mettre en oeuvre des mesures de restriction et de réduction de la population des phoques. Cependant, nous n'avions jamais affirmé nos opinions aussi directement.

Malheureusement, une bonne part du traitement que les médias ont accordé à nos récentes recommandations sur les phoques est incorrecte. Il nous paraît clair que certaines personnes ont mal interprété notre rapport. Il est également regrettable que bon nombre des représentants de ces médias n'aient pas assisté à notre conférence de presse, le 6 mai, à St. John's, car j'ai alors précisé très clairement ce que nous recommandions.

Aujourd'hui, nous voulons faire en sorte que les membres du comité comprennent clairement notre position et nous répondrons avec joie à toutes vos questions.

Le mandat du CCRH stipule que le Conseil peut recommander toute mesure jugée nécessaire et appropriée aux fins de conservation. Parmi ces mesures, mentionnons le rétablissement des stocks de poisson de fond qui ont été gravement minés, pour favoriser une production forte et soutenue de jeunes poissons.

Comme par le passé, la multiplication des phoques a été présentée dans toutes les consultations tenues à la grandeur de la région Atlantique comme une cause de frustration et un obstacle au rétablissement du poisson de fond. D'après les données produites par les évaluations scientifiques et l'information cohérente et continue fournie par les pêcheurs de tout le Canada atlantique, le CCRH est absolument convaincu que le rétablissement des stocks de poisson de fond, notamment de la morue, restera incertain si les troupeaux de phoques demeurent à leurs niveaux actuels.

Autre fait à noter, les populations actuelles de phoques, surtout celles des phoques du Groenland, ont atteint ou sont sur le point d'atteindre la capacité portante du milieu. Par conséquent, et d'après les données actuelles et historiques, les troupeaux de phoques peuvent être viables si le niveau de la population diminue. Il est également important de souligner que, depuis les années 80, la population des phoques gris dans l'est de la Nouvelle-Écosse et dans le golfe s'est accrue de 700 p. 100.

Si nous voulons gérer avec prudence le poisson de fond, nous devons agir immédiatement de façon à améliorer les possibilités de conservation et de rétablissement des stocks de poisson de fond, sans attendre que les effets de la prédation des phoques soient scientifiquement démontrés hors de tout doute.

Nous recommandons, pour dresser des plans de saine gestion de la récolte des phoques, de ramener les troupeaux de phoques à 50 p. 100 de leurs niveaux actuels, dans certaines régions, et d'étudier avec attention les effets de ces réductions pour jeter les bases d'une gestion adaptative. Le CCRH recommande également l'allocation de ressources supplémentaires pour la coordination des plans de gestion de la récolte de phoques ainsi que la stricte surveillance et l'application de règlements appropriés à cet égard, y compris l'utilisation de tout l'animal et le recours aux méthodes de récolte animale sans cruauté.

Par ailleurs—et c'est très important—nous recommandons l'établissement d'un groupe de travail ou de coordination pour le nord-ouest de l'Atlantique, qui sera responsable de l'organisation et de l'élaboration de stratégies pour la réduction immédiate des populations de phoques, de la promotion de techniques de récolte sans cruauté et d'autres activités que le groupe jugerait appropriées.

• 0920

Nous recommandons aussi l'établissement d'une récolte expérimentale de phoques gris sur l'Île de Sable pour la collecte de données scientifiques et la poursuite d'activités de développement industriel. Cette récolte expérimentale ne devrait pas excéder la valeur annuelle estimative de remplacement de phoques de l'Île de Sable, soit 20 000 bêtes.

Finalement, nous recommandons, dans la mesure du possible, la définition d'un certain nombre de zones d'exclusion de phoques de manière à prévenir l'expansion de la population des phoques dans certaines baies ou zones de l'OPANO où se déroule la pêche: les zones de l'OPANO touchées seraient le 2J3KL, nord; le 3Ps, sud de Terre-Neuve, le 4TVn, le sud du golfe, et enfin le 4RS3Pn, le nord du golfe. Cette mesure devrait aussi s'appliquer à la zone 4VsW, Île de sable même si cette région n'est pas mentionnée dans notre récent rapport.

Cette dernière mesure est conçue pour protéger la fraie et les concentrations de jeunes morues; elle empêcherait également les phoques d'infliger une mortalité élevée aux concentrations côtières et localisées de morues faisant l'objet d'une pêche restreinte.

La question des phoques est trop importante—et souvent trop chargée d'émotion—pour que nous permettions que nos recommandations soient mal comprises. Je vais donc préciser et confirmer nos principales recommandations: nous affirmons que les troupeaux de phoques peuvent être viables à des niveaux bien inférieurs à leurs niveaux actuels.

Nous affirmons également que dans certaines régions, et lorsque la chose est possible, les troupeaux devraient être réduits jusqu'à concurrence de 50 p. 100. Nous ne disons pas, comme le rapportent certains médias, qu'il faudrait éliminer 50 p. 100 de la population totale des phoques.

Nous recommandons aussi l'instauration d'un groupe de travail ou d'une équipe de coordination chargé de déterminer les régions à cibler et d'élaborer des stratégies de mise en oeuvre pour les réductions en question.

Notre position ne fera pas l'unanimité—comme nous l'avons constaté peu de temps après avoir rendu nos positions publiques—mais c'est l'opinion du Conseil.

Et puis, j'aimerais proposer une analogie. Pendant des décennies, on disait que le tabagisme était nocif pour la santé, même s'il n'existait pas de preuves scientifiques irréfutables. Les gens savaient pourtant que c'était vrai. La preuve que le tabagisme nuit à la santé était amplement suffisante.

Eh bien, selon nous, même en l'absence d'une preuve irréfutable que les troupeaux de phoques ont une incidence sur le rétablissement de poissons de fond comme la morue, tous les intervenants de l'industrie de la pêche le savent. Le Conseil sait qu'il n'y a pas de preuve irréfutable de ce fait—on ne trouvera peut-être pas une telle preuve de notre vivant—mais ne pas tenir compte de la preuve existante ni des renseignements cohérents et continus fournis par les pêcheurs et les scientifiques de tout le Canada atlantique compromet inutilement le rétablissement du poisson de fond.

Si nous voulons appliquer le principe de prudence à la gestion du poisson de fond, nous devons agir immédiatement de façon à améliorer les possibilités de conservation et de rétablissement des stocks de poisson de fond, sans attendre une preuve scientifique absolue quant aux effets de la prédation des phoques.

Merci. C'est tout ce que j'ai à dire. C'est un énoncé bien clair. Nous pouvons maintenant répondre à vos questions.

Comme je l'ai signalé, MM. Lane et Rose m'accompagnent aujourd'hui, mais j'ai oublié de vous présenter mon bras droit, Chris Allen, qui est notre directeur administratif par intérim.

Le président: Merci, monsieur Woodman.

Le Parti réformiste est l'opposition officielle et encore une fois aucun député de ce parti n'est présent à cette réunion. Si les autres députés acceptent ma proposition, je demanderai à M. Bernier, du Bloc québécois, de faire office d'opposition officielle et de poser les premières questions.

[Français]

M. Yvan Bernier (Bonaventure—Gaspé—Îles-de-la-Madeleine—Pabok, BQ): Nous sommes sûrement une officielle opposition, mais nous ne sommes peut-être pas l'opposition officielle dans le sens où l'entendent les règles parlementaires, monsieur le président.

Quoi qu'il en soit, la chasse au phoque et son impact sur les stocks de poisson de fond intéressent grandement les gens qui représentent l'Est du Canada, dont je fais partie jusqu'à preuve du contraire. J'avais parcouru votre rapport en diagonale, messieurs, puisque la presse en avait fait une question à grande sensation. Je l'ai relu et je revois votre présentation de ce matin.

• 0925

J'aimerais commencer par la fin de votre exposé, où vous dites que le conseil sait qu'il ne dispose pas d'une preuve que le phoque a un grave impact sur la reproduction et l'augmentation des stocks de morue et qu'une telle preuve ne pourra être obtenue dans un avenir prévisible. Est-ce que votre comité s'est penché sur la méthodologie de recherche qui nous permettrait de fabriquer une telle preuve et de vérifier vos affirmations? Combien de temps faudrait-il se donner pour obtenir une preuve? Je sais qu'on ne pourra jamais avoir une preuve noir sur blanc, totalement évidente, qui saura satisfaire tous les écologistes de la terre, mais dans combien de temps les scientifiques qui sont à votre disposition pourraient-ils établir une preuve? Leur faudrait-il un an, deux ans, trois ans ou cinq ans? Est-ce qu'on entrevoit une période aussi longue que cela? Est-il impensable d'obtenir une telle preuve?

Comme je vous l'ai dit, je viens de l'Est. Un phoque est bien beau quand il est petit, mais quand il est gros, il mange. J'estime qu'il est important d'obtenir cette preuve scientifique aujourd'hui parce qu'à chaque fois qu'on fait un pas, si on n'a pas mis le pied solidement sur une marche, lorsqu'on est rendu quelques marches plus haut, l'échelle s'écroule. En voulant régler des problèmes, on les a simplement aggravés.

Vous dites qu'on ne pourra pas établir une preuve dans un avenir prévisible. Selon vous et vos scientifiques, quels pourraient être la méthodologie, le calendrier et l'échéance pour obtenir cette preuve, si cela est possible?

[Traduction]

M. Fred Woodman: J'aimerais demander à M. Rose ou M. Lane de répondre à cette question. Elle est de nature scientifique, et j'aimerais entendre les commentaires qu'ils ont à faire à ce sujet.

[Français]

M. Dan Lane (membre, Conseil pour la conservation des ressources halieutiques): Si vous me le permettez, monsieur le président, j'aimerais répondre à cette question.

Il s'agit d'une source de frustration énorme. Depuis le début des années 1990, on demande aux scientifiques de trouver la bonne réponse. Il est évident que la présence de phoques qui mangent les stocks de poisson a un effet énorme sur la population de toutes les espèces. Nous sommes entrés dans un débat sur le nombre exact de tonnes de poisson, de morue, etc. et il semble que la situation change à chaque année. Nos meilleurs scientifiques, dont Garry Stenson et Mike Hammill qui ont déjà comparu devant vous, travaillent en vue d'atteindre cet objectif depuis des années. Notre conseil en est arrivé à la conclusion que, comme dans le cas des effets nocifs de la fumée dans l'air, il n'y avait pas de bonne réponse. Ceux qui s'opposent au contrôle de la population d'une espèce comme le phoque évoquent toujours ce manque de preuve, qu'ils utilisent contre nous ainsi que ceux qui ont la responsabilité et le mandat de conserver les stocks de poisson.

On préférerait orienter le débat vers une autre question, à savoir si on peut réduire la population de phoques sans créer des problèmes à cette espèce et si on peut sauver une espèce de poisson qui, selon les comités scientifiques, est en danger. Les scientifiques affirment que les stocks de morue sont vulnérables. Nous croyons qu'il y a peut-être une autre façon d'aborder le problème. Donc, nous préférons ne pas répondre à cette question à laquelle on ne peut donner de bonne réponse.

M. Yvan Bernier: Je comprends le problème. Je vis sur le bord de l'eau en Gaspésie et je vois des phoques là où je n'en voyais jamais auparavant. Cela me dérange, et je m'aperçois aussi que de en moins en moins d'éperlans montent dans la rivière à l'automne et qu'il y a de moins en moins de saumons.

• 0930

Comme vous pouvez le constater, je suis de l'autre côté de la clôture et je voudrais le rétablissement des stocks. Je suis conscient que la crédibilité du CCRH est en jeu et que vous avez subi des pressions de la part des pêcheurs de certaines régions, qui vous ont dit avoir vu du poisson de fond et de la morue en masse et qui vous ont demandé d'augmenter le contingent qu'ils peuvent sortir de l'eau cette année. Eux aussi vous disent que c'est aussi évident parce qu'ils ont vu cette morue. Vous avez subi ces pressions, conservé une certaine distance et dit qu'il fallait s'appuyer sur un protocole scientifique et suivre un processus qui ne mettra pas en péril tout le reste.

Je suis suis tenté d'aller dans votre direction. Vous avez nommé quelques scientifiques. Il est évident que si nous rassemblions 10 ou 20 personnes dans une salle, il y en aurait toujours une qui se ferait l'avocat du diable pour essayer de défaire ce que les autres essaient de bâtir. Y a-t-il moyen de réunir des scientifiques qui reconnaissent leurs connaissances réciproques afin qu'ils arrivent à déterminer quelle démarche nous pourrions entreprendre pour arriver à l'établissement d'un tel cadre?

Pourquoi est-ce que je formule cette question de cette façon? C'est parce que dans votre rapport, vous indiquez que vous souhaiteriez faire une certaine chasse ciblée pour essayer de réduire le troupeau et en mesurer l'impact dans une région précise. J'imagine que vous avez déjà prévu un certain protocole ou une certaine méthodologie de recherche. Pourriez-vous élaborer sur ce point afin de nous permettre, à nous qui sommes supposément profanes en la matière, bien qu'on voie les deux côtés de la médaille, de faire une recommandation au législateur lui indiquant dans quelle direction il faut aller? C'est en ce sens que je vous demande de nous aider ce matin.

J'ai subi les mêmes pressions de la part des pêcheurs qui m'ont dit qu'il fallait se débarrasser des phoques. Mais, d'un autre côté, j'ai entendu les chasseurs de phoques me dire de faire attention de ne pas détruire les marchés qu'ils ont construits et leur image. C'est pour cela qu'on avance sur des oeufs. Selon un proverbe, il ne faut pas déshabiller saint Pierre pour habiller saint Paul. Mais en ne faisant rien, on risque de perdre toute la chapelle.

Je répète ma question. Vous nous avez donné l'exemple de certains secteurs où vous voudriez réduire les troupeaux. Avez-vous déjà songé à élaborer une méthodologie de recherche? Quel échéancier pourriez-vous établir par la suite pour couvrir une plus grande surface?

[Traduction]

M. George Rose (membre, Conseil pour la conservation des ressources halieutiques): Excusez-moi, mais je parlerai en anglais de Terre-Neuve.

Je vais essayer de répondre à votre question de trois façons différentes. Tout d'abord je vous parlerai de ce que nous savons, puis, de ce que nous ne savons pas, et enfin, ce qui est en fait le cas de votre question, de ce que nous pouvons faire.

En fait, je crois que nous en connaissons beaucoup sur les phoques et sur leurs activités. Certes, si nous comparons ce que nous savons des phoques à ce que nous savons de nombre d'autres espèces marines, tout particulièrement nombre d'autres espèces marines commerciales, nous constatons que nous en connaissons beaucoup plus long sur les phoques que, par exemple, sur la lompe, le flétan ou le sébaste, ou nombre d'autres espèces que nous consommons. Il n'est donc pas juste de dire que nous ne connaissons pas grand-chose sur les phoques. Cependant, il est juste de dire que les groupes de pression et certaines organisations ont vraiment placé la barre très haut concernant ce que nous devons savoir sur les phoques avant de songer à intervenir. C'est vrai. La barre est très haute, les exigences sont très strictes au point de vue scientifique.

Voici ce que nous savons. Nous savons que les populations de phoques, de toutes les principales espèces qu'on retrouve dans les eaux du Canada de l'Atlantique, augmentent depuis 10 ou 20 ans. Nous le savons de façon quasi certaine. Nous savons également beaucoup de choses sur l'impact direct que ces populations ont sur les quantités de poissons. Nous savons qu'elles mangent beaucoup de poissons: des centaines de milliers de tonnes de poissons commerciaux et de poissons fourrage. Nous en sommes relativement certains, même si ces estimations peuvent être plus ou moins exactes. Il faut le reconnaître, mais nous savons cependant que les phoques mangent beaucoup.

• 0935

Nous pouvons dire avec certitude que les phoques représentent la principale source de mortalité pour la morue de l'Atlantique, par exemple, une source beaucoup plus importante que toutes les autres que nous connaissons. C'est ce que nous savons actuellement, au point de vue scientifique, sur la question.

Nous savons également que les phoques peuvent avoir un impact indirect sur les ressources halieutiques. Par exemple, la principale proie du phoque du Groenland est le capelan, qui est également la principale nourriture de la majorité des morues qu'on retrouve dans la région Atlantique. Ainsi, les phoques ont un impact direct sur la principale source de nourriture de la morue. Nous savons également que les stocks de capelan sont à la baisse, particulièrement sur la Basse-Côte-Nord du Québec et au Labrador. En fait, on a constaté dans la partie nord de la zone de distribution que les stocks de capelan sont à la baisse depuis 10 ans.

Nous savons également que les phoques peuvent avoir un impact indirect sur les morues qui passent l'hiver en eau froide. La morue ne tolère pas très bien l'eau froide. Si elle est chassée par des prédateurs, elle mourra. Il peut donc y avoir un impact indirect. Ce genre de comportement a été observé. Ça devrait être assez bien connu. On l'a constaté l'hiver dernier dans plusieurs zones le long de la côte de Terre-Neuve, mais en fait on n'en a été que témoin. Le fait que cela pourrait se produire est bien connu, et les gens qui vivent le long de la côte atlantique le savent depuis déjà très longtemps.

Nous savons également que si nous faisons des comparaisons géographiques, dans les zones où il y a peu de phoques, on retrouve beaucoup de morues. C'est ce qui se passe au Canada atlantique. C'est dans la zone 3Ps au sud de Terre-Neuve que l'on trouve le stock qui s'est rétabli le plus rapidement; c'est d'ailleurs une zone où il y a très peu de phoques. Cependant, les stocks que l'on retrouve dans des zones où vivent également de nombreux phoques, connaissent un taux de reproduction moins bon et ne croissent pas.

Nous savons également que si nous étudions les autres zones, au-delà des frontières canadiennes, si nous étudions la Norvège... Nous étudions toujours la Norvège, particulièrement au Canada atlantique, parce que ce pays a un écosystème semblable à celui qu'on retrouve dans cette région du Canada. Dans la mer de Barents, par exemple, leurs stocks de morue ont livré concurrence à nos stocks de morue du nord pendant 500 ans pour mériter le titre de meilleurs stocks de morue du monde. Actuellement leurs stocks de morue comptent des millions de tonnes. Ils pêchent plus de 500 000 tonnes de morue à même ces stocks. Ils ont 2 millions de phoques dans leur écosystème, grosso modo. Nous en comptons 6 millions. Nous pouvons donc étudier cette situation, ce déséquilibre qui existe entre la population globale de ces deux éléments très importants de l'écosystème.

Nous parlons d'une autre chose que nous connaissons assez bien, la durabilité. Les gens parlent toujours de la durabilité lorsqu'on parle des phoques ou des poissons ou de quoi que ce soit. La majorité d'entre eux ne savent pas vraiment ce que représente ce concept. Les choses peuvent être durables à bien des niveaux. Il n'y a pas de niveau unique pour la durabilité. La durabilité, ça veut simplement dire que vous n'exploitez pas plus que le taux naturel d'augmentation de la population. C'est comme avoir de l'argent à la banque—quoique vous n'avez pas vraiment d'intérêt de nos jours, mais pensez au bon vieux temps lorsque vous aviez de l'intérêt, si vous aviez 10 $ à la banque et qu'on vous donnait un dollar en intérêt, tant que vous ne dépensiez pas plus que ce dollar, votre 10 $ était durable. Si vous aviez 100 $, vous pouviez dépenser 10 $ et votre 100 $ était durable. La même chose vaut pour les populations animales. La durabilité peut se produire à divers niveaux. Cela dépend en fait de la façon dont vous étudiez la durabilité.

Il pourrait donc y avoir des niveaux de population en dessous desquels la population ne serait pas durable. C'est le niveau dangereux. Malheureusement, il se peut que nous ayons atteint ce niveau pour les populations de morue au Canada atlantique dans certaines zones où elles ne sont plus durables, où elles ne peuvent plus se reconstituer. Et est là la vraie tragédie. Les populations de phoques ne se trouvent pas dans cette même situation; elles sont loin d'être à un niveau non durable. Et c'est pourquoi il est un peu ironique que les populations de phoques et l'idée de la durabilité de ces populations reçoivent toute cette attention des médias, des joueurs du monde politique, et des divers scientifiques ou des gens qui ont des intérêts bien particuliers. On n'accorde absolument aucune priorité au poisson, même si, du point de vue de la durabilité, c'est le poisson qui n'est pas à un niveau durable, non pas les phoques. Ça nous le savons.

• 0940

Ce que nous ne savons pas c'est l'impact que pourrait avoir l'élimination de certains de ces phoques sur l'écosystème, tout particulièrement sur les stocks de poisson de fond ou de morue. Nous ne le savons pas. Et c'est ce qu'on nous rappelle à chaque fois que l'on propose de réduire la population de phoques à un niveau durable, mais à un niveau inférieur à celui qui existe actuellement. Nous ne pouvons pas garantir que nous savons quel sera cet impact, peut-être ne pourrons-nous jamais le faire. Le fait est que dans le monde naturel, dans les écosystèmes naturels, pratiquement toutes les situations sont uniques, y compris celle que nous étudions actuellement. Il n'y a pas de solution magique à ce problème. Nous ne pouvons pas dire que si nous réduisons d'un nombre donné de phoques la population de phoques, il y aura une augmentation correspondante du nombre de morues. C'est impossible. Ça ne pourra jamais être démontré. Ce serait irréaliste que d'attendre une telle garantie.

En science, pour avoir une bonne réponse il faut poser une bonne question. Cette question-là est une mauvaise question. On ne pourra jamais y répondre. C'est ce que nous ne savons pas.

Pour en venir au coeur de votre question, que pouvons-nous faire? Le CCRH a recommandé entre autres choses d'établir... L'élément central des recommandations du CCRH c'est de prendre une méthode de gestion adaptative comme l'appellent certains, une méthode scientifique, expérimentale. Certaines zones, par exemple, pourraient connaître une réduction de leurs populations de phoques et on pourrait suivre de très près l'évolution de la situation. Cela pourrait être fait à une petite échelle. Par exemple, dans certaines baies dans des régions particulières où nous savons qu'il y a des populations importantes de poissons de fond qui passent l'hiver ou qui s'y reproduisent, les phoques ne seraient pas bienvenus.

Un comité composé de représentants du gouvernement et de gens de l'endroit, de chasseurs et d'autres intervenants, devrait déterminer comment cela pourrait être fait. Si nous pouvions trouver une façon, à titre expérimental, de manipuler certaines zones, de les comparer avec d'autres et de nous en servir comme contrôles scientifiques, nous pourrions déterminer—et ce serait en fait la première fois si nous réussissions—l'impact de la réduction ou de certaines réductions. C'est quelque chose que nous pouvons faire. C'est peut-être ce que nous pourrions faire dès maintenant.

Nous ne proposons pas, et le CCRH ne l'a jamais fait, d'éliminer tous les phoques qu'on peut voir. Ce que nous avons proposé, c'était quelque chose qu'on avait mûrement réfléchi, un plan scientifique méthodique qui nous permettrait de nous servir des réductions comme mécanisme d'étude pour savoir quel impact cela pourrait avoir sur l'ensemble de l'écosystème. Une fois que nous en connaîtrons plus long, nous pourrons être mieux en mesure d'élargir les activités dans ce secteur.

Le président: Merci, monsieur Rose.

Les députés réformistes ne sont toujours pas arrivés. J'aimerais signaler aux représentants du CCRH que le comité avait l'intention, le printemps dernier, de visiter la zone de chasse au phoque; évidemment, le Parti réformiste s'est opposé à l'idée et le comité n'a pu obtenir la permission de voyager. Les Réformistes sont représentés par trois députés au sein du comité, et j'espère que pendant la matinée certains d'entre eux viendront entendre une partie de ce que vous avez à nous dire.

Cela dit, je céderai maintenant la parole à M. Provenzano.

M. Carmen Provenzano (Sault Ste. Marie, Lib.): Merci, monsieur le président.

Monsieur Woodman, j'ai été fort intéressé par vos commentaires. Si j'ai bien compris, lorsque vous avez parlé des normes que vous deviez respecter avant d'intervenir, vous avez dit qu'il y avait quand même un juste milieu entre une réaction émotive et une preuve indéniable. Est-ce exact?

M. Fred Woodman: Oui. Nous avons recommandé de constituer un groupe spécial qui serait responsable de la surveillance de la chasse et qui élaborerait une stratégie visant la réduction de la population de phoques. Il y a des gens très compétents dans la région atlantique et au Québec qui connaissent bien la chasse au phoque, et qui pourraient planifier la stratégie tenant compte de diverses choses comme le marché, le besoin d'assurer une réduction de la population, peut-être découvriront-ils qu'il n'existe pas de marché, mais le fait demeure qu'il faut réduire la population.

J'aimerais revenir à...

M. Carmen Provenzano: Non, j'aimerais poursuivre mes questions sur cette norme, parce que je veux m'assurer que je comprends bien. M. Rose a dit que la barre était très haute, ce qui revient à vos commentaires quand vous dites que nous avons besoin d'avoir une norme différente. M. Rose dit qu'il y a des groupes de défense de l'environnement ou des animaux qui ont fixé la barre très haut, en fait qui insistent pratiquement pour avoir des preuves irréfutables. Je crois que c'est ce qu'ils demandent, qu'on n'intervienne absolument pas à moins d'avoir des preuves irréfutables que l'intervention est justifiée.

• 0945

D'après ce que vous avez dit, votre message est que nous devons avoir une norme différente. Je veux pouvoir présenter les choses d'une façon que vous acceptez. Ce que vous dites, c'est que lorsqu'il y a des indicateurs solides qui démontrent que des mesures devraient être prises, il ne faudrait pas chercher des preuves scientifiques irréfutables, ce qui est assez difficile à obtenir; vous dites simplement que lorsque les indicateurs existent, et qu'ils sont solides, si l'on se trompe, on pourra quand même prendre des mesures correctrices par la suite, plutôt qu'attendre d'obtenir une preuve irréfutable parce qu'à ce moment-là il sera peut-être trop tard pour agir.

Si c'est la norme, si nous devons adopter une norme qui dicte que nous réagissions lorsque les indicateurs existent, lorsqu'ils sont solides et qu'ils guident nos actions, il me semble que si justement cette norme avait existé il y a plusieurs années, il y aurait peut-être toujours de la morue du Nord. Est-ce que cette barre qu'on fixe, cette norme dont parle M. Rose, sont un peu les mêmes qui avaient été imposées au gouvernement par les pêcheurs? Donc, si nous parlons d'une nouvelle norme quant au moment d'intervenir en ce qui a trait aux phoques, ne devons-nous pas établir une nouvelle norme pour toutes les espèces qui dicte qu'il nous faut intervenir lorsque les indicateurs existent? Par exemple, il y avait des indicateurs quant à la morue du Nord, mais pas de preuve irréfutable qu'il fallait absolument agir et, donc, personne n'a agi.

Vous êtes un conseil de conservation des ressources halieutiques. Si nous établissons ici une nouvelle norme, faut-il qu'elle s'applique à tous? Doit-elle s'appliquer aux pêcheurs? Aux groupes environnementaux qui, et je crois pouvoir le dire, ont poussé les choses à un tel point qu'il est difficile, voire impossible, de les satisfaire?

M. Fred Woodman: Vous avez couvert beaucoup de terrain mais j'essaierai de répondre et je demanderai à M. Rose de terminer.

Je parlerai de la «prépondérance de la preuve». C'est pourquoi je voulais revenir à la question de M. Bernier qui s'applique également à la vôtre. M. Rose a parlé des zones de durabilité. Par exemple, dans le sud du golfe du Saint-Laurent, les pêches ont fermé en 1994. Le niveau de biomasse se situait aux alentours de 90 000 à 100 000 tonnes. Si elle était parvenue à maturité, il y aurait maintenant une biomasse adulte de quelque 100 000 tonnes et plus.

Il y a trois ans, il y a eu un recrutement positif de jeunes poissons. Les chercheurs l'ont constaté, les scientifiques aussi. Deux ans après, ils avaient disparu. Ils ont pu être mangés par d'autres prédateurs, mais la prépondérance de la preuve indique que les phoques furent un facteur important parce que dans le golfe du Saint-Laurent, il y a une forte population de phoques gris. Dans le sud du golfe, ça n'augmente pas. D'un autre côté, au sud de Terre-Neuve, où nous avions à peu près la même biomasse en 1993, nous avons aujourd'hui une biomasse adulte qui a atteint des niveaux historiques. Nous avons eu du recrutement et nous avons un niveau total de biomasse qui a presque atteint 250 000 tonnes. Aussi, lorsque la prépondérance de la preuve indique qu'il se passe quelque chose dans le golfe du Saint-Laurent, les phoques pourraient être—et sont, cela ne fait à mon avis aucun doute—un gros problème.

L'autre facteur est que dans le golfe du Saint-Laurent, les stocks sont des stocks migrateurs. Tout émigre à un moment ou à un autre au cours de l'année et lorsque les stocks quittent le golfe du Saint-Laurent, ils vont vers l'est de la Nouvelle-Écosse, où nous avons le plus gros troupeau de phoques gris de la région de l'Atlantique, quelque 200 000. La prépondérance de la preuve pointe donc vers le gros prédateur que seraient les phoques à leurs niveaux actuels.

• 0950

M. Carmen Provenzano: Monsieur Woodman, ce que je veux dire, c'est que si le gouvernement agissait en fonction de la prépondérance de la preuve et dans un cas particulier imposait un quota sur une espèce de poisson en se fondant sur la prépondérance de la preuve, votre Conseil serait-il d'accord? C'est ce que vous demandez en ce qui concerne les phoques.

M. George Rose: En fait, ce que vous suggérez existe déjà. Et cela a été une bonne chose pour la gestion des pêches.

Vous avez parlé de la morue du Nord. Elle a en fait été gérée en fonction de ce que l'on pensait à l'époque être d'excellentes preuves scientifiques absolues, exactement ce que l'on demande aujourd'hui pour le phoque. Il y avait des indicateurs, vous l'avez dit, des indicateurs qui venaient de l'industrie, des pêcheurs, d'autres sources scientifiques, qui étaient contraires aux meilleures preuves scientifiques que l'on avait à l'époque, et on a fait fi de ceux-ci. Or il se trouve que ces meilleures preuves scientifiques de l'époque étaient inexactes; que les indicateurs étaient bons et que les décisions prises n'étaient pas les bonnes.

C'est la raison pour laquelle il est devenu habituel, non seulement pour le ministère des Pêches et des Océans mais aussi pour le CCRH d'utiliser de très nombreux indicateurs avant de juger de l'état de tous nos stocks de poisson. Nous ne disons plus, voici la meilleure preuve scientifique, c'est le meilleur modèle, comme nous le faisions par le passé. Ce n'est plus comme cela que cela se passe. Nous considérons tout un éventail d'indicateurs et, en fait, nous arrivons à un point de vue équilibré qui repose sur ces différents indicateurs, c'est-à-dire sur ce que vous considérez être la situation actuelle en ce qui concerne les phoques.

M. Carmen Provenzano: Mais je n'ai pas eu de réponse à ma question à M. Woodman. Si le gouvernement prenait sa décision en fonction de la prépondérance de la preuve, qu'il s'agisse de l'abattage sélectif du phoque ou d'imposer un quota sur certaines espèces de poisson, votre Conseil serait-il d'accord pour qu'il fonde la décision là-dessus? Oui ou non?

M. Fred Woodman: Oui, certainement. Nos décisions sont essentiellement prises en fonction de la prépondérance de la preuve. Nous avons des indicateurs que nous suivons. Par exemple, la population de phoques, au niveau actuel, est pour notre Conseil un indicateur qui explique les problèmes touchant les stocks de poisson de fond dans la région de l'Atlantique. Si nous considérons par exemple le golfe du Saint-Laurent aujourd'hui, pour lequel nous recommandons pour le sud 6 000 tonnes, en nous fondant sur les indicateurs présentés par le Conseil, dans sa sagesse, nous ne pourrions pas dépasser 6 000 tonnes. La réponse est donc oui.

M. Carmen Provenzano: Merci.

Le président: Merci, Carmen.

Je prie les témoins d'excuser toute l'activité qui se déroule de ce côté de la salle, mais nous avons eu quelques difficultés. Pour une raison ou une autre, les témoins de Terre-Neuve ne se sont pas présentés ce matin et nous avons dû annuler la vidéoconférence derrière vous. Je voulais juste vous expliquer l'objet de nos discussions ici.

Cela dit, Peter, à vous.

M. Peter Stoffer (Sackville—Musquodoboit Valley—Eastern Shore, NPD): Merci beaucoup. Merci, messieurs, de comparaître aujourd'hui devant notre comité.

À votre avis, et j'aimerais une réponse rapide, quelle a été la principale raison de la disparition de la morue au début des années 90? La raison numéro un. Je sais qu'il y a différents facteurs, mais à votre avis, quel a été le principal facteur?

M. George Rose: C'est facile: la surpêche.

M. Peter Stoffer: La surpêche par les pêcheurs, n'est-ce pas?

M. Fred Woodman: Par l'industrie.

M. Peter Stoffer: Les humains, n'est-ce pas? Je crois qu'en votre qualité de conseil pour la conservation, vous devez aussi considérer le gagne-pain des localités côtières et des pêcheurs et de leurs familles. C'est certainement une des raisons pour lesquelles vous faites votre recommandation. Mais, monsieur Rose et monsieur Lane, vous qui travaillez pour les universités, qui vous finance? Quand vous faites vos recherches, qui paye?

M. George Rose: Ce financement vient de diverses sources: du gouvernement provincial, du gouvernement fédéral, du CRSNG et, dans une moindre mesure, des industries. Diverses sources.

M. Peter Stoffer: Monsieur Lane?

M. Dan Lane: Dans mon cas, le financement vient de l'organisme central qu'est le Conseil de recherches en sciences naturelles et en génie.

• 0955

M. Peter Stoffer: D'accord.

J'ai remarqué aussi dans votre rapport que vous avez envoyé une lettre au ministre pour lui demander pourquoi les subventions avaient diminué dans le secteur scientifique. La lettre est signée de M. Woodman: «Le Conseil souhaite attirer votre attention sur la diminution constante des fonds consacrés à la science au sein du ministère des Pêches».

Une des grosses préoccupations de notre comité est que nous ne croyons pas que Pêches et Océans ait les ressources ou le personnel voulus pour faire les études nécessaires du point de vue scientifique en ce qui concerne tous les aspects des espèces de poisson. Pensez-vous que cette préoccupation soit fondée?

M. George Rose: Tout à fait. Je suis d'accord.

M. Peter Stoffer: Combien y a-t-il actuellement de phoques du Groenland?

M. George Rose: Les estimations actuelles les situent à 5,5 millions.

M. Peter Stoffer: Combien de phoques à capuchon?

M. George Rose: Peut-être un demi-million, si l'on arrondit.

M. Peter Stoffer: Combien de phoques gris?

M. Fred Woodman: Environ 200 000.

M. Peter Stoffer: Combien sont exploités, tués légalement, pour le marché? Combien sont pris? Je sais qu'il y a un quota de 275 mais combien en prend-on réellement?

M. Dan Lane: On estime la mortalité totale à environ 400 000, toutes espèces confondues.

M. Peter Stoffer: Cela inclut-il ce qui a été pris légalement pour le marché et l'abattage accidentel?

M. Dan Lane: Ce qui a été frappé et perdu est inclus, notamment les prises au Groenland.

M. Peter Stoffer: Votre recommandation visant une réduction de 50 p. 100 de la population est-elle faite conjointement avec d'autres pays où il y a des phoques dans cette région de l'Atlantique Nord, comme le Groenland, l'Islande et les États-Unis? Est-ce une décision exclusivement canadienne ou a-t-elle été prise de concert avec d'autres pays?

M. Dan Lane: Nous savons que des choses se font dans d'autres pays, comme l'Islande et la Norvège, et dans la mer du Nord où l'on prend des phoques. Ce n'est pas ce que l'on qualifierait de méthode bien connue et entièrement acceptée, comme de notre côté, mais cela se fait et c'est documenté. Nous le savons.

M. Peter Stoffer: Vous dites aussi dans un de vos paragraphes que les médias disent que pour réduire la population de 50 p. 100, il faudrait procéder à un abattage sélectif. Ce n'est pas ce que vous dites. Vous dites «là où c'est possible, réduire les troupeaux de 50 p. 100».

M. Fred Woodman: En effet.

M. Peter Stoffer: Toutefois, lorsque le ministre a comparu, il a dit qu'il n'avait pas d'objection idéologique à un abattage sélectif. Même si vous n'avez pas parlé d'abattage sélectif, le ministre croit qu'une de vos recommandations serait un abattage sélectif. J'utilise précisément ce terme parce que quand M. Efford a comparu devant notre comité, il ne l'utilisait pas. Il l'a dit à Terre-Neuve, mais il n'a pas voulu répéter le terme ici.

Est-ce que vous préconisez donc un abattage sélectif—oui ou non?

M. Dan Lane: Je peux essayer de répondre, Fred.

M. Fred Woodman: Lisez d'abord la recommandation.

M. Peter Stoffer: Je l'ai fait.

M. Fred Woodman: On recommande: «l'établissement d'un groupe de travail ou de coordination pour le nord-ouest de l'Atlantique, qui serait responsable de l'organisation et de l'élaboration de stratégies pour la réduction immédiate des populations de phoques». C'est donc ce groupe lui-même qui déterminerait s'il faut envisager un abattage sélectif, une réduction de 25 p. 100, ou une réduction pouvant atteindre 50 p. 100 et dans quelles zones. Je crois que nous avons les experts voulus pour nous donner ce genre de réponses.

M. Peter Stoffer: Monsieur Woodman, je vous remercie. Vous ne dites pas toutefois que le gouvernement devrait aider à développer les marchés pour le phoque; vous parlez simplement de réduction des populations. À votre avis, comment les réduire? Est-ce que ce serait simplement un groupe de bateaux? Y aurait-il des hélicoptères? Est-ce qu'on les descendrait à la mitraillette? Est-ce qu'ils seraient abattus à vue? Comment recommanderiez-vous exactement qu'ils soient pris?

Je pose cette question parce que votre recommandation est très sérieuse. Mon parti et moi-même ainsi que le comité ne voyons pas d'inconvénient à ce que l'on envisage une gestion scientifique sérieuse lorsqu'il y a des marchés pour les produits du phoque. Nous n'avons pas d'objection. Mais vous ne recommandez nulle part et vous ne conseillez même pas au gouvernement canadien de rechercher des marchés pour ces phoques. Vous demandez simplement une réduction.

Vos recommandations ont-elles pris en compte la réaction que pourraient avoir l'IFAW et d'autres groupes semblables qui attirent volontiers l'attention des médias? Avez-vous tenu compte des dommages que cela peut représenter dans certaines régions de Terre-Neuve et du Labrador qui dépendent de l'exportation d'autres espèces de poisson, comme les crustacés, si l'Europe ou les États-Unis interdisaient le commerce à cause de cela? Avez-vous songé à tout cela?

M. Fred Woodman: Oui, monsieur, nous avons pris tout cela en considération. Nous avons fait une recommandation sérieuse; nous en sommes bien conscients. Mais notre conseil ne fait pas de recommandations sur la mise en marché ou sur le développement des marchés. Nous avons, dans nos rapports précédents, demandé au ministre de développer les marchés pour réduire les troupeaux de phoques et développer le marché des produits du phoque.

• 1000

Au sujet du paragraphe dont j'ai cité un extrait, le groupe déterminera les stratégies nécessaires, qu'il s'agisse de développer les marchés ou d'autre chose. Il y a des experts qui peuvent s'occuper de la situation. Là encore, nous préconisons des techniques de récolte non cruelles, pas le genre d'abattage à la Rambo—et toute autre activité que le groupe jugera appropriée. Ce paragraphe est essentiel à notre recommandation.

M. Peter Stoffer: Mais vous demandez, là où cela est possible, une réduction de 50 p. 100.

M. Fred Woodman: D'un maximum de 50 p. 100.

M. Peter Stoffer: L'Association des chasseurs de phoques déclare qu'il n'y a pas suffisamment de marchés pour les phoques déjà abattus cette année. Il n'existe tout simplement pas suffisamment de marchés pour leurs produits.

Vous demandez donc une réduction. J'ai dit qu'il y a six millions de phoques et vous voulez les réduire de deux ou trois millions. Est-ce bien cela que vous demandez? Sinon, de combien de phoques voulez-vous que la population soit réduite? Dites-vous 50 p. 100 de six millions?

M. George Rose: Non. Nous ne faisons absolument aucune recommandation sur le nombre de phoques à abattre. Cela est clair.

M. Peter Stoffer: Vous avez dit un maximum de 50 p. 100.

M. George Rose: Permettez-moi de vous donner un exemple de la façon dont on pourrait appliquer ce pourcentage. Prenons la baie de Bonavista sur la côte Nord-Est. C'est une zone bien connue d'hivernage et de frai de la morue. C'est également là que les phoques ont massacré de milliers de morues l'hiver dernier.

Les phoques sont des prédateurs futés. Ils apprennent où leurs proies sont faciles à prendre. Il est bien possible qu'il n'y ait qu'un très petit nombre de phoques—quelques milliers, et certainement pas tous les cinq millions—dans la baie de Bonavista. Si l'on en retirait 50 p. 100 de la baie, cela pourrait modifier considérablement le taux de mortalité des morues adultes.

M. Peter Stoffer: Monsieur Rose, je vous pose une question précise. Combien de phoques—en nombre, pas en pourcentage—recommandez-vous de supprimer? Un million, deux millions...?

M. George Rose: J'ai déjà répondu à cela. Nous ne faisons aucune recommandation à ce sujet.

M. Peter Stoffer: Mais, monsieur, il n'existait pas de marché pour les 200 000 phoques qui ont déjà été abattus. Il n'y aura donc certainement pas de marchés pour près de deux millions de phoques. Qu'arrivera-t-il aux phoques abattus? Se contentera-t-on de les tuer pour les laisser ensuite sombrer au fond de l'océan?

M. George Rose: Il s'agit entièrement de question d'échelle. Si l'on abat deux ou trois phoques à Cannings Cove et dans la baie de Bonavista, ils seront probablement mangés par les gens de la région et ce ne sera pas un problème. Si l'on abat des centaines ou un millier de phoques dans la baie de Bonavista, ils seront probablement mangés par les gens de la région et ce ne sera pas un problème. Il n'y a un problème que lorsque nous parlons d'une augmentation énorme de l'abattage. Nous n'avons fait aucune observation sur ce sujet en particulier. Il revient à un comité de décider de la meilleure façon de mettre cela en oeuvre.

M. Peter Stoffer: Monsieur Rose, on a dit plus tôt qu'en Norvège on pêche de grandes quantités de morues et qu'il y a environ deux millions de phoques. Est-ce exact?

M. George Rose: Oui.

M. Peter Stoffer: Vous dites qu'au Canada nous avons six millions de phoques.

M. George Rose: Oui.

M. Peter Stoffer: Vous demandez une réduction de 50 p. 100 dans certaines régions, comme vous venez de le dire, à raison de trois phoques ici et un millier de phoques là, mais lorsque vous dites 50 p. 100, le Canadien moyen est bien en droit de croire que vous demandez que le nombre de phoques soit réduit de deux ou trois millions. Si c'est bien la perception qu'ont les gens, que doit-il arriver de ces deux ou trois millions de phoques?

M. George Rose: Je ne peux que répondre que si c'est là la perception, elle est erronée.

Le président: Merci, Peter. Nous reviendrons là-dessus.

Peter a eu un peu de temps et il en aura encore un peu plus tard. On dirait qu'on parle d'un terrain de bataille et que nous essayons de repousser les prédateurs.

Wayne, avez-vous des questions?

M. Wayne Easter (Malpeque, Lib.): Oui, monsieur le président.

Comme vous le savez, le comité a reçu beaucoup de renseignements contradictoires relativement aux opinions scientifiques et autres sur les phoques. J'ai deux questions à poser, l'une portant sur les connaissances scientifiques, l'autre portant sur les recommandations.

Je voudrais vous donner un aperçu de certaines des choses qu'on dit. Vous dites dans votre rapport, à la page 11, que les troupeaux de phoques consomment des dizaines de millions de jeunes morues et des millions encore de morues adultes, et que les phoques sont, sans le moindre doute, un facteur clé de la réduction du recrutement de morue pour la pêche. Le rapport poursuit en disant que le CCRH est absolument convaincu du fait que la conservation des stocks de poisson de fond, et particulièrement de morue, continuera d'être affectée si l'on permet aux troupeaux de phoques de rester à leurs niveaux actuels.

• 1005

Lorsque M. Anderson a comparu devant le comité le 6 mai, il a dit que la diète des phoques comporte probablement 3 ou 4 p. 100 de morue, et peut-être moins. Lorsque M. Lavigne a comparu devant le comité, le 13 avril, il a déclaré:

    Toutes les recherches scientifiques destinées à établir un lien entre la prédation par les phoques et la diminution des stocks de poisson de fond au Canada ont échoué.

C'est d'ailleurs, a-t-il ajouté, ce que concluaient 97 scientifiques qui ont signé une pétition en 1995. À ce jour, aucune étude scientifique ne conclut que les phoques du Groenland empêchent le rétablissement des stocks de morue du Nord ou le rétablissement de quelque autre stock de morue.

M. Pat Chamut, le sous-ministre adjoint, a déclaré au comité, le même jour, que, d'un point de vue scientifique, il est extrêmement difficile de calculer le nombre de poissons que les phoques mangent réellement et les conséquences éventuelles de cette consommation de poisson. Il a dit:

    Nous savons que les phoques mangent du poisson, mais nous savons également qu'ils ciblent principalement le poisson fourrage comme le capelan. Les phoques mangent également de la morue de l'Atlantique, mais nous savons que cette espèce ne représente qu'une faible partie du régime alimentaire du phoque du Groenland.

Je vous signale cela pour établir le lien entre toutes ces déclarations. Voilà les divers types d'opinions que nous communiquent les scientifiques, le ministre lui-même et le ministère.

Si le comité présente une recommandation semblable à celle dont vous parlez—et j'ai entendu les propos de M. Rose plus tôt—sur quelle base scientifique fondez-vous vos recommandations? Comment pouvons-nous justifier cela d'un point de vue scientifique? Pour ce qui est des indicateurs que vous mentionniez plus tôt, il y a là matière à réfléchir. Il y a des indicateurs relatifs à la morue du Nord que, par le passé, nous avons négligés, mais que nous ne pouvons peut-être pas négliger pour ce qui est des phoques. Toutefois, pouvez-vous affermir les connaissances scientifiques, afin que nous puissions traiter ce problème de façon efficace, en nous basant sur des données scientifiques?

M. Fred Woodman: Je vais tâcher de répondre à cela le premier. Regardez simplement ce que représente, de façon générale, les populations de phoques actuelles du Canada atlantique. Personne ne met en doute le fait qu'elle atteint des niveaux historiques les plus élevés. Exception faite du sud de Terre-Neuve, les populations de poissons sont à des niveaux historiques très bas. Pour ce qui est de savoir si les scientifiques peuvent comprendre quelle quantité de poisson ou de morue est consommée par une autre espèce, oui, ils le peuvent. Cela s'est fait, et cela devrait continuer de se faire.

Il n'en reste pas moins que lorsque les scientifiques analysent les couches de gras d'un phoque, ils peuvent établir quelle espèce de poisson a été ingérée à un moment donné. Au sujet du fait que la morue ne représente que 3 ou 4 p. 100 du régime alimentaire des phoques, précisons que lorsque les phoques mettent bas, ils deviennent des mangeurs voraces. J'ai été moi-même dans le Golfe en 1998. Nous avons survolé le golfe—la baie des Chaleurs et la baie Miramichi. Le scientifique à bord de l'avion a évalué à 500 000 le nombre de phoques. Eh bien, si 3 p. 100 de leur régime consiste de morue, dans une région où la biomasse est à son plus faible niveau historique, le bon sens indique que les phoques ont un effet.

Il est automatique de croire que moins les proies sont nombreuses, plus le prédateur a de meilleures chances de s'emparer de cette proie. C'est notre point de vue. Si, du côté scientifique, un spécialiste veut présenter une perspective scientifique... Ce sont des faits. Les citations que nous faisons dans notre rapport sont directement tirées du rapport sur l'état des stocks. On y calcule que 80 millions de jeunes morues ont été retirés du golfe du Saint-Laurent. Il y a toujours une variance pour le calcul du niveau le plus commun, mais cela vient quand même du rapport sur l'état des stocks. Même si c'est 50 p. 100 de ce chiffre, c'est quand même beaucoup trop de jeunes poissons qui sont retirés à cette ressource, ce qui explique que nous n'arrivons pas à rétablir les stocks.

• 1010

Il s'agit là de notre perspective, celle de non-scientifiques. Je pense que George ou Dan peuvent vous présenter la chose d'un point de vue un peu plus scientifique.

M. George Rose: Une chose à laquelle je songe, c'est que le régime alimentaire des phoques a été considérablement étudié. En fait, au fil des ans, on a étudié leur régime bien plus que celui de la plupart des autres animaux marins. Et il est généralement reconnu, ce me semble, qu'un phoque moyen—si l'on peut parler de phoque moyen—ingère environ une tonne de nourriture par année. Servons-nous de cela comme chiffre approximatif.

On peut donc dire que 3 p. 100, ce n'est pas beaucoup, et certaines personnes s'empresseront de hausser les épaules et de dire que ce n'est rien. Eh bien, qu'est-ce que 3 p. 100? Trois pour cent, c'est environ 30 kilos par année, c'est-à-dire environ 100 jeunes morues par phoque par année. Or, s'il n'y avait que quelques milliers ou que quelques centaines de milliers de phoques mangeant chacun une centaine de jeunes morues par année, ce ne serait probablement pas un grand problème. Mais il y en a 6 millions, qui mangent chacun 100 jeunes morues par année. Et même cela, si les stocks de morue du Nord et d'autres morues étaient à leurs niveaux historique les plus élevés, c'est-à-dire aux niveaux de millions de tonnes, ce ne serait peut-être pas un problème.

Cette quantité de poisson ingérée est peut-être dans les limites supportables de ce que les populations de morue peuvent produire. Le problème est qu'actuellement cela n'est probablement pas le cas. Et c'est peut-être pourquoi nous constatons, dans diverses zones, qu'au lieu d'augmenter comme leur taux naturel de croissance devrait leur permettre de le faire, les stocks de morue sont, en fait, en régression.

Il est vrai que nous ne pouvons pas prouver cela. J'ai essayé de préciser dans mes observations liminaires qu'il y a des choses que nous ne connaissons pas et, de la même façon, nous ne pourrons jamais prouver cela. Cela ne peut simplement pas se faire. Poser cette question, c'est donc fermer la porte à cet argument. Et, si c'est ce que nous voulons faire, très bien, fermons la porte.

M. Wayne Easter: Pour résumer, monsieur le président, je ne crois pas que nous voulions fermer la porte à cet argument. Surtout pas. Toutefois, si nous prenons des décisions, nous voulons pouvoir les justifier. Au chapitre 2, vous faites état d'un certain nombre de rapports. Je voudrais savoir où, dans ces rapports, nous pouvons trouver des faits qui justifient les conclusions auxquelles vous parvenez, afin qu'elles s'appuient sur des connaissances scientifiques. Vous pouvez réfléchir à cela pendant quelques instants.

Je voudrais soulever une dernière question, avant qu'on ne donne la parole à quelqu'un d'autre. Je trouve intéressant ce qui se passe dans la zone 3Ps. Vous dites—et je ne sais pas si c'est exact, bien que j'aie essayé de vérifier cela auprès d'autres sources—dans votre recommandation sur la morue de la zone 3Ps, que les niveaux de morue ont augmenté et sont, si je comprends bien, proches de la normale. Vous dites également dans le chapitre sur les phoques que cette zone est la seule qui n'a pas un grand nombre de phoques.

Il s'agit là d'une observation intéressante et significative, qui me persuade, dans une certaine mesure, du bien-fondé de votre cinquième recommandation, à savoir que nous devrions peut-être faire des travaux expérimentaux dans d'autres zones de pêche pour voir ce qui arriverait à la morue si l'on réduisait la présence de phoques dans ces zones. Nous ne pourrions pas, comme voulait le faire Peter, obtenir des chiffres exacts sur le nombre de phoques qu'il faudrait retirer de la région.

De toute façon, avant d'aller si loin—c'est un indicateur dont je crois que nous pouvons nous servir—je sais que vos recommandations se fondent sur un certain nombre de rapports. Toutefois, qu'est-ce qui justifie d'en arriver à certaines des conclusions fondées sur des renseignements scientifiques tirés de ces rapports? Nous les avons consultés, et nous n'arrivons pas à parvenir aux mêmes conclusions.

• 1015

M. Fred Woodman: Monsieur le président, monsieur Easter, je crois que George ou Dan peuvent vous fournir certains renseignements sur les questions scientifiques et sur les sources auprès desquelles nous obtenons beaucoup d'information.

M. Dan Lane: Permettez-moi de répondre à la question en disant tout d'abord, comme l'a déjà dit George, que ce n'est peut-être pas la question qu'il convient de poser. Il ne faut pourtant pas oublier que les scientifiques que vous avez entendus, ceux qui s'intéressent aux phoques et qui sont venus vous parler de ces questions bien précises au sujet desquelles vous nous interrogez, examinent les problèmes qui les préoccupent d'un point de vue macrocosmique. C'est l'ensemble de la population de phoques qui les intéresse. Ils ne cherchent pas à savoir ce qui se passe dans telle ou telle baie ni quel est l'effet de la présence des phoques plus haut dans la Miramichi—des questions aussi détaillées.

Ce que nous proposons dans nos recommandations, de manière générale, c'est de faire exactement l'inverse de ce que font les scientifiques, de prendre une baie en particulier et de dire qu'il faut empêcher la mortalité chez la morue de cette baie, car la mortalité infligée par les phoques est trop élevée. Qu'on fasse une expérience. Il n'y a jamais eu d'expérience comme celle-là. Il faudrait faire cette expérience maintenant, et nous disons que, dans certaines zones, il faudrait enlever jusqu'à 50 p. 100 des phoques pour que nous puissions effectivement mesurer l'effet. Il ne suffit pas de dénombrer les 5,5 millions de phoques du Groenland dans l'Atlantique Nord ni les 200 000 phoques au large de l'Île de Sable. Nous savons que les nombres augmentent. Ils augmentent de façon exponentielle, c'est clair. L'effet est sous-entendu, mais pas détaillé—c'est la même critique que peuvent formuler l'IFAW et d'autres groupes contre cette affirmation. Il faut donc voir quels sont les niveaux à une échelle locale, et je crois que cette façon de faire nous permettra d'obtenir des données scientifiques à l'échelle locale qui nous permettront de faire des extrapolations, tout comme la zone 3Ps se trouve comprise dans un contexte plus large.

Le président: Merci, Wayne.

Monsieur Matthews.

M. Bill Matthews (Burin—St. George's, PC): Merci, monsieur le président.

Je tiens à souhaiter la bienvenue à nos témoins et à leur demander d'excuser mon léger retard.

La discussion que nous avons là est très intéressante, c'est sûr, et il est difficile pour quelqu'un qui représente une circonscription de Terre-Neuve de ne pas se laisser emporter par ses sentiments. À cause de ce qui arrive à nos gens, nous avons beaucoup de mal parfois à rester calmes et rationnels, parce que les portes que nous refermons sont celles de localités de Terre-Neuve et du Labrador qui disparaîtront à cause de l'effondrement de la pêche au poisson de fond. Le taux de migration de sortie est stupéfiant, et beaucoup de nos collectivités sont à la veille de s'effondrer.

À propos de ce que vous avez dit, Peter, je vois qu'à la page 3, le CCRH recommande l'allocation de ressources supplémentaires pour «l'application de règlements appropriés», notamment en ce qui a trait à l'utilisation de l'animal au complet. Voilà donc ce qu'il recommande. Pourtant, depuis 20 ans, on ne cesse de parler de l'utilisation de l'animal au complet, peu importe le nombre de phoques. C'est notre préoccupation à tous.

Je trouve très intéressante, monsieur le président, la recommandation au sujet de zones expérimentales d'exclusion des phoques. Je ne sais pas si vous pourriez nous en dire un peu plus à ce sujet. À entendre MM. Rose et Lane, j'ai trouvé que l'idée serait très intéressante, parce qu'il s'agit de zones où on pratique l'alevinage ou je ne sais trop quoi. Si on pouvait exclure les phoques de ces zones ou limiter la population de phoques, il serait alors possible qu'il y ait un certain rétablissement des stocks. Je me demande si, quand j'aurai fini de poser ma question, vous pourriez nous en dire un peu plus à ce sujet. Vous dites essentiellement qu'il faudrait exclure jusqu'à 50 p. 100 des phoques—jusqu'à concurrence de 50 p. 100. Vous ne dites pas qu'il faut en exclure 50 p. 100 mais jusqu'à concurrence de 50 p. 100. Ce pourrait être 20 p. 100, 30 p. 100 ou 40 p. 100. Je crois qu'il s'agit là de quelque chose qui devrait retenir l'attention du comité et que le comité devrait peut-être recommander au ministre, car il me semble que le ministre doit chercher des solutions.

J'ai trouvé très intéressant, monsieur le président, ce que M. Rose a dit au sujet de l'aspect durable. Il est question de six millions de phoques à l'heure actuelle. La population a doublé, quoi, depuis une dizaine d'années?

M. George Rose: Elle a triplé en l'espace de 20 ans.

M. Bill Matthews: Si elle a triplé en 20 ans, il n'y a aucun doute quant à la viabilité des phoques. Vous dites cependant que les niveaux des stocks de morue ont baissé à tel point qu'ils pourraient ne pas être durables, et quand on voit... Nous avons un moratoire en place depuis 1992, 1993.

M. Fred Woodman: Depuis 1992.

M. Bill Matthews: Depuis 1992. Nous ne voyons pas beaucoup de rétablissement ou d'amélioration des stocks dans nos zones nordiques. Vous avez peut-être mis le doigt sur le problème ici. Peut-être que les niveaux sont tellement bas qu'ils ne se rétabliront pas. J'ai pensé pendant plusieurs années, en tant que Terre-Neuvien et que personne qui suit le dossier de très près, qu'après une période de quatre ou cinq ans, il y aurait des progrès considérables vers le rétablissement des stocks. Ce n'est toutefois pas ce qui s'est produit. Vous pourriez peut-être nous en expliquer la raison ce matin.

• 1020

Essentiellement, les parlementaires et le gouvernement canadien doivent faire un choix. Sommes-nous plus préoccupés par la durabilité d'un troupeau de six millions de phoques ou par celle des ressources halieutiques et des habitants des collectivités touchées?

J'ai écouté très attentivement ce que nous a dit M. Provenzano. Je crois que, pendant bien trop longtemps, nous avons négligé les indicateurs et la prépondérance de la preuve. À vrai dire, je vous parle ici en tant que Terre-Neuvien et Labradorien, mais aussi en tant que personne qui est tous les jours appelée à s'occuper de problèmes liés à la crise. Je crois que, pendant trop longtemps, nous avons refusé de nous attaquer au problème. J'exhorte le comité à prendre très au sérieux les recommandations du CCRH et à incorporer certaines de ses recommandations dans un rapport au ministre. À mon avis, nous ne pouvons pas nous permettre d'attendre plus longtemps.

Voilà tout ce que j'avais à dire, monsieur le président.

Le président: Merci.

M. Fred Woodman: Je tiens à répondre à ce que vient de dire M. Matthews.

Nous avons vérifié les dossiers et nous avons constaté qu'après la Seconde Guerre mondiale, au début des années 50, la population était d'environ trois millions et demi de phoques. Au cours des 20 années qui ont suivi, jusqu'à ce que la chasse au phoque soit interdite, la population a baissé à deux millions et demi, et elle restait viable. À ce moment-là, nos stocks de morue atteignaient des niveaux historiques élevés.

L'an dernier, les scientifiques ont fait état d'une tout autre situation. Il y a tellement de facteurs que je pourrais évoquer, tellement de données que nous avons recueillies au cours des dernières années au CCRH. La mortalité naturelle dans le golfe du Saint-Laurent et sur la côte nord-est de Terre-Neuve a doublé et, dans certains cas, elle a triplé, sans qu'il n'y ait aucune activité de pêche. La morue du Nord, dans la zone 2J3KL—nous présenterons sans doute un rapport au ministre cette semaine. Nous lui en présenterons un, je suppose, sur la morue du Nord. C'est désolant.

Cette année, nous avons recommandé... L'industrie de la pêche et les scientifiques ont uni leurs efforts pour réaliser une enquête sur la morue du Nord au large des côtes: les représentants des deux groupes sont partis avec trois patrons d'embarcations des plus expérimentés pour chasser le poisson—pas sur le plan scientifique, mais bien pour chasser le poisson. En l'espace de deux semaines, les prises totalisaient 861 morues. Nous avons regardé ce qui s'en venait sur les banquises ces jours-ci, et il semble qu'il y en ait moins. Pourtant, il y a deux ou trois semaines, il y avait deux, trois ou quatre millions de phoques dans cette même zone géographique, où nous tentons de rétablir les stocks de morue de manière à assurer la viabilité de la côte nord-est de Terre-Neuve et du Labrador. La prépondérance de la preuve indique, selon moi, que le rapport prédateur-proie est complètement déséquilibré, et c'est ce qui nous incite à vouloir agir.

Nous voulons rétablir l'équilibre de l'écosystème. Comme je l'ai indiqué, nous ne savons pas ce qu'il en est au juste sur le plan scientifique, mais il s'agit là d'un premier pas. Notre Conseil avait l'obligation de faire cette recommandation pour contribuer à ramener les stocks de morue ou de poisson de fond à des niveaux viables. Au cours des six ou sept saisons qu'a durées le moratoire, dans le cas de la morue du Nord du golfe Saint-Laurent, nous n'avons vu aucun signe qui nous permettait de croire que les stocks pourraient revenir à ce qu'ils étaient il n'y a que quelques années, c'est-à-dire dans les années 80. Voilà pourquoi nous faisons ces recommandations. Ce sont des recommandations bien senties, et nous espérons qu'on y donnera suite.

Le président: Merci, monsieur Woodman.

Monsieur Bernier.

[Français]

M. Yvan Bernier: J'aimerais faire un dernier petit commentaire. J'ai écouté toutes les questions. Il est agréable de voir la question sous différents angles. Je constate que tout le monde cherche à savoir où est la vérité dans ce fameux équilibre entre le phoque et la pérennité des stocks de poisson de fond.

J'aimerais revenir sur ce que vous avez dit au sujet de la Norvège. Je ne sais pas si certains d'entre vous ont une plus grande connaissance de ce qui se passe dans ce pays. En Norvège, il y a 2 millions de phoques, tandis qu'il y en a 6 millions ici. Bien que je sois un néophyte dans la chasse au phoque, j'imagine que les Norvégiens font encore la chasse au phoque. J'aimerais savoir s'ils ont également subi une baisse de leur marché de la peau de phoque lorsque Mme Bardot s'est réveillée. Qu'est-ce qui a empêché leur stock de phoques d'augmenter comme le nôtre? Est-ce qu'on a des données à ce sujet? Est-ce qu'on a effectué là-bas des chasses sélectives semblables à celles que vous avez recommandées dans certains secteurs? Je cherche à voir s'il y a des situations comparables au niveau mondial, si des gens ont déjà vécu les mêmes problèmes que nous et de quelle façon ils ont agi.

• 1025

Je cherche moi aussi à comprendre les raisons pour lesquelles leur stock de phoques ne s'élève qu'à 2 millions tandis que le nôtre s'élève à 6 millions. J'aimerais bien trouver le lien entre les deux. Comment se fait-il que leur stock ne se soit pas accru? Lorsqu'ils ont commencé à faire la chasse, leur stock était-il beaucoup plus petit? Je ne le sais pas.

[Traduction]

M. Dan Lane: Je ne suis pas sûr que nous ayons ce genre d'information. Je sais que, pour ma part, je n'ai pas cette information. Il est malheureux que vous n'ayez pas pu interroger Tina Fagan ou peut-être Alison Beal et Brian Roberts à ce sujet quand ils ont témoigné devant vous.

Je ne connais tout simplement pas assez le marché international de la fourrure de phoque pour savoir quelle est la contribution des autres pays, y compris celle de la Norvège. Je m'en remets à...

M. George Rose: Je ne suis pas spécialiste des marchés, mais certainement du point de vue de la pêche et du point de vue de la biologie, la Norvège est depuis toujours un leader mondial pour ce qui est des produits du phoque. C'est ainsi depuis toujours. En fait, à Terre-Neuve, nous avions l'habitude—je crois que nous le faisons sans doute encore—de faire venir des Norvégiens pour profiter de leur savoir-faire, notamment en ce qui a trait au tannage des peaux. Ils sont reconnus comme les experts mondiaux en la matière. Ils chassent le phoque depuis toujours. Je ne sais pas trop à quel niveau les prises se situent à l'heure actuelle. En tout cas, les Norvégiens, pour ce qui est de l'interaction entre différentes espèces, entre les prédateurs et les proies dans les océans, sont sans doute les meilleurs au monde pour l'avancement de leur analyse scientifique. Ils tiennent compte de ces facteurs dans la gestion qu'ils font des pêches, de facteurs auxquels nous ne faisons que commencer à penser au Canada.

[Français]

Le président: Yvan.

M. Yvan Bernier: Je vais poser une dernière petite question, monsieur le président.

Je délaisserai un peu les phoques. J'essaie toujours de comprendre ce qui se passe lors de la reproduction de nos cheptels de poisson de fond. J'ai lu de la documentation au sujet des stocks, où on dit que la biomasse de poisson de fond dans le golfe—je ne saurais dire si cela s'applique à l'extérieur de la zone des 200 milles—a fait l'objet de variations cycliques au cours des années passées. Ces cycles sont peut-être d'une durée de 20 ans.

Je n'ai pas été pêcheur, bien qu'il y ait des pêcheurs dans ma famille. Au début des années 1980, je crois qu'on a vécu un creux, mais qui ne se comparait nullement à celui qu'on vit actuellement. Dans les modèles mathématiques, comment interprétez-vous cela? Est-ce qu'il y a un lien, une corrélation? Je crois que certaines données remontent quasiment au début du siècle. Si on consulte les livres de bord des marins français, on peut remonter bien loin et on semble déceler des cycles. Est-ce que notre documentation est assez précise pour nous permettre d'identifier les causes du creux des cycles au fil des ans? Cette fois-ci, on pointe du doigt le phoque. Est-ce qu'on fait des croisements de données à cet égard?

[Traduction]

M. George Rose: La réponse est oui. Les données que nous avons ont été étudiées par plusieurs personnes.

Un des problèmes qui se posent à cet égard tient au fait que la qualité des données n'est vraiment bonne que pour le passé récent. Pour Terre-Neuve et les alentours du golfe, et ce pour toutes les pêches—finalement, entre le Québec et le golfe et les pêcheries de Terre-Neuve, qui sont sans doute les zones les mieux documentées que nous ayons—tout ce que nous avons, finalement, c'est le nombre de débarquements de prises commerciales, et les données remontent jusqu'au milieu du XVIe siècle. Il s'agit de données qui ont été reconstituées. Vous avez parfaitement raison de dire qu'il y a des périodes de productivité élevée dans l'océan et qu'il y a aussi des périodes de faible productivité. Ces variations sont sans doute dues en grande partie aux fluctuations du climat global des eaux de l'Atlantique Nord, et c'est là un fait assez bien compris et reconnu. La baisse des stocks que nous connaissons depuis un certain temps est toutefois bien pire que tout ce que nous avions vu auparavant.

• 1030

Les baisses que nous avons connues du milieu des années 80 au milieu des années 90 sont sans précédent d'après tout ce qu'on sait sur les pêches de l'Atlantique Nord. Il ne s'agit donc pas simplement d'une nouvelle période de faible productivité, d'un autre creux dans une évolution cyclique. Il est clair—et nous avons donné cette réponse tout à l'heure—que la principale cause du déclin était la surpêche, qui se conjuguait sans doute à une période de productivité faible. C'est-à-dire que le mauvais sort s'est abattu deux fois sur les stocks de poisson. Ils connaissaient une période de faible productivité et ils ont fait l'objet d'une pêche vraiment excessive, si bien que beaucoup de stocks se sont effondrés. Voilà, en termes simples, ce qui s'est passé.

[Français]

Le président: Yvan, une petite question?

M. Yvan Bernier: Je vais essayer d'en poser une petite. Il y en a une qui me chicote depuis un bon bout de temps et à laquelle j'inviterais M. Woodman ou M. Rose à répondre. Je vais sortir des sentiers battus ce matin et prendre l'exemple des stocks de morue capturée. Je crois me souvenir que M. Woodman nous a dit qu'on recommandait que la capture soit de l'ordre de 6 000 tonnes cette année. Quel est le problème qui affecte la biomasse? On a déjà éliminé le pêcheur qui était le prédateur. Qu'est-ce qui se passe? Quelle classe d'âge est absente? Pourriez-vous m'expliquer en deux ou trois phrases ce qui fait défaut? Est-ce que notre morue adulte, la grosse morue qui atteint huit ou neuf ans et peut donner naissance à de petits bébés, est présente en quantité suffisante? Est-ce qu'on manque de reproducteurs ou si ce sont les jeunes morues qui sont absentes parce qu'elles se font bouffer par les phoques? Y a-t-il un lien entre les deux?

[Traduction]

M. Fred Woodman: J'ai quelque chose à dire au sujet de la biomasse dans la partie sud du golfe—votre région. Comme je l'ai dit—je crois l'avoir dit tout à l'heure—la pêche dans ce secteur a fermé en 1994.

M. Yvan Bernier: Oui.

M. Fred Woodman: Nous avions un très bon niveau de biomasse dans ce secteur. La biomasse s'est accrue, non pas par le nombre, mais par le poids. Par un ironique retour des choses, nous avons une biomasse en pleine maturité dans la partie sud du golfe du Saint-Laurent. Il y a là des poissons de huit ou dix ans qui devraient maintenant apporter une contribution importante. Ces poissons devraient se trouver en quantité abondante. Les conditions environnementales ont changé, surtout au cours des deux ou trois dernières années. Nous sommes maintenant dans une période de réchauffement. Nous continuons à avoir des températures plus fraîches dans le golfe que sur le plateau de Terre-Neuve, du Labrador et du sud de Terre-Neuve, par exemple... mais il devrait y avoir du recrutement.

Nous croyons qu'il y en a. On a déjà décelé l'arrivée de nouveaux individus, qui ne sont toutefois pas entrés dans les données de pêche. Il s'est passé quelque chose. La plupart d'entre nous pensent qu'ils savent ce qui est arrivé. Beaucoup de ces poissons ont été consommés par les phoques. Il y avait peut-être les conditions environnementales qui ont eu un certain rôle à jouer aussi, mais pas au point qu'une biomasse arrivée à maturité qui devrait apporter une contribution... Il semble qu'il y ait du recrutement partout ailleurs. Dans ce secteur en particulier, où nous avons trois espèces de phoque, il n'y a toutefois pas de rétablissement des stocks.

Pour le point de vue scientifique, je cède la parole à George ou à Dan.

M. George Rose: Je peux faire quelques remarques à ce sujet. Tout d'abord, pour ce qui est de l'âge de la morue la plus touchée, cela dépend de l'espèce. Le phoque gris mange du poisson plus vieux, plus gros en moyenne que le phoque du Groenland qui, lui, préfère les jeunes poissons de deux à trois ans. Ce sont de petits poissons de cette longueur-ci, environ. Au poids, il y en a plus. Il en faut trois ou quatre pour en avoir un kilo. Ce n'est pas comme pour les gros poissons. Il y a donc davantage de poissons qui se font manger par le phoque. Mais ce n'est pas si simple que cela.

À Terre-Neuve, il y a bien des années, on vendait une boisson gazeuse dont le symbole était un phoque tenant dans sa bouche, en plein par le ventre, une grosse morue. À l'époque, tout le monde savait que les phoques mangeaient les morues. On nous dit maintenant que ce n'est pas vrai. Les habitants des baies savent pertinemment que les phoques mangent les morues. Ils les voient faire. À l'époque de la vidéo, à laquelle on ne peut échapper, on peut filmer sur bande vidéo ce qui se passe et le montrer au monde entier. Et cela ne signifie pas que cela vient de commencer.

• 1035

Bien qu'ils mangent surtout de jeunes morues, les phoques du Groenland peuvent aussi tuer et consommer de grosses morues, des géniteurs, ce qui est assez délicat pour deux raisons. Premièrement, cela se passe partout sur la côte Nord-Est, à la vue de tous, et vous pouvez vous imaginer ce que ressentent les familles et les collectivités de pêcheurs qui ont perdu leur gagne-pain—qui n'ont plus le droit de pêcher—lorsqu'elles voient cela. Que ressentiriez-vous? Que ressentiriez-vous dans une situation comme celle-ci? Si une bande de loups communs venait dans votre cour arrière pour manger votre chien, votre chat, vos hamburgers, que sais-je encore, que ressentiriez-vous? C'est le premier problème.

Mais au niveau biologique, les phoques du Groenland peuvent consommer un très grand nombre de poissons. Ils ne prennent pas vraiment ces poissons, ils ne font que les tuer pour manger les parties molles, surtout le foie, ce qui présente un autre problème, car ces parties ne figurent jamais dans les données scientifiques. Les données scientifiques sur les phoques se fondent sur les parties rigides, surtout les petits os qui se trouvent dans les oreilles des poissons. Elles ne sont jamais incluses dans les données. Voilà pourquoi nous n'avons pas d'information à ce sujet. Voilà pourquoi les données scientifiques nous disent que les phoques ne tuent pas de poissons adultes, même si c'est ce que montraient les bouteilles de boisson gazeuse il y a cent ans. Mais ça c'est un autre débat.

Sur la côte Nord-Est, nous sommes... L'une des principales préoccupations du CCRH relativement à la morue du Nord est de protéger les concentrations de frai non seulement de la prédation des phoques, mais aussi de la pêche par les humains. Nous estimons que la meilleure façon de reconstituer les stocks de morue du Nord est de protéger ces concentrations de frai de toutes les causes de mortalité, y compris l'homme et les phoques.

Le président: Merci, monsieur Rose.

Wayne, vous avez une question? Je vous redonnerai ensuite la parole, Peter.

M. Wayne Easter: À la recommandation 5 sur les zones d'exclusion du phoque... À l'arrière où se trouve la carte de l'OPANO, vous recommandez les zones 2J3KL, 4TVn, 4RS et 3Pn. Pourquoi avez-vous tiré ces conclusions particulières au sujet de ces zones-ci, et s'agit-il seulement des baies et des bras de mer? Pourquoi avez-vous choisi ces zones d'exclusion particulières? Si on regarde la carte, on voit qu'elles se trouvent presque toutes à Terre-Neuve, que quelques-unes sont au sud du Labrador et dans le golfe. Pourquoi cette région particulière comme zone d'exclusion?

M. Fred Woodman: Les zones qui font l'objet de cette recommandation sont les zones de l'OPANO où nous avons...

M. Wayne Easter: Oui, j'ai la carte. Je les ai dessinées sur la carte, Fred.

M. Fred Woodman: D'accord. Monsieur Easter, nous avons dit que dans les zones 2J3KL... Comme l'a dit George il y a un moment, nous savons où se trouvent les concentrations précises de géniteurs. Ainsi, après des années de pêche au chalut, nous avons fini par trouver une concentration de morues dans la baie de la Trinité, sur la côte nord-est de Terre-Neuve. On y trouve là entre 15 000 et 20 000 tonnes de poissons adultes—des géniteurs. C'est une zone qui serait exclue. Ce serait une zone d'exclusion. Nous pourrions aussi, je présume, envisager de faire de la baie des Chaleurs, au Québec, une zone d'exclusion.

Dans le golfe, il faudrait mettre à contribution les scientifiques, les gestionnaires et les pêcheurs. Il en irait de même sur la côte nord-ouest de Terre-Neuve, dans la zone septentrionale du golfe. On pourrait alors définir certaines zones où l'on sait qu'il y a des concentrations. Encore une fois, le groupe dont nous espérons la création par le ministre pourrait élaborer cette stratégie.

M. Wayne Easter: Croyez-vous que cela pourrait se faire pour l'an prochain?

M. Fred Woodman: Nous l'espérons.

M. Wayne Easter: Je vous pose la question car je voudrais savoir si on ne pourrait pas mener un projet pilote portant sur trois de ces zones afin d'avoir une idée des résultats à court terme, et quelles seraient les zones les plus cruciales pour l'exclusion des phoques. Si tout ne peut se faire à court terme, quelles sont les zones les plus importantes qui pourraient devenir des zones d'exclusion du phoque dans le cadre d'un projet pilote? Peut-être préférerez-vous ne pas répondre tout de suite, et si vous ne pouvez le faire, pourriez-vous nous donner une réponse ultérieurement?

• 1040

M. Fred Woodman: Je crois que George ou Dan pourrait vous répondre.

M. Dan Lane: En fait, monsieur le président, nous croyons maintenant que nos recommandations devraient aussi s'appliquer à la zone 2J3KL faisant actuellement l'objet d'un embargo. Ainsi, vous remarquerez que dans nos recommandations sur les phoques, on parle des zones exclusives dans chacune de ces grandes zones. Dans le cas de la 2J3KL, nous ne faisons pas une mention précise des phoques, mais il y a des stocks—que nous appelons en fait les stocks de George, car George connaît probablement chaque poisson dans cette zone—des stocks de morue dans le détroit de Smith. Nous estimons que cette zone devrait être protégée. George voudra probablement vous en dire plus long.

M. Fred Woodman: Cette zone pourrait très bien faire l'objet d'une protection particulière.

M. George Rose: Le détroit de Smith et la baie de la Trinité—certains d'entre vous savent où ils se trouvent—constituent un fjord magnifique sur la côte nord de Terre-Neuve. Pour une raison qui nous échappe, on y trouve une des plus grandes concentrations de géniteurs de morue du Nord qui nous restent. Elle s'y trouve depuis 1995. C'est là que ces morues fraient et croissent. C'est l'une des rares zones sur lesquelles nous ayons des données car nos connaissances de la distribution actuelle de la morue du Nord sur la côte Nord-Est et ailleurs sont très insuffisantes. Voilà pourquoi, comme on l'a souligné plus tôt, nous appuyons l'idée d'une recherche accrue et avons été catastrophés d'apprendre qu'on avait réduit les budgets de recherche au MPO alors que la recherche n'a jamais été plus nécessaire.

Quoi qu'il en soit, nous savons certaines choses et nous sommes au courant de cette concentration dans le détroit de Smith et la baie de la Trinité, surtout parce que la morue du Nord, ces dix dernières années, est presque devenue la cause que défend mon groupe de recherche. Il faut protéger cette zone si nous voulons reconstituer les stocks de morue du Nord. Cette concentration n'est peut-être qu'une parmi tant d'autres, mais vous nous avez demandé des exemples et c'en est un. C'est une zone relativement petite. Il ne s'agit pas ici de toute la région nord-ouest de l'Atlantique; il ne s'agit même pas de toute la baie de la Trinité. Il y a peut-être cinq, six ou dix autres zones semblables sur la côte Nord-Est que nous pourrions délimiter, et c'est ce que nous appelons les zones d'exclusion.

Nous aimerions faire la recommandation scientifique que cette expérience scientifique soit menée, afin que nous puissions en tirer des leçons. C'est ça, la gestion adaptative et c'est précisément le sens de la recommandation du CCRH.

M. Wayne Easter: Pour conclure, je dirais que cela m'apparaît très logique. Mais j'aimerais avoir plus de détails sur vos autres recommandations, si vous pouviez nous les faire parvenir. Dans l'ensemble, pour revenir à la question de Peter sur la chasse sélective qui viserait 15 p. 100 des phoques, ce sera difficile à vendre, pour ainsi dire, sans preuve scientifique. Si on regarde ce qui se passe dans les baies... Même l'IFAW, en 1969, est revenu sur son étude... Brian Davies avait alors déclaré devant le Comité des pêches en 1969 qu'un troupeau de phoques de l,7 million était viable. Nous parlons maintenant d'un troupeau de 4,8 millions, mais vos chiffres parlent plutôt de 6 millions. Nos chiffres à nous sont autour de 5,2 millions.

Le tableau d'ensemble, c'est une chose, mais si on peut en venir à protéger les géniteurs dans les baies et les bras de mer et à justifier cette protection grâce à des preuves scientifiques, on pourra alors envisager ces zones d'exclusion des phoques. Mais on ne peut tout faire.

Le président: Peter.

M. Peter Stoffer: Merci, monsieur le président.

Je tiens à répéter ce qu'a dit mon collègue de Terre-Neuve, et il n'y a certainement personne ici qui lutte plus ardemment pour ses commettants que M. Matthews. Mais Terre-Neuve n'est pas la seule à souffrir de l'effondrement des pêches ou de la prédation des phoques ou de l'homme. Au Cap-Breton, en Nouvelle-Écosse, au Nouveau-Brunswick, à l'Île-du-Prince-Edouard, en Gaspésie et dans les Îles de la Madeleine, bien des gens souffrent aussi.

• 1045

Monsieur Rose, je comprends ce que vous venez de dire sur les zones et sur les ressources et le personnel qu'il vous faut pour bien faire votre travail. C'est ce que nous défendons depuis que nous avons été élus. Le MPO ne peut continuer de se saborder; il lui faut les fonds et les ressources humaines voulues pour faire ce que vous réclamez, afin que nous disposions d'arguments solides à l'avenir et de preuves scientifiques et non pas d'hypothèses.

Vous avez dit que ces zones d'exclusion seraient... Il s'agit d'écarter les phoques de ces zones afin que vous puissiez y mener des expériences. Est-ce que cela comprendrait aussi...? Voici où je veux en venir, et j'en viens à ma question dans un moment. Si une entreprise de gaz et de pétrole voulait faire du forage sismique dans le détroit de Smith, serait-elle aussi exclue? Je vous pose cette question car Corridor Resources vient d'obtenir une concession au large de Cheticamp, au Cap-Breton dans le golfe, et bien des habitants de là-bas sont inquiets car cette concession se trouve au coeur de l'aire de frai du homard.

Si nous voulons protéger les stocks de morue du Nord et leurs zones de frai des phoques en excluant les phoques de cette zone en particulier, et vous avez aussi dit que vous voulez protéger les stocks de la dévastation causée non seulement par les phoques, mais aussi par les humains, ne croyez-vous pas aussi que, pour protéger les stocks de homard ou tout autre stock semblable, on devrait interdire le forage sismique aux fins d'exploration et de production pétrolière dans ces zones de frai? Si je vous disais: «Il y a beaucoup de pétrole et de gaz là, nous allons donc y faire un peu de forage sismique», que répondriez-vous?

M. George Rose: Vous ne voulez pas entendre ma réponse.

M. Peter Stoffer: Bon, très bien. Je m'arrête ici, car on m'interrompra dans un moment de toute façon. C'est très bien.

Dans ces conditions, j'espère que, relativement au bail pour le pétrole et le gaz dont nous avons discuté, le CCRH recommandera aussi au gouvernement de ne plus autoriser ces activités et de protéger les stocks.

Je regrette de ne pas avoir les renseignements avec moi, mais quel quota aviez-vous recommandé au MPO l'année dernière pour la réduction du troupeau de phoques? À combien cela s'élevait-il?

M. Fred Woodman: Nous n'avions pas parlé de chiffre. C'est la première fois que nous parlons d'un pourcentage pouvant aller jusqu'à 50 p. 100...

M. Peter Stoffer: Très bien.

M. Fred Woodman: C'est sensiblement réduit.

M. Peter Stoffer: Bien. Je comprends le sérieux de votre recommandation. Il y a bien des gens qui m'ont appelé pour me dire que le CCRH misait toute sa réputation sur cette affaire à cause de l'émotion qui entoure la chasse au phoque et des divers groupes qui s'affrontent à ce sujet. Je vous souhaite bien de la chance.

Monsieur Rose, vous avez parlé tantôt de protéger les stocks contre l'homme et les phoques. Si vous rédigez vos communiqués de cette façon, vous aurez plus de succès qu'auparavant pour atteindre vos objectifs. Je vous le signale parce que, chaque fois que l'homme gâche quelque chose, il faut décréter une réduction d'un troupeau quelconque. Quand j'habitais au Yukon, c'était les loups. Quand j'habitais à Prince George, c'était les ours. Ensuite, il y a eu les oies blanches et il est maintenant question des phoques. L'homme devra un jour assumer la responsabilité de ce qu'il fait et de la dévastation qu'il a causée à toutes les autres espèces du globe.

Vous dites qu'il faut maintenir un certain équilibre et protéger les espèces, mais, bien sûr, le but ultime consiste à protéger les moyens de subsistance des habitants des localités côtières, non seulement à Terre-Neuve, mais partout dans la région de l'Atlantique. Je peux vous garantir que nous prendrons vos recommandations au sérieux et je vous remercie de votre exposé aujourd'hui.

Vous devez toutefois trouver une réponse. Si vous dites qu'il y a 500 000 phoques dans le golfe et que vous voulez réduire le troupeau, vous devriez formuler des recommandations précises sur la façon d'y parvenir et sur ce qu'on fera des phoques si vous voulez que ce soit accepté. Sinon, vous aurez des problèmes.

Une voix: C'est ce qu'ils veulent.

M. Dan Lane: Monsieur le président, le Conseil pour la conservation des ressources halieutiques est chargé de formuler des recommandations au ministre sur le nombre de phoques à abattre. Nous avons un mandat et nous représentons à peu près les mêmes intérêts que vous relativement à la façon de procéder à la réduction du troupeau. À la fin de novembre, le ministre des Pêches et des Océans nous a dit très clairement qu'il voulait savoir que faire à propos des phoques. Notre recommandation devait être claire et nous devions maintenir la pression.

Vous avez déjà entendu un scientifique de l'extérieur à qui vous aviez posé des questions très précises, comme vous l'avez fait pour nous, au sujet de la quantité qu'on devrait abattre. Je pense qu'il a répondu que cela tenait davantage à la politique qu'à autre chose. Je pense que ce que nous demandons au ministre de faire... Nous lui donnons le moyen de dire qu'il faut faire quelque chose.

Je signale aussi que ce n'est pas à nous de nous occuper des marchés. Nous avons d'ailleurs discuté longuement et avec acharnement au Conseil du point qu'a soulevé Tina Fagan et dont vous avez vous-mêmes parlé relativement aux quotas et aux conséquences que cela aurait sur les marchés. C'est une question très sérieuse. C'est justement pourquoi, comme l'a signalé Fred, il faudrait un comité de coordination qui puisse s'occuper de la question de concert avec le Seal Industry Development Council.

• 1050

Je signale aussi que Brian Roberts a aussi témoigné devant votre comité et qu'il vous a très clairement expliqué certaines des choses qu'on pouvait faire et qu'on a faites pour l'Institut de la fourrure, mais pas pour les phoques. Si nous envisageons toutes les solutions possibles de concert avec le comité, nous pourrons résoudre beaucoup de problèmes. Ce n'est cependant pas à nous de fixer les chiffres. Ce n'est pas à nous de nous occuper des marchés ou de convaincre les consommateurs. Notre travail consiste à nous occuper de la conservation du poisson et nous devons aussi formuler certaines recommandations au ministre, comme nous l'avons fait. C'est maintenant à lui d'agir.

Le président: Merci, monsieur Lane.

Monsieur Drouin.

[Français]

M. Claude Drouin (Beauce, Lib.): Merci, monsieur le président. Je m'excuse d'être en retard, mais j'assistais à une séance du Comité des transports, où nous procédions à l'étude article par article d'un projet de loi.

Vous avez soulevé des points importants, mais vous disiez que ces aspects ne faisaient pas partie de votre mandat. Ne croyez-vous pas qu'ils devraient en faire partie? Serait-ce possible? Cela me semble être une continuité, une suite logique. Il faut aller plus loin et ne pas s'arrêter à formuler des recommandations générales. J'ai l'impression qu'il manque quelque chose. J'apprécierais beaucoup qu'on aille plus loin. Est-ce possible? Est-ce souhaitable selon vous?

[Traduction]

M. Fred Woodman: La recommandation B.III à la page 11 de notre publication intitulée 1999 Conservation Requirements for the Gulf and South Coast of Newfoundland parle justement de tout cela. Nous ne donnons pas de détails au sujet du marché, mais l'équipe de coordination s'occupe d'organiser et d'élaborer des stratégies. Je pense que nous pourrions notamment parler dans le cadre de cette stratégie de la façon d'aborder la récolte. L'autre question est celle des autres activités jugées appropriées.

Comme vient de le dire Dan Lane, il ne nous appartient pas de nous occuper de la commercialisation ou de faire des recommandations, mais nous espérons que le fait de créer ce groupe permettra d'examiner divers moyens d'atteindre notre objectif qui consiste à réduire la population de phoques.

[Français]

M. Claude Drouin: Je suis bien d'accord avec vous, mais vous conviendrez qu'il y a un grand écart entre 8 p. 100 et 50 p. 100. Vous avez fait des études à ce sujet. Qu'est-ce qui est préférable? Pourriez-vous nous donner des renseignements plus précis afin que nous puissions prendre la décision la plus éclairée possible? Vous semblez dire que le phoque est en grande partie responsable de la situation actuelle, puisque, comme on le sait, les restrictions imposées au niveau de la pêche à la morue depuis 1994 n'ont pas donné les résultats escomptés. Comme le mentionnent mes collègues des deux côtés de cette table, de nombreuses personnes vivent de la pêche. Ne pourriez-vous pas être plus clair afin que nous puissions prendre les meilleures décisions possibles pour redonner aux pêcheurs leur liberté au niveau de leur gagne-pain?

[Traduction]

M. Dan Lane: Je pense que ce que nous avons fait permettra justement d'avoir le genre de discussion et de trouver les solutions que vous souhaitez. Il faut faire davantage d'analyses sur tous les aspects du système, y compris les conséquences de la réduction de la population de phoques pour les divers secteurs et pour la morue. Nous pouvons faire un meilleur travail pour mesurer les conséquences au niveau local que pour l'ensemble de l'Atlantique Nord.

Nous essayons donc d'en arriver au point où nous pourrons poser des questions de façon logique et y répondre avec des preuves scientifiques à l'appui. Nous avons aussi besoin de preuves pour savoir ce qui peut se faire sur le plan du marché et comment nous pouvons présenter les produits au marché pour ne pas simplement alimenter les détracteurs de la chasse. Nous devons nous occuper de toutes ces questions et nous croyons que c'est un groupe particulier qui devrait s'en occuper. Pour l'instant, nous sommes trop éparpillés. Selon moi, si nous chargeons de cette tâche le groupe que nous voudrions voir établi, il pourra répondre à toutes ces questions.

[Français]

M. Claude Drouin: Merci. J'aimerais poser une brève question au sujet de votre recommandation sur les 6 000 tonnes de la biomasse, laquelle s'élève à 90 000 tonnes. Vous semblez craindre que cela ait plus tard des répercussions.

• 1055

On sait que l'association La MORUE aurait souhaité avoir accès à 10 p. 100 de la biomasse, soit 9 000 tonnes. Serait-il possible qu'on s'entende pour aller à mi-chemin entre votre recommandation et ce que revendique cette association et qu'on fixe ce chiffre à 7 500 tonnes, par exemple? Serait-ce une solution viable ou dangereuse pour la pêche à l'avenir?

M. Dan Lane: On ne dira jamais que ce serait dangereux. Nous sommes un conseil pour la conservation des ressources halieutiques. On a établi ce quota de 6 000 tonnes en tenant compte de toutes les données scientifiques et de tous les éléments qu'a soumis l'industrie, y compris le groupe La MORUE en Gaspésie. Leur rétroaction au sujet de cette recommandation a été très importante et on en a tenu compte lorsqu'on a formulé cette recommandation.

M. Claude Drouin: Merci. Merci, monsieur le président.

[Traduction]

Le président: Merci, Claude.

Je reviens à Yvan.

[Français]

M. Yvan Bernier: Mon intervention sera très brève. J'aimerais rassurer notre ami Peter en lui disant que trouver des marchés pour les carcasses de phoques qui pourraient résulter de l'expérience qu'on mènera dans certaines baies ne fait pas partie du mandat du CCRH. Puisqu'on parle d'expérience, Peter, on ne parle que d'un volume limité. En termes scientifiques, les deux chercheurs assis à l'autre bout de la table pourraient peut-être éclairer notre lanterne.

Dans le film de M. John Efford, on a vu des morues égorgées qui gisaient dans le fond. Qui a mangé ces morues-là? Qui a nettoyé le fond? Qui, dans la nature, l'a nettoyé? C'est ma première question.

Deuxièmement, est-ce qu'à titre expérimental, la chair de phoque ne pourrait pas à son tour être utilisée comme appât, comme boëtte pour la pêche au homard ou au crabe? Autrement dit, Peter, j'aimerais inverser la chaîne. J'aimerais mettre le cannibale qui nous cause des problèmes au début de la chaîne pour qu'il engraisse le reste de la chaîne. Est-ce une possibilité que nous pourrions envisager? On n'aurait plus à se casser la tête pour aller chercher de nouveaux marchés puisqu'on l'utiliserait comme nourriture pour les nécrophages que sont les crabes et les homards. Pourquoi pas? Est-ce faisable?

Des voix: Ah, ah!

[Traduction]

M. Fred Woodman: Nous avons déjà entendu cette suggestion dans le golfe, c'est-à-dire pourquoi ne pas donner le phoque à manger au poisson, mais nous n'avons pas fait grand-chose à ce sujet pour l'instant.

Le président: Y a-t-il d'autres questions?

M. Peter Stoffer: La dernière chose que je dirai, c'est que Pierre Trudeau avait raison dans les années 70 quand il a déclaré que le problème du poisson c'est qu'il nage.

Je reviens à la question des forages pétroliers et gaziers dans le golfe. Je vous signale que vous feriez bien des heureux si vous recommandiez au ministre d'y mettre fin. C'est une chose à laquelle vous pouvez songer.

M. Fred Woodman: Le seul problème qu'on nous a signalé au sujet de l'industrie pétrolière et gazière était relié à la requête que nous avons reçue de l'industrie de la pêche à propos du Banc Georges. Nous avons reçu une première lettre à ce sujet cette semaine. Ai-je raison, Chris?

M. Chris Allen (directeur exécutif par intérim, Conseil pour la conservation des ressources halieutiques): Oui.

M. Fred Woodman: C'était la première fois qu'on nous signalait qu'il y avait des activités dans ce secteur. Quand on nous a demandé notre avis dans le passé, nous avons d'habitude pris position. Quand nous recevons des demandes, nous nous en occupons à la prochaine réunion du Conseil.

M. Peter Stoffer: Puis-je moi-même vous demander d'examiner ce qui se passe ou bien la demande doit-elle venir du gouvernement?

M. Fred Woodman: Non...

Le président: Peter, vous pourrez peut-être poser la question plus tard après que le comité aura levé la séance.

Avant de terminer, vu que nous avons des scientifiques ici, il semble que nous parlons des zones d'exclusion. J'ai l'impression que, comme la plupart des mammifères, les phoques sont relativement intelligents. Cela fait des années que les pêcheurs chassent le phoque. Il y a peut-être eu des secteurs où les pêcheurs n'étaient pas vigilants, mais il y a des rivières, des fjords et des baies où les phoques n'étaient pas bien accueillis au cours du siècle dernier. Je ne sais pas si les phoques en ont tiré des leçons, mais ils semblent penser maintenant qu'ils peuvent aller n'importe où.

• 1100

D'après ce que vous savez des phoques, si l'on désignait des zones d'exclusion où les pêcheurs pourraient chasser le phoque, les phoques apprendraient-ils à ne pas fréquenter ces zones? Sont-ils assez intelligents pour savoir qu'ils ne doivent pas aller quelque part? Il devrait y avoir moyen d'empêcher les phoques de fréquenter certains endroits.

M. George Rose: Cela ne fait aucun doute. Les phoques sont des prédateurs très intelligents et on peut les comparer à toutes sortes de gros mammifères carnivores un peu partout dans le monde. Personne ne doute de leur intelligence. Le problème, c'est peut-être qu'ils sont trop intelligents. Comme les ours dans les parcs nationaux, ils reviennent toujours parce qu'ils savent où ils peuvent faire bombance.

Je suis bien d'accord qu'ils sont maintenant libres d'aller à peu près partout dans l'océan, en tout cas dans les régions côtières. Quant à savoir s'ils resteraient à l'extérieur des zones où ils savent ne pas être les bienvenus, je ne peux pas vous le dire. Ils sauraient certainement qu'ils n'y sont pas les bienvenus. J'ignore s'ils sont assez intelligents pour contourner les obstacles que nous pourrions mettre sur leur chemin. Je crois cependant qu'ils le feraient. Je suis certain qu'ils auraient un impact.

Le président: Voulez-vous dire quelques mots pour terminer, monsieur Woodman?

M. Fred Woodman: Non, relativement à ce que disait M. Stoffer à propos de Terre-Neuve, je tenais simplement à signaler que le problème des phoques n'est pas un problème simplement pour Terre-Neuve. À l'est de la Nouvelle-Écosse, par exemple, dans la zone de l'OPANO 4VsW, c'est-à-dire l'est de la Nouvelle-Écosse et l'Île de Sable, les stocks de poisson permettaient de faire une pêche commerciale de 55 000 tonnes il y a une dizaine d'années. Je pense que la biomasse totale est maintenant d'environ 35 000 tonnes. Autrement dit, elle diminue.

Il y a bon nombre d'indicateurs. Je voudrais bien que M. Provenzano soit ici pour entendre cela. C'est une zone qui nous inquiète beaucoup et le sud du golfe nous inquiète encore plus. Nous avons été très déçus de la situation dans le sud du golfe du Saint-Laurent. La morue du Nord est certainement un cas en soi.

Nous parlons de zones d'exclusion. Bon nombre d'entre nous aimeraient créer des zones d'exclusion pour des régions complètes, mais je ne pense pas que nous puissions le faire. Nous devons donc choisir des zones où nous savons qu'une interdiction donnera de bons résultats. Par exemple, il n'y a pas de population de phoques au sud de Terre-Neuve à l'heure actuelle. Cependant, lors des consultations à Harbour Breton à Terre-Neuve cette année, on nous a dit que le phoque gris arrivait dans la zone 3Ps, ce qui veut dire que nous aurons peut-être le même genre de problème dans cette zone dans dix ans que nous en avons maintenant dans le sud-est de la Nouvelle-Écosse. D'après moi, la zone 3Ps devrait être une zone d'exclusion à l'heure actuelle. À tout le moins, nous devrions contrôler la population dans ce secteur parce qu'une explosion de la population peut se produire très rapidement.

Le président: En conclusion, j'aimerais vous remercier de votre présence ce matin. Vous êtes probablement le premier groupe que nous entendons qui lie vraiment ensemble les renseignements, connaissances et études de nature scientifique et l'expérience pratique de la pêche. Ainsi, lorsque notre rapport sera finalement terminé, j'espère qu'une partie de cette excellente information que vous avez présentée ce matin y figurera.

J'ai également été très impressionné par les données précises que vous avez présentées au niveau de la géographie et de la pêche de la région Atlantique. Les membres du comité ont sans doute été fortement impressionnés par le fait qu'il y avait des témoins qui étaient en mesure de parler d'un fjord précis, d'une rivière précise ou d'une baie précise, et qui savaient exactement ce qui s'y passait. Alors je vous remercie sincèrement d'être venus, au nom de tous les membres du comité. Ce fut une matinée très productive.

Je vais terminer, et j'aimerais demander aux membres de rester quelques minutes. Alan est en train de composer le rapport, et je vous prie de lui communiquer vos observations écrites aujourd'hui. Je crois comprendre qu'il y aura plusieurs votes à la Chambre lundi au cours de la soirée ou tard dans l'après-midi, et la plupart d'entre nous devraient être de retour à Ottawa. Notre bureau communiquera avec vous au sujet d'une réunion informelle de ce comité qui pourrait avoir lieu lundi soir.

• 1105

Nous étudierons la possibilité de partager les informations fournies par les membres du comité. En plus, si possible—Bill, nous avons examiné la question des homards ici avec la groupe de Wayne de l'Île-du-Prince-Édouard et la saison dans la Miramichi a été assez bonne, les choses vont mieux. Lundi soir, si possible, nous voudrions organiser une petite dégustation, notamment des crustacés de la Miramichi, afin de déterminer s'ils sont de la même qualité que d'habitude. Si vous êtes disponibles, nous vous donnerons les détails. Ce sera donc lundi, après les votes à la Chambre, si tout va bien.

C'est tout.