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FAIT Réunion de comité

Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.

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STANDING COMMITTEE ON FOREIGN AFFAIRS AND INTERNATIONAL TRADE

COMITÉ PERMANENT DES AFFAIRES ÉTRANGÈRES ET DU COMMERCE INTERNATIONAL

TÉMOIGNAGES

[Enregistrement électronique]

Le mardi 27 mars 2001

• 1533

[Traduction]

Le président (M. Bill Graham (Toronto-Centre—Rosedale, Lib.)): Chers collègues, je déclare la séance ouverte. Nous avons le quorum pour entendre les témoignages.

Au nom du comité, je souhaite la bienvenue à une groupe de distingués témoins qui ont pris le temps de venir discuter avec nous. Je tiens à vous présenter mes excuses personnelles car je vais devoir m'absenter à 16 h 15 car j'ai une urgence à Toronto. Toutefois, tous les autres membres du comité seront présents.

Je vais inviter Elizabeth May à commencer, car elle a d'autres poissons à son menu—je ne sais pas l'on peut vraiment décrire le ministre de l'Environnement comme une poisson à griller, mais...

Mme Elizabeth May (directrice générale, Sierra Club du Canada): Je l'ai seulement dit au sujet du ministre des Pêches...

Le président: Maintenant qu'il est ministre de l'Environnement, vous pouvez le cuisiner de toute façon.

Mme Elizabeth May: Merci, monsieur le président. J'ai présenté personnellement mes excuses au plus grand nombre possible de membres du comité pendant que nous nous préparions car je dois faire l'équivalent d'un voyage jet-set pour les ONG, c'est-à-dire que je dois prendre l'autobus.

Je vais simplement faire quelques commentaires d'introduction. Pour ceux qui ne le savent pas, je précise que le Sierra Club est un groupe environnemental. Nous sommes actifs au Canada depuis la fin des années 60 mais nous existons à l'échelle mondiale depuis 1892. Nous savons donc ce que sait que de travailler par delà les frontières.

• 1535

Je tiens préciser que le Sierra Club du Canada n'est ni contre le commerce, ni contre le libre-échange. Ce que nous dénonçons, et ce qui nous inquiète beaucoup, c'est le fait que dans le modèle actuel des organisations économiques—comme on le constate actuellement avec l'accord de libre-échange, l'ALENA, l'Accord de libre-échange nord-américain, et les résultats du cycle d'Uruguay, la version que nous appelons le GATT et l'Organisation mondiale du commerce—, on ne parle plus fondamentalement de commerce, à notre avis.

Ces accords portent sur un ordre économique destiné essentiellement à accroître les bénéfices des sociétés transnationales. Leur développement a dépassé tout ce que pouvaient imaginer les rédacteurs de l'Accord général sur les tarifs douaniers et le commerce au départ. Ces accords ont outrepassé leur mandat social et politique, et perdu ainsi leur légitimité auprès du public. Ils ne traitent plus simplement de l'achat et de la vente de denrées commerciales d'un pays à l'autre, c'est-à-dire le commerce au sens où les Canadiens l'entendent pour la plupart. Ces traités servent en fait à élargir le rôle politique des grandes sociétés transnationales et à réduire le champ d'intervention des gouvernements nationaux dans les secteurs de l'environnement, des ressources naturelles, des normes de santé et de travail, et autres.

Je ne suis pas d'accord avec notre ministre du Commerce international sur ce point. Il ne s'agit pas simplement d'un problème de formulation ou d'interprétation comme dans le cas de nos problèmes actuels en vertu du chapitre 11. Ces accords sont si fondamentalement conçus pour accroître la puissance des grandes entreprises que quelques gentils mots par-ci par-là ne servent strictement à rien car ils sont complètement étouffés par la masse des efforts accomplis pour répondre aux besoins des sociétés transnationales.

Depuis que l'ALENA est entré en vigueur, nous savons que les textes protecteurs ne fonctionnent pas. Prenez par exemple l'article 20 du GATT, et vous constaterez qu'il est pulvérisé par l'interprétation qu'en donne l'Organisation mondiale du commerce. Nous pouvons aussi prendre le chapitre 11, où l'on constate une pratique scandaleuse consistant à placer les sociétés transnationales sur le même pied que les gouvernements en leur donnant le pouvoir de les poursuivre si elles s'estiment lésées par des règlements—qui n'étaient certainement pas destinés au départ à dépouiller ces entreprises de leurs avoirs, mais que néanmoins ces entreprises accusent d'être responsables de la perte de bénéfices anticipés.

L'un de nos problèmes fondamentaux vient de ce que nous n'avons pas le texte de l'accord de libre-échange des Amériques. Nous savons, et nous félicitons le ministre Pettigrew de l'avoir affirmé, que le texte actuel du chapitre 11 est mauvais. Mais à notre avis, il ne s'agit pas simplement d'un problème de texte. Le problème, c'est que tout le modèle laisse à désirer.

Nous souhaitons aussi souligner qu'à l'origine, on nous avait promis que l'ALENA serait un excellent instrument de protection de l'environnement. On nous garantissait la protection de la Convention de Bâle, du Protocole de Montréal et de la Convention sur le commerce international des espèces de faune et de flore sauvages menacées d'extinction. S'il y avait un chevauchement des applications de ces accords avec l'ALENA, ils étaient censés être totalement protégés car ils étaient nommés dans l'ALENA et devaient donc être respectés.

Dans la récente affaire S.D. Myers, nous avons pu constater qu'un groupe spécial d'arbitrage du chapitre 11 a en fait décrété que le recours à la Convention de Bâle était sans objet. Ce groupe spécial a déclaré que, puisque les États-Unis n'avaient pas ratifié la Convention de Bâle, même s'il était stipulé dans l'ALENA que cet accord devait être protégé, le Canada ne pouvait pas l'invoquer.

Nous avons aussi vu que l'ALENA incluait une entente, tout au moins une entente parallèle intitulée Accord nord-américain de coopération dans le domaine de l'environnement. Je constate que, bien cet accord et la Commission de coopération environnementale qui en a découlé soient à peu près dénués de tout pouvoir véritable, il a cependant permis d'accomplir d'excellentes choses. Mais apparemment, même un accord environnemental parallèle sans véritable pouvoir, c'est encore trop pour le nouveau cycle, et il n'est pas question d'un accord hémisphérique de ce genre en matière de coopération environnementale.

Que sont devenus les accords commerciaux? Pourquoi suis-je en train de dire qu'ils ne sont plus les mêmes maintenant qu'autrefois? Pourquoi sont-ils maintenant devenus les filets de pêche des sociétés transnationales?

Pour répondre à cette question, je vous renvoie au point de vue visionnaire et fascinant du Dr Ernst van Weizacher. C'est un député allemand, ancien directeur de l'Institut Wupertal, et maintenant président de la Commission d'études du Parlement allemand sur la mondialisation de l'économie, ses défis et ses ressources. Le Dr van Weizacher a constaté des évolutions radicales du comportement des capitaux et de la nature de ces accords depuis la fin de la guerre froide.

À son avis, et je vous le signale car je pense qu'il est fascinant de voir les choses dans une perspective historique, avant la fin de la guerre froide, le capital avait quelque chose à prouver. Il y avait un conflit idéologique, on opposait le capitalisme de libre marché au système fermé soviétique. Il fallait que le capital montre qu'il savait bien se comporter. Depuis la fin de la guerre froide, d'après le Dr van Weizacher, le capital n'a plus rien à prouver. Tout ce qu'il fait, c'est accroître de façon obscène ses marges de profit. Toutes les contraintes qui entravaient ce développement durant la guerre froide ont disparu. Je trouve que c'est une perspective très intéressante.

• 1540

Le ministre Pettigrew a dit que le fait de ne pas avoir le texte de la rencontre de Québec n'était pas inquiétant car un accord commercial, c'est toujours plus ou moins la même chose. Or, la réponse évidente que mes collègues ont donnée aux médias en réponse à cet argument, c'est que si l'on veut être transparent sur quelque chose, il faut donner le texte sur lequel on travaille. C'est un peu insuffisant de dire que c'est comme les autres textes.

Mais je voudrais dire quelque chose de plus fondamental ici. Les accords commerciaux ne sont pas nécessairement tous les mêmes. Je vous renvoie à l'Union européenne. Lorsque les pays de l'Union européenne ont renoncé à leur souveraineté pour créer un bloc commercial européen, ils ont adopté les dispositifs suivants: un parlement européen supranational démocratiquement élu; l'engagement de chaque pays du bloc commercial à respecter les normes environnementales les plus élevées en vigueur dans ce bloc—autrement dit, chaque pays, y compris l'Espagne, devaient amener ses normes au niveau des normes de l'industrie allemande; et enfin, pour aider l'Espagne et les autres pays moins riches de l'Union européenne, on prévoyait un transfert de ressources du Nord au Sud.

Il n'y a strictement rien de tel dans l'ALENA. Le Mexique a attiré les investissements en acceptant de mettre en place les maquiladoras où règnent des situations et des conditions de vie qui seraient jugées abominables au Canada, où des déchets toxiques se déversent dans des égouts à ciel ouvert au milieu des localités. Si l'on avait calqué un peu plus le modèle de l'ALENA sur celui de l'Union européenne, on n'assisterait peut-être pas maintenant à ce mouvement massif de mobilisation contre le Sommet des Amériques. Je pense qu'il est important de reconnaître que nous ne sommes pas tous simplement opposés à la mondialisation. Nous sommes simplement opposés à ce type de mondialisation, une mondialisation économique qui sert certains intérêts au détriment de certains autres.

Autrement dit, l'ALENA avance dans un seul sens en grignotant du terrain sur la protection environnementale. C'est la même chose avec le GATT et l'OMC. Dans les deux cas, il y a une sous-enchère constante pour obtenir un avantage concurrentiel. Il ne faut pas que l'ALEA suive ce modèle plein de failles; il peut s'en écarter. Il ne faudrait pas négocier d'accords commerciaux tant qu'on n'aura pas réglé les problèmes manifestes posés par l'ALENA et le GATT.

Je crois que je vais devoir partir. Je suis sûre que les autres membres de ce groupe pourront décrire plus précisément ce qui ne va pas dans le chapitre 11. Je m'associe aux remarques que John Foster va faire, je crois, sur la propriété intellectuelle et les différends opposants un investisseur et un État.

Je vous remercie.

Le président: Merci beaucoup, madame May. Nous ne considérerons pas votre départ comme une course à la sous- enchère...

Mme Elizabeth May: Je cours droit au bus.

Le président: Disons que vous courez. Merci beaucoup encore une fois.

Je vais maintenant passer à Common Frontiers. Monsieur Dillon et monsieur Foster, je crois que vous allez vous partager votre temps?

Monsieur Foster, je vous en prie.

M. John Foster (recherchiste principal, Civil Society at the North-South Institute, Common Frontiers): Je vous remercie, monsieur le président ainsi que les membres du comité. Nous nous adressons aujourd'hui à vous au nom de Common Frontiers. Je vais vous présenter une introduction générale et un aperçu de nos préoccupations et John Dillon se concentrera sur un point précis: la propriété intellectuelle liée au commerce.

Nous parlons au nom de Common Frontiers. Il s'agit d'un groupe de travail ou d'une coalition qui oeuvre dans divers secteurs du Canada depuis environ 13 ans sur des questions d'investissements commerciaux et de droits de la personne dans le contexte de notre hémisphère. Nous collaborons étroitement avec le Réseau québécois sur l'intégration continentale. Nous faisons partie de l'Hemispheric Social Alliance qui regroupe divers mouvements sociaux de notre hémisphère et a été créée à l'époque de la réunion des ministres du Commerce à Belo Horizonte, au Brésil, en 1997.

Common Frontiers a déjà témoigné devant votre comité. En 1999, nous avons déposé une étude complète intitulée «Alternatives pour les Amériques», qui était le fruit d'une collaboration internationale. En 1999, en collaboration avec le ministre des Affaires étrangères et du Commerce international, nous avons organisé une rencontre entre les ministres du Commerce et les organisations de la société civile de notre hémisphère. Précisons que cette rencontre, où M. Pettigrew avait réuni une vingtaine d'autres ministres, a été organisée sans grillages de sécurité ni cordons de police. Les ministres sont venus à l'endroit où avait lieu cette réunion et ont discuté avec les représentants de la société civile sans le moindre incident ou le moindre trouble.

• 1545

À cette occasion, nous avons remis à M. Pettigrew deux documents, un sur le financement des investissements et la dette dans les Amériques, et l'autre sur l'exclusion sociale, l'emploi, la pauvreté et les perspectives de la ZLEA. Dans ces documents, nous présentions plus de 60 recommandations, et bien que nous ayons à l'époque demandé des réponses détaillées, nous n'avons toujours pas reçu de réponse écrite du ministre à ce jour, plus de 16 mois après.

De même, en septembre 2000, Common Frontiers et plus de 330 groupes de l'ensemble de l'hémisphère ont adressé une lettre au comité de négociation pour demander la publication de l'ébauche de texte. Là encore, jusqu'à présent, aucune suite n'a été donnée à cette demande.

J'aimerais mentionner plusieurs domaines dans lesquels nous souhaiterions qu'on envisage de nouvelles orientations pour l'intégration continentale. Je tiens à préciser que ce que nous demandons, ce ne sont pas des rectifications mineures à l'ALEA. En fait, le choix d'options que nous proposons impliquerait un genre d'accord qualitativement différent, un accord qui serait axé sur le développement et la justice sociale dans notre hémisphère.

Pour vous donner une idée de la différence de nos propositions, je voudrais mentionner deux domaines cruciaux, et tout d'abord les investissements.

Dans le cas des investissements, alors que l'ALENA exclut les prescriptions de résultats telles que des règles de contenu national, nous encouragerions au contraire ce système de prescriptions de résultats pour les Amériques. Les gouvernements nationaux pourraient obliger les investisseurs étrangers à inclure certains éléments de contenu intérieur dans leurs produits, à recruter du personnel local, à transférer les technologies appropriées, etc.

Deuxièmement, en ce qui concerne les différends entre un investisseur et un État dont a parlé l'intervenante précédente, nous avons des préoccupations fondamentales qui s'appuient sur le souci de la souveraineté démocratique, de l'application régulière de la loi, de la transparence et de la durabilité. Contrairement à M. Pettigrew, qui souhaite simplement clarifier le texte de l'ALENA pour ce qui est de la définition de l'expropriation et des mesures équivalentes à de l'expropriation, notre proposition consisterait à rejeter totalement le mécanisme des différends opposant un investisseur à un État. Ce mécanisme, qui octroie à des sociétés étrangères le pouvoir de poursuivre les gouvernements, viole les principes les plus fondamentaux de la démocratie et nie les droits des citoyens et de leurs gouvernements, que ce soit au niveau municipal, au niveau provincial, au niveau territorial, au niveau tribal ou au niveau fédéral. Le refus de transparence et d'accès de ce mécanisme est rétrograde. Nous exhortons par conséquent votre comité à recommander qu'on mette en place des dispositions claires de prescriptions de résultats dans le cas des investissements et qu'on rejette tout mécanisme de différends opposant un investisseur à un État dans tout accord de libre-échange pour les Amériques qui pourrait être négocié.

Nous avons toute une liste d'autres préoccupations prioritaires que vous pourrez lire à loisir. M. Dillon vous parlera plus particulièrement de la question des droits de propriété intellectuelle.

Je voudrais maintenant poursuivre sur la lancée de l'intervention du représentant d'un de nos membres, Droits et Démocratie, de Montréal, la semaine dernière devant votre comité. Nous souhaitons nous associer à la démarche que vous ont présentée Warren Allmand et Diana Bronson.

Il faut que le Canada intègre à part entière la grande famille interaméricaine des droits de la personne. Il faut préciser immédiatement les termes de la ratification par le Canada de la Convention américaine relative aux droits de l'homme et du protocole de San Salvador traitant des droits économiques, sociaux et culturels qui accompagne cette convention, et il faut aller de l'avant avec la ratification. Il faut aussi ratifier les conventions dites autonomes sur la torture, la violence contre les femmes et les disparitions. Il faudrait mobiliser les énergies des autorités et des intervenants non gouvernementaux pour appliquer et renforcer ces instruments, et ce n'est pas le travail qui manque pour vous, parlementaires, dans ce domaine.

Nous souhaiterions insister sur deux pistes à suivre pour la mise en oeuvre d'une démarche d'affirmation des droits de la personne. Il y a d'abord la reconnaissance claire de la priorité du droit humain. Comment peut-on le faire? En tant que profane, j'ai toujours trouvé que c'était d'une simplicité déconcertante: il suffit de rédiger un article—pas dans le préambule, mais dans les premiers articles exécutoires d'un accord sur le commerce et l'investissement—où l'on dit tout simplement que rien dans l'accord ne peut empêcher les parties de respecter leurs obligations en matière de droits de la personne telles qu'elles sont stipulées dans la Charte internationale des droits de l'homme, la Convention américaine, le Protocole de San Salvador et les conventions de l'OIT pertinentes.

En cas de différend ou de préjudice prétendu, un État, ses citoyens ou un tiers pourraient saisir un tribunal qui se prononcerait. Il pourrait s'agir soit du Comité des Nations Unies sur les droits économiques, sociaux et culturels, soit de la Cour interaméricaine des droits de l'homme. Il resterait à savoir lequel, mais cela pourrait être les deux, selon le cas en présence.

• 1550

Nous exhortons votre comité à recommander cette démarche, et notamment ce genre d'article.

Enfin, je précise que ce genre de détail, que l'on pourrait mentionner de la même façon pour toutes sortes d'autres parties de l'accord, montre bien pourquoi il est essentiel de pouvoir avoir accès aux questions fondamentales et aux textes qui vont être négociés dès le début du processus. C'est pour cela qu'un débat parlementaire et un débat public détaillé ainsi qu'un examen constant de tout le processus de négociation sont essentiels. Si le médium est le message, alors le processus influe sur le produit des négociations internationales dans le cas du commerce.

Pourquoi persiste-t-on à privilégier ainsi le secret dans le cas des accords sur le commerce et l'investissement alors que dans les autres négociations en matière de commerce et d'investissement, comme les négociations sur la biosécurité qui se sont déroulées récemment à Montréal, on fonctionne de façon beaucoup plus ouverte et démocratique? Votre comité va-t-il recommander une approche différente?

Enfin, je voudrais poser une question au comité. Au cours de vos débats de la semaine dernière, on a dit que le gouvernement avait entrepris des évaluations des répercussions humaines que pourrait avoir la zone de libre-échange des Amériques. Si vous avez reçu des études dans ce domaine, nous souhaiterions qu'elles soient rendues publiques. Nous aimerions savoir si vous avez reçu des rapports sur la question. Sinon, nous voudrions savoir si vous allez demander qu'on procède à ces études et si vous nous en ferez part une fois qu'elles seront terminées.

Merci.

Le président: Pratiquement tout ce que nous obtenons est du domaine public. Nous serions donc certainement prêts à vous communiquer ces textes. Nous vérifierons...

M. John Foster: Merci.

Le président: ... mais nous sommes tout à fait disposés à vous transmettre tout ce que nous verrons, monsieur Foster. Il n'y a aucun secret ici. Nous n'avons pas de secret.

Monsieur Dillon, allez-y.

M. John Dillon (coordonnateur de recherche, Coalition oecuménique pour la justice économique, Common Frontiers): Monsieur le président, je voudrais traiter d'une question touchant les droits de propriété intellectuelle dans le contexte de la zone de libre-échange des Amériques.

Toute l'initiative d'inclusion des droits de propriété intellectuelle dans les accords commerciaux est, d'abord et avant tout, l'oeuvre de l'industrie pharmaceutique. Comme vous le savez, à l'époque où l'ALENA était en train d'être négocié, le gouvernement Mulroney a accordé, au moyen du projet de C-91, des droits plus étendus pour les brevets de produits pharmaceutiques, aux dépens des médicaments génériques de remplacement, qui sont moins coûteux. Nous avons depuis longtemps soutenu qu'il existe, à l'OMC, dans l'accord sur les ADPIC et dans l'ALENA, des dispositions qui permettraient quand même que soient obligatoirement produits sous licence certains produits pharmaceutiques, dans certaines conditions, mais le gouvernement du Canada a préféré ne pas se prévaloir de ces dispositions.

Entre temps, les sociétés pharmaceutiques transnationales se servent des tribunaux de règlement des différends de l'OMC pour modifier encore plus les lois canadiennes. Une décision récente interdit aux sociétés de produits génériques de faire de l'empilage de médicaments en anticipation du jour où les brevets expireront. Une autre décision a mené à la mesure législative dont le Sénat est maintenant saisi, le projet de loi S-17, qui a pour objet de faire passer le délai d'expiration des brevets pharmaceutiques de 17 à 20 ans. D'après une étude de 1997 à l'université Queen's, le coût d'ajouter trois ans à la durée d'un brevet pourrait être d'environ 9 milliards de dollars d'ici à l'an 2017.

Dans les pays en voie de développement...

Le président: Désolé, s'agit-il du coût pour le système de santé publique ou du coût de...

M. John Dillon: C'est le coût d'ensemble, monsieur le président, les coûts privés et publics pour les produits pharmaceutiques au Canada.

Le président: Merci.

M. John Dillon: Dans les pays en voie de développement, l'absence de médicaments génériques n'est pas uniquement une question de coûts, c'est aussi une question de vie ou de mort. Certains pays en voie de développement ont profité de dispositions particulières de l'accord sur les ADPIC pour autoriser des sociétés de médicaments génériques à reproduire des médicaments pour répondre à des urgences telles que l'épidémie de sida ou pour permettre des importations parallèles, c'est-à-dire l'importation de versions moins coûteuses de certains médicaments auprès d'autres pays.

Dans notre hémisphère, le Brésil a un programme particulier qui permet la production sous licence de médicaments génériques qui, avant 1997, étaient brevetés. Cela signifie que certains des médicaments antirétroviraux qui servent à traiter les personnes atteintes du sida sont offerts gratuitement à certains sidatiques au Brésil. La trithérapie qui coûte de 10 000 à 15 000 $ en Amérique du Nord—il s'agit de dollars américains—est offerte pour seulement 700 $ au Brésil, et Médecins sans frontières pense que le prix pourrait être ramené à 200 $ par année. Une société indienne de médicaments génériques a offert de produire le même traitement pour 350 $ par année pour Médecins sans frontières.

• 1555

Le Brésil a récemment adopté une autre mesure: permettre la production sous licence du médicament générique qui est la copie d'un médicament antirétroviral mis en marché après la date indiquée dans cette mesure législative. Les sociétés pharmaceutiques transnationales s'alarment de ce précédent et elles ont commencé à prendre des mesures. Elles ont persuadé le gouvernement américain de déposer une plainte contre la loi brésilienne auprès de l'OMC. En fait, les pharmaceutiques sont si alarmées qu'elles ont offert de vendre les mêmes médicaments à des gouvernements africains pour l'équivalent de ce qu'elles disent être leurs coûts de production.

En attendant, le gouvernement américain a inscrit le Brésil et l'Argentine sur sa fameuse liste de surveillance 301, ce qui représente un avertissement d'une possibilité de recours unilatéral à des mesures commerciales en guise de rétorsion. Les États-Unis ont également menacé la République dominicaine de ne plus permettre l'entrée de ses textiles à moins qu'elle ne retire l'obligatoire production sous licence et l'importation parallèle de médicaments génériques. Il y a un écrivain qui a appelé cela la version moderne de la diplomatie de la canonnière.

Dans les négociations en cours pour la ZLEA, les sociétés pharmaceutiques voient l'occasion d'éliminer ce qu'elles perçoivent comme des échappatoires aux codes commerciaux touchant la propriété intellectuelle. En fait, les négociations devraient être une occasion idéale pour renverser la tendance à toujours augmenter la protection accordée aux détenteurs de brevets et pour établir la priorité d'accès et la nécessité de vendre à prix abordable les médicaments essentiels. Beaucoup de pays en voie de développement estiment que ce sont non seulement les médicaments qui servent à traiter les personnes atteintes du sida qui devraient être exemptés, mais tous les médicaments essentiels inscrits sur la liste établie par l'Organisation mondiale de la santé. Nous exhortons donc le comité, monsieur le président, à recommander que le gouvernement du Canada travaille diligemment à modifier les règles commerciales touchant la propriété intellectuelle et à mettre fin aux mesures unilatérales qu'adoptent les États-Unis à la demande de l'industrie pharmaceutique.

On a cité les propos du ministre de l'Industrie, M. Tobin, selon lesquels il dit vouloir rouvrir le débat sur le prix des médicaments, afin de voir s'ils sont maintenus trop élevés pendant trop longtemps. Cela est particulièrement important pour le Canada, où les médicaments comptent pour le secteur de dépenses en soins de santé qui connaît la croissance la plus rapide au Canada. Les parlementaires canadiens devraient unir leur voix à celle de leurs collègues, les parlementaires européens, pour exiger le retrait de la poursuite intentée par 39 sociétés pharmaceutiques contre le gouvernement d'Afrique du Sud.

En dernier lieu, le Canada devrait se servir des pourparlers de la ZLEA pour indiquer clairement que tous les pays en voie de développement devraient avoir le droit d'autoriser la production sous licence ou l'importation parallèle des médicaments de lutte contre le sida et de tous les produits inscrits sur la liste des médicaments essentiels afin de défendre le droit de la personne aux soins de santé.

Le président: Merci, beaucoup, monsieur Dillon.

Nous passons maintenant à M. McCreery, de la Canadian Agri-Food Trade Alliance.

M. Liam McCreery (président, Canadian Agri-Food Trade Alliance): Merci, monsieur le président. Au nom de la Canadian Agri-Food Trade Alliance, je tiens à remercier le comité de nous avoir invités pour présenter nos opinions sur les négociations menant à la création de la zone de libre-échange des Amériques.

Permettez-moi de prendre quelques instants pour présenter notre organisme. La CAFTA est une nouvelle coalition d'associations, d'entreprises et d'organismes du secteur agricole et agroalimentaire qui dépendent principalement du commerce extérieur. Au moyen de négociations commerciales multilatérales et bilatérales, la CAFTA cherche à promouvoir la création d'un environnement ouvert, axé sur les marchés et favorable aux échanges sans subventions et en franchise des produits agricoles et agroalimentaires. Nous comptons, parmi nos membres, des associations de producteurs et de transformateurs primaires ainsi que des exportateurs et des commerçants de produits agroalimentaires. Nos membres représentent des centaines de milliers d'emplois au Canada en production, en transformation et pour plus de la moitié des exportations canadiennes agroalimentaires.

Je sais que vous nous demandez aujourd'hui de parler de la zone proposée de libre-échange des Amériques, mais je ne peux pas passer sous silence le fait que ce sont les actuelles négociations de l'Organisation mondiale du commerce sur les échanges agricoles qui sont le plus susceptibles d'être avantageuses pour le secteur agricole et agroalimentaire. C'est à l'OMC que l'enjeu est le plus grand.

C'est pourquoi la CAFTA s'intéresse principalement à la réforme des échanges mondiaux. De nombreux secteurs de notre industrie ne connaîtront une meilleure situation réelle que lorsqu'on aura réglé la question des subventions massives à l'exportation et des dépenses d'appui qui entravent le commerce tant à l'intérieur qu'à l'extérieur de la ZLEA proposée. Nous notons plus particulièrement la baisse des prix provoquée par les subventions à l'exportation de l'Union européenne et les distorsions de production et de prix que causent les énormes programmes de soutien domestique des États-Unis.

• 1600

Cela dit, même si nous tenons à être prudents quant aux accords qui ne portent pas sur les échanges mondiaux, nous reconnaissons qu'en concluant des accords bilatéraux et régionaux de libre-échange, les pays peuvent aider à favoriser le principe du commerce international tout en réduisant les obstacles au commerce dans certaines régions précises du monde.

La CAFTA appuie donc les efforts régionaux et bilatéraux visant à réduire les obstacles au commerce pour les produits agricoles et agroalimentaires, à condition que ces efforts ne jettent pas d'ombre sur l'objectif à plus long terme de réduire au maximum les tarifs des produits agricoles à l'échelle mondiale et sur une base réciproque.

À mesure que le Canada conclut de nouveaux accords commerciaux bilatéraux et régionaux, il est important de s'assurer que l'objectif soit l'amélioration réelle de l'accès de tous les produits canadiens aux marchés étrangers, sur une base particulière pour chaque produit.

Notre organisme n'appuiera pas les accords régionaux qui permettent des gains pour un secteur, les télécommunications ou l'aérospatiale, par exemple, aux dépens d'un autre, tel que le sucre raffiné ou le malt.

En outre, avant de se concentrer sur de nouveaux accords commerciaux, le Canada devrait s'assurer que nos industries profitent réellement des accords auxquels nous souscrivons déjà. Nous parlons, dans ce cas-ci, de l'absence de progrès en ce qui a trait à l'obtention, dans le cadre de l'OMC, d'une indemnisation du Brésil pour avoir mis en oeuvre un contingent tarifaire touchant le blé canadien en 1996. Si l'intention est que la ZLEA permette de réaliser des gains pour tous les secteurs, le Canada devrait d'abord résoudre ses différends agricoles avec le Brésil à l'OMC avant de risquer que la dérogation actuelle aux règles se retrouve inscrite dans un nouvel accord commercial.

Phil deKemp, qui représente l'industrie du maltage, vous en dira un peu plus long sur la question lorsque j'aurai terminé mon exposé, si ça vous convient, monsieur le président. Nous respecterons les dix minutes qui nous ont été accordées.

Le président: Très bien, si vous respectez la période réservée.

M. Liam McCreery: J'aimerais maintenant passer à certains des objectifs qui d'après la CAFTA devraient caractériser le commerce des produits agricoles dans une zone de libre-échange des Amériques.

Tout d'abord, pour ce qui est de l'accès aux marchés, l'objectif d'accès du marché pour la ZLEA est d'éliminer progressivement les barrières tarifaires et non tarifaires ainsi que les autres mesures qui ont un impact équivalent et qui limitent les échanges commerciaux entre les pays participants. La CAFTA appuie dans l'ensemble ces objectifs mais voudrait y ajouter quelques petites choses.

Tout d'abord, il faut absolument que cet accès soit réciproque. Les pays doivent assurer un accès équivalent à tous les signataires de l'entente s'ils veulent eux aussi avoir l'accès à ces marchés.

Cette question préoccupe tout particulièrement nos membres qui transforment ou produisent du sucre. Le Canada est un leader à l'échelle internationale en ce qui a trait à l'ouverture de son marché du sucre. Nous importons près de la moitié du sucre importé en Amérique du Nord chaque année même si notre pays ne représente qu'une petite proportion de la population totale de l'Amérique du Nord. Actuellement, le Canada n'impose pas de droit sur le sucre brut provenant des pays de la ZLEA et n'impose qu'un petit tarif douanier pour le sucre raffiné. Nombre de pays de la ZLEA imposent des tarifs élevés pour le sucre raffiné, tarifs qui devront diminuer de façon marquée avant que ces pays n'aient un meilleur accès aux marchés canadiens.

Deuxièmement, puisque nous nous orientons vers un système d'échanges en franchise, le Canada doit s'assurer que l'on adopte une approche s'appuyant sur une formule permettant de réduire les tarifs déjà imposés, afin que les tarifs très élevés soient réduits de façon considérable pour harmoniser les divers tarifs des pays membres. Nous devrions procéder ensuite à encore d'autres réductions générales des tarifs.

Ces réductions doivent viser chaque produit pour que l'ensemble des denrées bénéficient d'un accès réel.

L'accès doit être assuré de la même façon pour les biens de substitution et entre les signataires de l'accord de la ZLEA et des autres ententes commerciales régionales.

Tout cela inquiète tout particulièrement nos producteurs et nos transformateurs d'oléagineux. La consommation d'huile végétale dans les pays membres de la ZLEA augmente, ce qui pourrait entraîner une augmentation des exportations d'huile canadienne. Pour profiter de ce débouché, le produit canadien reçoit le même accès que l'huile de palme, qui est actuellement l'huile végétale la plus utilisée.

De plus, il faut absolument s'assurer que l'on éliminera la progressivité tarifaire prévue dans plusieurs pays où l'huile brute est visée par des tarifs inférieurs à l'huile raffinée. Il faut également s'assurer que l'huile canadienne aura le même accès que l'huile provenant de pays signataires d'ententes commerciales déjà en vigueur.

Enfin, comme c'était le cas pour les négociations de l'OMC, la CAFTA appuie les initiatives sectorielles comme les accords de protection zéro-zéro pour certains groupes de produits, comme les oléagineux, les produits de l'oléagineux, l'orge et le malt, lorsque l'industrie propose et appuie ce genre d'accord.

• 1605

Quant à la concurrence à l'exportation, compte tenu notre objectif en ce qui a trait aux négociations de l'OMC dans le secteur agricole, la CAFTA appuie les objectifs énoncés du Comité de l'agriculture de la ZLEA et qui proposent l'élimination des subventions à l'exportation qui ont un impact sur le commerce dans l'hémisphère. Les pays de la ZLEA doivent convenir de ne pas subventionner l'exportation de produits vers les marchés des autres membres de la zone. Ces pays devraient également accepter de collaborer au sein de l'OMC afin d'éliminer toutes les subventions à l'exportation à l'échelle internationale et d'élaborer des règles de commerce international qui permettront de s'assurer que les autres programmes comme le programme d'aide alimentaire, les crédits à l'exportation et la promotion des exportations ne seront pas utilisés comme mécanismes de subvention à l'exportation.

Toujours conformément aux objectifs de l'OMC, nous jugeons que la ZLEA devrait interdire le recours aux taxes et aux restrictions à l'exportation qui procurent aux transformateurs un avantage au niveau du coût lors de l'achat du produit brut.

Quant aux mesures sanitaires et phytosanitaires, l'accord de l'OMC sur les mesures sanitaires et phytosanitaires a été une des grandes réussites du cycle d'Uruguay des négociations du GATT. Cette entente engage les membres de l'OMC à s'assurer que toutes les mesures seront fondées sur des données scientifiques solides reconnues à l'échelle internationale. La CAFTA encourage les négociateurs de la ZLEA à chercher à en venir à la même entente au sein de l'accord sur la ZLEA et les autres ententes bilatérales et régionales. Les MSP ne doivent pas être employées comme barrières commerciales non justifiables et ne doivent pas faire de discrimination entre les pays.

De plus, il est essentiel que le Canada s'assure qu'il n'y a pas de maladie à déclaration obligatoire chez tous les partenaires de la ZLEA et que l'Agence canadienne d'inspection des aliments accepte les régimes d'inspection et les systèmes sanitaires dans ces pays de façon à ce que notre bétail et notre industrie des viandes ne soient pas menacés. Nos producteurs de bétail et nos transformateurs encouragent également les négociateurs à obtenir un régime d'autorisation global qui viserait tous les établissements de transformation inspectés par l'agence canadienne.

Nous devons également nous intéresser aux mesures antidumping. De telles mesures ont augmenté à l'échelle internationale et les produits agricoles et agroalimentaires du Canada ont été victimes de ces mesures. Vu le nombre croissant de pays, y compris ceux qui feraient partie de la ZLEA proposée, mettent en place des mesures antidumping et commencent à intenter des poursuites en fonction de celles-ci, il est important que les règles du jeu soient claires dans le but de reconnaître la nature cyclique des secteurs agroalimentaires.

En conclusion, monsieur le président, la CAFTA considère valable de rechercher des ententes de libre-échange régionales comme l'accord proposé des Amériques, à condition que ces accords complètent et renforcent les efforts en vue de libéraliser le commerce de façon réciproque, à l'échelle internationale, et ne compromettent aucun secteur de l'économie canadienne au profit d'un autre. Cela dit, monsieur le président...

Le président: Je me demande comment procéder. Vous avez en fait eu vos 10 minutes et je suis un peu inquiet à l'idée de donner la parole à quelqu'un d'autre alors qu'il nous reste encore trois intervenants. Cela veut dire 30 minutes et cela ne nous laissera pas beaucoup de temps pour les questions. Je sais fort bien que nous serons tous un peu coincés cet après-midi. Je me demande donc si on pourrait en rester là. Si l'industrie du maltage veut nous faire parvenir un mémoire, nous serions très heureux de le recevoir et c'est peut-être la meilleure façon de procéder. Vous pourriez peut-être le laisser répondre à quelques questions.

M. Liam McCreery: C'est parfait. Merci.

Le président: Maintenant, madame Anthony, avant de vous céder la parole, car vous êtes la suivante, je me demande, chers collègues, si vous voulez bien m'excuser. Comme je vous l'ai dit, je dois partir tôt... Je vais demander à M. Harvard s'il veut bien assumer la présidence.

Chers collègues, mardi prochain nous avions réservé la matinée à M. Lortie. Vous vous rappellerez que c'est lui le Sherpa. Il n'est pas libre le matin et donc je vais devoir lui réserver une heure spéciale au cours de l'après-midi. Je pense que les membres du comité veulent du temps avec M. Lortie. Il est manifestement au coeur de ce qui se déroule, et nous allons tenter de prévoir un temps spécial pour lui mardi après-midi.

Je m'excuse de devoir partir, mais M. Harvard sera certes maintenir l'ordre.

Merci beaucoup.

Le président suppléant (M. John Harvard (Charleswood St. James—Assiniboia, Lib.)): Merci.

Si je comprends bien, il n'y a plus que deux témoins avant de passer aux questions. Nous allons donc écouter Mme Anthony.

• 1610

Mme Jen Anthony (vice-présidente nationale, Fédération canadienne des étudiants): Bonjour. La Fédération canadienne des étudiants tient à vous remercier de lui donner cette occasion d'adresser la parole aux membres du Comité permanent des affaires étrangères et du commerce international et de leur faire part de nos préoccupations relativement à la zone de libre-échange des Amériques et le Sommet des Amériques prévu pour le mois prochain à Québec.

Depuis 1981, la Fédération canadienne des étudiants a constitué la voix progressive et démocratique des étudiants d'universités et de collèges de tout ce pays. Aujourd'hui, nous réunissons plus de 400 000 étudiants de 60 associations d'étudiants de collèges et d'universités de Terre-Neuve et Labrador à la Colombie-Britannique.

L'hypothèse sur laquelle repose notre mouvement—l'éducation est un droit fondamental et non pas un privilège à l'intention des riches—ne comporte aucune distinction entre l'enseignement primaire, secondaire et postsecondaire. Une société libre et démocratique et une économie vibrante et juste dépendent d'un accès universel à l'enseignement postsecondaire.

Le régime d'enseignement que nous préconisons repose sur les mêmes principes que la Loi canadienne sur la santé: administration publique, intégralité, universalité, mobilité et accessibilité. Malheureusement, les négociations actuelles de la ZLEA menacent le régime public canadien d'enseignement, y compris le régime d'enseignement postsecondaire.

Dans ses négociations sur la zone de libre-échange des Amériques, la Fédération canadienne des étudiants demande au gouvernement du Canada de faire preuve de courage et de tenir tête à ceux qui cherchent à redéfinir l'enseignement comme un produit lucratif plutôt que comme un bien public.

La zone de libre-échange des Amériques, qui comprend 34 pays de l'Amérique du Nord, du Sud et centrale, constituerait l'accord commercial le plus exhaustif jamais négocié qui touchera tous les aspects de la vie. Un tel accord pourrait permettre sur le plan législatif et juridique de constater les lois, pratiques et politiques des pays individuels et de les abolir si celles-ci étaient considérées un obstacle au commerce.

À l'heure actuelle, la ZLEA est négociée derrière des portes closes puisque le gouvernement canadien, entre autres, refuse de publier le texte de l'accord. Nous rejetons d'emblée tout processus qui permet à notre gouvernement, censé agir en notre nom, de négocier des accords internationaux en secret. Nous tenons à saisir l'occasion de répéter notre exigence que le texte de l'accord soit publié pour examen public.

Au sujet justement du secret qui entoure les négociations de la ZLEA, le ministre du Commerce international, Pierre Pettigrew, a déclaré que rien ne ressemble plus à un accord de libre-échange qu'un autre tel accord. En supposant que c'est le cas, nous fondons nos propos d'aujourd'hui sur notre connaissance d'accords semblables.

La ZLEA est un régime de commerce et d'investissement, un ensemble de règles qui gouvernent l'économie de l'hémisphère, fortes du droit international et de pouvoirs étendus d'application. Les règles, conventions et procédures qui s'y trouvent conféreront des droits sans précédent aux investisseurs, limiteront la souveraineté des pays et écarteront l'autonomie démocratique locale. Les règles sont appliquées par des contraintes juridiques assorties de sanctions commerciales.

La ZLEA accordera aux investisseurs privés et aux sociétés transnationales des pouvoirs sans précédent. Ils posséderont des pouvoirs d'une grande portée même dans des secteurs censés être protégés tels que l'éducation, y compris l'enseignement postsecondaire, les soins de santé, la sécurité sociale, l'environnement, l'eau, la culture et tous les services gouvernementaux à l'échelle des Premières nations, fédérale, provinciale, régionale ou municipale.

La ZLEA transforme les droits de la personne et le bien public tel que l'enseignement et les soins de santé en biens ou produits à acheter ou à vendre pour profits tout en privant les citoyens de leur droit démocratique d'influencer les politiques publiques de leur pays. Les produits, appelés services, sont des secteurs répertoriés de l'économie. À titre d'exemple, on y trouve les cours, les diplômes et même nos collèges et universités.

L'association d'un nouvel accord de services aux règles de l'État-investisseur signifie que la ZLEA donnera aux sociétés transnationales de nouveaux droits sans précédent. En transposant le pouvoir des gouvernements élus démocratiquement, l'accord élimine tout contrôle public de l'économie.

• 1615

J'aimerais citer le directeur adjoint au commerce de l'Organisation des États américains, qui a dit il y a un an, le 25 mars 2000:

    Puisque les services ne sont pas assujettis à des barrières tarifaires sous forme de tarifs ou de taxes, l'accès aux marchés est limité par une réglementation nationale. Ainsi, la libéralisation du commerce des services sous-entend une modification des lois et règlements nationaux, ce qui rend ces négociations plus difficiles et plus délicates pour les gouvernements.

Afin de maintenir le régime d'enseignement postsecondaire du Canada, il faut un cadre complexe et exhaustif de politiques fédérales, provinciales et territoriales, de lois et d'ententes de financement qui limitent les droits des investisseurs privés et des fournisseurs de services.

La fédération estime que le gouvernement canadien, tout comme les gouvernements provinciaux et territoriaux, doivent avoir le pouvoir d'adopter des lois qui protègent l'enseignement public, des lois qui reflètent et mettent en valeur les complexités régionales, culturelles, linguistiques et politiques du Canada.

Toute prétention d'égalité, de justice, de qualité et d'accessibilité ayant disparu, nous nous retrouvons avec une nouvelle politique ou idéologie publique de l'enseignement postsecondaire. L'éducation est considérée une occasion d'affaires, un secteur de l'économie comme tout autre. Sous la direction d'Industrie Canada qui est obsédé par le marché, l'éducation est maintenant grossièrement redéfinie comme étant «une industrie du savoir» qui offre «des services de formation» et «des produits didactiques» et qui exige des «modes de prestation de services différents».

Une autre citation maintenant, de Sergio Marchi, cette fois-ci, l'ancien ministre du Commerce international qui est à l'heure actuelle l'ambassadeur du Canada auprès de l'Organisation mondiale du commerce.

    L'éducation est désormais un secteur d'activité économique. Le Canada doit aborder le marché international des services en éducation avec la même discipline et la même volonté de réussir que dans tout autre secteur.

Or, la fédération rejette cette façon de voir l'éducation. L'éducation est un droit universel et non pas une occasion d'affaires. Pour tout citoyen qui souhaite participer à part entière et à titre égal à la nouvelle économie, l'éducation n'est pas quelque chose de facultatif mais d'indispensable. On a tort de redéfinir l'éducation comme étant une marchandise, que l'on peut échanger, vendre ou acheter sur le marché mondial.

L'éducation fait partie de ce que les anciens appelaient res publica, la chose publique, le bien commun. Il faut donc que l'éducation soit financée et administrée par le pouvoir public, de manière à ce que tous puissent en bénéficier de façon égale. Tout comme le système de soins de santé qui est si cher aux Canadiens, l'éducation doit être protégée de la volonté des partisans de la ZLEA de tenter de la réduire à un privilège personnel ou de l'assujettir à la logique du profit qui repose sur l'offre et la demande du marché international.

À l'heure actuelle, bon nombre de provinces canadiennes permettent à des entreprises de formation de vendre des diplômes pour réaliser un bénéfice. Cependant, ces entités ne sont pas reconnues juridiquement comme universités du fait que, selon la loi, l'attribution de diplômes universitaires ne peut relever que d'établissements canadiens sans but lucratif. Cela va changer. Lorsque des universités à but lucratif auront été créées au Canada, le pouvoir de décerner des diplômes devra être conféré à toute société privée d'éducation étrangère à but lucratif, de manière à assurer la conformité aux règles du traitement national et de la nation la plus favorisée.

Ces sociétés d'origine étrangère n'auront qu'à suivre les règles pour avoir le droit de restreindre la politique gouvernementale encore davantage qu'elle ne l'est d'après le droit canadien à l'égard des investisseurs canadiens. Les investisseurs étrangers auront le droit de s'établir dans tout pays de la ZLEA; ils auront le droit d'être en concurrence avec les établissements d'intérêt public comme les collèges et les universités pour recevoir des fonds publics. Et, ce qui est pire, une fois qu'un service d'intérêt public aura été privatisé, les citoyens ne pourront plus, selon les règles de la ZLEA, en faire à nouveau un domaine d'intérêt public. Il ne sera ainsi plus possible de revenir en arrière par rapport à toute initiative de privatisation, du fait que les investisseurs étrangers auront le droit de poursuivre les Canadiens en revendiquant l'indemnisation par rapport à toute perte de bénéfices actuels ou futurs.

La ZLEA a pour objet de faire tomber les obstacles au commerce et à l'investissement. Dans le monde du commerce international, nos écoles publiques sont perçues comme des obstacles. Le financement provenant des pouvoirs publics est considéré comme une subvention injuste. C'est un monde où l'administration publique devient un monopole du gouvernement, où la réglementation publique des droits de scolarité est considérée comme une pratique d'éviction. Ainsi, ces formes de financement public et d'exercice d'un contrôle démocratique visant les établissements postsecondaires seront contestées à titre d'obstacles non tarifaires. Toute politique ayant pour effet de limiter l'investissement de la part de collèges et d'universités d'origine étrangère à but lucratif, comme par exemple des mesures d'embauche favorisant des groupes désavantagés ou l'application de critères de résidence à la sélection de membres de conseils d'administration, pourrait être contestée à titre d'obstacle au commerce. Toute subvention provenant des fonds publics devra être rendue disponible aux établissements privés à but lucratif.

Avec la ZLEA, le régime public d'enseignement sera progressivement démantelé à mesure que les fonds publics deviendront plus rares.

C'est parce que nous nous opposons à l'idée même de concevoir l'éducation comme un secteur d'activité économique, une entreprise, un produit, une marchandise, que le mouvement étudiant s'organise et obtient des appuis inégalés. Au cours des dernières années, des milliers d'étudiants et ceux qui les appuient ont manifesté contre des politiques aussi bien intérieures qu'internationales d'adaptation économique structurelle préconisées par diverses institutions financières et organisations commerciales, comme la Banque mondiale et l'Organisation mondiale du commerce.

• 1620

Les étudiants ont marché, ils ont manifesté, ils ont organisé des débats, ils ont distribué des circulaires, ils ont campé à la belle étoile, et ils ont même fait la grève pour bien faire connaître la menace qui pèse sur le régimes public d'enseignement postsecondaire. Les manifestations étudiantes visaient notamment à contester la subordination des droits de la personne—les droits à l'éducation et aux soins de santé, par exemple—aux règles du commerce international et aux volontés des sociétés privées.

En avril, les étudiants vont se mobiliser à nouveau. Nous allons nous rendre à Québec pour protester contre la zone de libre-échange des Amériques et, partout au Canada, des étudiants vont se mobiliser à l'échelle locale pour s'opposer au libre-échange international.

Les membres de la Fédération canadienne des étudiants se sont montrés fort inquiets au sujet de la criminalisation de la dissidence et des mesures de sécurité excessives qui sont prises à Québec. La violence policière qui s'abat sur ceux qui choisissent de manifester leur opposition au libre-échange et à une mondialisation orchestrée par les milieux d'affaires n'est pas acceptable pour les Canadiens. Compte tenu des sommes affectées aux clôtures, aux bâtons, au matériel anti-émeute, au poivre de Cayenne, au gaz lacrymogène, aux balles de caoutchouc, aux balles de bois et aux menottes de plastique, on voit bien jusqu'où le gouvernement du Canada est prêt à aller pour faire en sorte que seuls ceux qui sont favorables aux objectifs du monde de l'entreprise soient entendus. De plus, de tels mécanismes ne font qu'intimider les Canadiens, dont les droits sont bafoués.

Pour terminer, permettez-moi de rappeler qu'un Canadien a participé à la rédaction de la Déclaration universelle des droits de l'homme, dont je vais vous citer le paragraphe 26(1):

    Toute personne a droit à l'éducation. L'éducation doit être gratuite, au moins en ce qui concerne l'enseignement élémentaire et fondamental. L'enseignement élémentaire est obligatoire. L'enseignement technique et professionnel doit être généralisé; l'accès aux études supérieures doit être ouvert en pleine égalité à tous en fonction de leur mérite.

De plus, en 1976, le Canada a reconnu le droit à l'éducation en signant le Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels. Selon l'alinéa 13 2c), les États signataires ont l'obligation d'assurer le plein exercice du droit d'accès à l'enseignement supérieur pour toute personne, «notamment par l'instauration progressive de la gratuité».

Pour respecter ces engagements internationaux, le gouvernement fédéral doit adopter une autre stratégie planétaire que celle qui est préconisée sous l'égide du libre-échange. Ainsi, le Canada doit créer et soutenir des institutions populaires responsables qui mettront l'accent non seulement sur la finance et le commerce mais également sur l'avancement et la protection des droits humains, la justice sociale et l'environnement. Nous devons valoriser des institutions où savoir, en matière par exemple de sciences humaines, de sciences et de technologie, est partagé de façon égalitaire et non pas échangé en faveur des plus offrants.

En prévision du Sommet des Amériques qui aura lieu à Québec en avril, la Fédération canadienne des étudiants revendique ce qui suit. Premièrement, que soit publié l'ensemble des textes ayant trait à la zone de libre-échange des Amériques; deuxièmement, que le Canada se retire de toute négociation présente et future concernant la zone de libre-échange des Amériques; et, troisièmement, que les membres de la société civile soient protégés de toute brutalité et de toute mesure de répression de la part des forces policières à Québec.

Merci.

Le président suppléant (M. John Harvard): Merci, madame Anthony.

Nous passons maintenant à notre dernier témoin avant les questions, M. Robert Keyes.

M. Robert Keyes (premier vice-président, International, La Chambre de commerce du Canada): Merci beaucoup, monsieur le président suppléant.

C'est un plaisir pour moi que de prendre la parole ici cet après-midi à titre de représentant de la Chambre de commerce du Canada au sujet de la ZLEA et du sommet et d'avoir l'occasion de répondre à vos questions. Je m'excuse de l'absence de mon président, qui avait été invité, qui espérait être ici, mais qui a eu un empêchement de dernière minute.

La Chambre de commerce du Canada et ses membres ont déclaré publiquement qu'ils étaient favorables au libre-échange international et à une libéralisation toujours plus poussée du commerce. Nous l'avons d'ailleurs redit l'automne dernier lorsque nous avons fait valoir les résolutions d'appui renouvelé de nos membres d'un océan à l'autre à l'égard des objectifs commerciaux prioritaires du Canada. Vous ne serez donc pas surpris d'apprendre que nous appuyons la création d'une zone de libre-échange des Amériques et les négociations à cette fin.

La raison en est fort simple, et j'ose croire qu'elle sera facilement comprise par tout le monde. Le Canada est, a été et continue d'être un pays commerçant et nous devons saisir toutes les occasions d'élargir nos perspectives internationales. Compte tenu de la taille relativement faible de notre pays, qui ne compte que 31 millions de personnes, notre marché intérieur est restreint. Nous devons commercer avec le reste du monde. Nous devons le faire dans le cadre d'un système fondé sur des règles, comme nous le permettent les accords commerciaux internationaux. En l'absence de tels accords, nous risquons d'être coincés entre des partenaires beaucoup plus puissants, comme les États-Unis et l'UE, qui seront en mesure de nous évincer de leurs marchés.

• 1625

Si vous n'êtes pas convaincus de l'utilité de tels accords, voici quelques chiffres. Les exportations du Canada vers les États-Unis et le Mexique ont augmenté respectivement de 80 p. 100 et de 65 p. 100 au cours des cinq premières années de l'ALENA. Or, les exportations représentent 43 p. 100 de notre PIB. Il n'y a pas là coïncidence. Un emploi sur trois dépend des exportations. Plus d'un million de nouveaux emplois ont été créés depuis l'entrée en vigueur de l'ALENA. Aujourd'hui, le taux de chômage est à 6,9 p. 100, son taux le plus faible depuis pratiquement 25 ans. Cela n'est pas non plus une coïncidence.

Si nous refusons la ZLEA, cela va nuire à l'expansion de nos exportations vers un marché en croissance de 500 millions de personnes situées au sud du Rio Grande. Le fait d'élargir nos occasions commerciales et de tenter de les exploiter à notre avantage et d'élaborer un système susceptible de nous permettre d'y arriver procurera à tous les Canadiens des emplois et un meilleur niveau de vie.

Mais ce n'est pas seulement le Canada qui bénéficiera de la ZLEA. Elle répondra aux besoins des économies dynamiques en forte croissance de notre hémisphère. Pour les pays des Amériques où le chômage est élevé et où les défis sociaux sont énormes—et, croyez-moi, nombreux—, la ZLEA favorisera la croissance et le développement, ce qui leur permettra d'affecter des ressources à la résolution de problèmes qu'ils pourraient difficilement surmonter autrement.

Il est assez évident que, à la table de négociation de la ZLEA, il existe une disparité très considérable entre les capacités des divers pays. Il en était de même dans le cadre de l'OMC. Nous avons comme défi de faire en sorte que la ZLEA assure des avantages à tous les partenaires de l'accord. Dans le cas contraire, la formule ne fonctionnera pas. À titre de pays développé, nous devons travailler d'arrache-pied pour faire en sorte que tous y trouvent leur compte. Les avantages doivent en effet être largement partagés.

Selon nous, l'argumentaire anti-ZLEA ne correspond aux intérêts ni du Canada, ni de tout autre pays. C'est bien simple, le commerce et les échanges font croître le niveau de vie et favorisent l'innovation. Leur absence engendre la pauvreté.

On a cassé beaucoup de sucre sur le dos des grandes sociétés et vilipendé leurs obscurs desseins. Voilà qui fait abstraction de la croissance rapide du nombre des petites et moyennes entreprises dans toutes les régions de notre pays. Ces dernières profitent des possibilités de débouchés qui existent à l'extérieur de nos frontières. D'ailleurs, 70 p. 100 des exportateurs canadiens de biens et de services sont de petites et moyennes entreprises dont le chiffre d'affaires annuel est inférieur à 1 million de dollars. Ce sont également ces PME qui créent la très grande majorité des emplois ici au Canada. Pour évoluer, elles ont besoin d'un système fondé sur des règles valables.

Permettez-moi maintenant de focaliser sur un certain nombre d'objectifs clés des négociations. Un premier objectif a trait à la réduction des droits tarifaires. Bien que les droits tarifaires baissent en raison d'accords commerciaux multilatéraux, les obstacles tarifaires continuent d'être un élément important des discussions relatives à la ZLEA aussi bien pour le Canada que pour d'autres partenaires qui y participent. Du total des importations canadiennes de la ZLEA, 94 p. 100 entrent au Canada en franchise de droits. Cependant, des droits tarifaires s'appliquent à certains de nos produits d'exportation les plus importants. Pensons par exemple aux produits du papier, qui sont visés par des droits tarifaires allant de 5 p. 100 à 22 p. 100. Au matériel de télécommunication, visé par des tarifs allant de 3,5 p. 100 à 32 p. 100, aux pièces d'automobiles, auxquelles s'appliquent des droits tarifaires de 12 p. 100 à 20 p. 100, et la potasse, visée par des droits de 4 p. 100 à 12 p. 100. Il s'agit de taux fort élevés et il importe donc que ces obstacles tarifaires soient surmontés.

Dans l'optique des pays qui offrent leurs biens au Canada, nous allons devoir faire la démonstration que nos efforts de libéralisation vont dans les deux sens et se concrétisent en temps opportun.

Le Canada reconnaît depuis déjà longtemps que toute évolution rapide de la structure tarifaire se répercute sur la structure et la compétitivité des secteurs d'activité économique des pays concernés. D'où l'idée de réductions étalées. Il s'agit là d'une pratique normale.

Autre objectif prioritaire, qui concerne le domaine des services, où le Canada a beaucoup à offrir. Il s'agit du secteur dont la croissance est la plus rapide dans bon nombre de pays, à mesure que les diverses économies évoluent vers de nouvelles assises. Pour ce qui est du Canada, les occasions dans le domaine des services sont considérables en matière d'environnement, d'énergie, de télécommunication, de services financiers et de diverses autres catégories de services professionnels.

Un objectif clé a été d'assurer la circulation efficace des personnes de part et d'autre des frontières.

Une troisième priorité est ce que j'appelle la facilitation des affaires. Ce n'est pas un sujet très intéressant pour la plupart des gens, mais les obstacles techniques au commerce sont un aspect crucial de la question de libre circulation des personnes et des biens. Les procédures de douanes, les exigences en matière de visa, les normes de documentation, les exigences sanitaires et phytosanitaires, les règles d'origine, tous ces éléments pratiques sont très importants pour la structure d'un système d'échanges et figurent parmi nos principales priorités.

• 1630

Certains pays des Amériques ont des administrations douanières dont les ressources financières et humaines sont insuffisantes et ne possèdent pas l'expérience pour assurer un traitement cohérent et prévisible des personnes qui entrent dans ces pays. Le Canada est déjà en train de fournir une aide importante dans la région au chapitre du renforcement des capacités. C'est une mesure importante qui devrait se poursuivre.

L'investissement représente une quatrième priorité. Nous sommes convaincus que cela doit faire partie intégrante de l'accord sur la ZLEA, mais la question comporte plusieurs aspects—les questions d'obstacles, de non-discrimination et de protection des investisseurs. Il est important de réfléchir à chacun d'eux et à l'ensemble.

Les pays de l'Amérique latine ont besoin d'investissements étrangers, mais il existe une foule d'obstacles particuliers dont il faut discuter dans le cadre de la négociation de la ZLEA. Certains sont apparents, d'autres ne deviendront évidents qu'une fois qu'on tâchera de lancer un investissement.

En ce qui concerne la protection des investisseurs, vous vous rappellerez le rapport de 1989 sur la démarche du Canada concernant la ZLEA. Ce même comité avait indiqué qu'il fallait se donner comme principal objectif l'établissement de mesures solides en matière de protection de l'investissement. Nous sommes du même avis. Nous avons également été encouragés par l'appui solide exprimé par le ministre Pettigrew envers la nécessité d'assurer la protection des investisseurs, dans l'article qu'il a écrit pour le National Post la semaine dernière.

Les investisseurs ont besoin de certitude, de confiance et de traitement équitable de la part des pays où ils investiront. Les entreprises canadiennes qui investissent en Amérique latine réclament cette garantie. Les attentes sont exactement les mêmes en ce qui concerne les entreprises qui investissent au Canada.

Au bout du compte, il faut que les gouvernements hôtes soient tenus responsables des règles qu'ils ont eux-mêmes adoptées et il faut qu'ils s'agissent de façon non discriminatoire. S'il y a discrimination, que les gouvernements ne s'en cachent pas; les investisseurs pourront décider en connaissances de cause s'ils veulent investir.

En tant que pays qui a besoin d'investissement international tout en étant lui-même une source d'investissement, le Canada doit respecter cette réciprocité.

Le règlement des différends est un autre aspect important de ce débat. L'année dernière, nous avons fait une enquête à propos des obstacles à l'investissement international et 93 p. 100 des répondants ont indiqué que des dispositions prévoyant un mécanisme de règlement de différends entre l'investisseur et l'État était très important ou important. C'est pourquoi nous estimons qu'un accord sur la ZLEA doit incorporer des mesures qui permettront le traitement équitable et efficace des différends.

Monsieur le président, permettez-moi de conclure par une observation à propos du programme du sommet et de ses liens avec la ZLEA. Contrairement à la description qu'en ont faite les médias, le sommet de Québec traitera de nombreux autres sujets que le commerce. Aucun accord sur la ZLEA ne sera signé à Québec. Les gouvernements sont en train de faire le point à cette étape-ci des négociations; il restera beaucoup d'autres choses à débattre. La suite et le déroulement des négociations seront d'importants sujets de discussion vers la fin du mois. Au sommet, les autres points à l'ordre du jour portant sur la démocratie, la connectivité et le potentiel humain sont d'une importance critique pour le progrès général du développement dans les Amériques.

Un engagement envers les principes démocratiques, la primauté du droit et la paix et la sécurité sont indispensables pour promouvoir un meilleur niveau de vie pour tous les habitants des Amériques. C'est précisément le type d'environnement qui favorise les affaires, le développement économique, la croissance et la prospérité pour tous.

Sur le plan des affaires, nous encourageons les chefs d'État à travailler fort pour concrétiser ces points à l'ordre du jour et pour encourager les progrès, car nous en profiterons tous. Je vous remercie.

Le président suppléant (M. John Harvard): Je vous remercie, monsieur Keyes.

Chers collègues, M. McCreery a indiqué que les représentants de l'industrie du maltage prendraient environ deux minutes pour compléter la présentation débutée par M. McCreery. Si cela vous convient, donnons la parole à M. Philip deKemp pendant quelques minutes, après quoi nous passerons aux questions.

Nous avons environ 55 minutes, donc je crois que nous avons le temps. Monsieur deKemp, allez-y.

M. Philip A. deKemp (président, Malting Industry Association of Canada): Merci beaucoup, monsieur le président. J'aimerais ajouter mes commentaires à ceux de Liam et aborder brièvement les avantages et les inconvénients de l'accord sur la ZLEA.

En tant que président de la Malting Industry Association of Canada, je voulais signaler au comité que nous disons que nous voulons conclure des ententes commerciales alors que le Canada a encore des obligations et des droits en vertu de l'OMC dans des pays comme le Brésil, et certainement dans le secteur de l'agriculture... Pour vous donner un exemple, il y a cinq ans, le Brésil a imposé des tarifs au blé du Canada. Nous avons ainsi perdu trois quarts de millions de tonnes de céréales, surtout du blé, ce qui représente environ 150 millions de dollars.

• 1635

Lorsque le Brésil agit de cette façon, bien sûr, il est autorisé à le faire en vertu de l'OMC en accroissant ses tarifs, mais ils doivent offrir quelque chose en contrepartie. Dans le cas du Canada, un protocole d'entente a été négocié il y a trois ans pour prévoir l'accès d'autres produits agricoles au Brésil, dont le malt. Le malt, notre industrie, représente 20 p. 100 de nos exportations vers ce pays, et deux tiers de notre production est destinée à l'exportation.

Malheureusement, rien ne s'est fait et donc la question dont est saisi le comité... On a toujours l'impression que le Canada veut jouer selon les règles, veut faire partie du jeu, veut si je puis utiliser l'analogie, jouer au hockey. Mais si les règles ne jouent pas en votre faveur, nous disons: Jouons deux parties sur trois ou trois sur cinq, jusqu'à ce que nous gagnions.

Le fait est qu'on nous doit au Canada 150 millions de dollars en indemnisations et pourtant nous sommes prêts à envisager un autre accord de libre-échange des Amériques sans demander l'indemnisation qui revient de droit au Canada, pour les produits agricoles et pas simplement le malt.

Chaque fois que nous tâchons de soulever cette question concernant le secteur agricole, le ministère des Affaires étrangères et du Commerce international la relègue à l'arrière-plan parce que nous sommes aux prises, nous disent-ils constamment, avec un problème plus important que le problème agricole—à savoir la situation de Bombardier dans le secteur de l'aviation. Nous avons des droits mais nous ne les exerçons pas encore.

Donc, la question qui se pose au comité permanent est la suivante: si nous avons l'intention de conclure de nouveaux accords, réglons les aspects pour lesquels nous avons à l'heure actuelle des droits et des obligations, y compris au Brésil.

Le président suppléant (M. John Harvard): Merci beaucoup, monsieur deKemp.

Nous allons maintenant passer aux questions. Selon les règles, chaque député a cinq minutes. Chers collègues, nous avons plus de 45 minutes, donc si votre temps est écoulé lors de votre tour, ne vous inquiétez pas; je suis sûr que vous aurez un deuxième tour.

Nous allons commencer par l'Alliance et M. Lunn, suivi de Mme Lalonde du Bloc, puis nous passerons à M. O'Brien du gouvernement.

Monsieur Lunn, cinq minutes.

M. Gary Lunn (Saanich-Gulf Islands, AC): Merci, monsieur le président. Je m'excuse d'avoir dû sortir. Je devais faire un appel important. Je ne voulais pas me montrer irrespectueux.

J'ai écouté les témoins et aussi Elizabeth May du Sierra Club. Tout le monde semble mettre complètement l'accent sur la ZLEA plutôt que sur le Sommet des Amériques. J'aimerais avoir les commentaires de nos témoins à ce sujet. Je crois que le Sommet des Amériques sera loin de se limiter à la question de la ZLEA. Aucun accord commercial ne sera conclu à Québec. Je soupçonne que les négociations seront très préliminaires. Il faudra attendre au moins jusqu'à 2005 avant de constater quoi que ce soit de concret.

Il y a tant d'autres questions importantes dont nous devrions discuter et j'aimerais avoir vos commentaires à ce sujet. Nous ne sommes pas assez naïfs pour croire que le sommet ne porte que sur la ZLEA. Effectivement, c'est un élément du sommet, mais ce texte important, comme vous l'ont indiqué les témoins ce matin, n'est que la position générale des 34 États membres. La situation évoluera et il sera très important que nous obtenions le texte et que nous tenions un débat public en règle.

Je voudrais ajouter une chose à ce que le dernier témoin vient de dire, monsieur le président. Je crois que c'était...

Le président suppléant (M. John Harvard): M. deKemp, de l'industrie du malt.

M. Gary Lunn: Monsieur deKemp, je désire vous poser une question, si vous pouvez m'entendre. Je comprends vos préoccupations. Pourquoi nous lançons-nous dans la négociation d'un nouvel accord de libre-échange alors que nous ne pouvons même pas faire face à tous ceux que nous avons déjà? Je citerais par exemple le bois d'oeuvre. Nous trouvons tous extrêmement frustrant de voir que malgré l'accord de libre-échange qu'est l'ALENA, les États-Unis se montrent protectionnistes dans bien des secteurs. L'envers de la médaille est que nous devons continuer d'utiliser ces instruments et d'aller plus loin, mais cela peut également nous donner les moyens de pousser les choses beaucoup plus loin à l'aide des outils déjà en place.

Je crois que l'ALENA et les accords de libre-échange nous ont permis de prospérer et, bien qu'ils ne soient pas parfaits—il suffit de voir la situation avec le Brésil—, cela ne veut pas dire que ce soit un échec total.

Par conséquent, lorsque nous négocions un accord sur la ZLEA avec les États-Unis ou le Brésil, nous devrions leur dire que nous voulons signer un accord de libre-échange pour l'hémisphère et que nous nous attendons à ce qu'ils respectent les accords existants. Et nous devrions les pousser encore plus afin qu'ils aient une certaine crédibilité lorsqu'ils négocieront. Je crois que cela peut servir nos intérêts.

• 1640

Merci, monsieur le président. Je sais que nous n'avons pas beaucoup de temps. Je ne sais pas si vous voulez simplement demander à certaines personnes de répondre...

Le président suppléant (M. John Harvard): Oui, je vais le faire. Vous avez déjà utilisé trois minutes sur les cinq qui vous étaient imparties, alors pourquoi ne pas demander à Jen Anthony et peut-être à M. deKemp, vu que vous l'avez désigné, de vous répondre brièvement et peut-être pourrons-nous également laisser John Foster répondre aussi. Pourriez-vous vous contenter de réponses assez courtes?

Mme Jen Anthony: En 60 secondes ou moins... Le Sommet des Amériques est évidemment important. Nous avons la possibilité d'utiliser ce processus pour promouvoir les droits humains et la démocratie dans toutes les Amériques. Voilà quel devrait être le résultat de ce processus.

Malheureusement, il a été détourné en grande partie par les négociations sur la ZLEA, et la plupart des efforts visent jusqu'à présent la signature de cet accord. Même si nous supposons que ce n'est pas le cas et que cela ne représente qu'une partie du processus, en fin de compte, le texte de l'ALEA et l'accord que nous conclurons vont, s'ils ressemblent ne serait-ce que vaguement aux autres accords de libre-échange que nous avons déjà, saper les autres efforts déployés lors du sommet pour promouvoir les droits humains et la démocratie.

Par conséquent, même si nous nous préoccupons des autres composantes de ce sommet, c'est le libre-échange qui prédomine.

M. Gary Lunn: Rien ne sera signé à Québec d'après ce que j'ai compris.

Mme Jen Anthony: Nous le savons.

Le président suppléant (M. John Harvard): Merci. Nous allons donner la parole à M. deKemp pour qu'il réponde brièvement, et ensuite à M. Foster.

M. Philip deKemp: Pour ce qui est du Brésil, si nous prenons le temps d'examiner les choses, pour le moment, le Canada a perdu des ventes de blé d'une valeur de 150 millions de dollars. Je ne représente même pas l'industrie du blé. Pour ce qui est du secteur du malt, nous avons des droits de douane de 14 p. 100 sur le malt et de 25 p. 100 sur le transport. Nous ne vendrons sans doute pas beaucoup de malt l'année prochaine. Pour vous donner un chiffre approximatif, le gouvernement fédéral vient d'annoncer une aide de 500 millions de dollars pour les agriculteurs; sur cette somme, il y aura sans doute environ 140 millions de dollars pour la Saskatchewan. Nous en perdrons à peu près 15 p. 100 de ce montant simplement parce qu'on n'achètera plus d'orge à la Saskatchewan pour ce marché.

Nous avons un accord. Nous n'exerçons pas nos droits à une indemnisation et j'avoue que ce n'est pas tellement à cause du Brésil. C'est à cause du Canada étant donné que toutes les questions agricoles ont été mises de côté afin que nous puissions régler le problème de Bombardier. C'est ce qu'on nous dit depuis quatre ans, mais pendant ce temps, nous avons perdu toutes ces ventes. Nous continuerons à perdre 150 millions de dollars par an. Je ne sais pas à combien se chiffrait l'indemnisation pour Bombardier, 320 millions ou un autre montant, mais 150 millions de dollars représentent la moitié. Pourtant, nous ne voulons pas en parler parce que nous avons d'autres problèmes à régler dans le secteur de l'aérospatiale. Voilà ce que nous avons essayé de faire valoir.

Le président suppléant (M. John Harvard): Monsieur Foster, avez-vous une brève réponse?

M. John Foster: Tout d'abord, je crois qu'il y a un an environ, l'ancien premier ministre du Québec, Pierre-Marc Johnson, a parlé dans un article du Globe and Mail, du déséquilibre institutionnel entre notre investissement dans le commerce et les accords sur l'investissement—l'investissement d'énergie, les avocats commerciaux, les gens du MAECI et de diverses autres institutions, d'une part—et notre investissement dans les questions sociales et les droits de la personne, d'autre part.

Voilà à peu près sur quoi reposent les revendications de la société civile à Québec. Les pourparlers de Québec nous donneront sans doute une autre déclaration bienveillante. Ils pourraient se traduire par une nouvelle série de mesures relativement mineures dans plusieurs domaines. Mais ils n'auront pas l'influence ou, comme l'a dit mon collègue, l'effet qu'auront les négociations commerciales.

Par conséquent, si nous parlions plutôt du genre de négociation que propose Elizabeth May, un peu sur le modèle européen où les parlementaires ont participé, qui incluait une charte des droits, une supervision démocratique sur des bases collectives, le sommet de Québec pourrait être pris plus au sérieux. Sinon, les gens verront seulement ce qu'on leur présentera.

Merci.

Le président suppléant (M. John Harvard): Merci. Nous allons maintenant donner la parole au Bloc, à M. Paquette, pour cinq minutes.

[Français]

M. Pierre Paquette (Joliette, BQ): Je vous remercie pour vos présentations respectives.

Je pense qu'on a mentionné que la question des tarifs est relativement secondaire pour le Canada dans la négociation. C'est plus la question des investissements qui est au centre des enjeux de la négociation.

Est-ce que pour vous, monsieur Foster et monsieur Keyes, le chapitre 11 de l'Accord de libre-échange nord-américain peut être une base de négociation acceptable pour la Zone de libre-échange des Amériques ou si on devrait partir d'une autre base, et laquelle?

• 1645

Je pense qu'on convient que les investisseurs ont droit aussi à une certaine sécurité, donc, de quel ordre pourrait être une négociation bien pensée concernant les investissements?

[Traduction]

M. Robert Keyes: Revenons pour commencer à ce qu'est un accord sur l'investissement.

Un accord sur l'investissement vise à faire en sorte que, lorsqu'une société investit dans un pays, elle sera traitée équitablement. Comme je l'ai dit, la question de l'investissement comprend trois composantes. Il faut d'abord des règles et une certitude, ensuite une absence de discrimination, ce qui signifie le traitement national et des conditions équitables et, troisièmement, le règlement des différends États-investisseurs et les droits de recours.

Le chapitre 11 de l'ALENA a récemment été vivement critiqué. Le ministre a demandé que l'on éclaircisse la terminologie et les définitions utilisées et que l'on retourne aux intentions initiales des rédacteurs. Je suppose que les intentions de ces derniers se sont perdues en cours de route.

Cinq causes ont été portées devant un groupe spécial et une décision a été prise en arbitrage depuis l'entrée en vigueur de l'ALENA il y a cinq ou six ans et, selon moi, cela n'a rien de catastrophique. Je dirais également que, compte tenu du volume d'investissement entre les trois pays, le nombre de contestations est assez limité.

Le chapitre 11 est certainement considéré comme un point de départ, comme un modèle. Requiert-il certains éclaircissements? Peut-être. Faudrait-il lui apporter des modifications? Cela se peut. Est-il possible de l'améliorer sur le plan de la procédure, de la transparence et des autres aspects qui ont été abordés? C'est très possible. Examinons la question, mais n'allons pas dire que c'est catastrophique et mettre sur le dos du chapitre 11 l'incapacité des gouvernements à établir une réglementation dans l'intérêt public. Les gouvernements produisent encore des tas de règlements et je ne crois pas que chacun d'eux soit contesté.

Je pense que nous devons examiner toute cette question de façon objective. Peut-être le comité devrait-il s'en charger, mais examinons de façon très objective quelles sont vraiment les questions clés dans ce débat.

Le président suppléant (M. John Harvard): Merci.

Monsieur Foster ou monsieur Dillon, voulez-vous répondre à cela?

M. John Foster: Monsieur le président, je crois que nous avons clairement fait valoir, dans notre exposé, que nous ne sommes pas d'accord pour continuer avec la procédure que prévoit le chapitre 11 à l'égard des différends opposant l'État et l'investisseur. L'expérience du Canada n'a pas été positive en ce qui concerne la plupart des 16 cas dont nous avons eu connaissance jusqu'ici et a de quoi nous faire réfléchir, sans oublier les millions de dollars canadiens que cela nous a coûtés.

Je tiens d'abord à dire que c'est inquiétant pour la démocratie. Il est question ici d'un privilège accordé aux investisseurs étrangers, vis-à-vis des investisseurs canadiens, en ce sens qu'ils peuvent traiter avec l'État canadien en passant par-dessus les Canadiens, les électeurs. Il s'agit d'un processus secret à moins que la société intéressée n'en décide autrement. Nous pensions que nous nous étions débarrassés de cela à peu près à l'époque de la guerre civile en Angleterre. Il s'agit d'un processus qui, dans une large mesure, contourne la procédure établie aux niveaux provincial et national. C'est un processus qui confère aux États des obligations vis-à-vis des entreprises commerciales sans qu'il n'y ait l'équivalent dans l'autre sens.

Ce n'est pas un bon départ. Nous croyons toutefois que si nous poursuivons sur cette base, ce n'est là qu'un début et nous assisterons à un renouvellement des efforts internationaux visant à créer un accord multilatéral sur investissement, un sujet qui a tellement suscité la controverse il y a quelques années.

Je crois que ces questions ont des répercussions pour tous les parlementaires et tous les Canadiens et pas seulement pour ceux qui s'intéressent à l'investissement et au commerce.

Je vais m'arrêter là.

Le président suppléant (M. John Harvard): Merci.

Monsieur O'Brien, je vous en prie.

• 1650

M. Pat O'Brien (London—Fanshawe, Lib.): Merci, monsieur le président. Je voudrais formuler une ou deux observations, si vous le permettez, ainsi qu'une ou deux questions. Je ne répéterai pas ce qu'a dit M. Hart, un témoin que nous avons entendu ce matin, mais il a fait d'excellentes observations—que je recommande à nos témoins de lire—quant à la différence entre les pourparlers secrets et les pourparlers qui doivent rester privés. Je ne vois pas comment on peut parler ici de «pourparlers secrets» quand des milliers de gens dont certains se sont déclarés en faveur de la violence, vont se réunir à Québec. J'en resterai là, car je veux poursuivre la discussion, mais j'ai trouvé qu'il s'agissait là de propos tout à fait logiques.

On a fait valoir que le gouvernement voulait seulement entendre ceux qui appuyaient l'accord. Nous avons entendu des témoins aujourd'hui. Quatre sur six ont exprimé des réserves sinon une opposition totale à l'égard de ce processus. Nous avons écouté ces opinions en comité parlementaire. Ce soir, à la Chambre des communes, comme chacun sait, il y a aura un débat thématique auquel tous les parlementaires ou la plupart pourront participer. Il y a un sous-comité spécial sur le commerce qui tient également des audiences. Il y a un site Web qui est ouvert depuis des semaines et que de nombreux Canadiens ont visité. Le ministre du Commerce international a rencontré un certain nombre d'ONG.

Monsieur le président, il est faux de déclarer que le gouvernement ne s'intéresse pas aux opinions de ceux qui ne croient pas à la zone de libre-échange des Amériques ou à ce sommet en général.

M. Foster a mentionné que le ministre avait rencontré plusieurs de ses collègues et lui-même sans qu'il ne soit nécessaire de prendre des mesures de sécurité. C'est merveilleux et nous aurions aimé que les choses puissent se passer ainsi à Québec. Mais il serait naïf de le croire.

Je voudrais citer un témoin que nous avons entendu ce matin, monsieur le président. Voici le bulletin de FOCAL, un groupe que vous connaissez certainement, daté de mars 2001. On peut y lire ceci:

    C'est malheureux qu'un groupe minoritaire d'intervenants semblent participer de façon constructive au règlement des principaux problèmes de la population de l'hémisphère.

Voilà pourquoi, monsieur le président, le gouvernement canadien démocratiquement élu a le devoir de faire en sorte que ces personnes ne sabotent pas le sommet. Si ceux qui ne sont pas d'accord obéissent aux lois, manifestent comme ils en ont démocratiquement le droit et n'aillent pas là-bas dans le but de saboter ce sommet, nous pourrons avoir une excellente réunion, comme celle que M. Foster semble avoir eue avec ses collègues. Mais je crois qu'il serait naïf de l'espérer.

Pour en venir à mes questions, je me demande si Mme Anthony est au courant du récent rapport de M. Kofi Annan, des Nations Unies, dans lequel il déclare que l'accroissement, la libéralisation et la mondialisation du commerce sont essentiels pour remédier à la pauvreté dans les pays moins développées et en développement. Êtes-vous au courant? Et si c'est le cas, qu'en pensez-vous?

Mme Jen Anthony: J'avoue honnêtement que je ne connais pas les détails du rapport dont vous parlez. Toutefois...

M. Pat O'Brien: Non, non, très bien. Si vous n'êtes pas au courant, vous ne pouvez sans doute pas répondre.

Mme Jen Anthony: Je peux peut-être faire une observation générale quant à nos impressions.

M. Pat O'Brien: Il y a des impressions qui sont de fausses impressions et nous en avons déjà entendues aujourd'hui. Nous voulons entendre l'opinion des gens, mais... Si vous ne connaissez pas la teneur de ce rapport, je préfère passer à la question suivante.

Je dirais simplement que les observations de M. Annan ont été répétées, dans une certaine mesure, par le premier ministre travailliste, Tony Blair, lorsqu'il a pris récemment la parole devant le Parlement canadien. Ces propos ont en tout cas été réitérés à la table ronde ministérielle à laquelle j'ai assisté la semaine dernière à Londres et qui était présidée par Clare Short, ministre du Développement du Royaume-Uni. Les ministres du Développement ont tout simplement dit la même chose. Ils ont dit... comme l'a souligné M. Keyes, que la meilleure solution réside dans la mondialisation et la libéralisation des échanges. Au lieu de faire du tort aux pays moins développés et en développement, c'est pour eux la meilleure solution.

Je veux maintenant passer à ma question suivante. En fait, elle s'adresse de nouveau à Mme Anthony. J'ai pris note de vos paroles, car elles ont retenu mon attention. À propos de vos étudiants, vous avez parlé de leur opposition au libre-échange international. J'ai sans doute été déçu de l'entendre, car Mme May nous a dit qu'ils ne s'opposaient pas à la mondialisation, mais simplement à cette version du libre-échange. Je partage peut-être certaines de ces réserves. Je suis toutefois déçu d'entendre une représentante du mouvement étudiant dire que sa fédération s'oppose au libre-échange international. Je me demande si vous avez adopté une résolution à l'occasion d'une conférence nationale et, si c'est le cas, si vous seriez prête à déposer cette résolution.

• 1655

Le président suppléant (M. John Harvard): Je voudrais seulement souligner que vous devez laisser du temps pour des réponses. Vous avez eu cinq minutes, monsieur O'Brien...

M. Pat O'Brien: Monsieur le président, si vous le permettez...

Le président suppléant (M. John Harvard): ... et nous n'avons obtenu aucune réponse.

M. Pat O'Brien: Oui. Si vous le permettez, j'ai posé ma première question, mais elle n'était pas au courant de ce rapport. Je le comprends et je passe donc à ma question suivante.

Le président suppléant (M. John Harvard): Je le sais, mais vous avez consacré cinq minutes à vos questions et nous n'avons toujours pas eu une seule réponse.

Jen.

M. Pat O'Brien: Nous allons peut-être en avoir une maintenant.

Mme Jen Anthony: Je commencerai par dire qu'il y a deux grands mythes concernant le commerce. Le premier est que le grand public ne peut pas comprendre ce qu'est le commerce, ce qui me paraît injuste. Le deuxième est que nous n'avons que deux solutions, soit le libre-échange ou aucun commerce.

La Fédération canadienne des étudiants et ses associations affiliées ne s'opposent pas au commerce. Nous nous opposons au libre-échange.

Je répondrai à la deuxième partie de votre question. Effectivement, nous avons une politique—je n'en ai pas le texte ici avec moi—intitulée «accords commerciaux». Nous y faisons l'historique des accords commerciaux canadiens et demandons l'abrogation de l'accord de libre-échange avec les États-Unis. Nous réclamons également l'abrogation de l'ALENA, le retrait immédiat des services et des négociations avec l'OMC, le retrait du Canada de toute négociation future concernant la ZLEA, et nous préconisons que le Canada n'entreprenne plus jamais de négociations semblables à celles de l'AMI qui ont échoué.

Ainsi, oui, nous avons des politiques à cet égard. Elles ont été adoptées lors de l'assemblée générale de notre fédération. Notre fédération tient deux assemblées générales nationales par année.

Le président suppléant (M. John Harvard): Nous allons passer au tour suivant.

M. Pat O'Brien: Ces documents peuvent-ils être déposés auprès du comité?

Mme Jen Anthony: Oui. Volontiers.

M. Pat O'Brien: Merci.

Le président suppléant (M. John Harvard): Ce sera fait. Merci.

Monsieur Robinson, vous avez cinq minutes.

M. Svend Robinson (Burnaby—Douglas, NPD): Merci, monsieur le président. Je ne vais pas utiliser mes cinq minutes pour faire un discours mais je voulais faire la remarque suivante. Quand M. O'Brien a glorifié le libre-échange à l'échelle de l'hémisphère et ses avantages, il aurait peut-être dû parler des Autochtones du Chiapas ou des pauvres femmes qui travaillent dans les zones du maquiladora, manipulant des produits chimiques toxiques, à des salaires et dans des conditions de travail qui sont absolument épouvantables. Pour ces gens-là, le libre-échange n'a pas été tellement positif, et c'est le cas de bien d'autres pauvres gens à l'échelle de l'hémisphère.

Mes questions portent sur deux sujets. Ma première question s'adresse à M. Keyes. Cette question est semblable à une de celles que j'ai posées lors d'une séance précédente et pour laquelle je n'ai pas obtenu de réponse, si bien que je m'essaie avec vous.

Les accords commerciaux existants—OMC, ALENA—protègent ce que l'on appelle la propriété intellectuelle et la protègent très vigoureusement. Nous le savons, au Brésil, les compagnies pharmaceutiques qui viennent de déclarer des bénéfices record affirment leurs droits à la propriété intellectuelle pour empêcher le Brésil de fabriquer des médicaments bon marché qui pourraient permettre de lutter contre le VIH/sida. On fait la même chose en Afrique du Sud.

Nous savons que les droits à la propriété intellectuelle ont été affirmés dans d'autres tribunes. En fait, ici au Canada, la Loi sur les brevets est en train d'être modifiée à cause de cela. Dans le cadre des accords commerciaux, ces droits peuvent être revendiqués.

Voici ce que je demande à M. Keyes. Si les entreprises en général et les compagnies pharmaceutiques en particulier peuvent faire valoir leurs droits de protéger leur propriété intellectuelle dans le cadre de ces accords commerciaux, pourquoi les travailleurs ne pourraient-ils pas eux faire valoir leurs droits? Par exemple, ce pourrait être les droits fondamentaux reconnus internationalement, reconnus par l'OIT—le droit de se syndiquer, la liberté d'association, le droit des enfants à ne pas être exploités, ni eux ni leur travail. Pourquoi ces droits ne seraient-ils pas tout aussi importants que les droits des compagnies pharmaceutiques qui souhaitent protéger leur propriété intellectuelle? S'ils sont tout aussi importants, pourquoi ne pourraient-ils pas être revendiqués dans le contexte d'un accord commercial, tout comme les droits à la propriété intellectuelle le sont.

M. Robert Keyes: Il m'intéresserait de savoir à qui vous avez posé la question quand vous n'avez pas obtenu une réponse.

M. Svend Robinson: C'était un autre témoin du milieu des affaires.

M. Robert Keyes: Un autre témoin du milieu des affaires.

Personne nie l'importance de la question des droits de la personne et celle de l'environnement et du travail. Cela se résume à savoir comment on peut affirmer régulièrement ces droits.

Il existe des organisations comme l'OIT qui sont très... je veux dire que c'est leur mission...

M. Svend Robinson: Cela ne semble pas donner de très bons résultats, n'est-ce pas, quand il s'agit de faire valoir ces droits?

M. Robert Keyes: Non. C'est parce que cette organisation ne dispose pas des mêmes mécanismes que l'OMC, ou de ce que les accords commerciaux permettent, car ces derniers prévoient des règles, avec des processus et des étapes très précises. L'OIT devrait peut-être disposer des mêmes outils. Nous devrions peut-être disposer de ce genre de mécanismes grâce aux accords environnementaux multilatéraux. Les accords commerciaux et les questions commerciales sont traités dans le contexte d'une entente commerciale. C'est là le but de l'entente.

• 1700

Renato Ruggiero a dit il n'y a pas très longtemps qu'une entente commerciale n'était pas un arbre de Noël destiné à recevoir des ornements. Si...

M. Svend Robinson: Eh bien, il y a un ornement qui s'y prélasse actuellement et c'est la propriété intellectuelle. Depuis quand est-ce considéré comme commercial?

M. Robert Keyes: C'est certainement commercial.

M. Svend Robinson: Pourquoi est-ce plus commercial que...

M. Robert Keyes: Est commercial tout ce qui sert à vendre un produit, et on tient à protéger les produits et les droits qui y sont associés quand on a développé ces produits.

M. Svend Robinson: Et si vous vendez votre travail...

M. Robert Keyes: Le travail ne peut pas être assimilé à une pilule...

M. Svend Robinson: Ou à un brevet...

M. Robert Keyes: ... ou à un brevet. Pour ce qui est du travail, je ne veux absolument pas minimiser l'importance du travail et des services que les gens offrent. Mais, nous estimons que c'est dans les tribunes et grâce aux mécanismes qui sont précisément conçus et orientés à cette fin qu'il faut traiter de ces questions. Cela vaudra beaucoup mieux à long terme...

M. Svend Robinson: La Chambre de commerce a-t-elle...

M. Robert Keyes: ... que d'essayer de tout faire tenir dans un accord commercial.

M. Pat O'Brien: Monsieur le président, j'invoque le Règlement. Pourrait-on avoir la possibilité d'écouter les réponses des témoins sans qu'ils soient constamment interrompus par M. Robinson ou un autre député?

M. Svend Robinson: M. O'Brien a eu l'occasion de poser ses questions, monsieur le président.

M. Pat O'Brien: C'est vrai et vous avez eu vous l'occasion de poser les vôtres, Svend. Nous aimerions entendre les réponses.

Le président suppléant (M. John Harvard): Essayez d'abréger.

M. Svend Robinson: Le témoin de... je suis impatient de voir les représentants de la Chambre de commerce faire des démarches auprès de l'OIT pour renforcer les mécanismes d'application afin de garantir...

M. Robert Keyes: Puis-je ajouter quelque chose, monsieur le président?

M. Svend Robinson: J'ai une dernière question, monsieur le président.

Le président suppléant (M. John Harvard): Comme nous manquons de temps, nous allons passer à la question suivante.

Allez-y monsieur Robinson.

M. Svend Robinson: Ma dernière question, monsieur le président, s'adresse aux témoins de Common Frontiers.

On se demande s'il ne serait pas opportun, dans le contexte des négociations de la ZLEA de dire: «Non. Plus de ZLEA. Occupons-nous des accords existants et tentons de redresser les lacunes très profondes qui y existent.» Ou bien, comme certains l'ont proposé, nous devrions tenter d'inclure des clauses sociales ou environnementales, ou des clauses sur les droits des travailleurs dans la ZLEA. Quelle est la position de Common Frontiers là-dessus?

Le président suppléant (M. John Harvard): Pouvons-nous avoir une brève réponse. Nous manquons de temps.

M. John Dillon: Très brièvement, monsieur Robinson, notre position est que l'on ne peut pas réparer un accord bancal en y ajoutant de très bonnes clauses concernant le travail ou une clause sociale. Il faut s'occuper de ce qui ne va pas dans l'accord. Il faut s'occuper des dispositions concernant la propriété intellectuelle, celles qui concernent l'investissement, les chapitres sur les services. Un bon accord qui serait conçu sur une autre base, reconnaissant les droits fondamentaux de la personne, les principes du libre-échange, les principes de la souveraineté de l'État au regard des investissements, contiendrait des clauses sociales et syndicales. On ne peut pas réparer l'accord existant en y ajoutant tout simplement une clause.

Le président suppléant (M. John Harvard): Merci beaucoup. Nous manquons de temps.

Nous allons passer à M. Patry.

[Français]

M. Bernard Patry (Pierrefonds—Dollard, Lib.): Merci beaucoup, monsieur le président.

[Traduction]

Je voudrais adresser quelques remarques à M. Dillon. Vous parlez beaucoup de la propriété intellectuelle. La première chose que vous avez dite, c'est que vous avez publié l'étude de l'université Queen's en 1997. Je faisais partie du comité en 1997, et je tiens à vous dire que cette étude a été parrainée et financée par une compagnie de produits génériques. C'est la première chose que je tiens à vous dire.

Deuxièmement, vous avez dit que le prix des médicaments était trop élevé. Vous savez sûrement qu'il existe un organe, une commission d'examen, qui se penche sur le prix des nouveaux médicaments. Vous avez ajouté que le coût qui grimpait le plus rapidement dans le domaine de la santé au Canada était celui des médicaments. Il y a bien d'autres raisons qui expliquent cela. Au Québec, nous disons

[Français]

le virage ambulatoire.

[Traduction]

C'est plutôt important. L'essentiel est que la population est vieillissante et que beaucoup de gens vivent désormais plus longtemps. C'est l'une des raisons qui explique que le coût des médicaments et des soins de santé au Canada augmente.

Une autre des raisons est qu'avec ce

[Français]

virage ambulatoire,

[Traduction]

certaines personnes subissant des interventions chirurgicales, comme par exemple des pontages, restent à l'hôpital quatre ou cinq jours plutôt que dix jours ou deux semaines. C'est l'une des raisons.

Il faut se demander pourquoi les citoyens américains viennent au Canada acheter des médicaments. Il y a une explication à cela.

• 1705

Vous avez dit également que la propriété intellectuelle... c'est trop long. Vous savez sans doute qu'il faut vingt ans après le début du développement de la molécule, et qu'il n'y a qu'une seule molécule sur 500 qui aboutit à un médicament que l'on mettra en marché. La recherche et le processus d'homologation de tout médicament prennent environ 12 ans, si bien qu'il reste huit ans pour la mise en marché.

Vous savez sans doute aussi que les médicaments peuvent permettre de réaliser des économies. Si vous regardez uniquement... il y a bien des années, il y a 20 ou 25 ans, on procédait à des centaines et des centaines d'opérations à l'estomac, et depuis que nous avons de nouveaux médicaments pour traiter les ulcères d'estomac, la chirurgie des ulcères ne se pratique plus, sauf en cas de cancer. Il y a des économies là.

Vous avez parlé de l'emmagasinage. Vous savez que depuis 1993, le Canada a accepté de faire quelque chose à propos de l'emmagasinage. Nous avons accepté cela. Il y a eu une décision de l'OMC, à la suite d'une plainte des États-Unis et de l'Union européenne, et cette pratique est désormais interdite.

Il est pour moi important de comprendre... vous avez parlé des médicaments génériques; vous avez parlé de la propriété intellectuelle. Toutefois, après 20 années, qu'arrive-t-il à une compagnie générique? La compagnie générique à ce moment-là peut commencer à vendre les médicaments qui étaient autrefois brevetés et elle peut les vendre à 75 p. 100 du prix d'un médicament de marque, sans avoir eu à faire la recherche, sans avoir eu à faire quoi que ce soit. Selon moi, cela est beaucoup trop élevé du point de vue des consommateurs canadiens. C'est beaucoup beaucoup trop élevé.

Je voulais également parler de cette compagnie générique... elle ne copie pas... Quels médicaments copie-t-elle? Des médicaments pour le coeur, le cholestérol, l'estomac, l'asthme, une affection nerveuse? Elle ne fait pas de recherche sur les troubles neurologiques, sur la maladie de Lou Gehrig, sur le Parkinson, sur aucune de ces maladies. Pourquoi ne fait-elle pas de recherche? Ce ne serait pas rentable. Elle se contente de copier un médicament qui lui convient. C'est une chose.

En réponse à une question de M. Robinson concernant l'OMC, vous avez dit qu'en adhérant à un accord quelconque—l'ALENA, l'OMC, tout accord que le Canada signe—, le Canada perd un petit peu de sa souveraineté. Cela est indéniable.

Je n'ai qu'une question à vous poser.

[Français]

Une très grande partie du développement économique du Canada est fondée sur l'économie du savoir, et c'est une des raisons pour lesquelles notre gouvernement a décidé d'investir d'énormes sommes dans la recherche et le développement. Comment peut-on investir dans la recherche et le développement, que ce soit dans le domaine pharmaceutique ou dans n'importe quel autre domaine, si on nie le principe même de la propriété intellectuelle? Qu'est-ce que vous avez à offrir d'autre qu'une réglementation sur la propriété intellectuelle?

[Traduction]

Le président suppléant (M. John Harvard): Monsieur Dillon, pouvez-vous répondre à la question?

M. John Dillon: Oui. Merci beaucoup.

Tout d'abord, concernant la recherche, l'essentiel de la recherche effectuée par les compagnies pharmaceutiques qui produisent des médicaments de marque porte sur des maladies qui prévalent surtout dans la Nord, des affections qui se rapportent aux styles de vie, comme l'obésité ou la calvitie. Seulement 10 p. 100 de la recherche qu'elles font porte sur des traitements pour des maladies affectant les pauvres de la Terre. C'est une chose.

Vous demandez également comment on peut faire avancer la recherche si on ne s'en remet pas totalement aux compagnies pharmaceutiques. Rappelez-vous le début de ce débat, lorsque le rapport Eastman sur l'industrie pharmaceutique a énoncé ce que j'estime être une formule très sophistiquée qui permettait de mettre en commun l'argent consacré à la recherche pour de nouveaux produits pharmaceutiques, argent que l'on devait mettre à la disposition des universités et non seulement des laboratoires privés. Il y a des formules que l'on a étudiées et qui ont été proposées par le passé afin de mettre la recherche en commun.

Enfin, je dois ajouter qu'en ce moment, à cause de la crise du sida, l'industrie pharmaceutique est sur la défensive. Ils se rendent compte que leur image est très ternie. Je pense que nous devrions en profiter pour reprendre tout le débat par le début. L'étude effectuée par l'université Queen's, indépendamment de qui l'a payée, comporte des données très importantes car tout cela va coûter très cher à la population canadienne.

Le président suppléant (M. John Harvard): Merci beaucoup. Je suis désolé, mais notre temps est écoulé.

Madame Lalonde, vous avez cinq minutes.

[Français]

Mme Francine Lalonde (Mercier, BQ): Merci, monsieur le président.

Monsieur Foster ou monsieur Dillon, au début de son mandat, Vincente Fox a eu plusieurs déclarations très critiques à l'endroit de l'ALENA. Il ne voulait pas s'en retirer, mais il disait que pour lutter contre le sous-développement, il faudrait avoir un fonds structurel de 10 milliards de dollars.

• 1710

Qu'est-ce que vous pensez qu'il est souhaitable de faire au Sommet de Québec et sous le régime de la ZLEA pour contrer le sous-développement? J'ai aussi une question pour vous, monsieur McCreery. Est-ce que l'industrie laitière du Québec est représentée par votre organisation et est-ce que vous supportez la gestion de l'offre, qui est fondamentale pour plusieurs types de producteurs au Québec?

M. John Foster: Merci, madame Lalonde.

[Traduction]

En ce qui concerne votre première question, la question des fonds et le problème des gens pauvres, je vous dirai tout d'abord que ces faits sont fondés sur le rapport annuel des Nations Unies en ce qui concerne le développement, c'est le fameux rapport qui met toujours le Canada au premier rang.

En Amérique latine, les différences sont énormes. De toutes les régions du monde, c'est celle où l'écart est le plus prononcé. Autrement dit, au Guatemala, les 20 p. 100 de la population qui sont les plus riches gagnent 30 fois plus que les 20 p. 100 qui sont les plus pauvres. Ce qui nous intéresse dans ce domaine, et dans la mesure où les ententes commerciales sont en cause, c'est que dans pratiquement tous les pays de l'hémisphère, peut-être à l'exception du Costa Rica, pendant les 20 dernières années, où l'on a connu en même temps une libéralisation du commerce et des investissements—cela n'est pas nouveau, ce sont des vagues qui se sont succédé au cours des deux dernières décennies... Qu'est-ce qu'on peut en déduire? Est-ce que cela suit le schéma avancé par M. Pettigrew quand il explique que le commerce renfloue tout le monde et que par conséquent, c'est bon pour les pauvres également, comme M. Keyes l'a dit? Or, dans tous les cas, à l'exception du Costa Rica, la polarisation entre les riches et les pauvres ne cesse d'augmenter.

Ce qui démontre bien cela, c'est le rapport récent de Statistique Canada où l'on voit que pendant la période où le gouvernement canadien a adopté ces politiques, les 20 p. 100 de la population canadienne qui sont les plus riches ont augmenté leur part de 39 p. 100. Pendant ce temps, la portion des pauvres est restée stationnaire. Cela devrait inquiéter quiconque s'intéresse à l'intégration sociale, à la justice sociale, au développement social et à l'avenir économique du pays.

La première chose qu'on puisse dire, donc, c'est que les ententes commerciales et le programme de libéralisation n'ont pas, jusqu'à présent, servi le programme social. Deuxièmement, et là je me rapproche peut-être de certains autres membres du groupe, c'est que si les tarifs qui affectent les industries nationales—et je ne parle pas seulement des nôtres, mais des industries naissantes dans le Sud—sont modifiés, il va falloir non seulement procéder par étape, mais également aider les industries menacées pendant la période d'ajustement. Je pense en particulier aux travailleurs menacés. À ce chapitre, on pourrait envisager des fonds spéciaux destinés aux régions les plus pauvres, comme cela s'est fait en Europe.

Il y a une douzaine d'années, plus ou moins, le président Salinas est venu au Canada et à cette occasion, il avait déclaré pratiquement la même chose que le président Fox: Si nous nous engageons dans cette voie, nous avons besoin d'un fonds spécial pour minimiser l'impact sur les régions les plus pauvres, les segments de la main-d'oeuvre qui sont les plus pauvres, etc. Dans les deux cas, les États-Unis et le Canada ont accueilli ces observations très froidement. Si nous voulons nous lancer dans cette voie et être équitables, c'est précisément ce dont nous devrions discuter.

Merci.

[Français]

Mme Francine Lalonde: Merci.

[Traduction]

Le président suppléant (M. John Harvard): Merci.

Allez-y Liam.

M. Liam McCreery: Pour répondre à la question de Mme Lalonde, l'industrie laitière n'est pas représentée à la CAFT, et nous ne parlons pas pour les tenants de la gestion de l'offre. Par contre, nous parlons pour plus de la moitié des cultures commerciales au Canada et nous défendons également les intérêts des producteurs du Québec par l'entremise de l'Association canadienne des éleveurs de bovins, de l'Industrie canadienne du sucre et de la Fédération canadienne des exportateurs pour l'exportation de boeuf et également par l'entremise des céréaliculteurs du Canada.

[Français]

Mme Francine Lalonde: Merci.

[Traduction]

Le président suppléant (M. John Harvard): Monsieur Duplain, puis, si l'opposition n'a pas d'autres questions, monsieur Paradis.

[Français]

M. Claude Duplain (Portneuf, Lib.): J'ai deux questions très brèves. J'ai écouté vos interventions et je les ai trouvés intéressantes. En ce qui vous concerne, monsieur McCreery, il y a une chose que je voudrais savoir. J'ai trouvé ça intéressant et vous tombez sur des choses concrètes dont on ne discutera pas nécessairement à Québec. Ma question porte sur l'exemple de l'huile. Vous avez dit qu'il va falloir s'assurer que cela fasse partie de l'entente. Dans des cas précis comme celui-là, j'aimerais savoir si vous avez les moyens et si vous sentez que vous êtes écouté quand vous demandez des choses directement là-dessus.

• 1715

Mon autre question est pour vous, madame Anthony. Je suis très sensible au fait qu'il ne faut pas que l'éducation soit menacée au Québec, sauf que vous affirmez qu'elle le sera. J'ai écouté un peu votre allocution et j'aimerais savoir, personnellement, des choses vraiment concrètes. J'aimerais savoir où l'éducation est menacée, parce que je trouve ça important si c'est vrai.

La dernière chose que je veux soulever se rapporte à ce que vous disiez au sujet du Sommet de Québec. J'ai un peu des frissons. Vous êtes d'accord un peu avec le libre-échange, mais vous dites que l'éducation est menacée et vous avez parlé, tout à l'heure, à la fin—et c'est sur votre ton que je m'interroge alors que je fais une réflexion en même temps que je pose une question—, de brutalité policière. Est-ce que votre association pense vraiment qu'on est rendus, au Canada, au point où les policiers usent de brutalité envers des manifestants pacifistes? C'est ce que vous disiez, si j'ai bien compris. Vous avez parlé de brutalité policière. C'est ce qu'on répète au sujet du Sommet de Québec et ça prend une ampleur excessive au point où il semble que c'est pratiquement la guerre qui s'en vient à Québec. Est-ce que vous en êtes rendue à penser que les policiers usent de brutalité envers les pacifistes, lors des manifestations pacifistes?

[Traduction]

Le président suppléant (M. John Harvard): La parole est à M. McCreery, puis à Mme Anthony.

M. Liam McCreery: Merci.

Clarifions une chose: Parlons-nous d'huile végétale provenant de canola et de soja?

[Français]

M. Claude Duplain: À titre d'exemple, oui.

[Traduction]

M. Liam McCreery: Les discussions sur le commerce de l'huile végétale se trouvent dans le texte de l'ALEA.

Quant à savoir si l'on écoute, sachez que nous entretenons d'excellentes relations de travail avec Agriculture et Agroalimentaire Canada et ses négociateurs commerciaux.

Le président suppléant (M. John Harvard): Merci.

Madame Anthony, allez-y.

Mme Jen Anthony: Pour les deux questions, si j'ai bien compris la première, vous voulez qu'on vous dise en quoi nous voyons que l'éducation est menacée, et comment elle peut l'être.

[Français]

M. Claude Duplain: Sur des choses précises, j'aimerais recevoir la documentation. Si je peux l'avoir, j'aimerais recevoir la documentation sur les places précises où vous êtes sûre qu'il y a vraiment une menace pour l'éducation.

Ma deuxième question portait sur la brutalité policière dont vous parliez. Est-ce que votre association pense vraiment que les policiers usent de brutalité envers des manifestants pacifistes qui vont être à Québec?

[Traduction]

Mme Jen Anthony: Pour la première question, nous sommes préoccupés par les incidences des demandes, poursuites ou autres mécanismes employés par les fournisseurs de services privés ou les services d'enseignement privés, dans le cadre des mécanismes prévus pour les différends entre l'État et un investisseur, afin de supprimer, éliminer ou autrement lever les restrictions se rapportant à l'éducation et imposées par les gouvernements.

Actuellement, le DeVry Institute, une université internationale privée, menace de poursuivre le gouvernement en vertu de l'ALENA, pour des lois récemment adoptées en Alberta et qui permettent l'établissement d'universités privées. Si cette démarche réussit, l'établissement aurait droit à des subventions de fonctionnement pour offrir des services éducatifs. Essentiellement, de deux choses l'une: ou bien ils auront accès à ces subventions de fonctionnement, ce qui réduira les fonds disponibles pour le réseau public, ou bien les subventions de fonctionnement devront être carrément éliminées.

Nos préoccupations tournent donc autour des incidences de... Nous ne croyons pas que l'enseignement public disparaîtra dès que l'accord sera signé. Ce dont nous parlons, c'est de la possibilité qu'une fois l'accord signé, les entreprises aient le droit de déclarer qu'elles n'aiment pas une loi ou un règlement. Nous craignons le résultat de leurs démarches éventuelles compte tenu des autres affaires qui ont causé des problèmes par le passé, en vertu de l'ALENA et de l'OMC, mais, heureusement, jusqu'ici, pas dans le domaine de l'éducation.

• 1720

Le président suppléant (M. John Harvard): Avez-vous une courte réponse au sujet du risque de brutalité policière?

Mme Jen Anthony: Au sujet de la deuxième question, nous avons vu une intensification de la répression policière contre des manifestants au cours des dernières années. Au Canada, je dirais que cela remonte en particulier au sommet de l'APEC, à Vancouver. Une bonne part de l'organisation avait été faite à partir de nos bureaux de Vancouver et nous avons constaté qu'il y avait beaucoup de violence exercée contre des manifestants pacifiques. La tendance s'est maintenue. Nous l'avons vu à Seattle, si vous voulez un exemple américain.

Par contre, à Windsor, la raison pour laquelle on n'en a pas vu, c'était simplement parce que les policiers étaient plus nombreux que les manifestants. Mais même à Windsor, il y a eu un certain nombre d'agressions violentes contre des manifestants. Quand des manifestants ont essayé d'accrocher une bannière à une barrière, des agents de police essayaient de leur faire du mal avec des barres métalliques et il y avait du poivre de Cayenne partout.

Nous avons certainement vu une augmentation de ce genre de brutalité et nous craignons que cela se produise à Québec.

Le président suppléant (M. John Harvard): Merci.

Je pense que nous avons encore suffisamment de temps pour deux interventions, de M. Paquette et de M. Paradis, avant de terminer.

[Français]

M. Pierre Paquette: D'abord, je voulais rappeler—et M. Pettigrew l'a dit à plusieurs reprises—que la position canadienne est d'exclure l'éducation publique de la négociation. Pour ce qui est de l'éducation privée, en particulier pour le secteur universitaire, on ne connaît pas, pour le moment, la position canadienne, et toute la position sur les services n'a pas encore été rendue publique. Alors, on peut donc s'inquiéter, effectivement. Et le ministre de l'éducation du Québec, M. Legault, l'a fait aussi, nommément. Alors, sans tomber dans le catastrophisme, on peut quand même se questionner sur le côté privé du système d'éducation, entre autres, au Québec, particulièrement au plan des universités.

Pour ce qui est, maintenant, de la violence policière, on ne la souhaite pas et je pense, effectivement, que tout va bien se passer à Québec. Je l'espère. Mais je dois reconnaître que le fait, par exemple, que la GRC et, malheureusement, la Sûreté du Québec aient fait le tour de certains propriétaires d'autobus pour non pas les empêcher, mais les dissuader de louer des autobus à des gens qui voulaient aller à Québec, en particulier à la marche du Sommet des Amériques, le 21 avril, me semble être à la limite du tolérable dans une démocratie où on a le droit de manifester pacifiquement pour ses idées. Alors, tout en étant d'accord avec vous qu'il ne faut pas être paranoïaques, on doit quand même constater que du côté des forces policières, il y a des agissements qui sont peu usuels dans notre démocratie.

Je voulais revenir sur la question du contenu social de l'accord de la Zone de libre-échange des Amériques. Je voulais savoir si, pour vous, les avantages économiques compris dans l'accord de la Zone de libre-échange des Amériques devraient être conditionnés au respect des droits de la personne, des droits du travail et des droits environnementaux, et si cela devrait être dans l'accord et non pas dans des des accords parallèles, comme c'est le cas pour l'ALENA.

[Traduction]

M. John Foster: Monsieur Paquette, je trouve votre proposition très positive et c'est justement le genre de cadre qu'il faut avoir à l'esprit. Il y a eu beaucoup de discussions à ce sujet en Europe, à propos de l'adhésion de divers autres pays. Je ne suis pas convaincu que le résultat final des discussions était d'un niveau acceptable, mais on avait certainement l'impression que les nouveaux arrivés devaient satisfaire à certaines normes, dont beaucoup se rapportent aux sujets dont vous avez parlé. Je n'ai absolument rien contre cette méthode.

[Français]

M. Pierre Paquette: Comment répondez-vous à l'argument du protectionnisme social, de la nouvelle forme de protectionnisme social?

[Traduction]

M. John Foster: La chose existe peut-être, mais comme le comité l'a entendu la semaine dernière, la grande majorité des membres du sommet de Québec et des négociations de libre-échange ont déjà ratifié le Pacte international relatif aux droits économiques sociaux et culturels, qui les oblige à concrétiser graduellement les droits à la santé, l'éducation ainsi que divers autres droits, comme vous le savez. La grande majorité ont signé la convention américaine et ils sont de plus en plus nombreux à ratifier le protocole additionnel de San Salvador traitant des droits économiques, sociaux et culturels pour l'hémisphère. Presque tous les chefs d'État de l'hémisphère, ou leurs homologues, ont signé la Déclaration de Copenhague sur le développement social.

• 1725

Divers groupes de citoyens surveillent ces gouvernements pour qu'ils respectent leurs engagements actuels dans le domaine social. Il s'agit donc de demander si ces gouvernements sont aussi sérieux qu'ils l'étaient là-bas. Ces choses sont interdépendantes.

Merci.

Le président suppléant (M. John Harvard): Je pense que notre temps est presque écoulé, sauf pour M. Paradis, ne vous inquiétez pas.

[Français]

M. Denis Paradis (Brome—Missisquoi, Lib.): Je serai bref, monsieur le président.

Ma question s'adresse à Common Frontiers, à l'un de vous, monsieur Dillon et monsieur Foster.

Je comprends que vous êtes copartenaires du Réseau québécois sur l'intégration continentale dans le sommet des Peuples des Amériques. Dans ce sens-là, M. Brunelle, qui témoignait ce matin, nous disait qu'il avait de la difficulté à avoir des budgets suffisants pour faire marcher le sommet des Peuples des Amériques.

Ma question est la suivante. Combien attendez-vous de participants et quel est le budget de votre sommet des Peuples des Amériques?

[Traduction]

M. John Foster: Je ne peux vous donner le total exact du budget, mais il est d'environ 400 000 $. Une bonne part de cette somme est bien entendu consacrée aux installations et à la logistique, à Québec. En ce moment, nous sommes préoccupés notamment par le manque de financement pour les mouvements sociaux du Sud, qui n'ont pas suffisamment de ressources pour envoyer leurs porte-parole ou leurs représentants dans le Nord.

Pour ce qui est du nombre de personnes qui viendra, je suis désolé, je ne peux vous donner un estimé, puisque nous continuons de recevoir des avis. Le sommet est organisé d'une manière décentralisée. Il y a une série d'ateliers et de forums, dont chacun est géré par son propre groupe communautaire de Québec, qui reçoit ces inscriptions au fur et à mesure.

[Français]

M. Denis Paradis: J'aimerais juste compléter, monsieur le président.

J'ai compris que le gouvernement canadien donnait, pour l'organisation du sommet des Peuples des Amériques, 300 000 $ et que le gouvernement du Québec donnait 200 000 $.

Ma question visait à savoir quelles sommes d'argent additionnelles vos regroupements, Common Frontiers et le Réseau québécois sur l'intégration continentale, ajoutent aux 500 000 $ fournis par les deux paliers de gouvernement?

[Traduction]

M. John Foster: C'est un mondant considérable, mais je ne peux vous donner le total, encore une fois, simplement parce que nous parlons justement des personnes qui essaient de louer des autobus, et de payer des billets de train et d'avion pour venir à Québec.

Les petits groupes communautaires, les associations culturelles, les groupes d'étudiants, les groupes d'écologistes, etc., ont contribué bien au-delà de 150 000 $, mais je ne siège pas au Comité du budget ni au Comité de la planification du sommet.

Nous vous transmettrons volontiers tous ces renseignements.

M. Denis Paradis: J'ai encore une courte question, monsieur le président.

[Français]

C'est ma question finale. Est-ce que vous avez des documents de discussion accessibles, en ce moment, pour le sommet des Peuples des Amériques?

[Traduction]

M. John Dillon: Oui, monsieur Paradis, dans notre exposé, nous avons bien dit qu'au dernier sommet des peuples à Santiago, au Chili, en 1998, nous avons travaillé à nos documents sur des solutions de rechange pour les Amériques. Nous allons maintenant en faire une mise à jour et la nouvelle version sera rendue publique à Québec, en avril.

M. Denis Paradis: Et ce sera rendu public au sommet?

M. John Dillon: Oui, mais la version existante est disponible sur notre site Web, en quatre langues.

M. Denis Paradis: Merci.

Le président suppléant (M. John Harvard): Merci, monsieur Paradis.

Pour terminer, la présidence se réserve une question qui sera adressée à M. McCreery.

Liam, au cours des dernières années, le commerce a connu une rapide croissance. La part du PIB attribuable aux exportations a presque doublé au cours des 10 dernières années, mais c'est à peine perceptible du côté des céréales et oléagineux, où l'on vit une dépression. C'est comme si les bonnes nouvelles relatives au commerce n'avaient pas touché le secteur des céréales et oléagineux. Cela étant dit, si on conclut un accord comme l'ALENA à l'avenir, le secteur des céréales et oléagineux peut-il espérer en tirer quoi que ce soit?

M. Liam McCreery: Monsieur le président, en fait, notre secteur repose sur le commerce. Nous sommes une nation commerçante, une nation qui exporte des céréales et oléagineux. Nous devons avoir accès aux marchés et nous devons pouvoir commercer de manière équitable.

• 1730

Les problèmes qui frappent le secteur des céréales et des oléagineux n'ont rien à voir avec notre capacité à soutenir la concurrence des autres pays du monde, mais tout à voir avec notre capacité à concurrencer les coffres des États-Unis et de l'Union européenne. Nous espérons que les accords commerciaux permettront de réduire l'aide que nos concurrents reçoivent de leurs gouvernements et que nous pourrons ainsi prospérer.

Le président suppléant (M. John Harvard): Merci beaucoup.

J'aimerais bien que nous puissions continuer, mais il ne nous reste plus de temps. Au nom de tous les membres du comité, je tiens à remercier tous les témoins.

La séance est levée.

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