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FINA Réunion de comité

Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.

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STANDING COMMITTEE ON FINANCE

COMITÉ PERMANENT DES FINANCES

TÉMOIGNAGES

[Enregistrement électronique]

Le mercredi 28 mars 2001

• 1830

[Traduction]

Le président (M. Maurizio Bevilacqua (Vaughan—King—Aurora, Lib.)): La séance est ouverte. Je souhaite la bienvenue à tous ce soir. Comme chacun le sait, nous tenons une table ronde sur la Zone de libre-échange des Amériques.

Nous avons le plaisir d'accueillir parmi nous, pour le ministère des Affaires étrangères et du Commerce international, M. Claude Carrière, directeur général de la Politique commerciale I et négociateur en chef de la Zone de libre-échange des Amériques (ZLÉA), M. Fréderic Seppy, directeur adjoint, Accords régionaux, Direction de la politique commerciale sur les services, et M. Jean Benoit Leblanc, analyste principal de la politique commerciale, Direction de la politique commerciale sur l'investissement, et pour le ministère des Finances, M. Charlie Seeto, directeur de la Division du secteur financier, Division de la politique.

Prenez une dizaine ou une quinzaine de minutes, ou le temps qu'il vous faudra, pour faire votre exposé, après quoi nous entamerons une séance de questions et réponses.

Monsieur Carrière, la parole est à vous.

M. Claude Carrière (directeur général, Direction générale de la politique commerciale I, négociateur en chef, Zone de libre-échange des Amériques(ZLÉA)): Je vous remercie beaucoup, monsieur le président.

Avant de vous parler de la ZLÉA comme telle, je voudrais la situer dans le contexte des négociations qui sont en cours et qui déboucheront sur le Sommet des Amériques. Le Sommet de Québec sera la troisième rencontre au sommet, après celles de Miami en 1994 et de Santiago en 1998. Les négociations actuelles sur l'Accord de libre-échange ont commencé lors du Sommet des Amériques de Santiago. Au Sommet des Amériques qui aura lieu dans trois semaines, les dirigeants recevront un rapport des ministres du Commerce sur les progrès réalisés depuis le lancement des négociations il y a trois ans.

La ZLÉA est un sujet parmi tant d'autres qui seront débattus lors du Sommet des Amériques. En effet, on abordera différents thèmes, notamment celui du renforcement de la démocratie dans l'hémisphère. La démocratie étant le thème central du sommet, les discussions graviteront autour d'une clause sur la démocratie pour bien faire comprendre aux pays de l'hémisphère que la démocratie est importante, qu'elle compte et qu'elle est indispensable pour conjurer les vieux démons qui commencent à réapparaître dans plusieurs pays. Nous avons tous entendu parler du cas du Pérou, et d'autres pays soulèvent de vives inquiétudes également.

En outre, la ZLÉA s'inscrit dans un autre thème du sommet, celui de la création de la prospérité dans l'hémisphère, le but étant d'aider le gouvernement à générer les recettes et la richesse nécessaires pour régler les problèmes criants de la société. Ce sujet sera abordé également sous un autre thème du sommet, celui de la «Réalisation du potentiel humain». Sous le thème «Création de la prospérité», on se penchera sur des sujets comme la création d'infrastructures, l'établissement de normes de travail et l'amélioration de l'environnement, sans oublier les questions financières qui seront abordées par les ministres compétents, qui se réuniront à Toronto la semaine prochaine. Le thème «Réalisation du potentiel humain» regroupe des sujets clés comme la santé, la culture, la mixité, l'égalité entre les sexes et la diversité culturelle.

La ZLÉA est un processus de négociation qui débouchera éventuellement sur un accord de libre-échange de deuxième génération qui ouvrira notamment les biens, les services, les investissements, les mécanismes de règlement des différends, les politiques de concurrence et les marchés publics. Les négociations progressent conformément aux instructions que les ministres du Commerce ont données aux négociateurs lors de la rencontre de Toronto en novembre 1999, laquelle était présidée par le ministre du Commerce international, M. Pettigrew.

• 1835

Nos groupes de négociation ont préparé des projets de chapitres d'un accord, et ils feront rapport aux ministres sur les progrès réalisés, de même qu'ils demanderont aux ministres responsables de leur donner des instructions sur les prochaines étapes des négociations, qui seront présidées par l'Équateur, à compter de la prochaine rencontre.

[Français]

Pour le Canada, à la réunion ministérielle à Buenos Aires, samedi prochain, nous aurons deux objectifs principaux à poursuivre.

Le premier sera la transparence: comment améliorer la transparence du processus collectif de négociation de la zone de libre-échange. Le ministre Pettigrew va demander à ses collègues de rendre publics les textes de négociation pour démystifier la négociation. Entre-temps, le gouvernement du Canada a rendu publiques ses propositions et ses positions de négociation il y a plusieurs mois, il y a même un an. Le Canada a été le premier à le faire et a été suivi depuis par les États-Unis, qui ont rendu publics des résumés détaillés de leurs positions, par le Chili et le Costa Rica, qui ont fait de même. Nous allons continuer à encourager nos partenaires à rendre public le maximum d'information au plan national et aussi au plan collectif.

Le deuxième objectif sera de renforcer le mandat du comité sur la participation de la société civile, qui était une innovation, il y a trois ans, et qui vise à être un instrument permanent de transparence, mais aussi de rayonnement et de dialogue avec la société civile hémisphérique et collective. C'est un grand défi. Il y a beaucoup de réserves de la part de nos partenaires, mais nous croyons qu'il sera utile de renforcer le rôle de ce comité et nous nous y emploierons.

Il y a d'autres défis. Les petites économies sont préoccupées par les défis que leur pose une zone de libre-échange avec un pays tel que les États-Unis. Les ministres se pencheront sur leurs préoccupations et les moyens de les aider à faire face aux défis de la négociation avec de l'aide technique, et les assureront que nous les accompagnerons à long terme, s'ils décident d'apporter les réformes qu'ils doivent apporter à leur économie nationale.

Enfin, on discutera de la question du calendrier des négociations et du mécanisme de gouvernance, dans la mesure où le calendrier est changé. Vous savez peut-être que le gouvernement du Chili a déjà proposé d'avancer le calendrier des négociations et que certains pays appuient cette proposition, notamment les États-Unis, le Canada et beaucoup de pays d'Amérique centrale, mais que d'autres, le Brésil et certains pays de la communauté andine, ont des réserves sur la question d'un calendrier et préfèrent se pencher sur la substance.

Il est pour l'instant difficile de prévoir ce que sera la décision prise par les ministres à ce moment-là, mais on discutera de la question.

Le produit de la réunion sera une déclaration ministérielle et une contribution à la Déclaration du Sommet, qui sera émise à Québec. Nous espérons que les ministres, à leur réunion et aussi plus tard au Sommet, donneront une impulsion à la négociation, surtout que la nouvelle administration Bush commence à envoyer des signaux clairs de son intérêt quant au progrès de la négociation et de l'intégration économique hémisphérique.

• 1840

Monsieur le président, mes collègues et moi serions très heureux de répondre à vos questions sur la négociation en particulier. Si vous avez également des questions sur le Sommet, nous ferons de notre mieux.

[Traduction]

Le président: Merci beaucoup pour ce tour d'horizon de la ZLÉA. Nous commencerons un premier tour de questions.

Monsieur Loubier, allez-y.

[Français]

M. Yvan Loubier (Saint-Hyacinthe—Bagot, BQ): Merci, monsieur le président. Je remercie également l'Alliance de m'avoir cédé la première question puisque j'ai un avion à prendre dans quelques minutes. J'aimerais bien que M. Carrière puisse répondre à mes questions.

Monsieur Carrière, j'ai trois préoccupations par rapport à cette négociation. Voici la première.

Vous avez mentionné plus tôt qu'il fallait rendre le processus plus transparent afin de démystifier la négociation. Ne croyez-vous pas qu'il ne s'agit pas uniquement de démystifier la négociation? La population est de plus en plus consciente qu'on négocie en son nom, derrière des portes closes, des choses qui vont la toucher directement dans sa vie économique, dans sa vie sociale et dans sa vie culturelle. Ça touche à tous les secteurs. C'est ma première remarque.

J'ai deux préoccupations par rapport au chapitre 11 de l'ALENA. Dans cette négociation d'une Zone de libre-échange des Amériques, est-ce qu'on envisage de reproduire cette erreur monumentale du chapitre 11 au niveau des investissements, qui fait en sorte, pour ceux et celles qui ne connaissent pas cet article 11, de mettre en application ce qu'on appelle l'expropriation indirecte? C'est-à-dire qu'une compagnie peut porter plainte parce qu'une politique gouvernementale l'empêche de faire des profits, qu'il y a des obstacles à l'investissement et qu'elle réclame des dédommagements. Il y a déjà 10 cas de plaintes de compagnies, si ma mémoire est bonne. Est-ce qu'on va reproduire cette erreur-là? Est-ce qu'on va la systématiser comme on l'avait vu dans le projet de l'AMI, qui était détestable à cet égard, ou si on va corriger le tir? C'est ma première préoccupation. Il ne faut pas oublier que quand il y a des dédommagements payés aux sociétés, ce sont tous les contribuables qui payent à des multinationales ces dommages et intérêts.

Ma deuxième préoccupation concerne toujours le secteur des finances et de la fiscalité. Dans les 34 pays avec lesquels on négocie, il n'y a pas tellement longtemps, si ma mémoire est bonne, en février ou en juin dernier, l'OCDE a produit un rapport sur ce qu'on appelle les paradis fiscaux, c'est-à-dire des pays qui sont considérés comme des havres de paix incroyables pour les entreprises. Les entreprises à numéro peuvent foisonner dans ces économies et les taux d'imposition sont soit ridicules, de 2 ou 3 p. 100, soit égaux à zéro. Donc, on ouvre vraiment une concurrence déloyale au chapitre des investissements étrangers des Canadiens.

D'ailleurs, le vérificateur général, dans tous ses rapports, et même dans son dernier, son testament, a soulevé le problème. On parle seulement de trois pays des Caraïbes, si ma mémoire est bonne. On parle des Bahamas, des Bermudes, et l'autre m'échappe. Il y a 29 milliards de dollars d'investissements étrangers du Canada qui se retrouvent là et, assez curieusement, on y trouve des taux d'imposition qui sont nuls ou très, très faibles. Comment envisage-t-on ce problème? En ouvrant des frontières et en permettant une plus grande libéralisation au chapitre des capitaux à cet égard, on ne règle pas le problème, on l'exacerbe.

Il y a aussi un rapport de l'ONU qui a mis le doigt sur ces mêmes pays qui, pour certains, ne sont pas uniquement des paradis fiscaux, mais sont aussi très permissifs au niveau du blanchiment d'argent. Est-ce qu'on a pensé au fait qu'on signe des traités de libre-échange avec des pays qui ne font pas le nécessaire pour éviter que l'argent des narcotrafiquants, notamment... On ne parle pas seulement de la Colombie, car c'est maintenant universel. Nous ne sommes pas uniquement des consommateurs ici, mais aussi des producteurs. Je l'ai appris à mes dépens.

Comment envisage-t-on ce problème de signer une entente de libre-échange des trois Amériques incluant certains pays qui non seulement sont des paradis fiscaux, mais qui ont aussi des lois ayant des trous au chapitre du blanchiment d'argent?

J'aimerais que vous répondiez à ces trois préoccupations.

• 1845

M. Claude Carrière: Je vais répondre à votre première question sur l'investissement. M. Seeto va traiter de la question des services financiers que vous avez soulevée.

Sur la question de l'investissement, la position du gouvernement a été très claire. Il y a certains éléments du chapitre 11 de l'ALENA ayant trait au mécanisme d'arbitrage investisseurs—États qui méritent clarification. Nous avons été très clairs là-dessus. Les autres éléments du chapitre 11 fonctionnent très bien, mais nous cherchons, depuis quelques années déjà, à convaincre nos partenaires du Mexique et des États-Unis d'apporter certaines clarifications là-dessus.

Récemment, le Mexique a signalé qu'il était prêt à s'asseoir avec nous et à commencer à travailler pour apporter ces clarifications. L'administration américaine est un peu plus récente, mais nous croyons que les trois pays pourront bientôt commencer à travailler là-dessus.

[Note de la rédaction: Inaudible]

M. Yvan Loubier: ...monsieur Carrière, de retrouver dans une zone de libre-échange, dans un accord, les mêmes dispositions ou des dispositions s'apparentant à l'AMI au chapitre de l'investissement.

M. Claude Carrière: Il est un peu tôt pour dire ça, parce que nous sommes à mi-parcours de la négociation; il reste trois ou quatre ans. Il y a certains pays qui ont proposé des mécanismes investisseurs—État, mais le Canada n'a pas proposé ce genre de mécanisme, non plus que les États-Unis ou même le Mexique, parce que nous travaillons à éclaircir certains éléments qui méritent d'être éclaircis dans ce mécanisme-là. Nous ne cherchons pas à reproduire ce mécanisme-là, et le ministre a été très clair là-dessus, je pense, devant le Comité des affaires étrangères et du commerce international, dans cette même pièce, la semaine dernière, et autrement, même par écrit, à plusieurs reprises. Alors, nous cherchons à clarifier. Une fois que ce sera fait, nous verrons comment traiter de la question dans la zone de libre-échange. Nous prenons une chose à la fois.

M. Yvan Loubier: Qu'avez-vous à dire sur les paradis fiscaux?

M. Claude Carrière: Du côté des services financiers, les paradis fiscaux...

[Traduction]

Pourriez-vous répondre aux questions sur les services financiers?

M. Charlie Seeto (directeur, Secteur financier, Division de la politique, ministère des Finances): Je voulais simplement ajouter que s'agissant du blanchiment d'argent, les pays du G-7 ont mis sur pied le Groupe d'action financière international sur le blanchiment de capitaux il y a quelques années. Ce groupe a élaboré des normes auxquelles les pays doivent se conformer pour détecter et réprimer le blanchiment d'argent. Il a également émis 40 recommandations. En juin dernier, il a évalué les pays en fonction de ces normes et a dressé une liste de 15 pays, si je ne m'abuse, qui ne se conformaient pas aux normes internationales.

Il existe donc un mécanisme qui permet de distinguer les pays qui ne se conforment pas aux normes internationales de lutte contre le blanchiment d'argent. Dans ce même domaine, il y a un mécanisme parallèle qui vise à encourager les pays à suivre ces normes. Depuis juin dernier, plusieurs pays figurant sur la liste du Groupe d'action financière ont réalisé des progrès dans la mesure où ils ont adopté des dispositions législatives de lutte contre la blanchiment d'argent.

[Français]

M. Yvan Loubier: Mais le même suivi au rapport du GAFI dit qu'entre adopter une politique et la pratique, il y a deux choses. Il y a des doutes encore, au niveau du GAFI, quant à l'efficacité des mesures législatives qui ont été adoptées par certains pays. On parle des Bahamas, en particulier, des Bermudes et, il me semble, du Liberia aussi. On avait certains doutes encore.

Je vous demande si on a prévu des façons d'inciter ces pays à adopter de véritables mesures législatives pour empêcher qu'une plus grande libéralisation dans la circulation des capitaux ne se solde par une situation où on favoriserait le blanchiment d'argent.

• 1850

J'aimerais revenir sur le paradis fiscal comme tel. Est-ce que le fait d'avoir des taux de taxation pour les entreprises qui sont vraiment différents, diamétralement opposés entre certains pays... Ici, par exemple, on parle d'un taux moyen de taxation de 28 p. 100 pour les entreprises. Dans un pays comme les Bahamas, on parle de 2 ou 3 p. 100 au maximum, et il y en a deux autres où c'est zéro.

Est-ce qu'on a prévu aussi un mécanisme qui ferait en sorte que les conventions fiscales qui seraient signées avec ces pays-là—on en a déjà ici—pourraient faire l'objet d'un examen attentif et, peut-être, d'une révision dans le cadre d'une plus grande libéralisation des trois Amériques?

[Traduction]

M. Charlie Seeto: J'ajouterai que le Groupe d'action financière continue d'évaluer ces pays. À sa prochaine réunion de juin, il proposera de prendre des mesures contre les pays qui n'auront pas amélioré leur cadre de lutte contre le blanchiment d'argent.

Je ne connais pas très bien la question des paradis fiscaux, mais je crois comprendre que la communauté internationale se mobilise pour lutter contre ce problème. Ceci étant dit, je ne suis pas en mesure d'en parler davantage.

[Français]

M. Claude Carrière: Je peux ajouter quelque chose, monsieur Seeto et monsieur Loubier. Je mentionnais plus tôt que dans le cadre du Sommet, il y a plusieurs activités dont l'une est la réunion des ministres des Finances de l'hémisphère. Les ministres des Finances vont se réunir la semaine prochaine à Toronto et, quoique je n'aie pas l'ordre du jour, je sais que l'une des questions dont ils veulent discuter est celle du blanchiment d'argent. Ils vont traiter des questions de la mondialisation et de la réglementation financière au plan de l'hémisphère et au plan global. Ces questions-là seront traitées dans le cadre du Sommet. Elles ne seront pas traitées par les ministres du Commerce, mais par les ministres des Finances. Lors des réunions des ministres des Finances de l'hémisphère, ces ministres traiteront de ce genre de questions.

M. Yvan Loubier: J'ai peut-être un dernier point à soulever qui rejoint ma première remarque. J'ai vécu la négociation du libre-échange avec les États-Unis et la négociation du libre-échange avec les États-Unis et le Mexique. J'ai vécu la huitième ronde de négociations du GATT, qui est devenu l'OMC, et à toutes les fois, j'ai vu la tension monter dans la population. Il y a de plus en plus de groupes qui s'organisent et qui, pour certains du moins, ne comprennent pas la portée de la mondialisation, ce que ça veut dire. D'autres—et c'est légitime aussi—en ont marre de se faire passer des décisions qui, après coup, posent des problèmes, comme le fameux chapitre 11 en vertu duquel une compagnie, la Federal Express, a poursuivi le gouvernement fédéral pour plusieurs centaines de millions de dollars. On a réglé, si ma mémoire est bonne, pour une vingtaine de millions de dollars, que le gouvernement fédéral a dû débourser pour respecter les dispositions du chapitre 11.

Ne croyez-vous pas qu'il serait peut-être intéressant non seulement d'apporter certains changements cosmétiques au niveau de la transparence, mais aussi de repenser au complet la façon dont vous arrivez à ces accords? On pourrait, par exemple, avoir un processus vraiment formel d'information continue durant la négociation, d'explication de vos objectifs dans cette négociation, de ce qu'est la mondialisation, de ce qu'on veut faire avec les règles, par exemple. On veut civiliser la mondialisation. Pour la plupart, lorsqu'on regarde les règles de l'OMC et les règles entourant les ententes régionales, on civilise les forces du marché. Il n'y a pas que du mauvais dans ces accords-là. Il y a, la plupart du temps, du bon.

Est-ce qu'on peut penser qu'un jour on va changer cette façon de faire, qu'on va être plus ouvert, que ça ne sera pas seulement, comme je vous l'ai dit, une consultation occasionnelle auprès de certains membres de la société civile, tout en gardant toujours les positions de négociation secrètes? Il me semble que les gens, aujourd'hui, sont suffisamment informés et veulent en savoir plus, parce qu'on négocie des choses en leur nom. On peut comprendre la frustration de la population. Ce ne sont pas juste des groupes anarchistes qui manifestent dans les rues. Un jour, ce ne sera plus du tout possible de négocier derrière des portes closes ou même de négocier entre 34 ou, dans le cas de l'OMC, 140 pays. La population sera toujours en état d'alerte et il faudra de plus en plus des dispositifs de sécurité incroyables.

• 1855

Il faut voir, et vous l'avez vu, monsieur Carrière, dans la région de Québec, les périmètres de sécurité qu'on est obligés de délimiter pour éloigner les gens au cas où il y aurait de la casse. Ce n'est pas normal de vouloir, d'un côté, améliorer le monde, améliorer les ententes, favoriser même le développement dans les pays en voie de développement et que cette action soit contestée aussi fortement que s'il s'agissait d'un monstre.

J'aimerais donc connaître votre opinion à ce sujet. Ne me dites pas que la question est trop politique. C'est quand même technique, ce que je vous propose: ce sont des techniques de négociation. C'est une question que je vous pose.

M. Claude Carrière: Eh bien, n'oubliez pas, monsieur Loubier, qu'il y a certains éléments politiques dans votre question.

M. Yvan Loubier: Oui, mais vos réponses ne seront jamais politiques.

M. Claude Carrière: Le gouvernement s'emploie, dans le domaine dont j'ai la responsabilité, à fournir le maximum d'information possible sur nos positions de négociation et sur nos propositions. Le gouvernement a rendu publiques sur le site web, il y a un an, les positions de négociation du Canada sur la zone de libre-échange. Plus tard cette année-là, nous avons rendu publiques les positions de négociation du gouvernement à l'OMC pour l'agriculture. En décembre dernier, nous avons rendu publiques les propositions de textes pour la zone de libre-échange et nous avons mis toutes nos propositions sur le site web du ministère. Il y a 10 jours, nous avons rendu publiques et placé sur notre site web notre position à l'OMC sur la négociation des services et notre proposition initiale de négociation.

Il y a toujours matière à amélioration, mais nous tentons de fournir le plus d'information possible sur nos positions et sur nos propositions de négociation pour assurer que les Canadiens soient informés de ce que nous faisons.

Ce que nous ne pouvons faire, c'est rendre publiques les positions d'autres pays, à moins que ces pays nous y autorisent. Nous tentons de les convaincre de le faire. Si vous consultez notre site web, vous y verrez énormément d'information sur la position canadienne dans la négociation de la zone de libre-échange. Nous tentons de garder cette information à jour. Nous apportons des compléments d'information aussi fréquemment que possible.

Nous tentons également d'engager un dialogue. Aujourd'hui même, les ministres Pettigrew et Manley ont rencontré une soixantaine de représentants de divers organismes, que ce soit de la société civile, des syndicats, de communautés d'affaires ou des universitaires, pour obtenir leurs points de vue et aussi engager un dialogue tant sur la zone de libre-échange que sur le Sommet et le processus de négociation du Sommet.

Les ministres se sont engagés, tout comme nous, fonctionnaires, à continuer de le faire après le Sommet de Québec. En fait, dans le cas de M. Pettigrew, c'était sa deuxième réunion. Quant à nous, nous allons continuer dans cette voie. Nous cherchons à ouvrir le processus au maximum, dans la mesure du possible, et nous allons continuer à le faire.

M. Yvan Loubier: Je vous remercie, monsieur Carrière.

Je m'excuse, mais je dois partir. Vous savez que c'est la présentation du budget à Québec demain. On me demande de jouer un rôle, alors...

[Traduction]

Le président: Merci, monsieur Loubier.

Monsieur Epp.

M. Ken Epp (Elk Island, AC): Je vous remercie. Tout ce concept m'intrigue, et j'aimerais vous poser quelques questions assez pointues.

D'abord, n'hésitez pas à me corriger si je me trompe—et n'allez surtout pas croire que je prends les choses à la légère si je vous parle de nourriture. Nous parlons bien d'activité économique, et à partir du moment où l'on accroît la zone d'activité économique, le gâteau, en l'occurrence le marché, peut être coupé de différentes façons. Au bout du compte, on espère obtenir une plus grosse part du gâteau. Est-ce bien l'idée dans l'ensemble?

• 1900

Avez-vous une idée de l'incidence de tout cela sur l'économie canadienne et sur le produit intérieur brut? Quelle sera la part du gâteau du Canada et quelle sera l'ampleur de tout cela?

M. Claude Carrière: C'est une bonne question, mais nous n'avons pas d'états estimatifs directs. Cependant, je puis vous citer quelques chiffres pour vous donner une idée de l'ordre de grandeur des choses. Comme vous le savez, les exportations représentent 45 p. 100 du PIB du Canada. La majeure partie de nos exportations vont vers les États-Unis, qui font partie de l'hémisphère. Mais si l'on faisant abstraction des États-Unis et du Mexique, on se rend compte qu'à peine 2 p. 100 environ de nos exportations aboutissent dans le reste de l'hémisphère, et nos importations de cette région du monde représentent plus ou moins le même pourcentage.

La ZLÉA encouragera vivement, on l'espère, les gens d'affaires canadiens à voir en l'hémisphère un marché potentiel en croissance. C'est l'une des seules régions du monde où le Canada a augmenté sa part du marché au cours des 10 dernières années. Je vous dirais donc que les conséquences pour la croissance canadienne seront infimes, mais qu'elles seront positives si nous concluons un accord de libre-échange des Amériques d'ici à 2005.

M. Ken Epp: Très bien. Comme vous le savez probablement, notre bureau de la recherche parlementaire, dont le personnel est tout simplement excellent, a préparé des notes d'information à notre intention. On peut lire dans ces notes que 85 ou 86 p. 100 de notre commerce se fait avec les États-Unis, et que si nous comptions les deux autres pays avec lesquels nous avons actuellement des accords commerciaux, ce chiffre monte à 97 p. 100. C'est dire qu'il ne reste que 3 p. 100.

Alors voici ma question: Si nous faisons adhérer d'autres pays à un accord de libre-échange, cela ne signifierait-il pas simplement que nous orienterons une partie de nos échanges vers ces pays? En d'autres mots, et je présume que je vous pose la question indirectement, le Canada pourra-t-il assumer les résultats, c'est-à-dire pourra-t-il assumer la demande accrue pour nos biens et services? Dans quelle mesure pourra-t-on réagir à une forte demande? Est-ce qu'on ne détournera pas simplement une partie des échanges que nous avons actuellement avec le Chili, les États-Unis et le Mexique vers d'autres pays sans pour autant que nous ne réalisions de gain?

M. Claude Carrière: Je vous dirais que ma boule de cristal n'est pas plus efficace que celle des autres. Nous pensons que cela mènera à la création de nouvelles entreprises. Cela se traduira également par une augmentation de la production et de l'activité économique, mais tout dépendra de nos gens d'affaires—il s'agit de savoir s'ils sont prêts à se lancer sur de nouveaux marchés et à saisir des occasions nouvelles en investissant au Canada dans leur capacité de production et dans la création d'emplois. Ce ne sera pas au gouvernement, mais bien aux gens d'affaires, de le faire. Pour notre part, nous tâcherons de maximiser les occasions qui s'offrent à eux et de leur permettre d'en profiter.

M. Ken Epp: Très bien.

Certains détracteurs du libre-échange vous diront que si nous nous engageons dans cette voie avec des pays où, par exemple, les salaires sont beaucoup plus faibles qu'au Canada—peut-être ces pays sont-ils en mesure de fabriquer des produits à plus faible coût pour différentes raisons, notamment les salaires et les normes de travail—cela aura pour effet de baisser les prix de nos marchandises. Par conséquent, les travailleurs canadiens devront composer avec des taux de salaire encore plus faibles qu'ils ne le sont déjà, surtout qu'en raison du flottement du dollar canadien, notre devise ne cesse de déprécier. Cela n'exercera-t-il pas des pressions à la baisse sur la valeur de notre dollar?

Je sais que je vous ai posé toute une série de questions sur ce sujet.

M. Claude Carrière: En fait, nous pensons que l'expansion commerciale génère la croissance économique, et non l'inverse. À titre d'exemple, les statistiques montrent que grâce à l'ALENA, les salaires ont augmenté au Mexique, même que dans les régions frontalières au nord du Mexique, les salaires sont désormais comparables à ceux des régions du sud des États-Unis. Toujours grâce à l'ALENA, on assiste maintenant à un mouvement de l'investissement vers les régions du Mexique où les revenus sont faibles, car ces régions disposent d'un réservoir de travailleurs qui n'existe plus dans les régions du Nord. Tout cela pour dire que les salaires ont augmenté, et non l'inverse.

• 1905

M. Ken Epp: D'accord, mais cela est vrai pour nos partenaires commerciaux.

À l'heure actuelle, le salaire des travailleurs canadiens est en train de s'éroder. C'est une réalité. S'agissant du dollar canadien, les salaires ont peut-être augmenté de 2 p. 100, mais notre devise a perdu 35 p. 100 de sa valeur au cours des 15 à 20 dernières années. Dans une zone de libre-échange, on élimine les obstacles qui empêchent la libre circulation des biens et services, ce qui égalise en quelque sorte les choses. Imaginons que le marché est une piscine. Dans cette piscine, il y a un grand séparateur qui divise le bassin en deux parties, une partie profonde et une autre moins profonde. Si l'on enlève ce séparateur, l'eau circulera alors librement entre les deux sections.

Si des accords comme l'ALE ou la ZLÉA peuvent entraîner une augmentation des salaires au Mexique et dans d'autres pays qui se joindront à des accords de ce type, n'est-il pas logique de s'attendre à ce que les salaires canadiens, par la force des choses, chutent? Sinon, nos entreprises canadiennes ne seront pas en mesure d'être concurrentielles sur le marché, puisque même si les salaires augmentent dans ces pays, ils continuent néanmoins d'être substantiellement inférieurs aux nôtres. N'est-ce pas?

M. Claude Carrière: Sachez que nous ne sommes pas en train de négocier les salaires. Nous négocions l'élimination des obstacles au commerce et les possibilités d'accroître nos échanges commerciaux dans la région. Les salaires et autres questions connexes obéissent simplement aux forces du marché.

M. Ken Epp: Je le sais très bien, monsieur. Mais ma question est la suivante: Avez-vous calculé ou essayé de prévoir les effets de la libéralisation du commerce sur les salaires canadiens?

M. Claude Carrière: Non, pas à ma connaissance. Notre ministère ne l'a pas fait, et nous n'avons pas la capacité...

M. Ken Epp: Ah bon! Ne pensez-vous pas que vous devriez le faire? Cela n'est-il pas suffisamment important pour les Canadiens?

M. Claude Carrière: Oui, c'est important, mais nous n'avons pas fait de tels calculs au sein de notre ministère.

M. Ken Epp: C'est fascinant!

Le président: Monsieur Epp, je vais poursuivre dans la même veine que vous.

Quel type de changements structurels la ZLÉA devrait-elle entraîner?

M. Claude Carrière: Comme je l'ai déjà dit, monsieur le président, les échanges commerciaux avec le reste de l'hémisphère, abstraction faite des États-Unis, du Mexique et du Chili, sont très limités, et c'est pourquoi nous pensons que toute incidence ne sera qu'infime.

Le président: Autrement dit, la structure des salaires au Canada ne changera pas tellement. Est-ce bien cela?

M. Claude Carrière: Nos exportations comme nos importations dans cette région de l'hémisphère représentent 2 p. 100. L'incidence sera assez marginale.

M. Ken Epp: Monsieur le président, si vous me le permettez, j'aimerais revenir sur quelque chose. Je crois vous avoir entendu dire que les exportations représentent 45 p. 100 du PIB canadien. C'est un pourcentage assez énorme. Cela signifie qu'en moyenne 45 p. 100 de tous les efforts humains déployés par les travailleurs canadiens, pour lesquels ils perçoivent des salaires, dépendent de nos échanges commerciaux.

Je veux bien croire que l'expansion du commerce se traduira par la création d'emplois et donc, on l'espère, par une baisse du taux de chômage. Reste qu'il y a certainement des choses que les autres pays peuvent faire mieux que le Canada et à plus faible coût. Cela entraînera manifestement un recul des salaires et de la demande pour la main-d'«uvre canadienne. En théorie économique, cela ne serait-il pas le corollaire...

M. Claude Carrière: Non. En fait, les importations ont un effet positif sur l'économie canadienne. Les importations stimulent la compétitivité, augmentent les choix et favorisent l'innovation sur le marché. Donc, pour répondre à votre question, non, ce n'est pas un corollaire.

M. Ken Epp: D'accord. Monsieur le président, j'aurais une dernière question sur un sujet complètement différent, qui intéresse la région que je représente.

Je m'interroge sur l'incidence de la Zone de libre-échange des Amériques sur l'agriculture... Les discussions sur la ZLÉA comprennent—même si nous avons déjà un accord avec eux—les États-Unis, si j'ai bien compris. Le secteur agricole pourrait en profiter grandement si nous pouvions enfin persuader les Américains de traiter leurs agriculteurs de la même façon que nous traitons les nôtres, au chapitre des subventions gouvernementales.

• 1910

Je sais que le Chili et l'Argentine sont de grands producteurs de blé. L'Argentine fera-t-elle partie de la ZLÉA?

M. Claude Carrière: Oui.

M. Ken Epp: Bien. Le Canada a-t-il l'intention de s'attaquer aux subventions offertes par les différents pays de la ZLÉA pour que nous soyons tous sur un pied d'égalité et pour que nous puissions être concurrentiels?

Si telle est l'intention du Canada, je penserais alors qu'il y a moyen d'apporter des changements positifs au secteur agricole canadien. Sinon, la situation ne fera qu'empirer. Quelle sera la position canadienne lors des négociations sur l'agriculture?

M. Claude Carrière: S'agissant de l'agriculture, nous avons l'intention de procéder sur deux fronts. Comme vous le savez, nous sommes en pleine négociation avec l'OMC sur l'agriculture, et nous cherchons notamment à faire éliminer les subventions aux exportations, à réduire considérablement le soutien interne et à améliorer l'accès aux marchés.

Dans l'hémisphère comme à Genève, nos positions sont complémentaires. Nous pensons que nous pouvons réaliser certains gains dans l'hémisphère, notamment sur la question de l'accès aux marchés et l'élimination des subventions à l'exportation. En revanche, nous croyons qu'il est préférable de s'attaquer aux subventions internes à Genève, où l'on aura l'appui de plusieurs de nos partenaires hémisphériques du groupe Cairns, par exemple, dans les dossiers des subventions à l'exportation et des soutiens internes.

Sachez que nous défendrons nos intérêts, dans la ZLÉA et à Genève, et que nous appellerons à la réforme du commerce international en matière agricole pour faire progresser nos objectifs. À cette fin, nous utiliserons le forum qui nous permettra le mieux de réussir auprès de nos partenaires commerciaux.

M. Ken Epp: Très bien, mais cela figure-t-il dans le programme de la ZLÉA?

M. Claude Carrière: Effectivement, cela fait partie du programme du groupe de négociation sur l'agriculture, par exemple.

M. Ken Epp: Si vos efforts devaient être couronnés de succès, ce succès vous permettra-t-il de réaliser des gains supplémentaires? Si vous réussissez à obtenir des gains pour le secteur agricole en Amérique du Nord, je présume que vous aurez cinq fois plus de poids à Genève.

M. Claude Carrière: Exactement.

M. Ken Epp: Monsieur le président, je pourrais en parler toute la nuit, mais je crois qu'il est temps de laisser à quelqu'un d'autre la chance de poser des questions. J'y reviendrai plus tard.

Le président: Oui, certainement. Nous savons que vous pouvez parler et parler.

Je vais maintenant donner la parole à M. Cullen.

M. Roy Cullen (Etobicoke-Nord, Lib.): Merci, monsieur le président, et merci, messieurs, de vos exposés. J'aimerais consigner un commentaire au procès-verbal, un suivi à une question de M. Loubier, et ensuite j'aimerais vous poser quelques questions.

M. Seeto a parlé du Groupe d'action financière sur le blanchiment de capitaux. M. Loubier parlait de territoires où le taux d'imposition effectif est nominal ou nul et comme il était question de ZLÉA, il parlait peut-être de certains pays de l'Amérique latine ou des Caraïbes; je n'en suis pas certain. Toutefois, il y a des territoires à faible taux d'imposition ou à taux nul partout au monde—en Europe, par exemple.

Il y a une initiative de l'OCDE. Il s'agit d'une initiative pour examiner la concurrence fiscale dommageable dans le cadre de laquelle on ne porte pas vraiment de jugement sur des taux d'imposition trop bas, mais où on veut repousser les limites du partage d'information et du secret. De nombreux pays en voie de développement disent qu'ils sont préoccupés par l'évitement fiscal et qu'ils aimeraient afficher plus de transparence dans l'information demandée et même, à vrai dire, éliminer certaines des lois de confidentialité, ce qui est une tâche énorme.

Toutefois, il a y a une autre initiative, le Forum sur la stabilité financière. J'oublie sous quels auspices, c'est soit le G-7 ou... Je ne suis pas certain. M. Seeto le sait peut-être.

M. Charlie Seeto: Le forum a été mis sur pied par les pays du G-7.

M. Roy Cullen: Le G-7. L'objectif est d'uniformiser diverses exigences réglementaires et divers régimes. En d'autres termes, si vous avez des compagnies d'assurance au Canada, en Amérique du Nord, il pourrait y en avoir aux Bahamas, des compagnies de réassurance... On adopte le point de vue qu'à moins de savoir ce qui se passe dans ces paradis fiscaux, cela peut avoir un effet déstabilisateur sur les marchés financiers, etc. C'est donc une autre initiative.

• 1915

Je voulais simplement que ce soit noté au procès-verbal.

Je sais que M. Loubier parlait de taux d'imposition faibles ou nuls, ce sont là d'autres initiatives. Je ne sais pas quel est le lien, s'il y a un lien à la ZLÉA, mais néanmoins...

J'ai une question, monsieur Carrière. Quel est le lien entre la ZLÉA et MERCOSUR, s'il en est? Quel serait le lien?

Deuxièmement, compte tenu des tensions dans nos relations bilatérales avec le Brésil, vous avez mentionné que le Brésil semblait tirer de l'arrière en ce qui concerne la ZLÉA, si je vous ai bien compris—qu'en est-il de nos relations bilatérales avec le Brésil, le MERCOSUR et la ZLÉA?

M. Claude Carrière: MERCOSUR est un des partenaires dans le cadre des négociations de la ZLÉA; il s'agit d'une union douanière. C'est une tentative en vue de créer un marché commun. MERCOSUR est constitué de quatre pays: le Brésil, l'Argentine, l'Uruguay et le Paraguay. Ces pays ne sont pas toujours d'accord, et dans de nombreux cas, l'Argentine, et à un degré moindre, l'Uruguay sont peut-être un peu plus enthousiastes en ce qui concerne la ZLÉA que le Brésil depuis quelques années.

Le Brésil ne s'oppose pas à la ZLÉA. Le pays tente de s'adapter à l'idée d'ouvrir unilatéralement son économie. Ce processus est en marche depuis le début des années 90, suite au plan Collor. Il s'agit d'une économie continentale. Le Brésil n'est pas très dépendant du commerce international. Traditionnellement et historiquement, son économie est fermée. Donc depuis les années 90, ce pays a adopté beaucoup de mesures d'ouverture unilatérale et sa structure industrielle s'y adapte lentement.

Le Brésil tente de se positionner. Il n'est pas très enthousiaste à l'idée d'accélérer le processus, mais il s'habitue de plus en plus aux négociations et les envisage certainement d'une façon plus positive—en fait c'est peut-être beaucoup dire—depuis l'arrivée de l'administration Bush à Washington à cause des signaux qui émanent de l'administration Bush quant à l'importance de la ZLÉA, de l'intégration économique globale des Amériques et de son désir d'avoir l'air intéressé dans les négociations. Le pays a laissé entendre qu'il serait disposé à négocier la question de l'antidumping, ce à quoi il avait toujours résisté. Il a également signalé une ouverture d'esprit en ce qui concerne l'agriculture, où là encore il y avait toujours eu résistance.

Nous pensons que le Brésil va accepter ces signaux et modifier sa position en conséquence. Le Brésil est un intervenant très important. Son influence est grande en Amérique latine.

Toutefois, il y a d'autres pays qui veulent la ZLÉA—l'Argentine et l'Uruguay, comme je l'ai mentionné—essentiellement pour inciter le Brésil à continuer à libéraliser son commerce à l'intérieur de MERCOSUR. C'est une police d'assurance.

M. Roy Cullen: Merci.

J'ai encore une question.

Dans le cadre du débat traditionnel nord-sud, quand on commence à examiner la possibilité d'étendre le libre-échange dans l'hémisphère sud, à l'industrie des produits forestiers, j'entends toujours l'argument que si nous établissons des normes internationales dans ce secteur, cela signifie que des pays comme le Brésil, ou des pays en voie de développement, compte tenu des différents stages de leur évolution, de leur développement, se trouveront traités inéquitablement. On pourrait dire, dans le contexte de la ZLÉA, nous allons avoir des normes environnementales élevées et certains pays de l'hémisphère sud pourraient dire que ce n'est pas juste, parce qu'ils sont toujours en voie de développement.

Il y a donc ce genre de tiraillement en ce sens que les pays du Nord diront qu'ils subissent beaucoup de pressions; ils considèrent que sur le plan environnemental, c'est ce qu'ils doivent faire, et ils ne seront pas très tolérants, etc. Il en va de même en ce qui concerne les normes du travail.

Je me demande simplement, sur le plan de la conception, dans le cas de la ZLÉA, comment en viendrons-nous aux prises avec cette situation et qu'est-ce qui en ressortira?

M. Claude Carrière: C'est une très bonne question.

• 1920

En ce qui concerne toute cette question des travailleurs et de l'environnement en particulier, dans les pays en voie de développement, les soupçons sont forts qu'il s'agit d'une tentative par les pays industrialisés de leur imposer des normes inappropriées pour les empêcher d'évoluer. Ce n'est pas le cas, évidemment. Ce n'est pas du tout notre intention, mais c'est la perception.

Comment surmonter ce problème, encore une fois, dans le contexte du Sommet. Comme vous le savez, le ministre Anderson préside une réunion avec ses homologues de l'environnement à Montréal aujourd'hui et demain. C'est la première réunion des ministres de l'Environnement dans l'hémisphère, et nous espérons qu'il y aura suivi à l'avenir, car il y a moyen ainsi de faire avancer des questions régionales ou hémisphériques.

Un de nos objectifs consiste à lancer un dialogue entre les ministres de l'Environnement en vue de leur faire comprendre à quel point la croissance économique et une bonne gestion de l'environnement peuvent s'appuyer mutuellement et que nous pouvons ainsi gagner du terrain plutôt que d'en perdre comme ces sept ou huit dernières années.

C'est ce que nous faisons de façon générale. Il y a des éléments étroits que nous pouvons traiter dans le cadre d'accords de libre-échange semblables à ce que l'on trouve au chapitre 11, où les gouvernements conviennent de ne pas réduire les normes environnementales afin d'attirer des investissements. Nous convenons tous que ce n'est pas la chose à faire. C'est donc quelque chose que l'on pourrait inclure dans la ZLÉA mais nous devons orienter les objectifs environnementaux vers une table de l'environnement qui relèverait des ministres de l'Environnement. Il en va de même pour ce qui est du travail.

M. Roy Cullen: Merci.

Le président: Merci, monsieur Cullen.

Monsieur Nystrom.

M. Lorne Nystrom (Regina—Qu'Appelle, NPD): J'aimerais vous remercier tous de votre présence ici ce soir et de vos commentaires sur les négociations de la ZLÉA.

J'ai quelques questions semblables à celles qu'a posées M. Loubier. Dans le cadre de l'ALENA, on s'inquiète bien sûr du chapitre 11. Je songe à l'affaire Metalclad où une entreprise américaine d'élimination des déchets voulait installer un site dans une localité mexicaine—ce que celle-ci ne voulait pas—et la demande a été rejetée. Metalclad, évidemment, a intenté des poursuites au Mexique, et la cour a adjugé un montant de 17 millions de dollars US. Maintenant, le Mexique en appelle de cette décision devant un tribunal en Colombie-Britannique.

Encore aujourd'hui, dans le National Post, je pense, j'ai remarqué un article où il était dit que le Conseil des Canadiens et le STTP songent à porter la constitutionnalité du chapitre 11 devant les tribunaux; en d'autres termes, on conteste la constitutionnalité de cet article. C'est à la suite de poursuites intentées par United Parcel des États-Unis, monsieur le président, contre Postes Canada, parce que Postes Canada compte Purolator au nombre de ses filiales et donne son travail à Purolator. La poursuite contre Postes Canada se chiffre à 230 millions de dollars, sauf erreur. Il y a donc de nombreuses préoccupations au sujet du chapitre 11.

Pouvez-vous nous dire quelles préoccupations le Canada va exprimer dans le cadre des négociations à propos de l'ajout d'un mécanisme semblable à l'article 11 dans la nouvelle ZLÉA. C'est vraiment l'une des questions très importantes pour de nombreuses personnes dans ce pays.

J'aimerais un peu plus de détails sur notre position aux négociations: Qu'est-ce que vous allez dire pour notre compte?

M. Claude Carrière: Dans le cadre des négociations, nous n'avons pas formulé de proposition parce que nous tentons de préciser certains aspects du mécanisme de différend opposant un investisseur et un État du chapitre 11. La nouvelle administration mexicaine a laissé entendre qu'elle était disposée à commencer à travailler ce sujet, contrairement à l'administration précédente, et nous espérons être en mesure de préciser certains de ces éléments cette année.

M. Lorne Nystrom: Lorsque vous dites «préciser», du point de vue de l'intérêt public, du point de vue du Canada, que faut-il préciser?

M. Claude Carrière: Il y a plusieurs éléments, certains sur le plan de la procédure, d'autres pas. Nous avons indiqué que nous voulions préciser la question de l'expropriation indirecte et celle de la transparence, car nous souhaitons améliorer la transparence du processus. Or pour ce faire, il nous faut l'accord de nos deux partenaires en vue de préciser les procédures à cette fin.

• 1925

M. Lorne Nystrom: Lorsque vous dites «préciser l'expropriation directe», pouvez-vous nous expliquer un peu plus avant ce que vous voulez dire? Est-ce que vous avez adopté une position particulière...

M. Claude Carrière: À notre avis, il est clair que la norme prévue dans l'ALENA ne modifie en rien les normes internationales actuelles. Les avocats qui représentent des entreprises, dans des différends opposant un investisseur et un État, ont prétendu qu'il y avait une différence. Nous pensons que nous pouvons préciser cette question.

M. Lorne Nystrom: À votre avis, quel est l'équilibre approprié entre les intérêts du secteur public et ceux du secteur privé dans le contexte du chapitre 11 et des dispositions de règlement des différends opposant un investisseur et un État?

Il y a l'intérêt privé d'une entreprise comme Metalclad, à titre d'exemple, ou encore l'affaire United Parcel aux États-Unis qui intente des poursuites à Postes Canada. Et quel est l'équilibre approprié entre les intérêts privés, ceux en général d'énormes sociétés transnationales, et l'intérêt public, représenté par le gouvernement du Canada, le gouvernement de la Saskatchewan, le gouvernement du Mexique, ou que sais-je? Où trouver un équilibre? Comme négociateurs, quel genre de position adoptez-vous?

Voilà la question, monsieur le président, que j'adresse à un ou l'autre de nos quatre témoins.

M. Claude Carrière: Je pourrais vous renvoyez au texte écrit. Tout récemment, je pense que le ministre Pettigrew a présenté un exposé très détaillé de son opinion sur ce même sujet dans le National Post, le 23 mars. J'attire votre attention sur cet article. Je ne peux certainement pas améliorer ce texte.

M. Lorne Nystrom: Est-ce que quelqu'un veut ajouter quelque chose? Monsieur Seeto, monsieur Leblanc? Non?

Du point de vue du secteur agricole de la Saskatchewan, on s'inquiète toujours dans le cadre de négociations de libre-échange de ce qui pourrait arriver à la Commission canadienne du blé. Nous avons quatre commissions de gestion de l'offre: pour le dindon, la volaille, les oeufs et le lait. Nous avons des offices de commercialisation de tout genre, partout au pays. Est-ce que vous prévoyez des changements qui les touchent dans ces négociations, ces pourparlers sur la ZLÉA?

M. Claude Carrière: Nous l'espérons. Nous espérons augmenter leur accès aux marchés dans les Amériques. Nous espérons convenir que les subventions à l'exportation sont la pire forme d'intervention gouvernementale et qu'il le faut les interdire.

Nous espérons travailler avec les offices à Genève pour atteindre cet objectif dans le cadre des négociations de l'OMC dans le domaine de l'agriculture. Nous aimerions rationaliser les appuis nationaux dans ce domaine, particulièrement aux États-Unis, mais aussi en Europe.

Donc oui, nous envisageons des possibilités de gains pour l'agriculture canadienne dans la ZLÉA.

M. Lorne Nystrom: À votre connaissance, quelles sont certaines des questions que vous devrez défendre? Certains Américains font valoir que ces offices—la Commission canadienne du blé, ou plus particulièrement l'office de commercialisation—représentent des barrières non tarifaires. Est-ce que les autres pays augmentent les pressions qu'ils exercent dans ce domaine en faisant valoir leurs arguments?

M. Claude Carrière: Je ne dirais pas qu'il y a augmentation, monsieur Nystrom. L'opinion des États-Unis au sujet de la Commission canadienne du blé est bien connue: ils ont toujours dit qu'ils n'aimaient pas la commission. Nous leur avons demandé la raison, et ils n'ont jamais pu démontrer que la commission enfreignait à une convention internationale quelconque. Ils font ces déclarations, mais n'ont jamais pu les justifier.

Il pourrait donc y avoir un aspect de politique nationale aux États-Unis en ce qui concerne les gains que notre commission a pu obtenir pour nos producteurs dans les Prairies.

Les États-Unis tentent clairement d'avoir un plus grand accès à certains de nos secteurs à offre réglementée. Nous leur avons dit sans équivoque que nous continuerons à préserver le droit des agriculteurs de choisir leurs systèmes de mise en marché. Nous n'avons pas modifié notre position à cet égard.

• 1930

M. Lorne Nystrom: Y a-t-il autre chose que nous devrions savoir pour ce qui touche le secteur de l'éducation ou les services de soins de santé? Vous vous souviendrez de la controverse en Alberta il y a quelques mois au sujet du projet de loi 11; on craint de plus en plus que ce sera la première brèche dans le système de soins de santé de notre pays—non seulement sous la forme de médecine privée ou de soins de santé à deux vitesses, mais aussi d'un système de soins de santé à deux vitesses à l'étranger. Il y aurait des ramifications en ce qui concerne l'ALENA et la ZLÉA.

Je me demandais si vous pourriez nous éclairer un peu.

M. Claude Carrière: Bien sûr. Vous savez peut-être qu'il y a une dizaine de jours, le ministre Pettigrew a fait connaître la position initiale de négociation du gouvernement dans le cadre des négociations du GATT à l'OMC. Nous gardons la même position pour ce qui est de la ZLÉA—nous essayons d'être conséquents dans tous les forums. Nous n'allons pas négocier nos systèmes de soins de santé ou notre système d'éducation publique à la ZLÉA ou à l'OMC. Il l'a dit expressément.

M. Lorne Nystrom: Quels autres services publics le Canada veut-il exclure de ces ententes? Vous avez parlé de santé, d'éducation, puis maintenant vous parlez d'un statu quo, ou même d'améliorations, pour les offices des marchés agricoles, à la Commission canadienne du blé, et ainsi de suite. Y a-t-il d'autres secteurs auxquels il ne faut pas toucher afin de ne pas affaiblir leur position actuelle?

M. Claude Carrière: Je crois que nous avons parlé précisément de la culture et des services sociaux. Essentiellement, nous croyons que le gouvernement devrait pouvoir continuer à réglementer ses propres secteurs et nous allons continuer à défendre ce droit.

M. Lorne Nystrom: Ma dernière question portera sur les sociétés d'État—puisque le cas de Postes Canada se retrouve maintenant devant les tribunaux. Je viens d'une province où il y a beaucoup de sociétés d'État provinciales: SaskTel, SGI, SaskEnergy, SaskPower, et ainsi de suite. D'ailleurs, toutes les provinces en ont. Doit-on se préoccuper de leur avenir pour ce qui est de préserver les pouvoirs qu'elles ont à l'heure actuelle?

M. Claude Carrière: Je crois que les provinces continueront à avoir le droit de décider de la façon de diriger ces sociétés. Dans ce qu'on négocie, le gouvernement n'accepterait aucun élément qui ait un impact sur le droit des Canadiens de décider de ces choses.

Le président: Je vous remercie, monsieur Nystrom.

C'est maintenant Mme Barnes qui prendra la parole, puis M. McCallum et, enfin, M. Brison.

Mme Sue Barnes (London-Ouest, Lib.): Merci, monsieur le président. Merci aux invités ce soir. J'ai aimé entendre votre témoignage.

Dans le même ordre d'idées, je trouve bien d'avoir mentionné que la culture sera exclue des négociations et qu'elle sera protégée. À notre avis, la protection de la culture canadienne et du contenu canadien constitue une question très difficile. Prenons un exemple—l'industrie cinématographique. Pour un autre pays, c'est une industrie, une entreprise, et une grande entreprise. Alors comment arriver à définir avec précision ce qu'est un intérêt protégé des Canadiens?

M. Claude Carrière: Dans ce cas, je crois que nous avons clairement indiqué que notre position sera la même que celle que nous avons négociée lors d'accords de libre-échange antérieurs. Nous allons continuer à exclure la culture de l'accord, tout comme nous l'avons fait dans le cadre de l'ALENA et de l'Accord de libre-échange Canada-Chili.

Nous avons également souligné que non seulement nous voulons avoir une position de défense, mais nous désirons aussi promouvoir le droit des pays d'avoir des cultures différentes. Le ministère du Patrimoine, avec l'aide de notre ministère, travaille à cerner un nouvel instrument de culture.

Il y a aussi un processus distinct entourant cette question, qui est dirigé par Mme Copps.

Mme Sue Barnes: C'est la raison pour laquelle je posais la question, puisque vous croyiez que nous étions protégés à certains égards. Nous avons eu des difficultés avec les magazines à tirage dédoublé, puis il y a eu des répercussions. C'est facile de prononcer des paroles rassurantes, mais lorsqu'on regarde de plus près, nous constatons qu'il y a des problèmes. Il faut en être conscient, car je crois que la culture canadienne est quelque chose que les Canadiens tiennent à protéger.

Par ailleurs, vous avez parlé de réunions parallèles avec les ministres de l'Environnement. Je crois que les ministres du Travail se réuniront en même temps. Pourriez-vous nous apporter des précisions?

• 1935

M. Claude Carrière: Mme Bradshaw et ses collègues seront les hôtes de la conférence des ministres du Travail de l'OEA à Ottawa en octobre. Leur but sera d'intensifier la coopération visant à améliorer et renforcer les normes de travail dans l'hémisphère. Ils tenteront aussi de faire progresser la collaboration visant à mettre en oeuvre la déclaration de 1998 de l'OIT portant sur les droits fondamentaux reliés au travail.

Nous travaillons aussi avec son équipe pour faire progresser la question. Je crois qu'elle s'est rendue cette semaine au Chili, en Argentine et au Brésil pour préparer la réunion d'octobre à Ottawa.

Mme Sue Barnes: D'accord. Je crois que l'idée de transparence est importante pour les Canadiens et devrait l'être pour tous les États participants. Au Canada, nous savons tous ce qui a été proposé: il y a de constantes mises à jour des renseignements, et nous essayons de faire participer davantage la population. Mais comment est-ce perçu par les autres pays d'importance dans ce processus?

M. Claude Carrière: À cet égard, je suppose que le Canada et les États-Unis partagent des opinions semblables. Nous sommes particulièrement heureux de voir que le Chili a développé une position très forte favorisant la transparence et le rôle de la société civile. Somme toute, ils ont accepté un partenariat dans la ZLÉA et dans le processus émissaire. Les pays des Caraïbes ont aussi été très progressistes à cet égard et nous en sommes très heureux.

Dans le reste de l'hémisphère, les positions varient. Je crois que tous les pays considèrent que c'est non seulement leur droit, mais aussi leur devoir, de consulter leur population—certains on un meilleur mécanisme pour ce faire que d'autres. Certains de ces pays craignent un processus collectif pouvant permettre à certains groupes de s'en prendre à eux. Aux États-Unis, par exemple, il y a plus particulièrement la FAT-COI ainsi que d'autres groupes qui, par le passé, ont été très combatifs.

Il faut donc examiner ces craintes et les gérer. La situation progresse lentement, mais je crois qu'il y a eu des pas dans la bonne direction en ce qui a trait à la transparence. Le Costa Rica, par exemple, a rendu publiques beaucoup d'informations au sujet de sa position. Nous croyons que la même chose se produira dans les Caraïbes.

Mme Sue Barnes: Je vous remercie. C'est tout, monsieur le président.

Le président: Je vous remercie, madame Barnes. Monsieur McCallum, allez-y.

[Français]

M. John McCallum (Markham, Lib.): Merci. Dans un sens, j'aimerais réagir à certaines des déclarations de mes collègues de l'autre côté, mais je pense que ce n'est pas mon rôle ici.

Comme vous le dites, je peux vous poser juste une question ou peut-être deux.

[Traduction]

J'ignore avec quelle précision vous pouvez répondre à ma première question. Je suis définitivement en faveur de la ZLÉA, mais les pays participants sont si différents en termes de taille, de richesse et de conditions. C'est pourquoi le tout me semble un défi énorme. Certaines des questions soulevées déjà par exemple touchent le chapitre 11 et les questions de main-d'oeuvre et d'environnement.

Il y a ensuite le cas spécial du Brésil qui, dans un sens, préférerait avoir un grand rôle dans une petite région, plutôt que l'inverse. Puis pour certains de ces pays, les recettes douanières sont une part extrêmement importante de leur budget et s'ils acceptent le libre-échange, ils perdent une grosse partie de leurs revenus.

Compte tenu de tous ces faits, la tâche me semble herculéenne.

On pourrait poser la question ainsi: Quelles sont les possibilités d'arriver à un accord d'ici l'an 2005 étant donné tous ces problèmes? On pourrait également poser la question ainsi: Quels sont les points primordiaux, quels sont ceux qui pourraient poser obstacle à la conclusion d'un accord, et comment pourrait-on surmonter ces obstacles?

• 1940

M. Claude Carrière: Je vais répondre à la dernière question puisque je ne suis pas du genre à parier—j'ai été au casino une seule fois et j'y ai perdu 20 $

Je crois que le défi le plus considérable est lié aux plus petites économies, en particulier les économies qui ont une très grande dépendance à l'égard des recettes douanières. C'est un défi qui se pose à ces pays, que ce soit dans le contexte de la ZLÉA, dans le contexte de l'OMC, dans le contexte d'une intégration régionale ou infrarégionale plus poussée, ou que ce soit en relation avec l'Union européenne dans le contexte de nouveaux accords suivant la convention de Lomé.

Ces pays doivent décider d'établir un nouveau mécanisme pour percevoir les revenus nécessaires au financement des programmes sociaux ou autres. Nous avons signalé à ces pays, de façon bilatérale par le biais de l'aide publique au développement ou de façon collective par le biais de la Banque interaméricaine de développement ou autres institutions, que nous les aiderons à mettre sur pied ces systèmes s'ils en décident ainsi. Ils ne sont pas encore parvenus à une décision. Nous sommes prêts à travailler avec eux pour relever ces défis et pour leur donner le temps d'instaurer ces nouvelles politiques et pour s'y adapter—en fait une bonne période de temps. Ce sont eux qui doivent décider.

Voilà probablement un de leurs plus gros défis, sans parler de la crainte qu'ils ont de transiger avec d'importants pays comme le nôtre et les États-Unis. Nous devons les convaincre que ce seront eux qui en profiteront le plus. Ils auront peut-être une petite part, mais c'est une part d'un très grand marché, comparativement aux très petits marchés qu'ils ont aujourd'hui. Ça leur fait très peur.

M. John McCallum: Je suppose que ce n'est pas tout ou rien. Si nous n'arrivons pas à convaincre certains des plus petits pays, nous pourrions tout de même aller de l'avant avec les accords avec certains des plus grands pays. Est-ce exact?

M. Claude Carrière: Il est un peu trop tôt pour affirmer cela.

Nous préférons leur indiquer que nous travaillerons de concert avec eux, que nous donnerons suite à leurs préoccupations et que nous les aiderons. Pour le moment, il est trop tôt pour savoir quelle démarche nous adopterons et combien de pays participeront. Nous espérons qu'ils participeront tous. Nous avons encore quelques années devant nous.

M. John McCallum: J'ai un dernier point à soulever.

Il me semble que même si les chiffres sont petits, la population est énorme. Vous en avez déjà parlé. Si nous adoptons une optique à plus long terme, compte tenu de la croissance rapide de la population et de la probabilité de rattrapage, ces endroits prendront une place de plus en plus grande.

Il me semble évident, malgré ces chiffres, qu'on ne devrait pas croire que c'est sans importance. On est censé viser une initiative à long terme.

M. Claude Carrière: Oui. Les occasions pour nous de participer dès le début dans le développement du continent sont énormes. Il y a 500 millions de personnes qui habitent au sud du Rio Grande, et 50 p. 100 d'entre eux ont de 18 à 21 ans. Ces personnes atteindront bientôt l'âge la plus productive. Nous avons l'occasion d'influencer le développement de leurs économies et de leur société.

Oui, si on regarde cet hémisphère, c'est énorme.

Le président: Merci, monsieur McCallum.

Monsieur Brison.

M. Scott Brison (Kings—Hants, PC): Merci, monsieur le président. Merci à vous tous d'être ici ce soir.

Ma première question porte sur la marche à suivre pour aborder certaines de ces questions avec les gouvernements infranationaux, provinciaux et même les autorités municipales. Ces ententes ont certainement des répercussions sur les gouvernements infranationaux.

J'aimerais savoir quel genre de structures sont en place pour faciliter ce type de discussions.

M. Claude Carrière: Nous avons une gamme considérable de mécanismes de consultation avec les provinces. Nous organisons régulièrement, au moins une fois par année, des réunions entre les ministres provinciaux chargés du commerce et le ministre du Commerce internationale. La réunion au début de février a été notre plus récente. Nous avons également un comité composé de représentants en commerce qui se réunissent à tous les trois mois, parfois à Ottawa et parfois dans une capitale provinciale. L'automne dernier, par exemple, nous nous sommes rencontrés à Halifax.

• 1945

De plus, nous nous entretenons, par téléconférence, avec différentes provinces presque tous les jours. Dans certains cas, nous discutons avec toutes les provinces, et dans d'autres, avec celles qui s'intéressent à un sujet en particulier. Nous organisons également des séminaires autour de thèmes ou de sujets précis.

Nous avons un autre processus qui permet aux responsables du ministère de l'Agriculture de discuter avec leurs homologues provinciaux et d'inviter des responsables du dossier du commerce à participer. Il arrive que nous tenions des réunions mixtes.

Les provinces ont accès à l'information. Nous avons un moyen de leur fournir des renseignements confidentiels. Les provinces sont représentées au sein des équipes fédérales, provinciales et sectorielles qui participent à des règlements de différends. Ainsi, dans le cas des produits laitiers, une équipe fédérale-provinciale-sectorielle assure la défense du Canada contre les États-Unis et la Nouvelle-Zélande, qui contestent notre programme laitier. Il existe un large éventail de mécanismes consultatifs.

M. Scott Brison: On semble s'être employé à démystifier quelque peu les accords commerciaux et à fournir des renseignements à ce sujet, ce qui est probablement utile.

Avez-vous examiné le modèle australien pour la négociation de traités, notamment en ce qui se rapporte à la participation intérieure? Je ne parle pas uniquement des gouvernements infranationaux, mais aussi des ONG qui sont actifs au pays actuellement. J'essaye de me rappeler de l'année où l'on a introduit ce modèle. Je crois que le ministre australien des Affaires étrangères de l'époque était Alexander Downer. Cela remonte déjà à quelques années. Je crois que ce modèle a connu une certaine réussite et qu'il est considéré en Australie comme étant assez positif. L'avez-vous envisagé? Le connaissez-vous d'abord?

M. Claude Carrière: Personnellement, je ne connais pas ce modèle. Peut-être les employés de notre ministère chargés d'administrer notre processus consultatif le connaissent-ils. Comme je l'ai dit, je ne le connais pas.

M. Scott Brison: J'ai constaté que lorsque vous défendez les dispositions du chapitre 11 se rapportant notamment aux différends opposant un investisseur à l'État, vous n'évoquez pas le traitement national, ni les avantages que la réciprocité procure aux entreprises canadiennes.

Il est tout à fait raisonnable de s'attendre à ce qu'une entreprise canadienne qui fait des affaires dans d'autres pays soit traitée équitablement et qu'elle ne fasse pas l'objet de discrimination sous prétexte que c'est une entreprise canadienne. Nous devons le reconnaître et garantir le même niveau de traitement à des entreprises étrangères qui viennent s'installer chez nous. Ceci étant dit, nous devons concilier le pouvoir que l'on donne aux entreprises de poursuivre des gouvernements étrangers et les principes du traitement national.

Pourquoi est-ce que vous ne défendez pas le chapitre 11 plus vigoureusement en vous appuyant sur les principes de traitement national et sur l'importance de ce principe dans l'établissement de relations commerciales raisonnables?

M. Claude Carrière: Peut-être avons-nous manqué à notre tâche. Le ministre nous le faisait remarquer pas plus loin que le 23 mars.

Le Canada compte beaucoup d'investissements à l'étranger. En effet, je dirais même que nous sommes en train de devenir un important acteur au chapitre de l'investissement net à l'étranger. La primauté du droit dans les pays d'accueil est un facteur très important si nous voulons garantir à nos investisseurs un traitement acceptable à l'étranger.

• 1950

M. Scott Brison: Il est vrai que dans certains cas des entreprises étrangères ont intenté des poursuites contre le gouvernement canadien, mais la raison tient au fait que la loi canadienne a été conçue de façon très médiocre. Ainsi, une loi qui est censée empêcher quelque chose de se produire—et la loi régissant l'utilisation du MMT en est un bon exemple—se sert des obstacles interprovinciaux au commerce d'une façon qui crée un effet contraire. L'une des façons de régler ce genre de problème est d'élaborer des lois nationales de manière plus rigoureuse pour que l'on puisse les défendre en cas de contestation en vertu du chapitre 11, du traitement national et ainsi de suite.

Savez-vous si l'on est en train d'élaborer les politiques au Canada pour améliorer la qualité de nos lois, tant au niveau fédéral que provincial, et faire en sorte que notre législation puisse résister à toutes sortes de contestations? À mon avis, c'est ce qu'il faudrait faire, plutôt que d'essayer constamment de remettre en question la notion de traitement national. Nous devons simplement tâcher d'élaborer de meilleures lois nationales.

Êtes-vous au courant d'efforts allant dans ce sens? Avez-vous des recommandations à faire?

M. Claude Carrière: Notre ministère faisant partie de l'appareil gouvernemental, nous prenons part à des discussions interministériels et exprimons notre point de vue, et fournissons des conseils sur les implications des différentes initiatives. Nous nous mettons également à la disposition des autres ministères et des gouvernements provinciaux, qui sont libres de discuter avec nous de leurs plans ou projets s'ils le souhaitent.

M. Scott Brison: Autrement dit, il existe un mécanisme en vertu duquel un ministère, provincial ou fédéral, qui s'apprête à élaborer des dispositions législatives peut se mettre en rapport avec votre ministère, et vous l'aiderez à rédiger une loi qui pourrait résister à toute contestation en vertu du chapitre 11, par exemple. Est-ce bien cela?

M. Claude Carrière: Vous l'ignoriez peut-être, mais le ministère de la Justice détache des avocats à différents ministères pour rester continuellement au courant de ce qui se fait...

M. Scott Brison: Mais ne serait-il pas logique que le ministère chargé du commerce participe à tout cela?

M. Claude Carrière: Nous y participons.

M. Scott Brison: Il ne faut pas oublier le côté provincial non plus. Là encore, il est important d'avoir un mécanisme qui permette aux gouvernements provinciaux de déterminer si des instruments législatifs proposés pourraient résister à des contestations en vertu du traitement national ou d'autres dispositions du chapitre 11, notamment celles se rapportant aux différends opposant les investisseurs aux États. Il serait on ne peut plus logique de bien comprendre un tel mécanisme.

Je ne pense pas que même la loi... disons que ne suis pas au courant, ou plutôt, je n'étais pas au courant de l'existence d'une meilleure méthode au sein du gouvernement, au niveau fédéral et provincial, pour aider le gouvernement à élaborer de meilleures lois qui pourraient éventuellement résister à des contestations, au lieu de se contenter de s'attaquer au principe du traitement national quand on sait que le problème est attribuable à la médiocrité des lois.

M. Claude Carrière: Nous cherchons toujours à communiquer le plus d'information aux différents acteurs pour que tous comprennent les implications des activités auxquelles ils se livrent.

M. Scott Brison: Je vous remercie beaucoup.

Le président: Merci, monsieur Brison.

Monsieur Peschisolido.

M. Joe Peschisolido (Richmond, AC): D'abord, je veux vous remercier tous, en particulier M. Carrière, d'être venus témoigner devant notre comité.

Je voudrais revenir à une question que mon collègue, M. Cullen, a posée concernant nos négociations avec le Brésil et le MERCOSUR. Comme vous l'avez mentionné, le MERCOSUR est une union douanière qui a pour but d'appliquer des tarifs externes communs. Or, ce n'est pas ce que nous faisons, puisque nous sommes en train de négocier un accord commercial.

• 1955

Que se passerait-il si l'Argentine voulait quelque chose et le Brésil refusait? Devrait-on négocier avec le MERCOSUR? Cela aurait-il la priorité sur un autre accord?

M. Claude Carrière: Oui, ce serait le cas. L'Argentine, le Brésil et les autres pays du MERCOSUR doivent s'entendre sur une position extérieure commune. Leurs négociations sont parfois plus difficiles à l'intérieur qu'à l'extérieur.

M. Joe Peschisolido: Si j'étais négociateur pour le compte du Brésil, de l'Argentine ou du MERCOSUR, ce qui me dérangerait beaucoup, ce serait de savoir que nous sommes obligés de payer des tarifs douaniers communs, mais que cela ne s'applique pas aux Américains, ni aux Canadiens. Nous serions peut-être en mesure d'esquisser un accord avec un autre groupe ou pays commerçant qui aurait alors pour effet de diluer notre accès.

Ceci étant dit, est-ce là une inquiétude que ces pays pourraient avoir?

Je passe maintenant à ma deuxième question: quel est l'objectif final? Je crois que M. Cullen ou un autre de mes collègues vous a déjà posé la question. Sommes-nous en train de négocier un accord uniquement commercial, est-ce qu'on envisage éventuellement une union douanière?

M. Claude Carrière: L'objectif est de conclure un accord de libre-échange, d'éliminer les obstacles au commerce entre les signataires de l'accord. Nous n'accepterons pas d'obligations qui nuiraient à nos relations externes avec des tiers pays. Cet accord serait semblable à l'ALENA, dans la mesure où l'on éliminera les obstacles entre les pays signataires, mais nous conserverons notre indépendance par rapport à des tiers pays. Voilà donc l'objectif: une deuxième génération d'accord de libre-échange.

Nous devons également prendre en considération le niveau de développement des différents acteurs. Certains sont plus petits et moins développés que d'autres. L'accord de libre-échange éventuel devra tenir compte de cette réalité. C'est un défi de taille, comme j'en ai convenu avec M. McCallum plus tôt. Mais c'est un défi que nous relevons avec beaucoup d'enthousiasme.

M. Joe Peschisolido: Je suis aussi de cet avis. Vous avez dit tout à l'heure que la position canadienne est que nous serions prêts à accorder pas mal de temps à ces pays pour qu'ils mettent en «uvre l'Accord de libre-échange. Dois-je en conclure qu'il y aura une période de transition ou de mise en «uvre graduelle pendant laquelle ils pourront supprimer les tarifs qu'ils nous imposent?

M. Claude Carrière: Oui, mais cela se ferait au cas par cas, avec un pays en particulier et pour un produit en particulier, mais cela se ferait au moyen non pas d'un accord préalable mais par la voie de la négociation.

Ce ne sont pas toutes les petites économiques qui auront besoin du même type de concession pour tenir compte de leurs besoins particuliers. Nous sommes disposés à prévoir des clauses de transition ou d'application graduelle spécialement conçues pour tenir compte des besoins propres à tel ou tel pays.

M. Joe Peschisolido: Dans ce cas, avons-nous pour position de libéraliser le plus grand nombre de secteurs—communications, agriculture...

M. Claude Carrière: Oui, nous cherchons à accroître le plus rapidement possible l'accès des Canadiens aux marchés des Amériques, tout en tenant compte des circonstances propres à chacun de nos partenaires.

M. Joe Peschisolido: À propos de nos partenaires, je crois que M. Cullen a parlé tout à l'heure de la lenteur du Brésil. Somme toute, sans la participation du Brésil, le projet ne se concrétisera pas. Si l'administration américaine n'est pas autorisée à accélérer les négociations, il n'y aura pas d'accord.

Vous avez parlé de ce qui se passe sur la scène politique américaine. Je crois que votre homologue des États-Unis tente, comme on a pu le voir hier et encore aujourd'hui, de rallier autant de congressistes et de sénateurs que possible.

Étant donné l'esprit de clocher qui anime certains sénateurs très puissants, craignez-vous que ce que les Américains n'ont pas réussi à obtenir dans l'Accord de libre-échange qu'ils ont avec nous, qu'il s'agisse du bois d'«uvre, de la culture ou d'autres choses, dans les accords parallèles ou dans les ententes que l'administration devra conclure avec les sénateurs pour la mise en «uvre d'une procédure accélérée...

• 2000

M. Claude Carrière: Nous suivons de très près ce qui se passe à Washington, mais dans le cas de la ZLÉA, ce qui les préoccupe, ce n'est pas leur voisin du Nord, mais bien leurs voisins du Sud.

Ils cherchent donc à montrer au Brésil, en vue notamment de la visite à Washington du président Cardoso—je crois qu'il sera à Washington demain et vendredi—que les dirigeants politiques sont déterminés à négocier sur les questions qui préoccupent le Brésil et les autres pays d'Amérique du Sud, et que cette détermination ne se limite pas aux membres de l'administration en tant que telle, mais s'étend aussi au Congrès.

Aussi l'administration s'emploie à mon avis à faire la preuve de cette détermination et à reprendre un peu du leadership qu'elle a perdu ses dernières années dans la conduite des affaires hémisphériques. Si elle y parvient, les pays qui disent douter de la capacité de l'administration américaine à négocier ne pourront plus se servir de cela comme prétexte, et j'espère donc qu'elle réussira à faire la preuve de cette détermination et à montrer au Brésil en particulier qu'elle entend bien négocier avec les pays de l'hémisphère cette année et au cours des trois ou quatre années à venir.

M. Joe Peschisolido: Vous avez également parlé tout à l'heure, monsieur Carrière, d'une clause sur la démocratie. Quel est l'objet de cette clause, et quelle en est l'incidence par rapport à la mise en «uvre sur le plan pratique et juridique de l'accord commercial?

M. Claude Carrière: La clause sur la démocratie s'inscrit dans le cadre du sommet en tant que tel. Elle se veut un moyen pour les dirigeants d'indiquer sans équivoque que la démocratie est une condition préalable à la participation aux activités hémisphériques comme la ZLÉA et c'est aussi sous le signe de la démocratie que se tiendront la rencontre des ministres des Finances la semaine prochaine et celle des ministres de l'Environnement cette semaine à Montréal.

M. Joe Peschisolido: Il s'agit donc d'un énoncé de principes, d'une déclaration résolument optimiste...

M. Claude Carrière: D'une déclaration bien sentie aussi, en vue de renforcer la démocratie, de renforcer ce qui se passe au Pérou, faire clairement savoir que l'hémisphère est une tribune démocratique et qu'il faut montrer patte blanche pour être invité à la table.

M. Joe Peschisolido: Très bien. Certains, et je ne suis pas de ceux-là, estiment que la libéralisation des échanges nuit à la société civile, notamment à sa dimension démocratique.

Dans le cas d'un pays comme le Chili, qui est partie à un accord de libre-échange avec le Mexique et nous-mêmes et qui est également membre, si je ne m'abuse, du MERCOSUR, il me semble que, ces dernières années, ce pays est devenu très démocratique dans tous les sens du terme. Pourriez-vous nous en dire un peu plus sur l'effet qu'aurait un accord de libre-échange sur des pays comme la Colombie, dont la situation me préoccupe, et aussi le Venezuela? Vous avez également parlé du Pérou tout à l'heure.

M. Claude Carrière: Il y a 25 ans, on comptait 19 dictatures militaires dans les Amériques, et on n'en compte plus une seule aujourd'hui. Il y a donc eu des progrès très importants, notamment au cours des 10 ou 12 dernières années, qui ont à tout le moins suivi le changement de cap économique, les pays des Amériques ayant décidé d'ouvrir leurs économies et leurs sociétés aux influences étrangères.

Nous considérons que l'ouverture économique conduit à l'ouverture à d'autres influences, qu'elle est rassembleur, et qu'elle renforce aussi les principes démocratiques. Vous avez parlé du Chili, mais le cas du Mexique montre très bien aussi comme l'ALENA a donné plus de poids aux forces qui existaient déjà dans ce pays mais qui ont été ainsi renforcées, à un tel point que nous avons maintenant pour la première fois depuis 70 ans environ un nouveau parti au pouvoir au Mexique.

• 2005

Nous sommes donc d'avis que l'Accord de libre-échange contribuera à renforcer les forces en faveur de la démocratie, qu'il conduira à un mieux-être social général pour les habitants des Amériques et qu'il incitera les gouvernements à dégager les ressources nécessaires à l'avancement de ces objectifs sociaux.

M. Joe Peschisolido: J'ai une dernière question, si vous le permettez, monsieur le président.

Vous avez parlé tout à l'heure de fonds ou d'investissements consacrés à l'infrastructure qui étaient à l'ordre du jour des négociations. Faut-il en conclure que le Canada serait disposé à fournir des fonds, en sus des sommes que nous accordons déjà à la banque régionale, qui seraient mis en commun pour être ensuite répartis pour le financement de projets divers comme la construction de routes? Ou s'agit-il plutôt d'investissements de la part du secteur privé dans des projets comme cela?

M. Claude Carrière: Je crois qu'il s'agit plutôt du secteur privé. Je crois que les ministres des Transports se sont réunis pour discuter des besoins hémisphériques en matière d'infrastructures. Ainsi, il ne s'agit pas tellement de prendre des engagements financiers, mais plutôt de coordonner les projets et les activités à cet égard.

M. Joe Peschisolido: Merci, monsieur Carrière.

Le président: Merci beaucoup, monsieur Peschisolido.

Au nom du comité, je tiens à vous remercier de nous avoir présenté une vue d'ensemble et de nous avoir expliqué les paramètres de la ZLÉA de même que les bienfaits et les inconvénients qui pourraient en découler.

Je crois savoir qu'au sommet de Québec, vous aurez essentiellement trois grands thèmes qui se recoupent: renforcer la démocratie, créer la prospérité et réaliser le potentiel humain. La création de la prospérité passe, bien entendu, par l'intégration économique.

Si, à la veille de ce sommet des plus importants, vous aviez à classer les trois thèmes, dans quel ordre de priorité les mettriez-vous?

M. Claude Carrière: Quel ordre de priorité?

Le président: Oui.

M. Claude Carrière: La priorité au sommet est le renforcement de la démocratie.

Le président: C'est le renforcement de la démocratie?

M. Claude Carrière: Oui, c'est là l'objectif primordial. C'est dommage que Marc Lortie, le sherpa du premier ministre, ne soit pas là. C'est le vendredi soir que se fera l'inauguration officielle du sommet, et un certain nombre de dirigeants prendront la parole à ce moment-là. Les pourparlers proprement dits débuteront le samedi matin. Toute la matinée du samedi est consacrée à la démocratie, et les discussions seront télédiffusées en direct, ce qui constitue une première. Cela ne s'est jamais fait auparavant, et on veut ainsi montrer l'importance du renforcement de la démocratie dans l'hémisphère. C'est là la priorité absolue des dirigeants.

L'après-midi, les dirigeants se rencontreront entre eux et seront peut-être accompagnés tout au plus d'une personne qui sera chargée de prendre des notes.

Le lendemain, la matinée du dimanche sera consacrée aux deux autres thèmes: créer la prospérité et réaliser le potentiel humain.

C'est donc le thème de la démocratie, la priorité du sommet, qui va occuper la plupart du temps des participants.

Le président: C'est assez intéressant de l'entendre mais compte tenu de la réaction du public jusqu'ici, les gens semblent penser qu'il s'agit surtout de l'intégration et de la prospérité économiques. Mais vous dites que le thème principal c'est le renforcement de la démocratie car cela vous paraît la condition préalable à l'intégration économique, n'est-ce pas?

M. Claude Carrière: Oui.

M. Ken Epp: Mais Cuba ne fait pas partie de ce scénario.

M. Claude Carrière: Exact.

M. Ken Epp: La démonstration est faite.

Le président: M. Epp estime que la démonstration est faite.

Encore une fois, je vous remercie très sincèrement de votre exposé. Cela a été pour nous une table ronde très utile et instructive. Merci. Bonne chance.

M. Claude Carrière: Merci, monsieur le président et membres du comité.

Le président: La séance est levée.

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