Passer au contenu
Début du contenu

FAIT Réunion de comité

Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.

Pour faire une recherche avancée, utilisez l’outil Rechercher dans les publications.

Si vous avez des questions ou commentaires concernant l'accessibilité à cette publication, veuillez communiquer avec nous à accessible@parl.gc.ca.

Publication du jour précédent Publication du jour prochain

STANDING COMMITTEE ON FOREIGN AFFAIRS AND INTERNATIONAL TRADE

COMITÉ PERMANENT DES AFFAIRES ÉTRANGÈRES ET DU COMMERCE INTERNATIONAL

TÉMOIGNAGES

[Enregistrement électronique]

Le mardi 3 avril 2001

• 1539

[Traduction]

Le président (M. Bill Graham (Toronto-Centre—Rosedale, Lib.)): Commençons, chers collègues, puisque M. Lortie a beaucoup à faire d'ici le 20 avril. J'ouvre la séance.

Je tiens à remercier chaleureusement MM. Lortie et Brock ainsi que Mme Bédard qui viennent aujourd'hui, puisque je sais qu'ils sont extrêmement occupés par les préparatifs du sommet. Nous essaierons de vous laisser partir dès que possible, mais nous vous sommes reconnaissants d'être venus, alors que vous avez de très lourdes responsabilités, qui se multiplient chaque jour.

• 1540

Monsieur Lortie, vous pourriez peut-être commencer en faisant le point sur vos perceptions de ce qui se passe à Québec. Nous écouterons les observations supplémentaires de M. Brock et de Mme Bédard, puis nous passerons aux questions.

M. Marc Lortie (coordonnateur principal pour les Relations fédérales-provinciales, représentant personnel du premier ministre pour le Sommet des Amériques, ministère des Affaires étrangères et du Commerce international): Merci beaucoup, monsieur le président.

Mes collègues et moi sommes ravis de comparaître devant votre comité aujourd'hui. C'est toujours un événement très spécial dans la vie d'un fonctionnaire que de témoigner devant un comité parlementaire. Je suis vraiment heureux et honoré d'être avec vous cet après-midi.

J'essaierai d'être aussi bref que possible et de répondre de mon mieux à vos questions ou à vos préoccupations, si vous en avez.

[Français]

Monsieur le président, c'est avec beaucoup d'honneur que je m'adresse à vous aujourd'hui pour faire le point sur le Sommet des Amériques qui va avoir lieu dans moins de trois semaines à Québec. Ce sommet attire l'attention des Canadiens et des Canadiennes et sera un événement international de grande importance. Le ministre des Affaires étrangères, l'honorable John Manley, et le ministre du Commerce international, l'honorable Pierre Pettigrew, ont participé à votre comité où ils ont fait le point sur les positions du gouvernement canadien.

Mon rôle, en tant que représentant personnel du premier ministre, est de voir aux préparatifs à la fois substantiels, ce que nous allons amener à la table à Québec, de le préparer avec les 33 autres collègues de l'hémisphère, et de voir également aux préparatifs logistiques d'accueil, qui sont surtout concentrés dans notre secrétariat à Québec en ce moment. Un sommet, monsieur le président, ne s'organise pas seul, comme ça.

Mes collègues qui m'accompagnent cet après-midi sont Michael Brock, qui est le directeur des relations hémisphériques au ministère des Affaires étrangères, et Mme Sylvie Bédard, qui a un rôle particulier dans la direction de M. Brock. C'est elle qui s'occupe de notre liaison avec la société civile et les représentants de la société civile, ce qui est un aspect fort important dans l'organisation de ce sommet.

[Traduction]

Monsieur le président, les préparatifs vont bon train, tant les préparatifs substantiels que les préparatifs logistiques.

Jusqu'ici, nous avons eu cinq rencontres avec des représentants ou des coordinateurs nationaux, en vue de préparer le sommet de Québec, en fonction de trois thèmes, comme l'a dit M. Manley: renforcer la démocratie, créer la prospérité et actualiser le potentiel humain. En collaboration avec nos collègues de l'hémisphère, nous avons mis au point un plan d'action visant ces trois principaux objectifs, un plan d'action détaillé qui n'est pas encore terminé.

En outre, à notre dernière rencontre à la Barbade, nous avons discuté des paramètres d'ensemble de la déclaration politique sur laquelle les dirigeants se concentreront à Québec.

Là-dessus, je dois dire que l'un des principaux messages que veut donner l'hémisphère à Québec se rapporte au renforcement des institutions démocratiques. Dans l'ensemble de l'hémisphère, il y a un consensus voulant qu'au niveau politique, les dirigeants doivent affirmer avec fermeté l'importance de la démocratie et des institutions démocratiques.

[Français]

Lors de nos discussions, monsieur le président, nous avons insisté auprès des fonctionnaires responsables de l'organisation du sommet sur la façon de traduire cette volonté politique. En ce moment, il se dégage un consensus à la grandeur de l'hémisphère pour qu'une clause démocratique soit incluse dans la déclaration politique de Québec. Si cette clause démocratique est retenue par les leaders à Québec, je crois, à ce stade-ci, qu'elle marquera le moment fort de la déclaration des chefs d'État.

• 1545

La clause démocratique est inspirée essentiellement de ce que les pays du Mercosur, le Brésil en tête, ont fait lors de leur rencontre au sommet en avril 1998, après une tentative de coup d'État au Paraguay en avril 1997. Lors de cette tentative de coup d'État, c'est-à-dire cette possibilité de voir revenir les militaires au pouvoir, les Brésiliens et les Argentins ont envoyé leur ministre des Affaires étrangères à Asunción; ils n'ont pas envoyé leur armée et ils ont dit aux militaires paraguayens que s'ils revenaient à leurs vieux réflexes d'antan, ils allaient suspendre leurs droits en ce qui concerne le Mercosur. Il y a quatre ans de cela.

Cette déclaration politique s'est traduite, dans le cas du Mercosur, par une clause démocratique, et c'est cette clause démocratique, monsieur le président, qui nous inspire à l'heure actuelle au niveau de l'hémisphère, pour qu'elle soit très claire et qu'elle couvre à la fois la participation future au sommet et l'ensemble de la coopération hémisphérique qui est en train de s'établir entre les 34 pays. Ce sera donc une clause parapluie, si elle voit le jour à Québec.

[Traduction]

Outre cette clause démocratique, nous aurons un plan d'action très détaillé, un plan d'action dont vous, monsieur le président, et certains de vos collègues, avez discuté lorsque vous avez reçu divers représentants ayant signé des accords de promotion et de protection des investissements étrangers, des parlementaires de tout l'hémisphère qui se sont réunis à Ottawa pour discuter de gestion des affaires publiques et de renforcement de la démocratie.

Nous allons parler du processus politique, d'observation d'élections et de la façon de renforcer la démocratie dans le cadre du plan d'action. Il y aura des mesures de toutes sortes, allant de l'inclusion de la société civile dans la gestion publique au renforcement des gouvernements locaux en vue de moderniser l'État, en passant par la formation des juges. Il y aura aussi des séminaires pour former des policiers et renforcer la suprématie du droit dans l'hémisphère.

[Français]

Sous notre deuxième thème, comme les ministres vous l'ont mentionné il y a une dizaine de jours, sous l'aspect de la création d'une plus grande prospérité dans l'hémisphère, les sherpas que nous sommes en ce moment devront attendre les résultats de la conférence des ministres responsables du Commerce qui aura lieu un peu plus tard cette semaine à Buenos Aires. Les ministres responsables du Commerce se penchent sur les négociations qui ont lieu en ce moment, et qui ont lieu depuis avril 1998, sur la création d'une zone de libre-échange.

Les 34 ministres se réuniront pour la deuxième fois pour faire le point sur les négociations et préparer un rapport intérimaire pour le Sommet de Québec. À Québec, c'est donc un rapport intérimaire que les chefs d'États recevront, qui sera présenté par le président de la République d'Argentine, puisque l'Argentine en assume la présidence en ce moment, et qui donnera un portrait fidèle de ces négociations.

• 1550

À Québec, nous espérons qu'il y aura une réaffirmation ferme et dynamique des négociations en vue de conclure un accord de libre-échange pour 2005.

Monsieur le président, les ministres des Finances de l'hémisphère se réunissent en ce moment à Toronto. Ils font le point sur la question des marchés financiers, les questions d'endettement, les questions également de blanchiment d'argent et enfin, puisqu'ils sont les grands argentiers, la question du financement des diverses activités sous le plan d'action du Sommet de Québec.

[Traduction]

Mais à Québec, nous ne parlerons pas uniquement du plan d'action. Nous parlerons aussi de la responsabilité sociale des entreprises. Le secteur privé a-t-il une responsabilité lorsqu'il investit dans un pays en développement? Nous devons nous rappeler que dans le contexte du Sommet de Québec et du Sommet des Amériques, nous avons essentiellement une rencontre nord-sud. Des participants, 32 sont des pays en développement et deux, des pays développés. Il faut toujours en tenir compte dans chaque plan d'action que nous concevons et dans toute négociation. Il est absolument crucial de toujours en être conscients.

Trente-deux pays en développement, c'est 500 millions de personnes, 500 millions de personnes au sud des États-Unis et 500 millions de personnes dont l'âge moyen est inférieur à 25 ans.

Les économies de l'Amérique centrale, les dirigeants de l'Amérique centrale, les administrations de l'Amérique centrale et des Caraïbes voulaient intégrer au plan d'action la question des catastrophes naturelles et leurs conséquences. Parfois, nous concevons un magnifique plan d'action, mais du jour au lendemain, monsieur le président, un ouragan—Mme Augustine en sait quelque chose—ou des tremblements de terre au Salvador, comme en janvier et février derniers, rendent caducs tous les plans économiques et sociaux qui avaient été préparés.

Avons-nous pour responsabilité collective de mieux s'y préparer, de mieux réagir devant ces événements tragiques? Comment pouvons-nous le faire? Comment établir un meilleur système d'alerte rapide? C'est une question dont discuteront les dirigeants à Québec.

Les migrations feront aussi l'objet de discussions, parce que c'est une question importante pour le nouveau président élu du Mexique. La migration est une question clé. Beaucoup de ses citoyens sont en Amérique du Nord, surtout aux États-Unis, et c'est une question d'importance pour l'hémisphère.

Et enfin, nous parlerons de questions liées à l'environnement et au travail. Dans notre plan d'action, les questions d'environnement s'inspireront des résultats de la conférence des ministres de l'Environnement de l'hémisphère, qui a eu lieu à Montréal la semaine dernière. Les ministres de l'Environnement ont préparé une déclaration et un plan d'action qui nous inspireront à la dernière rencontre des plénipotentiaires, au sujet du libellé approprié des parties du plan d'action qui se rapportent à l'environnement. On peut en dire autant pour les questions liées au travail.

• 1555

[Français]

Le premier ministre, monsieur le président, a souhaité que cet ordre du jour de notre sommet respecte ce qui avait été lancé à d'autres sommets, c'est-à-dire que nous prenions en compte également la dimension sociale; nous l'avons appelée «la réalisation du potentiel humain». Qu'est-ce que nous pouvons faire pour faire avancer les choses de ce côté-là? Il y a six sous-thèmes sous ce vocable de «la réalisation du potentiel humain», le premier étant l'éducation. Vous vous rappelez que le Sommet de Santiago avait essentiellement porté sur l'éducation. Il y a eu beaucoup de travail de fait du côté de l'éducation, mais tous reconnaissent, autour de la table, que pour créer davantage de prospérité, il faut outiller nos générations futures, les jeunes. Il faut donner les mêmes chances et les mêmes occasions aux jeunes, filles ou garçons, dans le système scolaire. Sous la direction du Mexique, un plan d'action a été dégagé.

La participation du Canada, si je peux me permettre de soulever un aspect plus pratique de cette participation, est essentiellement développée par le Conseil des ministres de l'Éducation du Canada. Dans ce cas-ci, le Conseil des ministres de l'Éducation du Canada a désigné le sous-ministre de l'Éducation du gouvernement du Québec pour être le représentant du conseil et c'est lui, le sous-ministre de l'Éducation du Québec, qui a siégé au sein de la délégation canadienne pour faire, raffiner et compléter le travail en ce qui concerne le plan d'action en matière d'éducation.

En matière de santé, monsieur le président, nous travaillons de très près avec l'Organisation panaméricaine de la santé, qui est vraiment notre chef de file pour les questions de santé. À cet égard, j'aimerais signaler que dans la région des Antilles, il y a une très grande préoccupation puisque les Antilles sont en ce moment, après l'Afrique, le deuxième foyer où le sida est le plus répandu dans le monde. C'est une question préoccupante non seulement pour les dirigeants des Caraïbes, mais également pour nous, Canadiens et Canadiennes, puisqu'il y a de plus en plus de touristes canadiens qui vont dans les Antilles.

[Traduction]

Nous discuterons aussi de l'égalité des sexes. Pourquoi? Parce que pour avoir une société prospère, il faut s'assurer que les jeunes filles ont accès aux mêmes possibilités que les garçons, dans nos sociétés. C'est un fait acquis au Canada, mais pas partout dans l'hémisphère. Avant de s'entendre sur un plan d'action, les dirigeants insisteront sur l'importance de l'égalité des sexes.

Et enfin, nous ferons preuve d'innovation. Nous parlerons de diversité culturelle.

[Français]

La diversité culturelle est un thème important au gouvernement du Canada. Nous l'avons placée sur l'ordre du jour dès le tout début pour faire le point et lancer la réflexion et les discussions au niveau hémisphérique sur l'importance de la diversité culturelle et de nos politiques culturelles pour développer et assurer le devenir à la fois de notre identité et de notre culture.

Enfin, monsieur le président, le comité que je dirige a été inspiré par le Sommet ibéroaméricain sur les questions d'enfance et d'adolescence. Nous ferons le point sur ces questions au niveau des chefs d'État et de gouvernement, en appelant certains pays à ratifier des conventions qui auraient dû l'être il y a un bout de temps mais qui ne le sont pas encore. Nous parlons surtout des questions de droit.

Pour conclure cette présentation déjà un peu longue, j'aimerais insister sur un thème moderne que le Canada apporte à la table, et dont le ministre Manley a parlé devant vous avec beaucoup plus d'éloquence que je vais le faire: celui de la connectivité. C'est un thème qu'on veut transversal. Qu'est-ce que c'est que la connectivité? C'est essentiellement de déterminer comment nous pouvons nous servir des nouvelles technologies en matière d'information et de communication pour appuyer nos différents thèmes du plan d'action et, surtout, pour essayer de réduire le fossé technologique qui existe, the digital gap, comme on dit en anglais, entre les économies du Sud et les économies du Nord, et comment nous allons, à Québec, proposer des pistes pour rapprocher et rapetisser ce fossé technologique.

• 1600

[Traduction]

Les chefs d'État de tout l'hémisphère sont très enthousiastes que le Canada ait mis de l'avant la connectivité. Ils sont très enthousiastes parce qu'ils estiment qu'il faut outiller les générations futures pour qu'elles entrent de plein pied dans l'économie axée sur l'information.

On a mis au point des idées comme des logiciels éducatifs. Dans le cadre de l'Organisation panaméricaine de la santé, par exemple, nous annoncerons la création d'une bibliothèque virtuelle pour tous les médecins des Amériques. Ainsi, tous les médecins, qu'ils vivent à Ottawa, Montréal, ou Chaco, au Paraguay, auront accès aux mêmes connaissances médicales. Voilà le genre d'éléments que nous voulons. À ce sujet, je dois dire que certains proposeront à Québec que tous les parlements de l'hémisphère soient branchés ensemble, grâce à la technologie, pour que les législateurs puissent faire des comparaisons, partager leurs expériences et leurs connaissances sur tel ou tel type de loi qu'ils veulent présenter.

La connectivité sera importante à Québec. Ce sera un élément spécial qui se traduira par une déclaration spéciale sur la connectivité, à la fin du sommet.

Monsieur le président, je pourrais résumer en disant au comité quelles sont nos attentes au sujet des documents qui seront publiés à la fin du Sommet de Québec, le dimanche, en début d'après-midi, à 13 h 30. Il y aura une déclaration politique signée par les 34 chefs d'État, assortie d'un plan d'action divisé en trois thèmes—un plan d'action très détaillé dont les gouvernements feront la mise en oeuvre au cours des années à venir—et une déclaration spéciale sur la connectivité.

Après cette annonce, les institutions financières participant au Sommet de Québec, soit essentiellement la Banque interaméricaine de développement, la Banque mondiale, le Secrétariat de l'OEA, qui n'est pas une institution financière, la CEPALC ou Commission économique pour l'Amérique latine et les Caraïbes ainsi que l'OPS, feront ensuite l'annonce du soutien financier qu'elles apporteront au plan d'action, à Québec. Ce sera une innovation, pour le Sommet des Amériques. Non seulement nous aurons un plan d'action, mais des propositions très bien définies de financement de ce plan.

[Français]

Monsieur le président, j'ai déjà été trop long. J'aimerais peut-être, lors de votre période de questions, prendre le temps de répondre sur ce que nous allons faire avec la société civile et sur ce que nous avons fait avec la société civile. Très brièvement, nous avons un contact avec 126 organisations de la société civile partout au Canada. Nous avons un dialogue constant avec les représentants de la société civile par le truchement de ces 126 organisations, et ce dialogue a aidé le gouvernement à développer ses propres positions dans l'élaboration du plan d'action.

• 1605

Parmi ces 126 représentants, il y a 26 organisations qui organisent le Sommet des peuples des Amériques qui va avoir lieu immédiatement avant le Sommet des Amériques à Québec. Le Sommet des peuples va se réunir du 16 au 20 avril et la partie canadienne est gérée par 26 de ces organisations de la société civile: syndicats, groupes de pression, groupes d'intérêts, organisations non gouvernementales. Nous pourrons faire le point sur ces questions lors de la période de questions.

Voilà pour l'ensemble de la préparation de substance du sommet. C'est un événement, bien sûr, d'une grande importance pour le Canada. C'est la première fois que nous allons recevoir l'ensemble de l'Amérique. C'est une nouvelle dimension de la diplomatie canadienne. C'est la première fois que nous allons recevoir les 33 autres chefs d'État et chefs des gouvernement des Amériques qui viendront à Québec. Pour ma part, je fais le tour des Amériques pour aller recueillir les observations et les préoccupations des uns et des autres.

Je tiens à vous assurer, monsieur le président, qu'il y a un très grand enthousiasme dans les Amériques pour le Sommet de Québec, parce qu'on sent, partout dans les Amériques, que la relance de la coopération hémisphérique va se faire à Québec.

Merci beaucoup, monsieur le président.

Le président: Merci beaucoup, monsieur Lortie, et encore une fois, merci d'être venu pendant une période où vous êtes vous-même assez pressé par ces affaires.

Nous passons immédiatement aux questions.

[Traduction]

Monsieur Lunn, avez-vous des questions?

M. Gary Lunn (Saanich—Gulf Islands, AC): Merci beaucoup, monsieur le président. Je serai bref, monsieur Lortie. Pour commencer, j'ai surtout des observations à formuler.

Je veux d'abord vous remercier. Vous vous êtes aussi présenté au caucus de l'Alliance canadienne. Vous vous êtes rendu disponible et nous avons eu une discussion très intéressante, un très bon entretien. Vous avez répondu à bon nombre de nos questions. J'apprécie beaucoup que vous soyez si disponible pour les parlementaires.

J'aimerais formuler quelques commentaires qui me feront probablement paraître libéral, mais Dieu m'en garde, c'est simplement parce que certaines choses m'inquiètent. Il ne s'agit pas de ce que vous faites. Mais nous avons vu des manifestations au ministère des Affaires étrangères et tout ce bruit au sujet de la ZLEA, ou de la police, de la barrière et des manifestants. Je crois qu'il est très important de dire, pour mémoire, que nos policiers à qui l'on confie la protection de 34 chefs d'État ont toute une mission et qu'ils méritent notre respect. Nous devons nous en remettre à leur intérêt, à leur jugement et nous assurer qu'ils ont les outils nécessaires. Je ne crois pas qu'on le dise suffisamment. Je voulais simplement qu'il soit dit que ce n'est pas une mince tâche que d'assurer la sécurité de 34 chefs d'État. Ils doivent prendre des décisions de manière très proactive, notamment en élevant une barrière. Les gens auront l'occasion de manifester pacifiquement. Nous devons nous en remettre à leur jugement et à leur professionnalisme, et croire qu'ils feront le travail. Je tenais à le dire.

Deuxièmement, on parle beaucoup de la ZLEA, de la Zone de libre-échange des Amériques. Je suis en faveur du libre-échange, mais il importe de dire, comme vous le signaliez, que nous allons parler de droits de la personne, de démocratie, d'égalité des sexes, de diversité culturelle et de connectivité, ce qui me paraît intéressant, et aussi de libre-échange. Corrigez-moi si j'ai tort, j'aimerais avoir vos commentaires à ce sujet, mais je ne crois pas que le libre-échange soit le principal objet des discussions de deux jours à Québec. Je ne crois pas que nous allons signer des accords de libre-échange, même si c'est très important. Il faut remettre les choses dans leur contexte. Il y a beaucoup d'autres questions qui sont très importantes et dont on parlera à Québec. Il m'arrive de croire que des personnes, dans leur propre intérêt, font du sommet quelque chose qu'il n'est pas.

J'aimerais savoir ce que vous en pensez, mais d'après ce qu'on m'a dit, on ne signera rien à Québec.

Cela étant dit, j'aimerais formuler un dernier commentaire. Manifestement, vous avez l'oreille du premier ministre. Vous êtes bien plus près de lui que moi-même et par conséquent...

Mme Jean Augustine (Etobicoke—Lakeshore, Lib.): Vous êtes à deux longueurs de sabre.

Des voix: Oh, oh!

M. Gary Lunn: Oui, en effet, à deux longueurs de sabre.

• 1610

Toute l'influence que vous avez—parce que nous continuerons d'utiliser notre influence.

Il y a deux choses que je veux dire au sujet du libre-échange, qui relève de ma compétence.

Tout d'abord, il faut reconnaître l'importance du bois d'oeuvre au moment où nous négocions un autre accord de libre-échange. Manifestement, il y a des problèmes. Ils sont vieux de 20 ans. Il y a d'autres problèmes aussi, comme les pommes de terre de l'Île-du-Prince-Édouard. Nous sommes souvent confrontés au protectionnisme américain, ce qui est préoccupant.

La question plus vaste qui ne cesse de m'inquiéter, c'est que nos mécanismes d'exécution, en cas de différend avec un partenaire commercial, que ce soit en vertu de l'OMC ou du groupe spécial bilatéral de l'ALENA, comme dans le cas du bois d'oeuvre, sont très lourds et s'étirent en longueur, comme dans le cas du différend entre Bombardier et le Brésil. Par ailleurs, nous avons vu un recours au groupe spécial de l'OMC. Les mécanismes d'exécution sont vraiment..., du moins, ils ne semblent pas donner les résultats voulus.

Je vais continuer de me pencher sur ces problèmes, mais je crois qu'il faut en traiter dans le cadre d'une ZLEA. Il faut simplifier ces mécanismes d'exécution afin qu'ils soient utilisables, particulièrement pour les petits pays, qui n'ont pas le même poids que les grands pays. Si nous adoptons le libre-échange, il faudra s'assurer que ces mécanismes d'exécution fonctionnent vraiment et qu'ils ne prennent pas des années.

Je m'arrête ici, monsieur le président. Si M. Lortie veut formuler un commentaire sur l'un des sujets dont j'ai traité, je serais ravi d'entendre sa réponse.

Le président: Monsieur Lortie, je crois que vous êtes invité à décider quels commentaires sont des questions et quelles questions sont des commentaires. Vous pouvez répondre ou ne pas répondre.

M. Marc Lortie: Très brièvement, au sujet du travail des policiers, j'ajouterai à vos commentaires que je loue l'excellente collaboration qu'il y a eue entre les divers corps policiers. C'est tout un défi, pour un seul corps policier, d'organiser la sécurité d'un tel sommet, mais à Québec, quatre corps policiers doivent s'unir: la GRC, la Sûreté du Québec, la Police municipale de Québec et le Service de la protection publique de Sainte-Foy. Un groupe de travail a été mis sur pied et toutes les mesures de sécurité ont été conçues en collaboration, ce qui était une tâche colossale. Ils ont bien tenu compte de ce qui s'est produit au cours des dernières années.

Monsieur le président, j'aimerais simplement parler d'un événement. Nous avons une excellente expérience. Beaucoup de gens demandent pourquoi on élève une barrière. Nous avons eu une expérience l'an dernier, à Windsor. Le Canada a reçu les ministres des Affaires étrangères de l'OEA, à Windsor. Nous étions soudain confrontés à la même menace des forces anti-mondialisation de l'hémisphère, qui menaçaient de faire annuler la rencontre de l'OEA. Nous avons mis au point un système de sécurité qui sert de modèle à celui du Sommet de Québec. Mais à Windsor, il faut le dire, nous n'avions que 800 invités alors qu'à Québec, nous en avons près de 9 000. C'est la raison de ce déploiement.

Je prends note de vos observations et je les transmettrai aux autorités compétentes.

Au sujet de la ZLEA, vous avez raison. À Québec, rien ne sera signé qui se rapporte à la ZLEA. Nous arrivons à mi-chemin, en 2001, et nous avons jusqu'en 2005 pour terminer. Il s'agit du mandat initial. Cela sera réitéré à Québec.

Une autre chose sera réaffirmée à Québec: 21 chefs d'État n'étaient pas à Santiago, mais ils seront à Québec. Il sera donc très important pour le président Bush, le président Fox du Mexique, le président De La Rua d'Argentine, le président Chavez du Venezuela, le président Lagos du Chili et ces 21 nouveaux chefs d'État d'affirmer de nouveau leur volonté politique. Au sujet de la ZLEA, c'est tout ce qui émergera à Québec, et rien d'autre.

Les ministres font leur travail cette semaine à Buenos Aires, et le plan de travail sera mis sur pied d'ici 2005. C'est mon interprétation des choses, à deux semaines et demie de l'événement.

• 1615

Au sujet des mécanismes d'exécution, vous avez mis le doigt sur un aspect vraiment crucial. Il est en effet très important que ces mécanismes soient efficaces. Comment le savoir? C'est doublement important parce que nous entrons dans un monde—on ne parle plus de protectionnisme, de nos jours, parce que les principales économies ont connu une croissance très importante. Si cette tendance n'est pas maintenue au cours des mois et des années qui viennent, les mesures protectionnistes referont surface. Il faut toujours avoir à l'oeil ces mesures protectionnistes. Par conséquent, les mécanismes d'exécution sont absolument cruciaux. On l'a fait pour l'Accord de libre-échange et l'ALENA, dans le contexte de notre Accord avec le Chili, on en voit la mise sur pied dans le contexte de l'OMC et j'espère que ce sera non seulement réitéré, mais renforcé, dans le contexte de la ZLEA.

[Français]

Le président: Merci bien.

Madame Lalonde.

Mme Francine Lalonde (Mercier, BQ): Merci beaucoup, monsieur Lortie. Je n'ai pas eu le plaisir d'être avec mon parti quand vous êtes venu parler au caucus, mais cette audience mérite d'être «on the record» et d'être ouverte au public. Je pense que cela est extrêmement important. Compte tenu qu'on est au service de la population, je pense que vous comprenez cette importance. Vous en avez d'ailleurs parlé.

La Zone de libre-échange des Amériques, comme vous le dites, est quelque chose d'exceptionnel. Pierre Marc Johnson nous faisait remarquer que 75 p. 100 du PIB de l'ensemble de cette zone est contrôlé par les États-Unis et 20 p. 100 par quatre pays, qui sont le Brésil, le Mexique, l'Argentine et le Canada, alors que les 29 autres en contrôlent 5 p. 100. Il me semble que cela manifeste le caractère exceptionnel de cet accord qui est plus que l'OMC, qui se veut un accord sur une zone de libre-échange.

Je pose une question comme ça. Est-ce que vous avez envisagé, à un moment donné, de regarder ce que M. Vincente Fox posait comme question quand il est venu à Ottawa, au mois de septembre, me semble-t-il? Il disait que, pour qu'une zone de libre-échange nous aide vraiment à lutter contre la pauvreté, il faudrait qu'il y ait un fonds structurel et il proposait à ce moment-là un fonds de 10 milliards de dollars. C'est ma première question.

Ma deuxième question porte sur la culture. C'est important pour le Québec et pour le Canada. Même si cela paraît parfois moins évident dans le cas du Canada, d'une certaine manière, cela peut l'être encore davantage parce que la culture canadienne, couchée à côté du géant américain, n'est pas en meilleure position que la culture québécoise.

Nous avons entendu ce matin la coalition. Elle s'inquiète et nous nous inquiétons avec elle de ce que le préambule sur la culture qui a été proposé par le Canada se voit conforté dans la déclaration de Québec, à savoir qu'on aille plus loin que des propos flous comme «diversité culturelle» ou «maintien de la diversité culturelle», expressions qui peuvent vouloir dire n'importe quoi, alors que nous savons d'expérience que ce qu'il faut, c'est protéger le pouvoir des pays de faire des politiques culturelles et d'appuyer ces politiques culturelles avec les moyens qu'ils jugeront bons. C'est ce que nous espérons, et j'aimerais que vous nous donniez une indication à cet effet.

Un autre point d'inquiétude pour plusieurs des personnes qui ont défilé devant nous et qui représentent beaucoup de gens, ce sont les groupes qu'on peut définir par le vocable «société civile». Pour ma part, je considère que je fais partie de la société civile avec les collègues parlementaires, mais eux ne sont pas associés aux travaux comme le Forum des gens d'affaires, et ils le regrettent. Ils se trouve de nombreux experts parmi eux et ils savent qu'ils pourraient être d'une utilité certaine. Bien sûr, tout cela a trait à la connaissance des textes. Je vous pose à nouveau cette question: pourquoi ne sont-ils pas associés et pourquoi ne sommes-nous pas davantage associés?

• 1620

Je vous la pose à nouveau, d'autant plus que vous nous dites que, pour la première fois, la Banque mondiale, la Banque interaméricaine de développement, la Banque de développement des Caraïbes, les institutions financières de l'OEA y sont associées. On a besoin de gens qui savent comment faire et, dans le domaine social, personne ne sait mieux comment faire que ces ressources auxquelles on a très souvent recours au Québec et qui se sont avérées d'excellent conseil.

Le président: Vous pourriez vous arrêter là parce qu'on est déjà à quatre minutes. Si vous voulez des réponses... Vous aurez une deuxième chance.

Mme Francine Lalonde: Merci.

Le président: Je vais demander à M. Lortie de répondre et ensuite on reviendra.

M. Marc Lortie: Merci beaucoup, monsieur le président.

Merci beaucoup, madame Lalonde. Sur la question du fonds proposé par le président Vincente Fox, on n'a pas discuté de la création d'un fonds à mon niveau, sauf dans le contexte des petites économies. Les petites économies des Antilles ont dit à quelques reprises que la plupart de leurs revenus gouvernementaux venaient de l'imposition de tarifs et que, si elles devaient signer un accord de libre-échange, l'élimination de ces tarifs ferait qu'il y aurait un problème à un moment donné et qu'il faudrait tenir compte de leur situation particulière et essayer de réfléchir en termes de fonds de transition.

C'est dans ce contexte que, dans mes cercles de travail, on a discuté de la question d'un fonds. Mais telle n'était pas l'intention quand M. Fox a présenté cette idée. Il s'agissait d'un transfert de ressources important inspiré davantage de ce qui se fait en Europe, et cela a été présenté au niveau politique dans certaines discussions. Les Mexicains, dans le cadre de nos travaux, n'y ont pas travaillé davantage. Est-ce que cela va ressortir à Québec au niveau du président Fox? Je ne le sais pas.

Depuis le moment où le président Fox en a parlé ici, à Ottawa, le 22 août dernier, il y a eu très peu d'échos, mais c'est présent dans la tête des leaders. Si nous nous embarquons dans cette construction hémisphérique, les Amériques suivront-elles le modèle qui a été dégagé en Europe, à certains égards, qui est celui de faire des fonds régionaux, des fonds d'aide et des fonds de transfert de ressources financières?

Il faut dire à cet égard qu'il y a quand même la Banque interaméricaine de développement qui est une réalité et dont le budget est de 8 milliards de dollars par année. C'est 8 milliards de dollars par année de la Banque interaméricaine de développement qui sont injectés dans les Amériques. Il ne faut pas sous-estimer cet important flux de capitaux vers la région des Amériques par l'intermédiaire de la Banque interaméricaine de développement, dont le Canada est membre.

Sur la question de la culture, je crois que l'ensemble des intervenants canadiens sont d'un avis unanime sur la question de la diversité culturelle et sur l'importance de mettre la culture à l'agenda. Ce n'était pas à l'agenda du Sommet de Santiago. Nous l'avons mis à l'agenda du Sommet de Québec.

J'aimerais expliquer la différence entre ce que nous avons fait en le mettant à l'agenda du Sommet des Amériques et la négociation qui existe. Il y a deux tracks qui se rejoignent, mais il y a quand même deux tracks. Lorsque vous parlez du langage du préambule, c'est au niveau de l'Accord de libre-échange.

Dans le cas du dossier de la diversité culturelle, étant donné la présence des États-Unis, parce que nous parlons beaucoup de diversité culturelle sur la scène internationale mais qu'il est très rare que les Américains soient présents à la table, nous sommes innovateurs à Québec et nous mettons ce dossier sur la table. Lorsque nous en parlons à l'UNESCO ou dans le contexte de la Francophonie, les Américains ne sont pas là; ils ne sont pas à la table. Là, ils sont à la table.

• 1625

Alors, nous l'avons fait, et je dois vous dire que cela n'a pas été sans résistance de la part des Américains. Ils ont demandé ce que ça faisait là tout à coup. Ce sont des mesures protectionnistes que vous avez en tête quand vous parlez de diversité culturelle, disaient-ils. Nous avons décidé non seulement de le mettre sur la table, mais de l'inscrire dans le plan d'action, de lui donner un erre d'aller dans le contexte hémisphérique, ce qui est nouveau, parce que même si les Américains sont là, nos amis latino-américains sont moins sensibilisés que nous à la question de la diversité culturelle. Nous avons un travail de fond à faire de ce côté-là. Ils y sont moins sensibilisés que nous. Au cours des prochaines années, nous allons donc faire progresser le dossier de l'importance de préserver nos politiques culturelles dans ce contexte hémisphérique. Voilà pour l'agenda du sommet.

Maintenant, pour ce qui est de l'agenda de la négociation elle-même, c'est-à-dire les positions en ce qui concerne l'exemption culturelle et le langage préambulaire, je crois que le ministre Pettigrew a été clair et vous a donné des assurances à cet égard. Il faut s'assurer que ce qui se fait dans cette négociation renforce la position du gouvernement canadien et ne vient aucunement la diminuer dans le contexte de cette négociation commerciale qui existe.

Pour ce qui est de la société civile et des textes...

Le président: Pardon?

Mme Francine Lalonde: La société civile.

Le président: Très brièvement.

M. Marc Lortie: D'une part, il y a les textes qui vont émerger du sommet et qui seront rendus publics le dimanche matin. Je pense que vous faisiez davantage allusion aux textes qui sont en négociation. Le ministre Pettigrew vous a donné l'assurance qu'il partait à Buenos Aires avec l'intention de revenir avec les textes afin de les distribuer, mais il vous a dit que c'était une décision à prendre à 34.

En ce qui concerne la société civile, vous avez raison de dire qu'il faut être attentif à la société civile et aux questions sociales. C'est pour cela que lors de la construction de notre agenda, nous avons tenu un dialogue avec des représentants de 126 organisations.

Permettez-moi d'ouvrir une petite parenthèse. Vous dites que vous appartenez à la société civile, et c'est vrai, mais les représentants de la société civile diront que vous faites partie des gouvernants.

Mme Francine Lalonde: Nous savons que ce n'est pas le cas.

M. Marc Lortie: Il y a une contestation... [Note de la rédaction: inaudible].

Mme Francine Lalonde: Même les libéraux ne peuvent pas dire ça.

Le président: Vous, c'est le gouvernement. Nous, c'est l'ennemi.

[Traduction]

Monsieur Harvard, vous avez la parole.

M. John Harvard (Charleswood St. James—Assiniboia, Lib.): Merci, monsieur le président.

Monsieur Lortie, j'aimerais vos commentaires au sujet de l'observation suivante. Peut-être que le sommet se résumera à une lutte pour savoir qui parlera le plus fort, des libre-échangistes favorables à la libéralisation ou de ceux qui sont contre la libéralisation. Il est même possible, en fait, monsieur Lortie, que nous y soyons déjà. Votre témoignage, que je trouve très rassurant et éclairant, ne fera sans doute pas la une des journaux demain. C'est bien malheureux, et je le déplore. Mais nous savons déjà que la position contraire fait déjà la une. Hier, nous avons certainement entendu parler des manifestants, ici, sur la Colline parlementaire, nous avons entendu parler de leurs séances de formation de la fin de semaine et aussi des barrières de béton qui sont érigées à Québec.

Monsieur Lortie, on en vient à se demander si ces sommets, et vous avez déjà dit que 9 000 personnes assisteront à celui-ci, sont déjà quelque chose de dépasser, s'il ne faudrait pas les reconsidérer, puisqu'on pourrait prétendre qu'ils sont entre les mains de ceux qui en sont les détracteurs, qui s'y opposent. Je ne sais pas quelle est la réponse. Voilà pourquoi que je vous pose la question. Vous êtes de l'intérieur, vous connaissez les processus, les sujets dont on discute, le potentiel et pourtant je soupçonne qu'en ce moment la plupart des Canadiens n'ont aucune idée de ce dont on traitera au Sommet de Québec. Si les ennemis du sommet gagnent, il y a de bonnes chances que les Canadiens ne sauront jamais ce dont il y a été question. Sur nos écrans de télé, on ne verra que de la fumée, des cris et des hurlements.

• 1630

Vous êtes un expert, pas moi. Je ne sais pas s'il y a une autre façon de mener ce genre de discussions. Nous parlons de 34 pays. Nous parlons de 34 chefs d'État qui doivent être protégés, bien entendu. Au cours des dernières semaines, on a parlé que de sécurité. Je suis très favorable à la sécurité. Je ne veux pas qu'on touche à un cheveu de ces personnes. Les pauvres corps policiers—en fait, ce sont les chefs politiques—ont tout un problème. Si on assouplit les mesures de sécurité et si quelqu'un en souffre, pouvez-vous imaginer l'agitation qui en résultera? Et d'où viendrait ce chahut? Probablement de ceux même qui se plaignent actuellement des mesures de sécurité.

Nous, les politiciens, acceptons ce genre de chose. Mais comme vous êtes si près de la situation, je me demande si vous n'auriez pas une autre façon de traiter de ces choses.

J'étais à Seattle il y a un an, enfin, là où a eu lieu le sommet, et c'était un désastre. Nous savons qui a gagné cette bataille.

Je vous pose donc la question; j'aimerais avoir vos commentaires.

M. Marc Lortie: Monsieur Harvard, il n'est pas facile de vous répondre, mais voici mon point de vue sur les sommets.

Il est vrai que nous avons un grave problème de communications. Comment s'assurer que le point de vue que nous défendons est bien présenté aux Canadiens. Ce n'est pas facile. C'est un problème parce que les médias cherchent parfois à présenter un reportage facile à faire. Il est bien plus facile de couvrir la longueur du périmètre de sécurité que de discuter d'une clause démocratique et de ce que cela signifie pour les citoyens, en long et en large.

Au bout du compte... les Canadiens demandent certainement actuellement à en savoir davantage sur les Amériques et le Sommet des Amériques. On m'invite souvent à des émissions de télévision ou de radio, à des entretiens avec des journalistes, à des tables rondes éditoriales. Je peux certainement vous dire que le message qui émerge actuellement n'est pas celui que nous souhaitons, puisqu'il est trop orienté sur la sécurité. Mais si vous regardez les nouvelles qui ont paru dans les éditions spéciales de revues et de journaux ces dernières semaines, vous constaterez que de nouvelles informations sont fournies au sujet des Amériques.

Pourquoi est-ce important pour les Canadiens? Je le dis très souvent: notre prospérité actuelle dépend de la scène internationale. Quarante-cinq pour cent de notre PIB provient du commerce international. Dans cinq ans, est-ce que ce sera plus ou moins? Ce sera plus et les jeunes Canadiens doivent en savoir davantage sur les affaires internationales. Ils doivent s'intéresser aux questions internationales. La façon dont cette information est présentée est parfois chaotique, mais les jeunes pourront lire un numéro spécial de Macleans, ou du National Post, ou de La Presse, ou du Globe and Mail, qui auront tous des cahiers spéciaux sur le sommet de Québec. En bout de ligne, parce que ce sera télévisé aussi, je crois que les Canadiens en sauront davantage.

• 1635

Mais qui gagnera la bataille, ceux qui sont pour ou ceux qui sont contre le libre-échange? Le 23 avril, après le sommet de Québec, dans moins de trois semaines, donc, les Canadiens en sauront davantage sur qui ils sont. Est-ce que les chefs d'État des Amériques sont nos futurs partenaires? Nous comprenons que notre prospérité se fera avec eux. Au sud des États-Unis, ils représentent 500 millions de jeunes qui veulent faire affaires avec nous. Il nous faut les connaître et un sommet, c'est toujours une excellente occasion de faire des rencontres.

Si la connectivité marche bien, aurons-nous un sommet virtuel? Je ne sais pas. Faut-il trouver de nouvelles façons de faire? Peut-être. Mais l'incidence que nous aurons au sommet sera à mon avis très positive, monsieur Harvard.

M. John Harvard: J'espère que vous avez raison. Il sera peut-être difficile de traverser le filtre.

Le président: Si 10 p. 100 de l'attention consacrée à la construction des barricades était consacrée à notre comité, on comprendrait peut-être mieux les parlementaires.

M. Pat O'Brien (London—Fanshawe, Lib.): Il n'y a pas de néo-démocrates ici aujourd'hui. Or ce parti est fort préoccupé par la transparence et veut en savoir davantage sur le sommet. Nous avons ici le principal porte-parole du sommet, et les néo-démocrates sont absents.

[Français]

Mme Francine Lalonde: J'ai encore d'autres questions.

Le président: Mme Lalonde est toujours fidèle, toujours là et a toujours des questions. Je suis certain qu'elle en a.

M. Pat O'Brien: Oui, Mme Lalonde est ici, mais pas le NPD.

Mme Francine Lalonde: Dans le fond, je suis un professeur d'histoire, et les dernières remarques m'amènent à dire que, si Seattle a échoué, ce n'est pas à cause des manifestants. Seattle a échoué parce qu'il y avait des désaccords trop profonds entre les parties. Il y a des désaccords très profonds parce qu'il y a des transformations économiques extrêmement rapides. Agnès Gruda, éditorialiste à La Presse, qui n'est pas une révolutionnaire, concluait un de ses articles sur le Sommet des Amériques en disant que nous sommes dans un avion, mais qu'on ne sait pas qui est le pilote. On pourrait aussi dire que nous ne savons pas où nous allons, mais que nous y allons très vite.

Il est normal qu'il y ait des protestations, d'autant plus qu'on y va dans le secret et que les démocraties des pays, pour l'instant, semblent impuissantes à contrôler ce qui se passe dans ces négociations. Alors, qu'il y ait des réactions, eh bien, ma foi, je trouve ça parfaitement normal. Je pense que ça va aider à trouver des mécanismes pour que ces négociations ne se fassent pas au-dessus ou en dépit des démocraties et des populations.

Cela dit, j'ai des questions précises dans la foulée de celles que j'ai posées tout à l'heure.

Vous avez l'oreille de M. Chrétien, et je sais que les provinces ont demandé d'être associées au processus de négociation. Là, je ne parle pas du sommet. Or, les provinces ne sont pas associées au processus de négociation. Même si le sous-ministre de l'Éducation du Québec a été désigné comme conseiller, il n'agit pas sur mandat du Québec, et le Québec ne peut pas se sentir davantage représenté parce que son sous-ministre, dont je reconnais toutes les qualités, est là. Cette question est extrêmement importante. Les parlementaires et même les provinces ne se sentent pas associés, et je sais que mes collègues ne le sont pas davantage.

Or, il y a des enjeux importants qui vont être discutés. Il y a le chapitre 11. On n'abordera pas à fond le contenu, et vous l'avez souligné, car vous êtes là surtout pour le Sommet de Québec, mais le chapitre 11 inquiète beaucoup de gens, y compris Pierre Marc Johnson, ancien premier ministre du Québec, qui n'est pas un excité et qui disait qu'il fallait partir d'une tout autre chose que du chapitre 11 pour la prochaine négociation.

Vous avez parlé des responsabilités des entreprises et des responsabilités à leur endroit. C'est une question qui est extrêmement importante, comme toute la question des services. J'ai posé une question à M. Dymond, qui a négocié l'AMI pour le Canada à l'OCDE et qui, je crois, est un spécialiste. Vous devez bien le connaître.

• 1640

J'ai demandé à M. Dymond si le modèle québécois, qui est largement construit sur des organisations privées mais sans but lucratif et largement financé par le gouvernement, peut être mis à mal dans la Zone de libre-échange des Amériques. Il m'a répondu que c'était absolument le cas. Je l'ai fait répéter et il a dit: «Oui, absolument.» Cependant, il a dit qu'il y avait des façons de contrer cela. C'est aussi vrai pour M. Petrella, qui a soulevé cette question à propos de l'eau. Cela nous montre à quel point la question des services est importante.

M. Pettigrew m'a dit qu'il y travaillait, mais sur le site du Canada, en ce moment, il n'y a que deux lignes et on dit que la position n'est pas encore développée. Cela confirme qu'il y a des inquiétudes dans les provinces et qu'il y a des inquiétudes partout. Si je les souligne, c'est que j'aimerais vous entendre là-dessus.

Je pourrais poser une question sur Cuba. Je sais que les Antilles ont demandé que Cuba soit là pour des raisons économiques importantes, je crois. Ensuite, il y a des questions extrêmement concrètes, comme la facture de la sécurité, les 34 millions de dollars. Est-ce qu'on peut nous assurer que les millions que coûtera la sécurité seront complètement remboursés par Ottawa?

Finalement, vous comprendrez que je ne peux pas finir sans dire que les Québécois—je suis sûre que je peux parler au nom des Québécois, et vous en êtes—sont très heureux de voir tous les pays réunis dans leur magnifique capitale, mais qu'ils sont inquiets du mur et qu'ils auraient aimé que le premier ministre de ce seul État de langue française des Amériques puisse les accueillir d'une façon digne de ce nom.

M. Marc Lortie: D'abord, sur la question des consultations avec les provinces, je vais faire, encore une fois, la différence entre le sommet et la consultation que le gouvernement mène dans le contexte de la création de la Zone de libre-échange des Amériques.

Il y a, entre le gouvernement canadien et l'ensemble des provinces, au niveau des ministères du Commerce extérieur, un site web de nature confidentielle qui partage l'ensemble des informations en ce qui concerne cette communication. C'est donc une communication qui se fait de façon régulière. Je ne dirais pas qu'elle se fait de façon quotidienne, mais si quelqu'un de quelque province que ce soit veut communiquer de façon quotidienne avec le gouvernement canadien par l'entremise de ce web site, cela se fait. Tous les trois mois, les fonctionnaires chargés de la politique commerciale et des négociations, comme la négociation pour la création d'un accord de libre-échange des Amériques, se réunissent et font le point. Tous les six mois, les sous-ministres se réunissent et font le point. À chaque année, les ministres se réunissent et font le point.

Donc, dans le contexte de la négociation commerciale de l'Accord de libre-échange des Amériques, il y a un système que nous avons depuis le temps des négociations de l'Accord de libre-échange avec les États-Unis, qui s'est étendu ensuite au Mexique et qui a ses racines. Tout le monde a ses habitudes maintenant. Tout le monde y travaille de façon très constante, et les points de vue des uns et des autres sont échangés de façon régulière. C'est la coopération fédérale-provinciale en matière de politique commerciale et, plus précisément, dans le contexte de la négociation de la création de la Zone de libre-échange des Amériques. Cela se fait sur une base régulière.

En ce qui concerne le Sommet des Amériques, à mon niveau, j'ai partagé toutes les informations avec les sous-ministres des Relations internationales ou des Affaires intergouvernementales, dépendant des gouvernements, dans la confection du plan d'action au fur et à mesure du processus.

• 1645

En ce qui concerne l'éducation, les procédures sont provinciales. Le Conseil des ministres de l'Éducation du Canada est une créature des provinces. Alors, c'est vers cette entité que nous nous tournons pour établir la position canadienne à l'égard de l'éducation et des suites à donner, dans la mise en oeuvre, en ce qui concerne l'éducation.

Fort heureusement, à Santiago, où le Québec n'était pas représenté, c'étaient les ministres de l'Éducation des Territoires du Nord-Ouest qui représentaient le Conseil des ministres de l'Éducation. Ceux-ci ont passé le bâton au ministère de l'Éducation du Québec il y a trois ans. Donc, depuis trois ans, nous travaillons avec les autorités du ministère de l'Éducation du Québec.

Maintenant, vous me dites qu'ils représentent le Conseil des ministres de l'Éducation et non pas le Québec. Il est difficile pour moi de séparer les deux. Si le sous-ministre de l'Éducation du Québec occupe le fauteuil de représentant au Conseil des ministres du Canada, il y est également en tant que sous-ministre de l'Éducation du Québec. Sinon, il faudrait qu'il amène son sous-ministre adjoint qui, lui, représenterait...

Mais, cela dit, il ne représente pas uniquement son gouvernement. Il est là pour partager avec ses collègues. Les sous-ministres et les sous-ministres adjoints en matière d'éducation se voient de façon régulière et déterminent ensemble ce qui les intéresse sur la scène internationale et ce qui les intéresse moins.

En ce qui concerne les services et le chapitre 11, je crois que M. Pettigrew s'est exprimé à la fois sur le chapitre 11 et les services. C'est dans le contexte de la négociation. Avec les points de vue des provinces, le point de vue très particulier du gouvernement du Québec sur la question des services sera connu et canalisé à travers ces consultations fédérales-provinciales en vue de la négociation.

Vous avez mentionné Cuba. Vous savez que le premier ministre et le gouvernement canadien ont un préjugé favorable à l'égard de Cuba. On a toujours eu une relation très ouverte, très transparente et très fertile. Mais qu'est-ce qu'on fait dans le Sommet des Amériques? Le Sommet des Amériques est la consécration du retour aux valeurs démocratiques dans tout l'hémisphère. N'oublions jamais qu'il y avait 19 dictatures militaires en 1976. Il y a 25 ans, vous aviez 19 dictatures militaires dans les Amériques. Et en 1980, il y a eu un renouveau. À la fin des années 1970 mais surtout dans la décennie 1980, il y a eu un renouveau profond dans l'hémisphère.

Mme Francine Lalonde: Oui, mais il y a encore des problèmes assez graves dans plusieurs de ces États-là. Disons que formellement...

M. Marc Lortie: C'est pour cela que le Sommet de Québec va envoyer un signal très clair. Mais il y a eu une transformation politique profonde dans les Amériques, un retour à la démocratie. L'année 1994 vient célébrer le retour à la démocratie dans l'hémisphère. Ce retour à la démocratie s'accompagne d'une grande transformation économique. Si le Canada, en 1990, est devenu membre de l'OEA, c'est à cause de cette grande transformation politique. Si nous sommes entrés dans le club politique qu'est l'OEA, l'Organisation des États américains, dans une organisation où nous avions, depuis 1971, le statut d'observateur, c'est à cause de cette grande transformation politique.

Lorsque le premier ministre a quitté Santiago en avril 1998, il s'est rendu à Cuba et a discuté avec le président de la République cubaine de la question des dissidents, un mot qu'on oublie maintenant: les dissidents, la dissidence. C'est quasiment un mot des années de guerre froide. Il a discuté du cas de quatre personnalités très précises qui risquaient une peine d'emprisonnement parce qu'elles étaient des dissidents quant au régime.

• 1650

Depuis ce temps-là et encore aujourd'hui, lorsque nous discutons des questions de défense des droits de la personne, des questions de prisonniers politiques, des questions de dissidence face au régime politique, c'est le silence du côté de Cuba, du côté des autorités cubaines.

Lorsque nous défendons les questions et les principes démocratiques dans un contexte de Sommet des Amériques, il y a donc un porte-à-faux par rapport à ce que les autorités cubaines font à cet égard.

Mme Francine Lalonde: En Colombie et dans tant d'autres pays, il y a des exécutions...

M. Marc Lortie: Mais dans chacun de ces pays-là, il y a quand même une nature très démocratique au régime politique. On peut la trouver relative, mais les fondements de la démocratie sont revenus. Ça, c'est la question de Cuba.

Cela dit, le Canada poursuit ses relations bilatérales avec Cuba. Les Canadiens continuent à y investir et à visiter Cuba. Bon, ça va. On entretient nos relations bilatérales.

Parlons maintenant des factures de sécurité. Au mois d'octobre dernier, lorsque j'ai rencontré Mme Martine Tremblay du ministère des Relations internationales, elle m'a dit que la facture de sécurité s'accroissait de façon astronomique et elle a demandé ce qu'on allait faire. Nous avons établi une table de discussion et de négociation entre le sous-ministre de la Sécurité publique du Québec et la sous-ministre responsable chez le solliciteur général.

Ensemble, depuis l'automne dernier, ils ont déterminé les coûts afférents à la sécurité et ils poursuivent leurs négociations pour que le gouvernement canadien absorbe la grande partie des coûts que cela entraîne pour le gouvernement du Québec, incluant les coûts pour la ville de Québec et les coûts pour la ville de Sainte-Foy, en matière de sécurité. Les discussions se poursuivent. Elles se poursuivent à un rythme important et je crois qu'elles vont aboutir à des résultats satisfaisants prochainement. Mais c'est eux qui gèrent ça ensemble: le ministère de la Sécurité publique du Québec et le solliciteur. Cela se fait au niveau des sous-ministres et le dialogue est des plus constants et fluides à cet égard.

Mme Francine Lalonde: On va suivre ça.

Merci, monsieur le président.

[Traduction]

Le président: Madame Augustine.

Mme Jean Augustine: Merci, monsieur le président. J'ai trois ou quatre questions. Je crois qu'elles sont assez simples, mais en même temps, peut-être pas...

J'aimerais savoir et je vais donc les poser. Pour toute cette zone, il y a quatre ou cinq langues: l'anglais, l'espagnol, le français, le portugais. Bien entendu, on peut en mentionner d'autres: le papiamentu, le patois, le créole, etc. Y a-t-il une langue de travail au sommet? S'est-on entendu sur une langue de travail ou y aura-t-il de la traduction, comme à l'ONU?

Monsieur le président, quand on considère toute la question de l'éducation, de la culture, et bien d'autres, comment pouvons-nous communiquer en fonction de ces diverses racines linguistiques? C'est ma première question.

Deuxièmement, je crois que lorsque les chefs d'État se présenteront à Québec, ils seront principalement d'un sexe. Je ne sais pas vraiment, mais y a-t-il une femme, parmi ces 34 personnes?

M. Marc Lortie: Une femme.

Mme Jean Augustine: Il y a une femme. Alors encore une fois, toutes les questions d'égalité des sexes et leur mise en oeuvre dans un monde latin macho seront...

Le président: C'est comme au théâtre—quand elle ira au petit coin, elle n'aura pas de problème.

Mme Jean Augustine: Toute la question du thème, qui se rapporte à la pauvreté... Nous savons que lorsque des gains économiques sont réalisés, très souvent... Je crois que l'Institut Nord-Sud vient de faire une étude en Afrique qui concluait que dans les pays africains qui ont fait de grands progrès économiques, les femmes ont fait les frais. Ma deuxième question porte donc sur la question de l'égalité des sexes.

Je voudrais ensuite qu'on parle de la question de la migration, dans le contexte hémisphérique. Si on parle d'un contexte hémisphérique, qu'est-ce qui se produira pour les migrations?

• 1655

Et enfin, qu'est-ce qui arrive du Sommet des peuples, qui a lieu du 16 au 20? Où ses recommandations ou conclusions aboutiront-elles? Serviront-elles au sommet lui-même? Quel est le rôle des sommets parallèles, comme le Sommet des peuples, dans les déclarations, que ce soit des déclarations politiques ou portant sur la connectivité?

M. Marc Lortie: Madame Augustine, sur la question linguistique, les quatre langues sont employées. Les Hispanophones parlent l'espagnol, les Brésiliens parlent toujours le portugais, nous utilisons les deux langues, les Haïtiens emploient toujours le français, les Caraïbes, l'anglais et les Américains, bien entendu... La Guadeloupe et la Martinique ne sont pas là, ce ne sont pas des pays participants.

Nous fonctionnons dans les quatre langues et nous publions... Vous verrez la déclaration dès qu'elle sera affichée, et elle le sera dans les quatre langues. Le plan d'action est en quatre langues. C'est ainsi que nous fonctionnons. C'est parfois tout un défi, mais un défi fascinant, je dois dire. Cela n'empêche rien. C'est un défi fascinant de faire en sorte que tout concorde, particulièrement les textes.

L'égalité des sexes est en effet une question très importante. Les chefs d'État ont changé, dans l'hémisphère. Monsieur le président, seulement quatre chefs d'État étaient au Sommet de Miami, il y a sept ans, et nous avons maintenant 30 nouveaux chefs d'État à Québec. Du nombre, 21 n'étaient pas à Santiago. Mais en ce moment, dans tout l'hémisphère, il n'y a qu'une femme présidente, il s'agit de la présidente du Panama.

Au sujet des migrations, je dois dire deux choses. Dans notre forum, des pays voulaient insister sur les aspects positifs de la migration. Quand on parle de migration, on pense trop souvent à la migration illégale. On estime que les migrations sont très avantageuses pour la société. Que faire à ce sujet? Une partie du temps sera donc consacrée à la migration et aux droits de la personne ainsi qu'aux travailleurs migrants. Une partie des discussions portera sur le facteur économique important qu'est la migration pour un pays.

Je vais vous donner un exemple très concret. Plus de 4 p. 100 du PIB du Salvador provient de l'argent renvoyé au pays par les travailleurs salvadoriens à l'étranger. C'est une source de revenu importante pour la vie économique du pays.

Il y a peu de temps, le Mexique a lancé un nouveau processus, appelé le processus de Puebla, réunissant le Salvador, le Canada, les États-Unis, le Mexique et 11 autres pays qui discuteront d'une manière très constructive de toutes les questions se rapportant à la migration. C'est notre principale source d'inspiration pour le plan d'action et il gagne en intérêt.

Et enfin, le Sommet des peuples. Ce sommet se tiendra bien avant le sommet des chefs d'État, soit du 16 au 20 avril. Une déclaration sera préparée. Nous sommes en train de nous organiser avec les organisateurs du Sommet des peuples pour demander à des ministres canadiens de livrer officiellement la déclaration du Sommet des peuples. Il incombera aux ministres canadiens, qui assurent la présidence du Sommet des Amériques, de distribuer la déclaration à toutes les délégations, y compris aux chefs d'État. Par conséquent, à leur arrivée à Québec, les chefs d'État recevront de la présidence canadienne les résultats, les recommandations ou déclarations du Sommet des peuples. En outre, nous organiserons aussi pendant le sommet de Québec une liaison avec les organisateurs du Sommet des peuples, pour que le dialogue se poursuive pendant le Sommet des Amériques.

• 1700

À ce sujet, monsieur le président, je dois dire que j'ai reçu dimanche après-midi la déclaration du Sommet des Indigènes, qui a eu lieu ici, à Ottawa. Trois cents chefs de l'hémisphère se sont rencontrés, à l'invitation de nos leaders autochtones. Ils ont préparé une déclaration pour le sommet de Québec et nous la remettrons aussi aux chefs d'État qui y seront.

Le président: Merci.

[Français]

M. Bernard Patry (Pierrefonds—Dollard, Lib.): Je vais poser une dernière question à M. Lortie. Merci, monsieur Lortie.

J'aimerais comprendre quelque chose. Il me semble que tout le monde veut avoir accès aux fameux textes des négociations, comme si le Sommet de Québec était l'étape finale, décisive, sans retour de la ZLEA. D'une part, on a les ministres qui se promènent: le ministre de l'Énergie est allé à Mexico, celui des Transports en Uruguay et celui de l'Environnement à Montréal; celui des Finances est actuellement à Toronto et notre ministre du Commerce international s'en va à Buenos Aires.

D'autre part, on nous dit que ces textes contiennent seulement des voeux pieux, des recommandations de tous les pays, et qu'il en y a pour plus de 900 pages. Je voudrais savoir où on est rendu dans tout ça. Au moment du Sommet de Québec, les attentes des gens seront immenses. Il y a tellement de négociations, tellement de ministres qui se promènent et tellement de choses qui se disent d'un côté et de l'autre. On en est-on rendu?

Vous nous avez parlé d'un plan d'action à l'intérieur duquel il y a 18 champs d'action. Quelles en sont les étapes? Il y a plus d'une étape là-dedans. Est-ce qu'on est rendu à l'étape de l'agenda? J'aimerais que vous disiez exactement où on en est rendu là-dedans, parce qu'il semble qu'on va arriver à Québec avec je ne sais trop quoi: des genres de déclarations, des clauses de connectivité ou de démocratie, des trucs de ce genre-là. Les gens vont dire qu'ils ont tout fait ça pour en arriver à une clause démocratique. Vous nous avez dit que les chefs d'État vont nécessairement se rencontrer et que c'est très bien qu'ils développent des liens entre eux. Il y a beaucoup de nouveaux chefs d'État depuis 1998; vous l'avez dit. C'est important, tout ça, mais où est-on rendu là-dedans, dans l'agenda et tout ça?

M. Marc Lortie: Au sujet de l'agenda du sommet lui-même, c'est un agenda bâti en trois parties: le renforcement des valeurs démocratiques; la création de la prospérité; la réalisation du potentiel humain. Sous ces trois thèmes-là vont sortir les textes suivants: une déclaration politique qui aura probablement cinq pages; un plan d'action pour les 34 gouvernements autour de la table; un plan d'action à mettre en oeuvre qui aura 50 pages. Ce plan d'action aura 18 sous-chapitres, et dans ces 18 sous-chapitres, il y aura le renforcement de la démocratie: que pouvons-nous faire pour amener la société civile dans la gouvernance? Les 34 pays s'engagent à poser telle ou telle action. Alors, il y aura 18 sous-chapitres dans ce plan d'action de 50 pages.

Finalement, il y aura la déclaration spéciale sur la connectivité: comment les pays doivent-ils s'engager dans la connectivité pour fermer le fossé technologique qui est en train de s'établir entre les nations du Sud et du Nord? Comment allons-nous y parvenir? Quelles sont les pistes d'action? Ça, c'est une série de textes. Mais quand vous me posez la question sur les textes et que vous entendez parler de textes, ce n'est pas de ces textes-là qu'il s'agit.

M. Bernard Patry: C'est ça que je veux savoir.

M. Marc Lortie: Les textes dont vous entendez parler, ce sont les textes en négociation dans l'Accord de libre-échange. Les gens réclament les textes en disant qu'il leur faut les textes parce que cela va leur permettre de s'engager dans le processus et de connaître ce qui est en négociation. Quel est le contenu de ces textes? Vous avez fait allusion à un chiffre très précis: 900 pages de textes. On a colligé les 34 positions de négociation des pays sur l'Accord de libre-échange.

• 1705

La position du Canada en ce qui a trait aux tarifs est qu'il faut ramener à zéro l'ensemble des tarifs. La position du Brésil, la position de la Guyane, la position du Chili, la position des États-Unis, bref, la position des 34 pays autour de la table, quelle est-elle? Vous tous, vous êtes à zéro. Tous ensemble, on est à zéro. Mais tout à coup, on voit une position différente: je vais baisser mes tarifs de 35 à 20 p. 100. Bon, très bien, c'est votre position. Cela fait partie du texte. Vous, vous êtes à 12 p. 100, mais j'ai deux réserves: je ne veux pas toucher à mes produits X et Y; je ne veux pas que mes voitures soient... Très bien, c'est sa position. Pour l'aspect de la négociation, le texte est donc en confection en ce moment. Il n'existe pas. Et quand va-t-il être terminé? Quand allons-nous terminer? Eh bien, il nous reste trois ans de négociation.

Donc, la position du gouvernement canadien est qu'il estime que ces textes devaient être disponibles. Cela dit, ces textes ne nous appartiennent pas. Ils appartiennent à l'ensemble des 34 pays. Ce sont les textes dont vous entendez parler. On va réclamer les textes au Sommet de Québec: ce sont ces textes-là. Je répète assez régulièrement que nous avons quand même une certaine expérience des accords de libre-échange, puisque nous en avons trois: l'ALENA, le Chili et Israël. Nous avons neuf groupes de négociation qui sont fort bien connus. Les positions canadiennes sont connues à l'intérieur de ces neuf groupes. Ce sont des textes très arides, d'un ennui vraiment extraordinaire, mais si quelqu'un se donne la peine de regarder ce qu'on a négocié dans l'Accord de libre-échange avec le Chili ou dans l'ALENA, il retrouvera l'essence même de ce à quoi on va arriver dans la Zone de libre-échange des Amériques.

Merci.

Le président: Je proteste, monsieur Lortie. Je suis un ancien professeur de droit du commerce international. Dire que nos textes sont arides, ça ne se peut pas. C'est passionnant pour les gens.

Madame Marleau, vous avez le dernier mot.

Mme Diane Marleau (Sudbury, Lib.): Vous avez parlé du résultat de la rencontre du Sommet des peuples des Amériques et dit que le rapport ou le texte de ce sommet sera présenté aux ministres et que ce sont les ministres qui vont voir à donner le texte aux chefs.

Avez-vous envisagé de laisser les représentants du Sommet des peuples faire eux-mêmes une présentation aux chefs d'État? Comme vous le savez, plusieurs gens disent que oui, ils vont se rencontrer, mais que cela n'aura pas de véritable impact sur les chefs. Est-ce que vous avez pris cela en considération?

M. Marc Lortie: Oui, nous l'avons pris en considération, mais je dois vous dire que les demandes à cet égard sont fort nombreuses. Le Sommet des peuples est constitué de 26 groupes d'organisations canadiennes. Les 100 autres groupes que je consulte souhaitent aller au Sommet des peuples, mais ils n'y sont pas invités.

Mme Diane Marleau: Vous dites que le Sommet des peuples n'inclut pas tous les groupes. C'est bien ce que vous dites?

M. Marc Lortie: En effet, c'est ce que je dis en premier lieu. En second lieu, il y a, bien sûr, le Sommet des peuples. Il y a aussi le Sommet des peuples autochtones, qui vient de se réunir. Il y a les maires qui vont se réunir à Québec. Il y a les parlementaires qui se sont réunis. Il y a une série de forums qui se réunissent et qui veulent tous apparaître devant les chefs d'État et de gouvernement.

• 1710

Nous avons eu un forum des jeunes à Québec, au mois de mars, qui s'est déroulé de façon très constructive. Les grands écrivains se réunissent dans le contexte du Salon du livre. Il y a le Sommet de Porto Alegre, qui a aussi fait une déclaration. Bref, il y a une litanie de représentants qui souhaitent faire leurs représentations directement aux chefs d'État. Nous avons donc dû tirer une conclusion et dire que les chefs d'État... D'abord, il faut dire que le sommet est très rapide, très condensé. Il commence le vendredi soir à 18 h 30 et se termine le dimanche à 14 heures. Il se terminera par une conférence de presse qui aura lieu à 13 h 30. C'est donc un Sommet très compressé, et l'idée d'avoir une chaise tournante pour tous les groupes qui souhaitent y être représentés ne nous aurait pas permis d'atteindre les objectifs qu'il faut atteindre pour relancer la coopération hémisphérique. C'est un geste que nous avons envisagé, et je dois dire que les représentations du Sommet des peuples ont été plutôt fortes à cet égard.

Le président: Merci.

M. Marc Lortie: Monsieur le président, permettez-moi d'ajouter une note finale à mon résumé que j'ai fait d'une façon un peu sommaire. J'ai oublié de mentionner un point qui m'apparaît important, et c'est celui de la question de la lutte contre les drogues illicites, qui sera à l'agenda du Sommet de Québec, qui verra au renforcement du mécanisme établi entre les divers pays pour lutter contre les drogues illicites dans les Amériques. Ce mécanisme établi en 1998 donne des résultats très bénéfiques pour l'ensemble des sociétés, et nous allons saisir l'occasion du Sommet de Québec pour renforcer ce mécanisme de coopération sous le chapitre de la lutte contre les drogues illicites, ce qui est, bien sûr, d'une très grande pertinence pour les parents et les jeunes.

[Traduction]

Le président: Merci beaucoup, monsieur Lortie. Encore une fois, merci d'être venu alors que vous êtes extraordinairement occupé ces temps-ci.

Je pourrais peut-être poser une courte question au sujet des conséquences du sommet. Ce n'est pas que cela me dérange, mais il est clair qu'à l'heure actuelle, on insiste surtout sur la zone de libre-échange des Amériques, et on entend surtout ceux qui sont contre. Il y a une raison à cela: nombre de témoins qui sont venus au comité, dans le cadre de nos audiences sur l'OMC, par exemple, ont fait valoir que contrairement à d'autres accords internationaux, les accords commerciaux ont des dispositions exécutoires et ont donc du mordant, plus d'efficacité que tous ces autres instruments dont on parlera au sommet, que ce soit une clause démocratique ou des questions relatives à l'éducation, qui existent, certes, mais qui ne peuvent être mises en pratique aussi commodément.

À votre avis, le sommet nous permettra-t-il de voir plus clairement comment nous pouvons atteindre ces autres objectifs? Il semble que nous puissions atteindre les objectifs de libéralisation des échanges commerciaux. Nous semblons connaître les techniques pour y arriver. Vous avez parlé de l'exemple du MERCOSUR, pour le Paraguay, qui est très intéressant, puisque la menace de retirer des concessions commerciales a suffi à étouffer un coup d'état. Mais c'est un exemple assez dramatique, pour des questions plus complexes comme la sensibilisation aux droits de la personne. Nous sommes préoccupés.

J'ai aussi été très impressionné que vous nous informiez de la présence de la Banque inter-américaine, qui laisse croire qu'il y aura moyen de financer ces activités. C'est aussi quelque chose dont les Canadiens ne sont pas au courant. À mon avis, la plupart des gens croient qu'il n'y a que la ZLEA. C'est en partie parce que c'est ce qu'on leur laisse croire, à tort, mais c'est aussi à cause d'une certaine réalité: la nature des accords commerciaux, dans les affaires internationales, les rend plus efficaces que les autres types d'accords.

Lorsqu'on parle à des gens de l'environnement et du fait qu'on en discutera à Québec, ils nous disent: oui, vous allez en parler, mais vous ne ferez rien comme vous parlerez de la connectivité, sans rien faire alors que pour le commerce, vous agirez. Je pense que c'est le problème que nous avons quand nous parlons aux électeurs pour essayer de les informer. Ceux d'entre nous qui croient au processus ont du mal à comprendre comment on pourrait mieux l'expliquer.

• 1715

M. Marc Lortie: Bien entendu, l'accord commercial est un traité. Il est très précis. Un traité prévoit des droits et des obligations. Une déclaration politique n'est que l'expression d'une volonté politique. C'est une orientation. Mais au bout du compte, il est très important de comprendre que si nous n'arrivons pas à renforcer la démocratie, si la démocratie n'est pas chose concrète, on peut tout oublier de la ZLEA, qui ne verra pas le jour.

C'est fondamental. Il faut rappeler aux Canadiens que pendant le régime Pinochet, aucun dollar canadien n'a été investi dans son pays, mais que depuis la fin de ce régime, 12 milliards de dollars ont été investis dans ce petit pays, soit trois fois plus qu'au Japon ou en Allemagne.

Il faut insister sur ces messages. Ils sont peut-être plus que subliminaux. Il ne s'agit peut-être pas de droits, de privilèges et d'obligations, mais ils sont importants. Si les règles démocratiques sont suspendues, demain matin, au Pérou, par exemple, ou n'importe où ailleurs, les Canadiens seront ébranlés parce que la bourse de Toronto réagira. Nous sommes maintenant un investisseur important pour ce pays. Voilà la nouvelle réalité.

Mais il faut mettre du temps pour faire passer le message dans l'opinion publique, qui verra l'importance de la question. L'avantage d'un traité, ce sont les règles et obligations qui y figurent. Voilà son avantage et c'est un peu plus clair dans le plan d'action.

Monsieur le président, je peux toutefois vous assurer que l'intention du gouvernement canadien, dans le cadre de l'élaboration du plan d'action et dans la déclaration politique, c'est d'être aussi concret que possible, de produire des résultats, de prendre des engagements, des engagements qui recevront le financement nécessaire, de nos institutions ou des institutions financières responsables de cet investissement économique. J'ai d'abord parlé de la BID, de la Banque mondiale—nous voulons être très précis. Si nous voulons parler de l'aide dans les Caraïbes, allons-nous faire quelque chose? Allons-nous faire une annonce? La réponse doit être oui.

Le président: Merci. C'est très utile.

Encore une fois, merci beaucoup d'être venu cet après-midi. Nous vous souhaitons bonne chance et tout ce qu'il y a de mieux, pour votre travail si important.

La séance est levée; nous reprendrons jeudi matin, pour notre dernière séance sur le Sommet des Amériques.

Haut de la page