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FAIT Réunion de comité

Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.

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STANDING COMMITTEE ON FOREIGN AFFAIRS AND INTERNATIONAL TRADE

COMITÉ PERMANENT DES AFFAIRES ÉTRANGÈRES ET DU COMMERCE INTERNATIONAL

TÉMOIGNAGES

[Enregistrement électronique]

Le mardi 8 mai 2001

• 0905

[Traduction]

Le président (M. Bill Graham (Toronto-Centre—Rosedale, Lib.)): La séance est ouverte.

Vous vous rappellerez sans doute que lorsque nous avons rédigé notre rapport sur les armes nucléaires, nous avons fait la suggestion que l'ambassadeur au désarmement comparaisse devant le comité tous les ans afin de nous informer et de faire le point sur le désarmement nucléaire. Nous sommes heureux d'accueillir une fois de plus M. Westdal. Il a déjà témoigné à de nombreuses reprises devant notre comité de sorte que je n'ai plus à vous faire part de ses compétences en la matière. Nous les connaissons.

Je vous remercie d'être venu ce matin.

Chers collègues, je vous rappellerai toutefois que cet après-midi, à 15 h 30, nous tiendrons une réunion conjointe avec le Sénat au sujet de l'initiative sur les moyennes puissances, en quelque sorte dans le même ordre d'idée. De toute évidence, ce n'est pas... comment dirais-je?

Une voix: C'est une réunion informelle.

Le président: C'est une réunion informelle. Autrement dit, il s'agit d'une réunion non structurée du comité. Je n'irai pas plus loin pour l'instant.

Monsieur Westdal, vous pourriez peut-être commencer par votre exposé, à la suite duquel nous vous poserons des questions.

M. Chris Westdal (ambassadeur du Canada aux Nations Unies pour le désarmement): Merci, monsieur le président et membres du comité.

C'est mon devoir, tel que vous l'avez mentionné, mais également un honneur pour moi de comparaître chaque année devant votre comité, tel qu'il avait été entendu dans la réponse du gouvernement au très volumineux rapport produit par votre comité il y a trois ans. Pour mes collègues et moi-même qui oeuvrons sur le plan multilatéral au désarmement et au contrôle des armements, l'assise politique a été très précieuse et inhabituellement précise.

Je vous propose donc de vous parler brièvement ce matin de plusieurs nouveaux points importants de la non-prolifération, du contrôle des armements et du désarmement. Je vais essayer de ne plus utiliser ce long syntagme; j'utiliserai plutôt l'acronyme NCAD pour non-prolifération, contrôle des armements et désarmement. Quoi qu'il en soit, pour ce qui est des principales nouveautés depuis ma dernière comparution, il y a 14 mois, certaines ont été encourageantes, et d'autres un peu moins.

Je vais donc vous donner tout d'abord les bonnes nouvelles. La conférence d'examen du TNP de l'année dernière, qui devait être un échec, a donné des résultats très positifs, notamment un plan d'action convenu d'étapes pratiques vers le désarmement. D'ailleurs le sénateur Roche et ses collègues de l'initiative sur les moyennes puissances vous parleront cet après-midi des 13 étapes de ce plan d'action.

Maintenant, les mauvaises nouvelles. Reflétant l'absence actuelle de volonté politique de faire progresser son ordre du jour de NCAD, la Conférence sur le désarmement de Genève, dont je suis un membre accrédité, reste dans l'impasse. Il en est de même pour les principaux éléments de ce plan d'action, y compris en particulier le TIPMF, c'est-à-dire le traité interdisant la production de matières fissiles, qui interdirait la production de matières fissiles pour des armes. Il comporterait des négociations au sujet d'un TIPMF—INPMF, dont vous entendrez parler. Il bloque également...

Le président: Désolé, avez-vous dit INPMF?

M. Chris Westdal: INPMF. C'est l'acronyme pour interdiction de production de matières fissiles.

Le président: S'ils ne l'interdisent pas, cela va devenir le gros bang, n'est-ce pas?

M. Chris Westdal: Je pense que c'est plutôt la bombe fusée. Tout à fait.

Le président: Très bien.

M. Chris Westdal: Nous n'avons pas besoin de nouveaux acronymes, monsieur le président; nous ne parvenons déjà pas à comprendre ceux que nous avons.

Le président: Vous avez tout à fait raison.

M. Chris Westdal: Passons immédiatement au point suivant. Dans ce programme de travail qui n'avance plus, il y a également des propositions au sujet de la prévention d'une course aux armements dans l'espace, que l'on appelle la PCADE—«prévention d'une course aux armements dans l'espace». Ce ne sont pas de bonnes nouvelles pour la Conférence sur le désarmement de Genève.

Puis, j'ai des nouvelles qui ne sont pas encore tout à fait précises, les nouvelles approches en matière de NCAD que l'on mentionne comme nouveau cadre de sécurité et de stabilité de l'administration Bush, qui visent à ajouter l'aspect de la défense à la dissuasion pour contrer les nouvelles menaces d'après-guerre froide qui sont le résultat de la prolifération. C'est le premier objectif.

Le deuxième, c'est de maximiser la souplesse des États-Unis grâce au leadership par l'exemple, et je cite «éviter les contraintes du multilatéralisme»—et j'ajouterai les contraintes mutuelles du multilatéralisme. Comme nous le savons tous d'après les manchettes, des consultations intensives directes bilatérales et des consultations avec l'OTAN sont en cours, de même que des révisions à la politique de défense fondamentale, à Washington.

• 0910

Nous sommes d'accord avec nos collègues et partenaires américains que l'évolution des réalités géostratégiques depuis la fin de la guerre froide nécessite une vérification permanente des approches stratégiques qui soutiennent notre sécurité. Cependant, il est aussi évident qu'une révision du fondement même de la sécurité mondiale est un processus qui doit aller de l'avant et tenir compte des points sensibles et des réactions de tous les principaux intervenants si l'on veut que la stabilité stratégique soit maintenue. En conséquence, nous avons vraiment hâte d'amorcer ce débat avec les États-Unis, avec d'autres alliés, et avec d'autres États intéressés.

Permettez-moi de dire quelques mots sur l'énoncé du gouvernement auquel j'ai fait allusion. Notre politique à cet égard et mes instructions en tant qu'ambassadeur au désarmement se fondent maintenant, tout comme il y a 14 mois, sur l'énoncé du gouvernement de 1999 «Désarmement et non-prolifération nucléaires: favoriser l'atteinte des objectifs canadiens», et cet énoncé était en partie une réponse au rapport produit par votre comité. Son objectif suprême est l'élimination des armes nucléaires grâce à la mise en oeuvre déterminée du TNP, le traité sur la non-prolifération signé en 1970, ainsi que des traités et accords conçus pour l'étayer et à le renforcer.

Il y a eu des projets précis, et je ne les reprendrai pas tous en détail: essayer de parvenir à l'universalisation du TNP, c'est-à-dire d'intégrer Cuba, l'Inde, le Pakistan et Israël; renforcer le processus d'examen du traité pour parvenir à une redevabilité permanente—c'est l'expression. Il était évident lors de la réunion de 2000 du TNP que le processus d'examen portait sur cela, et c'était beaucoup plus fort que par le passé. Il faisait intervenir un engagement continu pour favoriser l'entrée en vigueur du CTBT, c'est-à-dire le Traité d'interdiction complète des essais nucléaires, qui est vraiment dans l'impasse en ce moment à Washington, comme vous le savez. Il faisait intervenir d'autres négociations relatives au TIPMF, l'interdiction de production de matières fissiles, ainsi que des discussions sur le désarmement et la prévention d'une course aux armements dans l'espace à la CD de Genève. De plus, il comportait un encouragement pour le processus bilatéral lié au START II et d'autres réductions en vertu d'un START III. Enfin, il comportait aussi la promotion d'un rôle favorable de l'OTAN dans le domaine du désarmement, de la non-prolifération et du contrôle des armements.

Permettez-moi de vous parler de quelques-uns de ces objectifs. Je commencerai par la conférence d'examen du TNP. Les résultats de cette conférence dépassaient toutes les attentes dont nous avions parlé en détail lors de ma dernière visite, à une période où le climat en matière de NCAD était très difficile. On n'avait pu s'entendre lors des réunions préparatoires du comité, et cet échec a soulevé le spectre inquiétant d'un effondrement prochain du traité lors de la conférence d'examen de l'année dernière qui était, vous vous en rappellerez, la première depuis la prorogation indéfinie du traité en 1995, à laquelle le Canada a contribué activement. Pour la troisième fois seulement au cours des 25 années d'existence du traité, on a obtenu un consensus sur un document définitif d'une importance apparemment incontestable. Le document n'est pas tendre à l'endroit des essais nucléaires en Asie du Sud ni au sujet de la surveillance en Iraq et en Corée du Nord. Il invite nommément les pays récalcitrants, Israël, l'Inde, le Pakistan et Cuba, à adhérer. Il comporte également un plan d'action constructif en faveur de la prochaine période d'examen quinquennal et un processus d'examen renforcé, éléments qui servent tous à renforcer la crédibilité de ce traité à un moment important.

L'engagement non équivoque—vous allez entendre souvent ce syntagme—de la part des États dotés d'armes nucléaires dans ce plan d'action pour parvenir à l'élimination complète de leurs arsenaux nucléaires, et il s'agit d'un engagement clair sans précédent vis-à-vis de l'élimination des arsenaux nucléaires, a également constitué une étape importante vers le désarmement nucléaire. Vous vous rappelez peut-être que le rôle du Canada, en plus de promouvoir nos propres objectifs, tel que je viens de le dire, était également de présider le comité principal II, c'est ainsi qu'on l'appelait, sur les enjeux régionaux, en particulier au Moyen-Orient et dans d'autres endroits de l'Asie du Sud. À ce titre, nous avons aidé à négocier un langage de compromis crucial, principalement au sujet de l'Iraq, qui a su faire le consensus sur ce document définitif à la dernière heure, soit le lendemain du jour où la réunion devait prendre fin.

• 0915

Tout au long de la dernière moitié de l'année dernière—je reviens maintenant à notre objectif de l'OTAN—une des plus grandes priorités de notre équipe, ici et tout particulièrement à Bruxelles, était l'examen par l'OTAN de ses politiques en matière de NCAD, et le Canada a constitué un élément moteur de ce processus dès le départ. Un des principaux objectifs du Canada était la publication d'un rapport public sur les résultats du processus d'examen en décembre 2000, rapport qui, à notre demande insistante, renfermait une réaffirmation importante de l'engagement non équivoque de la conférence d'examen du TNP, soit d'éliminer les armes nucléaires. Autrement dit, tous les pays membres de l'OTAN ont réitéré dans un document de l'OTAN l'engagement qu'ils avaient pris dans le cadre du TNP.

Promouvoir le programme en matière de NCAD dans un contexte de l'OTAN et essayer de négocier un accord visant à réduire la valeur politique des armes nucléaires demeurent des objectifs clefs. J'insiste sur l'expression «valeur politique des armes nucléaires» parce que c'était ce qu'il y avait à l'avant-plan de vos préoccupations dans le rapport de votre comité, qui disait que c'est ce que vers quoi nous devrions tendre.

Pour ce qui est du CTBT, le traité d'interdiction complète des essais nucléaires, les perspectives ne se sont pas tellement améliorées, à mon grand regret, depuis ma dernière comparution devant vous. Le traité, pour prendre effet, doit être ratifié par les 44 pays qui ont des programmes nucléaires actifs, et il nous manque encore 13 signatures. On mise beaucoup sur la deuxième conférence d'entrée en vigueur qui devrait se tenir en septembre à New-York, un endroit et un moment que le Canada a cherché à avoir afin de maximiser les perspectives du traité à Washington, qu'on pourrait qualifier à juste titre de principal récalcitrant parmi ces 13 pays. Convaincre la plus grande puissance nucléaire au monde des avantages sur le plan de la sécurité nationale et de l'importance symbolique de la ratification du CTBT figurera parmi nos plus grandes priorités dans les mois à venir.

Pendant ce temps, le moratoire permanent à l'échelle mondiale sur les essais nucléaires est d'une importance critique. Nous devrions chercher à élever l'obstacle politique aux essais à une hauteur déterminante. Nous devrions chercher à rendre le coût politique prévu perçu des essais nucléaires tout simplement prohibitif.

J'aimerais maintenant dire quelques mots au sujet de la Conférence sur le désarmement. Il s'agit du seul organisme de négociations multilatérales au monde dans le domaine du désarmement. Elle a produit le TNP. Elle a produit la Convention sur les armes chimiques. Elle a produit le CTBT. Elle serait le théâtre des négociations d'un TIPMF, par exemple. Mais cela fait maintenant bien plus de trois ans qu'on ne parvient pas à s'entendre sur un programme de travail. En ma qualité de premier président de la session de cette année, j'ai essayé de négocier un consensus à l'égard d'un programme de travail qui aurait inclus la création de mécanismes permanents permettant de discuter de désarmement nucléaire et de non-militarisation de l'espace, en plus de recréer le comité spécial pour négocier un traité réellement vérifiable interdisant la production de matières fissiles pour des armes nucléaires et d'autres engins explosifs nucléaires. C'est pour cette raison que nous avons besoin de cet acronyme, TIPMF, une interdiction sur la production de matières fissiles. Cela faisait partie du programme de travail que nous proposions.

L'automne dernier, à l'ONU, le Canada a sonné la charge en faveur de négociations immédiates sur un TIPMF à Genève. Malgré ce succès, il n'en demeure pas moins que plusieurs États, en particulier au sein du G-21, qui est l'ancien mouvement des pays non alignés dans un contexte de la CD, sont réticents à parler de matières fissiles avant de s'attaquer d'une façon plus efficace au désarmement nucléaire. En effet, nous devons reconnaître que même les plus ardents promoteurs d'un TIPMF ont à l'occasion des sentiments ambivalents au sujet de la mesure. Évidemment, il s'agit d'une étape évidente nécessaire vers le désarmement—vous devez à un moment ou un autre cesser de produire des matières fissiles pour des armes si vous avez l'intention de vous désarmer. Mais tant qu'on ne progressera pas de façon décisive vers cet objectif, il est difficile de faire voir les avantages d'un TIPMF. Pour un grand nombre, cette mesure semble on ne peut plus négligeable compte tenu des montagnes de matières fissiles qu'il y a dans le monde et, plus que tout, elle semble franchement discriminatoire.

• 0920

J'ajouterai quelques mots sur l'impasse à la conférence. Au cours des dernières années, la conférence a essayé de s'entendre sur un programme de travail qui soit «équilibré et suffisamment complet»—et c'est une expression provenant de la Chine—pour obtenir un soutien général, quelle que soit la réticence que l'on puisse avoir à l'égard de ce soutien dans certains pays. Le plus près que nous soyons parvenus de ce consensus est la CD/1624. On l'a nommée ainsi en l'honneur de mon collègue du Brésil à Genève, l'ambassadeur Amorim, et il est entendu qu'elle servira de fondement à d'autres consultations exhaustives. En quelques mots, elle comporterait quatre comités spéciaux dont deux auraient des mandats de négociations d'un TIPMF et des assurances de sécurité négative. Deux de ces comités spéciaux n'auraient pas de mandats de négociations, ils aborderaient les questions du désarmement nucléaire et de la prévention d'une course aux armements dans l'espace. Le programme de travail compterait également cinq coordonnateurs spéciaux qui s'occuperaient de sujets allant des mines terrestres à la transparence, en passant par le fonctionnement, le programme, et les pays membres de la conférence sur le désarmement. Voilà le programme de travail que nous favorisons.

Il y a des problèmes, il y a des noeuds à l'intérieur de noeuds, et il y a des liens. Certains sont explicites et ouverts, certains ne le sont pas. Mais les plus visibles le sont, et les raisons manifestes de l'impasse sont que la Chine n'acceptera rien s'il n'y a pas un mandat de négociation concernant la PCADE, la prévention d'une course aux armements dans l'espace, ce que les États-Unis refusent. Les États-Unis n'accepteront pas un mandat de négociation pour un comité spécial traitant de la prévention d'une course aux armements dans l'espace. Pendant ce temps, les pays du G-21 ne sont pas satisfaits du mandat donné au comité spécial traitant du désarmement nucléaire, et le Pakistan et peut-être quelques autres pays refusent de négocier une interdiction de la production de matières fissiles, prétextant que les stocks actuels de matières fissiles doivent également être pris en compte, et en même temps.

Pour ce qui est du problème de ne pas pouvoir progresser de façon importante à ce chapitre, même officieusement, sans une entente sur un programme de travail, l'impasse est bien évidente. L'offre des États-Unis est simple: Nous allons nous occuper—c'est-à-dire, nous allons parler—de désarmement nucléaire et de la PCADE; nous le ferons à reculons, et nous n'allons le faire qu'en même temps que nous négocions une interdiction sur la production de matières fissiles; mais nous n'allons pas parler de désarmement nucléaire et de prévention d'une course aux armements dans l'espace si nous ne négocions pas en même temps un TIPMF. Comme ce n'est pas le cas, nous ne participons pas à ce programme.

Compte tenu des relations actuelles entre les grandes puissances, dominées par un soulèvement doctrinal, des déclarations connexes relatives à la sécurité, et des gestes de grande portée, nous étions déçus, mais non surpris, que notre présidence de la CD ne parvienne pas à obtenir un consensus sur un programme de travail. Néanmoins, nous demeurons déterminés à collaborer avec tous les membres de la CD pour remettre en branle les rouages de cette institution essentielle.

Je dirai maintenant quelques mots au sujet des 13 étapes, le programme d'action de la conférence d'examen du TNP.

Le président: Je m'excuse de vous interrompre, j'aimerais savoir combien de temps vous prévoyez encore parler parce que nous voulons prévoir un certain temps pour les questions et nous n'avons que jusqu'à 10h00. Nous pourrions peut-être aller jusqu'à 10h10, mais...

M. Chris Westdal: Je m'excuse. Je pense que je devrais faire un survol de mes notes et peut-être conclure dans environ 10 minutes. Est-ce que cela vous conviendrait?

Le président: Eh bien...

M. Chris Westdal: Cinq minutes? Si je fais vite?

Le président: Oui, je préférerais cinq minutes, si nous voulons poser quelques questions.

M. Chris Westdal: C'est ce que je vais faire. Ce sera un peu fragmentaire, mais néanmoins...

Le président: Vous avez un mémoire écrit, vous pourriez peut- être le remettre à la greffière du comité pour qu'elle nous en fasse une copie.

M. Chris Westdal: En effet. En réalité, je pense que je n'aurai besoin que de quelques minutes. Si vous me permettez, je vais terminer sans plus tarder.

Le président: Désolé, je ne voulais pas interrompre votre réflexion.

M. Chris Westdal: Il n'y a pas de quoi.

Si nous parlons des 13 étapes, de toute évidence nous sommes déçus de ne pas avoir pu briser l'impasse dans la CD, en fin de compte à cause d'une absence de volonté politique dans les principaux pays. La paralysie qui frappe la conférence sur le désarmement est symptomatique d'une absence plus généralisée de volonté politique de traduire les engagements de la conférence d'examen du TNP en mesures concrètes rapidement. Nous avons cherché activement à trouver des façons de renverser la situation, et en ce moment même, des représentants de l'initiative sur les moyennes puissances, une ONG qui a élaboré un plan d'action détaillé sur des façons de réaliser les étapes de désarmement dans le document de la conférence d'examen, rencontrent des hauts fonctionnaires du ministère des Affaires étrangères. Je sais qu'ils vous rencontreront plus tard aujourd'hui. Nous espérons pouvoir explorer de façon approfondie plus tard cette semaine des options et des idées sur la voie à suivre, dans le cadre de la deuxième consultation annuelle du gouvernement auprès de la société civile, une autre demande tirée du rapport de votre comité sur la réponse du gouvernement.

• 0925

Je vais maintenant conclure en disant quelques mots sur la politique américaine.

La négociation multilatérale d'instruments internationaux juridiquement contraignants a été un élément clé dans la recherche fructueuse à l'échelle mondiale de la limitation, de la réduction et de l'élimination d'importants systèmes d'armement au cours des cinquante dernières années. Tout au long de cette période, la participation, et fréquemment le leadership, des États-Unis dans de telles entreprises a été essentielle. Les premiers signaux qu'a envoyés l'administration Bush laissent planer un certain doute quant à sa participation, sans parler de son leadership, à l'avenir.

C'est certain qu'il y a eu de bonnes nouvelles. La possibilité de réductions unilatérales des arsenaux nucléaires des États-Unis est accueillie avec joie et répondrait effectivement à l'une des principales étapes vers le désarmement convenu lors de la conférence d'examen du TNP. Cependant, la réticence apparente de l'administration de réexaminer le CTBT est préoccupante, tout comme le fait que les réductions unilatérales, quoique bienvenues, ne seraient pas assorties des garanties de vérifiabilité et d'irréversibilité associées à un instrument négocié de contrôle des armements. Mais il est encore trop tôt pour se prononcer. Les consultations des alliés ne font que commencer. Nous sommes convaincus que les résultats de ces consultations aideront à façonner des choix en matière de politique.

Comme je l'ai dit dans mon introduction, la nouvelle approche laisse heureusement espérer des réductions importantes des armements, mais la défense antimissiles pourrait poser problème, selon sa nature, son contexte et les perceptions. Et si la défense antimissiles s'avérait pratique, il faudrait l'intégrer à une architecture et à des conceptions de sécurité mondiale d'après-guerre froide très minutieusement adaptées. Elle devrait être adaptée de façon à soutenir la stabilité en tout temps, à améliorer les perspectives de sécurité mondiale efficace, et à contribuer au respect de nos engagements en matière de désarmement, de non-prolifération et de contrôle des armes nucléaires.

En ce qui concerne le Canada, nous demeurons des multilatéralistes constructifs. Nous ne laisserons passer aucune occasion de faire comprendre à nos interlocuteurs américains les avantages directs sur le plan de la sécurité et l'importance symbolique de l'engagement multilatéral en général, et de la ratification du CTBT en particulier.

Le calendrier NCAD est particulièrement chargé. Je conclurai en vous faisant part de quelques-uns des principaux points de notre calendrier prospectif. Cet été, les principales activités comprennent notamment la conférence de l'ONU sur les petites armes et les armes légères, la dernière session du groupe spécial qui négocie un protocole de conformité à la Convention sur les armes biologiques et à toxines à Genève. À la fin de septembre, le Canada accueillera la réunion plénière annuelle du régime de contrôle de la technologie relative aux missiles, le RCTM, à Ottawa, dont nous assumerons la présidence pour l'année qui vient. Au cours de la même semaine, le ministre Manley a accepté en principe de diriger la délégation du Canada à la conférence d'entrée en vigueur du CTBT à New York. Le 1er janvier, le Canada assumera la présidence du groupe d'experts du G-8 sur la non-prolifération dans le cadre de notre présidence du G-8 en 2002.

Les occasions seront nombreuses de vérifier notre énergie et notre engagement au cours des mois à venir. J'ai même hâte de vous en faire rapport lorsque je comparaîtrai de nouveau devant votre comité.

Merci, monsieur le président.

Le président: Merci beaucoup, monsieur Westdal.

Avant que je passe aux autres questions, permettez-moi de vous poser une question tout à fait injuste. Vous êtes un des Canadiens qui a le plus d'expérience dans le domaine du désarmement nucléaire. Compte tenu de la toile de fond que vous venez de nous brosser...nous comprenons quelle est la politique du gouvernement du Canada et tout ce que vous faites pour essayer pour mettre en oeuvre cette politique. Mais si nous revenons à la première recommandation de notre comité—que nous réduisions la valeur et la légitimité politiques des armes nucléaires, afin de contribuer à l'élimination totale des armes nucléaires—nous sommes tous d'accord.

Vous nous avez parlé du CTBT, nous avons le système NMD, nous avons la nouvelle administration américaine, nous avons l'Inde, le Pakistan, Israël, etc. Si vous enlevez votre chapeau de représentant du gouvernement et devenez simple citoyen, dites-nous si vous pensez que nous progressons ou que nous régressons dans toute cette affaire. Je vais être très franc avec vous, après avoir écouté vos propos ce matin, il me semble que nous reculons. Si nous devons être pessimistes, nous devrions tout simplement l'être. Nous voulons savoir quelle attitude nous devrions adopter et où nous nous situons vraiment.

• 0930

Je sais ce que vous faites. Je connais la politique du gouvernement. Mais d'après vous, à quel point en sommes-nous sur le plan des progrès à l'échelle mondiale concernant ce dossier?

M. Chris Westdal: Mes opinions personnelles ne sont pas pertinentes. J'ai appris dans l'exercice de mes fonctions...

Des voix: Oh, oh!

Le président: Mais donnez-nous quelque chose. Je suis convaincu que vous avez des opinions sur le sujet.

M. Chris Westdal: Évidemment, j'ai des opinions personnelles, mais ce que je veux dire, c'est que j'ai appris dans l'exercice de mes fonctions que mes opinions personnelles ne sont pas nécessairement celles du gouvernement canadien, et je n'ai aucun droit de me servir de mon titre d'ambassadeur au désarmement pour faire connaître mes opinions personnelles. Je tenais à faire cette précision.

Le président: Dans ce cas, pensez-vous que les progrès que nous réalisons encouragent ou découragent le gouvernement?

M. Chris Westdal: Pour répondre à votre question de mon mieux, oui. Évidemment, il y a eu des pas en arrière pour ce qui est de l'objectif affiché de votre rapport—réduire la valeur politique des armes nucléaires. Ce n'est pas un secret.

L'Inde et le Pakistan pourraient sembler très satisfaits du statut que ces pays pensent avoir atteint en raison de leur développement nucléaire, même si on peut estimer qu'ils ont frôlé la catastrophe. En même temps, du fait en grande partie de la détérioration de ses forces conventionnelles, la Russie a remis l'accent sur le rôle important des armes nucléaires dans ses doctrines en matière de sécurité. L'OTAN a répété que les armes nucléaires jouent un rôle crucial.

Donc, oui, il y a eu une nouvelle justification des armes nucléaires. Cela dure depuis plusieurs années maintenant. Et l'espoir, qui a probablement atteint son point culminant lors de la conférence d'examen de 1995, que les armes nucléaires pouvaient être marginalisées et que même si nous n'avions pas une idée nette de la façon dont elles seraient en bout de ligne éliminées, nous étions de plus en plus confiants que grâce à un processus de marginalisation et de diminution de leur importance et de leur valeur politiques, le danger que ces arsenaux présentent serait réduit...

Ce sont là les reculs qui nous viennent immédiatement. Mais nous sommes dans des eaux tumultueuses et nous ne voulons pas créer de confusion. Il est important de préciser tout d'abord que la défense antimissiles balistiques n'est pas incompatible avec le désarmement nucléaire. De fait, Colin Powell a lui-même évoqué la conviction profonde de Ronald Regan selon laquelle la seule façon de se débarrasser des armes nucléaires était de les rendre en fin de compte désuètes. Il faut également se rappeler que les administrations républicaines récentes ont fait plus pour le désarmement, y compris les mesures unilatérales de désarmement prises par le père du président actuel, que les Démocrates.

Il n'y a pas lieu de désespérer, surtout compte tenu que lorsqu'ils ont été obligés à la conférence d'examen du TNP de rendre compte de leurs politiques et arsenaux nucléaires et de leur respect de ce traité et de l'obligation juridique rattachée à leur signature, les pays dotés d'armes nucléaires ont conclu une entente et accepté des compromis—certains parlent de divergences camouflées. Évidemment, il fallait qu'ils disent quelque chose au sujet du traité ABM; ils ont parlé de le renforcer et de l'adapter. Mais ils ont choisi d'appuyer le cadre de base du TNP, de réaffirmer leur confiance en ce dernier et d'adopter un programme de travail clair comme jamais auparavant.

Donc, si on examine sous un angle un peu plus privilégié ces tendances et nouveautés survenues depuis la prorogation indéfinie du TNP à la réunion de 1995, il y a eu des pas en arrière quant à la valeur politique que les armes nucléaires semblent donner à ceux qui les possèdent.

• 0935

En même temps, START II n'a pas cessé de progresser. Il y a eu des réductions du côté de l'OTAN. Il y a maintenant un moratoire sur les essais depuis quelques années, malgré le déraillement du CTBT, et malgré qu'il soit difficile de convaincre des pays du Sud de l'Asie, par exemple, de signer le CTBT alors que les Américains ne l'ont pas encore ratifié, et que d'autres ont mis leur approbation de ce document conditionnelle à l'action des Américains.

Mais pour revenir au point général que vous soulevez, je trouve qu'il est relaxant de ne pas dépendre du fait de savoir si je suis optimiste ou pessimiste, ou si j'espère ou je déborde de joie en ce jour ou non. Je me sens plutôt poussé par un devoir naturel de limiter, de contrôler et d'éliminer en bout de ligne les armes nucléaires, et de prendre en attendant des mesures aussi efficaces que possible pour composer avec les dangers qu'elles représentent—les dangers d'accidents, les dangers de mises à feu non autorisées—en particulier du fait que l'arsenal russe, privé d'argent, rouille et vieillit.

Nous avons composé avec ces dangers. Les dangers des montagnes de matières fissiles dont j'ai parlé doivent être pris en compte. Les dangers de prolifération sont précisément ce qui nous arrive. La défense antimissiles vise à atténuer les menaces d'après-guerre froide que la prolifération a provoquées. Ce nouveau cadre que les Américains veulent examiner fait intervenir l'ajout d'une mesure de défense antimissiles pour annuler ces nouvelles menaces, parce qu'elles n'existaient pas pendant la guerre froide.

Pour essayer de rattacher la pertinence de nos politiques, j'ajouterais tout simplement que la fiche du Canada en ce qui concerne la non-prolifération est des plus solides. Nous avons soutenu que sans désarmement il y aura prolifération. Il n'y a pas eu de désarmement digne de mention. Il y a eu prolifération. Il en résulte que nous sommes maintenant face, et que les Américains sont maintenant face, à des risques qui n'existaient pas pendant la guerre froide, et des risques que les moyens de dissuasion utilisés pendant la guerre froide ne permettent pas de contrer adéquatement, selon eux.

Ils cherchent donc de nouvelles façons de les contrer. Ils explorent, et nous nous parlons. Vous êtes au courant des questions et des préoccupations que nous avons soulevées et que d'autres ont soulevées au sujet des réactions éventuelles d'autres intervenants majeurs à divers systèmes de défense antimissiles.

Le président: Très bien. Les eaux sont brouillées, comme d'habitude.

Monsieur Obhrai, vous êtes assis tout au bout de votre siège.

M. Deepak Obhrai (Calgary-Est, Alliance canadienne): C'est effectivement le cas.

J'aimerais vous remercier d'être venu, monsieur l'ambassadeur. J'aimerais également vous remercier pour tout ce que vous avez fait pour nous à Genève. Ce déjeuner sur les bords du lac était superbe. Nous étions en bonne compagnie et le voyage a été agréable.

N'êtes-vous pas d'accord, monsieur?

Une voix: Oui.

M. Deepak Obhrai: Vous savez, ce n'est pas souvent que je dis de telles choses.

Dans votre exposé, vous avez utilisé beaucoup d'acronymes. On a l'impression d'être dans un labyrinthe. C'est vous maintenant le spécialiste, et j'aimerais me concentrer sur deux points. Alors, si vous voulez bien m'excuser, je suis censé être à la Chambre. Je vais devoir quitter. Néanmoins, c'était agréable de vous revoir.

Le président: Êtes—vous en train d'essayer de vous faire offrir un autre déjeuner?

M. Deepak Obhrai: Oui, oui. On ne sait jamais, je pourrais retourner à Genève, et on ne me traiterait peut-être pas aussi bien.

Pour ce qui est de la question des petites armes, des rapports ont indiqué que les objectifs et tout ce qui devait en ressortir étaient en quelque sorte une catastrophe. En fait, je ne devrais pas utiliser le mot «catastrophe», mais plutôt échec. La faute première, si je comprends bien, serait celle des personnes chargées des négociations et de leur attitude dans ce dossier. Évidemment, cela n'a pas d'incidence sur le portrait d'ensemble des armes nucléaires, mais sur l'aspect plus petit des conflits qui surviennent dans les pays plus petits et tout le reste. Vous pourriez peut-être nous éclairer un peu sur cette question, nous dire ce qui se passe et pourquoi tout le monde semble déçu dans ce dossier.

• 0940

L'autre question—et vous l'avez abordée lorsque le président vous a demandé votre opinion personnelle—est que tout le monde s'occupe de la question de la défense antimissiles. L'argument avancé est que ce système de défense antimissiles aura l'effet contraire du désarmement nucléaire parce qu'il va rendre non pertinent le traité sur les missiles antimissiles balistiques. C'est bien la bonne expression?

M. Chris Westdal: Oui.

M. Deepak Obhrai: C'est un point pour moi.

La Russie et la Chine vont se retirer de ce traité ABM. À ceux qui s'opposent à la défense antimissiles, c'est l'élément clé pour parvenir au désarmement nucléaire. Qu'en pensez-vous? Je sais que la plupart d'entre nous n'ont pas encore pris position sur la question de la défense antimissiles, mais c'est l'argument contraire que nous entendons. Évidemment, sous l'aspect de la prolifération du traité, c'est comme vous l'avez mentionné, que la prolifération d'après-Russie, d'après-guerre froide, ou d'après peu importe quoi a augmenté en raison de la nature de l'industrie de l'ancienne Union soviétique.

Vous pourriez peut-être nous parler de ces questions.

M. Chris Westdal: Merci d'avoir rappelé ce déjeuner que nous avons pris ensemble à Genève, il y a trois semaines de cela, je pense. C'est agréable de vous revoir tous les deux.

Pour ce qui est des petites armes et des armes légères dans le cadre de la conférence qui se tiendra cet été, je pense être le porteur de bonnes nouvelles en ce sens qu'avant la tenue de la réunion préparatoire récente du comité—et il y a toujours trois ou quatre réunions qui précèdent ces conférences—j'avais l'impression, bien que je ne sois pas directement touché par ce dossier, qu'on allait dans tous les sens. Cela durait depuis des mois et on n'avait choisi aucune direction pour la conférence. Il y avait une lutte entre des groupes pour savoir qui la présiderait.

Tout le monde se prononçait pour savoir s'il serait question de trafic illégitime, illégal et illicite d'armes ou s'il serait plutôt question de commerce légal, légitime et transparent d'armes. Nous voulions essayer de prendre des mesures très précises et d'autres pensaient que seul un énoncé politique le plus vague serait possible.

C'est très frustrant dans un domaine où, comme vous le disiez, ce sont peut-être des petites armes, mais ce sont elles qui font le plus de tort de nos jours, et ce, depuis un certain temps.

À la dernière réunion préparatoire, grâce au bon travail de l'ambassadeur dos Santos, le président mozambicain du processus préparatoire... La direction de la conférence sera assurée par un Colombien, l'ambassadeur de Colombie à Genève. Il est très bon. Il y aura un coprésident britannique, et les Japonais en font partie.

Cela peut sembler beaucoup de petits détails, mais tant qu'on n'a pas fait le tri, il n'y a aucune perspective de succès pour la réunion. Le tri est maintenant fait. Je pense qu'à cette étape du processus, on peut vraiment espérer seulement une déclaration politique. N'oubliez pas que nous parlons de convictions très profondes. Vous ne pouvez pas parler de commerce de petites armes et d'armes légères dans le monde sans tenir compte des attitudes que des pays ont au sujet du port d'armes. Dans notre propre cas...

Le président: C'est le mot-code de la NRA. Est-ce que ce serait la bonne façon d'interpréter vos observations?

M. Chris Westdal: Tout à fait. Ce sont des opinions très profondes et bien appuyées financièrement dans ce domaine. Évidemment, il y a une industrie énorme qui s'intéresse à une grande circulation des petites armes. C'est la contagion. Mais pour ce qui est de la réunion à venir, je dirais que les perspectives ont pris du mieux récemment.

Quant au traité ABM, je sais qu'il en a été beaucoup question avec le ministre il y a quelque temps. J'aimerais uniquement essayer de mettre ces divers traités en perspective.

• 0945

Je pense qu'il y a un risque de prophétie qui s'exauce en surévaluant la valeur et la pertinence actuelles du traité de missiles antimissiles balistiques. Il faut souligner qu'il s'agit d'un traité bilatéral. Il a été ratifié par les États-Unis et l'Union soviétique, qui n'existe plus. Cela ne revient pas à dire que les Russes n'en sont pas les héritiers légitimes et légaux, mais c'est important pour ce qui est du contexte historique. C'est un accord signé pour mettre fin à ce qui avait été une course éperdue aux missiles nucléaires, jusqu'à ce qu'il y en ait des dizaines de milliers—et on ne meurt qu'une fois. Nous parlons donc du nombre de fois que vos cendres seraient remuées. C'est le point auquel nous nous sommes rendus avant que ce merveilleux traité ABM y mette un frein en disant que nous n'aurions pas de défense, parce que cette course ne fera que provoquer la construction d'autres missiles. Il a donc appliqué les freins au moment où nous avions des dizaines de milliers de missiles, et nous parlons d'armes qui à elles seules, pour ce qui est des plus grosses, sont l'équivalent d'au moins 50 millions de tonnes de TNT chacune, et nous parlons de dizaines de milliers de ces armes.

Nous ne devrions donc pas penser que le traité ABM nous a arrêtés à un passage très sécuritaire—je tiens à ajouter cela uniquement sur le plan de la perspective. Il avait codifié une destruction mutuelle assurée. Cela pose des problèmes pour le désarmement nucléaire si vous avez codifié une destruction mutuelle assurée par les armes nucléaires et si vous comptez toujours vivre sous cette menace. Il pose beaucoup plus de problèmes au désarmement nucléaire, par exemple, que la défense antimissiles. Je suis beaucoup plus attaché au TNP. C'est un traité beaucoup plus fondamental, durable, de base d'architecture multilatérale NCAD que le traité ABM.

Tout cela étant dit au sujet du traité ABM, nous ne pouvons pas, sans compromettre sérieusement nos perspectives, tout simplement résilier, changer irrévocablement ou refaire de fond en comble des accords qui ont beaucoup contribué à contenir les dangers qui nous menacent. Il faut se rappeler aussi que la menace nucléaire à laquelle nous faisons face actuellement, quel qu'en soit le caractère inquiétant et incontestable, n'est pas le cauchemar auquel nous étions confrontés lorsqu'a été signé le traité ABM et avant que ne soit freinée la course aux armements nucléaires. Nous vivons dans un monde relativement moins dangereux. La guerre froide est manifestement derrière nous. À mesure que nous commençons à surmonter une partie de cet héritage, nous pouvons voir une série beaucoup plus complexe d'éventuelles relations nucléaires émergeant en Asie, de toute évidence. Comme notre ministre l'a bien précisé, nous craignons que la mise en place du bouclier antimissile ne déclenche une course aux armements et n'introduise dans le nouveau siècle une toute nouvelle menace nucléaire dont nous n'avons pas besoin.

Le président: Je vais céder la parole à M. Dubé. Nous avons un réel problème, car il est maintenant 10 heures moins 10. Trois personnes ont des questions à vous poser, et il ne reste que 10 minutes. Nous pouvons dépasser un peu, mais nous ne pouvons pas nous éterniser. Je vais donc demander à M. Westdal de bien vouloir faire des réponses un peu plus brèves, et nous ferons de même avec nos questions.

Monsieur Obhrai, je crois savoir que vous devez vous rendre à la Chambre. Je vous remercie beaucoup d'être venu.

[Français]

Monsieur Dubé.

M. Antoine Dubé (Lévis-et-Chutes-de-la-Chaudière, BQ): Merci, monsieur Graham. Je vous souhaite la bienvenue, monsieur Westdal. J'ai eu la chance de vous rencontrer, comme vous l'avez dit, il y a trois semaines. Je remplace ce matin Mme Lalonde, qui est la membre régulière du Comité des affaires étrangères. Je suis membre, comme vous le savez, du Sous-comité des droits de la personne et du développement international. Je regrette, cependant, et je le dis au président, que depuis que nous sommes allés à Genève, ce comité ne s'est pas réuni malgré les nombreux problèmes qui se posent dans le monde au niveau des droits de la personne. Je ne vous demande pas de commenter.

• 0950

Vous avez expliqué que votre rôle n'est pas facile. Je l'ai bien compris et je l'expliquais encore ce matin. Peut-être ne me répondrez-vous pas. Le Canada a tendance à conseiller, à être un leader, à promouvoir des choses dans le monde. Malheureusement, certaines de ces choses ne sont pas appliquées chez nous, notamment la recommandation numéro 8 du rapport d'il y a deux ans.

Prenons l'idée de brûler les combustibles à oxydes mixtes appelés MOX. Le comité a fait une recommandation à ce sujet, mais—ce n'est pas vous que je blâme—le gouvernement ne l'a pas suivie et a décidé de les brûler quand même. Vous ne pourrez probablement pas faire de recommandation. Je ne suis pas un expert, je viens de vous le dire. Je travaille normalement dans le domaine des droits de la personne. J'aimerais vous poser une question naïve sur le bouclier. Je pense que vous allez pouvoir me répondre.

Actuellement, le bouclier antimissiles est un projet américain dont le but est de protéger les États-Unis, peut-être aussi tout l'hémisphère nord, l'Amérique du Nord. Mais serait-il possible qu'il y ait un bouclier qui protège tout le monde contre les missiles, ne serait-ce pas une voie à explorer? S'il est techniquement possible de protéger les Américains, il devrait être techniquement possible de protéger tout le monde. J'aimerais que vous commentiez cette idée.

Je voudrais vous parler d'un dernier sujet. Vous avez présidé des sessions au nom du Canada. Je n'ai suivi les travaux de la Commission des Droits de la personne qu'une seule journée. Il y avait 53 pays. J'aimerais obtenir vos commentaires, étant donné que vous avez été président. Croyez-vous qu'on peut être efficace lorsqu'on préside des sessions? Lorsqu'on est président, on doit rester neutre, on doit agir comme notre président, calmer un peu tout le monde et favoriser des rapprochements. Mais jouer ce rôle neutralise. La personne qui exerce cette fonction peut difficilement être leader ou promoteur d'une position plus énergique.

J'aimerais entendre vos commentaires à ce sujet.

M. Chris Westdal: Merci. Si vous permettez, je vais répondre à ces questions en anglais.

M. Antoine Dubé: Ici, je n'ai aucun problème de traduction.

M. Chris Westdal: Ah, bon.

[Traduction]

Pour ce qui est des MOX, comme vous le savez, le gouvernement a autorisé des expérimentations et des recherches que certains ont commencées en vue de savoir si les combustibles MOX qui, en bout de ligne, proviennent des armes russes et soviétiques peuvent servir de combustibles dans nos réacteurs. Je sais que cette question a suscité de la controverse au Canada, pour diverses raisons. Je ne m'y attarderai pas. Par contre, j'estime que la réaction au risque que présente le transport des MOX, par exemple, est disproportionnée. Je me rappelle avoir été frappé par l'inquiétude qu'a suscitée le transport d'une faible quantité de matières fissiles qui sont couramment transportées ailleurs dans le monde, qui traversent des territoires qui, pendant des décennies, ont été survolés par des B-52 pleins de substances beaucoup plus dangereuses—c'est en quelque sorte un triste commentaire sur les dangers relatifs.

Je ne crois pas que ce soit là les dangers sur lesquels il faille se concentrer. Les véritables dangers sont ceux que pose le reste des arsenaux de la guerre froide, et pas seulement en Russie. La production de ces arsenaux a laissé des résidus affligeants dans des endroits comme Hanford. La Russie en particulier est aux prises avec un énorme problème et s'interroge sur la manière d'éliminer en toute sécurité toute cette matière fissile accumulée. Certains affirment, ironiquement, que l'endroit le plus sûr pour stocker le plutonium et l'uranium très enrichis est dans les ogives nucléaires, où ils ne font pas de tort, plutôt que de les démanteler et de ne pas avoir les moyens d'en assurer vraiment la protection. Voilà un problème grave qui coûte des milliards de dollars. On y voit dans le cadre d'arrangements pris entre les États-Unis et la Russie, auxquels nous faisons une modeste contribution. Toutefois, une des contributions consiste à aider à déterminer si ces matières peuvent servir de combustibles, de quelle manière, dans quel contexte, dans quels réacteurs et de savoir s'ils sont efficaces.

• 0955

Je crois donc que, plutôt que de s'arrêter aux dangers du transport de combustibles MOX et des expériences menées à leur sujet, il vaudrait mieux se concentrer sur le danger beaucoup plus grand que représentent ces résidus et la manière de s'en débarrasser.

Pour ce qui est de la défense antimissile, pour en venir rapidement à la dimension au sujet de laquelle vous m'interrogez, je crois que vous avez posé là une question importante. Si vous examinez l'évolution des propositions de boucliers antimissiles, on est passé d'un système NMD, c'est-à-dire d'un système national de défense antimissile, pour les États-Unis à la défense antimissile balistique, qui couvre toutes les formes de défense antimissile et inclut les systèmes régionaux, intercontinentaux et sur les théâtres de guerre, entre autres. N'oubliez pas que le pays de l'un est le théâtre d'opérations de l'autre, et vice versa.

Quant à ce qui est protégé par rapport à ce qui est absolument vital au niveau politique et à la conception que l'on se fait de la défense nationale, si on parle de se protéger contre un accident, tous le souhaitent et nul ne voudrait qu'un accident en frappe un autre. Dès qu'il est question de coopération en matière de défense antimissile, naturellement, on se demande toujours contre quelle menace, venant d'où, il faut coopérer. Manifestement, on ne peut protéger tout le monde contre les États parias, car la coopération n'est pas censée protéger un État paria contre un autre État paria. Cependant, il existe des menaces universelles, comme le lancement accidentel ou non autorisé d'un missile, contre lesquelles on pourrait se protéger en mettant en place un système de défense antimissile qui, en ce sens, protégerait tout le monde. Vous avez mis le doigt sur une des questions délicates que soulève la défense antimissile.

Pour ce qui est du fait que je présidais la Conférence sur le désarmement, étant donné son état actuel, je me contenterai de dire que le fait d'être obligé de demeurer relativement neutre n'était pas un prix très élevé à payer, étant donné que nous n'avons pu profiter de la liberté dont nous jouissions pour faire valoir l'opinion canadienne quand nous n'assumions pas la présidence. Une analogie utile serait de dire que ceux qui s'occupent du contrôle des armements et du désarmement à la Conférence sur le désarmement ne sont pas plus capables de travailler sans un programme de travail convenu qu'une équipe de baseball de jouer sans calendrier convenu et sans ligue organisée.

Nous pourrions peut-être parler cependant du fait que le Canada a appuyé l'accord sur la négociation de moyens visant à prévenir l'arsenalisation de l'espace. Simultanément, de notre propre chef et en tant que président, nous avons appuyé un programme de travaux qui incluait la prévention d'une course aux armements dans l'espace, plutôt que sa négociation. Je suppose que c'est là un exemple de la façon dont, en tant que président, on est obligé de travailler plus dynamiquement à dégager un consensus qu'à défendre sans réserve les positions de son pays.

Le président: Je vous remercie beaucoup.

C'est maintenant au tour de M. Paradis, suivi de Mme Marleau.

[Français]

M. Denis Paradis (Brome—Missisquoi, Lib.): Merci beaucoup, monsieur le président.

Revenons rapidement sur le bouclier antimissiles, système dont les Américains nous parlent un peu. Il n'y a pas encore de détails disponibles sur ce qui est envisagé. Cela fait partie d'un plan plus global, d'une approche plus globale du système de défense que les Américains veulent mettre de l'avant. On nous dit aussi que tout cela ne sera peut-être pas mis en place avant beaucoup d'années, si jamais c'est réalisé.

On nous a annoncé au même moment, du côté américain, une diminution de l'arsenal militaire nucléaire. Le comité était allé à Washington, il y a un an ou deux, et nous avions rencontré des experts dans le domaine. Un professeur, dont j'ai oublié le nom, nous avait exposé sa théorie du no first use que j'avais trouvée assez intéressante, en disant qu'il s'agissait d'une étape. Cette étape ne veut pas dire qu'on efface tout de la carte, mais il s'agit d'une étape positive. Il m'a dit que même s'il existe des armements nucléaires, on pouvait adopter l'approche no first use , c'est-à-dire que chacun des États signataires de cette entente s'engagerait à ne jamais être le premier à pousser sur le bouton. J'avais trouvé cela intéressant.

• 1000

Y a-t-il place, dans cette nouvelle approche qui se dessine, pour le no first use? Est-ce envisageable? Est-ce quelque chose qui pourrait aider à réduire un certain risque de prolifération?

[Traduction]

M. Chris Westdal: Les déclarations de non-recours en premier à l'arme nucléaire donnent lieu à beaucoup de scepticisme, il faut bien l'avouer.

Il est difficile de s'imaginer—Dieu nous en garde—que le moment venu... Ce n'est pas la bonne expression, mais si vous pouvez vous imaginer le terrible moment où les armes nucléaires sont utilisées, il est difficile de croire qu'on pourra les stopper. Si quelqu'un déclarait alors que non, nous avions promis que nous n'utiliserions pas ces armes en premier, personne ne le croira.

L'historique des déclarations de non-recours en premier est plutôt complexe. Les Chinois insistent pour dire qu'ils n'auraient pas recours en premier aux armes nucléaires. L'Union soviétique, puis les Russes, ont insisté qu'ils n'utiliseraient pas les armes nucléaires en premier, mais cela a maintenant changé.

L'OTAN et les États-Unis n'ont jamais dit qu'ils n'auraient pas recours en premier aux armes nucléaires parce que c'est leur riposte délibérée dans un scénario où les forces conventionnelles de l'adversaire sont supérieures. De plus—et c'est un champ miné—ils souhaitent laisser planer une certaine ambiguïté.

L'ambiguïté est loin d'être rassurante pour celui qui serait disposé à recourir à une arme de destruction massive. Cette ambiguïté nous inquiète parce qu'elle peut effacer un lien selon nous très important entre les armes nucléaires et d'autres armes terribles, mais beaucoup moins menaçantes comme les armes biologiques et chimiques.

Le président: Il n'y a donc pas d'ambiguïté au sujet de Taïwan, mais beaucoup d'ambiguïté quant au moment de recourir à des armes nucléaires. Est-ce vers quoi nous nous orientons?

M. Chris Westdal: Effectivement. Je dirais que, selon le cas, le degré d'ambiguïté change.

C'est cependant là en règle générale l'attitude à l'égard des déclarations de non-recours en premier. Voilà les raisons pour lesquelles les parties les ont adoptées, puis les ont changées au fils des ans.

Le président: Je vous remercie.

Madame Marleau.

Mme Diane Marleau (Sudbury, Lib.): J'aimerais revenir à ce qu'est la véritable menace actuellement. Nous pouvons parler au futur de toutes ces questions, mais une grande menace plane actuellement au-dessus de nos têtes.

Vous et moi savons que cela a beaucoup à voir avec les sous-marins nucléaires qui rouillent au fond de l'océan, avec les stocks d'ogives nucléaires de tout genre non recensées, sans protection, qui sont là depuis l'éclatement de l'URSS. Le traité sur les MOX est un très petit test actuellement qui ne porterait que sur un aspect du problème.

Y a-t-il de véritables travaux en cours pour donner suite à ces menaces très sérieuses d'accidents nucléaires? Nul ne parle de ces choses. On parle de l'avenir. Eh bien, c'est ça, l'avenir, et il est beaucoup plus proche de nous et beaucoup plus dangereux que toutes les menaces perçues pour l'avenir.

M. Chris Westdal: Je suis d'accord avec vous qu'il s'agit là d'un des dangers les plus évidents et les plus présents des arsenaux nucléaires.

Il y a beaucoup de travaux en cours. La tâche est énorme et, si l'on tentait de calculer combien il y en coûterait pour nettoyer tout ce résidu, les sommes seraient astronomiques. Toutefois, il y a des travaux beaucoup plus immédiats, évidents et urgents à faire. Ils sont exécutés grâce aux fonds prévus dans la loi Nunn-Lugar, au programme de réduction de la menace par la coopération. Des centaines de millions de dollars sont engagés pour essayer d'obtenir et de renforcer des ententes de sécurité visant l'entreposage et le contrôle de cet arsenal nucléaire.

• 1005

Nous y contribuons. En fait, quand j'étais en Ukraine il y a trois ans, c'est un Canadien qui dirigeait le centre de sciences et de technologie de Kiev. Il y en a un à Kiev, en Ukraine, et un autre à Moscou. Ce sont les centres qui ont été expressément établis pour engager des chercheurs spécialisés dans les armes soviétiques de destruction massive. Voilà le critère: il faut y avoir participé.

Le raisonnement explicite et ouvert est qu'il serait bon de trouver des utilisations pacifiques et, avec un peu de chance, commercialement viables à toutes ces connaissances scientifiques plutôt que de les voir utiliser ailleurs à produire des armes de destruction massive.

Le Canada participe donc à ce volet. Des centaines de millions de dollars ont déjà été dépensés, et il en faut encore plus.

Mme Diane Marleau: Je sais tout cela, mais que fait-on, au juste, pour par exemple contrer la menace de ces sous-marins nucléaires qui dorment au fond des océans? Il y en a des centaines, et je ne suis pas sûre qu'on fait quelque chose à leur égard. S'il y avait un accident, nous serions tous touchés.

Je suis vraiment convaincue qu'il faudrait insister beaucoup plus sur le présent et essayer de persuader les pays de dépenser les sommes considérables requises pour contrer cette très réelle et très actuelle menace. Vous et moi savons qu'un accident pourrait se produire n'importe quand. Le coût du nettoyage serait beaucoup plus grand que le coût de la prévention.

Je ne suis pas sûre qu'on en discute suffisamment ou qu'on en soit suffisamment conscient pour convaincre les pays de se concerter. On entend parler des MOX. Merveilleux! On parle beaucoup de ces choses qui font peur, mais nul ne mentionne ce qu'il faudrait vraiment craindre, c'est-à-dire toutes ces armes et le fait qu'elles se vendent sur le marché noir. Les États parias vont mettre la main sur ces armes parce qu'elles ne sont pas recensées. Elles se trouvent dans des pays où il y a tant de pauvreté qu'il est facile de les obtenir et de les revendre. Faisons face à la réalité et traitons de ce véritable problème également.

Si vous voulez traiter de questions futures, d'accord, mais en tant que communauté internationale, faisons face à cette menace très grave, toujours présente et très réelle d'accidents ou d'incidents nucléaires causés par le résidu des armes qui traînent un peu partout dans l'ex-URSS et qui aboutissent entre certaines mains auxquelles nous ne voudrions pas les confier.

M. Chris Westdal: Vous avez fort bien décrit les risques. Des mesures énergiques sont prises sur les fronts que vous avez décrits. Nous en connaissons certaines, d'autres sont prises conjointement par les forces armées russes et les États-Unis.

Je soulignerais uniquement que de pareils programmes sont très coûteux. Nous avons pu nous en faire une idée lorsqu'il a fallu rendre le site de Tchernobyl sécuritaire par exemple, travaux auxquels nous avons pris part par l'intermédiaire du G-8. Il faut se présenter à cette table avec de véritables ressources si l'on veut obtenir des résultats efficaces.

Mme Diane Marleau: Malheureusement, nous parlons de l'avenir et de dépenser des montants faramineux, mais nous oublions le présent auquel il faut aussi consacrer des montants faramineux. C'est ce que j'essaie de faire valoir.

Le président: J'aimerais poser une question précise à ce sujet, parce que c'est là un point qui nous laisse perplexe.

Qu'est-ce, cette loi Lugar...

M. Chris Westdal: C'est le projet de loi Nunn-Lugar, du nom de deux sénateurs.

Le président: Il autorise des dépenses dans l'ex-Union soviétique afin de nettoyer et de déplacer les résidus.

Quand le comité était là-bas, nous avons entendu parler de deux aspects. L'un portait sur cette coopération avec les autorités russes qui estimaient être les mieux placées pour gérer le processus et qui voulaient éviter que d'autres ne viennent leur dire quoi faire.

Nous venons de voir des rapports, par exemple, dans la presse d'après lesquels les mêmes choses se produiraient dans le cas de la tuberculose—j'ignore si vous avez vu l'article le week-end dernier. Ils disent ne pas avoir besoin que l'Organisation mondiale de la santé leur donne 150 millions de dollars pour traiter la tuberculose en Russie, qu'ils vont le faire eux-mêmes.

Un certain nationalisme russe les rend donc réticents, si on peut l'exprimer ainsi, à recevoir l'expertise et l'argent de l'extérieur, d'une part. D'autre part, on nous dit que les Républicains du Congrès songent peut-être à limiter les montants qui y sont consacrés.

• 1010

Voici un groupe de personnes qui militent en faveur du système NMD et qui sont disposées à y consacrer 60 milliards de dollars, mais elles souhaitent réduire le montant d'argent qu'elles sont disposées à investir justement dans ce que vous et Mme Marleau avez qualifié de danger évident et présent. Est-ce vrai? L'analyse est-elle juste ou s'inquiète-t-on inutilement?

M. Chris Westdal: Je ne puis parler de l'attitude du Congrès américain. Je ne sais rien de mesures visant à réduire ces dépenses. Naturellement, l'argent prévu dans le projet de loi Nunn-Lugar est en concurrence avec toutes les autres propositions de dépenses publiques. Il est difficile d'essayer d'obtenir l'appui politique des Américains pour le versement de fonds à la Russie, quand tant de fonds ainsi investis ont été inefficaces ou se sont retrouvés dans les mauvaises mains. Bien sûr, traiter avec les Russes dans ce domaine pose des difficultés et entraîne des complications. Les événements survenus récemment là-bas ont blessé leur fierté. Leurs militaires, comme tous les autres militaires, ont l'habitude de vivre dans le secret et ont beaucoup de difficulté à partager leurs secrets les mieux gardés avec leur ancien rival et ainsi de suite. Il est donc normal que les arrangements ne se fassent pas sans effort.

Cependant, tout bien considéré, je crois qu'il faudrait accorder beaucoup de crédit au sénateur Nunn, au sénateur Lugar et à d'autres leaders américains de l'administration et du Congrès qui sont disposés, en dépit de toutes les difficultés que pose l'envoi de ressources en Russie, à appuyer un budget fort important pour faire face au danger que vous avez décrit, à le faire par la coopération pour le bien commun. En prenant un certain recul, on devrait se réjouir que les relations des forces soviétiques et des forces russes avec le Pentagone et ses représentants aient tant changé que nous en soyons à nous demander si les ressources sont suffisantes pour voir au démantèlement des armes. Ce sont là les problèmes auxquels nous préférerions faire face, plutôt que des problèmes terrifiants avec lesquels nous serions aux prises si c'était toujours l'impasse et que ces arsenaux n'avaient pas été détruits.

Le président: Combien, en dollars, le Canada contribue-t-il à ce processus? Si nous allons nous plaindre du fait que les Américains ne dépensent pas d'argent, combien dépensons-nous nous-mêmes à cet égard?

M. Chris Westdal: Je n'ai pas ces données, et il faudrait définir avec beaucoup de soin ce que vous demandez. Je sais par contre que, dans le domaine général de la sécurité nucléaire, nous contribuons des dizaines de millions de dollars chaque année.

Le président: Dans des pays comme l'Ukraine, l'ex-Union soviétique...

M. Chris Westdal: Dans l'ex-Union soviétique. Ces contributions vont à la sécurité de Tchernobyl, qui a été fort coûteuse, au programme d'emploi en science et en technologie dont il a été question. Nous avons contribué aux travaux de nettoyage. Je me souviens que nous avons financé la construction d'une route jusqu'à une usine de dépollution environnementale des armes chimiques, je crois. On pourrait vous communiquer des précisions plus tard, car je n'ai pas ces renseignements avec moi.

Le président: Je me demande si vous pouvez fournir au comité ces données. Il serait très utile que nous les ayons. Dans ce contexte en particulier, comme nous sommes actuellement en train de rédiger un rapport sur les républiques d'Asie centrale au sein des caucus, vous pourriez nous laisser savoir expressément si des dépenses sont engagées plus particulièrement en Azerbaïdjan, au Kazakhstan et dans ces autres pays—plus particulièrement au Kazakhstan, qui, si j'ai bien compris, était auparavant un vaste dépôt d'armes nucléaires et un grand centre d'activité nucléaire. Nous aimerions savoir si le Canada participe à des programmes dans ces pays.

Nous nous en sommes bien sortis avec le temps dont nous disposions. Je suis désolé. M. Martin est arrivé en retard, mais il faudrait peut-être faire une pause maintenant, chers collègues.

Monsieur Westdal, je tiens à vous remercier énormément. Manifestement, il s'agit là d'un enjeu extrêmement important pour la sécurité mondiale et d'un enjeu qui intéresse considérablement la population canadienne. Nous savons que vous faites personnellement un travail formidable. Nous tenons à vous en remercier et à vous encourager à continuer.

Chers collègues, le comité s'ajourne jusqu'à 15 heures, aujourd'hui.

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