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FINA Réunion de comité

Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.

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STANDING COMMITTEE ON FINANCE

COMITÉ PERMANENT DES FINANCES

TÉMOIGNAGES

[Enregistrement électronique]

Le jeudi 31 mai 2001

• 1105

[Traduction]

Le président (M. Maurizio Bevilacqua (Vaughan—King—Aurora, Lib.)): La séance est ouverte. Bienvenue à tous.

Par suite de l'énorme succès de votre dernière visite et compte tenu de l'importance de la question que nous devons étudier, à savoir l'environnement, nous avons jugé que le comité devait organiser une deuxième table ronde. Évidemment, nous avons été très impressionnés par la qualité de vos interventions.

Si nous tenons cette deuxième table ronde ce matin, c'est aussi parce que je suis certain que vous avez d'autres idées à partager avec nous; comme nous sommes à la veille des vacances parlementaires, nous aurons tout l'été pour réfléchir à ce que vous allez nous dire. Mais ne soyez pas étonnés si vous recevez des appels cet été; ce sera parce que nous cherchons à clarifier certaines choses.

Une des promesses que je peux vous faire au nom du comité, c'est que l'environnement jouera aussi un rôle très important dans nos consultations prébudgétaires, en septembre, octobre et novembre; nous nous tournerons donc à nouveau vers vous à ce moment-là pour obtenir votre avis d'experts.

Et maintenant, j'aimerais que nous passions tout de suite aux présentations. Encore une fois, merci.

Nous avons avec nous des représentants de la Coalition du budget vert, de la Table ronde nationale sur l'environnement et l'économie, et de la Coalition de l'énergie renouvelable pour l'air pur, ainsi que des professeurs qui sont venus témoigner à titre personnel.

Comme vous êtes déjà venus, vous comprenez comment nous fonctionnons.

Nous allons commencer par la Coalition du budget vert, représentée par M. Robert Hornung, M. Barry Turner et Mme Angela Rickman. Bienvenue.

Qui va commencer?

M. Barry Turner (directeur, Affaires gouvernementales, Canards Illimités Canada; Coalition du budget vert): Bonjour, monsieur le président. Merci beaucoup. Je suis heureux d'être de retour comme porte-parole de la Coalition du budget vert.

Je porte aussi deux autres chapeaux. Je suis notamment président de l'Association canadienne des ex-parlementaires—dont vous êtes tous des membres potentiels, en attendant le moment où vous déciderez de quitter cette institution. Mais je suis aussi directeur des relations gouvernementales pour Canards Illimités Canada.

La Coalition du budget vert veut remettre en lumière, comme vous l'avez indiqué, quelques questions que nous jugeons importantes.

Vous vous rappellerez peut-être que notre coalition se compose de 16 organisations nationales; ses représentants ont comparu devant vous il y a environ un mois. Je remplace ce matin notre directrice, qui est en quelque sorte notre quart arrière, Julie Gelfand, de la Fédération canadienne de la nature.

Les propositions de la Coalition du budget vert en vue du prochain budget comportent trois grands éléments: premièrement, la protection et la préservation de notre patrimoine naturel; deuxièmement, les communautés en santé; et troisièmement, l'assainissement de l'air et les changements climatiques.

Permettez-moi de faire quelques commentaires très brefs sur les besoins que nous constatons en ce qui concerne notre patrimoine naturel, en particulier la nécessité de consacrer de l'argent aux importants symboles nationaux que sont les parcs nationaux du Canada. Je pense d'ailleurs que le premier ministre accorde une importance prioritaire à la création de nouveaux parcs nationaux et à l'intégrité des parcs existants.

Les retombées économiques des parcs nationaux sont probablement assez bien comprises. Je vais vous les énumérer rapidement. Les parcs du Canada accueillent environ 25 millions de visiteurs chaque année et leur contribution au PIB est de quelque 2 milliards de dollars par an. Ils fournissent 50 000 emplois à plein temps à des gens de tout le pays. Et les touristes étrangers y dépensent chaque année 425 millions de dollars. Chaque dollar investi dans les parcs génère cinq dollars d'activité économique pour l'ensemble du pays.

Mais les parcs sont soumis à d'énormes pressions: 80 p. 100 d'entre eux subissent un stress écologique, 70 p. 100 des installations destinées aux visiteurs sont menacées, et les deux tiers des attraits de nos parcs nationaux sont dans un état moyen ou lamentable.

La Coalition du budget vert réclame donc pour les cinq prochaines années des dépenses dans les domaines suivants: 240 millions de dollars pour financer les négociations devant mener à la création de huit nouveaux parcs nationaux et de quatre nouvelles aires marines nationales de conservation, ainsi que leur fonctionnement; et 328 millions pour mettre en oeuvre les recommandations du groupe de travail sur l'intégrité écologique et pour mettre un frein au déclin des écosystèmes des parcs grâce à la recherche scientifique et aux ententes de partenariat.

• 1110

J'invite maintenant Angela Rickman, du Club Sierra du Canada, à vous parler des communautés en santé, du point de vue de la Coalition du budget vert.

Mme Angela Rickman (directrice adjointe, Club Sierra du Canada; Coalition du budget vert): Bonjour. Merci de nous avoir invités de nouveau.

Le Club Sierra du Canada est membre de la Coalition du budget vert et appuie l'ensemble de ses propositions. Cependant, je suis ici pour vous parler d'un de ses programmes en particulier: celui des communautés en santé.

La partie du budget vert consacrée à la santé des communautés comportait trois grands volets. Le premier portait sur l'adoption d'une taxe sur la pollution afin de réduire les émissions toxiques. Le deuxième concernait un fonds visant à réduire l'utilisation des pesticides et des engrais chimiques, notamment par les agriculteurs, pour éviter que ces produits toxiques se retrouvent dans notre nourriture. Le troisième, sur lequel je vais insister tout particulièrement et que notre coalition considère comme une priorité, se rattache au Fonds pour un Canada propre.

Le Fonds pour un Canada propre permettrait de mettre en place un mécanisme pour le nettoyage des sites d'entreposage de déchets toxiques et les mesures correctives qui s'y rattachent, de même que pour le relogement des communautés à risque.

Nous estimons que cette mesure coûterait environ 540 millions de dollars sur cinq ans, pour le fonctionnement du groupe de travail sur les sites contaminés dont je vais vous reparler dans un instant, ce à quoi s'ajouterait une affectation spéciale de 2 milliards de dollars en 2002 pour le relogement et les mesures correctives—le relogement des communautés et les mesures de remise en état des sites contaminés répertoriés dans l'inventaire fédéral et ailleurs, par exemple les mares de goudron de Sydney.

La première phase, celle de 540 millions de dollars, se rattacherait à l'inventaire du Conseil du Trésor, qui est en cours d'élaboration. Nous espérons que, quand cet inventaire sera terminé—probablement l'année prochaine—, il y aura une période de consultation publique afin d'aider à établir un ordre de priorité parmi les sites signalés par les différents ministères fédéraux et que ce dossier sera ensuite transmis au groupe de travail sur les sites contaminés qui a été créé il y a déjà un certain temps, mais qui manque de fonds.

Donc, ces 540 millions de dollars sur cinq ans serviraient à financer le Groupe de travail sur la gestion des sites contaminés, à déterminer les priorités des ministères fédéraux et à établir des calendriers de remise en état et des stratégies de nettoyage, ainsi qu'à lancer un débat public.

Nous aimerions que le Fonds pour un Canada propre puisse bénéficier d'un capital de démarrage de 2 milliards de dollars pour entreprendre le nettoyage des sites jugés prioritaires dans le cadre du programme fédéral, ainsi que de ceux qui ont été répertoriés, mais qui n'appartiennent pas nécessairement au gouvernement fédéral ou qui ne sont pas gérés par lui.

Ce fonds de 2 milliards serait réapprovisionné grâce à une taxe perçue auprès des industries qui ont profité de la contamination des sites, par exemple l'industrie minière. Les fonds récupérés par suite de la signature d'ententes avec des pollueurs connus, ou encore de la vente ou de la location de propriétés remises en état, pourraient également y être versés.

La réalisation de ce programme représenterait un investissement pour les Canadiens des générations actuelles et futures, mais ce n'est pas tout. En effet, comme le Canada a signé et ratifié récemment la Convention de Stockholm sur les polluants organiques persistants, bon nombre des substances qui se trouvent dans des sites contaminés un peu partout au Canada, et en particulier le long de la ligne Dew, tombent sous le coup de ses obligations en vertu de cette convention. Le Canada s'est en outre engagé au niveau international à verser 20 millions de dollars pour contribuer à l'amélioration des capacités des pays en voie de développement, afin de les aider à se débarrasser de leurs réserves de pesticides périmés et de polluants organiques persistants.

Il y a donc un réel besoin en ce qui concerne la mise au point des meilleures technologies possibles pour le nettoyage des sites contaminés, pour la remise en état de ces sites et pour l'élimination des pesticides. Donc, la mise en oeuvre de cette initiative aidera non seulement les Canadiens, mais aussi l'industrie canadienne à l'étranger.

Je me ferai un plaisir de répondre à vos questions tout à l'heure, mais je vais d'abord laisser la parole à Robert Hornung.

Le président: Monsieur Hornung.

M. Robert Hornung (directeur du programme des changements climatiques, Pembina Institute; Coalition du budget vert): Merci, monsieur le président.

La Coalition du budget vert a proposé des mesures visant à réduire les émissions de gaz à effet de serre et à lutter contre la pollution de l'air sur quatre fronts: les immeubles, les transports, la production d'électricité et l'industrie. Nous vous avons décrit toutes ces mesures lors de notre visite précédente; je ne les mentionnerai donc pas toutes. Je vais m'attarder uniquement sur les immeubles dans ma présentation d'aujourd'hui.

La principale mesure qui permettrait de réduire les émissions de gaz à effet de serre et d'assainir l'air dans le secteur du bâtiment consiste à améliorer l'efficacité énergétique des immeubles. De multiples études ont démontré que nos immeubles résidentiels, commerciaux et institutionnels sont tous extrêmement inefficaces en termes de consommation d'énergie et qu'il serait à la fois rentable et techniquement possible d'augmenter leur efficacité énergétique de 10 à 35 p. 100.

• 1115

Compte tenu de ces possibilités, pourquoi est-ce que cela ne se fait pas? Parce qu'il y a des obstacles. Il faut appuyer tout ce qui peut rendre disponibles les fonds initiaux permettant d'investir dans ces réhabilitations énergétiques. Il y a aussi la question du délai de récupération. Bien que ces rénovations soient rentables si on tient compte de la durée de vie totale des immeubles, leurs retombées se font sentir moins rapidement que d'autres types d'investissements. Par conséquent, les investisseurs les évitent.

Nous estimons que le gouvernement fédéral peut s'inspirer de certains programmes qui connaissent du succès au niveau local pour faire de l'efficacité énergétique des immeubles une réussite nationale. La Coalition du budget vert réclame trois mesures spécifiques dans ce domaine.

La première consiste à créer un fonds national pour l'amélioration des immeubles grâce à un investissement ponctuel de 250 millions de dollars. Ce fonds pourrait faire deux choses: fournir des prêts aux propriétaires d'immeubles pour des études de faisabilité et des travaux de conception ou pour couvrir le coût des réhabilitations, ou simplement offrir des garanties pour les investisseurs cherchant à obtenir des fonds ailleurs.

Ce fonds nécessiterait un investissement ponctuel et serait réapprovisionné grâce aux intérêts payés sur les prêts. Ces sommes proviendraient des économies d'énergie réalisées ou des frais de garantie sur les prêts.

Cette proposition s'inspire de l'exemple et de l'expérience du Better Buildings Partnership de Toronto, qui a prouvé trois choses. La majeure partie de l'argent tiré de ce fonds a servi à garantir des prêts, et non à investir. Les institutions prêteuses privées ont consenti à prêter de l'argent une fois le travail de conception terminé. Ce fonds a aussi permis de susciter des investissements privés, dans une proportion de 5 pour 1, et a rapporté 25 p. 100 par année à la ville de Toronto. C'est une initiative qui connaît beaucoup de succès, et que nous aimerions voir reprise au niveau national.

La deuxième mesure concerne l'octroi de prêts pour la réhabilitation énergétique des résidences. Essentiellement, nous aimerions que ces prêts soient fondés sur le rendement. Il existe un système de cotation de l'efficacité énergétique des résidences. Nous estimons que les citoyens qui voudraient faire vérifier la consommation d'énergie dans leur résidence—et qui pourraient démontrer à la fois que le niveau d'efficacité énergétique de leur résidence laisse à désirer et que des rénovations devraient permettre d'améliorer sensiblement la situation, conformément au système de cotation de Ressources naturelles Canada—devraient pouvoir bénéficier d'un prêt couvrant environ 20 p. 100 du coût de ces rénovations. En moyenne, nous estimons que ce prêt s'élèverait à 800 $ environ.

Enfin, nous aimerions que soit mis sur pied un programme national de services conseils en rénovation des résidences, qui serait axé sur la communauté. Ces services existent déjà dans un petit nombre de communautés du Canada, et ils remportent un grand succès. En Ontario, par exemple, plus de 80 000 résidences ont fait l'objet d'une vérification du rendement énergétique, et 80 p. 100 des propriétaires de ces résidences ont décidé par la suite d'investir dans des réhabilitations énergétiques. En moyenne, ces investissements s'élevaient à 1 300 $ environ et ont entraîné des économies d'énergie de 10 p. 100. Nous aimerions que des initiatives similaires soient lancées dans un millier de communautés à travers le pays.

Merci beaucoup.

Le président: Merci.

Nous entendrons maintenant les représentants de la Table ronde sur l'environnement et l'économie, MM. Stuart Smith et David McGuinty.

M. David McGuinty (président-directeur général, Table ronde nationale sur l'environnement et l'économie): Merci beaucoup, monsieur le président.

Je voudrais reprendre la discussion ce matin là où nous l'avions laissée la dernière fois. Merci encore de nous avoir réinvités.

Si j'ai bien compris, vous allez tenir des consultations prébudgétaires à l'automne. Donc, plutôt que de vous parler des cinq thèmes sur lesquels portent les recommandations de la table ronde pour le prochain budget, je vais simplement vous décrire quelques-unes de nos initiatives en cours. Je vais ensuite laisser M. Stuart Smith vous parler beaucoup plus en détail du concept d'échange de droits d'émission; il va vous expliquer de quoi il s'agit, ce que cela signifie pour le Canada et pourquoi il est important que nous nous occupions énergiquement de cette question.

Je tiens à rappeler aux membres du comité que nous avons parlé la dernière fois d'une initiative de réforme financière écologique. Nous avons essayé de démontrer que nous n'avons pas vraiment atteint un meilleur équilibre des dépenses, des mesures incitatives et des moyens dissuasifs, aux niveaux national, provincial et municipal. Nous examinons maintenant le concept de réforme financière écologique—nous ne parlons pas de réforme fiscale, mais de réforme financière—dans trois grands secteurs pour montrer que nous n'en avons peut-être pas assez pour notre argent en ce qui concerne l'assainissement de l'environnement. Je voulais d'abord vous présenter cela.

Deuxièmement, je rappelle aussi aux membres du comité que la table ronde a lancé un projet d'indicateurs nationaux, qui a été annoncé dans le budget 2000. Nous cherchons actuellement à concevoir une série limitée d'indicateurs sur l'environnement et le développement durable qui viendraient compléter, et non supplanter, le PIB.

• 1120

Le ministre a assisté vendredi dernier à un petit déjeuner de travail sur Bay Street, à Toronto, qui avait été organisé par la table ronde et ses membres. Nous attendions 250 personnes, mais nous avons eu l'agréable surprise de devoir refuser l'entrée à 250 personnes après en avoir fait asseoir 650.

Cela signifie que les gens de Bay Street ont un énorme appétit pour ces questions. Bien sûr, nous ne visions pas seulement les gens d'affaires; il y a des gens de partout qui sont venus entendre parler de cette initiative. Le ministre a prononcé vendredi matin un excellent discours dans lequel il nous a fait part de ses idées sur ce que ces nouveaux indicateurs pourraient faire pour le Canada et sur les raisons pour lesquelles il serait important de les mettre en place.

Quand Stuart et moi avons rencontré les autres membres de la table ronde pour établir le contenu de notre présentation de ce matin, nous avons décidé de vous parler plus en détail du système d'échange de droits d'émission parce que nos travaux nous en ont démontré la nécessité.

C'est tout ce que j'ai à dire, monsieur le président. Je laisse la parole à M. Smith.

M. Stuart Smith (président, Table ronde nationale sur l'environnement et l'économie): Monsieur le président, mesdames et messieurs les membres du comité, je suis très heureux d'être de retour parmi vous, d'autant plus que nous sommes ici en même temps que nos amis de la Coalition du budget vert.

Je voudrais vous parler aujourd'hui de l'échange de droits d'émissions en général et de ce qu'un système de ce genre peut faire pour mettre les forces du marché au service de l'environnement. Nous constatons tous que les forces du marché vont parfois à l'encontre de l'environnement. Comme vous le savez, l'environnement entre rarement en ligne de compte dans le calcul interne des coûts; les forces du marché semblent donc souvent être les ennemies de l'environnement. Mais il n'est pas nécessaire que ce soit le cas. Avec un peu d'ingéniosité, nous pouvons tirer parti des forces du marché et les mettre au service de l'environnement.

L'échange de droits d'émission est un des instruments possibles à cet égard. J'attire l'attention du comité sur cette idée et j'espère que vous finirez par l'appuyer. Nous devons établir beaucoup plus de modèles des différents systèmes d'échange de droits d'émission que le Canada pourrait adopter, en ce qui a trait particulièrement aux gaz à effet de serre. De cette façon, quand d'autres pays se lanceront activement dans des programmes d'échange de droits d'émission et de crédits de pollution, nous serons prêts et nous aurons notre propre système répondant aux besoins du Canada.

L'autre aspect que j'espère vous voir appuyer, c'est qu'il faut encourager le gouvernement à reconnaître les échanges déjà conclus par des entreprises qui ont anticipé la mise en place d'un système d'échange de droits d'émission. Il y a un certain nombre d'entreprises canadiennes qui ont conclu des échanges de ce genre, tant à l'intérieur du Canada qu'au niveau international.

Au bas de la page que nous vous avons distribuée, nous suggérons un moyen de reconnaître provisoirement ces échanges anticipés. En gros, nous disons simplement que, dans la mesure où ces échanges répondent aux critères qui seront établis, ils devraient être reconnus. Les entreprises ne devraient pas être pénalisées pour avoir conclu ces échanges à l'avance.

Ce n'est pas un précédent dangereux et cela réconforterait sûrement les gens, dans ces entreprises, qui ont fait des pressions pour que ces échanges se fassent et qui se font maintenant demander par leur PDG: «Pourquoi est-ce que nous faisons ça si le gouvernement ne regarde même pas dans notre direction?»

J'aimerais vous expliquer en quoi consistent les systèmes d'échange de droits d'émission. Comme la plupart d'entre vous le savent, l'idée est d'établir une norme pour un pays, ou encore pour un bassin atmosphérique ou hydrographique. À l'intérieur de cette zone, il y aura des gens et des entreprises qui pourront dépasser la norme, tandis que d'autres ne seront pas en mesure d'obtenir d'aussi bons résultats.

Ceux qui ne pourront pas respecter la norme devront acheter des crédits, qui seront remis à ceux qui l'auront dépassée. Donc, les entreprises capables de faire des investissements qui leur permettent de dépasser largement la norme pourront en retirer un bénéfice en vendant leurs crédits à d'autres.

Vous direz peut-être que ces autres entreprises sont tout simplement trop paresseuses pour se conformer à la norme. Mais il peut arriver, par exemple, qu'une usine n'ait plus que deux ou trois ans de vie utile; il ne serait donc pas logique d'investir des sommes importantes pour la modifier. Mais si les propriétaires de cette usine peuvent acheter des crédits des entreprises qui ont des usines plus modernes et qui peuvent les améliorer pour dépasser la norme établie, c'est toute la société qui en bénéficie parce que le niveau global de pollution diminue.

Ce que nous constatons, c'est que pour chaque dollar investi, les avantages sont beaucoup plus grands que s'il n'y avait pas de système d'échange. C'est donc la formule la plus efficace pour chaque dollar dépensé, et elle tire parti des forces du marché.

• 1125

Mais il est important que cela se fasse dans le même bassin atmosphérique ou hydrographique. Si quelqu'un réduit le smog à Los Angeles, cela ne donne évidemment pas grand-chose aux gens de Toronto. Il ne peut donc pas y avoir d'échanges entre Toronto et Los Angeles pour des choses comme le smog. Les échanges doivent se faire à l'intérieur d'une même zone, sans quoi la population jugera cette formule inacceptable tant sur le plan politique que du point de vue scientifique.

Mais dans le cas des gaz à effet de serre, il n'y a qu'un seul bassin atmosphérique: la planète entière. Que les améliorations se produisent en Chine ou à Ottawa, les avantages pour la planète sont exactement les mêmes. Par conséquent, pour qu'un système soit logique, il doit permettre de dépenser l'argent là où il est le plus utile. Les différents pays du monde ont donc convenu d'établir un système international d'échange de droits d'émission, et les Canadiens pourront évidemment y participer.

En outre, les entreprises des pays qui possèdent leur propre système national peuvent réaliser des gains d'efficience parce qu'elles peuvent faire des échanges entre elles. Mais si nous entrons en concurrence avec d'autres pays et que nous n'avons pas encore notre système, nos entreprises ne pourront pas réaliser les mêmes gains. Il est donc important que le comité tienne compte du fait que, pour demeurer concurrentiels, nous devons avoir notre propre système national; autrement, nos entreprises ne pourront pas soutenir la concurrence des autres.

Théoriquement, il est toujours possible d'avoir recours à la réglementation directe et, si le Canada ne réussit pas à respecter ses obligations, notre gouvernement pourrait acheter des crédits sur le marché libre. Mais alors, nos entreprises ne pourraient pas profiter des avantages qu'il y aurait à vendre et à acheter des crédits entre elles.

Maintenant, au cas où vous croiriez qu'il est facile d'adopter un système en deux temps, trois mouvements, je vous ai apporté le texte d'un discours que je dois prononcer à Calgary la semaine prochaine. Cela vous donnera une idée de la complexité de l'établissement d'un système au Canada. Quelle date choisir comme point de départ pour accorder les crédits et les permis? Comment les gens pourront-ils gagner ces crédits et permis? Faut-il demander à chaque province d'atteindre un objectif donné, tout comme l'Union européenne l'a fait pour chacun de ses pays membres, ou fixer des objectifs pour l'ensemble du pays?

Et surtout, faut-il vendre les crédits et permis aux enchères, ou simplement les distribuer? Ce n'est pas une question facile. Il semble juste de les distribuer, mais selon quels critères? Cela pourrait vouloir dire qu'ils seraient distribués à des entreprises qui polluent, tandis que d'autres, qui ne polluent pas, n'en recevraient pas. Eh bien, ces permis pourraient valoir de l'argent un jour; ce serait donc une aubaine.

Il y a beaucoup de questions sérieuses à résoudre, et la seule façon de les résoudre, c'est de concevoir des modèles informatiques. Nous demandons instamment au gouvernement d'investir dès maintenant dans les préparatifs nécessaires, de manière à ce que nous soyons prêts le temps venu. Entre temps, nous l'invitons à reconnaître les efforts des entreprises qui ont déjà conclu des échanges, qui connaissent l'idée, qui font oeuvre de pionniers. Plutôt que de les laisser se débrouiller, comme c'est le cas actuellement, nous devrions leur accorder au moins une reconnaissance minimale.

Je me ferai un plaisir de répondre à vos questions tout à l'heure, monsieur le président.

Le président: Merci beaucoup, monsieur Smith et monsieur McGuinty.

Nous allons maintenant entendre Robert Hornung, de la Coalition de l'énergie renouvelable pour l'air pur.

M. Robert Hornung (directeur du programme des changements climatiques, Pembina Institute; Coalition de l'énergie renouvelable pour l'air pur): Je suis très heureux de pouvoir être ici aujourd'hui, au nom de la Coalition de l'énergie renouvelable pour l'air pur. Je suis en compagnie de Marlie Butt, qui est directrice de la taxe chez Suncor Energy.

Nos deux organisations sont les fondatrices de cette coalition, qui compte maintenant 17 membres. C'est un groupe bien particulier qui réunit des entreprises comme Dofasco, B.C. Hydro, Shell Canada et d'autres, aux côtés de groupes écologistes comme Pollution Probe, la Toronto Environmental Alliance et la Fédération canadienne des municipalités C'est la première fois, je pense, qu'une coalition regroupe un échantillon aussi diversifié.

Qu'est-ce qui a rassemblé les membres de cette coalition unique en son genre? Le désir de voir le gouvernement fédéral mettre en place deux plans d'action à court terme pour donner un coup de pouce à l'industrie de l'énergie renouvelable au Canada.

• 1130

Ce sont des mesures à court terme. Pour en revenir à ce que M. Smith a dit, tous les membres de notre coalition sont convaincus que nous devrons établir un système d'échange de droits d'émission pour régler les problèmes comme les changements climatiques et la pollution atmosphérique. Nous reconnaissons aussi qu'il faudra du temps pour y arriver. Nous ne pouvons pas attendre aussi longtemps pour commencer à bouger sur le front de l'énergie renouvelable.

Vous devriez avoir reçu un exemplaire du document d'information portant sur nos propositions, ainsi que de l'exposé que je vais vous présenter maintenant.

Pourquoi ces forces se sont-elles regroupées pour parler d'énergie renouvelable? Parce que nous croyons que cette idée est logique à plus d'un point de vue.

Sur le plan environnemental, l'énergie renouvelable a évidemment un rôle clé à jouer pour nous aider à résoudre toute une gamme de problèmes, en particulier la pollution atmosphérique et les changements climatiques. Elle peut compléter ou remplacer les sources d'énergie qui contribuent à ces problèmes, notamment les combustibles fossiles.

Du point de vue économique, les sources d'énergie renouvelable sont celles qui connaissent actuellement la plus forte croissance dans le monde. Tout au long des années 90, la production mondiale d'énergie solaire et d'énergie éolienne a augmenté de 20 à 30 p. 100 par année. Évidemment, il s'agit d'une hausse par rapport à un point de départ très modeste, mais c'est un pas dans la bonne direction.

Shell Services International estime que les ressources énergétiques renouvelables pourraient permettre de combler la moitié des besoins mondiaux en énergie en 2050. Selon ce scénario, il serait logique, sur le plan économique, que le Canada s'intéresse à ces sources d'énergie et qu'il capitalise sur les possibilités d'investissement, d'exportation et de création d'emplois associées à ces nouvelles technologies de pointe.

Pourquoi le gouvernement fédéral doit-il intervenir? Et pourquoi ce groupe s'est-il constitué? Pour deux raisons. Nous avons nettement l'impression que le Canada est en retard dans le développement de ces technologies énergétiques pour le XXIe siècle.

Je vais vous donner quelques exemples. Prenons l'énergie éolienne. La capacité de production du Canada dans ce domaine est de 140 mégawatts, alors que les États-Unis peuvent produire 2 800, l'Espagne 3 500 et l'Allemagne 6 500. Et ce n'est pas tout. Des petits pays comme le Danemark, les Pays-Bas et la Suède ont tous une capacité de production d'énergie éolienne nettement supérieure à celle du Canada.

Pourquoi? Parce que, dans ces pays, les gouvernements ont mis en place des cadres stratégiques visant à stimuler et à faciliter le développement de ces sources d'énergie. Ces cadres mettent l'accent à la fois sur l'augmentation de la demande d'énergie renouvelable et sur les mesures facilitant l'expansion des approvisionnements à cet égard. Ils se présentent sous diverses formes, par exemples des interventions réglementaires et des initiatives fiscales.

Notre groupe est fermement convaincu de la nécessité d'avoir recours aux mécanismes du marché. Les propositions que nous présentons ne sont pas de nature réglementaire. Elles visent à influencer les signaux du marché en vue d'encourager le développement de l'énergie renouvelable.

Il y a des obstacles à surmonter, et c'est pour cela que ces initiatives sont nécessaires. La demande d'énergie renouvelable est faible, pour trois grandes raisons.

La plupart des consommateurs ne peuvent pas acheter d'énergie renouvelable. Il ne s'en vend pas. Les producteurs de ces types d'énergie ont du mal à se brancher sur les réseaux de production d'électricité et, dans certaines régions du Canada, l'énergie renouvelable coûte actuellement plus cher que les autres formes d'énergie. Dans d'autres régions, par exemple en Alberta, où il y a d'importantes pointes dans les prix de l'électricité, l'énergie renouvelable est parfaitement concurrentielle, au niveau du prix, avec les sources traditionnelles reposant sur les combustibles fossiles.

Il y aussi des obstacles aux investissements et aux approvisionnements. Là encore, c'est une question de coût. Le potentiel de certaines installations dans ce domaine est marginal. Encore une fois, il est risqué, si on ne peut pas se fonder sur une politique quelconque pour obtenir des certitudes concernant l'avenir, de faire des investissements dans quelque chose qui durera dix ou vingt ans.

Les deux mesures que nous proposons sont, premièrement, un crédit à la consommation d'énergie écologique pour stimuler la demande d'énergie renouvelable et, deuxièmement, des mesures incitatives pour encourager les producteurs à accroître l'offre. À cet égard, nous proposons trois options différentes; chacune a ses avantages et ses inconvénients, dont nous nous ferons un plaisir de vous parler pendant la période de questions.

Il faudrait premièrement élargir les dispositions touchant les ressources énergétiques renouvelables et les économies d'énergie de manière à couvrir tous les coûts liés aux investissements dans ce domaine. Deuxièmement, il faudrait accorder un crédit d'impôt à l'investissement pour les dépenses en capital liées à l'énergie renouvelable. Et troisièmement, nous proposons un crédit d'impôt à la production ou un remboursement des frais de production pour les entités non imposables.

• 1135

Je répète que nous envisageons ces propositions comme des mesures à court terme. À notre avis, la mise en place d'un système d'échange de droits d'émission fera augmenter le prix du carbone, ce qui devrait créer sur le marché une demande de sources d'énergie faibles en carbone comme les ressources renouvelables. Nous croyons que les signaux du marché encourageront fortement le développement de l'énergie renouvelable.

Entre temps, puisque nous avons déjà du retard, nous devons prendre des initiatives à court terme. Le crédit à la consommation d'énergie écologique vise non seulement à stimuler la demande, mais également à sensibiliser la population aux sources d'énergie renouvelable et à leurs avantages pour l'environnement. Il faut agir sur la demande. Nous avons vu, d'après l'expérience des autres pays, que quand on se concentre uniquement sur l'offre, on se retrouve avec une poussée de croissance de la capacité de production. Mais en définitive, s'il n'y a pas de demande proportionnelle à cette production à long terme, ce n'est pas viable.

Nous proposons un crédit qui compenserait en partie pour les prix élevés de l'énergie écologique. Pour les consommateurs, nous suggérons un montant de deux à trois cents le kilowatt-heure. Pour les usagers commerciaux, industriels et municipaux d'électricité, nous suggérons deux cents le kilowatt-heure. Sur la période prévue de trois ans, nous prévoyons que la participation des différentes entités atteindrait au maximum 2 p. 100. Nous estimons que le coût total pourrait être de 104 à 134 millions de dollars par année pour la période de trois ans, en attendant la mise en place du système d'échange de droits d'émission.

Du côté des producteurs, chacune de nos propositions offrirait à notre avis des certitudes suffisantes, sur les plans de la politique et de la fiscalité, pour stimuler la production d'énergie renouvelable. Les trois options comportent diverses implications fiscales pour le gouvernement. Pour ce qui est des coûts, ils pourraient se situer quelque part entre 30 et 90 millions de dollars pour la période de trois ans.

Quel serait le résultat de ces mesures? Nous croyons qu'elles contribueraient à donner un coup de pouce à l'industrie canadienne de l'énergie renouvelable. Elles pourraient par exemple augmenter de plus de 300 p. 100 la production d'énergie éolienne au Canada. Elles créeraient de nouveaux emplois. Elles nous aideraient à résoudre nos problèmes d'environnement. Nous avons calculé qu'elles pourraient faire baisser les émissions de gaz à effet de serre de 1,25 million de tonnes par année. Et surtout, elles aideraient le Canada à se positionner pour le XXIe siècle de manière à pouvoir soutenir la concurrence dans l'économie énergétique mondiale.

Je vais vous donner un exemple. Aux États-Unis, l'administration Bush a annoncé une politique d'énergie continentale que beaucoup de gens ont qualifiée—à juste titre, à mon avis—de nuisible à l'environnement. Il est cependant intéressant de noter que, même si cette politique met l'accent sur l'augmentation de l'offre plutôt que sur la conservation, et sur les combustibles fossiles plutôt que sur les ressources énergétiques renouvelables, elle contient des propositions qui vont beaucoup plus loin que tout ce que nous avons au Canada pour encourager la production et la distribution d'énergie renouvelable.

L'administration Bush propose beaucoup moins que ce qui s'est fait dans d'autres pays. Nous sommes donc en retard. C'est la raison pour laquelle notre coalition unique en son genre a été constituée: pour réclamer des mesures concrètes.

Merci beaucoup.

Le président: Merci beaucoup.

Nous allons maintenant entendre M. Philippe Crabbé, qui est professeur à l'Université d'Ottawa.

M. Philippe Crabbé (témoignage à titre personnel): Mesdames et messieurs, je voudrais vous présenter six propositions en matière d'«écofiscalité», dont trois sont tirées essentiellement d'un rapport préparé par le Comité technique de la fiscalité des entreprises en 1997 à la demande du ministère des Finances. La première de ces trois propositions est la plus détaillée. La voici.

La taxe d'accise actuelle sur les carburants moteurs, c'est-à- dire l'essence et le diesel, devrait être remplacée par une taxe verte d'application plus générale afin, premièrement, de réduire les effets négatifs du smog sur l'environnement et, deuxièmement, de recueillir des revenus équivalents. Cette taxe présenterait les avantages suivants.

Ce n'est pas une question de compétitivité parce que la taxe existe au Canada et aux États-Unis. Elle est déjà plus élevée au Canada. En élargissant l'assiette de cette taxe, il serait possible de l'abaisser pour le pétrole. C'est déjà une taxe régressive, comme la majorité des taxes vertes adoptées il y a un certain temps. Les taxes d'accise sur le carburant sont les taxes à caractère écologique les plus courantes dans les pays de l'OCDE, et celles qui y génèrent la plus grande part des recettes fiscales provenant de ce genre de taxes. Cette nouvelle taxe compléterait les mesures prises récemment par Environnement Canada au chapitre de l'assainissement de l'air, ainsi que celles qu'a adoptées l'EPA et dont Environnement Canada s'est d'ailleurs inspiré. Elle pourrait être politiquement astucieuse si elle permettait d'abaisser les taxes sur le pétrole à un moment où les prix du pétrole sont très volatils. Elle serait opportune en cette période de déréglementation du marché de l'électricité. Elle pourrait inclure le CO2 au nombre des polluants, comme l'EPA l'avait envisagé au départ, et Environnement Canada emboîterait le pas le jour où les politiques relatives aux changements climatiques seraient en place.

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Cette taxe aurait les caractéristiques suivantes. Elle obligerait à hausser les taxes sur le charbon et, dans une moindre mesure, sur le gaz naturel par rapport aux taxes actuelles sur le pétrole, et peut-être à diminuer les taxes sur le pétrole pour tenir compte des effets des différents carburants sur l'environnement. Elle pourrait s'appliquer à toutes les formes d'énergie consommée au Canada, y compris aux importations. Par exemple, elle pourrait être étendue aux biocombustibles comme l'éthanol et à l'électricité, ainsi qu'aux polluants industriels autres que les POP, dans la mesure où il serait possible d'évaluer les dommages qu'ils causent à l'environnement.

Il faudrait consulter les provinces afin d'éviter que celles- ci récupèrent les sommes résultant d'une éventuelle baisse de la taxe sur le pétrole. Il faudrait également consulter Environnement Canada pour harmoniser la taxe aux initiatives découlant de la Loi canadienne sur la protection de l'environnement. La mesure pourrait être introduite dans le cadre d'un projet pilote, et il serait possible de fixer au départ des taux relativement bas pour la nouvelle taxe tout en offrant des réductions de taxes dans d'autres domaines. Enfin, le rendement de la taxe sur les plans de l'environnement et des revenus devrait être évalué après une période d'essai.

Passons maintenant aux critiques possibles. La nouvelle taxe pourrait être considérée comme une taxe déguisée sur le carbone. Voici ce que nous répondons à cette critique: il ne s'agit absolument pas d'une taxe sur le carbone si les substances toxiques autres que les POP sont incluses et, même si elles ne le sont pas, les dommages à l'environnement pourraient être évalués davantage en ce qui a trait au smog—les SOx, les NOx, les COV, l'oxyde de carbone—qu'en ce qui concerne les changements climatiques dus au dioxyde de carbone. Voilà donc la première proposition.

La deuxième proposition consiste à égaliser les taux marginaux d'imposition des entreprises. Les taux actuels sont moins élevés pour certaines industries fortement polluantes, par exemple les mines, le pétrole et le gaz, et les produits chimiques, ce qui équivaut à subventionner les industries polluantes. L'élargissement de l'assiette fiscale, comme le suggérait le comité technique dans son rapport, permettrait d'éliminer cette subvention négative.

La troisième proposition, c'est de supprimer toutes les subventions fédérales ayant des effets pervers sur le développement durable, par exemple les mesures favorisant les aménagements préalables à la production dans les secteurs des mines, du pétrole et du gaz. Cette proposition est justifiée par le fait que les prix seraient établis en fonction des coûts complets, grâce à la suppression d'une politique qui ne fonctionne pas.

La quatrième proposition consiste à lier les transferts d'infrastructure écologique concernant les réseaux d'adduction d'eau à la mise en place d'une structure de prix efficace pour l'eau. Cela équivaudrait à un régime de gestion de la demande d'eau.

La cinquième proposition serait d'encourager l'octroi, aux services d'électricité, de subventions pour les systèmes de carburant propres, de déductions pour amortissement accéléré de l'équipement vieilli et polluant, et de crédits d'impôt pour la recherche scientifique et le développement expérimental. Les incitations à prolonger la durée économique de l'équipement polluant, lorsqu'il y en a, doivent être supprimées.

Quelle est la justification de cette proposition? Les taxes qui pourraient être les plus bénéfiques pour l'environnement sont celles qui influent sur les décisions d'affaires à long terme. Or, les décisions d'affaires les plus importantes sont celles qui portent sur les immobilisations de longue durée, comme celles que les services d'électricité déréglementés devront prendre bientôt. Le capital de ces services d'électricité doit être renouvelé à peu près tous les 40 ans. Il est donc essentiel que les nouveaux investissements tiennent compte des polluants qui affectent la santé humaine et le climat.

La sixième proposition, enfin, c'est que les exportations d'énergie vers les États-Unis ne devraient faire l'objet d'aucune subvention, que ce soit à l'étape de l'exploration, du développement, de l'extraction ou du transport. La justification, c'est que, comme la politique énergétique américaine ne fait aucune place à la gestion de l'offre, les États-Unis devraient payer au moins le plein prix pour l'énergie qu'ils importeront du Canada.

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Permettez-moi de conclure par quelques considérations générales. Quelles que soient les propositions que vous adopterez, il ne faut pas oublier que les mesures écofiscales sont utiles pour améliorer la qualité de l'environnement, mais non pour augmenter les revenus. C'est la même chose pour toutes les taxes. Plus l'assiette fiscale des taxes vertes sera grande, plus elles produiront de revenus.

En même temps, elles doivent être ciblées de manière à ce que l'amélioration de la qualité de l'environnement soit mesurable et effectivement imputable à ces mesures écofiscales. Les recettes provenant de ces taxes doivent être ajoutées aux recettes générales plutôt que versées dans un fonds spécial pour l'environnement. Les mesures écofiscales sont régressives et doivent par conséquent s'accompagner de baisses de l'impôt sur le revenu ou de transferts forfaitaires aux ménages à faible revenu, surtout dans les régions rurales, si elles visent à réduire le smog.

Pour que les taxes vertes soient neutres, il faut dans une certaine mesure alléger le fardeau fiscal relatif aux autres éléments, par exemple la main-d'oeuvre ou le capital matériel. Les mesures écofiscales ne doivent pas être conçues en fonction d'objectifs macroéconomiques comme la création d'emploi. Comme nous l'avons vu dans les rapports de l'OCDE et dans d'autres documents, elles doivent être bien acceptées de la population et, par conséquent, faire l'objet de vastes consultations auprès de tous les intéressés. Le prochain budget fédéral devrait donc introduire le principe de l'écofiscalité, lancer un processus de consultation publique, et laisser les mesures spécifiques et les précisions pour plus tard. Cette façon de procéder aurait notamment pour avantage de permettre de synchroniser les mesures écofiscales avec la politique sur les changements climatiques qui doit être adoptée en 2002.

Le président: Merci beaucoup, monsieur Crabbé.

Nous entendrons maintenant M. McKitrick. Bienvenue.

M. Ross McKitrick (témoignage à titre personnel): Premièrement, il serait utile que tout le monde ait un exemplaire du texte que je vous ai fourni.

Le président: Oui, tout le monde en a un.

M. Ross McKitrick: Je voudrais vous parler des graphiques de l'annexe 1, qui commence à la page 5.

Je vais d'abord vous dire quelques mots sur le contexte, avant de revenir à une idée générale que nous avions laissée en suspens lors de notre dernière discussion et d'ajouter une proposition qui complète celles dont M. Crabbé vous a déjà parlé.

Les deux graphiques de la page 5 montrent qu'il y a un rapport complexe entre la croissance économique et la qualité de l'environnement. Souvent, si la croissance économique nuit à l'environnement, c'est dans un contexte de faible revenu, alors que dans bien des cas où les revenus sont plus élevés, la croissance économique peut en fait être bénéfique pour l'environnement.

Le graphique du haut porte sur les émissions de polluants organiques dans l'eau par travailleur, par rapport au revenu réel par habitant pour 65 pays, entre 1983 et 1994. Vous pouvez voir, comme je viens de vous le dire, que la pollution augmente en même temps que le revenu dans le cas des pays à faible revenu, mais que c'est l'inverse dans les pays à revenu élevé.

Le deuxième graphique porte sur les particules totales en suspension dans les grandes villes, encore une fois par rapport au revenu réel par habitant. On constate une nette tendance à la baisse à cet égard, en ce sens que dans les pays les plus riches, la qualité de l'air dans les grandes villes est généralement meilleure.

Le graphique de la page 6 permet de comparer dans le temps une série de mesures provenant des États-Unis. Les deux lignes du haut, les plus foncées, montrent le PIB réel et la consommation réelle. Tout est indexé à partir de 100 en 1947. Donc, l'économie américaine a connu une croissance d'à peu près 600 p. 100 dans les années d'après-guerre, mais on peut voir que les contaminants atmosphériques, qui sont également mesurés ici, n'ont pas suivi la même tendance. La ligne portant des carrés correspond aux émissions d'oxyde d'azote. Ces émissions ont augmenté jusqu'au milieu des années 70 et se sont pratiquement stabilisées depuis. Les autres contaminants atmosphériques sont soit au même niveau qu'en 1947, soit à un niveau inférieur. Ce que cela illustre, c'est qu'il est possible, jusqu'à un certain point, de dissocier la croissance économique des émissions polluantes.

Vous trouverez à la page 7 des données à caractère plus local. Il s'agit des concentrations de polluants atmosphériques, dans le temps, pour la ville de Toronto. Certaines de ces mesures remontent à 1962, et elles vont toutes jusqu'à 1997. Vous pouvez voir que les concentrations d'anhydride sulfureux ont diminué de façon marquée jusqu'au milieu des années 70 et sont demeurées relativement faibles depuis. Les particules totales en suspension ont diminué sensiblement elles aussi. Les niveaux d'ozone mesurés depuis le milieu des années 70 ont légèrement baissé, mais plus lentement. Quant à la mesure appelée «coefficient de transmission», elle n'a pas baissé beaucoup depuis le début des années 70.

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À la page suivante, on voit que les concentrations de NOx ont connu des fluctuations, mais que la situation ne s'est pas beaucoup améliorée depuis le milieu des années 70.

La figure 4 contient des données recueillies depuis le milieu des années 80, les plus anciennes que j'aie pu trouver. La ligne du haut, la plus foncée, montre ce qu'on appelle les volumes de véhicules routiers, c'est-à-dire le nombre total de kilomètres parcourus par le parc de véhicules. Ces chiffres ont augmenté de façon assez constante, d'environ 40 p. 100, depuis le milieu des années 80.

Vous pouvez voir que les émissions reliées aux véhicules, le monoxyde de carbone, les COV et les NOx, n'ont pas augmenté autant que les volumes de véhicules routiers.

Cela m'amène à faire quelques remarques générales. La première est que le Canada, les États-Unis et les autres nations riches ont assez bien réussi à limiter les niveaux de pollution au cours des dernières décennies.

Ils ont obtenu ces résultats en appliquant des politiques d'injonction et de contrôle relativement peu complexes. Le problème est que ces politiques seront de moins en moins efficaces dans l'avenir et qu'elle feront augmenter les coûts économiques de la protection de l'environnement. C'est pourquoi, il est important de commencer à s'intéresser à des instruments politiques plus efficaces comme ceux dont nous avons parlé aujourd'hui.

Enfin, j'aimerais planter le décor en rappelant que la pollution au Canada est un défi, mais qu'elle n'est pas une crise. Pour pouvoir justifier l'utilisation d'instruments économiques, étant donné qu'ils seront soupçonnés d'être un moyen détourné d'augmenter les taxes, il est important de brosser un tableau réaliste des buts visés afin de ne pas susciter du scepticisme à propos de vos intentions.

Je ne vais pas passer en revue tous les éléments de la deuxième section. Il était question la dernière fois des principes de base qui devraient guider l'élaboration de l'écofiscalité.

L'essentiel est d'évaluer ce qu'on appelle «les dommages marginaux». Cette expression représente en théorie le montant total que les personnes pleinement informées des effets de la pollution accepteraient de payer pour réduire les émissions d'une unité, si elles avaient la possibilité d'aller sur le marché et d'acheter de telles réductions des émissions.

Les gens ont beau être dérangés par certains produits polluants, ils n'iront pas nécessairement jusqu'à accepter de payer afin d'en réduire les émissions. Les dommages marginaux varient selon les endroits. Par un jour de grosse chaleur à Toronto, les gens seraient sans doute enclins à accepter de payer plus pour réduire la concentration d'ozone au niveau du sol. Par contre, par une journée fraîche à Dog Creek, en Colombie-Britannique, les gens ne souhaiteraient probablement pas investir dans une telle opération de réduction des émissions, tout simplement parce que la question ne serait pas pertinente pour eux.

Comme l'a signalé le professeur Crabbé, les taxes écologiques devraient surtout être considérées pour leurs effets environnementaux et non pour leur potentiel d'accroissement des recettes. Si la taxe écologique était extrêmement efficace, elle ne produirait aucune recette, étant donné qu'elle éliminerait toutes les sources de pollution. Dans de telles circonstances, nous ne recommanderions pas une réduction du taux de la taxe afin d'augmenter les recettes qui en découlent.

Enfin, vous avez besoin de chiffrer ce que j'ai appelé les dommages marginaux. C'est une étape importante de la recherche de base. Cette opération fait appel à une technique d'estimation dans laquelle le Canada est en fait un expert. Ironiquement, les compétences canadiennes s'appliquent souvent aux États-Unis où ce type d'estimation se fait beaucoup plus régulièrement.

Passons maintenant à la troisième section. Vous avez demandé de proposer certaines pistes en matière de politiques. Les problèmes liés à la qualité de l'air, en particulier dans le milieu urbain en raison de l'utilisation des véhicules automobiles, est une de nos préoccupations constantes. Récemment, l'Ontario et la Colombie-Britannique ont introduit des mesures obligatoires de vérification des émissions de polluants.

Pour diverses raisons que je ne vais pas aborder, ces politiques sont extrêmement inefficaces. Elles sont coûteuses et je ne leur vois aucune utilité. D'autres ont proposé d'imposer des taxes sur les véhicules neufs qui consomment beaucoup d'essence. C'est une autre option. D'après moi, cependant, ces taxes inciteront seulement les acheteurs à se tourner vers des véhicules usagés qui consomment eux aussi beaucoup, ce qui serait encore pire.

La pose obligatoire de dispositifs de réduction des émanations de plus en plus coûteux sur les véhicules neufs a pour inconvénient d'encourager les gens à garder plus longtemps leurs véhicules. Cela contribue à augmenter le coût de remplacement du matériel automobile. On a pu remarquer entre autres qu'en Amérique du Nord le parc automobile vieillit. À mesure qu'ils vieillissent, les véhicules deviennent plus rapidement plus polluants. C'est l'inconvénient de l'application d'exigences purement techniques.

L'option que je préfère consiste à imposer une taxe écologique directe sur l'utilisation des véhicules automobiles. Ce ne serait pas aussi compliqué que vous l'imaginez.

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La taxe écologique comporterait trois éléments. Le premier est le coefficient d'émission de polluants propre au véhicule, le deuxième représente la distance totale parcourue par le véhicule depuis le dernier renouvellement des plaques d'immatriculation, et le troisième est un coefficient correspondant aux dommages marginaux locaux pour 1 000 kilomètres attribuables à un véhicule de cette classe. Nous disposons déjà des renseignements nécessaires, puisque le propriétaire d'un véhicule déclare le kilométrage parcouru chaque fois qu'il renouvelle ses plaques d'immatriculation. Par conséquent, on disposerait des informations nécessaires au moment de la perception des frais.

Ces frais remplaceraient les frais existants de renouvellement des plaques d'immatriculation. Les propriétaires de véhicules relativement propres et parcourant un faible kilométrage paieraient très peu pour renouveler leur licence chaque année. Les propriétaires de véhicules plus polluants ou accusant un kilométrage plus élevé paieraient plus cher.

L'application directe d'une taxe sur les émissions de polluants aurait plusieurs effets sur le parc automobile. Un de ces effets serait naturellement que les personnes qui conduisent beaucoup paieraient plus cher ou seraient incitées à acheter des véhicules produisant peu d'émissions. Un autre effet serait que les véhicules très polluants seraient achetés, sur le marché des véhicules d'occasion, par des personnes qui vivent dans des régions où il y a peu de dommages environnementaux ou qui conduisent très peu.

Cela ne pose pas vraiment problème que des gens conduisent de vieilles camionnettes polluantes dans les régions rurales où les véhicules ne sont pas très nombreux, surtout s'ils les conduisent rarement. Les automobiles de qualité moyenne qui enregistrent un fort kilométrage posent un plus grand problème. Ce sont les utilisateurs de ce type d'automobiles que nous voulons encourager à acheter un véhicule moins polluant ou à trouver des façons de réduire le nombre de kilomètres qu'ils parcourent.

Par ailleurs, dès lors que tous les propriétaires de véhicules sauront qu'ils paieront en fonction du kilométrage parcouru, ils seront constamment incités à réduire la distance qu'ils parcourent. Cela pourrait se traduire par une augmentation de l'utilisation des transports en commun ou par l'élimination de la majorité des déplacements frivoles en automobile.

Sur le plan de l'administration, comme vous vous en doutez, ce type de taxe nécessiterait une coordination entre Finances Canada, Transports Canada, éventuellement Environnement Canada et les gouvernements provinciaux. Il faudra donc se pencher sur les questions administratives.

De manière générale, dès qu'il est question de taxe écologique, il est obligatoire de se livrer à un exercice de coordination avec les gouvernements provinciaux et les autres ministères ayant leur mot à dire dans les questions liées à l'environnement.

Je me tiens maintenant à votre disposition pour répondre à vos questions.

Le président: Merci beaucoup.

Avant de passer à la période des questions, j'aimerais demander quelques éclaircissements concernant le tableau que vous présentez à la page 6 qui met en opposition les émissions de polluants dans l'air aux États-Unis et la croissance économique. Cela s'applique uniquement à la situation aux États-Unis.

M. Ross McKitrick: Oui, mais je ne suis pas certain que les chiffres canadiens seraient très différents; ils seraient probablement légèrement différents.

Le président: C'est plutôt la situation globale qui m'inquiète. Dans les années 70, si je me souviens bien, les États-Unis ont déplacé à l'étranger de nombreuses activités de production génératrices de pollution qui ont été reprises dans d'autres pays. S'il fallait faire un bilan mondial, est-ce qu'il faudrait tenir compte de ces facteurs? Autrement dit, la croissance économique à Singapour, en Thaïlande et dans d'autres pays s'est-elle accompagnée d'une diminution des indices de pollution?

M. Ross McKitrick: Nous ne disposons pas de suffisamment de données à long terme pour fournir une réponse précise à votre question. Cependant, il existe beaucoup de données transversales.

Pour ce qui est de la réimplantation des industries, certaines études ont tenté de déterminer si la modification des règlements incite les industries à se déplacer. Si c'est le cas, ce n'est pas suffisamment fréquent pour que les données en fassent état. La raison est que lorsque les compagnies décident de se déplacer, leurs principaux postes de dépenses sont les coûts de main- d'oeuvre, les coûts en immobilisations, l'énergie et les taxes. Les coûts de respect de la réglementation environnementale tournent autour de 2 p. 100 ou 3 p. 100. Par conséquent, il est plus probable que les firmes fondent leurs décisions sur les importants facteurs de coût et acceptent les règlements environnementaux de l'endroit où elles sont implantées.

La conduite environnementale des multinationales dans d'autres pays a fait l'objet de plusieurs études... Par exemple, une importante enquête été réalisée en Indonésie il y a quelques années. C'était à l'époque où l'Indonésie n'était dotée d'aucune réglementation efficace en matière de pollution; les lois existaient, mais il n'y avait personne pour les appliquer. Les études ont révélé que les compagnies étrangères étaient en moyenne moins polluantes que les compagnies indonésiennes. Cela signifie que les multinationales qui s'étaient installées dans ce pays avaient importé avec elles la technologie des pays développés qui est en général moins polluante.

• 1200

Enfin, une des tendances révélées par les données est que les compagnies ayant plus de latitude pour s'installer à l'étranger, les compagnies à fort coefficient de capitaux, ont tendance à s'installer dans des pays développés plutôt que dans des pays en voie de développement. En effet, les activités à fort coefficient d capitaux nécessitent une importante main-d'oeuvre qualifiée qui est plus abondante dans des pays comme le Canada, les États-Unis et l'Europe. Il est très difficile d'exploiter des entreprises de haute technologie dans des pays en voie de développement qui ne peuvent pas nécessairement assurer un apport régulier de nouveaux diplômés universitaires ni offrir un secteur de services d'entretien.

Cependant, ce sont les industries à fort coefficient de capitaux qui sont les plus polluantes. Et d'ailleurs, la libéralisation du commerce occasionne une migration des activités à fort coefficient de capitaux des pays du tiers monde aux pays développés. Je ne pense pas que l'amélioration de la situation due à l'application de mesures de contrôle de la pollution aux États-Unis a été annulée par la réimplantation de certaines compagnies dans d'autres pays. Je crois que ces mesures ont eu des effets positifs nets pour l'ensemble du monde.

Le président: Ce que vous dites essentiellement, c'est que plus le monde s'enrichit, moins il pollue.

M. Ross McKitrick: Dans le cas de beaucoup de contaminants de l'air et de nombreux polluants plus toxiques de l'eau et pour ce qui est des problèmes très ordinaires de contamination auxquels nous ne pensons pas—la qualité de l'eau potable, la charge bactérienne de l'eau, etc., je crois en effet que nous avons la preuve irréfutable que le développement économique entraîne un assainissement de l'environnement.

Il est indéniable que les villes les plus polluées du monde se trouvent dans les pays pauvres. À Toronto, si les concentrations de particules en suspension dans l'air dépassent le seuil de 60 parties par million, on déclenche l'alerte. Le ministre a le pouvoir de contraindre les usines à cesser leurs activités, etc. À Mexico, la moyenne annuelle est de 400 parties par million. Des villes comme Beijing et Shanghai ont des charges de particules variant entre 300 et 400 parties par million. Les points chauds du monde en matière de pollution se trouvent généralement dans les pays qui n'ont pas les moyens d'appliquer les techniques de contrôle des émissions.

Le président: Merci.

Monsieur Epp, excusez-moi.

M. Ken Epp (Elk Island, AC): Mais je vous en prie, monsieur le président.

Je remercie les témoins d'être venus. C'est un sujet qui m'intéresse depuis longtemps.

J'ai grandi dans une ferme en Saskatchewan. Nous habitions à des milles et des milles de toute source de pollution lorsque j'étais jeune, puisque nous nous servions de chevaux pour tracter nos machines agricoles. Je suppose qu'il y avait aussi là une forme de pollution, mais elle se dégradait rapidement et ne faisait de mal à personne. On chauffait au bois. Je pense que ce n'était pas très bon pour l'environnement, mais les agriculteurs étaient si peu nombreux. Nos voisins les plus proches habitaient à deux milles de chez nous. Nous n'étions pas beaucoup dérangés par la fumée. C'est une question qui m'a toujours intéressé.

Je ne sais pas si je vous ai déjà dit que j'avais l'habitude d'utiliser une moto pour me rendre au travail. Au départ, j'y allais à bicyclette, mais lorsque nous avons déménagé, nous habitions beaucoup plus loin et je ne pouvais pas me permettre de prendre quatre heures par jour pour faire le trajet à bicyclette. C'est pourquoi j'ai acheté une petite moto. J'ai calculé que j'utilisais 2,8 litres d'essence aux 100 kilomètres, ce qui était un excellent rendement. C'était un moteur à quatre temps qui ne polluait pas beaucoup. Je ne voulais pas d'un de ces moteurs à deux temps qui laissent derrière un panache de fumée bleue. Aussi, je vous appuie tout à fait mais j'entrevois quelques problèmes réels.

La Coalition du budget vert propose d'offrir des crédits, des subventions pour permettre aux gens de moderniser leurs installations. À mon avis, une telle pratique est très dangereuse parce que, de manière générale, les gouvernements et les bureaucrates ne sont pas très doués pour imaginer de bonnes solutions aux problèmes.

Il y a quelques années, je me souviens que le gouvernement proposait des subventions pour isoler les greniers. Est-ce que vous vous en souvenez? Chaque propriétaire pouvait recevoir jusqu'à 500 $ pour faire isoler son grenier. Chez moi, mon grenier était bien isolé, mais il y avait cette subvention de 500 $. Un ami qui vendait des produits isolants me dit un jour: «Tu sais, Ken, je pourrais mettre de l'isolant dans ton grenier pour 200 $ seulement. Avec 500 $ du gouvernement et 200 $ de ta poche, je peux installer de l'isolant là-haut.» Et c'est ce que j'ai fait. Cela n'a pas amélioré grand-chose puisque ma maison n'était pas si mal isolée au départ. Si on m'avait proposé une subvention pour réduire ma consommation de combustible, j'aurais probablement remplacé ma chaudière.

• 1205

Je n'aime pas laisser aux gouvernements le soin de faire des choix. Nous parlons de la pollution de l'environnement. Je pense aux taxes qui nous sont imposées dans ce domaine. Autrefois, lorsque j'achetais une nouvelle batterie pour ma voiture, je pouvais apporter la mienne au dépôt de recyclage où l'on me donnait quatre dollars. Aujourd'hui, lorsque j'achète une nouvelle batterie, on me facture quatre dollars pour éliminer la vieille. Et pourtant, rien n'a changé, puisque j'ai toujours recyclé mes batteries. Je ne sais pas quand le gouvernement s'est lancé dans cette histoire, mais je ne suis pas content du tout, parce que je dois désormais payer plutôt que de recevoir de l'argent. C'est la même chose avec les pneus. Chaque fois que j'achète un nouveau pneu, on me facture quatre dollars qui sont versés dans les caisses du gouvernement.

Savez-vous ce que j'ai remarqué? Je vis maintenant à la campagne en Alberta et j'ai noté que depuis qu'on applique ce type de règlement, les fossés sont pleins de pneus. Les gens préfèrent jeter les pneus dans les fossés plutôt que de les laisser au garage où ils doivent payer quatre dollars par pneu pour les éliminer.

C'est pareil pour les décharges. Autrefois, c'était gratuit. On pouvait apporter n'importe quoi au site d'enfouissement. Maintenant, il faut payer 20 $ par chargement. C'est pourquoi il me suffit d'aller faire un tour dans mon fossé si j'ai besoin d'un canapé ou d'un lit. Les gens jettent ce dont ils veulent se débarrasser.

Les gouvernements ne sont pas très doués pour définir ce que chacun devrait faire afin de réduire la pollution. Je pense qu'il serait bien préférable de suivre la proposition de M. McKitrick, une formule qui permet de calculer le degré de pollution de chacun. Peu importe que l'on ait une grosse ou une petite voiture, l'essentiel est de définir combien de carburant elle consomme. Quel est son rendement énergétique et combien elle pollue. Quel est son kilométrage annuel.

Je voudrais vous amener tous les deux à confronter vos points de vue. Un d'entre vous est pour les subventions et les crédits d'impôt. L'autre préfère simplement un système qui consiste à faire payer les gens en fonction de leur degré de pollution, système qui les incite automatiquement à réduire leur pollution. Qui veut commenter?

M. Robert Hornung: Un simple commentaire?

M. Ken Epp: Non, il faut que ce soit plus intéressant.

M. Robert Hornung: Je pense que c'est une excellente question. Vous serez peut-être surpris d'apprendre que je partage presque totalement votre point de vue. Les propositions qu'ont présentées la Coalition du budget vert ne sont pas—comment dire lorsqu'il est question des subventions—propres à une certaine technologie. Nous ne disons pas: «Vous aurez une subvention si vous faites ceci.»

Nous ciblons un certain rendement. Je vais reprendre l'exemple que j'ai cité au sujet de la réhabilitation thermique d'une résidence. Nous proposons des inspections des résidences et le propriétaire d'une maison qui obtiendrait un résultat de 50 sur l'échelle d'évaluation énergétique recevrait une subvention qui lui permettrait d'atteindre la cote de 70, peu importe que ce soit par des travaux d'isolation, grâce à une chaudière ou des appareils plus efficaces ou encore grâce à des ampoules consommant moins d'énergie. Nous ne voulons pas être normatifs. La seule chose qui nous intéresse, c'est le rendement.

L'autre organisation pour laquelle j'ai parlé aujourd'hui, la Coalition de l'énergie renouvelable pour l'air pur, propose un crédit à la consommation pour l'achat d'énergie verte. Nous ne proposons pas d'accorder des crédits uniquement à ceux qui consomment de l'énergie éolienne. Nous proposons un crédit aux personnes qui s'approvisionnent en énergie auprès d'une source qui atteint un certain rendement environnemental, que ce soit l'énergie éolienne, l'énergie solaire ou l'énergie hydroélectrique. Nous sommes ouverts à tout et nous évitons d'être normatifs. Ce qui nous intéresse, c'est le rendement.

Si vous le permettez, monsieur le président, j'aimerais vous demander d'excuser ma collègue Stephanie Cairns qui n'a pas pu se présenter aujourd'hui pour des raisons de santé. En revanche, vous avez un exemplaire du mémoire dans lequel elle a essayé de démontrer qu'en matière de réforme de l'écofiscalité et dans ce genre d'initiative, il faut travailler à partir d'un ensemble de principes. Elle a présenté un certain nombre de ces principes et je vous invite à jeter un coup d'oeil à son mémoire.

Au Pembina Institute, nous sommes fermement convaincus que les taxes et les incitatifs ont tous deux un rôle à jouer. Je vais vous donner un exemple pour vous expliquer.

L'imposition d'une taxe donne un signal très clair. Cependant, si vos efforts de réduction de la pollution ne se heurtent pas à des obstacles financiers, mais par exemple à une réglementation ou un autre obstacle, il vous faut un autre incitatif pour vous aider à le franchir. Vous avez besoin d'une mesure complémentaire. Nous pensons que c'est souvent le cas. Nous sommes par exemple en faveur des taxes sur les carburants afin d'inciter les gens à utiliser des moyens de transport moins polluants. Une telle mesure peut encourager les gens à utiliser les transports en commun, mais elle est possible uniquement lorsqu'il existe un réseau de transports en commun.

• 1210

C'est une question complexe, mais je suis tout à fait d'accord avec vous, que l'on opte pour les taxes ou pour les incitatifs, il ne faudrait pas adopter des mesures propres à une certaine technologie, qui produisent des gagnants et des perdants, mais des mesures qui favorisent un rendement respectueux de l'environnement. À mon avis, on devrait laisser à chacun le soin de trouver la meilleure façon d'y parvenir.

Le président: Monsieur McKitrick.

M. Ross McKitrick: Je pense qu'il est important de rappeler que les consommateurs payent l'énergie, l'électricité, le mazout et l'essence qu'ils utilisent. C'est déjà pour eux un incitatif à l'économie de l'énergie. Je n'aime pas les programmes de subvention. Cela me rappelle les mesures qui furent prises dans années 70 à l'occasion de la dernière crise pétrolière. Elles n'eurent pas de grandes conséquences à l'époque, même si, dans certains cas, elles ont eu pour effet de distancier les consommateurs vis-à-vis du prix de l'énergie, ce qui les a incités à gaspiller encore plus.

Les programmes de subvention les mieux intentionnés peuvent avoir des résultats contraires aux effets souhaités et exiger par exemple la gestion des sites de services publics. Lorsque j'habitais en Colombie-Britannique, on nous offrait des primes pour acheter des petits tubes fluorescents compacts. Comme beaucoup d'autres personnes, j'ai profité de la prime pour acheter ce nouveau type d'ampoule, mais lorsque j'ai voulu l'installer chez moi, j'ai réalisé qu'elle ne convenait à pratiquement aucune de mes lampes. En plus, je n'aimais pas le type de lumière qu'elle produisait. Alors, je l'ai mise de côté. Et je suis sûr que je ne suis pas le seul à avoir vécu la même situation. L'intention était bonne, mais elle a conduit à subventionner des milliers de petites ampoules que les gens se sont empressés de mettre de côté.

Puisque les gens payent le coût de l'énergie qu'ils consomment, laissons-les libres de décider combien ils veulent consommer. S'ils payent le coût, y compris le coût environnemental, de production d'électricité et qu'ils veulent continuer à vivre dans une maison mal isolée et s'ils sont prêts à payer les coûts supplémentaires de chauffage, il est pratiquement impossible pour les gouvernements de mettre en place un programme pour les convaincre d'agir autrement. Nous ne pourrons jamais obtenir l'information nécessaire pour mettre au point un programme de subvention ou de réglementation susceptible de microgérer le comportement des consommateurs. À mon avis, le mieux que nous pourrons faire, c'est de facturer aux gens le coût social de leurs actions, de prendre les mesures pour qu'ils s'en acquittent et de les laisser prendre leurs propres décisions pour équilibrer leur budget.

M. Philippe Crabbé: J'ai trois commentaires à vous présenter. Vous n'appréciez guère les crédits et subventions encourageant les activités plus respectueuses de l'environnement, mais dans la situation actuelle, les lois, les règlements et les budgets comportent bel et bien des crédits et des subventions. Il y a des crédits et des subventions implicites pour des activités polluantes, des taux marginaux d'imposition pour les sociétés, par exemple, qui sont moins élevés pour les industries très polluantes. Il faudra éliminer tout cela.

Deuxièmement, je suppose que votre critique ne s'applique pas aux incitatifs, aux subventions à la R&D qui visent une augmentation du rendement énergétique.

Troisièmement, dans le cas de la consigne de quatre dollars pour les pneus et les batteries, ce n'est, à mon avis qu'une question d'ajustement technique. Si je dois payer quatre dollars de plus lorsque j'achète le pneu et la batterie et que cette consigne m'est rendue lorsque je rapporte le pneu et la batterie après usage, il me semble que je n'ai aucun intérêt à jeter ces objets dans un fossé. Je pense que c'est essentiellement une question d'ajustement technique.

Le président: Allez-y Marlie.

Mme Marlie Burtt (directrice, taxe, Suncor Energy Inc.; Coalition de l'énergie renouvelable pour l'air pur): Je suis Marlie Burtt, de Suncor Energy.

Dans le cas qui nous préoccupe, vos commentaires sur les subventions et leur efficacité s'appliquent aux projets d'énergie renouvelable. Nous avons observé, à l'échelle internationale, que de tels projets ne peuvent se développer eux-mêmes, en raison des avantages économiques marginaux qu'ils représentent et de l'incapacité des consommateurs à faire des choix.

• 1215

Avec tout le respect que je vous dois, je comprends les commentaires de M. McKitrick sur l'utilisation des taxes potentielles pour associer un coût social aux décisions, mais je suis encore plus en faveur de l'application d'incitatifs pour encourager un changement d'attitude sociale positif, comme c'est le cas avec la consigne des récipients jetables. C'est un incitatif plutôt qu'une pénalité et je pense que de telles mesures peuvent être très efficaces pour produire un changement social.

En ce qui a trait aux énergies renouvelables, tous les pays du monde qui produisent ce type d'énergie comprennent l'importance de la diversification, du développement régional et tous ces facteurs prouvent qu'il est absolument indispensable d'avoir recours à des incitatifs pour lancer l'énergie renouvelable et en faire une ressource durable.

Notre coalition partage vos préoccupations en ce qui a trait aux subventions gouvernementales. Nous souhaiterions laisser agir les forces du marché évoquées par mon ami Stuart, et nous sommes de fervents partisans d'une telle option. Compte tenu du temps qu'il faut pour régler un certain nombre des questions liées aux caractéristiques techniques touchant la conception d'un bon système et de la possibilité de tirer parti des propositions présentées par de nombreux autres pays depuis deux ans en ce qui a trait à l'échange des certificats d'énergie renouvelable, des autres systèmes intérieurs d'échange des droits d'émission, le Canada se trouve dans une position privilégiée. Mais en attendant, nous prenons un retard considérable et nous devons faire quelque chose pour donner un coup de pouce à l'industrie des énergies renouvelables.

Le président: Merci.

M. Ken Epp: Est-ce que je peux poser une question à M. Smith?

Le président: Certainement, je n'y vois aucun inconvénient.

M. Ken Epp: J'ai une autre question que j'ai peur de ne pas pouvoir poser au second tour.

Monsieur Smith, vous semblez être un ardent partisan de l'échange des droits d'émission et cela me paraît aller à l'encontre du résultat visé, étant donné que si vous prenez le cas d'un pays, d'une industrie ou d'un individu qui doit verser un certain montant à un moins grand pollueur que lui, cela réduit d'autant les ressources dont il dispose pour lutter contre sa propre pollution. Par exemple, un directeur d'usine pourrait utiliser cet argent pour modifier sa propre infrastructure et devenir moins polluant. Au lieu de cela, il doit payer une somme nettement moindre et il est donc plus rentable pour lui de remettre cet argent à son voisin qui a de meilleurs résultats que lui, repoussant ainsi toute possibilité d'amélioration dans ses propres installations. Que dites-vous de cela?

M. Stuart Smith: Supposons, monsieur Epp, que le pollueur en question puisse réduire ses émissions d'un certain montant x. S'il parvient à acheter ce montant x moins cher ailleurs, cela signifie que la société a obtenu un montant x d'énergie plus propre à un plus faible prix. Voilà pourquoi la démarche de cette usine n'est pas improductive.

Bien entendu, le choix appartient à chacun. Prenons le cas du propriétaire d'une usine qui n'a plus que quelques années à rester en activité et qui doit procéder à une modernisation complète de ses installations pour réduire sa pollution, parce qu'il applique des procédés de fabrication démodés qu'il faudrait moderniser complètement. Ce chef d'entreprise aura tout intérêt à acheter les droits de quelqu'un d'autre. Si le gouvernement imposait à tous de nouvelles normes de pollution, le propriétaire de cette usine devrait fermer ses installations car il serait dans l'impossibilité de les moderniser de manière économique. Grâce aux mesures actuelles, l'usine continue à produire, la société obtient tous les avantages visés, le niveau total de la pollution diminue et le chef d'entreprise doit débourser un peu d'argent. Vous dites que vous préféreriez utiliser cet argent pour moderniser l'usine, mais il se pourrait que vous ne soyez pas en mesure, même si vous le vouliez, d'utiliser cet argent pour moderniser votre usine. En effet, cela représenterait peut-être une dépense beaucoup trop grande et le montant d'argent que vous versez à un tiers ne serait pas, entre vos mains, d'une grande utilité.

Par conséquent, il est bien préférable d'avoir un régime qui n'impose pas une certaine norme, contraignant les chefs d'entreprise à baisser les bras, à fermer leurs installations et à licencier leurs employés. Il est bien plus raisonnable pour le directeur d'usine d'utiliser des ressources limitées pour permettre à un tiers de faire un excellent travail et une meilleure contribution à l'environnement que celle qu'il aurait pu faire lui-même.

• 1220

Cela garantit que la société paie le moindre prix pour un niveau de production x. Par conséquent, quelle que soit la contribution de l'économie pour rendre une telle situation possible, on est certain de rentabiliser les dépenses au maximum.

[Français]

M. Bernard Bigras (Rosemont—Petite-Patrie, BQ): Monsieur le président, je ne m'oppose pas vraiment au mécanisme d'échange de crédits, comme je ne m'oppose pas non plus à tout le mécanisme des puits de carbone en vue d'atteindre nos objectifs quant au changement climatique. Cependant, je pense qu'il ne faut pas passer à côté du vrai débat, qui est celui du changement qui doit se produire dans notre production énergétique. Il faut prendre un virage fondamental vers les énergies vertes, vers les énergies renouvelables.

À cet égard, j'estime sincèrement que le potentiel de production éolienne au Canada est énormément sous-utilisé. Au cours des dernières semaines, j'essayais de trouver des moyens concrets et efficaces de développer cette source d'énergie renouvelable. J'ai lu, entre autres, la catégorie 43.1 du règlement de l'impôt, qui prévoit déjà, si je ne me trompe, des déductions pour les équipements de conversion de l'énergie éolienne en électricité, entre autres.

Je voudrais avoir votre opinion sur ce point. Comment pourrions-nous modifier le règlement sur l'impôt pour y intégrer des mesures concrètes, des incitatifs fiscaux qui permettraient de développer cette nouvelle source d'énergie renouvelable, écologique et sous-utilisée?

[Traduction]

Mme Marlie Burtt: Merci pour votre question qui est excellente. Vous serez peut-être intéressé d'apprendre que le Canada a de meilleures ressources éoliennes que n'importe quel autre pays qui ont un meilleur développement que le nôtre. Vos observations sont tout à fait justes.

Pour ce qui est d'une mesure efficace relativement à l'équipement lié aux énergies renouvelables et aux économies d'énergie au Canada, catégorie 43.1, ces règles sont actuellement de portée très limitée. Un très faible pourcentage du capital total nécessaire à la création d'un parc d'éoliennes est admissible dans le calcul de l'amortissement accéléré autorisé par cette catégorie.

La Coalition de l'énergie renouvelable pour l'air pur propose premièrement d'étendre cette définition pour inclure une plus grande partie des coûts initiaux d'installation des parcs d'éoliennes ou de tout autre projet d'énergie verte renouvelable admissible.

La deuxième option a des effets très semblables et propose l'application d'un crédit d'impôt à l'investissement de 20 p. 100. Ce taux a des effets économiques comparables à ceux des dispositions de la clause 43.1. Elle permettrait la prise de décisions en matière d'investissement dans les projets d'énergie renouvelable.

La troisième possibilité que nous avons proposée, qui produit les mêmes effets sur le plan des incitatifs économiques, serait un crédit de taxe à la production semblable à celui qui s'applique aux États-Unis. Dans ce cas, il s'agit d'environ deux cents par kilowattheure d'énergie verte produite. Ce pourrait être une mesure à court terme, jusqu'à ce que le système d'échange des droits d'émission entre en vigueur. Si cette mesure devait être basée sur la production annuelle plutôt que sur les dépenses initiales en capital, il faudrait que ce soit annoncé au minimum pendant dix ans, comme c'est le cas aux États-Unis, afin de permettre des investissements en faveur du développement des ressources éoliennes au Canada.

Le Canada dispose d'un immense potentiel. Les provinces les plus favorisées dans ce domaine sont l'Alberta, la Saskatchewan, Terre-Neuve et le Québec. Elles ont d'excellentes ressources éoliennes, bien meilleures qu'en Californie, en Espagne et en Allemagne et nous pensons vraiment qu'il est très important pour le Canada de développer efficacement ces ressources.

• 1225

[Français]

M. Stuart Smith: Pour appuyer les remarques de Mme Burtt, je dirai que la catégorie 43.1 s'applique strictement à l'équipement et pas du tout aux coûts d'installation. Nous avons fait des recommandations en ce sens au ministre des Finances il y a trois ans, je pense, avec la coopération de cette alliance pour... [Note de la rédaction: inaudible]. Nous attendons toujours une réponse. En général, les hauts fonctionnaires du ministère des Finances n'aiment pas que soit prise en considération la capital cost allowance autrement que du point de vue de la dépréciation comme telle.

Je voudrais bien qu'on modifie la mise en application de la catégorie 43.1 pour que tous les coûts d'installation soient acceptés et non seulement le coût de l'équipement.

M. Bernard Bigras: J'aborderai un autre aspect dont Mme Rickman a parlé tout à l'heure. Nous sommes grandement préoccupés par les sites fédéraux qui sont contaminés. On sait qu'un rapport du vérificateur général estimait leur nombre à plus de 5 000 et le coût de leur décontamination à près de 2 milliards de dollars. Même si on n'est pas à l'étape de l'étude prébudgétaire, j'aimerais qu'on puisse en parler. Ma question est la suivante: combien d'argent le gouvernement fédéral devrait-il engager dans un prochain budget pour procéder à la décontamination de ces sites?

Ce qui me frappe, c'est que plusieurs ministères sont actuellement en attente de fonds. La caractérisation de ces sites a été effectuée, les plans de la décontamination sont presque complétés, mais de nombreux ministères attendent des fonds du gouvernement avant de procéder à la décontamination. Pourtant, certains de ces sites constituent un risque élevé pour la santé et l'environnement. Non seulement les sols sont-ils contaminés, mais il y a aussi des eaux souterraines qui risquent d'entraîner des contaminants, nitrates ou autres, vers les réservoirs d'eau potable de certaines municipalités.

Combien d'argent le gouvernement devrait-il engager dans son prochain budget afin de procéder à la décontamination de ces sites qui posent souvent un risque pour la santé et l'environnement?

[Traduction]

Mme Angela Rickman: Nous savons qu'il y a au moins 5 000 sites contaminés. À l'origine, nous avions proposé d'accorder 540 millions de dollars au groupe faisant partie du Conseil du Trésor qui aurait eu pour tâche d'établir les priorités parmi ces 5 000 sites afin de déterminer ceux qui avaient le plus de répercussions sur les collectivités, sur les ministères, et de répartir entre les ministères les deux milliards de dollars qui avaient été prévus à l'origine pour le lancement du projet.

Je ne pense pas que deux milliards de dollars suffiront au nettoyage de tous les sites. Je crois que c'est nettement insuffisant. Ce que nous devons faire, c'est obtenir un engagement pour une première tranche de deux milliards de dollars afin de commencer le nettoyage. Mais le Conseil du Trésor nous a répondu qu'il n'était pas prêt à commencer le nettoyage tant qu'il n'aurait pas fini de répertorier les sites, opération qui ne sera pas terminée avant l'année prochaine.

Nous savons que certains sites ont déjà été désignés comme prioritaires. Il ne s'agit pas uniquement de sites appartenant au gouvernement fédéral ou gérés par lui, mais également d'autres sites, et nous souhaiterions que les deux milliards de dollars d'aide servent également aux autres sites désignés.

Par conséquent, le montant initial que nous souhaiterions voir réserver dans l'année budgétaire 2002 est de deux milliards de dollars pour ces opérations, plus 540 millions de dollars pour le groupe de travail sur les sites contaminés qui aurait pour tâche de collaborer avec les divers ministères fédéraux afin d'élaborer une liste de priorités pour le commencement des travaux de traitement des sites contaminés.

Le président: Avez-vous d'autres commentaires?

Merci, monsieur Bigras.

Madame Guarnieri.

Mme Albina Guarnieri (Mississauga-Est, Lib.): Merci, monsieur le président.

Merci à tous d'être venus à Ottawa en voiture et en avion pour nous aider à réfléchir à l'écofiscalité et aux politiques financières et réglementaires. Je suppose que vous n'êtes pas tous venus ici en bicyclette, comme notre cher M. Epp.

• 1230

J'ai toujours été frappée par l'ironie de la situation lorsque je lis dans un journal un article dénonçant les dommages environnementaux, surtout lorsqu'il s'agit d'un journal de trois pouces d'épaisseur dont une seule édition entraîne probablement l'abattage de 20 acres de forêt. Nous avons tous entendu des histoires d'horreur de ce genre. Je me demande toujours pourquoi on n'impose pas de taxes sur les imprimés pour réduire le gaspillage, surtout lorsque la plupart des gens mettent de côté la moitié du journal avant même de lire un seul mot. Cependant, nous savons tous quels seraient les inconvénients d'une telle mesure.

En revanche, on pourrait appliquer la même logique à la taxation des autres produits. Nous savons tous que l'essence est très chère. Or, il serait pratiquement impensable d'imposer en 2001 une taxe sur l'essence afin de réduire les émissions de substances polluantes. Nous savons tous que les couches occupent 5 p. 100 des sites d'enfouissement. Cependant, je ne pense pas que beaucoup de gens auraient le courage d'augmenter les taxes sur les couches, le combustible de chauffage et les autres produits de grande consommation.

C'est pourquoi, si je reconnais que la taxation représente un avantage théorique par rapport à la réglementation, je ne peux honnêtement croire qu'un gouvernement survivrait à une telle décision. Il semble que toute mesure visant à réduire la consommation serait économiquement et peut-être même politiquement dangereuse. C'est pourquoi, je pense qu'il serait bien préférable pour nous d'encourager les investissements du gouvernement dans les technologies vertes telles que les véhicules hybrides, les combustibles plus propres et quelques-unes des idées innovatrices qui nous ont été exposées aujourd'hui.

Monsieur Smith, puisque vous avez quitté la politique pour vous lancer dans le secteur des déchets, que d'aucuns considèrent plus propre, pouvez-vous nous dire comment nous pourrions taxer et réduire les déchets d'une façon qui serait acceptable pour la population canadienne?

Je peux peut-être vous poser la question à tous ici présents. Pensez-vous que l'écofiscalité n'a aucun avenir sur le plan politique ou pensez-vous qu'il y a un moyen de la rendre acceptable pour les Canadiens et Canadiennes?

M. Stuart Smith: Je crois que les professeurs nous ont expliqué de quelle manière il est possible de compenser l'effet d'une taxe en la prélevant de telle manière que, dans l'ensemble, les gens peuvent éviter de la payer s'ils améliorent leur comportement ou s'ils trouvent une autre façon de l'éviter temporairement. Il est possible d'imposer une taxe sur une chose et de l'éliminer sur une autre.

Cela étant dit, je ne pense pas que les gens accepteront l'écofiscalité tant et aussi longtemps qu'ils n'auront pas compris véritablement ce qu'est tout d'abord le problème environnemental et, deuxièmement, que l'argent—pas nécessairement l'argent recueilli, mais simplement le fait que les mesures de protection de l'environnement sont coûteuses—que l'argent donc servira à améliorer le comportement de leurs voisins ainsi que le leur.

La population se méfie des gouvernements qui lèvent de nouvelles taxes en promettant qu'elles auront de grandes utilités et qu'elles ne serviront pas uniquement à remplir les coffres de l'État. Les gens ne font pas confiance au gouvernement à ce sujet. L'imposition de nouvelles taxes est un bon moyen de ne pas se faire réélire. Toutes les nouvelles taxes sont impopulaires.

À ce sujet, l'échange des droits d'émission est une façon d'appliquer une taxe qui ne dit pas son nom, puisque selon cette formule, le fait d'imposer une limite aux émissions tolérées dans tout le pays entraîne des coûts de nettoyage qui se répercuteront sur le coût des produits, quels qu'ils soient—énergie, transport ou autre. Si le pollueur décide d'acheter des droits ailleurs plutôt que de produire de manière plus propre, cela lui coûte également de l'argent et ces coûts se répercuteront sur le prix des produits.

• 1235

Par conséquent, l'introduction d'un système d'échange de droits d'émission est une façon pour le gouvernement d'appliquer une taxe sans se le faire reprocher par la population. Mais il ne faut pas oublier que les opérations de nettoyage sont, elles aussi, coûteuses. C'est aussi simple que cela. Si nous devons tous réduire le volume de pollution et diminuer notre consommation d'énergie, nous prendrons part à une transition vers une économie de type différent et cette transition ne se fera pas sans coûts.

Je ne crois pas que l'on puisse prétendre qu'une telle transition peut se faire sans douleur et sans coûts financiers. Évidemment, c'est facile pour les gouvernements de subventionner plutôt que de taxer. C'est ce qui se passe actuellement aux États-Unis. Ils n'augmentent pas le prix des combustibles et carburants, mais ils subventionnent la recherche pour la mise au point de moteurs ayant un meilleur rendement, etc. Mais cela ne peut durer éternellement. Dans une économie de marché, la seule preuve que l'on est véritablement efficace nous est donnée par les signaux de prix lorsqu'ils reflètent authentiquement les coûts que les prix sont supposés refléter.

Si l'on croit dans les forces du marché... Ce qui me dérange, c'est qu'il y a des gens qui prétendent faire passer le marché en premier—«Nous voulons que le gouvernement n'intervienne pas dans le marché; nous sommes tous favorables au marché», etc.—mais dès que l'on propose de laisser le marché fixer les prix réels, alors ces mêmes personnes se dédisent et affirment qu'elles ne sont pas en faveur d'une formule aussi radicale.

Je crois que dans une économie de marché, nous devons accepter d'une façon ou d'une autre que les articles de consommation soient évalués à leur juste prix—leur prix exact. Que l'on y parvienne par les échanges des droits d'émission ou par la taxation, c'est une autre question. Notre initiative de réforme de l'écofiscalité s'appuie essentiellement sur le principe de la neutralité sur le plan des recettes, si bien que la levée de cette taxe pour l'environnement s'accompagnera de la diminution d'une autre taxe.

Le professeur McKitrick affirme que si l'écofiscalité atteint les buts fixés, elle ne rapportera plus d'argent. Mais alors, que ferez-vous pour combler ce manque à gagner? Cela vaut la peine d'y réfléchir et à mon avis, il faudrait mettre en place un chien de garde. Lorsqu'on mettra en place la réforme de l'écofiscalité, il faudra créer un organisme de surveillance qui indiquera à la population quels sont les montants relatifs recueillis par rapport aux effets compensatoires obtenus et qui rajustera les résultats de temps à autre.

Ce que je peux vous dire, c'est que nous devrons, d'une manière ou d'une autre, serrer les dents, mais que ces efforts devront être compensés d'une façon perceptible pour la population.

Souvenez-vous de la fameuse TPS. L'idée d'éliminer la taxe sur les ventes des fabricants et de la remplacer par la TPS et de réduire parallèlement l'impôt sur le revenu paraissait logique. Je pense que la population pouvait accepter une telle formule. Cependant, ce que le gouvernement de l'époque a décidé de faire, c'est, avant une élection, d'éliminer toutes les taxes qui étaient censées servir de compensation. Ensuite, après s'être fait réélire, le gouvernement a décidé d'appliquer la TPS et s'est montré surpris de l'absence de coopération de la part des provinces. Ces dernières voulaient bien être les partenaires du fédéral dans cette entreprise, à condition de bénéficier, elles aussi, des aspects positifs. Or, le gouvernement fédéral s'était prévalu des aspects positifs pour se faire réélire, laissant toute la sale besogne aux provinces, et s'étonnait que celles-ci ne veuillent plus collaborer. Lorsqu'on promet des compensations, il faut les faire.

Mme Albina Guarnieri: C'est une excellente explication.

M. Philippe Crabbé: Pour commencer, si l'on se base sur la situation dans les autres pays de l'OCDE, l'écofiscalité en général ne donne de bons résultats qu'après de larges consultations. Par conséquent, il est clair que l'on ne doit pas précipiter les choses. Il faut que la formule recueille un large appui.

Deuxièmement, ma première proposition consiste essentiellement à réformer une taxe existante, la taxe d'accise sur le carburant, établie en 1975, je crois, pour augmenter les recettes. C'était l'objectif premier. Elle n'avait aucun objectif environnemental. Elle avait aussi pour second objectif de réduire les importations de pétrole, car à l'époque, les prix du pétrole étaient très élevés.

Par conséquent, la taxe existe déjà. Il suffit de la modifier quelque peu pour lui donner un objectif environnemental. Je pense que c'est faisable.

Troisièmement, il ne faut pas oublier que le régime actuel comporte déjà toutes sortes d'incitatifs pervers pour l'environnement. Par conséquent, la première chose à faire serait d'éliminer ces incitatifs pervers.

Le président: Madame Burtt.

• 1240

Mme Marlie Burtt: Merci. Pour revenir à ce que Stuart disait, je pense que les incitatifs axés sur le marché sont efficaces à en juger, par exemple, par le grand nombre de systèmes d'échange des droits d'émission pour l'anhydride sulfureux en Californie. Le coût réel pour la société et pour l'industrie qui devait l'assumer a été plus bas que prévu et les bienfaits pour l'environnement, plus grands qu'on s'y attendait. Et je dirais qu'on peut obtenir les résultats optimums. Toutefois, dans le cas d'une taxe écologique, il se pourrait que les bienfaits pour l'environnement ne soient pas toujours garantis. Le résultat pourrait ne pas être celui que vous attendez et tout recyclage, à moins qu'il soit très soigneusement conçu, pourrait ne pas non plus donner les résultats prévus. Il faut donc un équilibre et il faut aussi bien réfléchir à la conception.

Le président: Oui, monsieur Hornung.

M. Robert Hornung: J'aimerais simplement dire en passant qu'il y a toute une série de défis politiques associés à l'écofiscalité. Par contre, un certain nombre d'autres pays ont réussi à les relever. Ils ont obtenu beaucoup de succès, pour certaines des raisons que d'autres intervenants ont mentionnées, comme des consultations à grande échelle et une réforme fiscale plus vaste comportant la réduction d'autres taxes. Par exemple, il existe dans plusieurs pays européens une taxe applicable à des secteurs industriels en particulier qui s'accompagne de programmes qui offrent la chance de se soustraire à cette taxe—par exemple, si on satisfait à certaines normes de rendement ou d'autres choses du genre.

Il y a donc bien des façons créatives de s'y prendre. C'est d'ailleurs une des raisons pour lesquelles nous sommes très heureux que ces audiences aient lieu, parce que je pense que c'est un autre secteur où notre pays a du rattrapage à faire.

Le président: Monsieur Turner.

M. Barry Turner: Monsieur le président, j'aimerais simplement répondre à la question qui consiste à savoir si la fiscalité verte peut mener dans une impasse politique. On pourrait dire que n'importe quelle taxe mène dans une impasse politique. Nous préférerions tous ne pas avoir à en payer. Mais, comme M. Smith l'a dit, il va falloir payer d'une façon ou de l'autre et je pense, quand on regarde les dommages que nous causons à notre environnement depuis des décennies, que le temps est venu pour les gouvernements—et je dis bien «les gouvernements»—l'industrie et les Canadiens de se rendre compte que nous ne pouvons pas continuer à vivre ainsi. C'est extrêmement malsain pour différentes raisons.

Je suis un chaud partisan des taxes ciblées. Une taxe d'amélioration aéroportuaire est une taxe qui vise précisément à améliorer l'aéroport. Les taxes sur les carburants sont des taxes ciblées qui devraient servir selon moi à l'amélioration des routes. Des taxes écologiques ont été utilisées, jusqu'à un certain point, dans d'autres pays. Je sais que c'est très dangereux et que le gouvernement n'aime pas l'idée de taxes ciblées, mais c'est une chose à laquelle il faudrait peut-être songer à titre expérimental—s'il faut faire certains travaux dans une rivière, qui va payer? Les résidents de l'Île-du-Prince-Édouard ou de la Colombie-Britannique, ou tous les Canadiens? Je n'en sais rien. Les «taxes ciblées» sont une expression dangereuse à utiliser dans notre approche du revenu consolidé, mais c'est peut-être une chose à laquelle il vaudrait la peine de réfléchir.

Le président: Merci beaucoup.

Madame Rickman.

Mme Angela Rickman: Dans le même ordre d'idées, j'ai distribué un document qui a pour titre «Sweden Legislates for Sustainability». Il s'agit d'une série de mesures que la Suède a annoncées le 4 mai dernier et qui vont bien au-delà des normes qui lui sont imposées par l'Union européenne. Je pense qu'il n'est donc pas nécessairement vrai que les gouvernements qui adoptent des lois en matière d'environnement ou qui imposent des lois sévères ne sont pas réélus. Et c'est ce que vient confirmer un sondage que le gouvernement libéral a effectué au mois de mai de l'année dernière et qui a révélé que les gens étaient prêts à voter en fonction d'initiatives environnementales.

Nous savons, d'après un certain nombre de sondages différents, que les gens font un lien entre la qualité de leur environnement et la qualité de leur santé et que leur santé a beaucoup d'importance pour eux. De plus, en octobre 2000, Environics a effectué pour le compte de la Coalition du budget vert un sondage qui a révélé que les Canadiens étaient en grande majorité en faveur de l'utilisation des surplus budgétaires pour la protection de l'environnement plutôt que pour la réduction des impôts. Par exemple, deux Canadiens sur trois se sont dits en faveur d'une augmentation des redevances pour pollution si c'était dans l'intérêt de la protection de l'environnement même si elle était synonyme de prix plus élevés pour les consommateurs, et une forte majorité des Canadiens seraient prêts à voter pour un parti politique qui s'engagerait à bien gérer l'environnement.

Je crois donc que vous avez tort. Je pense que vous avez la chance de prêcher par l'exemple et, étant donné la forte majorité et l'appui dont jouit le gouvernement fédéral, la porte est grande ouverte. Vous ne devriez pas hésiter.

Le président: Merci, madame Rickman.

M. McKitrick, puis ce sera autour de M. Gallaway.

• 1245

M. Ross McKitrick: Les taxes écologiques que vous décrivez consisteraient en quelque sorte en une prolifération de toute une série de petites redevances irritantes sur toutes les commodités de la vie et cela ne sera certainement pas facile à avaler.

Pensez aux mesures de lutte contre la pollution qui sont déjà prises aux paliers fédéral et provincial. Les taxes écologiques et les permis de polluer échangeables pourraient être un moyen de faire ce qu'on fait déjà, mais à un coût social moindre. C'est par cela qu'il faut commencer. Commencez par regarder quelles sont les mesures de réglementation et de contrôle qui sont déjà en place et essayez de voir comment tout cela pourrait coûter moins cher.

Mme Albina Guarnieri: Merci. Les membres du comité n'ont pas le droit de poser deux questions de suite sur l'augmentation des taxes. Je vais donc passer rapidement à des propositions plus acceptables que nous avons reçues au sujet des avantages économiques de la protection de l'environnement.

Le président: Très bien.

Mme Albina Guarnieri: Je vous ai vu, monsieur le président.

À part l'abondance des aires de nature sauvage du Canada qui pourraient attirer de plus nombreux écotouristes—je crois que vous avez mentionné tout à l'heure les avantages économiques de nos parcs nationaux, monsieur Turner—avez-vous la preuve de décisions en matière d'investissement de multinationales qui auraient été influencées par des facteurs environnementaux de la vie de tous les jours?

Avez-vous la preuve, par exemple, que des sociétés seraient prêtes à déménager leur siège en Amérique du Nord dans une ville en particulier en raison du moins grand nombre d'embouteillages ou d'une moins grande pollution atmosphérique? En fait, j'aimerais que vous me disiez si vous considérez la supériorité environnementale comme un facteur susceptible d'attirer les investissements dans notre pays.

M. Barry Turner: Prenons Ottawa, par exemple, où David McGuinty et moi-même avons grandi.

Pour se mettre en valeur, le secteur de la haute technologie dit partout dans le monde que c'est un endroit merveilleux où élever sa famille et travailler parce que c'est un environnement sain, par opposition au smog qu'on peut trouver dans la Silicon Valley en Californie. Donc, la réponse à votre question est oui.

Où aimeriez-vous vivre avec votre famille, vos amis et vos voisins? Dans une région où l'eau, l'air et le sol sont pollués et où il y a de la pollution par le bruit, ou aimeriez-vous plutôt travailler dans un environnement plus sain où il fait bon vivre?

Nous n'aménageons pas d'industries dans les parcs nationaux; c'est interdit dans les parcs nationaux. Mais la région de la capitale nationale se vante d'être un endroit où amener sa famille, parce que c'est un endroit où il est agréable de vivre.

D'autres pays font la même chose. Prenez l'Irlande, la croissance que connaît l'Irlande. C'est un endroit merveilleux où vivre et grandir, où s'amuser et profiter de la vie, et c'est un environnement de travail sain. C'est pourquoi de nombreuses industries s'implantent en Irlande. Ce pays a également modifié son régime fiscal pour encourager les sociétés à s'y établir. Les conditions y sont extrêmement attrayantes pour elles.

Nous pourrions en discuter pendant des heures, j'en suis certain, mais la réponse à votre question est oui, absolument. Où aimeriez-vous vivre et travailler? Dans un endroit pollué ou dans un endroit sain?

Mme Albina Guarnieri: Avons-nous la preuve que de plus nombreuses sociétés viennent s'installer ici en raison de notre supériorité environnementale?

M. Barry Turner: Je ne connais pas la réponse à cette question.

M. David McGuinty: Je pense que la réponse à cette question est non. Il y a un an, à l'Université de la Colombie-Britannique, une équipe d'économistes a essayé de prouver qu'il y a un lien de cause à effet entre la qualité de vie dans une région urbaine donnée et la capacité d'attirer les investissements. Il y a des choses que nous savons, mais nous n'avons aucune preuve scientifique.

Nous savons que des villes comme Portland, en Oregon, qui est celle qui connaît la croissance économique la plus rapide aux États-Unis, qui a déjà attiré des investissements de 24 milliards de dollars US dans la haute technologie et qui délaisse les activités de haute technologie bas de gamme, réussissent à faire tout cela en offrant une nouvelle approche de la gestion de leur infrastructure urbaine et bâtie.

De nombreuses villes canadiennes font actuellement des études pour savoir quel est leur avantage concurrentiel et quel genre d'activités économiques... Nous savons, pour ce qui est de la nouvelle économie de la haute technologie, que les dirigeants de la haute technologie ne cessent de nous dire que les actifs les plus importants, par exemple, pour cette région ne sont pas les pâtes et papier, sur lesquels l'économie a été bâtie, ni le gouvernement, ni les minéraux, ni aucune autre ressource renouvelable ou non renouvelable; sa population et ses ressources intellectuelles constituent son bien le plus précieux. Donc, pour attirer les gens et la matière grise, il faut offrir une certaine qualité de vie.

• 1250

Le dernier rapport que nous avons commandé à la FCM, qui l'a rendu public pas plus tard que la semaine dernière lors son assemblée générale annuelle à Banff, fait clairement ressortir que tout tend à montrer que, premièrement, les villes américaines et européennes sont mieux financées par leurs gouvernementaux nationaux, dans une perspective plus durable, pour ce qui est de l'investissement direct dans les régions urbaines et que, deuxièmement, elles ont plus de pouvoirs pour réunir des fonds. Donc, les villes canadiennes sont dans une situation différente de leurs homologues européennes et américaines.

Mme Albina Guarnieri: Je vous remercie d'avoir semé l'idée d'une éventuelle fusion entre le comité des finances et le comité de l'environnement. Est-ce que cette annonce est prématurée?

Le président: Je ne sais pas si ce sera approuvé un jour, mais allez-y.

Monsieur Gallaway.

M. Roger Gallaway (Sarnia—Lambton, Lib.): Je ne veux pas parler de taxes comme Mme Guarnieri.

Mme Albina Guarnieri: Vous n'auriez pas droit à une question, Roger.

M. Roger Gallaway: Monsieur Smith, vous avez soulevé deux concepts que je trouve très intéressants. Vous avez parlé du comportement du voisin et de l'économie de marché.

Dans quelques semaines, le premier ministre Klein va rencontrer le vice-président Cheney. La nouvelle administration américaine a indiqué qu'elle allait mettre l'accent sur les combustibles fossiles, qu'elle s'intéresse beaucoup à l'Alberta et au nord du Canada.

Quand vous parlez de votre idée d'échange de droits d'émission, je suppose—et c'est une grosse supposition—qu'un grand nombre de nos problèmes environnementaux sont reliés aux combustibles fossiles, qu'il s'agisse d'essence, de diesel ou, en fait, des répercussions en aval des produits pétrochimiques.

J'aurais besoin de conseils comme politicien. Comment arriver à convaincre le public canadien qu'il est nécessaire d'entreprendre certains programmes environnementaux lorsqu'on sait que ce qu'on peut faire pour protéger l'environnement dans de grands pans du pays ne servira pas à grand-chose? Je veux surtout parler de la qualité de l'air. Il n'y a pas de mur aux frontières de sorte que l'indice de pollution changerait à peine si nous arrêtions tous les véhicules de certains centres du pays de circuler, parce que la pollution est transfrontalière.

Que faire dans ce cas? Comment faire accepter l'idée aux gens? Comment les convaincre que c'est la bonne chose à faire? En leur faisant valoir peut-être qu'il faut tenir compte du fait qu'on pourrait désavantager—et je n'en suis même pas certain—les entreprises canadiennes.

M. Stuart Smith: Tout le monde autour de cette table n'aimera pas ma réponse. Je pense que le Canada ne peut pas faire tellement plus que les États-Unis pour ce qui est de la plus grande partie de ses efforts pour réduire les gaz à effet de serre, qui constituent un problème mondial, bien sûr, ou même le smog.

Dans le cas du smog, nos arguments sont un peu plus forts, parce que nous négocions constamment avec eux à propos de la pollution atmosphérique transfrontalière. À l'heure actuelle, on pourrait dire sans grand risque de se tromper qu'ils font du meilleur travail que nous. Donc, la question n'est pas tant d'aller plus vite qu'eux et de s'en trouver désavantagés; dans ce cas-ci, il s'agirait plutôt de les rattraper, parce qu'ils sont plus efficaces à bien des égards.

S'ils vont de l'avant et construisent 1 000 nouvelles usines à charbon, comme ils prétendent vouloir le faire, ou peu importe... premièrement, cela n'a aucun sens. Maintenant que le sénateur du Vermont a changé de camp, ils ne réussiront pas à faire adopter une telle mesure.

Deuxièmement, d'une certaine manière, si jamais ils construisaient 1 000 nouvelles usines à charbon, je les appellerais toutes les usines Ralph Nader, parce que c'est grâce aux environnementalistes purs et durs que nous nous sommes retrouvés avec une telle abomination. Cela ne risque vraisemblablement pas de se produire. Ils ne réussiraient même pas à obtenir de permis locaux pour la construction de ces usines à charbon. Il y a tellement de règles dans les États qu'ils n'y arriveront pas.

C'est pourquoi je pense honnêtement que nous ne pouvons pas trop prendre d'avance sur les États-Unis. Comme je l'ai dit, tous les environnementalistes ne seraient pas d'accord avec moi, mais, mon point de vue, c'est que nos économies et notre environnement sont si étroitement liés qu'il serait très difficile d'obtenir l'appui du public ou même des entreprises pour aller de l'avant et vraiment assainir notre environnement par comparaison aux États-Unis. Mais il ne faut pas se leurrer; nous ne sommes mêmes pas aussi propres qu'eux pour ce qui est d'un grand nombre de nos règles.

• 1255

Donc, nous allons devoir continuer à négocier des accords sur la pollution transfrontalière avec eux. Nous devons nous assurer que notre système d'échange de droits d'émission correspondra au leur. Nous ne pouvons pas avoir ici un système qui soit totalement différent du leur. Nous devons donc discuter avec eux et nous assurer que nous adopterons des systèmes semblables dans les deux pays pour que nos entreprises puissent fonctionner aussi bien que les leurs.

À part ça, je pense que nous devrons simplement continuer à discuter avec eux et à exercer des pressions sur eux—et eux sur nous. Nous devons faire front commun. Je pense que le Canada est dans une position particulière parce que nous sommes liés de très près à une puissante économie avec laquelle nous partageons un bassin atmosphérique continental.

Comme je l'ai dit, tout le monde ne sera pas d'accord avec moi. À mon avis, nous ne pouvons pas avoir trop d'avance sur eux, mais, pour le moment, nous ne sommes même pas à la hauteur dans certains cas.

M. David McGuinty: La semaine dernière, dans le discours qu'il a prononcé devant les gens que nous avions rassemblés pour lui sur Bay Street, le ministre a dit qu'il n'était pas facile d'entraîner les Canadiens vers les hautes sphères de la poésie le temps venu de réduire ou d'éliminer le déficit. Ce n'est pas comme si les Canadiens étaient ralliés autour du concept consistant à réduire les coûts et à se serrer la ceinture.

Mais il a fait allusion au fait que nous devons arriver au même esprit de corps et à la même noblesse d'intention—et ce sont là mes paroles, pas les siennes—quant aux raisons qui nous poussent à agir. Le commentaire de M. Gallaway me fait penser à ce que nous constatons au moment des consultations, et nombreux sont ceux qui ont dit qu'il fallait consulter les Canadiens.

Le problème, ce n'est pas que les Canadiens soient fatigués d'être consultés; le problème, c'est qu'ils en ont assez. M. Gallaway a fait allusion, je crois, à un sentiment d'impuissance—après tout, le Canada n'est responsable que de 2 p. 100 ou moins des gaz à effet de serre. Nous n'en sommes pas vraiment responsables, tandis que les États-Unis sont responsables de la situation dans 25 p. 100 des cas.

Stuart a dit tout à l'heure que les États-Unis jouent un très bon jeu bilatéral, que cela n'a rien d'inhabituel. Je peux dire, parce que j'ai pu observer des négociations multilatérales moi-même dans ma carrière par le passé aux États-Unis, qu'ils jouent une très bonne partie de hockey multilatérale, mais, quand vient le temps de conclure une affaire, ils adoptent une position bilatérale tandis que notre matériel génétique au Canada nous pousse plutôt à adopter une approche multilatérale.

Donc, ce qu'il faut ici...et je pense que ce qu'il y a de bien à cette deuxième réunion à ce sujet, c'est que le comité cherche à avoir des conseils je pense sur la voie à suivre. Le budget de l'an dernier a marqué un très bon départ en indiquant aux Canadiens que le gouvernement fédéral fait preuve de leadership dans ce secteur.

Bien entendu, tout n'est pas parfait. Il n'y a jamais assez d'argent. La question est donc la suivante: qu'est-ce qui pourrait être annoncé dans le prochain budget pour amener les Canadiens à comprendre que le prochain grand défi pour nous sera non de venir à bout du déficit, mais de parvenir à un meilleur équilibre entre la croissance économique et l'intégrité environnementale et écologique?

Je pense que c'est peut-être le ton qui pourrait être adopté. Du moins, nous espérons qu'il le sera et nous espérons que cela se reflétera dans le budget de l'an prochain.

Le président: Merci, monsieur McGuinty.

Merci, monsieur Gallaway.

Monsieur Nystrom.

M. Lorne Nystrom (Regina—Qu'Appelle, NPD): J'aimerais remercier tout le monde d'avoir bien voulu comparaître ici ce matin et souhaiter la bienvenue à notre vieux collègue Barry Turner et à M. Smith que je connais depuis de très nombreuses années et que je connaissais d'ailleurs déjà à une autre époque.

Je veux vous poser trois très brèves questions, si vous me le permettez, et la première s'adresse à M. Smith. C'est un homme très réfléchi qui a une grande sagesse et qui participe depuis de très nombreuses années aux discussions sur la politique gouvernementale.

Ma question est d'ordre général et elle est la suivante: pourquoi notre bilan au chapitre de l'environnement est-il aussi peu reluisant? L'Université de Victoria a récemment effectué une étude dans le cadre de laquelle elle a utilisé 15 indices différents, je pense, pour mesurer l'environnement. Nous sommes arrivés au 28e rang sur 29 pays de l'OCDE.

J'ai aussi vu dans le journal Ottawa Citizen de ce matin un article dans lequel les fabricants d'automobiles encourageaient les pétrolières à réduire la teneur en soufre de leurs produits. La nouvelle technologie permet de fabriquer des véhicules qui consomment de l'essence à plus faible teneur en soufre et, pourtant, nos sociétés pétrolières ne produisent pas de pétrole contenant moins de soufre. Ainsi, les consommateurs ne peuvent même pas acheter ces véhicules. Donc, nos normes sont bien pires que celles des États-Unis.

Du point de vue de la politique gouvernementale—et vous-même avez été chef de l'opposition à une époque, et vous étiez très réfléchi—pourquoi notre bilan est-il aussi peu reluisant? Nous avons obtenu d'assez bons résultats dans de nombreux secteurs à en juger par nos programmes sociaux et une économie mixte. Nous semblons être assez perspicaces dans de nombreux domaines différents—prenons, par exemple, la valeur de l'éducation—mais pourquoi accusons-nous tant de retard sur de nombreuses régions du monde pour ce qui est de l'environnement?

M. Stuart Smith: Tout d'abord, je ne sais pas si notre bilan est aussi mauvais que vous le dites, monsieur Nystrom. Je vous remercie de vos aimables remarques à mon sujet. J'appréciais notre amitié lorsque j'étais au Conseil des sciences et j'aimais beaucoup nos consultations à l'époque.

• 1300

Je ne suis pas du tout certain que notre bilan soit si mauvais. Tout dépend de ce que vous mesurez. En fait, notre eau est plutôt propre. Notre air est assez pur par comparaison à d'autres pays. Nous protégeons nos aires de nature sauvage. Nous en avons tellement que nous n'en protégeons pas assez; nous devrions peut-être les protéger différemment, mais nous en protégeons certainement une bonne partie par comparaison à un grand nombre d'autres pays. Donc, tout dépend de ce qu'on mesure.

Si on mesure des choses comme l'utilisation de combustibles fossiles, alors, bien sûr, notre dossier n'est pas très reluisant. Nous faisons plutôt mauvaise figure en raison d'un certain nombre de choses qui font partie de la nature de notre pays. Nous sommes un très vaste pays de sorte que le transport est un élément important de ce que nous faisons. De plus, nous avons tendance à produire des marchandises en vrac et il faut une grande quantité d'énergie pour déplacer des marchandises en vrac.

Nous sommes des producteurs de combustibles fossiles. Il faut utiliser une grande quantité de combustibles fossiles pour pouvoir en produire. Les gens ne se rendent pas compte que l'une des industries qui consomment le plus d'énergie est celle de la production d'énergie. Nous avons aussi de vastes réseaux d'électricité et ainsi de suite, qui sont alimentés par des combustibles fossiles. Nous ne sommes pas densément peuplés sans oublier le fait que nous avons aussi un climat froid et que nous devons par conséquent utiliser une grande quantité d'énergie. Tout dépend donc de ce qu'on mesure pour dire qu'on fait bonne ou mauvaise figure.

Pour ce qui est des combustibles fossiles, je pense que tout a à voir avec la nature du pays. Je ne pense pas que ce soit parce que les Canadiens ne sont pas prêts à faire des sacrifices pour l'environnement. Généralement parlant, je pense qu'ils seraient surpris d'entendre quelqu'un dire cela à leur sujet. Ils estiment qu'ils sont tout aussi bien disposés que n'importe qui d'autre. Ils se montrent un peu plus nerveux, bien sûr, s'ils ne comprennent pas le problème.

La question des gaz à effet de serre est une question que les Canadiens ne comprennent pas. Je peux vous dire d'entrée de jeu que vous pouvez dire tout ce que vous voulez au sujet des gaz à effet de serre et des échanges de droits d'émission—et je peux discuter avec vous, monsieur Epp, et avec tout le monde ici au comité de la meilleure façon de s'y prendre—mais la plupart des Canadiens ne comprennent pas ce dont vous parlez quand vous parlez des gaz à effet de serre.

Ils croient que le réchauffement de la planète est essentiellement une conséquence de la pollution atmosphérique ou de la diminution de la couche d'ozone. On leur a dit de protéger leurs enfants et de leur mettre un écran solaire et de grands chapeaux parce que le soleil est très chaud et on leur a dit aussi que la planète se réchauffe. Oui, ils comprennent que le soleil brûle et qu'ils doivent protéger leurs enfants. Ils pensent que la planète se réchauffe à cause de la diminution de la couche d'ozone. Ils ne comprennent pas la notion d'un effet de serre qui n'a pas grand-chose à voir avec la pollution.

Chaque fois qu'on voit une émission à Radio-Canada ou à CTV sur les gaz à effet de serre, on voit de grandes cheminées polluantes. Cela n'a rien à voir avec les grandes cheminées qui polluent—presque rien à voir avec cela. En fait, le polluant dont nous parlons n'est même pas un polluant; il est nécessaire à la vie. Il s'agit du dioxyde de carbone. Les gens doivent comprendre que les gaz à effet de serre sont pour la plupart une conséquence de l'utilisation de combustibles. C'est une question d'énergie. Ce n'est pas une question d'environnement.

Il y a donc beaucoup à faire côté éducation. Mais je ne crois honnêtement pas que nous soyons si loin derrière, sauf lorsqu'il est question des combustibles fossiles. Là, je suis d'accord.

L'autre chose, c'est que nous ne vivons pas dans de si nombreuses villes. Nous sommes en train de devenir une société urbaine, mais, jusqu'à maintenant, nous avons plus ou moins été une société rurale. Comme société rurale, nous n'avons pas souffert autant des effets de la pollution que si nous avions vécu dans un environnement plus urbain, et c'est peut-être la raison pour laquelle nous sommes un peu plus lents.

Je ne sais pas si cela répond à votre question.

Mme Angela Rickman: Je suis désolée, mais je ne suis pas de votre avis...

Je suis d'accord avec vous. Je pense que nous sommes très loin derrière.

Au Canada, nous n'avons aucune loi fédérale pour protéger l'eau. Nous n'avons pas de loi sur la salubrité de l'air. Nous n'avons pas de loi sur les espèces menacées d'extinction. Nous n'avons pas de loi fédérale sur le nettoyage des sites contaminés. Il y a un grand nombre de domaines dans lesquels nous n'avons pas de loi fédérale pour protéger la santé des Canadiens ou l'environnement. C'est pourquoi je ne suis pas d'accord pour dire que le Canada ne fait pas si mauvaise figure.

Pour revenir à la question de Mme Guarnieri au sujet des incitatifs financiers concernant les espèces menacées de disparition, durant les audiences sur les espèces en voie de disparition, il est ressorti que l'industrie croit que l'absence de mesures environnementales strictes, surtout dans ce domaine, pourrait être un obstacle au commerce avec les États-Unis. Les États-Unis se demandent si l'absence de protection des espèces menacées de disparition au Canada ne pourrait pas constituer un obstacle au commerce des produits canadiens. Donc, l'absence de règlements en matière d'environnement peut être une mesure de dissuasion, ou faire du tort.

• 1305

Pourquoi cela pose-t-il un problème? Le Canada a été progressiste dans un grand nombre de domaines différents et les Canadiens en général estiment que nous sommes progressistes pour ce qui est des questions sociales; nous sommes progressistes pour ce qui est de toute une série de questions qui touchent aux droits de la personne, quoique cela soit discutable étant donné le rapport publié hier par Amnistie.

Mais ils supposent que nous faisons du bon travail pour ce qui est des questions d'environnement et ils sont très surpris lorsqu'ils s'aperçoivent que ce n'est pas le cas. Notre Loi sur les produits antiparasitaires remonte à 31 ans. Elle est presque aussi vieille que moi! Nous n'y avons apporté aucune modification. Ce n'est pas progressiste.

Qu'est-ce qu'il faudrait? Je n'en sais rien. Une levée de boucliers pour que les politiciens passent à l'action. Ce ne devrait pas être nécessaire, mais c'est peut-être ce qu'il faudra. Maintenant que les gens font un rapport entre la santé et l'environnement, c'est peut-être ce qui va arriver. Nous avons besoin de leadership politique.

Le président: M. Hornung, puis ce sera au tour de M. McKitrick.

M. Robert Hornung: Oui. J'aurais juste un bref commentaire à faire au sujet des combustibles fossiles. Il existe de nombreux pays froids et de nombreux grands pays. Pour ce qui est de l'efficience énergétique, il est assez clair que le Canada accuse du retard sur d'autres pays. Une des principales raisons à cela est précisément ce dont nous parlons ici. Nos structures d'établissement des prix de l'énergie ne tiennent pas compte des coûts environnementaux—du moins pas autant que dans de nombreux autres pays. Nous avons bâti une économie sur le concept d'une énergie abondante et à bon marché et, ce faisant, n'avons tenu aucun compte des répercussions environnementales ni des coûts environnementaux associés à ces sources d'énergie.

M. Ross McKitrick: Je m'attendais à cette question. C'est pourquoi j'ai inclus certains des graphiques que vous avez. Je pourrais vous en montrer bien d'autres qui vont dans le sens de l'argument de M. Smith. En ce qui concerne un grand nombre des contaminants ordinaires de l'air de l'eau, nous avons en réalité fait des progrès considérables. La question est de savoir comment faire plus de progrès encore. À mesure qu'on réduit la pollution, le coût de la réduction de la pollution augmente. C'est pourquoi il faut faire les choses avec efficience.

Il y a une autre différence aussi et c'est que les États-Unis utilisent depuis longtemps des instruments économiques. Lorsque nous avons convenu avec eux de réduire les émissions d'hydrocarbures chlorofluorés, ils ont établi un marché national d'échange de droits d'émission de dioxyde de soufre. Nous avons opté pour la réglementation directe.

Lorsque nous avons convenu d'éliminer le plomb de l'essence, ils ont mis en place un programme d'échange de permis avec un système de points en banque qui a permis aux raffineries d'éliminer le plomb de l'essence avant la date d'échéance et en deçà des coûts prévus. Nous avons opté pour la réglementation directe.

Dans le cas des règlements concernant les hydrocarbures chlorofluorés et du Protocole de Montréal, ils ont utilisé des taxes sur les hydrocarbures chlorofluorés alors que nous avons eu recours à la réglementation directe.

À l'égard d'un grand nombre de ces questions, nous avons pris l'objectif de base et avons trouvé l'instrument le moins compliqué possible pour l'atteindre tandis que les États-Unis se sont interrogés plus longuement sur la manière de s'y prendre à un coût moindre et avec une plus grande efficience. Et, parce qu'ils ont atteint leurs buts à un coût moindre, ils peuvent se permettre de se fixer des buts plus ambitieux.

Le président: Lorne Nystrom.

M. Lorne Nystrom: Plus nous entrons dans des régions à faible rendement pour les combustibles fossiles, comme l'Arctique, les sables bitumineux et l'océan, plus les coûts augmentent. Comme M. Smith l'a dit, il faut utiliser des combustibles pour en produire.

Quel genre d'options avez-vous envisagées? Quelles sont les solutions possibles? Il en coûte de plus en plus cher pour aller chercher le combustible. Nous polluons plus pour l'obtenir. Quelles sont les options qui s'offrent?

J'imagine que l'autre question a trait au transport. Nous optons de plus en plus pour le camionnage et de moins en moins pour le rail et nous nous dirigeons vers ce qu'on appelle un système de gestion «au moment adéquat». Du carburant diesel est utilisé. Le rapport entre le camionnage et le rail est de cinq à un, je pense. Là encore, nous consommons plus de combustibles et polluons l'atmosphère. Quelle est la solution de rechange?

Ce sont deux questions précises. M. Smith a dit que c'est dans le secteur des combustibles fossiles que nous semblons avoir les plus gros problèmes et il s'agit là de deux exemples où les choses empirent au lieu de s'améliorer.

Je viens de la Saskatchewan. Nous avons démantelé toutes les voies ferrées, comme Barry Turner le sait. Les agriculteurs sont maintenant obligés d'acheminer leurs céréales vers le marché par camion. Cela détruit bien sûr toutes les routes. Il s'agit de routes à revêtement mince. Nous dépensons toutes sortes de sommes pour aménager des routes à revêtement plus épais. Les voies ferrées ont disparu et cela coûte plus cher aux agriculteurs. Cela pollue l'atmosphère et entraîne toutes sortes de choses qui ne devraient pas se produire.

Quelles sont les solutions de rechange? Quelles sont les solutions que vous proposez?

M. Robert Hornung: Grosses questions.

Le président: Brèves réponses.

M. Robert Hornung: Oui, brève réponse, grosse question.

Il me semble que lorsque nous parlons, par exemple, de future exploration pétrolière et gazière au Canada, il est tout à fait vrai de dire que les champs pétroliers conventionnels sont en voie d'épuisement. Il faut plus d'énergie pour exploiter les sables bitumineux, les réserves du Nord, etc.

• 1310

Je pense qu'il y a une contradiction de plus en plus apparente entre le fait de vouloir en même temps augmenter rapidement la production et respecter nos engagements en matière d'environnement. Pour le moment, il y a un vide, parce que nous n'avons pas en place les politiques qui nous permettront de faire les deux. Nous pourrions adopter une série de politiques pour certaines des choses dont nous avons parlé ici, c'est-à-dire établir un prix pour le marché, envoyer un signal clair pour dire que, oui, on peut se lancer dans ce type de production, mais il faut reconnaître qu'il y a des coûts environnementaux plus élevés et, par conséquent, en tenir compte.

Si, par exemple, dans le scénario du changement climatique, le Canada mettait en oeuvre le Protocole de Kyoto, il faudrait tenir compte du fait qu'il y a actuellement en Alberta trois projets de stations génératrices d'électricité alimentées au charbon. Nous envisageons une expansion massive de notre production de pétrole. Pouvons-nous concilier cela avec nos engagements au sujet des émissions de gaz à effet de serre? Peut-être, mais la seule façon d'y parvenir serait d'adopter un cadre stratégique qui permette que les réductions requises des émissions se fassent ailleurs dans la société. Il faudrait alors avoir un débat à l'échelle du pays sur la façon de s'y prendre et la manière dont cela fonctionnerait. Nous devons amorcer cette discussion. C'est ce dont Stuart Smith parlait. Mettez tout de suite cette question sur la table. Plus longtemps nous la laisserons de côté, plus il y aura de chances que cette contradiction persiste et que nous finissions par sacrifier les objectifs environnementaux au profit des objectifs de développement économique.

Mme Marlie Burtt: J'aurais quelque chose à ajouter à ce que Robert vient de dire, pour répondre à votre question. Le Canada est un pays à base de ressources naturelles et il a des actifs stratégiques qui contribuent énormément au développement économique—le PIB—du pays. Ne sous-estimez pas le fait que les entreprises qui participent à l'exploitation des ressources énergétiques non renouvelables savent que cela suppose des coûts pour elles.

De nombreuses entreprises sont des chefs de file dans l'industrie. Elles cherchent des solutions et des moyens de faire face à cet élément de passif. Malheureusement, en l'absence d'une politique bien définie, d'une reconnaissance pour intervention rapide, de la capacité de recourir à des initiatives axées sur le marché pour trouver des solutions de rechange plus économiques, il est très difficile pour les entreprises de prendre les mesures voulues.

Par conséquent, on est un peu dans une impasse. Des sociétés qui sont des chefs de file dans l'industrie et qui sont prêtes à dépenser de l'argent et à prendre des initiatives n'ont aucune politique à laquelle se fier et n'ont pas la certitude qu'elles profiteront des sommes dépensées. Il leur faudra peut-être dire à leurs actionnaires qu'ils vont finir par payer deux fois le prix.

Donc, en raison d'une absence de politique, de clarté et d'approches progressistes, vous risquez d'aggraver le problème au lieu de le régler.

Le président: Monsieur Turner.

M. Barry Turner: Monsieur le président, M. Nystrom a demandé à quel point notre bilan laissait à désirer ou pourquoi. Je pense que tout au long du siècle dernier, nous avons pris notre environnement pour acquis. Je ne pense pas que nous puissions continuer à le faire. Tout indique que nous devons faire preuve d'une plus grande sagesse et prendre des décisions financières, fiscales et personnelles intelligentes, qu'il s'agisse de recyclage «boîte bleue» ou des pneus jetés en bordure de la route en Saskatchewan. Il faut que les choses changent.

Une voix: En Alberta.

M. Barry Turner: En Alberta.

Ce que je veux dire, c'est que nous devons arrêter de prendre notre environnement pour acquis, faire preuve d'intelligence, de sagesse, de leadership et de courage, et prendre les bonnes décisions non seulement pour nous-mêmes, mais pour nos enfants.

Le président: Merci, monsieur Turner.

Sur cette note, au nom du comité, j'aimerais vous exprimer à tous notre gratitude la plus sincère. J'ai presque envie de vous inviter de nouveau. J'ai trouvé la réunion très utile.

Je veux juste vous donner une idée de ce que nous examinerons durant les consultations prébudgétaires afin que vous puissiez mieux vous préparer. Nous allons examiner la question de l'environnement, comme l'OCDE l'a fait, des instruments économiques, des instruments réglementaires, des approches volontaires, des subventions au développement et à la diffusion de la technologie et des instruments axés sur l'information. Bien sûr, au bout du compte, nous donnerons notre préférence à certaines choses plutôt qu'à d'autres.

• 1315

Ce sont là les questions que nous aimerions examiner de très près.

Je serais heureux d'avoir toute information que vous pourriez nous fournir, même durant l'été, sur ces questions, parce que, comme je l'ai dit tout à l'heure, l'environnement occupera une place très importante dans nos audiences sur les consultations prébudgétaires.

Encore une fois, merci beaucoup.

La séance est levée.

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