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FAIT Réunion de comité

Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.

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STANDING COMMITTEE ON FOREIGN AFFAIRS AND INTERNATIONAL TRADE

COMITÉ PERMANENT DES AFFAIRES ÉTRANGÈRES ET DU COMMERCE INTERNATIONAL

TÉMOIGNAGES

[Enregistrement électronique]

Le mardi 16 octobre 2001

• 1535

[Traduction]

Le coprésident (M. Bill Graham (Toronto-Centre—Rosedale, Lib.)): Chers collègues, je pourrai ouvrir la séance si nous pouvons obtenir des membres indisciplinés du Comité de l'agriculture qu'ils se comportent correctement.

Le président du Comité de l'agriculture et moi-même souhaitons la bienvenue aux témoins qui sont venus ici aujourd'hui parler à nos collègues au Parlement, des comités de l'agriculture et des affaires étrangères, de questions liées à la production alimentaire mondiale. Je crois que c'est la cinquième fois que nous tenons une séance concernant la Journée mondiale de l'alimentation. Les députés tirent grandement profit de la sagesse du groupe de fonctionnaires, de producteurs agricoles et d'ONG qui viennent discuter avec nous des problèmes que pose la production alimentaire dans le monde. Bien entendu, dans le contexte d'aujourd'hui, il est important de les comprendre encore plus que jamais auparavant, aussi nous vous sommes très reconnaissants d'être venus.

Nous souhaitons la bienvenue aux auditeurs canadiens qui nous regardent à la télévision et qui, nous l'espérons, en viendront comme nous à mieux comprendre les problèmes auxquels nous sommes actuellement confrontés pour la production alimentaire en vue de nourrir une planète où des gens souffrent de la faim.

Monsieur Hubbard, monsieur.

Le coprésident (M. Charles Hubbard (Miramichi, Lib.)): Merci, Bill.

Pour réitérer ce que vous avez dit, il s'agit d'un événement annuel ici sur la Colline. Je suis heureux également de voir Bill. Des membres du Comité des pêches et des personnes qui ont siégé à ce comité par le passé sont également des nôtres étant donné que le poisson constitue lui aussi une partie importante de l'approvisionnement mondial en protéines.

Je crois comprendre que nous avons également avec nous cet après-midi différents groupes qui nous feront chacun un court exposé.

Le coprésident (M. Bill Graham): Vous avez tout à fait raison. Nous pouvons peut-être demander à Suzanne Vinet d'Agriculture et Agroalimentaire Canada de commencer. Nous passerons ensuite aux témoins. Leurs noms figurent à l'ordre du jour.

Madame Vinet.

Mme Suzanne Vinet (négociatrice principale en agriculture, Direction des politiques de commerce international, Direction générale des services à l'industrie et aux marchés, ministère de l'Agriculture et de l'Agroalimentaire): Merci, monsieur le président. Je vous remercie en particulier de me donner cette occasion de vous parler en cette Journée mondiale de l'alimentation.

Nous nous proposons aujourd'hui d'attirer votre attention sur les défis auxquels nous faisons face et sur les occasions qui s'offrent à nous de faire des progrès et de combattre la faim et la malnutrition. Mes remarques porteront aujourd'hui sur les efforts que déploie le ministère de l'Agriculture et de l'agroalimentaire, notamment en ma qualité de négociatrice en agriculture.

Le thème de cette année—«Lutter contre la faim pour réduire la pauvreté»—découle du fait qu'accroître la sécurité alimentaire est une première étape importante pour réduire la pauvreté. Pour parvenir à la sécurité alimentaire, nous devons nous pencher sur la disponibilité de la nourriture, la stabilité de l'offre de nourriture et l'accès à la nourriture. C'est là où des échanges accrus peuvent jouer un rôle important.

La plupart d'entre vous connaissent déjà les statistiques suivantes, mais il vaut la peine de les répéter. À l'heure actuelle, 800 millions de personnes n'ont pas assez à manger dans un monde qui en produit assez pour nourrir chaque homme, femme et enfant. Ce simple fait est l'un des grands défis de notre monde moderne.

Au Sommet mondial de l'alimentation en 1996, le Canada et 185 autres pays se sont engagés à réduire de moitié le nombre de personnes souffrant de sous-alimentation au plus tard en 2015. C'est un but ambitieux que nous devons continuer à poursuivre. Pour relever ce défi, le ministre Vanclief a lancé le Plan d'action du Canada pour la sécurité alimentaire en 1998. Le gouvernement et la société civile ont travaillé activement pour élaborer le plan et faire rapport à la FAO des progrès du Canada dans la réalisation de notre engagement. Les organisations non gouvernementales apportent également et continuent d'apporter une importante contribution à ce processus.

Dans son premier rapport d'étape, achevé en 1999, le Canada a exprimé le besoin d'obtenir des engagements à long terme de tous les intervenants pour avoir une incidence sur la sécurité alimentaire. Il est devenu évident que la création de capacités pour réduire la faim et la malnutrition est un engagement à long terme. Le deuxième rapport, qui est actuellement en train d'être rédigé, soulignera ce besoin.

• 1540

Le plan d'action du Canada forme encore la base de notre démarche et exige de vastes activités et initiatives tant au pays qu'à l'étranger. Il porte sur les nombreux aspects de la sécurité alimentaire, y compris assurer à tous un approvisionnement en aliments sains et nutritifs, trouver des façons d'accroître la production alimentaire qui soient à la fois supportables sur le plan de l'environnement et de l'économie, et promouvoir la santé et l'éducation.

Agriculture et Agroalimentaire Canada cherche activement à réaliser ces objectifs en faisant la promotion d'une agriculture durable, de l'inspection et de la sécurité des aliments, du développement rural et d'autres initiatives qui contribuent à la sécurité alimentaire. En fait, l'été dernier, les ministres fédéral, provinciaux et territoriaux de l'Agriculture se sont entendus en principe sur un plan d'action pour un cadre de la politique agricole. Ce nouveau cadre permettra au Canada de mieux atteindre les buts du plan d'action du Canada pour la sécurité alimentaire.

Aujourd'hui, mon exposé porte avant tout sur la sécurité alimentaire à l'extérieur des frontières du Canada et sur notre engagement à améliorer la sécurité alimentaire à l'échelle internationale. Bon nombre de problèmes doivent être réglés pour débarrasser le monde de la faim et de la malnutrition. La déclaration du Sommet alimentaire mondial a recommandé sept engagements couvrant tous les aspects de la sécurité alimentaire, y compris le rôle du commerce. L'engagement no 4 stipule que:

    Nous nous efforcerons de faire en sorte que les politiques concernant le commerce des denrées alimentaires et agricoles et les échanges en général contribuent à renforcer la sécurité alimentaire pour tous grâce à un système commercial mondial à la fois juste et axé sur le marché.

Le plan d'action du Canada souligne également que l'une des façons d'assurer la sécurité alimentaire passe par la réforme du commerce agricole. Le Canada cherche à assumer un rôle de chef de file en élaborent et en faisant respecter des règles ouvertes, justes et prévisibles pour régir le commerce agricole international. Mon travail est directement lié à cet objectif. Le commerce est un élément indispensable pour parvenir à la sécurité alimentaire dans le monde. Le commerce engendre une utilisation efficace des ressources et stimule la croissance économique.

Par le biais de l'Organisation mondiale du commerce, nous mettons sur pied un système de commerce multilatéral, mondial, fondé sur des règles pour les produits alimentaires et l'agriculture. Ce milieu peut constituer un outil puissant de croissance économique et d'accroissement de la prospérité dans les pays en développement. Cela, à long terme, nous aidera à réaliser notre objectif de sécurité alimentaire pour tous. À cet égard, le Canada s'est engagé à travailler par le biais de l'OMC en vue de poursuivre le processus de réforme du commerce agricole, d'améliorer l'accès aux marchés, de réduire les pratiques qui entraînent une distorsion de la production et du commerce et d'éliminer les subventions à l'exportation.

Le commerce contribue à la sécurité alimentaire et améliore l'accès aux marchés. Améliorer l'accès aux marchés peut renforcer le pouvoir d'achat des gens en produisant un revenu grâce à des échanges accrus. Des marchés libres fourniraient aux pays en développement des occasions d'exporter des produits pour lesquels ils détiennent un avantage. Dans bien des pays, les recettes tirées des exportations constituent une source importante d'emplois, de revenu et de devises étrangères qui, à leur tour, permettent aux gens d'acheter de la nourriture.

Les subventions à l'agriculture faussent les décisions d'investissement des sociétés. Celles-ci sont plus susceptibles d'investir dans des pays qui leur offrent des subventions. Cela, à son tour, influe sur la capacité des pays en développement à attirer des investissements étrangers et de nouvelles technologies qui peuvent contribuer à leur développement économique.

Les subventions à l'exportation accroissent également l'insécurité alimentaire dans le monde. Elles nuisent aux pays qui, autrement, pourraient produire et exporter les mêmes produits plus efficacement. Les subventions à l'exportation accroissent l'incertitude, car il devient plus difficile pour les pays qui ne subventionnent pas de planifier, de développer ainsi que d'investir dans l'expansion des industries agricoles. Elles écartent injustement des marchés les exportateurs non subventionnés et les empêchent de produire des recettes.

Le lancement d'une plus grande ronde de négociations à l'OMC constituera une étape importante pour traiter de la sécurité alimentaire. Ce lancement pourrait notamment être compromis étant donné que certains pays en développement ont dit n'avoir pas reçu tous les avantages escomptés de la dernière ronde. Toutefois, un certain nombre de pays en développement se sont également rendu compte du fait qu'il vaut mieux participer à une nouvelle réforme du commerce s'ils veulent améliorer leur situation.

Ensemble, nous travaillons d'arrache-pied pour faire en sorte que le commerce puisse contribuer à la sécurité alimentaire.

• 1545

La libéralisation du commerce est un ingrédient essentiel, mais pas le seul, pour satisfaire les besoins en développement de ces pays et accroître leur sécurité alimentaire.

Dans bien des pays en développement, une partie des problèmes d'insécurité alimentaire tient à une production alimentaire variable et peu élevée, à une faible capacité d'importation et à une infrastructure de distribution médiocre. Une libéralisation des échanges doit donc s'accompagner simultanément d'initiatives appropriées prises au pays et d'une aide internationale.

La mise en place d'une infrastructure appropriée et d'autres réformes améliorera le fonctionnement du marché intérieur. Il faudra prévoir des périodes d'ajustement aux réformes et la fourniture d'une aide technique adéquate pour appuyer les programmes de sécurité alimentaire dans les pays en développement.

Si l'on tient compte de ces éléments, un marché agricole international efficace contribuera à accroître la sécurité alimentaire.

Je peux vous dire que le Canada travaille d'arrache-pied pour aider à édifier un système commercial multilatéral fondé sur des règles pour les produits alimentaires et l'agriculture qui, à long terme, réduira la faim et la malnutrition dans le monde.

Beaucoup trop de gens sont sous-alimentés: leur santé est compromise, leur potentiel jamais réalisé, leur vie, un combat quotidien pour survivre. Agriculture et Agroalimentaire Canada est déterminée à s'attaquer à ces problèmes et à travailler en vue d'assurer la sécurité alimentaire pour tous.

Merci, monsieur le président.

Le coprésident (M. Bill Graham): Merci, madame Vinet.

Nous passons maintenant à M. Singleton de l'ACDI.

M. Bill Singleton (chef économiste, Direction générale des politiques, Agence canadienne de développement international): Merci, monsieur le président.

Je m'appelle Bill Singleton. Je suis chef économiste à l'ACDI. Je suis ici avec mes collègues, M. Macgillivray et M. Laviolette. Je vous remercie de m'avoir invité à vous parler au nom de l'ACDI.

Le thème choisi cette année pour la Journée mondiale de l'alimentation, «Lutter contre la faim pour réduire la pauvreté», est également au centre du mandat confié à l'ACDI par le Parlement en 1995, à savoir, et je cite:

    soutenir le développement durable dans les pays en développement afin de réduire la pauvreté et de rendre le monde plus sûr, plus juste et plus prospère.

J'aimerais également vous citer la définition donnée en 1996 au Sommet mondial de l'alimentation du terme «sécurité alimentaire»:

    La sécurité alimentaire existe lorsque tous les êtres humains ont, à tout moment, un accès physique et économique à une nourriture suffisante, saine et nutritive leur permettant de satisfaire leurs besoins énergétiques et leurs préférences alimentaires pour mener une vie saine et active.

J'aimerais également profiter de l'occasion qui m'est donnée aujourd'hui pour expliquer l'approche de l'ACDI dans ce domaine.

[Français]

Le Canada a, de tout temps, soutenu vigoureusement le développement agricole et rural dans les pays en développement. Il n'en demeure pas moins qu'au cours des 10 dernières années, la programmation dans ces secteurs a marqué un recul. Cette tendance n'est pas propre à l'ACDI. D'autres donateurs et des institutions financières nationales comme la Banque mondiale ont également réduit leur programmation en matière de développement agricole et rural. Plusieurs raisons expliquent ce déclin.

Premièrement, au cours de la dernière décennie, les pays développés et en développement se sont entendus sur une série d'objectifs de développement à atteindre pour réduire la pauvreté à l'échelon mondial. Ces objectifs mettent en évidence l'importance pour l'ACDI et la communauté internationale d'investir dans les secteurs déterminés, par exemple l'environnement, l'égalité des sexes, l'éducation et la santé.

[Traduction]

Deuxièmement, l'ACDI a accordé une importance accrue à l'adéquation entre sa programmation et les besoins exprimés par les pays en développement eux-mêmes. Par conséquent, si un pays partenaire établit des priorités dans d'autres secteurs, par exemple les services d'infrastructure, l'éducation ou la santé, l'ACDI essaie de s'aligner sur celles-ci en fonction de notre avantage comparatif.

En outre, nous avons constaté qu'une des mesures les plus utiles qu'un organisme donateur puisse prendre pour promouvoir le développement est de favoriser ce que nous appelons un environnement porteur.

Notre expérience dans les pays en développement nous a montré que ceux-ci ne manquaient ni d'imagination ni d'esprit d'entreprise. Souvent, ce sont les mauvaises politiques qui font obstacle à la croissance économique et à l'amélioration de la sécurité alimentaire. Il est donc fréquemment tout aussi productif de concentrer les efforts sur les grandes questions, comme la gouvernance, ou sur la promotion de la croissance économique ou l'amélioration des pratiques de gestion de l'environnement.

• 1550

De plus en plus, l'ACDI et d'autres organisations de la communauté du développement international prennent conscience que la terre—qui y a accès et de quelle façon elle est utilisée—est une question de développement fondamentale qui chevauche les priorités de développement de l'Agence. Non seulement l'accès sûr à la terre et à d'autres actifs joue un rôle clé dans la lutte contre la faim et la réduction de la pauvreté, mais la réforme foncière peut également atténuer les pressions qui forcent les paysans pauvres à s'installer à flanc de coteaux et dans des milieux fragiles, ce qui provoque généralement des catastrophes écologiques.

Nous avons pu constater dans des pays comme le Zimbabwe qu'un conflit à propos de la terre peut nuire considérablement à la croissance économique en général et à la sécurité alimentaire en particulier.

[Français]

L'importance de la croissance économique ne doit pas être sous-estimée. Les pays en développement qui connaissent une plus grande sécurité alimentaire sont aussi ceux qui ont enregistré une rapide croissance économique. Par exemple, les pays de l'est et le sud-est de l'Asie font preuve de ce phénomène. Un des meilleurs moyens pour certains pays en développement d'accroître la sécurité alimentaire est d'exporter des produits non alimentaires et d'importer des denrées alimentaires. Cela est particulièrement important pour les pays où l'environnement ne permet pas d'assurer l'autosuffisance alimentaire.

[Traduction]

Il n'est donc pas exagéré de dire que l'ACDI et les donateurs ont accordé moins d'importance au développement rural, mais qu'ils ont fait porter l'accent davantage sur le développement économique et social afin de réduire la pauvreté. Cela dit, l'ACDI continue de prendre des mesures visant directement à renforcer la sécurité alimentaire, et ce, pour assurer le mieux-être nutritionnel dans les pays en développement.

En 2000, la ministre pour la Coopération internationale, l'honorable Maria Minna, a publié un document intitulé Les priorités de développement social de l'ACDI: Un cadre d'action.

Compte tenu des priorités de programmation existantes de l'ACDI, le cadre d'action a mis l'accent sur quatre secteurs: la santé et la nutrition, l'éducation de base, le VIH/sida et la protection des enfants. La sécurité alimentaire relève du secteur de la santé et de la nutrition. Le financement pour ce secteur doublera au cours des cinq prochaines années. Il passera d'un peu plus de 152 millions de dollars à 305 millions de dollars par an, ce qui représentera un investissement total de plus 1,2 milliard de dollars sur cinq ans.

Le prochain Plan d'action de l'ACDI sur la santé et la nutrition insistera sur la sécurité alimentaire au niveau des ménages, ainsi que sur d'autres facteurs qui influent sur la nutrition, par exemple l'accès aux soins de santé et à l'éducation, l'inégalité entre les sexes, et l'allaitement. L'expérience montre que les programmes qui portent simultanément sur tous ces facteurs réussissent le mieux à réduire la malnutrition.

Parmi les programmes multilatéraux qu'appuie l'ACDI, mentionnons la promotion de l'allaitement, l'aide alimentaire d'urgence et à des fins de développement, les programmes visant à éliminer les carences en vitamines et en minéraux, ainsi que l'appui au Fonds international de développement agricole (FIDA), à la recherche agricole, par l'intermédiaire du Groupe consultatif pour la recherche agricole internationale (GCRAI).

L'expérience a montré à l'ACDI qu'un accès accru non seulement aux denrées alimentaires mais aussi aux vitamines et aux minéraux essentiels revêt une importance vitale pour de nombreux habitants des pays en développement et qu'il a souvent un effet spectaculaire sur leurs vies. Le Canada compte parmi les chefs de file de la lutte contre cette faim insoupçonnée.

Récemment, l'UNICEF a félicité le premier ministre pour l'engagement du Canada à fournir de la vitamine A, ce qui a permis de sauver la vie de près d'un million d'enfants dans le monde. L'UNICEF a utilisé les termes «un leadership international exemplaire». On évalue à sept millions le nombre d'enfants nés sans aucune déficience mentale en raison de la contribution de l'ACDI en tant que principal donateur aux programmes nationaux d'iodation du sel.

Notre programme de sécurité alimentaire pour le nord du Ghana prend pour assise une longue collaboration très fructueuse dans le domaine de la recherche d'adaptation de la vulgarisation, ainsi que le soutien continu au secteur de l'eau et aux technologies appropriées. Ce programme est élaboré en étroite collaboration avec des intervenants locaux et vise à soutenir la production alimentaire.

[Français]

Le Canada a été parmi les premiers pays donateurs à annuler les dettes des pays en développement en général et des pays moins avancés en particulier. Ne plus avoir à rembourser les prêts contractés auprès du Canada a permis à de nombreux pays d'utiliser les ressources ainsi dégagées pour stimuler le développement national afin d'améliorer la sécurité alimentaire ou importer des denrées alimentaires afin d'aider à assurer la sécurité alimentaire de leur pays.

• 1555

Les questions liées à la sécurité alimentaire et au mieux-être nutritionnel sont complexes. En outre, de nouveaux défis et possibilités se font jour dans le domaine de la sécurité alimentaire et ce, dans un monde marqué par la mondialisation, la libéralisation des marchés, l'urbanisation rapide, le VIH/sida, les conflits et la biotechnologie.

[Traduction]

Nous en savons aujourd'hui beaucoup plus au sujet du développement qu'il y a 50 ans. L'ACDI a trouvé de nouvelles façons d'utiliser ses fonds pour améliorer le mieux-être nutritionnel des populations des pays en développement. La capacité d'innovation de l'ACDI et notre leadership sont facilités par notre étroite collaboration avec un large éventail de partenaires, ne serait-ce que ceux de la société civile canadienne. Nous sommes impatients de continuer notre collaboration avec le Groupe de travail des ONG canadiennes envers des efforts mutuels pour réduire la faim partout dans le monde.

Merci.

Le coprésident (M. Bill Graham): Nous allons maintenant passer à Oxfam Canada, monsieur Stuart, n'est-ce pas?

M. Stuart Clark (directeur de la Politique, Banque de céréales vivrières du Canada): Je crois, en fait, si vous êtes d'accord, monsieur le président, que nous allons procéder dans un ordre différent, parce que nous formons en fait un groupe. Seriez-vous d'accord pour que nous commencions? Vous en comprendrez la raison quand nous parlerons.

Le coprésident (M. Bill Graham): Donc, Stuart Clark va passer avant Rieky Stuart.

M. Stuart Clark: C'est cela. Nous mettons Stuart I avant Stuart II.

Le coprésident (M. Bill Graham): Excellent. Ne commencez pas une guerre des Stuarts ou nous serons dans le pétrin.

M. Stuart Clark: J'aimerais dire d'abord pour commencer que pour nous tous ici dans cette salle—et nous en sommes certainement très conscients—le monde n'est vraiment pas ce que nous aimerions qu'il soit. Nous tenons tout particulièrement à remercier nos députés pour le lourd fardeau qu'ils portent ces jours-ci, et je pense que nous éprouvons beaucoup de gratitude envers vous qui avez choisi de prendre le temps de parler de la faim.

Je pense que c'est probablement un fait bien connu de vous, et certainement de nous, qu'il y a cinq millions d'Afghans affamés, affaiblis et pauvres qui viennent constamment à nous. Deux des organisations qui sont représentées ici contribuent à faire parvenir de la nourriture à ces gens.

J'aimerais mentionner que nous sommes ici pour représenter ce que nous appelons le groupe de réflexion des ONG pour la sécurité alimentaire. Je suis accompagné de Rieky Stuart, qui est la directrice exécutive d'Oxfam, et de Dominique Caouette, qui est agent de projet chez Inter Pares.

Nous représentons neuf organismes de secours et de développement du Canada qui font partie de ce groupe de réflexion sur la sécurité alimentaire. Nous participons tous à ses travaux pour diminuer la faim, soit en offrant directement de la nourriture ou en travaillant avec d'autres organismes pour accroître la production d'aliments et l'accès aux aliments pour les gens qui ont faim, soit en formulant des politiques qui permettront à ceux qui ont faim de s'alimenter plus facilement. Comme l'a dit Suzanne Vinet, notre point de référence est le Plan d'action du Canada pour la sécurité alimentaire, un document rédigé en collaboration entre le gouvernement et la société civile. C'est l'un des premiers plans d'action qui aient été dressés après le Sommet mondial de l'alimentation et il demeure, je crois, le seul plan d'action qui apporte ce type de contribution et se présente sous cette forme.

L'objectif du Sommet est de réduire le nombre des personnes dans le monde qui souffrent de la faim, d'une sur huit actuellement à une sur 20 d'ici à 2015. Ce n'est pas un objectif particulièrement ambitieux, d'une certaine façon, puisqu'il y aurait encore 400 millions de personnes affamées dans le monde—l'équivalent de la population totale du Canada, des États- Unis et du Mexique—cependant, au moment du Sommet mondial de l'alimentation et par la suite, nous avons tous pensé fixer un objectif réalisable.

Donc, les organisations que nous représentons ont décidé de se pencher ensemble sur les grands enjeux, particulièrement ceux de la politique sur l'aide à l'étranger et le commerce. Nous tenons à souligner clairement que ce ne sont pas les uniques enjeux de politique qui soient. De toute évidence, les politiques intérieures des pays en développement ont un rôle très important. Nous faisons cela parce que, tandis que nous participons de diverses manières à l'offre d'aide alimentaire et d'aide au développement, nous savons très bien qu'à long terme, les grandes questions structurelles ont une très grande incidence sur quelqu'un qui souffre de la faim aujourd'hui.

• 1600

Nous entretenons une bonne relation de travail avec le gouvernement et je pense que nous devons le souligner, et même prendre quelques minutes rien que pour dire que nous avons travaillé avec l'ACDI sur des idées pratiques visant le développement durable de l'agriculture, et nous avons travaillé sur le plan d'action pour la santé et la nutrition qui est la nouvelle toile de fond des discussions sur la sécurité alimentaire. Nous sommes heureux d'apprendre que la sécurité alimentaire à l'échelle nationale fera partie de cette priorité, comme cela a déjà été reconnu. Actuellement, il n'y a pas d'autre foyer réel pour la sécurité alimentaire au sein de l'ACDI.

Nous collaborons aussi avec le ministère de l'Agriculture et de l'Agroalimentaire dans le cadre d'un processus continu de consultation autour du Sommet mondial de l'alimentation et sur la question de la politique commerciale, au sujet desquels l'état- major du Canada a été très ouvert—et c'est un élément important.

Enfin, je voudrais décrire, en guise d'introduction, une espèce de contexte, ou du moins le contexte tel que nous le voyons.

Il est reconnu qu'il y a eu une baisse rapide de l'aide étrangère aux agriculteurs du monde, particulièrement ceux des pays en développement. Nous constatons que les programmes de sécurité alimentaire, à l'ACDI, au cours des dix dernières années, ont chuté de quelque chose comme 60 à 80 p. 100, ce qui représente, en fait, le double du taux de baisse de l'aide globale au développement à l'étranger. L'aide alimentaire a diminué de 70 p. 100 au cours de la même période.

En notre qualité de pouvoir vert, il y a vraiment de quoi se demander ce que cela signifie. Nous reconnaissons que les montants dépensés ne sont pas tout et nous félicitons l'ACDI pour les efforts qu'elle déploie pour essayer de faire une utilisation plus efficiente et plus efficace des ressources qu'elle a, mais nous avons le devoir de vous signaler, à vous, nos représentants, cette situation, le fait que nous semblons nous être démarqués de façon si décisive des programmes alimentaires et agricoles.

Mon dernier commentaire sur le contexte porterait sur le lien entre le commerce et la sécurité alimentaire.

Bien qu'on se soit tout à fait attendus à ce que l'Accord sur l'agriculture de l'OMC présente d'importants avantages pour les pays en développement, à bien des égards, ils ont renoncé à d'autres choses pour extraire certains éléments de cet accord. Une étude récente effectuée par la FAO a démontré assez clairement qu'il n'y avait pas les débouchés d'exportation. Ce qu'ils ont obtenu, c'est un tas d'importations d'aliments à un coût inférieur au prix de revient, ce qui a semé la pagaille dans l'agriculture locale. Ce n'est pas le genre de libéralisation des échanges commerciaux qui aidera à nourrir ceux qui ont faim.

Je crois que si vous voulez savoir ce qui pourrait les aider, je laisserai répondre nos divers intervenants. Je pense que nous pourrions laisser la parole, d'abord, à Rieky Stuart.

Le coprésident (M. Charles Hubbard): Madame Stuart.

Mme Rieky Stuart (directrice exécutive, Oxfam Canada): Merci beaucoup, monsieur Hubbard.

Monsieur le président, messieurs et mesdames les députés, c'est un grand plaisir que d'être ici en cette Journée mondiale de l'alimentation.

Je vais parler de l'accord sur l'agriculture et des négociations prochaines à Doha pour expliquer la directive, dont Mme Vinet a parlé, qui veut que les politiques commerciales du Canada accroissent la sécurité pour tout le monde.

Il me semble que les parlementaires ont une chance de pouvoir conseiller les négociateurs du Canada à Doha relativement à l'accord sur l'agriculture qui pourrait avoir un effet très positif sur la sécurité alimentaire. Permettez-moi de m'expliquer.

Les députés et ministres du Parlement canadien ont dit qu'il n'y a pas une solution universelle en matière de négociations commerciales, et c'est ce dont j'aimerais particulièrement parler, parce que les règles de l'OMC, du moins dans l'accord actuel sur l'agriculture, ont été formulées par les plus puissants, et dans leur propre intérêt. Elles sont relativement cohérentes. C'est la solution unique qui se veut universelle et elle nuit aux pays les moins développés et, aussi, à de nombreux autres pays en développement.

• 1605

L'alimentation et l'agriculture sont un domaine d'importance cruciale pour les pays en développement. C'est beaucoup plus important pour leur stabilité et leur bien-être que pour un pays comme le Canada où l'agriculture, bien qu'importante, n'est que l'un de nombreux facteurs de la vigueur de notre économie et de notre société. Pour le Canada, notre leadership en matière de commerce pour accroître la sécurité alimentaire ne nuira pas aux intérêts canadiens, mais a le potentiel de constituer une contribution réelle.

J'aimerais vous citer des mesures qui indiquent pourquoi la solution universelle, en matière de sécurité alimentaire, n'en est pas une. Ces mesures sont la conclusion des travaux de Shishir Priyadarshi, de Centre Sud, qui est venu de Genève pour être ici avec nous aujourd'hui.

Le secteur agricole continue d'être le principal employeur des pays à faible revenu. Il emploie plus de 70 p. 100 de la main- d'oeuvre des pays à faible revenu, contre 30 p. 100 dans les pays à revenu moyen et seulement 4 p. 100 dans les pays à revenu élevé. L'agriculture est un important facteur économique du PIB des pays en développement. Entre 1990 et 1996, la proportion de la participation de l'agriculture au PIB était de 34 p. 100 dans les pays à faible revenu, 8 p. 100 dans les pays à revenu moyen et 1,5 p. 100 dans les pays à revenu élevé de l'OCDE. L'agriculture est une source essentielle de devise et de revenu pour les pays en développement, puisqu'elle a compté pour 27,3 p. 100 des exportations des pays en développement et pour 34 p. 100 des exportations des pays les moins développés entre 1995 et 1997. Par comparaison, elle ne représentait que 8,3 p. 100 des exportations des pays développés au cours de la même période.

Ces chiffres donnent une idée de la raison qui fait que la stabilisation et l'amélioration de la production alimentaire dans les pays pauvres revêtent tant d'importance pour eux, tandis que l'effet serait loin d'être aussi grand dans notre pays si nous adoptions des mesures pour accroître cette productivité et préserver cette sécurité alimentaire.

Alors, que demandent les pays en développement? Ils demandent quelque chose qu'on appelle une «catégorie de développement» dans l'accord sur l'agriculture. Qu'est-ce qu'une catégorie de développement, ai-je demandé? C'est une série de dispositions rassemblées dans l'accord sur l'agriculture qui permettraient aux pays en développement les plus pauvres de préserver ou d'accroître leur sécurité alimentaire. Cela signifierait que les 800 000 producteurs de maïs du Mexique qui ont perdu leur emploi à cause du dumping pourraient être protégés.

Trois différents types de mesures sont proposés dans la catégorie de développement. Nous vous encourageons à conseiller aux négociateurs commerciaux du Canada d'appuyer, lors des prochaines négociations, à Doha, la discussion sur ce qui pourrait être intégré à la catégorie de développement.

Il y a trois éléments. Le premier, c'est l'accès aux marchés des pays développés. Pour un pays comme la Guyane, qui tire une grande partie de ses devises des exportations de produits comme le riz et le sucre, il est essentiel d'avoir un marché où exporter ces produits. Jusqu'ici, l'accès aux marchés des pays développés était très limité. Alors, quelles mesures peuvent-elles être intégrées à la catégorie de développement pour accroître l'accès?

J'ai été très heureuse d'entendre Mme Vinet dire que le Canada est disposé à réfléchir aux questions d'accès.

Le deuxième groupe d'enjeux touche à la protection. La protection se présente sous diverses formes mais, en particulier, les pays en développement doivent être capables de maintenir des barrières, des barrières tarifaires et d'autres barrières, qui empêcheraient les importations à bas prix d'inonder le pays. Les importations à bon marché ne font pas nécessairement baisser les prix au détail, ce que paient les consommateurs, dans les pays en développement, parce que les marchés sont déformés. Par contre, elles obligent les gens à quitter leurs terres et leur font perdre leur travail, et même leurs moyens de subsistance pour la production ne leur sont plus accessibles.

• 1610

Le deuxième groupe d'enjeux dont il faudrait discuter, dans le cadre des négociations relativement à l'accord sur l'agriculture, concerne la protection à long terme des pays les moins développés contre le dumping.

Le troisième domaine est le soutien à l'agriculture. Là encore, je tiens à reconnaître et à appuyer la position des négociateurs du Canada qui ont affirmé leur soutien à l'agriculture du Nord, aux subventions du Nord, et qui en ont fait leur position.

Lorsque les niveaux des subventions ont été établis, il est bien évident que les États-Unis et les pays de l'Union européenne, et dans une moindre mesure le Canada, étaient en mesure de subventionner l'agriculture, ou ont eu les moyens de le faire. Nous avons de bonnes routes. Nous appuyons l'entreposage et la transformation des produits agricoles. Nous soutenons le transport de diverses façons. Parfois, nous soutenons la production, comme le font d'autres pays.

Les pays pauvres n'ont pas eu cet argent à investir dans le soutien de l'accroissement de la productivité de leur agriculture, bien qu'il le faudrait. Avec la manière dont l'accord a été négocié, le niveau est très inégal, où les pays développés ont dit d'accord, nous n'augmenterons pas les subventions, bien qu'en fait elles aient augmenté, tandis que les pays pauvres se font dire, en gros, non, vous ne pouvez pas appuyer la consolidation de votre assise agricole parce que, alors, les règles du jeu ne seront plus égales. Il faut donc vraiment discuter de toutes ces questions relativement à la catégorie de développement.

L'une des questions qui ont été soulevées à ce sujet, et j'aimerais terminer là-dessus, c'est comment décider quels pays devraient pouvoir accéder à cette catégorie de développement et lesquels ne devraient pas y avoir accès? Comment distinguer entre les pays à revenus moyens et les pays les moins développés, les exportateurs potentiels d'aliments et ceux qui ne font pas partie des pays en développement?

C'est le genre de situation où, s'il n'y a pas de solution universelle, il nous faut nous demander comment proposer plusieurs solutions. Pour ce qui est des recommandations pour y parvenir, plusieurs moyens ont été proposés, et je pense que tous méritent que le Canada y réfléchisse et les soutiennent.

L'une des possibilités se rapporte au revenu par habitant; on pourrait dire que les pays les plus pauvres, dont le revenu par habitant est le plus faible, devraient avoir le droit de recourir aux dispositions de la catégorie de développement. Ou encore, on pourrait dire que si plus de 30 p. 100 de la population, ou 50 p. 100 de la population, participe à l'agriculture, il est trop risqué de provoquer l'instabilité et la volatilité des marchés et, par conséquent, notre critère pourrait être le pourcentage des habitants qui participent à l'agriculture.

Le dernier critère pourrait être le pourcentage des agriculteurs à faibles revenus ou à faibles ressources. C'est une expression qu'on retrouve dans l'accord actuel sur l'agriculture, mais elle n'est pas définie. Il me semble qu'il y a des moyens pour le Canada de promouvoir, si les parlementaires orientent les négociateurs, d'augmenter le potentiel d'accroissement de la sécurité alimentaire dans les échanges commerciaux. J'espère que vous y accorderez l'attention qu'il faut.

• 1615

Je m'excuse, j'ai perdu la voix. Je vous remercie.

Le coprésident (M. Charles Hubbard): Merci, madame Stuart.

Monsieur Caouette.

[Français]

M. Dominique Caouette (représentant, Inter Pares): Je vais faire ma présentation en français pour ajouter un peu de français.

J'aimerais que mes observations suivent celles qui ont été faites un peu plus tôt par mes collègues et par les représentants de l'ACDI et du ministère de l'Agriculture.

Comme il a été mentionné par mon collègue et aussi reconnu par M. Singleton de l'ACDI, il est inquiétant de constater à quel point l'aide canadienne au développement international, et en particulier l'aide pour la sécurité alimentaire, a été réduite depuis quelques années, spécialement en ce qui a trait aux déboursés pour les programmes visant la sécurité alimentaire. Cela est d'autant plus choquant que le Canada avait mis de l'avant plusieurs engagements importants durant le Sommet mondial de l'alimentation, en 1996, et aussi plusieurs engagements importants dans le Plan d'action du Canada pour la sécurité alimentaire qui avait été adopté en 1998.

C'est dans ce contexte difficile et préoccupant que nous aimerions proposer un certain nombre de recommandations quant à l'aide canadienne face à la sécurité alimentaire.

J'ai six recommandations concrètes, que j'aimerais vous présenter. La première, c'est qu'il importe d'augmenter, pour nous les ONG, le budget de l'aide canadienne consacré à l'agriculture durable, au développement rural et à la sécurité alimentaire, que ce soit au niveau des programmes bilatéraux, des programmes multilatéraux ou dans les prêts des institutions financières internationales. Il est important de se rappeler que dans les pays en développement, la majorité de la population vit encore dans le secteur rural ou dépend de l'agriculture pour son gagne-pain.

Cela est particulièrement important pour les régions du monde en développement où la sécurité alimentaire est des plus précaires. Concrètement, ce que nous recommandons, c'est la création d'une enveloppe budgétaire spécifique désignée «sécurité alimentaire», qui pourrait englober ces différentes initiatives.

Ce que M. Singleton a présenté, c'est une série de différentes initiatives au sein de l'ACDI, mais il n'existe pas une enveloppe ou un bureau s'occupant directement de la sécurité alimentaire, ce qui fait qu'il très difficile de voir comment les progrès ont été accomplis depuis 1996, étant donné qu'ils sont éparpillés dans plusieurs initiatives différentes.

Nous incitons aussi le gouvernement canadien à prendre des engagements précis et concrets à l'égard de programmes de sécurité alimentaire qui permettent d'obtenir des résultats et des progrès durables en matière de production alimentaire et du bien-être nutritionnel des citoyens qui vivent dans les pays les moins sécuritaires du point de vue alimentaire.

Ce qu'on a vu, c'est qu'en 1996 et en 1998, dans les documents qui ont été produits, il y avait beaucoup de déclarations de principes et d'intentions, mais peu de choses concrètes. Nous sommes cinq ans plus tard, c'est-à-dire cinq ans après le Sommet de Rome. On cherche les preuves et ce qu'on se dit maintenant, c'est que si on veut aller de l'avant, il faut se donner des moyens de mesurer, des indicateurs qui vont nous permettre de mesurer les progrès dans le temps.

Ma deuxième recommandation, c'est que l'ACDI soutienne davantage les programmes de réforme agraire. De ce côté, je suis heureux d'entendre M. Singleton annoncer que l'ACDI, comme l'a fait la Banque mondiale récemment, va porter plus d'attention aux programmes de réforme agraire, parce que les programmes de réforme agraire peuvent assurer l'accès aux petits producteurs à la terre et aux ressources aquatiques.

On aimerait, si possible, que l'accent soit mis spécialement sur le droit des femmes à l'accès à la terre et au crédit et sur le droit de posséder la terre. Ce sont souvent les hommes qui ont les titres des terres. Dans les pays en développement, il y a beaucoup de travail à faire et ça pourrait être une contribution intéressante et particulière de l'ACDI que de mettre l'accent sur le droit à la terre et sur l'accès au crédit pour les femmes.

Mon troisième noyau de recommandations, c'est que nous croyons qu'il est essentiel que le Canada appuie davantage les lois et les programmes qui ont pour objectif de protéger les droits des agriculteurs à posséder, conserver et utiliser leurs propres semences traditionnelles. Dans plusieurs pays, les agriculteurs gardent leurs semences d'une récolte à l'autre. Or, de plus en plus, la possibilité de le faire est menacée par les compagnies qui fabriquent les semences, les semences modifiées. On connaît tous les grandes compagnies, qui veulent imposer de plus en plus le droit de contrôler ces semences et de les privatiser.

Mon quatrième noyau de recommandations, c'est que le Canada, par le biais de l'ACDI, soutienne davantage l'agriculture durable, y compris les méthodes et les recherches locales et autochtones. Par exemple, au Bangladesh, il y a un mouvement paysan qui a redécouvert l'agriculture durable en utilisant ses propres semences et la technologie autochtone au lieu d'adopter une production agricole basée sur des intrants chimiques, des pesticides et des engrais. Ils ont plutôt utilisé leurs propres ressources écologiques. Cette forme de production mettrait davantage en valeur la production écologique et biologique et respecterait les écosystèmes souvent fragiles des pays en développement.

• 1620

Mon cinquième noyau de recommandations serait que le Canada accroisse d'au moins 50 p. 100 son aide alimentaire destinée aux pays en développement les plus vulnérables, c'est-à-dire les pays importateurs nets de produits alimentaires. Il existe un noyau de pays qui, à chaque année, doivent importer des denrées alimentaires pour pouvoir nourrir leur population. L'aide alimentaire aurait avantage à être concentrée sur ces pays.

Cela pourrait se faire par le biais d'un programme conjoint de l'OMC et du Programme alimentaire mondial, le PAM. Ce faisant, le Canada mettrait en place une première série de mesures visant l'application de l'Accord de Marrakesh. En effet, il nous paraît essentiel que le Canada prenne le leadership pour la mise en oeuvre immédiate de l'Accord de Marrakesh qui avait été signé au moment des négociations du Cycle Uruguay et qui, malheureusement, n'a pas encore été mis en oeuvre.

Le Canada pourrait jouer un rôle déterminant dans les négociations qui auront lieu à l'OMC en demandant la mise en place et l'application de cet accord, que les pays en développement et les pays développés ont signé déjà. Cet accord pourrait s'appliquer dans le cadre de l'OMC.

Finalement, nous enjoignons le Canada à faire en sorte que l'aide alimentaire canadienne soit fournie sous forme de subventions, qu'elle comprenne de l'aide financière et des denrées de base, et que la proportion de produits et de denrées achetés localement ou régionalement passe de 10 à 30 p. 100. Actuellement, il y a une limite au pourcentage de produits alimentaires pouvant être achetés localement. Ce qu'on voudrait faire, c'est proposer que les produits d'aide alimentaire soient achetés sur les marchés locaux et que cette proportion, qui est maintenant de 10 p. 100, monte à 30 p. 100.

De plus, il est important de contrer les abus de la monétisation de l'aide alimentaire par des exigences d'une plus grande efficacité financière, c'est-à-dire que si on monétise l'aide alimentaire, il faut s'assurer qu'il y a une rigueur dans la façon dont c'est administré, parce que dans bien des cas, il peut se créer des situations où ceux qui doivent recevoir l'aide ne la reçoivent pas.

Ces différents points, qui ont été présentés, font partie d'une série de documents que notre groupe de politiques a préparés. Ils sont ici. Ils sont plus détaillés et plus étoffés. Il nous fera plaisir de les faire circuler parmi ceux qui seront intéressés à les voir, après notre présentation. Merci.

[Traduction]

Le coprésident (M. Charles Hubbard): Merci beaucoup pour vos présentations. M. Graham vous fait ses excuses. Il devait prendre l'avion cet après-midi pour Toronto. Mme Augustine, la vice-présidente du Comité des affaires étrangères, s'est jointe à nous. Vous êtes la bienvenue, Jean.

Si tout le monde est d'accord, nous donnerons à chacun cinq minutes, ce qui comprend les questions et les réponses.

David, voulez-vous commencer?

M. David Anderson (Cypress Hills—Grasslands, Alliance canadienne): Merci, monsieur le président.

La sécurité alimentaire, c'est aussi la protection de notre système d'approvisionnement. Les représentants de l'agriculture des États-Unis affirment que les fermes et le système d'approvisionnement demeurent au nombre des cibles les plus exposées. Nous vivons dans un monde où les engrais peuvent facilement devenir des explosifs et les pesticides être transformés en armes chimiques, et où une petite quantité de bactéries peut altérer l'approvisionnement de milliers de personnes.

Le 5 avril, dans un témoignage devant le Comité permanent de l'agriculture, le vice-président exécutif de l'ACIAA, M. André Gravel, avait déclaré prophétiquement que le bioterrorisme est une menace réelle et, très nettement, une possibilité réelle.

Que doit faire le gouvernement, à votre avis, pour assurer la sécurité de notre système d'approvisionnement, et quelles mesures devez-vous prendre par le biais de vos propres programmes pour protéger le système d'approvisionnement des pays avec lesquels vous collaborez?

Le coprésident (M. Charles Hubbard): David, posez-vous votre question à un témoin en particulier? Ce pourrait être assez lourd si tout le monde devait y répondre.

M. Stuart Clark: Permettez-moi d'au moins tenter une première réponse.

Bien que je comprenne que vous vous préoccupiez surtout du Canada, je devrai répondre en fonction de mon domaine de travail—l'aide alimentaire internationale.

• 1625

C'est sûr qu'une situation de production locale pour la consommation locale réduit le circuit de transport et fait un système d'approvisionnement moins vulnérable. Ce n'est qu'un principe. Cependant, nous travaillons dans le domaine de l'aide alimentaire, alors souvent nous participons à l'envoi d'aliments assez loin, et le transport d'aliments sur une longue distance est, en soi, vulnérable.

Je suppose que c'est comme beaucoup de choses que nous connaissons. Nous n'aurions jamais pu imaginer qu'un être sensé puisse envisager d'empoisonner un chargement complet de céréales destinées à des gens affamés. Cependant, cela pourrait arriver, et je ne suis pas sûr que nous ayons des moyens d'empêcher ce genre de choses. En général, cependant, nous nous efforçons d'envoyer des aliments de bonne qualité et en quantités suffisantes, mais jusqu'ici, nous n'avons pas eu à composer avec la détection de microcontaminants.

M. David Anderson: Ma prochaine question s'adresse à Mme Vinet.

La sécurité alimentaire, au Canada, est très importante. Nous avons entendu cet après-midi que les pays en développement ont besoin d'accès, de protection et de soutien relativement à leurs programmes agricoles. Mais que fait notre gouvernement, dans ses négociations commerciales, pour protéger la ferme familiale au Canada?

Mme Suzanne Vinet: En août 1999, les ministres Vanclief et Pettigrew ont révélé la position initiale de négociation du Canada. C'est la même position que nous défendons à Genève et dans le cadre des négociations agricoles de l'OMC.

La prémisse de cette position de négociation est, en réalité, l'amélioration du système mondial d'échanges commerciaux, le système fondé sur les règles par lequel nos agriculteurs participent à la concurrence dans le monde, pour créer un environnement commercial plus équitable pour eux. L'objectif que nous visons, bien évidemment, est de tenter d'éliminer les subventions à l'exploitation, de réduire radicalement les niveaux de subventions faussant les échanges qu'offrent certains pays, et d'accroître l'accès au marché pour tous les produits de nos exportateurs agricoles.

La position que nous avons défendue à Genève est nettement favorable à la croissance de l'industrie agricole au Canada, dans le but d'avantager tous les agriculteurs du pays.

M. David Anderson: Je vous remercie.

Le coprésident (M. Charles Hubbard): Monsieur Duncan, vous avez une minute.

M. John Duncan (Île de Vancouver-Nord, Alliance canadienne): Le groupe des affaires étrangères et du commerce international a rencontré ce matin des membres du Parlement européen. En ce moment même, l'une de leurs principales initiatives se rapporte à l'étiquetage des OGM, et ce sera très certainement une entreprise coûteuse. De toute évidence, cela compliquera certaines exportations, dont vous avez parlé, des pays moins développés vers l'Europe.

Je me demande pourquoi votre mémoire évitait totalement de traiter de cette question. Avez-vous des commentaires à formuler? Est-ce que cela vous inquiète ou applaudissez-vous cette initiative? Nous ne pouvons pas savoir d'après votre mémoire si vous pensez que c'est une bonne mesure ou si vous pensez qu'elle nuira aux pays moins développés.

Le coprésident (M. Charles Hubbard): Madame Vinet.

Mme Suzanne Vinet: Il ne s'agissait pas de laisser le sujet de côté. C'est sans conteste une question très importante.

L'étiquetage est un enjeu, vous le savez bien, même au Canada. Nous avons eu des comités qui ont examiné tous les aspects des exigences en matière d'étiquetage. Mais nous avons dû faire un choix sur ce dont nous allions parler, et nous avons décidé de traiter plus directement du thème de la journée. Comme vous le savez, Agriculture Canada a collaboré de très près avec d'autres ministères qui s'intéressent à cette question très importante.

Pour ce qui est des pays moins développés, peut-être mon collègue...

M. John Duncan: C'est une question de sécurité alimentaire, cependant.

Mme Suzanne Vinet: Oui.

Le coprésident (M. Charles Hubbard): Nous devrons poursuivre. Je vous reviendrai. J'essaie de donner cinq minutes à chacun ici, puis je vous laisserai plus de temps après.

Murray.

M. Murray Calder (Dufferin—Peel—Wellington—Grey, Lib): Merci beaucoup, monsieur le président. J'ai deux questions à poser, dont l'une à Mme Vinet.

Ce processus de plafonnement, dont il a été question... en ce moment, le Congrès américain est en train de discuter du projet de loi de 2002 relativement aux fermes. Ce projet de loi représentera 260 milliards de dollars sur dix ans—26 milliards de dollars par année—ce qui est considérablement plus que ce qu'ils ont déjà investi. Le Brésil a déjà contesté leur intervention, à propos de la fève de soja.

• 1630

Comment ce processus de plafonnement parviendra-t-il à régler le problème? Est-ce que tout ne sera pas déjà terminé avant que nous nous en mêlions?

Mme Suzanne Vinet: En ce qui concerne ces 260 milliards de dollars dont on parle tellement, c'est en relation à une version du projet de loi sur les fermes qui a été proposée par la Chambre. Depuis lors, la Maison Blanche et l'USDA, l'administration, ont posé certains principes qui disent clairement que cette proposition de la Chambre, visant le renouvellement du projet de loi sur les fermes, ne serait certainement pas dans le sens que l'administration voudrait voir adopter à la politique agricole des États-Unis.

Il est certain que les événements survenus depuis qu'a été formulé ce projet de loi de la Chambre ont été tels que l'administration américaine ne s'attend pas à avoir le même genre de surplus budgétaire qu'elle envisageait au moment où les chiffres ont été présentés. Il est donc fort douteux que nous nous retrouvions avec un projet de loi agricole, à un moment donné de 2002, qui s'établisse réellement à ce genre de niveau; il a été remis en question à maintes reprises par l'administration américaine elle-même.

Maintenant, ceci ne change rien au fait que les niveaux des subventions versées par les États-Unis et les pays de la Communauté européenne sont certainement disproportionnés par rapport aux niveaux de soutien que d'autres pays peuvent fournir. C'est certainement l'un des éléments que le Canada a en commun avec plusieurs autres pays dans le monde en développement; nous visons l'égalité des règles du jeu, ou du moins de permettre à nos producteurs de faire une concurrence loyale aux producteurs d'autres pays.

Étant donné que certains pays peuvent se permettre d'offrir plus de soutien que d'autres, nous proposons, dans le cadre des négociations, l'idée du plafonnement des niveaux de soutien global qu'offrent les autres pays comme moyen de mettre fin à ces niveaux disproportionnés de soutien entre les différents pays.

M. Murray Calder: Ce processus de plafonnement s'établira-t-il donc aux niveaux actuels, ou allons-nous fixer des niveaux inférieurs? Actuellement, ils injectent environ 15 milliards de dollars.

Mme Suzanne Vinet: Non. Alors que les négociations progressent et que nous abordons les aspects plus techniques, il est évident que nous cherchons à obtenir des réductions plus importantes du niveau de subvention faussant les échanges qui sont offertes, pour garder ces niveaux assez bas. Le concept serait de plafonner, en général, tous les types de subventions, mais de tenter d'obtenir des réductions importantes des subventions faussant les échanges.

M. Murray Calder: D'accord.

Madame Stuart, vous avez parlé d'un même moule pour tous. Nous parlons de cette catégorie de développement. Dispose-t-on de fonds dans cette catégorie de développement et, si oui, d'où proviennent-ils?

Mme Rieky Stuart: La catégorie de développement n'est pas synonyme de fonds, c'est ce qui permet d'élaborer des règles qui...

M. Murray Calder: C'est toujours une question d'argent.

Mme Rieky Stuart: Pas dans la mesure où cela exige l'octroi d'une aide, mais certainement dans la mesure où cela permettrait aux pays en développement d'investir dans l'agriculture, s'ils ont les ressources voulues. C'est une question d'argent dans la mesure où cela empêcherait le genre de subventions déloyales à l'agriculture pour les exportations, qui vous préoccupent. S'agit-il toutefois d'un relèvement des subventions ou des niveaux d'aide? Non.

M. Murray Calder: Au cours de votre exposé, vous avez parlé des agriculteurs d'un pays, par exemple, qui essayent de vendre du riz sur un marché déprimé. S'ils n'arrivent pas à vendre du riz et à réaliser un profit, ils ne vont pas le cultiver. S'ils veulent créer un marché grâce au riz, on en revient évidemment à ce que je disais: il doit y avoir de l'argent quelque part pour appuyer cette production.

Est-ce que je me trompe?

Mme Rieky Stuart: S'ils cultivent du riz, comme ils le font, par exemple, en Guyane, au Cambodge, en Thaïlande ou en Chine, c'est d'une part, parce que c'est une culture traditionnelle et qu'ils en ont besoin pour des raisons de subsistance et, d'autre part, parce que cette culture peut être profitable ou faire rentrer des devises étrangères si elle est exportée—peut-être. La question qui se pose est la suivante: dressons-nous des obstacles qui empêchent le Canada, l'Europe ou l'Amérique d'importer ce riz qui serait en concurrence avec la production intérieure?

• 1635

M. Murray Calder: Je crois que c'est un droit acquis maintenant. C'est pour cela que nous négocions par l'entremise de l'OMC.

Mme Rieky Stuart: Exactement.

M. Murray Calder: D'accord.

Le coprésident (M. Charles Hubbard): Merci, Murray.

Madame Lalonde.

[Français]

Mme Francine Lalonde (Mercier, BQ): Merci à vous tous.

Je dois vous dire, monsieur le président et madame la présidente, que ce qui me trouble le plus, c'est que nous n'avons encore que quelques minutes pour discuter de cette question-là, qui est énorme. Vous nous arrivez avec deux visions franchement différentes: une qui provient du ministère et qui dit que la libéralisation du commerce et l'absence de subvention vont tout régler, et la vôtre. Vous nous arrivez avec la boîte de développement et des mesures très précises pour les pays les plus mal pris. Quant à moi, franchement, j'ai plus de sympathie naturelle pour la deuxième vision.

Je voudrais que vous m'aidiez à comprendre pourquoi la première vision peut ne pas aider les pays en voie de développement. Ce que j'en comprends, c'est que quand on ne met l'accent que sur l'augmentation de la production, et même l'achat par les pays développés, ce qu'on encourage, dans les pays en voie de développement, c'est le contrôle par quelques riches propriétaires là-bas qui achètent les récoltes avant qu'elles ne soient produites et pour lesquelles ils ne paient souvent qu'un prix dérisoire aux petits producteurs. Je sais que la Banque mondiale a travaillé à l'élaboration d'un programme visant à donner une assurance qui permettait aux petits producteurs de ne pas vendre leur récolte à perte.

J'ai une question très précise. À combien estimez-vous la part de l'aide donnée par le Canada—aide qui rétrécit comme une peau de chagrin parce que cette aide est maintenant la moitié de ce qu'elle était en 1990 par rapport à notre richesse—qui devrait aller à l'agriculture? Vous avez parlé d'augmenter cette part. Pour nous guider dans notre décision, quelle devrait être cette part? J'aimerais aussi, s'il vous plaît, entendre de nouveau l'argumentation qui permet de dire que ce n'est pas vrai qu'il n'y a que la libéralisation du commerce qui va aider, à divers degrés, les pays en voie de développement.

M. Dominique Caouette: Je pense que ce que l'expérience a démontré, et que l'ACDI va reconnaître aussi, c'est qu'il n'y a pas de voie royale pour le développement. Il n'y a pas qu'une seule solution, qu'une seule façon de faire pour arriver au développement.

Ce qu'on a vu, avec la libéralisation du commerce, c'est qu'il y a eu une augmentation de la concentration de la richesse dans les pays en développement, une augmentation de la concentration de la propriété terrienne et, troisièmement, une plus grande dépendance de l'agriculture industrielle, qui a beaucoup besoin d'intrants, c'est-à-dire que les pesticides, l'investissement en capital est beaucoup plus grand.

Ce qu'on a vu, d'une part, dans les pays en développement qui ont ouvert leur marché, c'est que les productions traditionnelles ont été déplacées. Par exemple, le riz a été déplacé aux Philippines; le maïs, au Mexique. D'autre part, la terre a été concentrée pour des productions qui sont dans les marchés à l'extérieur, par exemple l'élevage de bétail au Mexique pour le marché américain. Ce qu'on a aussi vu, c'est que la richesse qui a été créée a été concentrée de façon plus grande.

Deuxièmement, les pays les plus pauvres ne sont pas équipés pour faire compétition nécessairement aux grands producteurs comme le Canada, la Communauté européenne et les États-Unis, qui ont un niveau de subventions beaucoup plus grand et où la recherche en agriculture est beaucoup plus avancée. De plus, les compétences qu'ont ces pays-là dans les négociations de libre-échange et d'intégration économique sont beaucoup plus élevées. Le délégué du Bangladesh qui va à l'OMC a un ou deux conseillers avec lui; les Américains arrivent là avec des milliers de conseillers.

Ce que nous proposons, ce sont deux façons de faire. La première, c'est de renforcer la capacité des pays en développement de négocier des accords qui leur sont plus favorables. La deuxième, c'est de dire au Canada qu'il peut jouer un rôle clé. Il peut assurer certaines concessions économiques, dans le cadre des négociations, qui n'affecteraient pas nécessairement les exportations canadiennes, mais qui donneraient un grand avantage aux pays. Nous parlons de special and differential treatment, des traitements différentiels qui seraient garantis pour une plus grande période de temps. Nous suggérons aussi de renforcer les recherches en agriculture, en méthodes de production peu coûteuses.

Le Canada a signé ces accords-là. Le Canada a signé l'Accord de Marrakesh, qui disait qu'étant donné que la marché serait libéralisé, il devait y avoir une période de transition où certaines formes de subventions à la recherche, au développement de méthodes de production moins coûteuses seraient permises.

• 1640

Plusieurs initiatives ont été mises en oeuvre—l'ACDI en supporte plusieurs—pour améliorer les semences traditionnelles, celles qui ne sont pas fabriquées à l'étranger, comme je l'ai mentionné, pour maximiser le potentiel agricole et rural ainsi que la main-d'oeuvre et pour augmenter la richesse de beaucoup de pays en développement.

Au Bangladesh, il y a une population importante qui peut travailler et contribuer. Pourquoi ne pas trouver des façons de produire qui permettent, premièrement, de produire localement, deuxièmement d'employer le plus de gens possible et, enfin, d'assurer l'approvisionnement alimentaire à long terme.

La tendance actuelle est d'envoyer des vitamines ou des suppléments nutritifs à la population en disant aux gens qu'on va régler leurs carences en vitamine A, sauf que ce n'est pas valable à long terme. Si, cinq ans plus tard, l'ACDI change ses priorités ou si les donateurs changent les leurs, qu'advient-il des suppléments nutritifs? On doit, si on veut favoriser un développement durable et à long terme, créer une infrastructure en capital social qui permette d'appuyer l'agriculture et une pénétration progressive dans le libre marché

Mme Francine Lalonde: Vous avez un pourcentage?

M. Dominique Caouette: Le pourcentage? Ce qui est arrivé c'est que l'aide canadienne... On reconnaît que l'aide canadienne a diminué en général, mais la diminution de l'aide à l'agriculture a été facilement deux fois plus rapide. Il faut, et je pense que l'ACDI s'en rend compte, renverser la vapeur et retourner vers la base. La Banque mondiale s'en est rendu compte en disant qu'il fallait retourner à la réforme agraire.

De même, en Angleterre, l'aide internationale britannique a redonné de l'importance au secteur agricole. Je pense qu'il faut renverser la vapeur et réinvestir dans l'agriculture pour la rendre durable. Cela constituerait une recommandation, un «credential», pour le Canada.

Merci.

[Traduction]

Le coprésident (M. Charles Hubbard): Merci, monsieur Caouette.

Marlene Jennings.

[Français]

Mme Marlene Jennings (Notre-Dame-de-Grâce—Lachine, Lib.): Je vous remercie beaucoup de vos présentations.

Comme Mme Lalonde l'a mentionné, il semble y avoir deux visions contradictoires. Comme Mme Lalonde vous a déjà questionné sur la vôtre, j'aimerais entendre ce que M. Singleton peut nous dire de la vision de l'ACDI.

Sa présentation contenait certaines affirmations à l'effet que la sécurité alimentaire ferait partie du secteur de la santé et de la nutrition, que dans le plan d'action, les investissements dans ce secteur vont doubler d'ici cinq ans, etc. J'aimerais donc entendre l'opinion de M. Singleton sur les recommandations que vous nous faites et qui ne s'accordent du tout avec la vision de l'ACDI, et savoir pourquoi l'ACDI a choisi la voie qu'elle a choisie.

[Traduction]

M. Bill Singleton: Merci.

Comme j'espère l'avoir souligné, nous prenons toujours la question de la sécurité alimentaire très au sérieux. Il ne fait aucun doute qu'elle a diminué. Les hauts fonctionnaires de l'ACDI ont pris des mesures pour faire en sorte que nous utilisions le mieux possible les ressources que nous avons dans ce secteur.

Mon collègue, M. Macgillivray, a préparé des lignes directrices pour les programmes de l'agriculture, de l'alimentation et de la nutrition, afin de les améliorer.

Je n'esquive pas la question qui a été soulevée, car le client compte pour nous tous, mais nous cherchons à donner suite aux demandes des pays avec lesquels nous travaillons. Parallèlement à notre engagement, un des éléments clés de notre nouvelle philosophie dans le cadre de l'exercice relatif à l'efficacité de l'aide—que notre ministre dirige depuis quelques mois—qui est également l'une des meilleures pratiques adoptées par d'autres donateurs, consiste à donner les commandes aux pays en développement.

Nous pouvons instaurer avec eux un dialogue politique et essayer de leur rappeler l'importance des secteurs de l'agriculture. Nous pouvons présenter de bonnes idées et faire preuve d'innovation, etc., mais au bout du compte, nous essayons de donner suite le mieux possible aux priorités d'un pays en développement. Nous avons un certain pouvoir discrétionnaire à cet égard, mais c'est l'un des éléments.

Pour ce qui est du pourcentage du total des programmes, on estime qu'en se basant sur une définition relativement étroite d'un programme en matière de sécurité alimentaire ou de développement agricole et rural, cela se situe aux environs—et je souligne qu'il s'agit d'une définition étroite—de 5 p. 100 du total des programmes. Toutefois, on peut se baser sur une définition plus large et reconnaître que n'importe quel bon programme ou projet dans un pays en développement touchera probablement plus d'un secteur particulier.

• 1645

Un des problèmes constants auquel nous sommes confrontés—et cela s'applique à tous les organismes donateurs—est le suivant: quel code attribuer aux programmes, aux projets, pour savoir exactement ce que l'on fait véritablement. Par conséquent, il se peut que des éléments de sécurité alimentaire se greffent à un projet codé comme relatif à l'eau ou relatif à l'équité entre hommes et femmes. S'agit-il de 7,5 p. 100, 10 p. 100 ou 20 p. 100 dans le domaine de la sécurité alimentaire en général, je serai franc avec vous, je ne le sais pas. On ne ferait que manipuler les chiffres si l'on essayait d'être aussi précis.

Je vais également aborder certaines des questions relatives à la libéralisation du commerce et au rôle que l'ACDI joue dans ce domaine. Une question a été posée plus tôt et nous n'avons pas eu l'occasion d'y répondre; je veux parler de la question de l'étiquetage des organismes génétiquement modifiés et des produits spéciaux, etc.

Nous n'avons pas traité de ce problème dans le cadre de notre aide technique liée au commerce qui vise la création de capacités dans les pays en développement. Nous avons par contre discuté de cette question dans le cadre des discussions tenues à l'OMC, à Genève. Nous avons maintenant au sein de la mission du Canada, un poste consacré aux questions de commerce et de développement. Il s'agit d'un emploi à plein temps et le titulaire doit indiquer au gouvernement du Canada dans son ensemble—et non pas simplement à l'ACDI—ce que pensent vraiment les pays en développement. Cette personne provient de l'ACDI, mais c'est uniquement parce que nous sommes arrivés les premiers cette fois-ci. Le titulaire de ce poste pourrait venir d'un autre ministère, la prochaine fois.

Les gouvernements des pays en développements reviennent constamment sur l'importance du commerce. J'ai entendu des ministres du Bangladesh parler de l'horrible problème du chômage auquel ils font face et de la nécessité de créer des emplois pour les jeunes hommes et les jeunes femmes de leur pays. Dans l'industrie du vêtement au Bangladesh, 20 millions de femmes sont employées, essentiellement pour l'exportation. Ce n'est pas l'agriculture, mais il y a certainement des analogies à faire.

Par conséquent, nous pensons que la croissance économique ne peut pas, à elle seule, résoudre les problèmes de la pauvreté. C'est parfaitement clair. Dans les années 50, on croyait que c'était le cas, mais il a fallu très vite abandonner cette notion. Ce n'est pas aussi facile que cela, c'est un exercice à long terme. La croissance économique est toutefois une condition nécessaire et pour les pays en développement, cette croissance passe par les exportations, les exportations de produits agricoles.

Par conséquent, nous essayons à l'ACDI d'arriver au meilleur compromis possible, dans un monde imparfait de programmes—dans le domaine de la sécurité alimentaire, telle que traditionnellement définie—en ayant recours à l'aide alimentaire le plus efficacement possible à des fins d'urgence ou de développement.

À titre d'exemple—je vais m'arrêter là dessus, car il le faut bien—citons notre programme relatif à la tuberculose. Mes collègues médecins me disent que pour qu'une société règle le problème de la tuberculose comme il le faut, il faut prévoir un traitement d'une durée de six mois. Toute personne qui a la tuberculose va commencer à se sentir mieux au bout du premier mois, si bien qu'elle risque de cesser de prendre les médicaments voulus. Le problème, comme la plupart d'entre vous le savez, c'est que cela ouvre la voie à des souches bactériennes qui sont résistantes aux antibiotiques. C'est la raison pour laquelle votre médecin vous dit toujours de prendre des antibiotiques sur la durée totale de 14 jours. Dans ce cas particulier, il s'agit de six mois.

Nous nous servons de l'alimentation comme incitatif dans ce cas précis pour que ces personnes reviennent pour leur traitement contre la tuberculose. C'est l'objectif de ce projet en matière de santé. Une façon de procéder—c'est peut-être très simple—consiste à leur offrir des aliments gratuits ou subventionnés. Une fois que les six mois sont écoulés, faut-il dire qu'ils n'ont plus droit aux aliments? C'est assez difficile à faire, mais c'est un domaine dans lequel nous essayons d'avoir des programmes polyvalents qui visent l'alimentation mais aussi de nombreux autres objectifs.

Nous en tirons-nous aussi bien que nous le devrions? Inévitablement, non. Nous ne sommes pas satisfaits de ce que nous faisons actuellement, mais nous essayons de procéder de diverses façons, tout en restant à l'écoute des pays en développement.

• 1650

Le coprésident (M. Charles Hubbard): Nous avons dépassé cinq minutes. Marlene, vous nous devez du temps.

Mme Marlene Jennings: Ma question était très brève.

Le coprésident (M. Charles Hubbard): La réponse était bonne et je n'ai pas voulu interrompre notre témoin. Je suis sûr que le NPD va maintenant parler de la libéralisation, de la globalisation, etc.

M. Dick Proctor (Palliser, NPD): Merci, monsieur le président.

J'ai lu le rapport présenté aujourd'hui par Inter Pares, la Banque de céréales vivrières du Canada et Oxfam. Je dois dire aux fonctionnaires ici présents qu'il s'agit à mon avis d'un rapport très troublant. Il me semblait que nous avions fixé des objectifs concrets que nous avions conjointement acceptés il y a quelques années et il semble que nous ne soyons pas près de les atteindre. En fait, il semble que dans certains cas, nous allions aujourd'hui à l'opposé.

Le commerce est l'un de ces secteurs et je suppose que ma question s'adresse à Mme Vinet. Je vais juste lire une partie de la phrase:

    [...] dans sa politique en matière de commerce international, le Canada a poursuivi avec vigueur ses intérêts à titre d'important exportateur alimentaire, mais n'a nullement tenu ses promesses d'aider les pays dont la sécurité alimentaire était compromise par les règles de l'OMC.

Quelle conclusion en tirer et, plus important encore, qu'allons-nous faire à l'avenir pour corriger ce problème?

Mme Suzanne Vinet: J'ai lu le rapport un peu plus tôt, mais je n'en ai pas la référence exacte ici. D'après le contexte, cela nous renvoie à la déclaration ministérielle faite dans le cadre de l'Accord de Marrakech.

Les ministres ont déclaré comprendre la situation particulière des pays en développement importateurs nets de denrées alimentaires et ils se sont engagés à faire en sorte que certaines questions soient réglées ou facilitées au cours de la période de mise en oeuvre.

En fait, les ministres des pays membres sont allés de l'avant et ont mis en oeuvre l'Accord de Marrakech—peut-être pas parfaitement, peut-être pas au niveau souhaité par certains des pays en développement. Nous reconnaissons toutefois que nous sommes allés de l'avant et que nous avons mis en oeuvre les divers aspects de l'Accord de Marrakech.

Dans ce contexte, je vais me pencher, très brièvement, sur quatre éléments clés de cet accord. M. Singleton a parlé de l'aide alimentaire et de la perspective du Canada en la matière, mais nous avons joué un rôle de premier plan au moment de la renégociation de la convention relative à l'aide alimentaire en 1999. Nous avons été très attentifs aux exigences des pays en développement importateurs nets de denrées alimentaires et des pays qui avaient besoin d'aide alimentaire. Nous avons essayé d'améliorer la convention relative à l'aide alimentaire pour tenir compte de certaines de ces considérations particulières.

Pour ce qui est de l'aide technique, M. Singleton a répondu à plusieurs de ces questions. Plus précisément, nous fournissons également directement, par exemple, les connaissances spécialisées et l'expertise du ministère pour certains des programmes de développement que nous offrons dans plusieurs pays en développement.

La question du crédit à l'exportation et du financement au niveau de l'importation alimentaire fait partie des aspects importants. Pour ce qui est des crédits à l'exportation, nous sommes un participant très actif et nous essayons d'apaiser certaines des inquiétudes fort légitimes des pays importateurs nets de denrées alimentaires, à propos de la nature de l'aide alimentaire et de certains des effets préjudiciables de certaines pratiques actuellement adoptées par certains pays sur leurs marchés. Nous essayons de réglementer tout cela, en définissant clairement ce qu'est l'aide alimentaire légitime et en s'assurant qu'elle est fournie sous forme de subvention intégrale. Nous faisons beaucoup d'efforts dans ce sens.

Pour ce qui est des difficultés à court terme que pose le financement des niveaux normaux d'importation commerciale, les pays membres ont longuement débattu à l'OMC, à Genève, de la façon dont on pourrait régler cette question particulière. En fait, certaines des suppositions émises n'ont pas vraiment été complètement vérifiées. Beaucoup de pays prétendent que la facture d'importation de denrées alimentaires est à la hausse, alors qu'en fait ce n'est pas le résultat observé au cours des cinq ou six dernières années, au cours de la mise en oeuvre.

Néanmoins, nous prenons cette question très au sérieux. De concert avec le Comité de l'agriculture, nous avons maintenant convenu avec le vice-président de ce comité de créer un groupe d'experts pour débattre de manière plus approfondie des façons de régler les problèmes de règlement des factures d'importation de denrées alimentaires auxquels seront confrontés certains pays dans l'avenir, même si cela n'a pas vraiment posé de problème jusqu'ici. Nous sommes tout à fait prêts à examiner des façons pratiques de régler ces questions, au cas où elles se poseraient à l'avenir.

• 1655

Par conséquent, je crois qu'il s'agit de savoir si l'Accord a été mis en oeuvre ou non. À notre avis, il l'a été et nous avons examiné les divers aspects que renferme la déclaration ministérielle. Nous convenons que l'on pourrait en faire plus dans certains domaines et nous examinons bien sûr la façon de régler directement les questions posées par les pays en développement. Nous ne disons pas que leurs préoccupations ne sont pas légitimes et nous travaillons en étroite collaboration avec eux pour essayer de trouver des solutions.

Le coprésident (M. Charles Hubbard): Nous avons un petit problème des deux côtés, car si les réponses ne sont pas très brèves ou succinctes, d'autres ne pourront pas poser de questions.

Dick, êtes-vous satisfait des réponses obtenues?

M. Dick Proctor: Je passe mon tour.

Le coprésident (M. Charles Hubbard): M. Clark a patiemment attendu que les témoins répondent à deux questions.

M. Stuart Clark: Monsieur le président, vous pouvez rapidement me rappeler au Règlement et je ne lèverai plus la main. Ce que je veux dire, c'est que nous avons quelqu'un ici parmi nous dont le travail à plein temps consiste à être à l'écoute des pays en développement et à travailler avec leurs délégations sur des questions exactement semblables à celles que vous avez soulevées. Peut-être est-ce à cause de cette capacité d'écoute que nous avons utilisé le langage que vous retrouvez dans notre mémoire.

C'est quelqu'un d'extrêmement concis et, avec la permission de la présidence... je ne crois pas que quiconque souhaite entendre des données trop techniques, mais il pourrait vous donner un aperçu rapide de ce que pensent les pays en développement—ce qui semble correspondre à une intervention très opportune en cette Journée mondiale de l'alimentation. Je comprends que le fait d'avoir un témoin en séance ne cadre pas nécessairement avec le protocole, mais je vous encourage à saisir cette occasion, très rare. Est-ce acceptable?

Le coprésident (M. Charles Hubbard): Oui.

M. Rick Borotsik (Brandon—Souris, PC/RD): Vous avez piqué notre intérêt et je veux savoir de qui il s'agit.

M. Stuart Clark: Je demande donc au spécialiste de se lever.

Permettez-moi de vous présenter Shishir Priyadarshi, spécialiste du commerce agricole dans un organisme appelé South Centre.

M. Shishir Priyadarshi (spécialiste en commerce agricole, South Centre, Genève): Merci, monsieur le président. C'est un privilège d'être présent parmi vous et un honneur de parler devant vous.

Au South Centre, nous travaillons avec les pays en développement de très près depuis deux ans, dans le cadre des négociations sur l'agriculture. Très brièvement, tout ce que je voudrais dire à cette auguste assemblée, c'est que pour beaucoup de pays en développement, les négociations actuelles relatives à l'agriculture ne traitent pas du commerce, mais plutôt de la capacité à protéger les petits agriculteurs, à soutenir leur agriculture dans le but d'assurer la sécurité alimentaire et, partant, d'atténuer le problème de la pauvreté. Un très grand nombre de pays ne considèrent donc pas ces négociations comme étant purement une affaire de commerce, mais ils sont fortement en faveur de l'orientation qui pousse vers un système agricole équitable, libéralisé et fondé sur des règles, comme celui que défendent le Canada et d'autres pays du groupe de Cairns.

Toutefois, le seul argument qu'ils présentent—et comme je crois qu'il en a été question plus tôt, je ne veux pas m'étendre là dessus—c'est que pour leur permettre de régler leurs problèmes très caractéristiques qui découlent de la dépendance de populations nombreuses de l'agriculture, de l'extrême vulnérabilité et volatilité de ce secteur, tout ce qu'ils demandent, c'est de bénéficier de certaines exemptions des règles générales qui vont découler des négociations. Ils ont présenté cette proposition sous forme de catégorie de développement.

La catégorie de développement—et je vais répondre à une question soulevée un peu plus tôt—n'exige pas de subvention, pas d'argent. Tout ce qu'elle exige, c'est que ces pays bénéficient de certains assouplissements, lesquels peuvent être très ciblés. Ils peuvent être proposés aux pays dont le revenu par habitant est inférieur à un certain niveau des groupes à faible et moyen revenu, niveau établi par la Banque mondiale. Ils peuvent même être accordés pour les cultures de base dans l'optique de la sécurité alimentaire. Il est inutile de prévoir ce genre d'assouplissement pour tout, mais on peut le proposer pour les cultures de base dans l'optique de la sécurité alimentaire.

• 1700

Cet assouplissement peut également viser uniquement les agriculteurs à bas revenu qui disposent de peu de ressources. C'est ce que prévoit l'Accord OMC sur l'agriculture.

C'est en fait pour régler ces genres de problèmes de développement que toute cette proposition a été présentée.

Je n'ai pas grand-chose à dire, si ce n'est que le Canada est véritablement considéré comme un pays ami par beaucoup de pays en développement et je crois que le sujet de ces discussions de cet après-midi ne peut que renforcer ce point de vue. Malgré les réserves que le Canada pourrait avoir à propos d'une catégorie de développement, l'appui du Canada pour ce concept permettra de consolider de tels liens.

Merci beaucoup de m'avoir donné l'occasion de m'exprimer.

Le coprésident (M. Charles Hubbard): Merci. Auriez-vous l'obligeance de rester à la table, je vous prie?

John Harvard, vous avez des questions?

M. John Harvard (Charleswood St. James—Assiniboia, Lib.): Une seulement. Elle s'adresse à Rieky Stuart, bien que le dernier intervenant pourrait aussi y répondre.

Madame Stuart, vos observations ont conjuré dans mon esprit des images de sociétés multinationales qui envahissant agressivement des pays en voie de développement et qui, à l'aide des technologies de vente et de marketing les plus récentes ruinent littéralement leurs économies agricoles. Il me semble que nous sommes en présence de valeurs contradictoires. Une société—disons, une société canadienne—qui ferait cela, qui s'implanterait dans un pays en développement et porterait préjudice à l'économie agricole locale, serait probablement louangée dans la presse nationale et, qui sait, son PDG recevrait sans doute l'Ordre du Canada. Je vous laisse imaginer la réaction dans les pays du tiers monde.

J'aimerais que vous me donniez un exemple concret, particulièrement si cet exemple met en cause une société canadienne, pour nous faire comprendre comment une démarche commerciale aussi agressive peut être très dommageable pour une économie agricole locale. Évidemment, cela nous amène à votre suggestion concernant la création d'une boîte de développement qui me semble aller à l'encontre de la notion même de libéralisation des échanges.

Pourriez-vous me donner quelques exemples, ou seulement un, afin d'illustrer cet effet pervers?

M. Stuart Clark: Je vais me substituer à ma collègue, si vous n'y voyez pas d'inconvénients.

M. John Harvard: D'accord, monsieur.

M. Stuart Clark: Je peux vous donner l'exemple du marché du maïs au Kenya. Le Kenya est un pays d'Afrique de l'Est où les gens se nourrissent surtout de maïs blanc. Jusqu'en 1985, il était pratiquement autosuffisant en maïs blanc. Parfois, les mauvaises années, il devait en importer un peu, mais les bonnes, il pouvait en exporter un peu. Grosso modo, il était autosuffisant. Or, depuis 15 ans, le Kenya est devenu un très gros importateur de maïs.

Que s'est-il produit? En 1992—et nous faisons des recherches sur le sujet à l'heure actuelle—, dans le cadre d'un programme d'ajustement structurel, on a demandé au Kenya de supprimer toute restriction quantitative à l'importation du maïs. Le maïs provient surtout d'Afrique du Sud. En effet, c'est en Afrique du Sud que l'on produit le maïs à un coût des plus. L'Afrique du Sud a inondé le marché et la production de maïs locale a chuté.

Je suis allé là-bas et j'ai parlé à des agriculteurs. Ils m'ont dit qu'au prix qu'ils obtenaient pour leur maïs à l'heure actuelle, ils ne pouvaient se permettre d'acheter de l'engrais. La production a donc dégringolé davantage. Finalement, les agriculteurs n'ont plus été en mesure de cultiver le maïs.

Je ne sais pas si je peux nommer la société transnationale en cause. Il ne fait aucun doute que certaines grandes sociétés participent à l'acheminement du maïs de l'Afrique du Sud vers le Kenya. C'est un exemple classique d'un cas où l'élimination des barrières commerciales a fait en sorte que le maïs a pu pénétrer ce marché à un coût plus faible que le coût de production mondiale—quoique dans le cas du maïs d'Afrique du Sud, cela correspond peut-être tout juste au coût de production—, et compromettre ainsi la subsistance d'un grand nombre d'agriculteurs.

Dans un monde idéal, ils pourraient commencer à coudre des chemises l'année prochaine, mais malheureusement l'importation de vêtements usagés a détruit l'industrie du textile du pays. Nous devons donc trouver autre chose, mais le problème, c'est qu'il n'y a rien d'autre. Il faut donc trouver un moyen d'empêcher que la situation dégénère au point où la Banque alimentaire sera obligée d'envoyer de la nourriture au Kenya indéfiniment.

• 1705

M. John Harvard: Mais si nous allons dans cette direction, Stuart, pour protéger l'économie agricole du Kenya, pour reprendre votre exemple, n'allons-nous pas simplement revenir à la vieille époque des barrières non tarifaires et de l'influence politique? C'est la politique qui décidera qui gagne et qui perd. Même dans l'ancien système, où le commerce n'était pas libéralisé, il y avait des gagnants, mais il y avait aussi énormément de perdants.

M. Stuart Clark: Évidemment, aucune anecdote ne résiste aussi bien à l'examen qu'une vue d'ensemble. Et au Kenya, la situation intérieure était telle qu'un grand nombre de personnes importantes s'en sont mis plein les poches à l'époque des restrictions quantitatives. Maintenant, certaines personnes font tout autant d'argent avec les importations de maïs de sorte que ce n'est pas une situation facile.

Je vais essayer de répondre à la question de savoir si ce serait un recul que d'adopter une boîte de la sécurité alimentaire. D'après nous, si les pays pouvaient bénéficier de souplesse, ce serait une bonne chose. Ce n'est pas comme si l'on forçait le Kenya à faire quelque chose, mais dans ce scénario, le Kenya pourrait examiner de près ses ressources. Il pourrait déterminer ce qui est viable à long terme tant sur le plan environnemental que social et prendre des mesures pour maximiser ses ressources.

À l'heure actuelle, l'abondance de maïs blanc à bas prix écarte cette possibilité et impose aux petits agriculteurs de décider s'ils doivent se lancer dans la production laitière, la culture de légumes, ou autre chose. Vont-ils cultiver des fleurs? Et quelles sont les barrières à l'entrée de ces autres produits? Ils n'ont que très peu d'options, et je pense qu'il serait bon de leur garantir cette souplesse. Il se peut que les dirigeants du pays décident dans 20 ans d'importer la moitié du maïs nécessaire à la consommation parce que les agriculteurs concernés ont trouvé d'autres moyens de subsistance.

M. John Harvard: Merci.

Le coprésident (M. Charles Hubbard): Rick.

M. Rick Borotsik: Merci, monsieur le président.

Je vais prendre une autre tangente car votre intervention soulève une autre question. Avec votre exemple du Kenya, vous venez de décrire la situation qui règne à l'heure actuelle dans pratiquement n'importe quelle collectivité agricole au Canada. En fait, les producteurs de ma région cultivent des denrées dont le coût de production est plus élevé que le prix qu'ils en tirent sur le marché international à cause de subventions injustes. Ce problème n'est pas propre aux pays en développement; il touche aussi notre propre pays en ce moment.

Je voudrais soulever une ou deux questions. D'abord, je vous remercie d'être venus comparaître. Je pense que la Journée mondiale de l'alimentation est une très belle initiative. Vos objectifs sont louables. Je ne pense pas que quiconque autour de la table dise le contraire.

Si j'ai bien compris, l'objectif visé est de réduire le nombre des affamés de 800 à 400 millions d'ici l'an 2015. C'est ainsi que je conçois les choses à l'heure actuelle. Quelqu'un de ce côté de la table peut-il me dire maintenant si cet objectif peut effectivement être réalisé d'ici 2015?

Vous dites que c'est possible de le réaliser d'ici 2015?

Permettez-moi de vous donner quelques exemples. L'aide étrangère du Canada est passée de 0,49 p. 100 à 0,25 p. 100 du PIB. L'aide alimentaire a été réduite de 70 p. 100. Et comme nous venons de le dire, nous sommes aussi aux prises avec des problèmes commerciaux. Compte tenu de tous ces facteurs, estimez-vous toujours que cet objectif est réalisable d'ici 2015? Stuart?

M. Stuart Clark: Je répondrai volontiers à cette question. Il est très clair que...

M. Rick Borotsik: Excusez-moi, j'ai une autre question. Elle est très brève, d'accord? Vous ne pouvez pas me prendre tout mon temps de parole.

M. Stuart Clark: Compte tenu de la volonté politique qui s'est manifestée jusqu'ici, la réponse ne fait aucune doute. En raison de l'apathie de nos dirigeants politiques, nous n'avons réalisé que 40 p. 100 des progrès que nous aurions dû réaliser jusqu'à maintenant. Je ne veux pas me montrer opportuniste, mais nous réalisons maintenant, plus que jamais auparavant, que nous sommes tous dans le même bateau. Il est certainement possible de changer de cap, et cela ne coûterait pas très cher.

Le gouvernement américain a effectué une estimation budgétaire de ce qu'il en coûterait pour atteindre cet objectif. Cela reviendrait à moins d'un dollar par jour par citoyen américain si les Etats-unis assumaient ce fardeau. Je le signale simplement pour mettre les chiffres en perspective. Cela ne coûte pas terriblement cher, mais il faut que la volonté politique y soit.

M. Rick Borotsik: D'accord. Je vais tenter de revenir sur un autre sujet et je suppose que ma question s'adresse à Rieky. En ce qui a trait à la boîte de développement, Shishir Priyadarshi en a parlé et a affirmé qu'il ne s'agit pas de dollars, et j'en conviens, il ne s'agit pas de dollars. La volonté politique est l'élément crucial. Dans cette boîte de développement, on englobe l'accès aux marchés, la fermeture de marchés ou le protectionnisme sur certains de ces marchés et—c'est la clé—, la réduction de subventions sur d'autres denrées alimentaires.

Confrontons maintenant la réalité. Suzanne, vous êtes une optimiste si vous croyez que les Américains ne vont pas aller de l'avant avec ces subventions. Je ne suis pas d'accord avec vous. Les Américains sont certainement obligés de subventionner leur secteur agricole. Nous savons que l'Union européenne n'aimerait rien de mieux que de réduire ses subventions, mais j'ai parlé à certains de ses représentants qui m'ont dit qu'ils allaient maintenir leurs subventions.

Où est la volonté politique? Vous voulez que le Canada soumette cela à l'OMC? Combien d'autres pays vont appuyer le Canada si nous faisons cela? C'est ma question. Je voudrais bien pouvoir claquer des doigts et dire que nous vivons dans un monde idéal, mais je ne pense pas que ce soit le cas. Comment allons-nous convaincre les autres membres de l'OMC d'emboîter le pas? Si vous avez la réponse, nous allons vous nommer premier ministre.

• 1710

Mme Rieky Stuart: Eh bien, puisque nous parlons de volonté politique, je crois que c'est tout à fait l'endroit pour poser la question.

M. Rick Borotsik: Pour ce qui est du Canada, je veux bien, mais il y a aussi les autres membres de l'OMC.

Mme Rieky Stuart: C'est vrai, mais le Canada a un atout, comme le disait Shishir. Nous ne sommes pas les États-Unis. Les Canadiens ont la réputation d'être d'honnêtes courtiers, des intermédiaires, des médiateurs...

M. Rick Borotsik: Des boy scouts.

Mme Rieky Stuart: ... des boy scouts, oui, et peut-être même des guides.

Des voix: Oh, Oh!

M. Rick Borotsik: Touché.

Mme Rieky Stuart: Pourquoi ne pas s'en servir? Je pense que nous gaspillons peu à peu notre capital politique dans des dossiers où cela ne change pas grand'chose. Cet accord sur l'agriculture est un document où un petit investissement de capital politique de notre part pourrait faire beaucoup de bien. Nous pourrions rallier avec nous des pays allant de l'Inde au Brésil, sans oublier le Malawi...

M. Rick Borotsik: Mais le fait que le Canada souscrive à cette idée de boîte de développement sans l'appui d'autres pays ne mène à rien.

Mme Rieky Stuart: Mais nous pourrions obtenir l'appui des pays nordiques, de la Communauté européenne et des pays du Sud.

M. Rick Borotsik: Pourrions-nous obtenir l'appui des Américains?

Mme Rieky Stuart: Ce sera—comment dirais-je—serré.

M. Rick Borotsik: Merci.

Le coprésident (M. Charles Hubbard): Combien d'autres députés veulent des questions?

Il y a Larry et Rose-Marie. David en a d'autres ainsi que Marcel.

Je vais donner la parole à Rose-Marie.

Mme Rose-Marie Ur (Lambton—Kent—Middlesex, Lib.): Je n'ai qu'une brève question, monsieur le président.

Nous parlons d'aide alimentaire nationale. Quel pourcentage de ses efforts l'ACDI consacre-t-elle à l'aide alimentaire au lieu d'apprendre aux habitants de ces pays à cultiver leurs propres aliments? L'argent versé ne sert-il pas, outre à fournir de la nourriture, à assurer un transfert de technologie et d'éducation pour que les habitants de ces pays puissent atteindre l'autosuffisance?

M. Bill Singleton: La réponse est oui, et je pense que je vais céder la parole à mon collègue, M. Macgillivray, qui est notre expert en agriculture.

Mme Rose-Marie Ur: En termes de pourcentage, est-ce égal?

M. Iain Macgillivray (spécialiste en agriculture, Direction générale des politiques, Agence canadienne de développement international): Je devrai me fier à mon collègue pour ce qui est de l'aide alimentaire, mais je dois vous dire une chose. Tout mon travail dans les centres de l'ACDI vise à permettre à ces pays de se passer de l'aide alimentaire. Essentiellement, environ 5 p. 100 de notre soutien est consacré à l'agriculture, à l'alimentation et à la nutrition. Il suffira que mon collègue me précise le pourcentage consacré à l'aide alimentaire pour que vous ayez votre réponse.

Mme Rose-Marie Ur: D'accord. Pendant qu'il vous fournit cette information, ma prochaine question... vous pouvez peut-être conférer avec lui pour obtenir la réponse.

Il semble que d'ici 2020, il faudra nourrir 1,5 milliard de personnes de plus, ce qui signifie qu'on aura besoin de 39 p. 100 de céréales de plus. D'où proviendront-elles? Êtes-vous un adepte de la biotechnologie et notamment des OGM? Comment percevez-vous cela dans vos propres groupes? Êtes-vous en faveur?

M. Iain Macgillivray: Dans le contexte de l'aide au développement, nous adoptons une démarche extrêmement prudente face à la biotechnologie. En fait...

Mme Rose-Marie Ur: Même si les gens ont faim?

M. Iain Macgillivray: Non. Selon la définition qu'on donne à biotechnologie, il y a, à une extrême, des pratiques douces qui peuvent inclure la culture cellulaire et les marqueurs génétiques et, à l'autre extrême, des expériences de génie génétique, le transfert de gènes pour les cultures transgéniques.

Pour ce qui est de l'aide fournie par l'ACDI, nous souhaitons que vous-mêmes et d'autres citoyens exprimiez vos préoccupations à l'égard de la biotechnologie. En fait, notre soutien à la recherche suppose une très étroite collaboration avec les pays en développement.

Je vais essayer de répondre à votre question. Faut-il accepter de faire des compromis? Comment répondre au défi éthique que nous posent les pays en développement qui souhaitent embrasser la biotechnologie, qui veulent faire ce bond exponentiel, si vous voulez, et ainsi accéder à des domaines où ils ne sont pas présents à l'heure actuelle? Cela fait partie du débat international. D'ici six semaines, nous finaliserons un document qui porte précisément sur le rôle de la biotechnologie dans le programme d'aide au développement du Canada.

• 1715

Nous travaillons à ce dossier et nous sommes partie prenante à un système international au sein duquel nous oeuvrons avec d'autres pays donateurs—européens et non européens—et même avec des représentants de pays en voie de développement pour déterminer dans quelle mesure nous pouvons utiliser le meilleur de la biotechnologie, tout en étant très vigilant au sujet de ses aspects négatifs.

Mme Rose-Marie Ur: Merci, monsieur le président.

Le coprésident (M. Charles Hubbard): Monsieur Gagnon.

[Français]

M. Marcel Gagnon (Champlain, BQ): À l'occasion de la Journée de l'alimentation, je trouve superbes les propos que vous tenez et, en même temps, assez déprimants.

Quand on sait qu'on n'a pas atteint nos objectifs alors qu'on vient de vivre une période de prospérité économique à peu près sans précédent, que d'autres pays en ont eux aussi vécu une semblable—mais nous sommes ici pour parler du nôtre—, quand on sait que l'objectif est que le nombre d'affamés dans le monde ne soit plus que de 400 millions en 2015, je me dis que bien des gens encore vont mourir de faim avant qu'on réagisse.

Je sais que sur 22 pays qui fournissent de l'aide aux pays en voie de développement, il y en a 19 qui fournissent plus que le Canada en proportion du PIB. Or, on nous dit que nous sommes un exemple; je ne vois pas en quoi.

Enfin, j'aimerais que vous réagissiez à cela. Personnellement, je souhaiterais qu'il n'y ait plus que 400 millions d'affamés en 2015. Je trouve que c'est assez scandaleux que nous, c'est-à-dire le Canada, les États-Unis et d'autres, nous en contentions. Pourtant, je doute qu'on y arrive si on se fie à nos performances passées. J'aimerais entendre votre réaction à cela.

Et comme je pense ne pas avoir le temps de reprendre la parole, je voudrais poser une question à M. Caouette, qui a exprimé, je crois, une inquiétude par rapport aux semences, inquiétude que je partage entièrement. Je voudrais qu'il nous explique jusqu'à quel point il peut être dangereux de ne pas avoir de semences indigènes dans les pays en voie de développement, des semences qui soient bien de chez eux.

C'est qu'on peut voir venir, avec les OGM—d'ailleurs tout à l'heure on prendra la parole là-dessus au Parlement—, le jour où quelques compagnies posséderont des grains de semences, toutes les semences, grains, bulbes ou autres dans le monde. Je me demande comment alors vous vous débattrez avec ça dans les pays en voie de développement.

M. Dominique Caouette: C'est une excellente intervention. Ce sont des questions auxquelles il est difficile de répondre simplement, mais je vais essayer de le faire.

C'est clair que les OGM sont une préoccupation majeure pour nos partenaires des pays du Sud. C'est clair que la conservation, la préservation, le droit de garder des semences pour la prochaine culture sont essentiels.

Il est clair aussi que les OGM ont été encouragés, appuyés par la révolution verte et il est clair qu'on est dans une situation où le sol s'est détérioré rapidement, où les semences sont toujours très chères, où les pesticides et les insecticides, bien que plus sécuritaires, sont aussi plus dispendieux. On a de meilleurs pesticides, de meilleurs fertilisants, mais ils sont beaucoup plus chers. L'utilisation massive de semences modifiées requiert de plus en plus d'intrants. C'est un grand problème.

Deuxième point: un partenaire du Bangladesh qui était ici récemment, à l'occasion d'une conférence à Toronto sur la sécurité alimentaire, se faisait un peu l'écho des propos de M. Borotsik, soit que la situation des fermiers au Bangladesh est de plus en plus semblable à celle des fermiers canadiens en Saskatchewan. Ils sont confrontés à des défis de plus en plus semblables et une solidarité de plus en plus grande est en train d'émerger.

Ce qu'il expliquait c'est qu'avec des semences indigènes et une agriculture écologique, c'est-à-dire une agriculture qui utilise toutes les ressources du milieu naturel, en somme en mélangeant les cultures, une calorie d'énergie en produit quatre. Alors que, selon leur expérience, avec les semences de la révolution verte, il fallait quatre calories d'énergie pour en produire une seule pour la consommation. Donc, c'est assez clair et on n'a pas à s'inquiéter de cela.

• 1720

Cela fait qu'avec la privatisation des semences et des OGM, les semences traditionnelles constituent le plus grand problème auquel on doit faire face. C'est un grand enjeu des négociations de l'OMC. L'accord sur la propriété intellectuelle, la privatisation des semences et le patenting est un grand enjeu, et il est important d'être conscient que cela fait partie des négociations.

Autant on pousse pour que l'accord sur l'agriculture soit modifié, autant on dit que le Canada doit sérieusement étudier la question et se montrer très prudent quand il dit qu'il appuie la privatisation des semences et les trips, qui font partie des négociations de l'OMC, parce qu'on risque de concentrer les semences. Actuellement, les semences de produits comme le blé, le blé d'Inde et d'autres, sont concentrées dans cinq grandes compagnies qui possèdent le bagage génétique de ces semences-là.

C'est une excellente question parce qu'elle se pose à nos homologues qui sont sur le terrain et travaillent journellement dans leurs champs. C'est que les enjeux, maintenant, ne sont pas seulement ceux qui se discutent au sein du gouvernement, mais ceux auxquels sont confrontés les paysans eux-mêmes dans leur travail quotidien.

M. Marcel Gagnon: Merci.

[Traduction]

Le coprésident (M. Charles Hubbard): Larry, voulez-vous intervenir?

M. Larry McCormick (Hastings—Frontenac—Lennox and Addington, Lib.): Merci beaucoup, monsieur le président. Je suis ravi de revoir les témoins. Sauf erreur, nous vous avons rencontrés au comité mixte l'an dernier ou il y a deux ans.

C'est avec fierté que j'ai pris la parole il y a quelques instants à la Chambre des communes, avec Jean Augustine et d'autres, pour célébrer la Journée mondiale de l'alimentation. Chose certaine, il faut faire plus qu'en parler.

Je voudrais faire une observation à M. Clark.

Cela m'a fait chaud au coeur l'autre jour de voir dans un journal national une photo prise en Afghanistan. Sur l'un, il était écrit Canada et sur l'autre, Banque alimentaire. C'était formidable. En fait, dans l'est du Canada, près de Kingston, dans ma circonscription et à Napanee, on fait sans doute aujourd'hui la récolte des haricots puisqu'il fait beau. Pratiquement tous les membres du comité de l'agriculture comptent dans leur circonscription des résidents qui participent à ce programme des plus valables, mais il faut faire beaucoup plus.

Évidemment, pour l'heure, il faut s'attacher à nourrir ces cinq millions d'affamés, mais j'espère que nous ne perdrons pas de vue la situation et les besoins d'autres pays. Je sais que cela coûte de l'argent, mais le Canada doit faire davantage pour aider à nourrir ces gens. Nous pouvons faire beaucoup. À l'heure actuelle, le prix des céréales sur les marchés mondiaux a atteint un plancher historique. Je sais que les choses sont en train de s'améliorer. Mais il faut que nous collaborions; il faut que nous mettions tous l'épaule à la roue. À mon avis, nous avons aujourd'hui en notre possession des céréales qui devraient partir demain.

Mais comment faire plus en...? Et je ne pense pas que cela doive coûter des sommes astronomiques. Je veux simplement vous donner l'occasion de nous faire bien comprendre, avant la fin de la séance, à quel point nous devons travailler en collaboration pour mieux réussir. Quelles sont les initiatives, même mineures, que nous pouvons prendre maintenant?

M. Stuart Clark: Dans notre mémoire nous avons évoqué la possibilité de cesser de lier... ou plutôt d'accroître la souplesse pour ce qui est d'acheter notre aide alimentaire localement ou dans la région. Évidemment, nous souhaitons une hausse du budget de l'aide alimentaire et je pense que des arguments convaincants ont été avancés. Il y a une petite chose qui pourrait faire une grande différence, c'est d'accroître notre marge de manoeuvre pour ce qui est de se procurer des aliments localement ou dans la région où l'aide alimentaire est nécessaire.

Évidemment, ce ne sont pas toutes les situations qui s'y prêtent. Dans bien des endroits où nous envoyions des aliments, il est tout à fait opportun d'envoyer des aliments canadiens. Dans des pays comme la Corée du Nord, où la pénurie de nourriture est aiguë et où l'agriculture est défaillante, ou encore dans des endroits où il y a urgence et où la production agricole a été dévastée, il est tout à fait logique d'envoyer des denrées en provenance du Canada. Mais il y a par ailleurs d'autres pays où la nourriture est disponible sinon précisément où se trouvent les populations affamées, tout près, et à l'heure actuelle, nous avons les mains liées. Ce petit changement pourrait faire une grande différence.

M. Larry McCormick: Monsieur le président, pour en revenir à la biotechnologie, je suis heureux qu'un de nos témoins ait abordé les différences dans la gamme des aliments modifiés génétiquement. Nous avons tous des inquiétudes; nous voulons tous des aliments sûrs. Je pense qu'en partie, c'est une question d'éducation. Mais je reviens à l'exemple du canola. Je suis convaincu que partout au pays des Canadiens ont du canola dans leurs armoires de cuisine. Notre canola et nos haricots peuvent aider beaucoup de monde.

• 1725

À mon avis, il faut unir nos efforts pour éduquer les gens, ici et à l'étranger. Il faut pouvoir ouvrir la porte à cette technologie étant donné que les percées qui pourraient être réalisées—et qui le sont déjà—dans le domaine de la production sont énormes et très prometteuses. Je me demande si quelqu'un veut commenter.

Je serais désolé que cela ne puisse servir si nous pouvons faire une différence dans l'alimentation des gens.

M. Iain Macgillivray: Je pense que vous avez tout à fait raison. Ce qui se produit, bien souvent, c'est que lorsque nous ne comprenons pas une chose, nous la craignons et nous hésitons à l'accepter. Tout comme nous l'avons fait pour de nombreuses autres technologies dans le passé, je suis convaincu qu'il faut aborder celle-ci avec l'esprit ouvert.

Les initiatives que nous prenons à l'ACDI, notamment une consultation interne la semaine prochaine et ensuite des consultations externes avec nos partenaires, visent toutes à favoriser une meilleure compréhension du dossier. Il faut que les gens comprennent mieux de quoi il retourne.

J'ai parlé tout à l'heure des techniques douces de la biotechnologie et malheureusement, lorsque certains expriment des préoccupations, ils ont tendance à tout mettre dans le même panier. Je sais qu'en Europe, on a du mal à accorder quelque crédibilité à la science, mais je pense que si l'on y regarde de plus près, cette avenue offre énormément de possibilités.

Le coprésident (M. Charles Hubbard): Merci, monsieur Macgillivray.

Je vous ai promis tout à l'heure David, ou vous John, une minute ou deux.

M. David Anderson: Je voudrais moi aussi revenir sur la question de la biotechnologie, tout comme Larry l'a fait.

Je suis également producteur et je suis de ceux qui se sont retrouvés coincés parce que des compétiteurs pouvaient offrir leurs produits pour moins cher ou que je ne pouvais vendre les miens au coût de production.

L'un des problèmes liés à l'agriculture biologique, c'est que depuis toujours, l'agriculteur doit absorber une baisse de rendement comparativement à ce qu'on appelle l'agriculture conventionnelle. Il faut comprendre que les gens peuvent modifier leur situation économique de deux façons seulement, soit en accroissant leur production ou en abaissant leur coût à l'unité. Dans la plupart des pays en question, il est impossible pour les agriculteurs d'abaisser le coût à l'unité.

C'est une façon de nourrir plus de gens. Je ne suis pas d'accord avec M. Caouette, qui a dit qu'il était plus efficient de cultiver des aliments biologiques que d'autres types d'aliments. Ce n'est pas ce que je constate dans ma propre exploitation ou dans celle de mes voisins.

Cela dit, je souscris à ses propos au sujet des brevets relatifs aux semences. C'est un problème au Canada, ainsi que dans d'autres pays en ce sens que nous investissons des fonds publics dans la production de semences et qu'ensuite, nous les vendons à des sociétés privées. C'est un problème. J'imagine que c'est encore pire dans les pays en développement.

J'allais poser la même question que Larry, mais je voudrais savoir si quelqu'un veut commenter ces deux points.

Le coprésident (M. Charles Hubbard): J'entends la sonnerie.

Je vais donc mettre un terme à notre séance de cet après-midi. Nous avons abordé une question très complexe et je pense que nous n'avons qu'effleuré la surface pour ce qui est de la situation des collectivités agricoles dans le monde. Par exemple, quelqu'un a mentionné que dans certains pays, les habitants ne peuvent conserver leur production; ils doivent s'en servir pour rembourser une partie de la dette étrangère. Ailleurs, les gens détruisent les forêts tropicales pour agrandir leurs exploitations agricoles et ce faisant, ils compromettent l'avenir de leur environnement.

Mais surtout, comme Larry l'a mentionné, un grand nombre de producteurs canadiens considèrent que la Journée mondiale de l'alimentation est pour eux l'occasion de faire un don de nourriture à des gens beaucoup moins fortunés que l'ensemble des Canadiens.

Sur ce, je vais conclure la séance. Je vous remercie beaucoup d'être venus comparaître. Vous nous avez certainement stimulés en tant que parlementaires et j'espère que par le truchement de la télévision, du canal parlementaire, vous avez aussi sensibilisé les Canadiens au formidable problème auquel le monde est confronté. Il ne faut pas être entièrement négatif par rapport aux objectifs ou aux visions énoncés en 1995-1996. Chose certaine, des progrès ont été réalisés et si nous pouvons dépenser à bon escient ces 800 millions de dollars additionnels, nous aurons vraiment accompli quelque chose.

Il faut se rappeler les enseignements de la Bible: il y aura toujours des gens dans le besoin. Vous savez ce que le Christ a dit à ce sujet. Cela fait partie de notre tradition religieuse que de se montrer bons, généreux et compatissants et c'est ce qui nous amène à essayer d'aider les démunis.

• 1730

Nous allons maintenant partir à la Chambre. La séance est levée.

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