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FINA Réunion de comité

Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.

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STANDING COMMITTEE ON FINANCE

COMITÉ PERMANENT DES FINANCES

TÉMOIGNAGES

[Enregistrement électronique]

Le lundi 15 octobre 2001

• 1340

[Traduction]

Le président (M. Maurizio Bevilacqua (Vaughan—King—Aurora, Lib.)): Je déclare la séance ouverte et souhaite la bienvenue à toutes les personnes réunies ici cet après-midi.

Comme vous le savez, le Comité permanent des finances, au cours des deux ou trois prochaines semaines, parcourra le pays pour entendre les Canadiens sur ce que devraient être les priorités du prochain budget. Comme toujours, nous cherchons à connaître l'opinion du public parce que, ainsi que vous l'avez probablement constaté par le passé, le document budgétaire actuel tient compte de l'opinion des Canadiens. La démarche témoigne éloquemment du type de processus démocratique dans lequel nous nous engageons. Comme toujours, nous accueillons avec plaisir vos commentaires.

Le premier groupe de témoins que nous entendrons cet après-midi, ici, à Toronto, comprend les organismes suivants: Citizens for Public Justice, la Corporation Canadienne des Retraités Intéressés, Crop Life Canada, l'Association canadienne pour l'intégration communautaire et la Campagne contre la pauvreté des enfants.

Nombre d'entre vous avez déjà comparu devant le comité. Vous savez donc que vous disposez de sept minutes pour présenter vos propos liminaires. Par la suite, nous allons passer à une séance de questions et de réponses.

Nous allons débuter par M. Greg DeGroot-Maggetti, de Citizens for Public Justice.

M. Greg DeGroot-Maggetti (coordonnateur, Affaires socio-économiques, Citizens for Public Justice): Je vous remercie, monsieur Bevilacqua. Je suis heureux d'être de retour devant vous.

Citizens for Public Justice est heureux de l'occasion qui lui est donnée de rencontrer le Comité permanent des finances. J'aurais souhaité qu'un plus grand nombre de députés soient présents, et j'espère que d'autres se joindront bientôt à nous.

Essentiellement, je formule des recommandations qui visent la réalisation de certaines des priorités sociales et économiques du Canada.

Citizens for Public Justice est un organisme national regroupant plus de 1 500 membres aux quatre coins du Canada. Il s'agit essentiellement d'un organisme chrétien oecuménique ancré dans une foi qui préconise la justice et fait la promotion de la paix.

Nos travaux portent sur trois secteurs stratégiques: les préoccupations socio-économiques, les droits des Autochtones et la politique sur les réfugiés.

Nous voyons dans les audiences du comité une occasion importante qui nous est donnée d'apporter une contribution au façonnement des politiques qui favorisent le bien commun.

Aujourd'hui, mes propos porteront principalement sur des politiques visant à améliorer les perspectives d'avenir des enfants du Canada. La mesure dans laquelle le Canada donne aux défavorisés la possibilité d'exercer pleinement leurs droits sociaux et économiques de même que de participer à la vie de leur collectivité constitue depuis toujours une des principales préoccupations de notre organisme.

Depuis dix ans, nous nous sommes associés à de très nombreux Canadiens pour attirer l'attention sur les taux de pauvreté qui, parmi les familles et les enfants du Canada, demeurent sans cesse élevés.

Il n'y a pas que les difficultés auxquelles ces enfants et leur famille font face aujourd'hui qui nous inquiètent. En effet, nous savons que les difficultés économiques entraînent des retards de développement à cause desquels les enfants n'ont pas la possibilité de s'épanouir pleinement. Nous constatons que la pauvreté infantile prend souvent naissance dans l'exclusion économique, sociale et politique.

C'est pourquoi nous avons toujours été partisans de politiques qui assureront les meilleures chances possibles à tous les enfants du Canada. À cet égard, nous avons été encouragés par les premières mesures que le gouvernement actuel, de concert avec les provinces et les territoires, a prises pour améliorer les prestations pour enfants, les services de développement de la petite enfance et les congés de maternité.

Notre organisme a accueilli avec satisfaction le renouvellement de l'engagement envers le programme national pour les enfants qu'a fait le gouvernement dans le discours du Trône et la promesse du premier ministre d'introduire des plans d'investissement pluriannuels dans le prochain budget et les budgets subséquents.

Étant donné les événements tragiques du mois dernier, nous sommes également encouragés par la détermination du premier ministre de donner suite au programme à long terme du Canada.

    Notre gouvernement

—a-t-il déclaré le mois dernier—

    poursuivra son action à long terme pour renforcer l'économie et la société canadiennes [et continuera] à investir [...] dans la promotion de l'excellence [et] des programmes destinés à assurer un bon départ aux enfants.

• 1345

Dans son mémoire, que vous avez eu le temps de lire, j'espère, notre organisme définit quelques initiatives stratégiques clés visant à aider le gouvernement à répondre à l'objectif qui consiste à assurer à tous les enfants le meilleur départ possible et à aider le Parlement—et, en réalité, le pays—à tenir sa promesse d'éliminer la pauvreté au Canada.

Parmi ces initiatives, mentionnons la majoration de la prestation fiscale pour enfants à un maximum d'environ 4 200 $ par enfant, l'établissement de plans d'investissement ayant pour but de financer pleinement un régime national de services relatifs au développement de la petite enfance et aux soins pour enfants, le financement d'une stratégie nationale de logement abordable, l'investissement dans l'éducation postsecondaire visant le gel et la réduction des frais de scolarité, de manière à éviter que les jeunes, au moment de fonder une famille, ne soient écrasés par les dettes qu'ils ont contractées pour étudier et la création d'une commission nationale ayant pour but d'élaborer des stratégies susceptibles d'améliorer l'offre de bons emplois offrant un salaire suffisant.

Les détails concernant le coût de ces recommandations stratégiques figurent dans le mémoire que nous avons présenté en août, et je me ferai un plaisir d'y revenir pendant la période de questions.

Au moment où l'économie canadienne entre en récession, il apparaît de plus en plus clairement que nous devons compter sur de solides programmes nationaux pour assurer le bien-être des Canadiens: malgré les quelques années de croissance solide de l'emploi et de l'économie que nous avons connues récemment, les données relatives à la pauvreté n'ont connu qu'une baisse légère, et on ne constate aucune amélioration au chapitre de la profondeur de la pauvreté. La pénurie de logements abordables entraîne donc une crise dont les effets se perpétuent. De nombreuses familles continuent, mois après mois, de faire appel aux banques alimentaires. Dans les banques alimentaires et les programmes de refuge d'urgence, les bénévoles nous demandent de trouver de nouveaux moyens et des moyens plus humains de répondre aux besoins fondamentaux de chacun dans le domaine de l'alimentation et du logement.

Avec la récession, de plus en plus de personnes perdent leur emploi, et nous savons que le nombre de familles en proie à la pauvreté et à la faim ou sans logement va augmenter. Aujourd'hui plus que jamais, nous devons tabler sur les assises en place pour élaborer un programme sûr de prestations pour enfants, de services de développement de la petite enfance, de logements et d'éducation. Nous devons aussi veiller à ce que le travail rémunéré assure aux salariés des moyens suffisants, de façon qu'ils n'aient pas à faire appel aux banques alimentaires et aux refuges d'urgence.

L'autre jour, j'ai relu le document intitulé Programme d'action national pour les enfants: Élaboration d'une vision collective, que les ministres des Services sociaux du Canada ont rendu public il y a quelques années. Il s'agit d'un bon document qui montre clairement que les gouvernements du Canada savent de quoi les enfants ont besoin pour s'épanouir sainement.

Le document est émaillé de citations d'enfants et de parents. J'ai été particulièrement frappé par une de ces citations. On la doit à un jeune participant à Silence, on cause. On a demandé à ce participant de préciser ce que «Les jeunes attendaient des adultes». Il a répondu simplement: «Tenez vos promesses.»

Il y a plus d'une décennie, le Parlement a fait aux enfants du Canada la promesse d'éliminer la pauvreté infantile au pays. Jusqu'ici, nous n'avons pas tenu parole. Nous avons beau évoquer d'autres enjeux nationaux pressants, par exemple la lutte contre l'inflation et le déficit, le programme de réduction d'impôt et les efforts touchant le remboursement de la dette, je maintiens pour ma part que les actions en disent plus que les belles paroles. Le moment est venu d'agir. Employons-nous donc à tenir la promesse que nous avons faite à nos enfants.

Je vous remercie

Le président: Je vous remercie beaucoup.

Nous allons maintenant entendre Mae Harman et Gerda Kaegi de la Corporation Canadienne des Retraités Intéressés.

Soyez les bienvenues.

Mme Mae Harman (présidente sortante, section de l'Ontario, présidente du comité des préoccupations économiques, Corporation Canadienne des Retraités Intéressés): Je vous remercie.

La Corporation Canadienne des Retraités Intéressés est heureuse une fois de plus de l'occasion qui lui est donnée de faire connaître ses vues sur le budget à l'occasion des audiences du Comité permanent des finances de la Chambre des communes.

C'est avec plaisir que j'ai lu dans le Toronto Star de samedi la déclaration de M. Martin selon laquelle Ottawa n'a pas l'intention de réduire les nouveaux transferts aux provinces pour la santé et les services sociaux ni d'introduire un régime majeur de réduction d'impôt. En revanche, la menace qui pèse contre l'éducation et la formation des adultes, les mesures environnementales visant à protéger la qualité de l'eau et de l'air et à combattre le réchauffement de la planète de même que contre l'initiative dans le domaine du logement à prix abordable me préoccupent.

Notre mémoire écrit du 10 août est une déclaration de principes qui, selon nous, devrait définir le budget. Nous voyons dans les budgets l'expression monétaire des priorités et de la planification des programmes de l'année à venir, sur la scène nationale et dans le contexte du Canada en tant que nation et membre de la communauté internationale. Une telle planification financière doit être effectuée en consultation avec le public, être bien réfléchie en ce qui concerne ses conséquences à long terme, permettre de parvenir à une sage gouvernance, être conforme à la Déclaration universelle des droits de l'homme et offrir une bonne qualité de vie à tous et donner la possibilité à chacun de se réaliser pleinement. Dans tous ces domaines, le gouvernement doit rendre des comptes aux Canadiens.

• 1350

Même si la tragédie du 11 septembre risque de faire peser de nouvelles contraintes sur les finances gouvernementales, nous n'avons pas les moyens de négliger le bien-être des Canadiens—les soins de santé, l'éducation et la formation, les services sociaux, l'environnement, etc. Nous ne pouvons pas non plus échapper à la responsabilité que nous avons vis-à-vis des peuples d'autres pays qui vivent dans des conditions économiques et sanitaires abominables. Nous devons hausser notre aide étrangère et partager nos connaissances et nos habiletés technologiques pour aider les habitants d'autres pays à résoudre leurs problèmes.

La conscience aiguë que nous avons d'avoir besoin des gouvernements semble une conséquence indirecte du 11 septembre. Avec un peu de chance, cette prise de conscience s'accompagnera d'une forme ou d'une autre de compréhension du fait que ce sont les impôts qui alimentent l'appareil gouvernemental. Notre organisme voit dans les impôts un élément essentiel au bon fonctionnement de la société civile et à une bonne qualité de vie. Nous sommes favorables à un régime d'impôt équitable et progressif en vertu duquel les personnes à revenu plus élevé assument des taux d'imposition plus élevés. Nous croyons qu'il est illogique de réduire les impôts si les objectifs des programmes n'ont pas été atteints.

Nous sommes consternés par l'écart sans cesse croissant entre les très riches et les très pauvres, en particulier, par le taux de pauvreté chez les enfants. Nous comprenons que la santé est un droit fondamental à tous les âges de la vie et qu'on doit préserver la santé publique au moyen de mesures actives de promotion, de prévention et de protection—y compris des déterminants comme le logement, le revenu, l'éducation, l'emploi et l'environnement.

On doit affirmer de nouveau la vision initiale d'un régime d'assurance-santé public véritablement exhaustif et doté d'un continuum de services pour les Canadiens. On doit élargir le régime public de manière qu'il s'assortisse d'un régime universel de soins à domicile, de services de santé de longue durée et d'assurance-médicaments. Nous nous opposons à toute forme de commercialisation et de privatisation de la santé. Nous sommes favorables à l'octroi de fonds dédiés aux provinces pour répondre aux besoins établis. Nous devons également obliger ces dernières à rendre des comptes.

Nous avons besoin d'une stratégie nationale de logement ayant pour but d'éliminer le phénomène des sans-abri dans toutes les collectivités du Canada. Chacun a doit à un toit, c'est-à-dire à un logement abordable, accessible, sûr et salubre qui assure en outre une véritable forme de vie privée. Comme le monde du travail change, on doit rendre accessibles les programmes de recyclage et de remise à niveau de l'éducation. Le gouvernement devrait mieux soutenir l'éducation postsecondaire de façon que les étudiants ne soient pas accablés par un endettement qui s'étale sur des années ni contraints de décrocher parce qu'ils n'ont pas les moyens d'assumer les frais de scolarité ou de subsistance.

Notre écosystème est essentiel à la vie humaine. Ici, nous devons prendre les mesures qui s'imposent pour préserver et protéger notre précieux approvisionnement en eau, prévenir la pollution de l'air que nous respirons, préserver nos forêts, nos marais et nos parcs et demeurer fermes dans notre appui à l'accord de Kyoto.

Notre organisme est déterminé à travailler à l'édification d'une société civile véritablement soucieuse du bien d'autrui, humaine et efficace, dans laquelle tous les Canadiens bénéficient d'occasions égales de réussir et d'assumer une part des responsabilités collectives. Nous ne devons pas perdre ces buts de vue, quelles que soient les autres exigences auxquelles nous faisons face. Je vous remercie.

Le président: Je vous remercie beaucoup. D'autres commentaires?

Nous allons maintenant entendre M. Charles D. Milne, vice-président, Affaires gouvernementales, de Crop Life Canada. Soyez le bienvenu.

M. Charles D. Milne (vice-président, Affaires gouvernementales, Crop Life Canada): Je vous remercie beaucoup. Crop Life Canada se réjouit de l'occasion qui lui est donnée de témoigner devant le Comité permanent des finances.

Crop Life Canada—que bon nombre d'entre vous connaissez probablement sous son ancien nom, c'est-à-dire l'Institut pour la protection des cultures—est une association commerciale sans but lucratif qui représente les fabricants, les concepteurs et les distributeurs de solutions phytoscientifiques pour l'agriculture, la foresterie et la lutte antiparasitaire au Canada. Fondé en 1952, l'organisme est la voix de l'industrie et une source d'information sur les produits antiparasitaires.

• 1355

Étant donné les événements et la réalité d'une économie moins robuste, Crop Life Canada est encore mieux fondé aujourd'hui à cibler son action sur les aspects plus larges des mesures visant à confirmer le Canada en tant qu'économie du savoir, à donner aux Canadiens des moyens de soutenir la concurrence mondiale et à maintenir la qualité de vie qui fait la réputation de notre pays.

Créer le climat concurrentiel général qui favorise l'innovation et l'avènement de nouvelles technologies est un exercice cérébral et non une obligation financière. Si les ministères se montraient davantage conscients de leurs interdépendances respectives et s'obligeaient à mieux coordonner leur action, le Canada jouirait d'un cadre réglementaire assorti des attraits suivants: un système de réglementation efficace et prévisible, la reddition de comptes au public et à l'industrie réglementée, l'exploitation de la position concurrentielle du Canada dans le domaine de l'agriculture, une approche harmonisée de la réglementation, la transparence face au public et à l'industrie, l'encouragement du développement innovateur et de l'amélioration continue et le souci de ne pas créer d'obstacle commercial et de soutenir la libéralisation des échanges commerciaux.

Notre organisme est d'avis que les sept caractéristiques ci-dessus sont essentielles à la réalisation de la vision qu'a le premier ministre de l'innovation. En outre, nous sommes d'avis qu'elles sont tout à fait conformes au communiqué émis par les ministres fédéral et provinciaux de l'Agriculture le 29 juin. Ces derniers ont alors consolidé les mesures prises pour créer un environnement propice à l'innovation dans tous les secteurs de l'économie, y compris l'agriculture.

Comme point de départ, nous avons défini cinq situations qui, pour que le Canada atteigne les objectifs plus nobles que sont l'innovation et la prospérité, exigent une attention immédiate.

La première a trait à l'illusoire reddition de comptes du gouvernement relativement au rendement et à la productivité des organismes de réglementation—je crois qu'il s'agit d'un enjeu que les membres du comité connaissent bien.

La deuxième concerne le retard technologique qu'accuse le secteur agricole canadien en raison de l'harmonisation réglementaire inégale et incomplète aux termes de l'ALENA. Nous avons formulé des voeux pieux, mais les résultats à ce chapitre se font attendre.

La troisième a trait à la négation de l'impact pourtant bien intentionné des crédits d'impôt canadiens pour la R-D, considérés à l'étranger comme étant parmi les plus progressistes qui soient. En raison de contextes réglementaires complexes, le Canada ne peut devenir le centre de découvertes mondial dans le secteur de l'agroalimentaire qu'il pourrait devenir.

La quatrième porte sur l'intégration de ce qu'on appelle le principe de précaution dans les dispositions législatives et réglementaires. L'interprétation de la définition et de l'application du principe est inégale, et cette ambiguïté décourage l'innovation en empêchant, dans certains cas, l'introduction de produits nouveaux et précieux pour le marché canadien et le bien-être des Canadiens.

Quant à la dernière citation, elle renvoie à l'obligation qu'a le gouvernement de jouer un rôle plus actif et d'adopter un profil plus élevé pour faire en sorte que le public ait confiance dans les systèmes réglementaires du pays et dans l'expertise scientifique des responsables de la réglementation. La réglementation dans le secteur de la technologie a des conséquences déterminantes sur le commerce, la R-D, la durabilité de l'environnement, de même que sur la compétitivité de l'agriculture canadienne.

Nous sommes d'avis que le gouvernement peut adopter un nouveau point de vue général sur l'harmonisation réglementaire de façon que la vision du Canada en tant que leader mondial et leader du domaine de la technologie définie dans le discours du Trône se réalise pleinement. On doit harmoniser la réglementation dans l'ensemble du gouvernement pour créer le climat nécessaire à la réalisation de tels buts. L'optimisation du cadre réglementaire canadien exige non pas de l'argent, mais bien plutôt de la discipline, de la communication et une pensée claire.

Je vous remercie de votre attention.

Le président: Je vous remercie beaucoup, monsieur Milne.

Nous allons maintenant entendre Dianne Richler et Connie Laurin-Bowie de l'Association canadienne pour l'intégration communautaire.

• 1400

Mme Dianne Richler (vice-présidente générale, Association canadienne pour l'intégration communautaire): Je vous remercie.

D'abord et avant tout, je tiens à vous transmettre les excuses de notre présidente, Cheryl Gulliver, qui n'a pu se libérer aujourd'hui. Elle avait la ferme intention d'être présente, mais elle est malheureusement confrontée à l'un des défis que nous sommes venus exposer aujourd'hui. Sa fille, atteinte d'un handicap, a eu besoin de soins médicaux urgents, et Cheryl est donc chez le médecin plutôt que d'être parmi vous.

Nous avons longuement et profondément réfléchi à la façon de vous présenter notre argumentation. Nous comptons parmi les groupes qui témoignent devant vous depuis un certain nombre d'années, et nous avons été très heureux de constater le résultat de nos interventions dans quelques-uns des budgets récents dans lesquels figuraient des mesures de soutien des personnes handicapées.

Au lendemain du 11 septembre, nous avons longuement et profondément réfléchi, compte tenu des priorités auxquelles le gouvernement fait aujourd'hui face, à la façon de présenter certaines propositions qui ne soient pas considérées comme égocentriques ou inappropriées dans le contexte des défis d'aujourd'hui. Essentiellement, nous pensons que le Canada demeurera fort, et continuera d'aller de l'avant. Et c'est pourquoi nous exposons aujourd'hui certaines propositions d'envergure, tout en sachant très bien que vous ne pourrez y donner suite dans un seul budget ni d'un seul coup. Le cadre que nous présentons, le gouvernement pourra s'en servir comme point de départ pendant un certain nombre d'années.

Nous sommes une association de familles, de familles d'enfants atteints d'un handicap intellectuel. Pendant que vous allez parcourir le pays pour entendre divers groupes, le Conseil des Canadiens avec Déficiences et l'Association canadienne des centres de vie autonome, en particulier, vont vous faire part des enjeux qui les concernent, comme nous le faisons aujourd'hui, mais nous avons tous une recommandation en commun. Nous représentons tous les trois un segment très important des familles qui comptent une personne handicapée et nous sommes favorables à une initiative commune en vue d'une nouvelle proposition visant la «Recherche d'un nouvel équilibre». J'aimerais vous en présenter certains détails aujourd'hui et vous entretenir plus précisément des raisons qui font que cette proposition, à notre avis, répond aux besoins des familles.

Au cours des deux ou trois dernières années, nous avons consacré beaucoup de temps à la consultation de centaines de familles du pays pour nous faire une idée claire des problèmes. L'un des principaux problèmes auxquels les familles sont confrontées tient simplement à l'absence de valeurs qu'on attache à leurs fils et à leurs filles dans les collectivités, au sentiment qu'elles ont que leurs enfants sont rejetés. Elles en font l'expérience à l'école du quartier et au terrain de jeu; elles en font l'expérience à répétition.

Ce que nous voulons, c'est que ces fils et ces filles soient valorisés, qu'ils bénéficient de mesures de soutien qui leur permettent d'être des membres ordinaires de la collectivité. Ces personnes ne veulent pas de programmes spéciaux destinés aux personnes handicapées; tout ce qu'elles veulent, ce sont des moyens de vivre avec leur handicap qui leur permet de participer en tant que citoyen à part entière. Nous pensons que la proposition mise au point par l'Institut Roeher répond à leurs préoccupations.

J'aimerais attirer votre attention sur le deuxième de trois documents, et en particulier sur la page 5, c'est-à-dire un résumé d'une page de notre proposition, qui consiste à corriger le déséquilibre actuel, en vertu duquel les personnes qui ont un handicap dans la famille consentent des efforts disproportionnés, en demandant aux gouvernements fédéral, provinciaux et territoriaux de jouer un rôle plus grand à cet égard.

Nous plaidons en faveur de l'adoption d'une initiative de financement fédéral-provincial-territorial incluant un transfert fédéral, vers les particuliers et les familles, qui passerait par la reconnaissance des coûts personnels d'un handicap, au moyen principalement de crédits d'impôt remboursables, de même que par le soutien des familles, par exemple le soutien et l'indemnisation des soignants, et des stratégies de lutte contre la pauvreté infantile. Nous préconisons l'investissement dans les collectivités, à la fois dans le renforcement de la capacité organisationnelle et dans un fonds communautaire de transition. Nous sommes également favorables à l'octroi de transferts considérables aux gouvernements provinciaux et territoriaux, qui seraient ainsi en mesure de s'acquitter de leurs responsabilités au chapitre du soutien des particuliers.

• 1405

Le cadre repose sur le modèle de développement de la petite enfance et s'en inspire pour donner suite à certaines des leçons tirées des lacunes de cette entente antérieure. On pourrait y voir une preuve de plus de la capacité de l'Entente cadre sur l'union sociale de donner des résultats pour tous les Canadiens. Ce que nous voulons, de façon très précise, c'est que, dans le prochain discours du budget, le gouvernement fédéral convienne avec les provinces et les territoires d'une date butoir pour la conclusion d'une entente assortie d'une stratégie nationale sur le marché du travail reposant sur un système de mesures du soutien pour les personnes handicapées.

Le gouvernement donnerait ainsi suite à un des engagements contractés dans le discours du Trône. La mesure répondrait à nos demandes en plus de permettre aux provinces et aux territoires de s'acquitter de leurs obligations. Fait plus important, on donnerait suite, ce faisant, au message sans équivoque que nous transmettent les familles, qui ne souhaitent pas que le gouvernement fédéral disparaisse de leur vie.

Pour vous donner une idée du rang que nous occupons sur la scène internationale au chapitre du respect de certains de ces engagements, j'invite Connie Laurin-Bowie à vous présenter un bref sommaire.

Mme Connie Laurin-Bowie (directrice de la politique et des programmes, Association canadienne pour l'intégration communautaire): Très brièvement, je voulais préciser que nous avons inclus dans la trousse un troisième document, que vous avez en votre possession, soit une analyse des politiques internationales. Nous avons commandé cette étude pour déterminer ce que font d'autres administrations comme le Canada pour soutenir les familles.

Dans les pays qui nous sont apparus comparables au Canada, on retrouve un éventail de mécanismes stratégiques différents, notamment des dispositions fiscales et des transferts directs aux familles, sans oublier le retrait de certains obstacles stratégiques, notamment l'exemption de cotisations d'assurance-emploi pour les familles qui ont un enfant handicapé et d'autres types de mécanismes liés aux politiques. Mentionnons aussi que des mesures de soutien communautaire et des efforts liés aux programmes aident les collectivités à se doter de services et de mesures de soutien communautaire.

En ce qui concerne le présent cadre, je pense qu'il est extrêmement important de soulever deux points découlant de la présente étude.

Le premier, c'est que, dans le cadre, on définit les principaux secteurs dans lesquels des administrations ont investi dans les familles. Nous disposons donc d'un moyen de leur emboîter le pas.

Le deuxième, c'est que, dans ce domaine, le Canada accuse un retard considérable par rapport à d'autres pays comparables. En fait, la question du soutien des familles qui comptent une personne handicapée est, au Canada, occultée pour une bonne part. Ce que nous disent les familles qui évoquent leurs difficultés auprès de voisins et d'amis, c'est que la collectivité tient pour acquis que notre système de soins de santé répond à leurs besoins. Pour la majorité des familles, ce n'est pas le cas. En fait, notre recherche montre que 96 p. 100 des familles assument des coûts considérables liés aux soins d'un enfant atteint d'un handicap. Les coûts ne sont qu'un exemple des pressions que ces familles subissent, entièrement par elles-mêmes.

Mme Dianne Richler: Nous nous ferons un plaisir de répondre à vos questions. Merci.

Le président: Nous allons maintenant entendre Gerald Vandezande, porte-parole de la Campagne contre la pauvreté des enfants, Carolyn DiGiovanni et Jacqueline Maund.

M. Gerald Vandezande (porte-parole, Campagne contre la pauvreté des enfants): Je vous remercie, monsieur le président, de nous avoir invités à comparaître devant le comité et à participer à ces consultations prébudgétaires. À mes côtés se trouvent Carolyn DiGiovanni, directrice des relations publiques de la Catholic Children's Aid Society de Toronto, et Jacqueline Maund, coordonnatrice de la Campagne contre la pauvreté des enfants.

Vous avez tous reçu une copie de notre mémoire de même que des annexes sur lesquelles figurent les annonces pleine page que la Campagne a fait paraître dans les journaux de Toronto, en particulier le Globe and Mail et le Toronto Star. Nous aimerions que vous y accordiez une attention toute particulière puisque le message que nous vous communiquons aujourd'hui est le même que celui que nous avons voulu transmettre au moyen de ces annonces au premier ministre en particulier, surtout parce qu'il a pris, au nom du gouvernement, dans le discours du Trône du 30 janvier, un engagement historique très précis envers l'élimination de la pauvreté chez les enfants.

• 1410

Comme vous le savez, monsieur le président, membres du comité, le Parlement a, en novembre 1989, pris à l'unanimité une décision historique, c'est-à-dire tenter d'éliminer la pauvreté chez les enfants du Canada d'ici l'an 2000. L'année 2000 est maintenant derrière nous. La promesse avait été faite. L'engagement avait été pris, et nous sommes heureux que le gouvernement, dans le discours du Trône du 30 janvier, ait, sans ambiguïté, réitéré cet engagement et affirmé qu'il allait prendre des mesures précises pour que son engagement en 1989 se traduise par des actions concrètes.

Nous avons été particulièrement heureux de constater que le premier ministre, dans sa réplique au discours du Trône, le lendemain de la présentation de ce dernier, a une fois de plus établi clairement que le gouvernement prenait au sérieux la promesse faite dans le discours du Trône et l'obligation historique que le Parlement s'est donnée d'éliminer la pauvreté chez les enfants et les familles avant l'an 2000.

Si nous sommes ici aujourd'hui, c'est pour inviter les membres du comité à recommander au gouvernement, de la façon la plus catégorique possible, de continuer de transformer ses promesses en engagements et, aujourd'hui, en mesures budgétaires qui constitueront une étape majeure en vue de la traduction de tout ce qui a été dit sur papier en un document budgétaire qui énonce le genre de politiques sociales qui assureront la sécurité sociale des familles vulnérables et des enfants sans voix, qui se trouvent aujourd'hui dans une situation désespérée. L'hiver est à nos portes. Les sans-abri se compteront de nouveau par milliers. Dans les refuges de la ville où nous nous trouvons, on retrouve déjà 6 000 enfants sans abri.

Nous vous lançons donc un appel. Pour nous comme pour vous, sans doute, il s'agit d'une question de conscience, de conscience nationale. Il s'agit d'une question de valeurs fondamentales, de valeurs de base, auxquelles nous devons nous attaquer. L'élimination de la pauvreté chez les enfants et les familles doit donc être, pour vous comme pour nous, de même que pour la nation tout entière, une priorité nationale. On doit se mettre à la tâche de toute urgence. Il s'agit d'un défi que nous n'avons pas le choix de relever.

Dans votre trousse, vous allez également trouver une copie de l'article vedette paru dans le Maclean du 17 septembre. Je pense que l'article porte non seulement sur la tragédie personnelle que constitue la pauvreté infantile, mais aussi sur la honte politique qui en découle, et je vous invite, vos collègues et vous, à en prendre acte et à traduire les défis qui y sont présentés en recommandations à l'intention du ministre des Finances et de la Chambre des communes.

J'attire également votre attention sur l'annonce parue le 22 mai que vous trouverez dans votre trousse: «Il lui faut plus que des prières». La publicité est parue dans un journal national. Elle a été signée par environ 300 leaders religieux des quatre coins du pays. C'est la première fois dans l'histoire de notre pays que des leaders religieux de tous les horizons signent un appel conjoint au premier ministre, au Parlement, aux députés et aux membres du comité pour que des mesures soient prises.

Bon nombre de personnes appuient les objectifs visés par la Campagne contre la pauvreté des enfants. Nos efforts sont principalement passés par des annonces publiques dans les journaux nationaux. Récemment, nous avons organisé un important jeûne national, dans le cadre duquel on a communiqué avec des députés pour leur demander, dans le débat imminent sur le budget, de faire quelque chose pour répondre au besoin urgent d'améliorer de façon spectaculaire le terrible portrait de la pauvreté décrit à la page 3—je n'entrerai pas dans les détails—, où vous trouverez des statistiques montrant que la situation n'a fait que se détériorer. Le taux de pauvreté chez les enfants s'est accru, l'écart entre les riches et les pauvres s'est accru, et le recours aux banques alimentaires a augmenté.

Après la discussion d'aujourd'hui, nous espérons donc que vous formulerez à la Chambre et à vos partis respectifs une recommandation tout aussi unanime que l'a été celle de 1989 et que le Parlement agira une fois de plus dans l'intérêt national et verra dans la situation actuelle une urgence nationale.

• 1415

Ma collègue, Caroline, dira maintenant un mot de certains des points de repère qui ont été conçus et soumis à l'attention des ministres du Cabinet que nous avons rencontrés. Nous nous sommes dit que nous devions les présenter ici de manière que nous puissions échanger avec vous au sujet de leur pertinence dans le contexte de la préparation du budget. Ces points de repère figurent à la page 4.

Caroline.

Mme Caroline DiGiovanni (directrice générale, Hope for Children Foundation, Catholic Children's Aid Society de Toronto; Campagne contre la pauvreté des enfants): Merci, Gerald, et merci aux membres du comité d'écouter notre témoignage d'aujourd'hui.

Nous nous intéressons à cette question depuis un certain temps, et l'urgence ne s'est pas relâchée. En présentant les points de repère aujourd'hui, nous voulons les présenter sous une forme qu'un comité des finances peut utiliser.

Le tout premier est un plan quinquennal d'investissement social pour les enfants du Canada, assorti de cibles et d'objectifs nationaux clairs. C'est le vocabulaire de l'investissement, mais il convient assurément au portrait que nous nous efforçons de dresser pour vous.

Si, au Canada, il continue d'y avoir des familles et des enfants sans abri qui errent d'un endroit à l'autre tout au long de leur enfance, sans racines ni points d'attache et que nous n'investissons pas dans la petite enfance, il n'y aura pas, dans 20 ans, de société civile. L'investissement dans la petite enfance est très important pour nous tous, et non seulement pour les enfants en question. Le vocabulaire que nous utilisons dans le point de repère vous aidera, c'est du moins ce que nous espérons, à justifier ce que vous annoncerez dans le cadre des préparatifs budgétaires.

En vertu du deuxième point de repère, à savoir un engagement du gouvernement fédéral envers une gestion réorientée du Programme LEAP, on demande que 1,5 p. 100 du PIB projeté soit, d'ici 2005, réservé à des investissements nationaux dans les enfants et la famille pour qu'on puisse répondre aux objectifs de base. Selon nos estimations, le montant cumulatif pourrait s'établir à près de 16,5 milliards de dollars. Une fois de plus, c'est un investissement qui s'échelonnera sur les années à venir. En l'envisageant maintenant, au moment où vous contemplez d'autres plans, vous ferez un pas vers l'avant.

Dans le cadre du troisième point de repère, on cherche à obtenir du gouvernement fédéral l'engagement de bonifier les prestations pour enfants des familles à faible revenu, afin de réduire de 50 p. 100 la profondeur et le niveau de la pauvreté infantile d'ici 2005, de même que l'engagement du gouvernement fédéral à collaborer avec les provinces. Dans ce dossier, la seule façon d'agir consiste à lutter ensemble pour éliminer les niveaux exceptionnellement élevés de pauvreté observés aujourd'hui chez les enfants en bas âge.

La profondeur de la pauvreté se traduit par des récits que, en vertu du travail que j'effectue auprès de la société d'aide à l'enfance, je connais bien. On fait appel à la Catholic Children's Aid Society quand une famille ne parvient plus à s'acquitter de ses obligations fondamentales envers ses enfants.

Il s'agit du seuil à partir duquel on doit aider une famille à répondre aux besoins liés à l'alimentation, au logement et au vêtement. On assiste à une augmentation du nombre de cas de cette nature traités par tous les organismes d'aide à l'enfance de l'Ontario. Dans les autres provinces, on nous dit que le nombre de cas augmente également. On doit donc tenir compte de la profondeur de la pauvreté.

En ce qui concerne le quatrième point de repère, on demande au gouvernement fédéral de s'engager à investir dans la prestation de base de services de développement de la petite enfance qui sont offerts à toutes les familles des collectivités du Canada. Ce qu'on demande, c'est du leadership. Ce qu'on vous demande, c'est d'affirmer qu'il s'agit d'une valeur que vous soutenez.

Dans bon nombre de pays du monde, les besoins des enfants vont de soi et sont traités de façon prioritaire. Lorsqu'on retrouve un tel souci dans toutes les collectivités, les familles peuvent envisager d'élever des enfants: ils obtiennent des services sur l'art d'être parents, elles ont un endroit où s'adresser pour obtenir de l'aide dans le cas de besoins particuliers et elles peuvent confier leurs enfants à des personnes adéquatement formées et bien rémunérées.

Dans certaines nations, de tels services vont de soi. Ils vont de soi à côté de chez nous, c'est-à-dire au Québec. Ce que nous devons véritablement prendre en considération, me semble-t-il, c'est le leadership dont on doit faire preuve pour faire en sorte que les années de formation des enfants occupent une place de choix dans l'ordre de priorité national, de façon que ces services fassent partie intégrante du tissu de chacune des collectivités.

Je vais maintenant tenter d'accélérer un peu parce que nous allons faire allusion à certains autres témoignages que vous avez déjà entendus.

Nous sommes en quête d'un certain nombre de logements à prix abordable. Sans logement stable, les familles commencent à se désintégrer, et on perd alors les gains réalisés au cours des premières années de vie des enfants.

Ce que nous voulons, c'est que le gouvernement améliore sensiblement la prestation fiscale pour enfants de base. Depuis son introduction, le programme a fait l'objet de nombreuses améliorations. Il continue de jouer un rôle important pour les familles à faible revenu et à revenu modeste tout autant que pour les familles à revenu moyen. Nous devons conserver ce programme et l'étendre à l'ensemble de la province. Vous avez la prérogative de définir le programme chaque année et de voir s'il est possible de l'enrichir et de l'améliorer.

• 1420

Aux termes des deux points de repère suivants, le gouvernement fédéral s'engagerait à consentir des investissements nationaux, en coopération avec les provinces, dans des programmes visant à geler et à réduire les frais de scolarité pour les étudiants de niveau postsecondaire des quatre coins du Canada. Ce n'est que par l'éducation que les citoyens peuvent améliorer leur sort et se préparer pour le marché du travail. Nous devons fixer les frais de scolarité à un niveau accessible et abordable.

Enfin, nous demandons au gouvernement fédéral d'établir, en coopération avec les provinces, une commission nationale chargée d'élaborer des stratégies susceptibles d'améliorer l'offre d'emplois de qualité et de salaires suffisants pour les soutiens de famille et les adultes qui vivent dans la pauvreté. D'autres témoins l'ont affirmé aujourd'hui. Nous revendiquons sans cesse des modifications de façon que les augmentations du coût de la vie s'accompagnent d'augmentations de salaires correspondantes. S'ils en profitent, les salariés sont en mesure de subvenir à leurs propres besoins, ce qui contribuera à réduire le fossé entre les riches et les pauvres.

Je vous remercie.

Le président: Je vous remercie beaucoup.

Nous allons maintenant passer à la séance de questions et de réponses. Les quatre députés suivants, M. Kenney, M. Brison, Mme Bennett et M. Murphy, disposent de cinq minutes chacun.

M. Jason Kenney (Calgary-Sud-Est, Alliance canadienne): Je vous remercie, monsieur le président.

Au nom de tous les députés ici présents, j'aimerais remercier tous les membres du groupe de témoins et les organismes qu'ils représentent d'avoir pris le temps de préparer leurs témoignages et de comparaître devant nous.

Bien entendu, ce genre de groupes de témoins pose toujours des problèmes. On soulève de nombreux enjeux, mais j'aimerais revenir sur un de ceux qu'ont soulevés deux ou trois organismes—CPJ de même que la Campagne contre la pauvreté des enfants—et d'autres s'y intéresseront peut-être. Dans ces mémoires, on nous réitère en particulier la statistique apparente selon laquelle un enfant canadien sur quatre vit dans la pauvreté. Pour ma part, je ne connais pas de définition statistique de la pauvreté au Canada sur laquelle on puisse fonder une telle affirmation. Je ne suis peut-être pas au courant du cadre statistique que vous utilisez.

J'invite l'un ou l'autre de ces organismes, ou tout autre intervenant, à se prononcer sur cette question. Faites-vous référence au seuil de faible revenu de Statistique Canada? Le cas échéant, n'êtes-vous pas d'accord pour dire, comme Statistique Canada le répète inlassablement, année après année, qu'il s'agit non pas d'une définition de la pauvreté, mais bien plutôt d'une définition relative du revenu? Ma première question est donc la suivante: sur quoi vous appuyez-vous pour faire une telle affirmation et quel lien entretient-elle avec la définition relative que propose Statistique Canada dans le seuil de faible revenu?

M. Greg DeGroot-Maggetti: Permettez-moi de répondre à votre question. Traditionnellement, le seuil de faible revenu, que Statistique Canada a défini comme le seuil de revenu sous lequel les familles ou les particuliers se trouvent dans une situation particulièrement difficile ou dans la gêne, a été utilisé comme point de repère pour définir le faible revenu.

J'aimerais faire deux ou trois observations à ce sujet. Statistique Canada et divers ordres de gouvernement ont travaillé à bon nombre de moyens différents de mesurer la pauvreté. Quel que soit celui qu'on choisisse, on constate, au cours de la dernière décennie, une augmentation du nombre de personnes qui, de par leur situation, se trouvent sous ces seuils. Statistique Canada a tenté d'affiner la mesure de la pauvreté et de donner une idée de son intensité en évaluant sa profondeur. Ce qu'on a constaté, c'est que, tout au long des années 90, la profondeur de la pauvreté est demeurée la même ou s'est accrue.

La question de savoir quelle mesure utiliser soulève un certain débat. À mon avis, certaines données permettent de croire à l'utilité, du point de vue de la politique gouvernementale, du seuil de faible revenu. En adoptant, par exemple, une définition selon laquelle la pauvreté est «le seuil sous lequel la santé d'une personne se détériore», nous serons à même de constater, au moyen de recherches longitudinales sur l'effet de la pauvreté sur la santé et le bien-être des enfants, que, sous le seuil de faible revenu environ, le risque de problèmes de santé et d'échecs scolaires est nettement plus grand.

Du strict point de vue de la politique gouvernementale, l'utilisation du seuil de faible revenu comme mesure de notre capacité de donner les meilleures chances possibles à nos enfants se justifie donc.

• 1425

M. Gerald Vandezande: Pour étayer la position avancée par mon collègue, je vous demande d'imaginer, pour les besoins de la discussion et de l'obligation qu'a le gouvernement d'arrêter ce que devraient être les priorités du prochain budget, que seulement 6 000 enfants—on observe de tels chiffres à Toronto—vivent dans une pauvreté absolue et doivent être logés dans des refuges. Imaginons qu'il s'agisse du seul groupe de personnes pauvres que nous puissions trouver au pays.

Nous sommes convaincus, et les 400 leaders religieux dont j'ai fait mention de même que les Canadiens des quatre coins du pays partagent cette conviction, que 6 000 enfants, des personnes qui n'ont pas voix au chapitre, méritent toute l'aide que le gouvernement est en mesure de leur donner. Six mille personnes, c'est déjà 6 000 personnes de trop. Une personne, c'est déjà une personne de trop. Ce sont nos enfants. C'est la génération de demain. Ce sont ces personnes qui demandent de l'aide, des logements, des mesures de protection et des soins.

À mon avis, le débat devrait porter non plus sur la meilleure mesure possible de la pauvreté, mais bien plutôt sur les meilleures mesures que le gouvernement, de concert avec les partis d'opposition, peut prendre pour donner suite, une fois pour toutes, à l'engagement qu'il a contracté en 1989 d'éliminer la pauvreté des enfants et des familles. Il s'agit d'un enjeu moral. Il s'agit d'un enjeu éthique. Ensemble, vous pouvez montrer, même en ces temps de crise nationale, que vous avez, au niveau national, la volonté politique d'agir en ce sens.

Le 31 janvier, le premier ministre a déclaré, en réponse au discours du Trône et dans des allocutions récentes qu'il a prononcées à son retour de Washington, que le programme pour les enfants doit demeurer une priorité et que nous devons agir pour le bien des générations futures. J'espère que votre parti et vous, de même que les autres partis d'opposition aiderez le premier ministre à tenir ses engagements.

M. Jason Kenney: Monsieur le président, je vais répondre et poser une question supplémentaire.

M. DeGroot-Maggetti a déclaré que le seuil de faible revenu permet d'identifier les personnes qui se trouvent dans une situation particulièrement difficile ou dans la gène. En fait, ce n'est pas exact. Le seuil de faible revenu mesure l'inégalité relative des revenus. Si, demain, on doublait les revenus moyens de tous les Canadiens, peu importe combien ils gagnent, on aboutirait toujours, je suis certain que vous en conviendrez, à la définition selon laquelle il y a un enfant canadien sur quatre sous le seuil de faible revenu, et c'est pourquoi, à mon avis, il ne s'agit pas d'un outil de mesure utile.

Pour sa part, M. Vandezande fait ce que les personnes dans sa situation font souvent, c'est-à-dire demander, lorsque ces préoccupations sont soulevées, qu'on mette tout de côté pour mettre l'accent sur l'outrage moral soulevé par la pauvreté infantile. Vous ne trouverez personne, ni au Parlement, ni au Canada, qui soit en désaccord avec l'obligation morale que nous avons de réduire et, avec un peu de chance, d'éliminer un jour la pauvreté chez les enfants.

La question que je me pose est la suivante: les partisans de la réduction et de l'élimination de la pauvreté infantile ne seraient-ils pas d'accord pour dire que l'adoption de statistiques crédibles au regard du sens commun renforceraient sensiblement leur cause du point de vue des pressions publiques et, par conséquent, des résultats politiques? Pour ma part, je ne pense pas qu'un seul de mes commettants croie sincèrement qu'un sur quatre des ses voisins ou des ses compatriotes a des enfants qui vivent dans la pauvreté. Le message très important que vous devez faire passer, à mon avis, souffre de l'incrédulité que fait naître cette statistique si souvent citée.

M. Greg DeGroot-Maggetti: Puis-je dire quelques mots? Je répugne vraiment à l'idée de consacrer beaucoup de temps à des querelles de chiffres. Par exemple, le seuil de faible revenu est un mélange, vraiment...

M. Jason Kenney: Dans ce cas, que signifie-t-il?

M. Greg DeGroot-Maggetti: ...du point de vue technique. Je vais répondre à la question. Du point de vue technique, c'est l'amalgame d'une mesure relative et d'une mesure du panier de provisions. Il existe une mesure relative directe appelée mesure du faible revenu qu'on utilise à des fins de comparaisons internationales. Elle permet d'établir le pourcentage des habitants de la planète qui cumulent la moitié du revenu médian de la population tout entière.

Suivant votre raisonnement, vous dites qu'on ne pourrait jamais arriver à un chiffre inférieur à un enfant sur quatre qui vit dans la pauvreté. Lorsqu'on regarde la situation dans d'autres pays, comme on le voit dans le petit tableau venu des Nations Unies que j'ai ici, 15,5 p. 100 des enfants canadiens, selon cette mesure, ont vécu dans la pauvreté tout au long des années 90. En réalité, il s'agit d'une mesure plus restrictive que le seuil de faible revenu, et c'est ce qui explique que le nombre de personnes vivant dans la pauvreté soit inférieur.

Dans ce cas, comment expliquer que, en Suède, seulement 2,6 p. 100 des enfants vivent sous le seuil défini par cette mesure de la pauvreté plus restrictive que celle que nous avons traditionnellement utilisée au Canada?

• 1430

Même si nous utilisons des mesures relatives, nous pouvons réduire la pauvreté. Et nous l'avons fait pour les aînés. Il est temps d'agir auprès des enfants et des familles. Allez rencontrer les bénévoles qui travaillent dans les refuges pour sans-abri et les banques alimentaires, et demandez-leur s'il y a de la pauvreté. J'en ai assez d'entendre dire qu'il n'y a pas de pauvreté. C'est la situation qui se vit sur la rue où je vis. Il s'agit de personnes de ma collectivité.

M. Jason Kenney: Qui a dit qu'il n'y avait pas de pauvreté? Je n'ai jamais rien entendu de tel.

M. Greg DeGroot-Maggetti: Mettons-nous au travail. Voilà tout ce que j'ai à dire. Chaque année qu'un enfant est exclu d'activités, qu'il a le ventre vide au cours d'un mois donné ou que ses parents sont inquiets parce qu'ils ne peuvent pas joindre les deux bouts, même s'ils occupent deux ou trois emplois, il s'agit d'un outrage moral dans un pays aussi riche que le nôtre. Nous pouvons faire mieux. C'est possible. Mettons-nous au travail.

Le président: Le temps qui vous est imparti est terminé. Nous allons maintenant entendre M. Brison.

M. Scott Brison (Kings—Hants, PC/RD): Je vous remercie, monsieur le président. Je remercie tous les témoins de leurs interventions. Ma première question s'adresse à Mme Harman. Dans votre exposé, vous avez déclaré que votre groupe s'oppose à la prestation de tout service de santé par le secteur privé. Je tenais à vous demander un éclaircissement: vous opposeriez-vous à une certaine forme de participation du privé si cette dernière était financée par des capitaux publics et non privés? Vous opposeriez-vous à une certaine participation du privé à la prestation de services de santé, même dans le cadre d'un système de santé à une seule vitesse?

Mme Mae Harman: Nous nous opposons à toute forme de prestation de services de santé à but lucratif. Nous considérons la santé comme un bien public. Elle devrait être accessible à tous. Il ne devrait pas s'agir d'un secteur ouvert à la concurrence dans lequel ceux qui ont de l'argent ont accès à des services, tandis que les autres n'ont pas droit aux mêmes avantages.

M. Scott Brison: Même si on conserve un régime à un seul payeur et que c'est le gouvernement qui signe le chèque, vous vous opposez à toute forme de participation du secteur privé, même si on pouvait montrer qu'une telle participation est avantageuse, permet aux contribuables de réaliser des économies et, en dernière analyse, se traduit par de meilleurs soins et des soins plus nombreux? Une fois de plus, je ne parle pas de citoyens qui achèteraient des services de santé privés. Il s'agirait d'un régime à un seul payeur, et la mesure ne viserait qu'à permettre la réalisation d'économies à l'interne grâce à l'utilisation du secteur privé. Vous maintiendriez votre opposition?

Mme Mae Harman: Oui, parce que, en réalité, il n'y a pas là d'économies. Dans le secteur à but lucratif, l'administration coûte plus cher que dans le secteur sans but lucratif. Si nous avons des fonds excédentaires, investissons-les dans les services aux personnes, et non dans les profits de sociétés qui s'enrichissent grâce à la maladie des gens. L'administration publique et la prestation de services publique sans but lucratif permettent nettement mieux que tout autre système de prodiguer des soins aux personnes dans le besoin, et, en toute franchise, nous y sommes très favorables. Dans un article récent du Journal of the American Medical Association, on fait état du gaspillage dont se rendent coupables les OSSI des États-Unis, du point de vue des frais d'administration. Je trouve cette constatation rassurante.

M. Scott Brison: Dans ce cas, le corollaire logique de ce que vous affirmez est peut-être que le marché n'est pas le moyen le plus efficace d'assurer la prestation de biens ou de services—qu'il s'agisse du logement, de l'alimentation ou de tout autre bien ou service. Les soins de santé sont incontestablement des biens de première nécessité, mais il en va de même pour la nourriture et le logement. Où, selon vous, se situent les différences?

Mme Mae Harman: Ce que j'ai dit ne s'applique pas nécessairement à d'autres systèmes de prestation ou à d'autres services. Les propos que j'ai tenus en réponse à votre question portaient sur les soins de santé. Dans notre approche publique, sociale et intégrée des soins de santé, l'exploitation à but lucratif n'est pas—c'est très clair au Canada—une avenue que nous croyons pouvoir soutenir ou défendre. En fait, l'augmentation des revenus des médecins a été phénoménale après l'adoption d'un régime national d'assurance-santé, et ils ont pu en apprécier les avantages. Au lieu de se faire payer directement par les patients, dont bon nombre n'étaient pas en mesure de le faire, ils bénéficiaient d'un revenu garanti.

• 1435

Du point de vue médical, nous avons donc constaté que la prestation était nettement plus avantageuse pour eux et nettement plus avantageuse pour les patients. Nous savons que, dans l'ensemble des provinces, les patients éviteront d'acheter des médicaments prescrits par un médecin s'ils doivent les payer. Ils préfèrent manger que d'acheter des médicaments. Confronté à un tel choix, vous constaterez que votre estomac souffre plus rapidement que d'autres parties de votre corps. Vous utiliserez votre argent pour acheter de la nourriture. Nous le savons de façon certaine.

Le président: Avec votre permission, Scott, j'aimerais poser une question très brève à ce sujet.

Que pensez-vous de l'éducation privée?

Mme Gerda Kaegi (présidente sortante, section ontarienne, vice-présidente, Association nationale, Corporation Canadienne des Retraités Intéressés): Nous sommes fermement convaincus—et j'ai moi-même fréquenté une école privée à Montréal—que le système d'éducation publique constitue la meilleure solution. Si des particuliers peuvent s'offrir une éducation privée, c'est leur choix, mais ne leur accordez pas de crédits d'impôt ni d'avantages fiscaux.

S'ils choisissent de faire soigner à la clinique Mayo aux États-Unis—histoire de revenir au système de soins de santé—, laissez-les y aller.

M. Scott Brison: Mais cela suppose des fonds canadiens, de l'argent canadien...

Mme Gerda Kaegi: Non, non, il s'agit de particuliers qui font des choix personnels. Ce que je dis, c'est que ce n'est pas aux contribuables d'en faire les frais.

M. Scott Brison: Oui, mais le résultat, c'est que de l'argent canadien finit par financer des centres d'excellence à l'extérieur du pays. Dans les faits, les illustrations les plus brillantes de percées dans le domaine de la biotechnologie ou de l'expertise médicale sont réalisées dans d'autres pays, avec de l'argent privé canadien. Pourquoi une telle situation est-elle, à long terme, avantageuse pour les Canadiens?

Mme Gerda Kaegi: Je trouve intéressant qu'il soit maintenant question du droit d'un particulier de faire des choix. Ce n'est pas ce dont je parle. Ce qui m'intéresse, c'est plutôt la simple prestation de services.

Vous avez posé une question au sujet de l'éducation privée. Voici ce que je pense: si un particulier, à même ses revenus, souhaite offrir à son enfant une éducation spéciale ou privée—par choix, et non par nécessité—laissez-le faire, mais ne lui accordez pas d'avantages fiscaux ni de crédits d'impôt, et n'utilisez pas de fonds publics pour financer ce choix. Selon moi, c'est le secteur public qui nous procure le meilleur rendement et le meilleur service d'intégration à la collectivité, selon la méthode la plus holistique qui se puisse trouver.

Il est donc tout à fait illogique d'affirmer qu'un recours généralisé à l'éducation privée débouchera sur une compréhension canadienne générale et une intégration de l'éducation...

Le président: Non, ce n'est pas ce que je dis. Ce que je dis, c'est que j'ai parfois du mal à comprendre qu'on n'accorde pas la même importance au choix entre l'éducation publique et l'éducation privée. Lorsqu'on considère que l'éducation est le plus important facteur d'égalisation sociale au pays, pourquoi n'accorderions-nous pas autant d'attention à l'éducation qu'au système de santé? Je suis souvent frappé par ce phénomène.

Vous avez vous-même fréquenté une école privée. Il n'y a à cela rien de répréhensible, mais je me demande simplement pourquoi vous accepteriez... L'argument me paraît incohérent.

Mme Gerda Kaegi: Permettez-moi d'être en désaccord. Par l'entremise des systèmes publics, tous les Canadiens bénéficient d'un accès égal à l'éducation. Si quelqu'un choisit d'agir différemment...

Quand je vivais au centre-ville de Montréal, mes parents m'ont envoyée dans une petite école. C'est une occasion dont je n'aurais pas bénéficié si j'avais fréquenté le Montreal High School, qui comptait 2 000 élèves. Ces derniers étaient classés: il y avait, au niveau A, les éléments les plus brillants, au niveau F, il y avait ceux qu'on devait surveiller de près. Cette occasion, mes parents me l'ont donnée au prix d'un grand sacrifice. Grâce au système d'éducation public d'aujourd'hui qui est nettement supérieur à celui des années 30 et 40 et qui assure une bonne éducation aux enfants des quatre coins du pays, chacun bénéficie de chances égales.

Je ne vois pas de différence entre le fait d'accorder des chances égales à tous les enfants, en particulier à ceux qui appartiennent au groupe désavantagé en raison de handicaps, et le fait d'assurer à tous un accès égal aux soins de santé. C'est la même chose. Le principe est le même. Je ne vois pas la différence.

M. Scott Brison: La différence est la suivante: si, dans le système de soins de santé, un Canadien souhaite augmenter les services de santé qui lui sont offerts à lui et à sa famille et qu'il a les moyens de le faire, il doit, sauf dans deux ou trois cas, par exemple la clinique Shouldice et deux ou trois centres bénéficiant de droits acquis, choisir de franchir la frontière pour accéder à des soins privés.

Je suis d'accord avec le président pour dire que le raisonnement paraît quelque peu incohérent, mais du point de vue canadien, nous sommes tous perdants si les découvertes et les percées médicales finissent par se matérialiser dans d'autres pays.

• 1440

Les technologies et les applications médicales ont beau être d'abord perfectionnées dans le secteur privé, elles finissent tôt ou tard par devenir des produits de consommation courante. Les prix diminuent, et elles deviennent généralement accessibles. Je ne pense pas que nous devions empêcher ce genre d'avancées et d'autres occasions passionnantes de se réaliser en territoire canadien de préférence à l'étranger.

Mme Gerda Kaegi: Puis-je apporter une autre réponse?

Le président: Soit dit en passant, nous aimons simplement débattre d'enjeux.

Mme Gerda Kaegi: Moi aussi.

Le président: Que vous ayez fréquenté l'école privée ne me fait rien. C'est sans importance.

Mme Gerda Kaegi: Je ne m'en offusque pas non plus. C'était un grand avantage. Mon frère a fréquenté le Montreal High School.

Ce que vous dites, c'est que la mise au point d'une nouvelle technologie, parce qu'elle est produite en plus grande quantité par le secteur privé, nous profite à tous. C'est intéressant. Permettez-moi d'appliquer le même raisonnement au système de soins de santé. Selon le magazine Fortune 500, les grandes sociétés pharmaceutiques sont celles qui engrangent le plus de profits au monde. Elles viennent au premier ou au second rang dans toutes les catégories. En réalité, elles viennent au premier rang dans tout.

Le prix des produits pharmaceutiques n'a pas diminué. Ce sont les médicaments génériques qui ont exercé des pressions à la baisse. J'ai fait partie d'une délégation au Sénat et à la Chambre des communes à l'époque du débat qui a entouré le projet de loi sur les brevets. Je connais le domaine, et je vous prie de m'excuser, mais votre exemple n'est pas terrible. Les sociétés pharmaceutiques font des profits sur le dos des malades. Revenu Canada a souligné qu'ils effectuent des débits internes inappropriés.

J'essaie de me souvenir de l'article du Globe dans lequel on faisait état d'une des affaires entendues par les tribunaux du Canada, probablement au niveau fédéral, mais peut-être pas. Le coût du produit était de 10,41 $, mais, au moyen de débits d'une division de la société à l'autre, le coût a été majoré à environ 600 $. On citait aussi l'exemple d'un autre produit de 1 600 $. Lorsqu'une société produit le Losec, par exemple, elle utilisera l'ingrédient chimique d'une autre division et imputera un prix exorbitant pour faire monter davantage le prix du produit.

Pardonnez-moi, mais il s'agit de cas documentés. Ce sont des cas qui ont été entendus par des tribunaux.

M. Scott Brison: Cependant, les sociétés pharmaceutiques qui produisent des médicaments génériques et celles qui produisent des médicaments au moyen de recherche sont dans tous les cas des organismes privés. Il ne s'agit jamais d'organismes gouvernementaux. Je ne vois donc pas...

D'un côté, nous parlons de la prestation de services par les secteurs privé et public, et vous parlez de deux entités...

Mme Gerda Kaegi: Ce que j'essaie de montrer...

M. Scott Brison: ...en symbiose dans une économie de marché. Vous avez raison, elles fonctionnent bien ensemble.

Mme Gerda Kaegi: C'est si vrai que nous empêchons des fabricants de médicaments génériques de faire concurrence aux autres. Nous ne souhaitons pas la concurrence au sein du marché. Nous leur imposons des restrictions pendant 20 ans. Nous les excluons. Puis, nous multiplions les brevets de façon qu'elles ne puissent livrer concurrence aux autres.

Ce que je dis, c'est que si vous débattez entre le droit d'une personne de se rendre à la clinique Mayo aux États-Unis, oui, il s'agit d'un Canadien qui achète des services à la clinique Mayo, mais il pourrait probablement—et je connais de nombreux cas ici—se rendre à Sunnybrook, un hôpital de Toronto, ou dans d'autres hôpitaux de premier plan du Canada et obtenir les mêmes services...

Eh bien, je m'excuse, mais c'est un fait. Ce qu'il y a, c'est que certaines personnes sont convaincues que la clinique Mayo est préférable. Nous avons ici au pays certains des meilleurs médecins, mais bon nombre de personnes ont le sentiment de pouvoir obtenir un meilleur service à l'extérieur du pays.

M. Scott Brison: Il est possible également qu'elles ne souhaitent pas attendre un an ou deux avant d'avoir accès aux services dont elles ont besoin.

J'aimerais poser une dernière question rapide.

Une voix: Vous avez déjà eu trop de temps.

M. Scott Brison: Ah bon? Je m'excuse.

Je vous remercie, monsieur le président.

Le président: Monsieur Brison, merci beaucoup de vos questions.

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• 1445

M. Greg DeGroot-Maggetti: Lorsque, antérieurement, nous nous sommes intéressés aux soins de santé, nous avons étroitement mis l'accent sur les moyens de réaliser des économies en amont parce que les coûts étaient très élevés. Cependant, je crois qu'on ne doit pas perdre de vue le fait que c'est la santé et le bien-être des Canadiens qui nous préoccupent vraiment.

La première étape consiste à tenter de créer des conditions favorables à la santé. À ce propos, les chercheurs du domaine de la santé publique sont de plus en plus conscients du rôle important que les déterminants sociaux de la santé jouent en évitant aux citoyens de tomber malades. C'est ce qui explique l'importance d'enjeux comme un logement salubre pour tous et des revenus décents.

J'aimerais maintenant dire un mot en faveur du maintien des établissements publics de santé parce qu'un des éléments qui ressort de recherches internationales, c'est que, on le sait très bien, ce sont les pauvres qui souffrent le plus lorsqu'il y a inégalité—et l'inégalité est omniprésente. Lorsque, fait intéressant, on examine les comparaisons internationales, on constate que les effets néfastes de l'inégalité ont été quelque peu atténués au Canada par rapport à ce qu'on observe chez nos voisins américains, disons, parce que, ici, chacun a accès au système de soins de santé et à un bon système d'éducation publique. On n'observe donc pas, dans les collectivités du Canada, une augmentation des taux de décès prématurés que connaissent hélas nos voisins américains.

Nous avons beau débattre des mérites relatifs de la répartition souhaitable des mesures de soutien privé et public dans les domaines de la santé et de l'éducation, j'aimerais que nous demeurions centrés sur l'importance du rôle ferme et substantiel que le secteur public peut jouer en faisant en sorte que des actifs communautaires assurent le bien-être des citoyens. À long terme, nous réaliserons également ainsi des économies au titre des soins de santé.

Le président: Je vous remercie.

Madame DiGiovanni.

Mme Caroline DiGiovanni: Pour ajouter à ce qu'on vient de dire, nous avons tout lieu d'être fiers des normes établies par les établissements canadiens, et nous devons comprendre l'importance du rôle qu'ils jouent dans le façonnement de la société: si, en effet, nous sentons toujours le besoin de nous comparer aux États-Unis, j'ai bien peur que nous comparions une petite population à une population beaucoup plus grande. Nous comparons une population qui a une perception bien différente de ses institutions que ce qu'on observe aux États-Unis.

Il semble donc qu'on puisse comparer un bon système de santé qui répond aux besoins de tous les citoyens et assure leur bien-être à un système d'éducation qui permette à chacun de partir du bon pied. On peut choisir l'une ou l'autre forme, mais ici l'éducation de base est bonne... Il en va de même dans le domaine de l'investissement dans la petite enfance. Si des personnes bien formées et préparées, valorisées par la société, s'occupent des enfants, ces derniers progressent plus rapidement. C'est la prochaine phase dans laquelle nous devons nous engager.

Nous sommes dotés d'un bon système d'éducation. Dans certains domaines, je crois même que nous sommes des chefs de file. Nous possédons également un bon système de santé que nous ne souhaitons pas voir éroder. La population l'a affirmé sans ambiguïté. Nous devons maintenant mettre l'accent sur les besoins des jeunes enfants, parce que nous n'avons plus affaire à des gens vivant dans des fermes disséminées un peu partout. La situation est très différente.

Au commencement de la société civile, on trouve des personnes qui s'unissent et se concentrent sur ce qu'elles valorisent et appuient, et la petite enfance a été définie par des chefs de file de renommée mondiale que nous avons formés—le regretté Paul Steinhauer, par exemple, les études qui ont été menées à l'Université de Toronto, à l'Institut d'études pédagogiques de l'Ontario, le rapport de Fraser Mustard et Margaret McCain, et ainsi de suite. Nous disposons d'un nombre amplement suffisant d'études qui montrent que l'investissement dans les programmes de grande qualité visant à hausser les normes dans le domaine de la petite enfance procureront des avantages, et c'est ce que nous voulons. C'est ce que notre population veut, et c'est ce que souhaitent un grand nombre de personnes.

Le président: Je vous remercie.

Nous allons maintenant passer à Mme Bennett et à M. Murphy.

Mme Carolyn Bennett (St. Paul's, Lib.): Pour faire suite à ce que vous venez de dire, Caroline, je pense que c'est ce que souhaitent un grand nombre de personnes. Le problème, c'est que toutes les recommandations que renferment votre mémoire et celui de Citizen for Public Justice, exigent, sauf en ce qui concerne les prestations pour enfants, la coopération des provinces, qu'il s'agisse de la petite enfance, du logement, de l'éducation postsecondaire ou des prestations sociales. Au Comité permanent des finances, nous sommes donc aux prises avec un léger dilemme dans la mesure où, lorsque nous recommandons une majoration du TCSPS, certaines provinces lancent aussitôt des réductions d'impôt. Comment allons-nous nous assurer que l'argent que nous transférons se traduit par des majorations du revenu disponible?

• 1450

À ma connaissance, le revenu disponible désigne l'argent que vous avez en main une fois votre loyer payé. Que faire lorsque, dans de plus en plus de provinces, on dénombre de plus en plus de familles qui consacrent plus de 50 p. 100 de leur revenu au loyer et ont de moins en moins d'argent à consacrer aux habits de neige ou à l'alimentation et aux banques alimentaires...?

Parmi tous les points de repère budgétaires que vous avez présentés, seulement le sixième relève de la compétence du gouvernement fédéral. Pour tous les autres, nous avons besoin d'une certaine forme de coopération de la part des provinces. Même en ce qui a trait aux programmes pour les enfants, on pourrait avec un peu de chance établir un certain bulletin.

À propos de l'annonce, permettez-moi de vous dire que certains d'entre nous, qui avons travaillé d'arrache-pied dans ce dossier, n'ont pas été amusés de constater que Mike Harris était épargné, lui qui n'a pourtant pris aucune mesure dans le domaine du logement non plus que dans d'autres.

Comme l'indique le mémoire de la Coalition for Better Child Care, nous avons alloué 114 millions de dollars à l'Ontario, somme que la province, dans un communiqué, s'est empressée de présenter sous forme de nouvelles initiatives émanant d'elle, sans préciser qu'il s'agissait de fonds fédéraux, y compris les 15 millions de dollars en capitaux provinciaux qui avaient fait l'objet d'une annonce préalable et qui allaient être remplacés par des fonds fédéraux. D'une certaine façon, la province consacre moins aux enfants qu'avant de recevoir les fonds provenant du gouvernement fédéral.

Vous allez donc devoir m'aider à ce sujet, parce que, au moment où nous nous apprêtons à renouveler l'Entente-cadre sur les normes sociales, et à voir de quoi ces bulletins ont l'air, quel genre de pressions allez-vous exercer pour faire en sorte que les bulletins qui seront produits rendent compte du pourcentage de leur revenu que les familles consacrent au logement, tiennent compte de la préparation à apprendre et d'éléments de cette nature? En ce qui concerne les résultats, nous avons besoin de votre aide au niveau provincial, faute de quoi nous éprouverons des difficultés au niveau fédéral dans tous les domaines qui exigent la coopération des provinces—ce qui m'amène, comme les représentants de la Campagne contre la pauvreté des enfants le savent très bien, à leur mémoire.

À mes yeux, leur proposition est fantastique. Elle permettra tout ce que nous souhaitons faire au gouvernement, c'est-à-dire accoucher d'une solution, et non d'un problème. Elle repose sur une coalition de personnes qui ont des idées en commun. Pour le gouvernement, il est toujours un peu plus sûr d'aller de l'avant dans un projet lorsqu'il n'a pas affaire à un groupe de personnes qui vont poser des questions concernant l'action dans un cas et l'inaction dans un autre.

J'aimerais donc entendre les représentants de la Campagne contre la pauvreté des enfants sur ce qu'ils entendent intégrer à la structure des bulletins touchant la reddition de comptes, pour que nous sachions que l'argent va là où il est censé aller et ne soit pas tout simplement annulé pour quelque chose d'autre dans les budgets provinciaux. Nous devons éviter qu'il remplace de l'argent déjà prévu pour les familles dont nous nous préoccupons.

M. Gerald Vandezande: En ce qui concerne les deux premières questions, la publicité que nous avons fait paraître visait expressément le gouvernement du premier ministre Harris. Nous avons droit à une réduction d'impôt, et c'est lui et nous—c'est-à-dire un grand nombre de personnes, qui en faisons les frais.

En plus, nous, de la Campagne contre la pauvreté des enfants, avons rencontré les ministres du Cabinet du gouvernement Harris. Nous avons eu une rencontre interconfessionnelle avec le premier ministre Harris lui-même. S'il n'en tient qu'à nous, nous en aurons d'autres.

Vous avez également fait référence à l'argent annoncé dans le budget précédent, c'est-à-dire la somme de 114 millions de dollars. J'ai moi-même passé une demi-heure devant le comité, avant les consultations prébudgétaires provinciales, et argué qu'on refusait même de débloquer la somme de 114 millions de dollars donnée par le gouvernement fédéral. Il a fallu, c'est vrai, exercer d'énormes pressions.

Je pense que nous devons mettre ce gouvernement dans l'embarras—c'est-à-dire montrer qu'il ne dit pas toute la vérité aux Canadiens. Dans le discours du Trône tout autant que dans le discours du budget, on n'a pas reconnu que le gouvernement fédéral avait eu la générosité de consentir à l'Ontario une somme de 114 millions de dollars. Vous avez donc ici affaire à un organisme non partisan qui, au besoin, n'hésite pas à directement mettre dans l'embarras les principaux décideurs.

Mme Carolyn Bennett: Si je puis me permettre un commentaire, je crois comprendre que, dans d'autres dossiers ou dans certains dossiers, des gouvernements provinciaux, particulièrement celui de la province dans laquelle nous nous trouvons, ont refusé des centaines de milliers de dollars en capitaux fédéraux parce qu'ils refusaient de répondre aux critères touchant la présentation de rapports, à la reddition de comptes ou à la transparence. Que devons-nous faire lorsque les provinces refusent de l'argent qu'on leur offre?

• 1455

M. Gerald Vandezande: Je suis un activiste politique depuis que j'ai 15 ans. À mon avis, on doit communiquer l'information aux citoyens, dans l'enveloppe qui renferme les prestations pour enfants, indiquer à tous les ménages: «Nous avons débloqué x dollars à diverses fins, et nous tenons à ce que vous soyez au courant.»

Mon expérience remonte à l'époque où Jake Epp était ministre de la Santé. J'entretenais des relations assez bonnes avec lui, et je lui ai demandé pourquoi il n'incluait pas dans les enveloppes contenant ces chèques de l'information sur ce que faisait le gouvernement fédéral tout autant que sur ce que les provinces refusaient de faire. Je pense que le gouvernement fédéral devrait une fois de plus prendre l'initiative, dire ce qu'il fait et en faire un élément de sa campagne de sensibilisation du public. C'est pourquoi nous avons eu recours à des mesures de ce genre, et c'est pourquoi nous rencontrons les ministres du Cabinet et comparaissons devant des comités provinciaux. Il est toutefois essentiel que les citoyens reçoivent l'information par la poste en même temps que les bulletins prônés par le gouvernement provincial. Les Libéraux devraient affirmer: «Voici les faits, mesdames et messieurs, et quelqu'un ne dit pas toute la vérité.»

Dans le contexte de la crise actuelle, nous présentons maintenant des annonces pleine page. S'il s'inquiétait vraiment de la crise actuelle, le gouvernement provincial s'emploierait à y mettre fin dans les rues. Dans le Toronto Star de ce matin, on trouve un article majeur portant sur le problème des sans-abri, dans lequel on affirme que cette question est sur le point de disparaître de l'ordre de priorité. Si on laisse le champ libre à M. Harris, il semble bien qu'on trouvera dans les rues un plus grand nombre de sans-abri que jamais auparavant. C'est un élément qui s'inscrit dans le cadre de la crise nationale. On doit soumettre cette question aux citoyens, et il faut s'y attaquer du point de vue de la conscience et de l'intégrité nationale.

Dans le contexte de la sécurité nationale, nous devons, me semble-t-il, mettre en lumière la sécurité sociale à laquelle les citoyens ont droit en ces jours de crise, et les politiques sociales tout comme les programmes sociaux évoqués par M. Chrétien doivent recevoir tout l'appui qu'ils méritent. On doit les affirmer. Si, pour ce faire, le gouvernement fédéral doit en découdre directement avec l'Ontario ou avec M. Campbell en Colombie-Britannique, qu'il en soit ainsi.

Mme Dianne Richler: Je me demande si je pouvais fournir quelques explications sur le chemin que nous avons parcouru pour nous retrouver ici et sur la situation dans laquelle nous nous trouvons aujourd'hui.

Depuis l'introduction du TCSPS, le gouvernement fédéral nous a mis au défi de trouver des secteurs relevant de sa compétence dans lesquels il pourrait agir pour répondre aux besoins des familles qui comptent une personne handicapée. C'est pourquoi, devant le dernier gouvernement fédéral, nous avons consacré autant de temps à l'étude du régime fiscal. Certains d'entre vous se rappellent peut-être que nous avons effectué à ce sujet certaines recherches approfondies. On a accepté et même mis en application certaines des recommandations. Nous en sommes très heureux.

Tout au long de l'exercice, nous nous sommes cependant rendu compte qu'il y a une limite à ce que nous pouvons faire pour tenter de résoudre séparément les problèmes de compétences. Il y a quelques années, les premiers ministres ont ensuite défini deux secteurs dans lesquels ils jugeaient nécessaires la collaboration fédérale-provinciale. Il s'agissait de la question des enfants et de celle des personnes handicapées.

Ces constatations, me semble-t-il, vont dans le sens de ce que les familles qui comptent une personne handicapée ont constaté, à savoir que, pour répondre aux besoins des personnes handicapées dans les familles et leur donner les moyens de participer à titre de citoyens, on ne peut fonctionner dans deux silos distincts, le gouvernement fédéral s'occupant du volet budgétaire et le gouvernement provincial s'en tenant aux mesures de soutien et aux services. Il est simplement impossible de fonctionner ainsi. Depuis quelques années, un groupe de travail fédéral-provincial-territorial s'emploie donc à résoudre ce problème.

En même temps, nous nous sommes intéressés à des enjeux comme l'entente sur le développement de la petite enfance et avons constaté...cette question a suscité de grandes craintes parmi nos membres provinciaux. Je précise que nous comptons plus de 400 associations locales réparties dans l'ensemble des provinces et des territoires du pays. Ces associations ne souhaitent pas que les dépenses fédérales donnent aux gouvernements provinciaux et territoriaux la possibilité de se désengager. Cette question les préoccupe au plus haut point. Nous ne voulons pas que le gouvernement fédéral prenne à sa charge des dépenses que les provinces et les territoires effectueraient autrement. C'est pourquoi nous ne nous contenterons pas d'être présents ici aujourd'hui. En fait, toutes nos associations provinciales et territoriales ont engagé des pourparlers au niveau des sous-ministres ou des ministres pour mettre à l'essai certaines de ces idées. Jusqu'ici, la réponse que nous avons reçue est très positive: en effet, les provinces savent qu'elles ne peuvent répondre par elles-mêmes aux besoins des personnes handicapées.

• 1500

Aujourd'hui, elles sont acculées au pied du mur au point où elles acceptent de payer le prix qu'elles n'étaient pas disposées à payer dans le dossier de développement de la petite enfance, c'est-à-dire qu'elles sont prêtes à envisager la conclusion d'une entente contenant certains engagements conjoints sur les résultats de la part des gouvernements fédéral, provinciaux et territoriaux, de même qu'à rendre le processus plus transparent.

Je pense que le fait que trois ou quatre importants organismes représentant les personnes handicapées participent à l'initiative et s'adressent à de multiples ordres de gouvernement signifie qu'il y a déjà une ouverture. Nous avons déjà soulevé ces questions à des tables fédérales-provinciales où nous ne sommes normalement pas invités. Je pense que c'est le pouvoir des idées mises de l'avant qui nous a permis d'accéder à ces tribunes. Nous sommes très optimistes.

Nous ne pensons pas qu'on pourra répondre aux besoins des personnes handicapées si le gouvernement fédéral s'efforce simplement de continuer d'étoffer le régime fiscal. De la même façon, nous ne pensons pas que l'examen d'une stratégie sur le marché du travail donnera des résultats satisfaisants en l'absence de la prise en compte des mesures de soutien dont les personnes handicapées ont besoin pour participer. Le gouvernement fédéral ne pourra donner suite à l'engagement pris dans le discours du Trône que s'il adopte une approche plus large et accepte de travailler avec les provinces. Sinon, les intéressés seront simplement laissés à l'endroit où ils se trouvent aujourd'hui.

Au lendemain du dépôt du rapport du groupe de travail Scott, on a investi dans le Fonds d'intégration et dans l'Aide à l'employabilité des personnes handicapées (AEPH). Aujourd'hui, le nombre de personnes handicapées qui occupent un emploi est le même qu'à l'époque. Il y a des fonds disponibles dont les provinces et les territoires ne peuvent se prévaloir en raison de la façon dont les lignes directrices sont formulées. Il faut favoriser la collaboration, mais nous pensons que les conditions sont réunies pour que cela se produise. Nous ne voulons pas simplement remplacer le payeur provincial par le payeur fédéral. Ce que nous voulons, c'est obtenir une majoration des fonds et obliger les provinces à réinvestir les sommes qu'elles dépensent actuellement.

Le président: Merci.

Monsieur Murphy, une dernière question.

M. Shawn Murphy (Hillsborough, Lib.): Oui, monsieur le président, merci beaucoup.

Mme Bennett s'est intéressée à beaucoup de questions que je voulais aborder, mais j'aimerais adresser un commentaire ou une question à M. DeGroot-Maggetti, en rapport avec la question des problèmes fédéraux-provinciaux dont il est question depuis dix minutes, en particulier en ce qui concerne la prestation fiscale pour enfants.

Vous avez établi le coût de certaines de vos propositions, et la prestation pour enfants d'aujourd'hui... Dans la province d'où je viens, le gouvernement fédéral a majoré considérablement cette prestation il y a quatre ou cinq ans, et il l'a majorée de nouveau l'année dernière.

Ce qui est arrivé aux assistés sociaux—peu importe la définition qu'on utilise, ce sont des personnes qui vivent dans la pauvreté, cela ne fait aucun doute—, c'est que la province a tout simplement tout récupéré. Le gouvernement fédéral a dû prendre à sa charge des dépenses considérables. Les personnes qui avaient besoin d'aide n'ont absolument rien reçu.

Avant que je me prononce en faveur de votre proposition visant l'octroi de 10 milliards de dollars d'aide additionnelle, vous allez devoir m'expliquer comment nous devrons nous y prendre pour surmonter cette proposition fédérale-provinciale parce que, si nous étions allés de l'avant et avions suivi la même procédure qu'auparavant, les personnes qui ont le plus besoin de cette aide, celles que vous représentez, n'en verraient pas la couleur, et le gouvernement fédéral aurait dans ses goussets un trou de 10 milliards de dollars. Vous avez des commentaires à ce sujet?

M. Greg DeGroot-Maggetti: Je partage votre préoccupation. Si, franchement, j'avais été à la table au moment de la création du supplément de la prestation nationale pour enfants, j'aurais revendiqué quelque chose de différent. Malheureusement, je n'y étais pas. Le gouvernement fédéral était là, si bien qu'il a été partie au processus, et il a donné son accord à cet arrangement.

Ce que je dirais, c'est que les détails d'une entente qui permet de récupérer des sommes auprès des assistés sociaux... Parlez-en à Ken Battle du Caledon Institute, et il vous expliquera en détail que le programme est censé remplacer les prestations liées aux ressources dans le cadre de l'aide sociale par des prestations liées au revenu.

L'entente a eu au moins comme retombée positive que les provinces se sont jusqu'à un certain point engagées à accepter cet argent et à le réinvestir dans les services. Le gouvernement fédéral avait tout laissé tomber au moment de la suppression du Régime d'assistance publique du Canada. Pour ma part, je ne suis pas un fervent partisan de la prestation nationale pour enfants ni des modalités de récupération, mais c'est le principe qui a présidé à sa conception.

Si je comprends bien, d'après ce que j'ai lu du témoignage présenté par M. Battle devant le Comité permanent du développement des ressources humaines, on a atteint un seuil à partir duquel les prestations liées au revenu remplacent les prestations aux enfants offertes par l'entremise de l'aide sociale. Toute augmentation dont il est ici question est en sus de la base réelle de la prestation fiscale pour enfants du Canada, et non du supplément de la prestation nationale pour enfants. C'est le supplément de la prestation nationale pour les enfants que les provinces ont récupéré. Il s'agit ici de bonifier la prestation fiscale pour enfants de base.

• 1505

L'autre remarque que je voulais faire—M. Vandezande a déjà soulevé ce point—, c'est que nous sommes totalement frustrés, en particulier en Ontario, par le gouvernement actuel. Nous faisons tout ce que nous pouvons pour le faire bouger dans ces domaines.

Une réussite que nous ne devrions pas perdre de vue, me semble-t-il, c'est que, lorsque le gouvernement fédéral a fait passer la durée du congé de maternité de six mois à un an, le principal défi a consisté à obtenir de chacune des provinces qu'elles modifient leur code du travail, de façon que les parents qui se prévalaient de cette mesure soient protégés et puissent récupérer leur travail à la fin du congé. Fait assez surprenant, le gouvernement de l'Ontario y a souscrit, bien qu'à la suite d'autres modifications détournées et quelque peu répugnantes. C'est malgré tout une réussite.

Tout ce que je peux dire, c'est que nous devons travailler ensemble. Nous reprenons le même discours à l'occasion des rencontres provinciales. Nos partenaires d'autres provinces font la même chose. Nous sommes parfois en proie à une frustration assez grande. Mais bon, c'est le pays dans lequel nous vivons. Il a de nombreux points forts et de nombreux points propres à faire naître la frustration, mais nous disposons d'éléments pour nous permettre d'aller plus loin. Nous pouvons vraiment contribuer à l'édification d'un pays encore meilleur.

Le président: Je vous remercie. Je suis heureux de pouvoir poser ma prochaine question sur une note aussi positive.

Nous sommes sans cesse à l'affût de moyens de nous améliorer. Au cours des années que j'ai passées dans l'opposition, j'étais critique pour les personnes handicapées et je me suis intéressé à l'Americans with Disabilities Activité. Et je me demandais si on pourrait tirer de cette loi des leçons qui nous permettraient d'améliorer la situation actuelle des Canadiens handicapés.

Mme Dianne Richler: Nous étudions avec beaucoup d'intérêt l'impact de l'Americans with Disabilities Activité aux États-Unis. Certes, les personnes handicapées sont plus présentes dans les collectivités depuis l'introduction de la loi, surtout parce qu'elle a fait du bon travail au chapitre de l'amélioration de l'accès. On a obligé les lieux publics et privés à devenir accessibles sur le plan physique. Les personnes atteintes d'un handicap physique jouissent donc d'une liberté de mouvement beaucoup plus grande.

Là où les résultats sont moins probants, me semble-t-il, c'est que la loi n'a pas réussi à induire des changements systémiques. Prenons l'exemple des écoles: on peut exiger des rampes d'accès aux écoles, mais pas nécessairement modifier les programmes d'études ni former des enseignants de manière qu'ils incluent les élèves handicapés.

En ce qui concerne l'emploi et certains des défis auxquels nous sommes confrontés au Canada, la loi américaine aurait, de la même façon, permis de mettre du matériel spécialisé à la disposition de travailleurs éventuels. Si elle a des besoins extraordinaires et que son poste de débutant ne lui assure pas une assurance-santé complète, la personne n'aura peut-être pas les moyens d'accepter l'emploi en question, dans la mesure où elle risquerait de perdre de ses prestations additionnelles. Les coûts relatifs à un handicap dont nous proposons la prise en compte ne seraient donc pas inclus.

Dans les pourparlers que nous avons eus avec des gouvernements provinciaux et territoriaux du pays à propos du nouvel équilibre que nous proposons, une seule administration a accepté d'étudier sérieusement la façon dont la proposition pouvait l'aider à adopter une loi sur les personnes handicapées. De façon plus précise, ce qui fait défaut dans la loi américaine, c'est, me semble-t-il, un investissement dans les programmes et dans le développement communautaire. Au moins une province, à notre connaissance, dit qu'elle aura les moyens de donner suite à son engagement de promulguer une loi provinciale dès que le gouvernement fédéral entérinera la proposition, à supposer qu'il le fasse un jour.

Le président: Je tiens à vous remercier chaleureusement. La table ronde a été des plus intéressantes. Au nom des membres du comité, je puis vous assurer que nous apprécions sincèrement votre participation, qui nous aidera à formuler les recommandations qui seront présentées au ministre des Finances. Une fois de plus, merci.

Nous allons maintenant faire une pause pour permettre au groupe suivant de témoins de prendre place.

• 1509




• 1516

Le président: Nous allons maintenant reprendre nos travaux.

Je pense que la quasi-totalité des personnes ici présentes ont déjà comparu devant le comité. Vous savez donc que vous disposez de cinq à sept minutes pour présenter vos remarques liminaires. Nous allons ensuite passer à une séance de questions et de réponses.

Nous allons entendre les organismes suivants: les Certified Management Accountants of Canada, l'Association des banquiers canadiens, la Horse Racing Tax Alliance of Canada et, de BMO Nesbitt Burns Inc., le vice-président, Donald Johnson.

Nous allons suivre l'ordre du jour. Nous allons donc commencer par les Certified Management Accountants of Canada, représentés pour le président, Robert Dye, et Richard Monk. Soyez les bienvenus.

M. Robert Dye (président, Certified Management Accountants of Canada): Je vous remercie, monsieur le président. Nous sommes ici aujourd'hui pour exposer nos idées sur ce que nous considérons comme des lacunes en gestion au sein des petites et moyennes entreprises et pour demander au gouvernement du Canada d'exercer une forme de leadership dans la résolution de ce problème.

À première vue, la formation en gestion des PME ne semble pas être un sujet prioritaire si on le compare à d'autres questions d'ordre public et d'autres préoccupations du gouvernement. Lorsqu'on considère que le Canada arrive au deuxième rang des pays industrialisés—derrière les États-Unis—pour ce qui est de la création d'entreprises, que les 2,6 millions de petites entreprises et travailleurs autonomes du Canada représentent 60 p. 100 des emplois recensés dans le secteur privé, que 80 p. 100 des nouveaux emplois sont créés par des PME et qu'on trouve des PME dans pratiquement chaque secteur d'activité et chaque région du Canada, la question, à notre avis, vaut qu'on s'y intéresse de plus près. Nous voyons dans les PME une source d'innovation importante. Elles dominent le secteur dynamique des technologies de l'information et des communications au Canada. Presque tous les établissements de ce secteur comptent moins de 100 employés.

Selon nous, les PME jouent aussi un rôle important sur le plan social. Bon nombre sont lancées par de jeunes gens qui ont souvent du mal à trouver du travail. Les PME peuvent également constituer pour les Premières nations une source indépendante de développement économique. Enfin, elles sont souvent la seule source d'emplois en milieu rural et dans les régions éloignées.

Mais il y a une ombre au tableau: sur cinq nouvelles entreprises au Canada, une seulement passe le cap des dix ans. Au cours du premier trimestre de 2001, près de 3 000 PME ont fait faillite, totalisant un passif d'environ 1,2 milliard de dollars. Si on fait une projection pour la totalité de l'année civile, on obtient un résultat de plus de 11 000 faillites de PME au cours d'une période de 12 mois et un passif de 4,5 milliards de dollars. Le coût total des faillites des PME est difficile à établir—coût des emplois perdus, coûts associés à la faillite, coût du PIB perdu, perte d'une croissance éventuelle. Ce coût, nous l'avons évalué à au moins 100 milliards de dollars, et il pourrait atteindre plus de 300 milliards de dollars au cours d'une période de cinq ans.

• 1520

C'est ce qui m'amène à me demander pourquoi les PME échouent. Si vous posez la question à un entrepreneur, celui-ci vous parlera probablement de la difficulté à obtenir du financement. Mais Statistique Canada n'est pas du même avis. Selon les rapports de l'organisme, la moitié des faillites de PME sont attribuables à des déficiences internes, principalement en matière de compétences en gestion—les compétences essentielles pour survivre et se développer.

Nous constatons que l'échec des PME et leur compétence insuffisante en gestion entraînent des pertes qui se chiffrent en milliards de dollars pour l'économie canadienne parce que le gestionnaire de PME n'est pas un gestionnaire efficace. Nous nous préoccupons de cette question parce qu'elle la gestion est notre spécialité. Au moyen de nos programmes, nous formons une personne qui combine un sens aigu des affaires, une expertise en comptabilité et des compétences professionnelles en gestion. Nous avons été à même de constater l'inefficacité de la gestion dans certaines PME et nous savons que l'acquisition de meilleures compétences en gestion permettra de renforcer le secteur des PME au Canada.

Nous avons porté cette question à l'attention du gouvernement l'année dernière et sommes heureux de constater que l'importance de la gestion commence à être reconnue. Ainsi, Industrie Canada vient d'entreprendre un projet de recherche sur les besoins des PME en matière de compétences en gestion. Cette année, le Conseil canadien de la PME et de l'entrepreneuriat a consacré son congrès annuel au thème «Éducation, formation et perfectionnement des entrepreneurs au Canada».

Le gouvernement du Canada engage des millions de dollars pour aider de petites entreprises à croître. Par exemple, nous constatons que la Banque de développement du Canada a reçu 80 millions de dollars pour le financement des PME et que les Sociétés d'aide au développement des collectivités ont pour leur part eu droit à 54 millions de dollars. Cependant, le gouvernement fédéral consacre peu d'argent à la formation en gestion pour les PME. Le guide de soutien des petites entreprises que le gouvernement fait paraître fait état de 85 programmes, dont seulement cinq ont trait aux compétences en gestion et à leur perfectionnement. Nous nous appuyons donc sur la reconnaissance accrue de l'importance des compétences en gestion dans le secteur des PME pour demander un rééquilibrage des priorités.

Si nous parvenons à améliorer les compétences en gestion des PME de façon que deux PME sur cinq survivent au lieu d'une seulement, cela permettra à l'économie canadienne d'aller chercher des milliards de dollars supplémentaires. Nous proposons la création d'un partenariat national public-privé qui réunirait les gouvernements, les PME, les organismes à caractère éducatif et les entreprises et dont le but serait d'assurer que les PME, à chaque étape de leur développement, possèdent les compétences dont elles ont besoin pour survivre, croître et livrer concurrence sur les marchés mondiaux.

La vision que nous mettons de l'avant n'a pas pour effet de dédoubler l'un des cinq programmes fédéraux déjà en place. Nous proposons d'élaborer et d'offrir des programmes de formation pour les PME afin de leur permettre d'acquérir les compétences en gestion essentielles à leur survie. Nous envisageons de donner des cours en gestion d'entreprise et en gestion financière par l'entremise d'Internet, de séminaires et d'autres méthodes pédagogiques qui conviennent aux entrepreneurs très occupés. D'autres éléments pourraient inclure des programmes d'analyse comparative et de mentorat pour les PME.

Nous avons déjà présenté un certain nombre d'idées et de propositions à Industrie Canada, et nous y travaillons déjà. Nous sommes disposés à aller de l'avant et à consacrer plus de temps et d'efforts à cette question. À ce stade-ci, nous ne privilégions pas une combinaison précise d'éléments. Nous souhaitons avant tout répondre aux besoins les plus pressants. Toutefois, nous ne pouvons pas agir seuls. Nous avons besoin que le gouvernement fédéral prête son concours et qu'il donne une indication quant à l'importance qu'il attache à cette question. Nous pensons que l'investissement initial de 3 à 5 millions de dollars du gouvernement fédéral témoignerait clairement de l'importance qu'il accorde à cette question. Cela inciterait d'autres organismes à se joindre à nous et servirait de base pour élaborer et offrir une formation en gestion à l'intention des entrepreneurs. Ce montant est nettement inférieur aux 80 millions de dollars que le gouvernement a affectés cette année au financement des PME.

• 1525

Nous sommes convaincus que les bénéfices pour l'économie canadienne de ce petit investissement dans la formation en gestion des PME seraient très élevés.

Je vous remercie, monsieur le président.

Le président: Merci beaucoup, monsieur Dye.

Nous allons maintenant entendre, de l'Association des banquiers canadiens, Kelly Shaughnessy, vice-président, Opérations bancaires, et Dan Marinangeli—ai-je bien prononcé votre nom?

M. Dan Marinangeli (vice-président général et Chef de la direction financière, Comité des affaires financières, Association des banquiers canadiens): C'est un bel effort.

Le président: Avec le nom de famille que je porte, je me suis dit que j'allais essayer de vous impressionner.

M. Dan Marinangeli: Je suis impressionné.

Le président: Vous êtes vice-président à la direction et chef de la direction financière. Soyez le bienvenu. La règle s'applique à vous: vous disposez donc de cinq à sept minutes.

M. Dan Marinangeli: Je vous remercie, monsieur le président et membres du comité, de fournir à l'Association des banquiers canadiens l'occasion de participer de nouveau au processus de consultation prébudgétaire.

Je m'appelle Dan Marinangeli. Je suis vice-président à la direction et chef de la direction financière, Groupe financier Banque TD, et président du Comité des affaires financières de l'ABC.

Je suis accompagné de Kelly Shaughnessy, vice-président, Opérations bancaires, à l'ABC.

L'ABC est heureuse d'offrir le point de vue de son industrie sur les trois objectifs énoncés par le comité. J'aimerais souligner que notre mémoire, qui est axé sur ces objectifs et sur la nécessité d'assurer l'équité fiscale des entreprises, a été préparé au mois d'août—c'est-à-dire avant les attaques terroristes du 11 septembre dernier. Par conséquent, nous aimerions profiter de cette occasion aujourd'hui pour souligner les répercussions des tragiques événements du 11 septembre sur les priorités de notre pays ainsi que sur les recommandations budgétaires présentées par l'ABC au mois d'août.

Avant de vous faire part de nos observations et de nos recommandations, il serait peut-être utile que je précise brièvement aux membres du comité le rôle que joue le secteur bancaire pour soutenir le gouvernement fédéral dans la guerre contre le terrorisme. Le secteur bancaire collabore de longue date avec les gouvernements et les forces policières en matière de sécurité, d'activité criminelle et de blanchiment d'argent—et nous poursuivons cette collaboration.

Dans la guerre au terrorisme, les institutions financières du Canada collaborent pleinement avec les forces policières et autres organismes, dans le respect des lois canadiennes.

Nous tenons surtout à jouer un rôle de premier plan dans la prévention des activités criminelles et terroristes ainsi que dans la protection de l'intégrité du système bancaire auquel se fient les Canadiens.

En plus de lutter contre le blanchiment d'argent et le financement des activités terroristes, les banques du Canada soutiennent les efforts humanitaires que nécessitent les attaques terroristes. Les succursales bancaires du pays acceptent les dons du grand public au nom de la Croix-Rouge américaine.

En outre, les banques du Canada font des dons individuels aux organismes de secours.

Les récents événements ont à l'évidence des répercussions sur notre société, sur notre économie nationale, sur le programme du gouvernement et sur ses priorités en matière de dépenses. Les banques du Canada comprennent que le gouvernement fait face à de nouveaux défis imprévus afin de conjurer la menace du terrorisme.

Nous comprenons aussi que des dépenses sont nécessaires pour assurer la sécurité des Canadiens et veiller à ce que le Canada puisse jouer un rôle significatif dans la lutte internationale pour éliminer le terrorisme.

Nous reconnaissons que nous traversons une période particulièrement difficile et que le gouvernement tente d'atteindre un juste équilibre entre les besoins de sécurité nationale et la nécessité de ne pas perdre ses acquis en matière de réduction de la dette et du déficit.

Le moment est venu de dire un mot sur les impôts. À l'heure où le gouvernement axe ses efforts à court terme sur d'importantes questions de sécurité, les banques et bon nombre d'autres intervenants estiment qu'il ne faut pas perdre de vue un important objectif à long terme: s'assurer que le Canada demeure un joueur majeur et concurrentiel dans la nouvelle économie. Figurant parmi les principaux employeurs et fournisseurs de capitaux du Canada, notre industrie est bien positionnée pour discuter des enjeux qui influent sur la compétitivité.

Les banques du Canada prennent très au sérieux leur engagement envers les Canadiens, nos collectivités locales et notre économie nationale. Les banques emploient plus de 235 000 Canadiens, ce qui représente une masse salariale annuelle de plus de 16 milliards de dollars. Nous possédons plus de 8 300 succursales et plus de 17 000 guichets automatiques bancaires dans presque chaque collectivité de ce formidable pays.

Toutefois, notre contribution à l'économie canadienne est beaucoup plus vaste que notre présence physique. Les banques du Canada procurent aux Canadiens et aux entreprises canadiennes des services essentiels en matière de financement et de crédit. À la fin de l'an dernier, l'encours des prêts hypothécaires à l'habitation des banques du Canada totalisait plus de 268 milliards de dollars, et celui des prêts personnels, plus de 124 milliards de dollars.

• 1530

Les banques sont aussi la principale source du crédit commercial consenti aux entreprises canadiennes—lequel totalisait plus de 600 milliards de dollars l'an dernier. Ce type de financement aide non seulement nos clients, mais favorise aussi la croissance et la création d'emplois dans presque chaque industrie et chaque collectivité du pays, ce qui permet aux Canadiens de prospérer.

Enfin, l'an dernier, les six grandes banques ont versé plus de 5,8 milliards de dollars en impôts à tous les ordres de gouvernement du Canada. Voilà qui est considérable, si l'on tient compte du fait que, même si 46 p. 100 de la totalité des revenus des grandes banques canadiennes proviennent de l'extérieur du Canada, elles y versent 78 p. 100 de leurs impôts et y comptent 90 p. 100 de leurs emplois. La capacité des banques du Canada de demeurer un moteur de croissance au sein de la nouvelle économie reposera sur la capacité du secteur des services de demeurer concurrentiel, solide et efficace.

Nous apprécions les récentes initiatives du gouvernement fédéral en vue de réduire le fardeau fiscal des sociétés. Nous sommes en faveur d'améliorations soutenues au régime fiscal actuel afin d'accroître la capacité de l'industrie canadienne de livrer concurrence à long terme sur le marché très mondialisé. Un régime fiscal plus favorable fera de notre pays un endroit attrayant pour établir des coentreprises et investir. Il contribuera aussi au maintien de nos emplois et de nos industries.

Nous sommes aussi en faveur d'une réduction de l'impôt des entreprises, parce qu'elle sera à l'avantage de notre clientèle d'entreprises et profitera au bout du compte à leurs employés, à leurs clients et à leurs collectivités. Bon nombre estiment que la question fiscale n'influe que sur les institutions financières. En fait—comme plusieurs personnes vous l'ont souligné—, la taxe sur le capital nuit à de nombreuses entreprises canadiennes. Et c'est d'autant plus vrai en période de récession.

Par conséquent, nous recommandons qu'après avoir réglé les priorités à court terme, et pour assurer le mieux-être économique de notre pays à long terme, le gouvernement, dans un premier temps, élimine complètement les taxes fédérales sur le capital, dans un deuxième temps, travaille avec les provinces pour assurer la réforme de leurs taxes sur le capital et, dans un troisième temps, accélèrent les réductions du taux de l'impôt sur le revenu de sociétés.

Si le Canada possédait une régime fiscal plus favorable, il bénéficierait de meilleures conditions pour conserver l'investissement existant et favoriser de nouveaux investissements de la part de toutes les entreprises du Canada—y compris les banques. Il en résulterait un environnement qui favoriserait la croissance économique, fournirait à encore plus de Canadiens des occasions de réussir, maintiendrait notre niveau de vie collectif et procurerait même une certaine stabilité pour faire face aux répercussions du 11 septembre.

En conclusion, l'ABC souhaite réitérer que nous comprenons les défis auxquels fait face le gouvernement au lendemain du 11 septembre. Nous savons aussi que le gouvernement tient à s'assurer de ne pas perdre ses acquis en ce qui a trait à la dette et au déficit. Tant le gouvernement que les entreprises—y compris les banques du Canada—veulent s'assurer que le Canada, à long terme, demeure un intervenant clé au sein de la nouvelle économie et que les Canadiens continuent de bénéficier de la meilleure qualité de vie et du meilleur niveau de vie. Nous croyons qu'il est nécessaire d'assurer une progression soutenue en matière de réforme fiscale afin d'atteindre ces objectifs.

Monsieur le président, membres du comité, je vous remercie de nouveau d'avoir fourni à l'ABC l'occasion de vous rencontrer aujourd'hui. Nous répondrons volontiers à vos questions.

Le président: Je vous remercie beaucoup, monsieur Marinangeli.

Nous allons maintenant entendre Michael Van Every et Catherine Willson de la Horse Racing Tax Alliance of Canada.

M. Michael Van Every (comptable agréé, PricewaterhouseCoopers; président, Horse Racing Tax Alliance of Canada): Je vous remercie, monsieur le président.

À titre de client de trois des banques, je suis d'accord avec tout ce que Dan a dit. Avant la rencontre, j'ai discuté avec Dan, qui s'est dit tout à fait favorable à notre proposition, même s'il ne l'a pas entendue. Je vous remercie beaucoup de votre soutien.

M. Dan Marinangeli: Je vous en prie.

M. Michael Van Every: Nous espérons que vous compterez bientôt parmi les investisseurs dans l'industrie des courses de chevaux.

Aujourd'hui, nous voulons vous parler d'une proposition que nous avons présentée au ministre des Finances au début de l'an 2000, dans un très long mémoire. Il s'agira ici d'une version condensée et très brève du résumé de cette position.

Nous avons eu jusqu'ici des rencontres très utiles avec des fonctionnaires du ministère des Finances. Jusqu'ici, aucune modification majeure n'a été faite. Nous tenons à porter cette question à votre attention.

Je suis accompagné aujourd'hui par Catherine Willson, avocate qui se spécialise dans les contentieux à multiples plaideurs, dont certains, qui font partie de l'industrie des courses de chevaux, débattent des règles d'imposition avec le ministère des Finances et du Revenu. Nous avons demandé à Catherine d'être présente aujourd'hui.

• 1535

David Willmott devait m'accompagner, mais, malheureusement, un des doyens de l'industrie des courses, également propriétaire de l'hippodrome de Windsor, est décédé à la fin de la semaine dernière. Des funérailles ont lieu aujourd'hui, et c'est pourquoi bon nombre de ceux qui nous appuient sont absents aujourd'hui.

Cependant, je tiens à souligner que quelques-uns de nos partisans ont tenu à être présents pour témoigner de l'importance que l'industrie canadienne des courses attache à cette question. Il y a parmi nous des cadres du Club Jockey du Canada, de la Société canadienne du cheval thoroughbred et de la Horsemen's Benevolent and Protective Association.

Nous représentons 70 organismes nationaux associés d'une façon ou d'une autre aux courses de chevaux, qu'il s'agisse de pur-sang ou de standardbreds. Nous comptons parmi nos membres des éleveurs, des propriétaires et des hippodromes.

Après cette brève introduction, je vais demander à Catherine de vous dire un mot de l'industrie et du problème auquel elle est confrontée.

Mme Catherine Willson (Willson Lewis, avocats; Horse Racing Tax Alliance of Canada): L'industrie des courses de chevaux est devant vous pour revendiquer un traitement égal aux termes du régime fiscal. Elle tient à être traitée comme les autres entreprises du Canada.

Le problème se résume comme suit: les citoyens ne sont pas intéressés à investir dans une entreprise dont les revenus sont entièrement imposables si elle réalise des profits, mais dont les pertes, le cas échéant, ne peuvent être déduites d'autres revenus.

Aux termes de la Loi de l'impôt sur le revenu, les propriétaires et les éleveurs de chevaux sont considérés comme des agriculteurs. À ce titre, ils sont donc assujettis à l'article 31, qui limite les pertes possibles dans le secteur agricole. Si, pour dire les choses simplement, les courses de chevaux constituent non pas votre activité principale, mais bien plutôt une activité accessoire, la loi limite à un maximum de 8 750 $ la déduction des pertes commerciales dans le secteur des courses de chevaux pouvant être défalquées d'autres revenus.

La plupart des Canadiens tiennent pour acquis le droit de réduire le montant de leur revenu imposable qu'ils tirent de leur activité ou de leur profession la plus rentable en déduisant d'éventuelles pertes subies dans une entreprise non rentable. Parmi tous les types d'entrepreneurs, on a, aux termes de l'article 31 de la loi, réservé aux propriétaires et aux éleveurs de chevaux de course de même qu'aux exploitants agricoles un traitement fiscal très restrictif des pertes commerciales.

En 1951, l'assemblée législative a tenté de venir en aide à l'agriculteur à temps partiel en lui consentant une déduction limitée pour pertes commerciales, disposition qui, à l'époque n'était offerte à aucune autre entreprise canadienne. Le montant, soit 5 000 $, était plus de deux fois supérieur au revenu annuel moyen au Canada. Cinquante ans plus tard, le montant n'a été haussé que de 4 000 $, ce qui ne correspond pas au taux d'inflation.

En outre, les dispositions législatives sont déroutantes, ce qui complique la planification et la conformité. L'ADRC l'applique de façon incohérente, l'agriculteur à temps partiel étant injustement singularisé. La plupart des analystes, y compris dans le rapport de la Commission royale Carter de 1966, se sont prononcés en faveur de l'abrogation de l'article 31.

Quels sont les effets des restrictions imposées par l'article 31 sur l'industrie des courses de chevaux? D'abord, l'industrie est incapable d'attirer des investisseurs. Si, dans toutes les autres industries, on est autorisé à déduire entièrement les pertes commerciales, une personne aurait tout intérêt à investir dans un restaurant, un commerce de détail et même dans une entreprise de haute technologie plutôt que dans l'industrie des courses de chevaux.

L'industrie des courses de chevaux perd les investisseurs qu'elle compte aujourd'hui à un rythme alarmant. Lorsqu'on tient compte des pertes correspondantes, qu'il s'agisse de chevaux, d'emplois, d'hippodromes, de spectateurs ou de revenus, elle n'est pas en mesure de faire concurrence aux autres investissements canadiens ni avec ceux de l'industrie américaine des courses, qui n'est pas visée par des restrictions comme celle de l'article 31.

Nous avons également perdu la capacité de soutenir avec succès la concurrence du marché nord-américain. La plupart des grandes activités d'élevage se concentrent désormais aux États-Unis. Jusqu'à 50 p. 100 des chevaux qui courent dans nos hippodromes sont américains.

Pourquoi s'en soucier? L'industrie est l'un des principaux employeurs du Canada; à ce chapitre, elle vient loin devant les compagnies aériennes, les raffineries de pétrole ou les sociétés de placement. Plus de 100 000 Canadiens y occupent un poste à temps plein ou à temps partiel. L'industrie emploie bon nombre de travailleurs non qualifiés ou marginalisés de même que de résidents ruraux qui, sinon, seraient sans travail, assistés sociaux ou tributaires d'autres formes d'aide sociale. Bon nombre de ces personnes sont également logées dans les hippodromes et les exploitations agricoles.

L'industrie génère des recettes fiscales annuelles d'environ 890 millions de dollars. On estime à 1,9 milliard de dollars sa contribution au seul PIB de l'Ontario. L'industrie, en plus de protéger les terres arables, finance des recherches dans le domaine des sciences vétérinaires et de l'élevage animal. Une étude réalisée par un professeur de l'université McMaster, M. Kubursi, a montré que ces avantages—qui sont énumérés dans les documents que vous avez devant vous—augmenteront de façon considérable lorsque le problème sera réglé.

• 1540

M. Michael Van Every: Je vous remercie, Catherine.

Que demandons-nous? En résumé, nous demandons que l'article 31 de la Loi de l'impôt sur le revenu soit supprimé. Nous nous sentons un peu mal à l'aise de faire une telle demande puisque, comme vous le savez, la disposition s'applique à tous les agriculteurs canadiens, tandis que nous ne représentons qu'une petite partie du secteur. Nous demandons à tout le moins que les entreprises qui s'occupent d'élevage et de courses de chevaux soient exemptées de l'application de l'article 31. Il est déjà assez difficile de faire la preuve d'une «attente raisonnable de profit». Lorsqu'une personne est en affaires, cela devrait suffire.

Il est intéressant de noter que, au milieu des années 70, un comité conjoint de l'Institut canadien des comptables agréés et l'Association du Barreau canadien—et je suis heureux de constater que ces deux organismes sont encore représentés aujourd'hui, par Catherine et par moi—a recommandé l'abrogation de l'article 31, jugé compliqué, injuste et superflu. On s'est dit que la preuve d'une attente raisonnable de profit devrait suffire. Catherine a déjà mentionné certains des avantages que procurerait la suppression de l'article.

En conclusion, mesdames et messieurs, l'industrie canadienne des courses de chevaux est paralysée par les restrictions imposées par l'article 31. Aucune autre industrie canadienne n'est assujettie aux mêmes restrictions. En supprimant l'article en question, on fera disparaître l'iniquité et on nous donnera la possibilité de concurrencer d'autres industries du divertissement à caractère sportif selon des règles du jeu égales. Les emplois et autres résultats découlant des investissements accrus profiteront à l'ensemble du Canada.

Je vous remercie beaucoup.

Le président: Je vous remercie beaucoup. Votre argumentation est très convaincante.

Monsieur Johnson, la parole est à vous.

M. Donald K. Johnson (vice-président, BMO Nesbitt Burns Inc.): Je vous remercie, monsieur le président.

Outre ma fonction officielle, je suis ici à titre de membre du conseil d'administration d'un certain nombre d'organismes sans but lucratif oeuvrant dans les domaines des soins de santé, de l'éducation, des services sociaux et de la culture.

D'abord et avant tout, je tiens à féliciter Paul Martin, ministre des Finances, d'avoir annoncé vendredi qu'il allait rendre permanente la mesure visant la réduction de l'impôt sur les gains en capital imputable aux dons de valeurs cotées. Tous les bénéficiaires saluent cette décision, y compris les organismes sans but lucratif du pays et les dizaines de milliers de bénévoles qui consacrent du temps et des ressources pour venir en aide aux organismes en question. Ils sont tous très reconnaissants.

À la suite de cette décision, je révise mon mémoire devant le Comité permanent des finances de la Chambre, le réduit et le cible sur seulement un enjeu.

Le président: En fait, nous savions que vous alliez être ici aujourd'hui. C'est pourquoi nous avons agi vendredi.

M. Donald Johnson: Je vous remercie beaucoup!

On ne s'étonnera guère que la seule et unique recommandation que je fais au gouvernement est d'éliminer le reste de la taxe sur les gains en capitaux imputable aux dons de valeurs cotées dans le prochain budget. Pour justifier la mesure, j'invoque six raisons qui me paraissent convaincantes.

Premièrement, on a fait allusion à la tragédie du 11 septembre. Quelle en a été la conséquence sur la capacité des organismes sans but lucratif de recueillir des fonds? La réalité, c'est que les particuliers et les sociétés s'inquiètent de l'incertitude qui entoure la confiance des consommateurs, les dépenses de consommation, les profits des sociétés, la bourse, l'économie et leur propre capacité de donner, de planifier. La tendance naturelle consiste à temporiser et peut-être à différer toute décision majeure en matière d'engagement.

Un certain nombre de sociétés ont cessé de parrainer des campagnes de financement ou ont réduit leur appui. Permettez-moi de citer un exemple particulier qui a fait sûrement une impression particulièrement forte. Aujourd'hui même, j'ai discuté de l'impact du 11 septembre avec des représentants de Centraide du Grand Toronto. Au mois de septembre, les dons reçus par l'organisme étaient en baisse de 60 p. 100 par rapport à septembre 2000. Au cours de la première moitié d'octobre, la baisse est de 69 p. 100 par rapport à octobre dernier. On a donc ici une preuve tangible de l'impact subi par le secteur de la bienfaisance.

Essentiellement, les organismes de charité ont besoin de l'aide du gouvernement pour stimuler des dons additionnels. Le moyen le plus rentable d'y parvenir consiste à éliminer le reste des gains en capital applicables aux dons de valeurs cotées.

• 1545

Un deuxième point: l'année dernière, le gouvernement travailliste du Royaume-Uni a introduit deux modifications de la loi de l'impôt sur le revenu. En vertu de la première, les donateurs britanniques ont droit à un reçu d'impôt, ce qui n'était pas le cas auparavant. Deuxième fait tout aussi important, le Chancelier de l'Échiquier a entièrement éliminé la taxe sur les gains en capital applicable aux dons de valeurs cotées. Je sais que les Britanniques ont étudié avec soin la situation au Canada de même que celle aux États-Unis. Ils avaient le choix et, pour des raisons évidentes, ils ont opté pour la solution américaine.

Le budget imminent constitue une occasion idéale d'établir des règles du jeu égales. À l'heure actuelle, notre secteur sans but lucratif est, du point de vue des campagnes de financement, victime d'un désavantage concurrentiel par rapport aux secteurs correspondants aux États-Unis et au Royaume-Uni. Pourquoi notre politique gouvernementale devrait-elle n'être qu'à moitié aussi bonne que celle de deux de nos principaux concurrents?

Troisièmement, et dans le même ordre d'idées, je siège au conseil d'administration d'une grande école de commerce et d'une importante fondation d'hôpital. Nous devons concurrencer le Royaume-Uni et d'autres pays, en particulier les États-Unis, pour attirer les éléments les plus prometteurs et les plus brillants—professeurs, étudiants, professionnels de la santé, chercheurs, artistes. L'un des principaux enjeux consiste en l'offre d'une rémunération compétitive de même que la prestation de bourses aux étudiants dans le besoin. À cet égard, les États-Unis bénéficient d'un avantage de taille: 90 p. 100 des dons faits à des fondations américaines prennent la forme d'immobilisations à valeur accrue, principalement des actions.

Nos universités, nos hôpitaux et nos organismes à vocation artistique doivent faire fructifier ces fonds de dotation et offrir des bourses et des salaires concurrentiels aux étudiants et aux scientifiques. Le fait de donner suite à ces recommandations nous aidera à soutenir la concurrence.

À ce propos, l'enjeu important pour le gouvernement est naturellement le suivant: quels sont les coûts, et quels sont les avantages? Eh bien, le coût de l'élimination du reste de cet impôt est, en réalité, inférieur de 40 p. 100 à ce qu'il aurait été il y a cinq ans. La raison en est que le gouvernement, à sa décharge, a déjà réduit de 75 à 50 p. 100 le taux d'inclusion des gains en capital. Il y a donc là déjà une réduction du tiers de l'impôt sur les gains en capital.

En deuxième lieu, les impôts sur les revenus marginaux sont à la baisse—en Ontario, ils sont passés de 53 p. 100 à 47 p. 100. Mises ensemble, ces réductions d'impôt signifient que le coût que doit assumer le gouvernement, du point de vue des recettes fiscales perdues, est inférieur de 40 p. 100 à ce qu'il aurait été il y a cinq ans. Compte tenu de conseils relatifs à la politique fiscale que j'ai reçus de spécialistes il y a cinq ans, l'élimination du reste de l'impôt, en d'autres termes, coûterait aujourd'hui de 6 à 21 millions de dollars plutôt que de 10 à 35 millions de dollars.

Par ailleurs, les avantages seraient nettement supérieurs. Si vous avez lu l'article publié le week-end dernier à propos de la décision de Paul Martin, vous savez que, l'année dernière, les dons de valeurs cotées aux organismes de bienfaisance se sont chiffrés à 200 millions de dollars. On a donc ici une preuve tangible. Éliminer le reste de l'impôt contribuerait à améliorer la situation encore davantage.

Cinquièmement, je pense que les petits organismes de bienfaisance craignaient, jusqu'à cette année, de ne pouvoir se prévaloir de cette exemption sur les gains en capital—que les grandes universités et les grands hôpitaux seraient les vrais bénéficiaires. Cependant, l'expérience actuelle montre que les organismes de charité plus petits bénéficient aussi d'avantages, par l'intermédiaire de Centraide, de fondations communautaires et de dons directs.

J'ai été ravi de constater que le Centre canadien de philanthropie—qui représente 1 200 organismes de bienfaisance des quatre coins du pays, petits pour la plupart—appuie en fait la recommandation. Dans son mémoire, comme vous le savez, le centre recommande l'élimination complète de l'impôt pour une période d'essai de cinq ans. J'en ai été ravi. Le secteur de la bienfaisance est désormais un front uni.

Le sixième et dernier point que je veux soulever est le suivant: quand, dans le budget de 1997, il a annoncé son initiative, le ministre des Finances a défini les conditions qui devaient être réunies avant qu'il ne prolonge ou ne bonifie la mesure: l'initiative se traduit-elle par une augmentation marquée des dons? L'augmentation se répartit-elle dans l'ensemble du secteur de la bienfaisance? De toute évidence, l'expérience montre que, jusqu'ici, ces conditions sont réunies puisque, vendredi, il a annoncé que la mesure serait permanente.

• 1550

Les mêmes critères s'appliquent à la bonification. Par bonification, j'entends l'élimination du reste de l'impôt. Les critères ont déjà été satisfaits.

Bref, le prochain budget est l'occasion idéale pour le gouvernement de donner suite à la recommandation. Le moment est particulièrement bien choisi en raison de la tragédie du 11 septembre. Je recommande vigoureusement au Comité permanent de la Chambre des communes d'inclure cette recommandation dans le rapport qu'il soumettra au ministre des Finances.

Je vous remercie de votre temps et de votre attention. Je me ferai un plaisir de répondre à vos questions.

Le président: Merci beaucoup, monsieur Johnson.

Nous allons maintenant passer à une séance de questions et de réponses. Dans un premier temps, vous disposerez de cinq minutes chacun. Nous allons entendre M. Kenney, M. Solberg, M. Cullen, M. Murphy, M. Nystrom et M. Brison.

M. Jason Kenney: Je vous remercie, monsieur le président.

Je tiens d'abord à remercier tous les témoins de leurs excellents exposés. En principe, je suis d'accord avec toutes les recommandations que j'ai entendues, au contraire de celles du groupe de témoins précédent.

Des voix: Oh, oh.

M. Jason Kenney: ...à l'exception de M. Johnson. Si je suis en désaccord avec lui, c'est parce que j'aimerais que l'impôt sur les gains en capital soit carrément supprimé. À mon avis, la mesure intermédiaire qu'il propose est valable. En réalité, je tiens simplement à dire que j'apprécie que des hommes d'affaires qui sont aussi des philanthropes prennent le temps de comparaître devant nous pour discuter des avantages de politiques pour le secteur de la bienfaisance.

Ma question s'adresse à la Horse Racing Tax Alliance. Je sais que vous vous battez depuis un certain temps—au moins deux ou trois ans—pour obtenir un traitement fiscal équitable pour votre industrie, relativement à l'article de la Loi de l'impôt sur le revenu à laquelle vous avez fait allusion. Je me demande si vous pourriez nous dire pourquoi, à votre avis, le ministère des Finances paraît réticent à l'idée d'apporter une telle modification. A-t-il une bonne raison d'agir ainsi? Qu'avez-vous à dire à ce sujet?

Voici ma deuxième question. Dans votre témoignage d'aujourd'hui, vous avez déclaré, relativement aux avantages de l'élimination de l'article 31, que l'investissement dans votre industrie augmenterait et que les impôts payés augmenteraient en fait de 137 millions de dollars. Quelle méthodologie avez-vous utilisée pour parvenir à ce chiffre? Comment en êtes-vous venu à cette conclusion? Avez-vous modélisé l'impact de cette hausse présumée de l'investissement?

Ce sont mes deux questions: pourquoi le ministère des Finances semble-t-il se montrer réticent à l'idée d'apporter cette modification qui paraît pourtant des plus sensées? Comment vous y êtes vous pris pour établir le type de croissance qu'entraînerait l'élimination de l'article en question?

M. Michael Van Every: Je vous remercie, monsieur Kenney. Permettez-moi d'abord de répondre à la dernière de vos deux questions, qui porte sur les avantages économiques.

Premièrement, les travaux ont été effectués par un professeur de l'université McMaster sans ingérence de notre part, et le modèle qu'il a utilisé... Il est également président de l'économique ou de l'économétrique, je ne connais pas l'appellation exacte, et il a effectué des travaux poussés sur l'impact économique des changements de politiques. Quant au modèle qu'il a utilisé, je n'en suis pas certain.

Les recettes fiscales additionnelles sont imputables aux emplois supplémentaires qui seraient créés et aux paiements supplémentaires dont bénéficieraient des contribuables canadiens, qu'il s'agisse de maréchaux-ferrants, de fournisseurs de fourrage, etc., par rapport aux déductions pour pertes dont les intéressés se prévaudraient, dont l'effet serait annulé par les bourses additionnelles qui seraient générées dans les hippodromes.

On a montré à quelques reprises, surtout aux États-Unis, qu'un hippodrome et des participants de meilleure qualité se traduisent par des paris plus élevés, des impôts additionnels pour les gouvernements, des bourses additionnelles pour les propriétaires de chevaux de course et des revenus additionnels pour les exploitants d'hippodromes. Je crois donc qu'il s'agit du résultat net de tous ces facteurs.

En ce qui concerne les pourparlers que nous avons eus jusqu'ici avec le ministère des Finances, précisons qu'ils ont débuté à la fin des années 80. Nous nous sommes butés à une certaine opposition de la part des bureaucrates qui, pour une raison que j'ignore, sont convaincus qu'un propriétaire de chevaux de course est un type très riche pour qui il convient de ne rien faire. Certaines de ces personnes sont toujours en poste aujourd'hui. En fait, la personne qui nous fait le plus de difficultés—et je ne vais pas vous donner son nom—occupe maintenant un poste très haut placé au sein du ministère. Il n'est pas plus convaincu aujourd'hui de la valeur de l'industrie des courses de chevaux qu'il ne l'était il y a 15 ans.

En fait, on note deux objections précises. La première, c'est que la comptabilité de caisse, dont peuvent se prévaloir les agriculteurs et, par voie de conséquence, les exploitants de chevaux de course, est un avantage dont certains se prévaudraient pour retarder le paiement d'impôt aux termes de la Loi de l'impôt sur le revenu. Par conséquent, on doit imposer certaines restrictions à ces déductions.

• 1555

Ce qu'on oublie de prendre en considération, à mon avis, c'est que, à la fin des années 80, on a modifié les règles qui régissent la comptabilité de caisse de manière à interdire la déduction de l'achat de chevaux, activité qui génère les pertes les plus importantes. Si vous subissez une perte, que vous soyez agriculteur à temps plein ou à temps partiel, les déductions pour perte sont aujourd'hui limitées à un taux d'amortissement. Par conséquent, je ne vois pas en quoi la comptabilité de caisse représente aujourd'hui un avantage important. J'en ai discuté avec les intéressés, qui, jusqu'ici, ne semblent pas disposés à écouter.

C'est ce qui a donné naissance à une deuxième réponse que nous avons présentée au ministre des Finances: si la comptabilité de caisse est considérée comme une si bonne affaire et que la Loi de l'impôt sur le revenu autorise un contribuable à choisir entre la comptabilité de caisse et la comptabilité d'exercice, pourquoi ne pas donner à ceux qui ont opté pour la comptabilité d'exercice la possibilité de se faire exempter de l'application de l'article 31? Il a jugé l'idée excellente. Une fois de plus, les fonctionnaires du ministère des Finances ont déclaré que l'idée ne leur semblait pas très bonne. Leur argumentation tend à se détériorer de toutes parts.

Le ministre des Finances nous a également écrit pour nous faire part de sa crainte concernant les pertes de revenu, car ceux qui ne sont pas en mesure de faire preuve d'une attente raisonnable de profit sont susceptibles d'obtenir une réduction. On risquerait ainsi d'ouvrir les vannes toutes grandes, les contribuables exploitant la Loi de l'impôt sur le revenu à leurs fins.

Ce que nous disons, c'est que la personne qui n'a pas une attente raisonnable de profit doit être traitée non pas comme un exploitant de chevaux de course, mais bien plutôt comme un propriétaire de voilier de plaisance. S'il s'agit clairement d'un passe-temps, elle ne devrait pas avoir droit à une déduction. Nous sommes prêts à nous en accommoder.

Mme Catherine Willson: Si, je le dis sans détour, d'autres industries devaient risquer 100 cents au dollar pour aller de l'avant, il n'y aurait pas une seule industrie au pays. Pourtant, c'est ce qu'on exige de l'industrie des courses de chevaux. La situation est insensée, et elle l'est depuis 50 ans. C'est ce qu'affirment essentiellement tous les rapports.

Le président: Je vous remercie.

Monsieur Solberg.

M. Monte Solberg (Medicine Hat, Alliance canadienne): Premièrement, monsieur Johnson, permettez-moi de vous féliciter de votre première comparution. Au vu de la décision prise vendredi par M. Martin de prolonger le traitement réservé aux gains en capital, elle a manifestement porté fruit. Bien entendu, je suis d'accord avec vous. Je suis d'avis que nous devrions nous efforcer d'éliminer les impôts sur les gains en capital applicables aux dons de valeurs cotées.

Je me demandais cependant si vous avez une idée de ce que la dépense fiscale représenterait pour le gouvernement—à quoi on aboutirait si on procédait à une modélisation. Deuxièmement, avez-vous des impressions à la lumière de ce que nous avons déjà observé du point de vue des augmentations des dons? Que signifierait l'élimination de cet impôt pour les organismes de bienfaisance du Canada?

M. Donald K. Johnson: Il y a environ cinq ans, soit à l'automne 1996, nous avons commandé une étude à l'un des associés principaux d'un des grands cabinets d'experts-comptables qui avait travaillé pendant une quinzaine d'années au ministère des Finances. Il possédait donc une importance relativement approfondie du coût en recettes fiscales éventuelles. La question a trait à l'impôt sur les gains en capital auxquels le gouvernement renonçait. Le hic à ceci, c'est que, à supposer qu'on impose un don d'actions au taux d'imposition régulier des gains en capital, le donateur a le choix de ne rien donner. En vertu d'un tel scénario, le gouvernement ne touche l'impôt sur les gains en capital applicable à ces actions qu'au moment du décès du donateur. Le véritable coût tient donc à la valeur actualisée de l'ultime impôt sur les gains en capital auxquels on renonce.

Dans le contexte de l'époque, il a estimé que le coût se situerait entre 20 et 70 millions de dollars par année au cours des premières années si le Canada s'orientait vers le modèle américain de dons de charité au moyen d'une exemption de gains en capital. Ce sont les chiffres qu'il a produits. Si l'impôt sur les gains en capital était réduit de moitié ou entièrement éliminé, nous en sommes venus, suivant une hypothèse simpliste, à conclure qu'il en coûterait entre 10 millions de dollars et 35 millions de dollars par année.

Depuis ce temps, comme je l'ai mentionné, on a réduit du tiers l'impôt sur les gains en capital, et les taux d'imposition marginaux ont été réduits. Ainsi donc, le coût pour le Trésor est aujourd'hui inférieur de 40 p. 100 à ce qu'il aurait été il y a cinq ans.

M. Monte Solberg: J'aimerais poser encore une question, si je puis me le permettre, à l'ABC. L'argument que vous invoquez pour obtenir une réduction de l'impôt sur le capital m'intéresse. Le gouvernement a beaucoup de discuté des moyens d'améliorer la productivité et d'encourager l'investissement au pays.

• 1600

Comme vous le mentionnez, le Canada est l'un des derniers grands pays industrialisés à avoir un impôt sur le capital. Je m'interrogeais seulement sur l'impact de la mesure sur votre capacité. Dans le contexte des attaques terroristes lancées contre New York et des inquiétudes entourant notre stabilité, il apparaît plutôt étrange que le gouvernement assujettisse au paiement d'une taxe les banques qui détiennent des capitaux pour faire en sorte que les actifs des citoyens soient protégés. C'est pourtant ce qu'il fait, et les coûts pour votre industrie sont faramineux. Je me demande si vous pourriez nous fournir plus de détails à ce sujet.

M. Dan Marinangeli: Oui, il s'agit véritablement d'un effet pervers. On impose une taxe sur le capital détenu par les établissements financiers qui, dans les faits, permet à ces dernières d'être plus stables. Plus elle a de capitaux, et moins une institution présente de risques, moins elle est susceptible de subir des pertes et moins elle est susceptible de se retrouver avec un problème de solvabilité et d'éprouver des difficultés à s'acquitter en permanence de ses obligations.

En vertu de règles imposées par le Bureau du surintendant des institutions financières, les banques doivent conserver un minimum de capitaux. Au fil du temps, le BSIF a en réalité resserré ces exigences, de sorte que les banques ont été contraintes de recueillir des capitaux pour soutenir leurs bilans. Par ailleurs, le gouvernement fédéral et la plupart des gouvernements provinciaux prélèvent une taxe sur les capitaux que vous avez utilisés au Canada.

On a donc affaire à un effet pervers. Cela nous incite à virer les capitaux à l'étranger, ce qui déplaît au BSIF. Dans ce cas, j'aimerais bien que la main gauche et la main droite travaillent à l'unisson.

M. Monte Solberg: Je vous remercie.

M. Jason Kenney: Je vous suggérerais de venir vous établir en Alberta, où il n'y a pas d'impôt sur le capital.

Des voix: Oh, oh!

M. Dan Marinangeli: Certainement, et je vous prie de me croire, nous le faisons.

Le président: Monsieur Cullen.

M. Roy Cullen (Etobicoke-Nord, Lib.): Je vous remercie, monsieur le président, et merci à tous les témoins.

Je tenais à dire un mot de l'élevage des chevaux et des courses de chevaux. Mais auparavant, je ne crois pas que quiconque puisse véritablement appuyer l'impôt sur le capital. Sur le plan des politiques, il s'agit bien entendu d'une question d'abordabilité. Comme vous le savez, le gouvernement n'a pas renouvelé la surtaxe qui visait les institutions financières. J'ignore si vous en avez tenu compte dans vos chiffres, mais l'un des défis vient du fait que les provinces prélèvent autant d'impôt sur le capital que le gouvernement du Canada, sinon plus. J'espère que vous obtenez aussi certains succès auprès des provinces, en particulier le Québec. Je ne sais trop où se situe l'Ontario à ce sujet, mais nous pourrons peut-être y revenir plus tard.

Monsieur Van Every et madame Willson, vous savez que vous avez en moi un converti. En fait, ce n'est pas tant que je suis un converti. Seulement, l'hippodrome de Woodbine se trouve dans ma circonscription d'Etobicoke-Nord. Je le fréquente de temps en temps. J'observe les courses de chevaux et je m'intéresse à leur origine. Tous les mois, je crois observer que de plus en plus de chevaux viennent des États-Unis, d'Irlande ou d'ailleurs, et qu'il y a de moins en moins de chevaux canadiens, parce que les bourses sont aujourd'hui meilleures. Vous avez raison, cependant, et je partage votre frustration à l'égard du ministère des Finances.

Il existe un point de vue un tantinet anachronique ou désuet selon lequel les éleveurs de chevaux et les exploitants de chevaux de course ont beaucoup d'argent et peuvent se permettre d'en perdre sans problème. Je me demandais si vous pourriez donner aux membres du comité une idée des modifications subies par l'industrie des courses de chevaux, de la majoration des bourses et de l'évolution des données économiques au fil des ans, en ayant soin d'expliquer pourquoi il y aurait lieu de remplacer la sagesse conventionnelle dont le gouvernement a jusqu'ici fait preuve relativement à cette politique.

M. Michael Van Every: Je regrette que David Willmott ne soit pas ici pour en parler parce que, comme vous le savez, il est aujourd'hui président et directeur de Woodbine Entertainment.

Dans bon nombre de provinces du pays, on a approuvé l'exploitation de machines à sous dans les hippodromes. L'exploitation de ces appareils a entraîné une augmentation plutôt conséquente du revenu des exploitants d'hippodrome et des propriétaires de chevaux. Malheureusement, on trouve toujours quelques hippodromes où les bourses n'ont pas été touchées, et on espère que toutes les provinces seront bientôt sur la même longueur d'ondes. Mais ici, en Ontario, la structure des bourses aux hippodromes Woodbine et Mohawk a fait l'objet d'une augmentation de plus de 50 p. 100 au cours des deux dernières années, de sorte que la situation économique de l'industrie s'est améliorée de façon plutôt spectaculaire.

Vous avez mentionné que les propriétaires et les chevaux américains étaient plus nombreux. J'ai profité de l'occasion pour étudier le programme de courses d'hier à Woodbine. Il y a eu dix courses, auxquelles 86 chevaux étaient inscrits, dont 40 ont été élevés aux États-Unis, et 46, au Canada. Si on examine la situation la semaine dernière, histoire simplement de procéder à une autre vérification, on constate que plus de 50 p. 100 des chevaux ont été élevés aux États-Unis.

• 1605

Il est malheureux que l'élevage ne se fasse pas au Canada parce que les revenus générés par les bourses additionnelles vont profiter aux propriétaires et aux éleveurs de chevaux de course des États-Unis.

Nous savons de façon certaine qu'il y a un important éleveur de pur-sang de la Floride qui a déclaré envoyer de plus en plus de ses animaux au Canada pour courir et rapatrier ses gains dans son État. Il compte ici sur les services d'un entraîneur à temps plein. Pour avoir examiné les résultats des courses, je peux vous donner l'assurance qu'il gagne plus que sa juste part des épreuves. Je peux également vous dire qu'il y a un autre propriétaire étranger qui a fait part à David Willmott de son intention d'envoyer tous ses animaux courir au Canada l'année prochaine. Cette année, il a déjà inscrit quelques chevaux, et nous commençons à éprouver beaucoup de difficultés à soutenir la concurrence des Américains parce qu'ils ont la possibilité de traiter cette activité comme une activité commerciale normale et de bénéficier d'une déduction fiscale normale.

M. Roy Cullen: À mes yeux, la règle qui limite les pertes dont peuvent se prévaloir les exploitations agricoles constitue ce que j'appelle une politique de paresseux. Essentiellement, on nous dit qu'il ya a probablement des gens qui n'ont pas une attente raisonnable de profit, contre certains qui en ont, mais nous allons de toute façon plafonner les déductions autorisées. Or, la dynamique de l'industrie se transforme. Dans combien d'autres secteurs industriels peut-on créer une entreprise et essuyer des pertes pendant les premières années, peut-être, sans pouvoir les appliquer à d'autres revenus? Certains diront que les intéressés n'ont qu'à se constituer en société, mais il y a peut-être ici un problème d'échelle. Pourquoi quelqu'un devrait-il être contraint de se constituer en société pour se prévaloir de règles accessibles à toutes les autres entreprises?

À mon avis, votre cas est solide, et vous avez indiqué que, à supposer que l'industrie des courses soit assujettie aux règles commerciales d'application générale, vous vous accommoderiez de la règle relative à l'attente raisonnable de profit. Peut-être les critères devraient-ils être légèrement resserrés—j'ignore de quelle nature ils sont—, mais, à supposer que vous perdiez de l'argent année après année, peut-être serait-on fondé à mettre en doute votre attente raisonnable de profit. En ce cas, pourquoi ne seriez-vous pas assujetti aux mêmes règles que toutes les autres entreprises?

Je crois que l'argumentation est solide, mais j'ignore si vous souhaitez ou non ajouter quelque chose.

M. Michael Van Every: Non, mais je tiens simplement à vous remercier beaucoup de votre compréhension et de votre appui.

Le président: Souhaitez-vous ajouter quelque chose à ce sujet?

M. Michael Van Every: En fait, M. Cullen s'est dit intéressé à acheter un cheval pour participer aux courses dans sa circonscription.

M. Roy Cullen: Maintenant que j'ai une confiance aveugle dans...

Le président: Je vous remercie, monsieur Cullen.

Monsieur Murphy.

M. Shawn Murphy (Hillsborough, Lib.): Je veux simplement poser quelques questions aux représentants de l'industrie des courses de chevaux.

Je me présente à vous en tant que propriétaire de chevaux. J'ai des chevaux depuis 15 ou 20 ans, et je comprends parfaitement bien les problèmes auxquels l'industrie est en butte.

A-t-on déterminé le coût de la proposition? La question est de savoir, je suppose, si on a analysé l'importance de l'impôt sur le revenu que le gouvernement prélève aujourd'hui sur les gains des propriétaires de chevaux, strictement du point de vue des chevaux eux-mêmes.

Mme Catherine Willson: Dans son rapport—qui figure à l'onglet 14 de votre documentation—, M. Kuburski établit certains coûts et fait des projections au cas où l'article 31 serait abrogé.

M. Shawn Murphy: Je n'ai pas lu cette section. Pouvez-vous me donner une idée de ce que coûterait la proposition, à supposer qu'elle soit adoptée par le gouvernement fédéral?

Mme Catherine Willson: L'idée, c'est que les coûts ne seraient pas supérieurs aux avantages que le gouvernement retirerait à la longue. Ensuite, ce dernier tirerait des recettes grâce au régime fiscal. En outre, on réaliserait des gains au titre des débouchés et des emplois, ce qui générerait également plus de revenus et de recettes.

M. Michael Van Every: Il est très difficile pour nous de chiffrer la perte de revenu. Heureusement, le ministère des Finances dispose de toutes les données statistiques nécessaires pour procéder à ses propres estimations, mais il ne les a pas partagées avec nous. Ce que nous connaissons, ce sont les pertes déclarées par tous les propriétaires de chevaux de course du Canada, lesquelles sont aujourd'hui limitées et, par conséquent, reportées, ce qui explique que je ne puisse leur accoler une valeur monétaire.

• 1610

En ce qui concerne les impôts actuellement payés par l'industrie des courses, le gouvernement, en vertu de la comptabilité de caisse, encourage les contribuables à accroître la taille de leurs entreprises en faisant l'acquisition d'animaux. Ici, les animaux sont considérés comme des stocks, au contraire de la situation en vigueur aux États-Unis, où on les considère comme des immobilisations, sujettes à amortissement. S'il en est ainsi, c'est, je crois, parce que le gouvernement du Canada tient à appliquer une taxe ordinaire en cas de vente d'un cheval, plutôt que l'impôt sur les gains en capital. Cependant, on encourage les intéressés à réaliser leurs profits dans l'exercice en cours et à les éliminer à des fins fiscales au moyen de l'acquisition d'un autre animal. Par conséquent, les intéressés seront vraisemblablement plus portés à augmenter le nombre de chevaux qu'ils possèdent plutôt qu'à verser au gouvernement 50 p. 100 en impôt. Je dois donc en venir à la conclusion que, à l'heure actuelle, l'industrie ne paie probablement pas beaucoup d'impôt.

M. Shawn Murphy: Oui, c'est aussi ce que je soupçonne.

Je veux simplement poser une autre question à ce sujet. Une fois de plus, j'ai du mal à analyser toute cette question. De façon plus précise, vous avez indiqué dans votre rapport que les salaires versés par l'industrie se chiffrent à environ 1 milliard de dollars. Quant aux impôts payés par l'industrie, ils se chiffrent à 890 millions de dollars. En revanche, les bourses ne totalisent que 150 millions de dollars. Si on interpole le revenu de l'hippodrome—et je sais que, relativement à ces salaires et à ces impôts, vous avez tenu compte de l'industrie tout entière, ce qui comprend les hippodromes—, on doit tenir compte des paris, des recettes des machines à sous, sans oublier celles des concessions. Je n'ai pas l'impression qu'on arriverait au total des montants des salaires, des taxes et d'autres dépenses que vous avez effectuées. J'ai simplement un peu de mal à analyser l'ensemble de la question.

M. Michael Van Every: Oui, et je dois vous dire que, dans le cadre d'une étude économique, il est très difficile d'établir ce que l'industrie dans son ensemble dépense par rapport au revenu qu'elle génère. Outre les bourses, il y a bien entendu la valeur des chevaux.

Nous réussissons à vendre des chevaux à l'étranger parce que le marché des étalons, par exemple, est plus favorable aux États-Unis qu'ici. Si vous parvenez à créer un bon cheval de course—un bon étalon ou une bonne jument—il sera habituellement vendu aux États-Unis. Il y a donc un marché d'exportation pour les chevaux élevés au Canada. En fait, il est très difficile de les élever et de les garder ici. À cet égard, Northern Dancer constitue un exemple classique. Lorsque, à l'origine, on a imposé ces restrictions pour réduire au minimum la déduction pour pertes à laquelle il avait droit, M. Taylor a fini par vendre Northern Dancer aux États-Unis.

Un étalon... Je pense que c'est Seattle Slew qui m'a attiré dans l'industrie. Les deux autres propriétaires qui ont investi dans Seattle Slew ont versé chacun 10 000 $. Seattle Slew a connu tant de succès—j'ignore combien de millions de dollars il a gagnés dans les courses—qu'il a été mis en commun à titre de géniteur pour 60 millions de dollars. Compte tenu de ses gains potentiels, on peut obtenir un très bon rendement en contrepartie d'un risque minimal, mais ce cheval est un reproducteur établi aux États-Unis. S'il s'était agi d'un cheval canadien ayant couru et obtenu du succès, jamais cet étalon ne serait resté au Canada. Il aurait été vendu aux Américains et aurait généré d'énormes revenus d'exportation.

Comme nous n'avons pas de chiffres à notre disposition, il est difficile d'établir un total.

M. Shawn Murphy: Monsieur le président, ma dernière question s'adresse à M. Johnson.

J'aimerais simplement obtenir un éclaircissement. Je crois que vous avez déjà répondu à la question, mais j'aimerais obtenir plus de détails. Si j'ai bien compris, vous avez établi le coût de votre proposition, qui se situerait entre 7 et 21 millions de dollars. Est-ce bien ce que vous avez dit?

M. Donald Johnson: Oui, entre 7 et 21 millions de dollars. Il y a cinq ans, le coût se serait situé entre 10 et 35 millions de dollars, mais il est aujourd'hui inférieur de 40 p. 100 en raison des réductions des taux d'imposition.

M. Shawn Murphy: Ce que vous nous dites, c'est donc qu'un gouvernement, s'il donnait suite à la proposition et éliminait tous les impôts sur les gains en capital applicables à ces dons, n'aurait à éponger qu'une facture de 7 à 21 millions de dollars?

M. Donald Johnson: Oui, c'est exact. Les chiffres reposent sur une analyse effectuée par un des associés principaux d'un important cabinet d'experts-conseils de Toronto qui a travaillé pendant 15 ans au ministère des Finances.

M. Shawn Murphy: Je vous remercie beaucoup.

M. Donald Johnson: Ces chiffres tiennent compte de l'actualisation de la valeur actuelle des impôts. Sur les 200 millions de dollars donnés en actions l'année dernière, le gouvernement aurait renoncé—l'impôt habituel sur les gains en capital se serait établi à environ 22 p. 100 des 44 millions de dollars, et en fait le montant aurait été deux fois moindre—soit 22 millions de dollars. En présence d'une politique ayant pour effet d'assujettir ces dons aux impôts complets sur les gains en capital, ces personnes n'auraient pas donné des actions d'une valeur de 20 millions de dollars. En fait, elles n'auraient rien donné du tout. Dans la plupart des cas, le gouvernement n'aurait touché l'impôt sur les gains en capital qu'après de nombreuses années. Il faut donc actualiser la valeur présente de l'impôt perdu.

Le président: Je vous remercie, monsieur Murphy.

Madame Guarnieri.

Mme Albina Guarnieri (Mississauga-Est, Lib.): Je vous remercie, monsieur le président. J'ai seulement deux brèves questions à poser.

Monsieur Dye, vous êtes demeuré assis patiemment, et j'aimerais vous donner l'occasion d'étoffer vos points de vue.

• 1615

Vous avez expliqué de façon très convaincante pourquoi le gouvernement devrait investir. Je pense que vous avez fait état d'un investissement de 3 à 5 millions de dollars ayant pour but d'améliorer les compétences en gestion des petites entreprises. Auriez-vous l'obligeance de nous en dire plus au sujet de la méthode d'exécution et de la façon dont tout se passerait si le gouvernement donnait suite à vos idées?

Dans votre mémoire, vous dites avoir déjà soumis certaines idées précises à Industrie Canada. Peut-être pourriez-vous nous donner une idée de la réception que vous avez eue jusqu'ici et faire le point sur l'état actuel du dossier.

M. Robert Dye: Pour répondre en premier à votre deuxième question, nous avons, il y a un an, présenté un mémoire très détaillé à Industrie Canada. Nous avons par la suite soumis certaines propositions précises, et nous nous employons actuellement à mettre au point un mécanisme d'étalonnage grâce auquel on pourra comparer les compétences en gestion des gestionnaires et des propriétaires de PME, ou l'absence de telles compétences à celles d'autres personnes. En deuxième lieu, nous nous affairons également à la mise au point dont pourrait naître un programme de mentorat, de façon que les PME qui ont besoin d'aide puissent obtenir des conseils et des orientations de particuliers qui ont déjà fait leurs preuves.

Mme Albina Guarnieri: Qu'avez-vous à dire au sujet de la méthode d'exécution?

M. Robert Dye: D'après ce que je peux voir, deux problèmes se posent. J'ai dit deux problèmes, mais ils sont probablement interreliés. Les PME sont à la recherche de possibilités d'apprentissage ou d'éducation à la fois accessibles et abordables. La plupart des propriétaires de PME n'ont pas le temps d'assister à des ateliers ou à des conférences qui durent plusieurs jours et coûtent des centaines et, vraisemblablement, des milliers de dollars. L'approche que nous mettrions au point pour leur donner des possibilités d'apprentissage devrait être accessible et abordable. Il y aurait lieu, par exemple, d'élaborer des programmes Web accessibles sur Internet ou encore des programmes pouvant être présentés sur support papier, sur disquette ou sur disque compact.

Mme Albina Guarnieri: Il arrive que les exploitations et les magasins familiaux n'aient même pas accès à Internet. C'est du moins ce qu'on me dit. Envisagez-vous aussi des visites sur le terrain pour assurer une formation sur place? Cela fait-il partie de votre méthode de fonctionnement?

M. Robert Dye: Ça fait partie du mécanisme de mentorat dont nous discutons actuellement avec Industrie Canada.

Le président: Je vous remercie, monsieur Dye.

Nous allons maintenant passer à M. Nystrom.

M. Lorne Nystrom (Regina—Qu'Appelle, NPD): Oui, et je veux poser deux questions à M. Dye d'abord, avant de revenir sur les courses de chevaux.

La recommandation que vous faites est très importante, étant donné que les PME créent 80 p. 100 des nouveaux emplois. Je me demandais comment le ministère des Finances avait accueilli votre proposition? Dans un deuxième temps, je voulais savoir si vous avez également discuté avec les provinces de la même idée, à savoir le perfectionnement des compétences en gestion. Naturellement, une bonne part de la formation relève de la compétence des provinces.

M. Robert Dye: Nous ne nous sommes pas adressés au ministère des Finances.

M. Lorne Nystrom: D'accord.

M. Robert Dye: Nous nous sommes adressés à Industrie Canada, où nous avons reçu certains signaux intéressants et positifs, et c'est sur ce plan que nous travaillons.

Dans notre mémoire, nous évoquons de façon très générale le mode de fonctionnement que nous pourrions adopter. Nous faisons allusion à des partenariats. Ce que cela signifie, c'est que nous devons miser sur la participation des gouvernements provinciaux et fédéral de même que sur celle d'autres associations et organismes industriels—ce genre d'accord.

M. Lorne Nystrom: Je reviens maintenant aux représentants de la Horse Racing Tax Alliance of Canada, à qui j'aimerais aussi adresser deux questions.

Souvent, une modification fiscale a certains impacts sur d'autres industries. Y a-t-il, dans l'hypothèse où nous apporterions la modification demandée pour l'industrie des courses de chevaux, une autre industrie qui se trouve dans une situation analogue à la vôtre? Y a-t-il une industrie analogue qui s'attendrait à bénéficier de la même modification? Par exemple, un certain nombre d'entre nous ont, au fil des ans, déposé des projets de loi d'initiative parlementaire visant à réduire l'âge à partir duquel les pompiers sont admissibles aux prestations du RPC parce qu'ils travaillent dans une industrie très dangereuse. Eh bien, on peut dire la même chose des policiers et d'autres personnes, et ainsi de suite, de sorte qu'il faut établir des conditions du jeu égales pour les personnes qui travaillent dans des industries similaires. Y a-t-il d'autres industries dont la situation se compare à la vôtre?

• 1620

La dernière question que je me pose a trait à votre association et aux organismes qu'elle représente. Représentez-vous, par exemple, Queensbury Downs de Regina? Représentez-vous tous les hippodromes du pays? Vous êtes des agriculteurs, je le sais bien, mais quelle est la taille de vos exploitations? À qui appartiennent-elles?

M. Michael Van Every: Permettez-moi de répondre à la première question.

Nous représentons...dans notre document, vous trouverez une liste, et je ne suis pas certain que vous en ayez reçu une copie. Nous avons préparé une version condensée qui a été envoyée à tous les parlementaires. La liste des organismes représentés s'étend sur deux pages. En un mot, ces organismes sont les propriétaires et les éleveurs de pur-sang et de standardbreds de même que les exploitants d'hippodromes.

Il y a diverses combinaisons possibles. Par exemple, la section albertaine de la Société canadienne du cheval thoroughbred représente tous les éleveurs de pur-sang de la province de l'Alberta.

Bon nombre de nos membres possèdent et exploitent des fermes, et bon nombre ne le font pas. Environ la moitié des membres de chacun de ces organismes ont en effet une exploitation agricole, dont la taille oscille entre 10 acres et quelques centaines d'acres. Dans l'Ouest, je crois qu'on parle de ranches.

Il peut aussi s'agir d'une personne vivant au centre-ville de Toronto et qui, dans un hippodrome, conserve un cheval dont s'occupe un employé professionnel. Il peut s'agir d'un entraîneur qui, lui-même, emploie le jockey, l'aide-écuyer, le palefrenier, le vétérinaire et le maréchal-ferrant qui s'occupe de l'animal. Il n'est pas nécessaire qu'une personne possède et exploite une ferme—une terre—pour faire partie de l'industrie des courses de chevaux.

Nous ne savons pas exactement pourquoi l'industrie des courses de chevaux a été rangée dans la catégorie agricole, sauf qu'il s'agissait de la seule disposition de la loi ayant pour effet de restreindre la déduction pour perte. On a donc rangé l'industrie dans cette catégorie pour éviter d'avoir à élaborer un nouvel article.

Monsieur Nystrom, vous avez posé une autre question au sujet des industries qui pourraient aussi être touchées. Au meilleur de ma connaissance, les seules personnes visées par la loi qui pourraient être concernées sont d'autres agriculteurs n'ayant aucun lien avec les courses de chevaux. J'aimerais bien pouvoir m'exprimer en leur nom, mais j'en suis incapable. Il s'agirait de personnes qui cultivent des céréales ou élèvent du bétail, des cochons, des moutons et ainsi de suite.

Je ne suis pas certain de la réaction qu'ils auraient, et je ne sais pas non plus s'ils souhaiteraient obtenir la même déduction. À la lumière d'une déclaration de principes faite par le ministère des Finances il y a une quinzaine d'années, nous croyons comprendre que la disposition visait à protéger l'agriculteur à temps plein contre l'agriculteur à temps partiel qui lui livrerait une concurrence injuste en raison de la déduction qu'il pourrait appliquer à ses autres revenus. De ce fait, l'agriculteur à temps partiel aurait droit à une petite subvention.

Le même raisonnement ne s'applique pas à notre industrie. Nous bénéficions de l'appui total des agriculteurs à temps plein de notre industrie. Dans la plupart des cas, les agriculteurs à temps partiel—les personnes qui achètent des chevaux—sont les clients des agriculteurs à temps plein. Les agriculteurs à temps plein de notre industrie souhaitent donc que les agriculteurs à temps partiel bénéficient de déductions pour pertes complètes si, dans les faits, ils ont subi une perte. Nous ne pensons pas que quiconque d'autre viendra frapper à la porte pour revendiquer un traitement égal.

M. Lorne Nystrom: Je vieux simplement ajouter un commentaire. Je suis certes favorable aux propos que vous avez tenus aujourd'hui, mais, dans ma circonscription, Regina—Qu'Appelle, je représente bon nombre des autres agriculteurs à qui vous avez fait allusion. Pour élargir votre groupe de pression et faire avancer votre cause, vous auriez peut-être intérêt à communiquer avec la FCA ou d'autres organismes agricoles.

M. Michael Van Every: Je vous remercie.

Le président: Merci.

Monsieur Brison.

M. Scott Brison: Merci, monsieur le président.

Merci à tous les témoins de leur intervention.

J'aimerais commencer par M. Johnson. Une fois de plus, je vous félicite pour les progrès réalisés jusqu'ici dans le cadre de votre initiative touchant les contributions ou les dons d'actions cotées en bourse. C'est merveilleux.

À titre de mesure intérimaire avant l'élimination complète de l'impôt sur le gain en capital imputable aux valeurs cotées en bourse, nous pourrions peut-être envisager de mettre l'idée à l'essai. Peut-être pourrions-nous commencer par les contributions de valeurs cotées en bourse aux partis politiques canadiens. Si les résultats sont concluants, nous pourrions ensuite en élargir l'application. Il s'agit juste d'une idée que nous pourrions envisager à l'avenir...

Des voix: Oh, oh!

Une voix: Il y a là une confusion trop grande. Il s'agirait ici d'un cas de bienfaisance, n'est-ce pas?

Une voix: Vous avez certains partis en tête?

M. Scott Brison: Eh bien, il faudrait qu'il s'agisse, me semble-t-il, d'un des partis fondateurs du Canada.

• 1625

Une question à propos de laquelle j'aimerais connaître vos vues ou vos réflexions a trait à la façon dont le Canada et le Royaume-Uni, dans la perspective du don de charité, traitent les actifs autres que les valeurs cotées ou les actifs dont la valeur est plus difficile à vérifier ou à établir avec exactitude.

M. Donald Johnson: Au Royaume-Uni, à ma connaissance, on limite l'exemption sur les gains en capital aux valeurs cotées, comme nous le faisons au Canada. Aux États-Unis, la définition est plus large. Il s'agit essentiellement d'une exemption sur les gains en capital applicable aux immobilisations à valeur accrue.

Lorsqu'on va au-delà des valeurs cotées, certains expriment des préoccupations bien naturelles à propos des risques d'abus touchant l'évaluation, et le dossier devient relativement compliqué. Les difficultés ne sont pas insurmontables. Pour éviter les abus, aux États-Unis, les biens immobiliers, les actions d'une société privée ou les autres actifs donnés doivent faire l'objet d'une évaluation indépendante. Trois personnes doivent signer l'évaluation: l'évaluateur lui-même, l'oeuvre de bienfaisance bénéficiaire et le donateur. En cas d'écart substantiel entre le produit réel de la vente de l'actif en question et la valeur estimative, les trois parties—l'oeuvre de bienfaisance, le donateur et l'évaluateur—assument une responsabilité conjointe.

Il y a donc une solution, mais elle est plus complexe. C'est pourquoi, dans le cas qui nous occupe, il était beaucoup plus simple de limiter l'exemption aux valeurs cotées: l'oeuvre de bienfaisance reçoit les actions et peut les vendre tout de suite. La valeur ne soulève aucune question puisque l'oeuvre de bienfaisance peut encaisser immédiatement les actions et utiliser l'argent.

M. Scott Brison: Les membres que vous représentez font-ils habituellement...? Je suppose que la qualité des valeurs fait l'objet d'une certaine évaluation puisque l'on peut avoir affaire à un titre ou à une valeur passablement liquide ou dont le marché est plus étroit ou à un titre qui, du point de vue des avantages liés aux gains en capital, est susceptible d'avoir une valeur plus grande. Du point de vue fiscal, un donateur pourrait avoir avantage à donner une action relativement liquide plutôt qu'à tenter de la vendre. Parmi vos membres, procède-t-on, au moment de la contribution, à une forme d'évaluation large de la qualité des valeurs?

M. Donald Johnson: Je pense que le critère tient au fait qu'il s'agit de valeurs cotées. Je ne crois pas qu'il existe de restrictions en ce qui concerne la liquidité des valeurs.

M. Scott Brison: D'accord.

J'aimerais maintenant poser une question à M. Dye. J'ai écouté avec beaucoup d'intérêt la description que vous avez faite de votre initiative, mais, quand j'examine les chiffres et le taux d'échec des petites entreprises au Canada, la situation ne m'apparaît pas si catastrophique. En un sens, un taux de réussite de une sur cinq n'est pas si mauvais, étant donné la nature des petites entreprises. Qu'on aborde le taux d'échec dans les petites entreprises de façon aussi négative m'apparaît comme une habitude typiquement canadienne.

Tournons-nous vers les États-Unis et comparons par exemple la façon dont les sociétés de capital-risque des États-Unis voient les entrepreneurs par rapport à ce qui se fait au Canada. En fait, une entreprise de capital-risque veut que l'entrepreneur ou l'auteur de la demande ait un jour connu un échec. On y voit une sorte de sceau d'honneur ou quelque chose d'important. Il est typiquement canadien de tenter de réduire le nombre d'échecs au point où nous pourrions faire circuler une idée fausse selon laquelle l'esprit d'entreprise s'enseigne. DRHC s'emploie à initier les gens au métier d'entrepreneur. Les banques offrent des cours pour aider les entrepreneurs à mieux réussir.

Je ne suis pas convaincu qu'on puisse enseigner aux gens à réussir dans le monde de la petite entreprise parce qu'il me semble—j'ai créé ma première petite entreprise quand, à l'âge de 19 ans, je fréquentais l'université, et, soit dit en passant, c'était légal...

Des voix: Oh, oh.

M. Scott Brison: ...la plupart des personnes qui possèdent des petites entreprises ne sont pas nécessairement de bons gestionnaires, mais ils possèdent la flamme de l'esprit d'entreprise, ce qui est pour une bonne part une affaire culturelle. Souvent, le gène court dans les familles. L'esprit d'entreprise ne s'enseigne pas vraiment. Je ne suis donc pas nécessairement convaincu que vous puissiez réussir à inculquer certains types de compétences à des particuliers qui, de par leur nature même, jouent les Don Quichotte. Dans certains cas, ils réussissent; dans d'autres, ils échouent. Je ne crois pas que nous allons réduire le taux d'échecs de façon importante au moyen de l'autre méthode que vous proposez.

• 1630

Le président: Monsieur Dye.

M. Robert Dye: Pour ma part, je ne me limiterai pas à la simple proportion de une entreprise sur cinq. Je serais plutôt porté à tenir compte de l'impact total sur l'économie. Ensuite, je suis d'accord pour dire qu'on ne pourra jamais envisager un taux de réussite de cinq sur cinq. Dans notre exposé, nous avons laissé entendre que le simple fait de passer de une entreprise sur cinq à deux entreprises sur cinq produirait un impact considérable. Dans notre exposé, nous vous avons peut-être légèrement induits en erreur parce que nous avons parlé du taux d'échec. Ce que nous avons passé sous silence, c'est la mesure dans laquelle nous pouvons améliorer la situation de celles qui réussissent.

M. Scott Brison: Comparativement, la situation du Canada à cet égard est-elle inférieure à celle des États-Unis? Les chiffres chez nous sont-ils sensiblement différents de ceux qu'on observe aux États-Unis?

M. Richard Monk (président, Certified Management Accountants of Canada—Ontario): Il est plutôt difficile d'obtenir de tels chiffres. Je ne sais pas si nous nous tirons mieux ou moins bien d'affaire que les États-Unis. Ce que nous savons de façon certaine, c'est que nos PME échouent simplement parce qu'elles ne possèdent pas les compétences en administration des affaires essentielles, et c'est là notre grande préoccupation. Si nous pouvions faire passer la proportion, comme M. Dye l'a dit, à deux entreprises sur cinq plutôt qu'à une sur cinq, nous nous tirerions plutôt bien d'affaire.

Certaines des compétences en question sont très élémentaires. Il s'agit de compétences en planification financière et commerciale. Vous avez dit que les entrepreneurs étaient des Don Quichotte. Ce que nous voulons, c'est donner à ces Don Quichotte de solides assises.

M. Scott Brison: Ne serait-il pas plus efficace d'entreprendre une réforme générale de la fiscalité visant à réduire les impôts sur les capitaux, les impôts sur les gains en capital, les impôts qui freinent l'esprit d'entreprise et la réussite au Canada et à soulager les personnes chez qui l'esprit d'entreprise est une seconde nature du fardeau fiscal excessif avec lequel elles doivent aujourd'hui composer? Plutôt que de tenter de faire des entrepreneurs de personnes qui n'ont aucune prédisposition en ce sens, ne devrait-on pas plutôt créer un climat plus favorable aux entrepreneurs et voir comment ils se tirent d'affaire?

M. Robert Dye: Le nombre d'entrepreneurs qui réussissent sera peut-être alors légèrement plus élevé. Ils réussiront peut-être pendant une plus longue période.

M. Scott Brison: Ils resteront peut-être au Canada.

M. Robert Dye: Oui, c'est possible, mais je ne pense pas que vous favoriseriez le développement de l'ensemble de la communauté des PME à long terme.

M. Scott Brison: Vous ne considérez donc pas la réforme de la fiscalité comme une étape importante et nécessaire pour créer un environnement plus propice à l'entrepreneuriat au Canada?

M. Robert Dye: Non, je vois dans cette réforme un facteur habilitant. Elle serait utile, mais je ne crois pas qu'elle constitue la réponse à long terme.

M. Scott Brison: Je vous remercie.

Le président: Merci, monsieur Dye.

J'aimerais poser une question sur un sujet qui, aujourd'hui, revient sans cesse. Qu'il s'agisse des dons de charité, des courses de chevaux ou même des préoccupations relatives aux impôts sur les capitaux, on en revient toujours aux États-Unis à des fins de comparaison. En tant que pays, en sommes-nous à un moment de l'histoire où nous devons prêter une attention plus grande au fait que l'économie nord-américaine est en réalité intégrée et que certaines de nos politiques, budgétaires ou autres, doivent être davantage harmonisées avec celles des États-Unis d'Amérique, au moment où nous nous attaquons à certains des défis qui nous sautent aux yeux? La majorité des témoins que nous entendons fait référence aux États-Unis. En tant que comité, devrions-nous nous intéresser à ces différences, en particulier lorsqu'elles ont un impact négatif sur les Canadiens et leur niveau de vie?

• 1635

Mme Catherine Willson: Je veux faire une mise au point. En ce qui concerne le mémoire que nous avons présenté aujourd'hui, nous ne faisons pas référence qu'aux États-Unis. Ce que nous voulons, c'est l'égalité dans l'ensemble du Canada. Le problème, c'est que nous ne sommes pas en mesure de soutenir la concurrence au Canada, et encore moins celle des États-Unis. Il est vrai que le thème revient souvent aujourd'hui, mais, aux fins qui nous occupent, il s'agit de nous permettre de soutenir de façon équitable la concurrence avec le reste du Canada lorsqu'il s'agit d'attirer des investisseurs.

M. Michael Van Every: Pour répondre à votre question précise sur les États-Unis, je pense que tout ce que nous avons entendu aujourd'hui portait sur le marché nord-américain.

Monsieur le président, je sais que l'industrie de l'élevage des chevaux fait partie de la communauté nord-américaine et qu'il est très difficile pour nous de soutenir la concurrence des Américains, qui vivent dans un régime fiscal différent. Le moment est donc venu de nous tourner vers les États-Unis et de tenter d'harmoniser nos situations respectives. Nous tentons, comme vous le savez, de créer une protection à la frontière nord-américaine, et nous devons faire en sorte que cette frontière demeure ouverte puisque bon nombre de nos chevaux vont et viennent de part et d'autre de la frontière, à des fins d'élevage ou pour participer à des courses.

Je dois dire que j'ai été ravi d'entendre Scott soulever la question de la réussite et du sceau d'honneur qui se rattache à l'échec. Chez nos exploitants à temps partiel, le taux de réussite est supérieur à un sur quatre. Dans l'industrie, nous ne perdons pas quatre participants sur cinq, et pourtant les personnes dont vous avez parlé ont droit à une déduction fiscale complète pour leurs pertes, tandis que ce n'est pas le cas pour nous. Pardonnez-moi, monsieur le président, mais je n'ai pas pu me retenir.

Le président: Vous n'avez pas à vous excuser.

M. Dan Marinangeli: Monsieur le président, j'aimerais faire un commentaire à propos des rapports de force en Amérique du Nord.

Le président: Oui.

M. Dan Marinangeli: Les capitaux utilisés par les banques canadiennes sont indubitablement très mobiles. Nous faisons circuler des capitaux, non seulement en Amérique du Nord, mais aussi dans le monde entier. En l'absence d'un régime fiscal concurrentiel au Canada, nous sommes incités à envoyer nos capitaux aux États-Unis et même plus loin. Vous avez donc absolument raison.

Le président: Quelqu'un d'autre souhaite-t-il me donner raison?

M. Donald Johnson: Je crois que cette question se pose avec beaucoup d'acuité, notamment aux conseils consultatifs des universités. Nous devons, le moment venu de recruter les meilleurs professeurs, soutenir la concurrence des écoles commerciales des États-Unis surtout. Nous devons également leur disputer les meilleurs étudiants. L'alternative qui s'offre aux médecins et aux infirmières est, franchement, les États-Unis ou le Canada, et ainsi de suite. Je pense donc que nous devons avoir une idée très claire de notre concurrence et veiller à positionner nos organismes de façon qu'ils aient la latitude et la capacité de soutenir la concurrence suivant des règles du jeu égales.

Le président: Je vous remercie beaucoup.

Nous allons conclure sur cette note. Comme environ 86 p. 100 de nos exportations vont aux États-Unis et que 45 p. 100 de notre PIB découlent d'activités avec les États-Unis, il ne fait aucun doute que notre pays est à la croisée des chemins en ce qui a trait à la recherche de solutions nationales plutôt que de solutions continentales. Et je dois dire—je m'exprime peut-être au nom des membres du comité qui, je l'espère, me le permettront—que nous allons de plus en plus aborder les choses sous l'angle du continent nord-américain.

Je vous remercie beaucoup, vous nous avez été très utiles.

Nous allons maintenant faire une pause de 60 secondes.

• 1639




• 1649

Le président: Je déclare la séance ouverte et je souhaite la bienvenue à tous ceux qui sont ici présents, cet après-midi. Nous accueillons le troisième groupe de témoins de la deuxième séance d'aujourd'hui, à Toronto.

Nous accueillons les témoins suivants de la Toronto Transit Commission: le directeur de la TTC et conseiller municipal de la Ville de Toronto, M. David Miller; et le directeur général de la TTC, Vince Rodo.

Les personnes suivantes représentent l'Association canadienne des constructeurs de véhicules: le président, Mark Nantais; David Penney, directeur général, impôts et douanes, General Motors du Canada; Tayce Wakefield, vice-président, Corporate and Environmental Affairs, General Motors du Canada; et Michael Sheridan, directeur des relations gouvernementales, Ford du Canada Ltée.

• 1650

De l'Ontario Non-Profit Housing Association, nous accueillons Noreen Dumphy. De la Commission de formation de Toronto, nous accueillons le directeur des affaires, Peter Landry; le coprésident des affaires syndicales, Mike McCue, et la directrice de la situation de la femme, Rebecca Sugarman. Enfin, nous accueillons M. Gordon Chong, président du Greater Toronto Services Board.

Je souhaite la bienvenue à tous. Nombre d'entre vous êtes déjà venus comparaître; vous savez donc que vous avez cinq à sept minutes environ pour présenter vos remarques préliminaires. Ensuite, nous aurons une séance de questions.

Nous commencerons par la Toronto Transit Commission. M. Miller, bienvenue parmi nous.

M. David Miller (directeur, Toronto Transit Commission): Merci beaucoup, monsieur le président. Nous apprécions beaucoup le fait de pouvoir venir ici aujourd'hui.

Comme vous l'avez noté dans votre introduction, je suis directeur de la Toronto Transit Commission. À titre de conseiller municipal, je suis élu. M. Rodo est quant à lui un des dirigeants de la Toronto Transit Commission. Nous serons tous les deux heureux de répondre aux questions que vous voudrez bien poser au moment approprié.

Nous avons tout de même mis par écrit quelques remarques et un tableau qui devrait être mis à la disposition des membres du comité. Les remarques en question traitent en fait du cas particulier de la Toronto Transit Commission.

Durant mon exposé verbal, j'aimerais révéler très brièvement pourquoi le gouvernement fédéral devrait investir dans le transport en commun en milieu urbain. Il existe, à vrai dire, deux raisons très importantes. La première, c'est que le Canada est de plus en plus un pays à caractère urbain. La santé économique de nos grandes villes, et particulièrement celle de Toronto, dépend directement de la capacité qu'ont les gens de se déplacer à l'intérieur de la ville grâce au transport en commun. La deuxième, bien entendu, c'est l'environnement. Je traiterai des problèmes auxquels font face les villes.

Le Canada est le seul pays du G-8 dont le gouvernement fédéral n'investit pas dans le transport en commun. Si Toronto était située aux États-Unis—et je ne préconise certes pas que cela se fasse—pour la seule année en cours, nous aurions droit à 290 millions de dollars pour le XXIe siècle en application de la Transportation Equity Act. Ce serait un investissement très important pour ce qui est de la capacité qu'a une ville comme Toronto d'investir dans le transport en commun, d'accroître le service ainsi que de maintenir le réseau actuel et, dans la mesure du possible, d'y donner de l'expansion.

Si les États-Unis ont adopté la législation sur le transport en commun, c'est en partie pour des raisons d'équité. Cette législation a été conçue expressément pour concrétiser une certaine équité sociale au moyen de programmes comme ceux qui aident les assistés sociaux à trouver du travail. On ne peut pas travailler si on ne peut plus se rendre au travail. Il existe de nombreuses personnes à faible revenu qui n'ont simplement pas les moyens de se déplacer en voiture. Le transport en commun est une façon importante de réaliser l'équité sociale. Je crois qu'il s'agit là d'un des buts du gouvernement fédéral mis en place aujourd'hui.

Pour réagir au budget de 2000, le fonds municipal pour l'environnement, c'est un très bon point de départ. Nous devrons aller beaucoup plus loin et chercher à régler la question de l'investissement direct dans le transport en commun, de concert avec les provinces, les territoires et les municipalités.

Le tableau qui se trouve à la deuxième page de notre mémoire indique la source des fonds d'immobilisation et d'exploitation de diverses villes qui sont les concurrents économiques de Toronto. Toronto n'obtient pas le moindre dollar du gouvernement fédéral ou du gouvernement provincial. L'intégralité du capital provient de la ville elle-même, même si la province a annoncé qu'elle allait rétablir une partie des fonds.

Si on regarde la situation de toutes les autres villes, y compris nos concurrents au Canada, même si on voit que c'est sur les États-Unis que l'on insiste ici, nous constatons que les proportions sont inversées. New York est un bon exemple: 27 p. 100 des fonds proviennent du gouvernement fédéral.

De même, j'aimerais traiter brièvement de questions environnementales. En investissant dans le transport urbain, le gouvernement fédéral peut se rapprocher des objectifs qu'il souhaite atteindre conformément au protocole de Kyoto. Quand je discute de ces questions avec des députés, je me fais souvent dire que ce sont là des questions constitutionnelles.

À propos d'une question constitutionnelle qui touche les pêches, appelé à dire pourquoi le gouvernement fédéral devrait jouer un rôle dans le domaine des pêches, Pierre Trudeau a déjà dit: les poissons nagent. Eh bien, l'air circule. Nous n'érigeons pas de murs pour faire cesser le flux d'air aux limites de Toronto, du Québec, de l'Alberta ou de la Colombie-Britannique. L'air circule. Le gouvernement fédéral a un rôle important à jouer, s'il souhaite respecter les cibles en rapport avec le protocole de Kyoto, pour ce qui est de trouver des façons d'y arriver.

La Toronto Transit Commission estime que si elle remplace son parc de véhicules au cours des dix prochaines années, ce qui doit se faire, elle économisera 160 millions de litres de combustible par année et fera baisser les émissions polluantes annuelles de 20 000 tonnes en faisant en sorte qu'il y ait plus de 90 000 voitures de moins sur les routes.

• 1655

À titre de comparaison simple, précisons que la ligne du métro de la TTC qui fait la rue Yonge a la capacité, en une seule journée, de transporter le nombre de gens que voient circuler les autoroutes 401, 400 et 403 combinées. C'est un outil d'une puissance incroyable, mais nous ne pouvons nous en servir comme il se doit en l'absence d'un financement adéquat. Les États-Unis nous ont montré la voie à suivre, et nous sommes ici pour vous inciter à emboîter le pas et à trouver une façon d'aider le financement et l'investissement dans le domaine du transport en commun en milieu urbain.

Merci d'avoir eu la patience d'écouter mes remarques.

Le président: Merci beaucoup, monsieur Miller.

Nous allons maintenant entendre l'Association canadienne de constructeurs de véhicules. Monsieur Nantais.

M. Mark Nantais (président, Association canadienne des constructeurs de véhicules): Merci, monsieur le président, et merci de me donner l'occasion de comparaître devant vous aujourd'hui. Bon après-midi, messieurs, mesdames, membres du comité.

L'ACCV est l'association industrielle nationale qui représente les plus grands fabricants d'automobiles du Canada. Parmi nos membres, nous comptons DaimlerChrysler Canada Inc., Ford Motor du Canada, General Motors du Canada, l'International Truck and Engine Corporation et Volvo Cars of Canada.

Comme vous le savez, l'ACCV a remis à votre comité, au mois d'août, un mémoire détaillé qui expose certaines de ses préoccupations les plus courantes. Nous allons en faire ressortir plusieurs dans un instant, mais d'abord, nous croyons qu'il serait très utile de discuter du climat commercial de l'industrie de l'automobile au Canada, à la suite des tristes événements du 11 septembre.

La productivité et le rendement de l'industrie de l'automobile au Canada sont directement liés à l'économie des États-Unis. Les procédés de fabrication de nos sociétés membres dépendent des livraisons «juste à temps» qui permettent à nos usines, ici en Ontario, d'obtenir les pièces qu'il leur faut.

Dans les quelques jours suivant le 11 septembre, la production dans les usines a été perturbée, en raison du retard des cargaisons de pièces à la frontière canado-américaine. Cette perturbation s'est fait sentir de part et d'autre de la frontière. Les pièces fabriquées au Canada n'ont pu atteindre les États-Unis, et les pièces fabriquées aux États-Unis n'ont pu atteindre nos usines, ici, au Canada. Cela représente un impact considérable sur les exportations canadiennes aussi bien que la productivité canadienne.

De même, presque 90 p. 100 des véhicules produits dans les usines canadiennes sont exportés aux États-Unis, en vue de la vente aux consommateurs de ce marché. Les envois de produits assignés aux réseaux de concessionnaires aux États-Unis ont également été perturbés dans les journées suivant les attentats.

Nous croyons qu'il en va de la sécurité nationale du Canada aussi bien que des États-Unis de maintenir une économie qui soit solide, ce qui comprend la simplification de ce commerce transfrontalier.

Notre industrie est rationalisée, dans toute l'Amérique du Nord, depuis l'établissement du Pacte de l'automobile en 1965. Aujourd'hui, elle dépend d'un système commercial parfaitement intégré. Si les choses se sont stabilisées à la frontière, l'expérience vécue tout juste après les événements tragiques du 11 septembre a fait ressortir la nécessité d'une approche concertée et stratégique de la gestion frontalière.

Nous sommes en faveur d'une approche concertée des questions de sécurité et s'articulant autour d'un périmètre. À la frontière canado-américaine, particulièrement aux passages routiers, nous devons adopter plusieurs mesures importantes qui faciliteront la circulation des biens à forte valeur et à faible risque, et permettre que les ressources soient canalisées vers les activités où le risque est plus élevé.

Plus particulièrement, nous croyons que les mesures décrites ci-dessous devraient être adoptées. Peu après les événements tragiques du 11 septembre, les touristes ont affecté des ressources supplémentaires aux passages routiers les plus fréquentés, afin de bien maximiser l'infrastructure de douanes existante. Nous sommes en faveur de l'idée que les États-Unis adoptent des crédits plus importants à cet égard, pour s'assurer que les points frontaliers ont toujours les moyens voulus.

La congestion de la circulation à la frontière pose des difficultés depuis longtemps. Nous devons envisager, par exemple, l'inspection de véhicules ailleurs qu'au point frontalier lui-même, pour éviter les goulots d'étranglement, pour faciliter la circulation à la frontière. Cela est important pour la bonne circulation des biens commerciaux légitimes. De même, ce sera utile du point de vue de la sécurité à la frontière.

Le processus d'autocotisation des douanes comprend l'inscription préalable des conducteurs du domaine des transports, en vue de faciliter les autorisations rapides. Cette approche semble avoir du sens des deux côtés de la frontière. Nous devons explorer en quoi les transpondeurs peuvent faciliter la circulation des biens commerciaux à forte valeur ajoutée et à faible risque.

Les initiatives comme le programme d'autocotisation des douanes, conçu pour faciliter la circulation des biens au profit des sociétés qui s'occupent d'un important trafic transfrontalier, sont une bonne chose. Le programme d'autocotisation permet, dans des conditions précises, d'obtenir une autorisation préalable à l'arrivée et de verser des droits de douane autocotisés.

Malheureusement, la mise en oeuvre du programme d'autocotisation a été retardée. Il a fait l'objet de plusieurs modifications qui rendent le processus inutilement complexe et potentiellement coûteux. Cela s'écarte du projet original. Nous continuons à travailler avec l'ADRC en vue de pallier les lacunes en question, pour nous assurer que le processus est aussi efficace qu'il a été prévu.

• 1700

Nous apprécions les efforts que déploie le gouvernement fédéral pour mieux régler les questions à la frontière, au profit de notre économie nationale et de notre sécurité.

J'aimerais maintenant traiter des recommandations financières qui sont exposées dans notre mémoire.

D'abord, nous voulons profiter de l'occasion pour féliciter le gouvernement fédéral d'avoir adopté des mesures préventives en réduisant l'impôt au Canada. Les réductions touchant l'impôt sur le revenu des particuliers qui ont été mises en oeuvre l'an dernier se sont révélées très utiles, c'est-à-dire qu'elles ont stimulé la demande des consommateurs durant une période de ralentissement économique. Nous encourageons le gouvernement fédéral à poursuivre dans cette voie, à l'avenir.

Nous sommes certes d'avis que nos préoccupations financières étaient pertinentes avant le 11 septembre, mais désormais, plus que jamais, les recommandations que nous formulons sont nécessaires pour stimuler l'industrie canadienne, rendre les biens plus abordables du point de vue du consommateur et améliorer la productivité de nos usines au Canada.

Notre première préoccupation concerne l'impôt fédéral que doivent assumer les grandes sociétés. Comme il s'agit d'un impôt sur le capital, l'impôt fédéral des grandes sociétés touche de façon disproportionnée les sociétés capitalistiques, par exemple dans le domaine de la fabrication, ou celles qui doivent faire des investissements importants en fonds propres, comme les fabricants d'automobiles.

Étant donné que l'impôt des grandes sociétés s'applique sans tenir compte de la rentabilité d'une entreprise, il s'agit d'un coût financier annuel pour les entreprises qui investissent au Canada et fait augmenter inutilement le coût de location de véhicules ou du financement aux consommateurs. L'impôt des grandes sociétés représente un coût important lié à l'exercice des activités commerciales au Canada. Nous recommandons qu'il soit éliminé.

Notre deuxième préoccupation concerne les transferts de pertes intersociétés. Dans de nombreux endroits, partout dans le monde, on permet aux groupes de sociétés de transférer les pertes entre les filiales en propriété exclusive, rationalisant ainsi le processus de planification fiscale du point de vue de l'entreprise. Le Canada, cependant, ne permet pas un tel transfert, ce qui entraîne des coûts administratifs plus élevés et une structure fiscale non concurrentielle.

L'ACCV recommande au gouvernement fédéral de mettre en oeuvre des modifications fiscales afin de fournir un système explicite et efficace qui permettrait aux entreprises canadiennes de transférer leurs pertes intersociété entre les filiales d'un groupe de sociétés afin de s'assurer que le Canada est bien positionné pour exercer sa concurrence à l'occasion de décisions d'investissements internationaux.

La question que nous aimerions maintenant porter à l'attention du comité concerne les impôts retenus sur les paiements d'intérêt. La convention fiscale entre le Canada et les États-Unis réduit cet impôt à la source à un maximum de 10 p. 100 lorsque les intérêts gagnés dans un pays sont versés à un résident d'un autre pays.

Les États-Unis étant le principal partenaire commercial du Canada, le taux de cet impôt est contraire à pratiquement toutes les autres conventions américaines intervenues avec des pays industrialisés, où un tel impôt a été éliminé. Cela préoccupe particulièrement l'industrie de l'automobile, étant donné que d'autres pays luttent ardemment pour obtenir des investissements dans le secteur, ce qui peut être au détriment du Canada.

Le secteur de la fabrication est à l'origine d'un grand nombre d'emplois dans l'économie canadienne, le capital circule librement dans le monde, et la concurrence pour attirer des investissements se fait plus dure que jamais. Les gouvernements aux États-Unis et partout ailleurs dans le monde continuent de réduire les impôts des sociétés afin d'attirer des investissements. Dans le contexte, il importe que le Canada s'assure d'être un lieu attrayant pour l'investissement, après impôt.

Nous sommes en faveur d'un crédit d'impôt pour la R-D comme façon d'investir dans des emplois hautement spécialisés et des perspectives d'avenir, mais soulignons tout de même que les investissements dans le secteur de la fabrication créent un grand nombre d'emplois pour les Canadiens moyens aujourd'hui même. Particulièrement en raison de l'incertitude que nous vivons actuellement, nous croyons que le gouvernement du Canada devrait envisager d'établir un crédit d'impôt spécial pour l'investissement dans le secteur de la fabrication, afin d'encourager les entreprises à installer ici les emplois du secteur. Un crédit d'impôt à l'investissement de 5 p. 100 pour le matériel et l'équipement de fabrication nouveaux aiderait à préserver et à élargir l'infrastructure manufacturière du Canada, les emplois connexes et les avantages économiques.

En guise de clôture, monsieur le président, je souhaite réitérer ce que nous avons mentionné ici aujourd'hui. Nous croyons que maintenant, plus que jamais, le gouvernement fédéral doit favoriser la création d'un contexte propice à la croissance économique. D'où la nécessité d'une politique frontalière canado-américaine qui permet au Canada de maintenir sa place dans une économie nord-américaine intégrée et un cadre financier qui donne aux consommateurs et aux investisseurs la confiance voulue pour faire rouler notre industrie. Le moteur à combustion est un moteur économique. Nous espérons que le gouvernement du Canada tient autant que nous à une industrie de l'automobile forte et en santé.

Encore une fois, nous apprécions l'occasion qui nous est offerte de comparaître aujourd'hui devant le comité. Les représentants des sociétés membres qui m'accompagnent aujourd'hui et moi-même serons heureux de répondre à toute question que vous voudrez bien poser.

Le président: Merci beaucoup, monsieur Nantais.

Nous accueillons maintenant, de l'Ontario Non-Profit Housing Association, Noreen Dumphy, directrice des affaires publiques. Bienvenue.

Mme Noreen Dumphy (directrice, Affaires publiques, Ontario Non-Profit Housing Association): Merci.

Je vous présente les excuses de ma collègue, Robin Campbell, qui, malheureusement, en raison de la sécurité accrue à l'aéroport a dû partir pour Thunder Bay plus tôt que prévu.

• 1705

Notre organisation est l'association provinciale qui représente les associations municipales et privées de logement sans but lucratif en Ontario. Nous comptons actuellement parmi nos membres plus de 700 fournisseurs de logements. Ensemble, ils s'occupent de plus de 97 000 unités d'habitation pour les personnes à revenu faible ou moyen.

Je souhaite attirer votre attention sur le mémoire que nous avons présenté au comité durant l'été. Certains événements ont eu lieu depuis, de sorte que je vais me fier davantage aux notes que j'ai fait distribuer aujourd'hui, puis je ferai allusion aux recommandations exprimées dans notre mémoire.

Deux événements significatifs ont eu lieu, de notre point de vue. Le premier, c'est la réunion d'août des ministres fédéral, provinciaux et territoriaux responsables du logement, où le ministre Gagliano a modifié de façon très importante la structure qu'il proposait de donner au programme de subventions d'immobilisations de logements abordables. De ce fait, nous nous sommes réjouis au plus haut point, nous-mêmes et nos collègues partout au pays. Nous avons félicité le ministre à ce moment-là et, par votre entremise, nous souhaitons le féliciter aujourd'hui, car l'intention initiale était plus près de la création d'un programme d'encouragement à la location. Quand il est devenu évident que les logements en question ne seraient pas abordables pour les personnes ayant un revenu faible ou moyen, le ministre a eu la bienveillance de rectifier le tir. Nous l'admettons: cela veut dire qu'un nombre moindre d'unités d'habitation seront construites—cela pendrait plus d'argent pour les subventionner—mais au moins, les logements qui seront construits conviendront aux personnes ayant un revenu faible ou moyen.

Le ministre a apporté une modification très importante, pour laquelle nous lui sommes reconnaissants. Toutefois, depuis, les événements du 11 septembre ont également eu lieu. Cette fin de semaine, tout juste, il y a eu dans le journal des reportages inquiétants selon lesquels le programme de subventions d'immobilisations de 680 millions de dollars prévu sur quatre ans pour la construction de logements abordables figurait parmi les premières victimes d'une évolution possible des priorités gouvernementales en ce qui concerne les dépenses.

Nous avons espoir que ce ne sera pas le cas. Nous souhaitons faire valoir pourquoi cela ne devrait pas se faire, tout de go, puis signaler que nous allons réviser l'une de nos recommandations antérieures en conséquence.

Je ne m'étendrai pas sur le problème de l'itinérance et sur la crise de logements abordables qu'il sous-tend. Je soupçonne que la plupart des membres du comité en sont conscients. L'Ontario n'est pas la seule province qui souffre grandement de ces problèmes, lesquels vont en s'empirant.

Le gouvernement fédéral a mis fin à son programme de financement de nouveaux logements abordables en 1993. Dans notre province, le gouvernement provincial a cessé de financer les logements nouveaux en 1995. Il y a donc eu un intervalle où le secteur privé n'a construit presque aucun immeuble locatif, pendant que les autorités ne construisaient pas du tout de logements sociaux. Voici que nous vivons ce qui nous semble être la huitième année de ce déficit qui s'accumule, pour ainsi dire, l'offre de logements abordables.

Au moins, nous voyons la lumière poindre à l'horizon. Il y a eu la promesse faite dans le livre rouge l'an dernier, suivie de l'annonce du projet pour les sans-abri du gouvernement fédéral en 1999: les autorités fédérales vont investir directement dans l'aménagement de logements abordables. Autant que je sache, grâce à cela, le budget adopté pour ce programme de quatre ans représentait 170 millions de dollars par année, soit 680 millions de dollars au total.

Les événements étant ce qu'ils sont, les négociations provinciales ont ralenti. Aucune somme d'agent nouvelle n'a été dépensée, et je soupçonne que rien ne sera dépensé en l'an 2001. Nous comptions donc sur le fait que quelque chose se mette en branle véritablement en 2002.

Nous invitons donc le comité et, par la voie du comité, le gouvernement à reconnaître qu'en réaffectant cette somme d'argent, si c'est bien là l'intention, pour financer la réponse importante des autorités aux événements du 11 septembre, nous ne faisons que reporter le moment de s'attaquer à ce déficit, qui continuera de s'accumuler d'année en année. Le problème ne disparaît pas, il ne fait que s'amplifier d'une année à l'autre. La misère humaine qui s'est accrue pendant l'intervalle de huit ans dont il est question sera simplement le prélude à une autre année pareille, sinon deux ou trois, sans secours envisageable.

Dans notre rapport original, nous recommandions d'ajouter au budget de 170 millions de dollars la somme fixée par la Fédération canadienne des municipalités à partir des études tout à fait exhaustives qu'elle a réalisées sur les besoins en logements des grands centres urbains du Canada. La Fédération a proposé que, suivant les contributions des provinces, nous avions besoin d'autour de 1 milliard de dollars à 1,5 milliard de dollars annuellement, sur dix ans, pour régler simplement la moitié du problème critique cerné en ce qui concerne le manque de logements.

• 1710

Un milliard à 1,5 milliard de dollars, ou encore 170 millions de dollars? La réponse est évidente. Nous étions reconnaissants de l'argent qui allait être investi—cela devait commencer en 2001; maintenant, c'est peut-être en 2002—, mais nous croyions, et nous croyons toujours aujourd'hui, que le gouvernement doit s'engager à faire augmenter les sommes à investir pour qu'elles s'approchent de l'objectif fixé par la Fédération canadienne des municipalités.

Les besoins en logements ne disparaîtront pas par magie. Le gouvernement peut décider d'agir ou non pour régler le problème, mais les études nouvelles ne vont pas prouver que le besoin n'existe pas ou que ce n'est pas une mesure de cette envergure qui s'impose.

Notre recommandation révisée est la suivante: plutôt que de faire augmenter de façon spectaculaire la somme de 170 million de dollars prévue pour 2002, nous accepterions que cette somme demeure telle quelle pour le budget de 2002. Nous demanderions que l'augmentation commence en 2003. Nous notons que les 170 millions de dollars en question ont été économisés en 2001 en raison des retards touchant la mise en place du programme. Cela aidera peut-être à supporter certaines des pressions budgétaires associées aux événements du 11 septembre.

Pour toucher brièvement au rôle des provinces dans le domaine, nous croyons que les provinces, et l'Ontario dans le cas particulier qui nous occupe, devraient apporter une contribution au programme. Par contre, nous doutons qu'elles le fassent. Nous incitons vivement le gouvernement fédéral à aller de l'avant sans l'Ontario, si besoin est.

Nous tenons simplement à souligner que vous allez trouver des partenaires municipaux et des partenaires communautaires bien prêts à agir. Ils ne sont pas aussi bien nantis que les deux ordres de gouvernement supérieurs, mais ils mettent déjà des sommes d'argent sur la table et font des efforts sous de nombreux autres aspects. Nous sommes prêts à commencer dès que le gouvernement fédéral sera prêt à débloquer des sommes d'argent.

Je ne vais pas dresser à nouveau le bilan des besoins en logements de l'Ontario (je vous prie de voir à ce sujet notre document intitulé «Where is Home? Mise à jour de l'an 2000»—, autrement que pour noter simplement que les besoins augmentent en Ontario. Vous allez peut-être être choqués de constater le nombre et la taille des municipalités qui vivent une crise du logement, et vous verrez que le stéréotype selon lequel il n'y a que les grandes villes qui vivent avec cela n'est guère fondé.

Je vais sauter tout de suite à notre conclusion. Nous croyons que le secteur du logement sans but lucratif a un rôle capital à jouer, aux côtés du secteur privé et de tous les ordres de gouvernement, pour essayer de répondre à ce besoin en logements abordables. Il existe certaines mesures à long terme, particulièrement dans le cadre du régime fiscal, au regard desquelles nous serions heureux de collaborer aux recherches, dans la mesure où il est admis que nous devons agir immédiatement en ce qui concerne le programme de subventions d'immobilisations.

Nos cinq recommandations reprennent trois des recommandations qui se trouvent dans notre rapport initial. La première, qui concerne l'augmentation marquée des sommes d'argent investies annuellement, est modifiée comme suit: nous accepterions que les 170 millions de dollars demeurent tels quels en 2002, en espérant que l'augmentation commence en 2003.

Deuxièmement, nous avons demandé que la SCHL ajuste son programme d'assurance hypothécaire en ce qui concerne le logement locatif. Essentiellement, le programme ne fonctionne pour personne, ni pour le secteur privé ni pour le secteur sans but lucratif, mais les problèmes se révèlent dix fois plus graves dans le secteur sans but lucratif.

Troisièmement, si le gouvernement de l'Ontario n'accepte pas de débloquer des fonds, instaurons le programme dès maintenant. N'attendons pas. Agissez de concert avec vos partenaires municipaux et communautaires.

Quatrièmement, nous entendons que le secteur sans but lucratif offre, dollar pour dollar, une meilleure valeur à long terme pour les sommes consacrées aux subventions d'immobilisations. Les propositions sont telles que, si une entente est conclue avec un intervenant du secteur privé, le loyer des logements visés peut demeurer abordable pendant dix ou quinze ans; pour la même somme investie, le loyer demeure abordable à jamais dans le cas des projets de logement sans but lucratif.

Enfin, nous sommes prêts à collaborer à toute recherche portant sur les modifications fiscales à long terme qui créeraient une approche viable d'aménagement de logements abordables.

Merci.

Le président: Merci beaucoup, madame Dumphy.

Nous accueillons maintenant les représentants de la Commission de formation de Toronto. Il y en a trois: Peter Landry, Mike McCue, et Rebecca Sugarman.

Qui prendra la parole en premier?

M. Peter Landry (directeur des affaires, Commission de la formation de Toronto): Moi. Je m'appelle Peter Landry et je suis directeur des affaires de la Commission de formation de Toronto.

J'aimerais d'abord vous remercier de l'occasion qui m'est offerte de vous adresser la parole au nom de la Commission de formation de Toronto. À titre d'association bénévole sans but lucratif qui regroupe de nombreux intervenants, la Commission de formation de Toronto est, à notre avis, singulièrement bien placée pour apporter une contribution aux consultations budgétaires. La commission se compose de représentants du monde des affaires et du milieu syndical, d'éducateurs et de responsables de la formation, de personnes handicapées, de femmes, de membres de minorités visibles et raciales, et de francophones.

Tous ensemble, nous nous employons à mettre au point une approche consensuelle en vue de régler les problèmes complexes touchant la formation et le marché du travail. La composition unique de la Commission de formation de Toronto nous permet d'avoir une vue d'ensemble qui transcende les intérêts particuliers de chacun et, de ce fait, de traiter des préoccupations d'ordre général.

• 1715

La Commission de formation de Toronto a récemment terminé un rapport consensuel sur la politique fiscale et les autres politiques financières en ce qu'elles touchent la formation. Le rapport en question s'intitule Rebalancing the System: Seven Tactics to Reduce Tax Barriers and Enhance Training in Toronto. Notre rapport a abouti à un constat, disons-le sans détour: les gens qui ont le plus besoin d'une formation sont ceux qui sont le moins susceptibles de l'obtenir. Nous avons constaté que les travailleurs des petites entreprises et les détenteurs d'emploi de col bleu et de petit travailleur de bureau, aussi bien que les chômeurs sont les personnes ayant le moins de possibilité de formation, mais chez qui le besoin de se perfectionner en vue d'obtenir et de conserver un emploi est le plus grand. Nous avons également constaté que les politiques fiscales et financières peuvent aggraver les lacunes au niveau des compétences, plutôt que de les atténuer. Les politiques gouvernementales imposent une sanction fiscale aux travailleurs qui se perfectionnent en vue de conserver un emploi ou resserrent les critères d'admissibilité aux programmes de formation. Les politiques en question limitent gravement les possibilités auxquelles ont accès les chômeurs et les personnes sous-employées en vue de perfectionner leurs compétences, ce qui leur permettrait d'obtenir et de conserver plus facilement un emploi.

En publiant son rapport, la Commission de formation de Toronto invite vivement les trois ordres de gouvernement à modifier les politiques financières et fiscales qui font obstacle à la formation et aux emplois. Nous admettons tout de même que le gouvernement fédéral a contracté un engagement considérable qui consiste à investir dans les compétences et les talents des Canadiens, comme en témoigne le discours du Trône du 30 janvier 2001, dans l'extrait suivant:

    Pour réussir dans l'économie du savoir, le Canada devra compter sur des hommes et des femmes entreprenants et hautement qualifiés [...] d'ici cinq ans, il faudra faire en sorte qu'au Canada au moins un million d'adultes de plus profitent des possibilités d'apprentissage.

Nous sommes heureux de savoir que le gouvernement fédéral a fait des compétences et de l'apprentissage un de ses dossiers prioritaires et nous souhaitons nous-mêmes appuyer les efforts qu'il déploie pour accroître les possibilités de formation de ceux qui en ont le plus besoin.

Nous aimerions attirer votre attention sur quatre des sept recommandations de notre rapport qui s'adressent particulièrement au gouvernement fédéral et qui, si elles étaient mises en oeuvre, à notre avis, favoriseraient un environnement de formation plus fort et plus sain, aideraient le Canada à demeurer un joueur d'importance dans la nouvelle économie et permettraient d'élever la qualité de vie des Canadiens.

La première recommandation, c'est que le gouvernement fédéral n'impose pas les fonds pour frais de scolarité associés aux prestations d'emploi pour le perfectionnement dans le cadre de l'assurance-emploi. À l'heure actuelle, ces fonds sont imposés et s'ajoutent aux revenus nets du bénéficiaire. Cela fait baisser le montant de leurs prestations de garde d'enfants et du remboursement de la TPS, et cela les expose à la récupération d'une partie des prestations d'assurance-emploi. À l'inverse, les frais de scolarité assumés par l'employeur dans le cadre d'une formation professionnelle ne sont pas des avantages imposables pour les employés. Cela ne modifie pas leurs prestations de garde d'enfants. C'est un exemple. De même, les employeurs peuvent déduire les coûts de scolarité dans les dépenses courantes.

La deuxième recommandation, c'est que le gouvernement fédéral exempte de la règle des 90 jours appliquée à un régime d'encouragement à l'éducation permanente les cotisations aux régimes enregistrés d'épargne-retraite tirées des indemnités de cessation d'emploi ou primes de départ. À l'heure actuelle, les travailleurs mis à pied qui investissent l'argent tiré de leur indemnité de cessation d'emploi dans leur REÉR n'ont pas le droit de se servir de cet argent en application du régime d'encouragement à l'éducation permanente avant 90 jours. C'est justement pendant cette période de trois mois que le perfectionnement serait le plus utile pour les travailleurs mis à pied.

La troisième recommandation, c'est que le gouvernement fédéral n'impose pas les travailleurs dans le cas du perfectionnement non récréatif dont les frais sont assumés par l'employeur À l'heure actuelle, les études et la formation financées par l'employeur, mais qui ne sont pas directement liées à l'emploi actuel de la personne sont imposées. Néanmoins, les travailleurs de tout niveau ont besoin de se perfectionner pour demeurer employables.

La quatrième recommandation, c'est que le gouvernement fédéral accorde des crédits d'impôt aux petites entreprises pour les coûts de formation. En ce moment, les employés des petites entreprises reçoivent une formation parrainée par l'employeur beaucoup moins souvent que ceux qui évoluent au sein des grandes organisations. Les petites entreprises peuvent déduire la formation à titre de dépense, mais cette déduction n'est pas suffisante pour les inciter à fournir des occasions de formation.

Voilà nos quatre recommandations. Nous tenons à remercier le comité de l'occasion qui nous est offerte de présenter les constatations de notre rapport, qui représentent le consensus auquel sont arrivés le monde des affaires, le milieu syndical et d'autres intervenants du domaine de la formation au sein de la Commission de formation de Toronto. Les recommandations visent à combler les lacunes au niveau des compétences et à accroître la qualité de vie des Canadiens. Tout comme Mike et Rebecca, je serai heureux de répondre à vos questions.

Le président: Merci beaucoup, monsieur Landry.

Nous allons maintenant écouter M. Gordon Chong de la Greater Toronto Services Board. Bienvenue.

M. Gordon Chong (président, Greater Toronto Services Board): Merci beaucoup, monsieur le président.

Malgré ce qu'a pu annoncer récemment le gouvernement provincial en ce qui concerne la dissolution du Greater Toronto Services Board, j'estime que les questions que nous allons soulever aujourd'hui sont des questions qu'il faut régler.

Monsieur le président, messieurs, mesdames, membres du comité, au nom des cinq millions d'habitants de la Région du Grand Toronto, je vous invite vivement à investir directement dans l'infrastructure de transport du Grand Toronto, car ce sera la méthode la plus sûre de soutenir la qualité de vie de tous les habitants du Grand Toronto et de tous les Ontariens.

• 1720

Je vous invite à prendre conscience des avantages importants que le gouvernement fédéral lui-même retire d'une RGT prospère. Je vous demande d'investir dans votre propre bien-être futur. Je vous demande de vous joindre à nous, et à la province, dans le cadre d'un partenariat où chaque ordre de gouvernement effectue des investissements appropriés afin d'assurer que cette grande ville- région continue de profiter à tous les Canadiens.

L'économie de la RGT génère environ 188 milliards de dollars annuellement, ce qui représente environ 18 p. 100 du produit intérieur brut du Canada et approximativement 45 p. 100 du produit intérieur brut de l'Ontario. Mais l'économie fléchit, et la congestion constante de la circulation en est responsable pour une bonne part, et nous perdons notre avantage concurrentiel dans l'économie mondiale. Il est devenu évident que les 30 municipalités membres de la RGT ne peuvent relever tous les défis qui se présentent sans obtenir une participation financière accrue de la part des ordres de gouvernement supérieurs. Notre seule source de revenu importante est l'impôt foncier, qui est limité et ne peut être augmenté sans que l'on mette en péril la stabilité sociale et notre degré de compétitivité global. De ce fait, nous n'aurons jamais la capacité financière voulue pour régler les problèmes qui dépriment notre économie.

Plus particulièrement, la GTSB vous invite vivement à affecter 50 p. 100 de la taxe sur l'essence perçue auprès des automobilistes de la RGT exclusivement aux investissements de capitaux dans les transports, notamment dans le transport en commun, dans la RGT. J'ai adressé la même demande au gouvernement provincial. Selon un calcul rapide, l'an dernier, les taxes sur l'essence ont généré des recettes de 1,7 milliard de dollars aux niveaux fédéral et provincial. Le réinvestissement de la moitié de ces fonds dans la RGT, soit 863 millions de dollars, dans le secteur du transport, suffirait à combler le manque à gagner au chapitre des immobilisations annuelles nécessaires, soit 800 millions de dollars. De cette manière, on résout le problème du financement des transports dans la RGT en assurant une source de recettes suffisantes à long terme, les gouvernements fédéral et provincial continuent de toucher la moitié de la taxe sur l'essence versée dans la RGT, qu'ils peuvent dépenser ailleurs ou consacrer à d'autres programmes, et les taxes sur les transports prélevées localement seraient dépensées au niveau local et utilisées dans le secteur des transports.

La TTC a besoin de 3,8 milliards de dollars au cours des dix prochaines années pour remplacer et réparer les infrastructures et les trains vieillissants, seulement pour maintenir les niveaux de services actuels. Chez GO Transit, on signale qu'il faudra dépenser environ 1,8 milliard de dollars pour maintenir le réseau actuel et répondre à l'augmentation prévue de la demande.

Les villes-régions comme la RGT sont les nouveaux centres générateurs de la richesse dans l'économie mondiale. Toutefois, la RGT ne se trouve plus aux premiers rangs, même dans le contexte nord-américain, et elle fait face à une concurrence sans précédent de la part des villes-régions américaines voisines qui se préparent à l'avenir grâce à des investissements financiers importants de leur gouvernement fédéral. Pour que tous les Canadiens continuent de profiter d'une grande qualité de vie et d'un niveau de vie élevé, et pour que les citoyens canadiens et les entreprises canadiennes prospères excellent, il est essentiel que le gouvernement fédéral accorde son attention et ses ressources à des mesures qui permettront de renforcer les villes-régions du Canada.

Il semble que les États-Unis—notre principal partenaire commercial et notre principal concurrent—ont reconnu à quel point il importe de réussir dans la nouvelle économie en renforçant leurs villes-régions qui créent de la richesse. Comme vous le savez probablement, le gouvernement fédéral américain investit cette année 6 milliards de dollars pour améliorer le transport en commun et encore 1,7 milliard de dollars l'an prochain pour réduire la congestion et améliorer la qualité de l'air dans ses principaux centres urbains.

Un sondage effectué récemment dans dix villes-régions des États-Unis avec lesquelles nous sommes en concurrence a révélé que, au cours des dix dernières années, ces villes ont dépensé, en moyenne, cinq fois plus d'argent dans leur centre-ville et leurs secteurs riverains que nous l'avons fait ici. Récemment, le comité chargé d'examiner la loi canadienne sur les transports en a conclu que: «le gouvernement fédéral a un intérêt réel dans le bien-être économique et le fonctionnement des moteurs de croissance urbains du Canada.» Le Canada demeure le seul pays membre du G-7 qui ne possède pas de programme d'investissement national dans le transport urbain.

Une réalité inévitable de la nouvelle économie mondiale est que les ressources humaines et financières convergent vers les endroits qui offrent des avantages et évitent ceux qui posent des problèmes. Les villes-régions qui sont dotées de routes et de services de transport en commun efficaces, où le transport des biens est économique et qui offrent un environnement sain seront certainement plus attrayantes pour les entreprises internationales et leurs employés que les villes-régions prisonnières des embouteillages. Le Greater Toronto Services Board invite le gouvernement fédéral à faire montre de leadership et à prendre les mesures nécessaires pour faire en sorte que la Région du Grand Toronto redevienne très concurrentielle et connaisse à nouveau la réussite économique pour le bien de tous.

• 1725

En guise de conclusion, je dirais que chaque fois que nous engageons des discussions au sujet du rôle du gouvernement fédéral dans les régions urbaines, la réponse est toujours la même: c'est un champ de compétences provincial dans lequel le gouvernement fédéral ne souhaite pas s'immiscer pour des raisons constitutionnelles. La plupart des contribuables et la plupart des résidents sont probablement un peu las d'entendre cette réponse. Il appartient aux deux ordres de gouvernement supérieur de trouver un arrangement institutionnel, pour que le gouvernement fédéral puisse se remettre à traiter des dossiers urbains. La Constitution a été formulée à une époque où la plupart des habitants du pays vivaient dans une région rurale. En 2001, 80 p. 100 de la population se trouvent en milieu urbain. Il appartient aux administrations fédérale et provinciales de reconnaître ce fait et d'entrer à nouveau dans le jeu.

Merci de votre attention.

Le président: Merci beaucoup, monsieur Chong.

Passons maintenant à la séance de questions. Chaque député dispose de cinq minutes. Nous allons commencer par M. Kenney, puis il y aura M. Nystrom et ensuite M. Cullen et Mme Bennett.

M. Jason Kenney: Merci beaucoup, monsieur le président.

Je remercie tous les témoins d'avoir pris le temps de venir nous voir tout comme d'avoir préparé leur exposé. Nous apprécions cela.

Ma première question s'adresse à l'Association canadienne des constructeurs de véhicules. Au début de votre exposé, monsieur Nantais, vous avez donné un aperçu des questions qui touchent l'importation et l'exportation de part et d'autre de la frontière américaine depuis le 11 septembre. Pourriez-vous commenter les propositions qui circulent concernant une forme d'union douanière avec les États-Unis—un périmètre nord-américain qui, tout au moins sur le plan théorique, réduirait la nécessité de procéder à des inspections frontalières. Dans le cas de biens exportés ou importés, croyez-vous qu'il s'agit là d'une idée viable ou réaliste? Faut-il en envisager l'adoption? Est-ce une question prioritaire pour votre industrie?

M. Mark Nantais: Avant de céder la parole à mes collègues, je commencerai simplement par dire que c'est là une question tout à fait prioritaire pour nous. Comme l'industrie automobile est fortement intégrée, le mouvement des marchandises de part et d'autre de la frontière est pour nous une question absolument capitale. Nous devons régler les questions à court terme auxquelles nous faisons face, mais il existe des questions plus vastes, à plus long terme, qu'il faudra également régler. Avant même le 11 septembre, la congestion de la circulation à la frontière était un problème qui allait en s'aggravant. Or, nous travaillons à des propositions très précises pour essayer de régler ce problème; nous en avons d'ailleurs touché un mot aujourd'hui. Par contre, permettez-moi de le dire sans équivoque: c'est un gros problème pour nous.

J'invite maintenant Tayce ou Mike à formuler leurs observations.

Mme Tayce Wakefield (vice-présidente, Affaires générales et environnementales, General Motors du Canada; Association canadienne des constructeurs de véhicules): Nous ne sommes pas des experts en sécurité nationale ou en immigration. Nous avons tout de même une expertise pour ce qui touche les passages routiers. C'est pourquoi nous croyons devoir appliquer une approche fondée sur les risques. Cela permet de canaliser les ressources vers les genres d'activités qui présentent un risque élevé et qui, par conséquent, méritent beaucoup d'attention.

Il y a beaucoup de commerce transfrontalier entre le Canada et les États-Unis—des pièces d'auto, mais également des aliments et toutes sortes de marchandises encore. Ce sont des produits à très forte valeur ajoutée qui sont importants pour l'économie des deux pays et qui présentent un risque très faible. Ce qui nous faut, ce sont des stratégies qui facilitent le traitement accéléré des marchandises à risque faible d'une manière appropriée, mais qui permettent de concentrer les ressources sur les activités où le risque est plus élevé. C'est la raison d'être des recommandations que nous formulons.

M. Jason Kenney: Comment définissez-vous ces activités où le risque est élevé?

Pendant que vous répondez à cette question, je dois vous dire que les représentants de l'Association canadienne du camionnage qui, évidemment, regroupe les gens qui transportent la majeure partie des pièces de l'industrie de la fabrication automobile de part et d'autre de la frontière, m'ont fait savoir que le régime du PAD ne fait pas du tout leur bonheur. Selon eux, il ne fonctionne pas. Il y a encore des retards tout à fait inutiles à la frontière, pour l'importation et l'exportation des biens qu'ils transportent par camion. Ils ne semblent pas se faire la même idée du PAD ou de son efficacité. Qu'en pensez-vous?

Mme Tayce Wakefield: Nous dirions que le PAD, c'est l'idée qu'il faut. Le régime connaît des problèmes de croissance. Il existe certainement des questions qu'il faut régler. Nous avons collaboré très étroitement avec l'ADRC pour essayer de les régler. Ce n'est pas parfait, mais c'est l'idée qu'il faut. Cela n'a pas à être le même processus tout à fait, mais une certaine coordination de part et d'autre de la frontière et l'application des principes clés du PAD nous paraissent être une bonne idée.

M. Mark Nantais: Je crois qu'il faut se rappeler que les programmes d'autocotisation des douanes dont j'ai parlé dans mon exposé semblent s'être écartés un peu de leur intention initiale. Cela est devenu plus complexe que nous l'avions prévu. Cela se traduit par des coûts supplémentaires. Nous avons maintenant l'occasion de rajuster le tir et d'essayer de corriger toutes ces choses.

• 1730

Mme Tayce Wakefield: Souvenez-vous: le PAD n'est pas encore pleinement en place. On est encore à le mettre au point. Il y a donc encore tous ces problèmes qu'on travaille à régler.

M. Jason Kenney: Monsieur le président, ma dernière question s'adresse à quiconque parmi les témoins voudrait y répondre, mais en particulier, à l'exception... Les fabricants d'automobile ont demandé que l'on élimine l'impôt sur le capital. Je suis d'accord pour dire qu'il s'agit d'une mesure importante du point de vue de la compétitivité, mais tout le monde est venu ici demander au comité que l'État adopte des mesures financières supplémentaires, qu'il s'agisse d'accroître les dépenses visant le logement social, le transport en commun, l'infrastructure routière, le rail lourd, etc. ou encore d'en accélérer le versement.

Bien sûr, vous n'êtes pas sans savoir, j'en suis sûr, que nous vivons une situation financière très délicate depuis les événements du 11 septembre et qu'il est très probable que nous connaissions une récession, une diminution des recettes, une augmentation des dépenses sociales et—impératif sans équivoque—une augmentation des dépenses en ce qui concerne la sécurité nationale, le SCRS, la défense, la GRC et ainsi de suite. Les ressources étant rares, le ministre des Finances aura évidemment beaucoup de difficultés à composer avec tout cela. Tenir compte de l'impact financier de la récession, assumer les nouvelles dépenses pour la sécurité et s'organiser pour que le Trésor fédéral ne connaisse pas de déficit: cela va exiger une certaine retenue en ce qui concerne les dépenses qui n'ont pas trait à la sécurité.

Je me demande si quelqu'un aurait la bonté de nous donner, à nous les décideurs, une idée générale de la façon d'envisager les nombreuses exigences qui existent. Sur quoi devrions-nous nous fonder pour évaluer les questions absolument urgentes qui se présentent au moment d'une récession et d'une crise pour la sécurité nationale?

M. David Miller: Je suis heureux de tenter ma chance. La fortune sourit aux audacieux.

Évidemment, le gouvernement fédéral doit faire face à certaines difficultés financières, mais je dois dire, du point de vue d'un responsable municipal, que le maintien de notre investissement dans nos villes et dans le pays en général revêt une importance capitale.

Par exemple, si nous regardons le cas de la Toronto Transit Commission—celui d'autres commissions du genre ailleurs au Canada s'y apparenterait—, nous constatons que le réseau transporte près de 400 millions de personnes par année. C'est un nombre effarant. Et oui, la sécurité nationale est très importante, mais la sécurité quotidienne de ces gens importe aussi. Aujourd'hui, par exemple, il y a eu un incendie dans une voûte sous l'hôtel Royal York. Si on n'investit pas dans ce genre de chose et qu'on ne maintient pas l'infrastructure, il faut construire de nouveaux éléments d'infrastructure—dans notre cas, ce sont des autobus et d'autres véhicules qu'il faut—, cela a une incidence directe sur la sécurité des gens d'une façon bien plus réelle et immédiate que la situation que l'on connaît mondialement.

En plus, je serais d'avis que, pour préserver l'économie durant une récession américaine, il faudrait investir et produire des emplois. Il existe des emplois importants dans la construction d'autobus et de voitures, qui sont améliorés lorsqu'on investit directement dans l'infrastructure. Nous croyons que cela devrait être un dossier prioritaire pour le gouvernement fédéral, au fil des décisions qui sont prises.

Le président: Merci.

Monsieur Chong.

M. Gordon Chong: À bien des égards, c'est une question injuste, puisque nous n'avons pas accès à tous les renseignements dont vous disposez, évidemment. Mais pour revenir à ce que disait David, je proposerais...

Pardon, Carolyn.

Mme Carolyn Bennett (St. Paul's, Lib.): Je crois que c'est dans le National Post qu'il trouve ses renseignements privilégiés.

M. Gordon Chong: Je ne présumerais pas. Il est plus probable que vous ayez une meilleure information ou un meilleur accès à l'information.

Mme Carolyn Bennett: Je sais que le président a réagi au mot «récession».

M. Gordon Chong: Mais, pour généraliser, je dirais que, pour essayer de déterminer les priorités, probablement, il y a des dépenses qui serviraient à améliorer ou à préserver la qualité de la vie en milieu urbain... Évidemment, vous devez établir vos priorités et attribuer les fonds. Et si cela va à l'infrastructure pour le transport en commun ou les routes ou le logement, sans aucun doute, il y a là un rôle à jouer. Sans avoir accès à l'information précise dont vous allez disposer, tout ce que nous pouvons faire, c'est de donner une réponse générale. Nous reconnaissons très bien que les événements du 11 septembre ont eu une incidence sur les moyens dont vous disposez. Mais nous sommes là pour demander des fonds. C'est notre travail. Il ne serait pas réaliste de s'attendre à ce que nous ne demandions pas d'argent.

• 1735

Des voix: Oh, oh.

M. Gordon Chong: Nous admettons également que le secteur privé a un rôle à jouer. Mais je m'empresse d'insister sur un fait: le seul cas où nous voulons voir intervenir le secteur privé est celui où l'intérêt du secteur public est protégé, et là où l'intérêt du secteur public et l'intérêt du secteur privé se croisent ou convergent, il y a un rôle pour le secteur privé. Je crois qu'il n'y a aucun d'entre nous, parmi les élus municipaux, qui serait d'accord avec un investissement dans le secteur privé si le secteur public se fait baiser.

Le président: Monsieur Landry.

M. Peter Landry: Du point de vue des ressources humaines, c'est comme l'infrastructure publique. Je ne vois pas comment le Canada, en présumant que nous allons connaître une récession—je ne sais pas quel terme vous voulez employer—, et j'espère que nous n'en arriverons pas là... Mais la leçon que j'ai tirée de la dernière récession, c'est que les gens qui se perfectionnent et ainsi de suite sont ceux qui, d'une manière ou d'une autre, étaient le plus susceptibles de préserver leur emploi. Ce sont les gens qui retardent encore et toujours la mise à niveau de leurs compétences qui se retrouvent dans le pétrin.

L'autre élément à faire valoir, pour ce qui est de nos recommandations, concerne un dossier que nous avons étudié: comment inciter les petites et moyennes entreprises à investir elles-mêmes dans la formation. Il ne s'agit donc pas seulement de rechercher un crédit d'impôt de la part de l'État, mais aussi de se servir de cela pour accroître la formation dans le secteur privé, et nous savons que certains secteurs en font plus que d'autres.

Le président: Merci, monsieur Landry.

Monsieur Nystrom.

M. Lorne Nystrom: Je tiens à souhaiter la bienvenue à tous, cet après-midi, et j'aimerais poser quelques questions à David Miller, si cela est possible.

Votre mémoire m'a vraiment frappé. Il y a deux semaines, monsieur Miller, j'ai été invité à prononcer une conférence à Peterborough; je me suis rendu à l'aéroport Pearson et j'avais 150 kilomètres à faire et j'ai cru que cela me prendrait une heure et demie. Cela m'a pris quatre heures à cause de la congestion de la circulation sur la 401. En observant toute la pollution que produisaient les camions et les voitures et tout le reste, je me suis demandé pourquoi nous n'investissons pas davantage dans le transport en commun.

Nous avons connu au Canada une importante évolution démographique; le pays s'est urbanisé depuis 20 ou 30 ans. Pour ce qui est de régler certains des problèmes liés au transport en commun dont vous avez parlé aujourd'hui, quelle serait la meilleure voie? Faut-il agir de manière ponctuelle, en réglant le cas des villes les uns après le autres? Faut-il plutôt un transfert permanent, peut-être sous forme de points d'impôt? Faut-il fractionner la taxe sur l'essence? S'agit-il d'une modification constitutionnelle—est-ce que j'ose parler de cela?—qui donnerait aux municipalités et aux centres urbains en particulier un pouvoir plus grand pour répondre aux besoins de leurs gens, leur assiette fiscale étant si limitée?

Quelle vision conviendrait à notre pays pour ce qui est de reconnaître la réalité des villes, qui deviennent de plus en plus grandes, et des gens qui tiennent à en avoir plus à dire sur leur environnement local, sur le plan économique, dans leur quartier et sur le plan social et ainsi de suite?

M. David Miller: Je crois qu'il s'agit là d'une excellente question; de fait, elle fait ressortir les points que j'ai fait valoir au sujet du transport en commun et ceux que j'ai défendus à propos du logement, et les points de M. Chong—c'est la même chose, soit la relation entre le gouvernement fédéral et les municipalités et la vision que se donne le gouvernement fédéral du pays pour ce qui touche les grands centres urbains.

Dans le cas de Toronto, et je suis sûr que c'est semblable ailleurs, 95 p. 100 de ce que versent les résidents de Toronto au fisc vont aux gouvernements fédéral et provincial. Bien sûr, il y en a une partie qui revient sous forme de programmes dont nous bénéficions tous, par exemple, l'assurance-maladie, mais 5 p. 100 seulement sont versés directement à la municipalité, de sorte qu'il est extrêmement difficile pour la municipalité, dans notre cas—et c'est vrai partout au pays—de faire les investissements nécessaires pour soutenir la qualité de vie qui s'impose en vue d'avoir une économie prospère aussi bien qu'une société équitable.

Je crois qu'une chose doit arriver en tout premier lieu: le gouvernement doit se donner un programme d'action urbain. Il doit comprendre l'importance des villes. S'agira-t-il d'un ministère des Affaires urbaines ou d'autre chose, je n'en sais rien, mais j'espère que le groupe de travail Sgro présentera son rapport bientôt et que le Parlement fédéral prendra la question au sérieux et créera un mécanisme permanent pour régir les relations entre le gouvernement fédéral et les municipalités.

En deuxième lieu, et vous avez évoqué cela en parlant d'une modification constitutionnelle au moment de poser votre question, les municipalités doivent être prises au sérieux. On exerce vraiment une sorte de tutelle sur nous. Je ne veux pas manquer de respect aux gens qui se trouvent autour de la table, puisque vous êtes tous très serviables quand nous vous parlons, à chacun, individuellement, mais nous sommes l'objet d'une sorte de tutelle, comme les organisations non gouvernementales.

Dans le cas de l'Ontario, il existe plusieurs programmes dysfonctionnels que le gouvernement fédéral a essayé de mettre en branle, qui ont été cédés à la province. Il n'y a pas eu de discussion avec les représentants des grandes villes—Ottawa, Toronto et Hamilton—et cela ne fonctionne pas, en ce moment. Le dossier du logement en est un exemple; cela ne fonctionne pas, parce que nous ne sommes pas présents à la table.

L'immigration est un autre exemple. Plus que toute autre ville, Toronto reçoit un grand nombre d'immigrants au Canada, mais nous ne sommes pas présents à la table au moment où les décisions se prennent. Nous devrions l'être. Voilà la deuxième chose.

• 1740

La troisième chose, c'est qu'il faut un mécanisme permanent pour financer le transport en commun. Nous parlons toujours de la taxe sur l'essence, puisque c'est la mesure qui paraît logique dans le contexte. Les gens comprennent le lien entre les automobiles et le transport en commun, et c'est un lien qui est facile à faire. Les administrations fédérales et provinciales résistent beaucoup aux taxes spéciales. Je crois que le moment est venu d'étudier cette solution à nouveau. C'est le mécanisme dont nous parlons le plus. Il y en a peut-être d'autres, y compris les points d'impôt, mais voilà une solution qui est simple.

Souvent, quand il sait quoi à sert son argent, le public ne s'oppose pas aux taxes. S'il savait que, lorsqu'il paie 70 cents le litre au Petro Canada, angle Bloor et Keele, 5 cents sont versés à la TTC pour qu'il puisse conduire sur des routes mieux entretenues, il accepterait nettement mieux la taxe en question. Si le gouvernement pouvait aller de l'avant plus rapidement en ce sens, je crois que cela serait énormément apprécié partout au pays.

M. Lorne Nystrom: Je me demande: est-ce qu'il nous faut un ministère fédéral de... Allez-y.

M. Mark Nantais: Je souhaite commenter cela aussi, monsieur le président.

Pour ce qui touche le transport en commun et la nécessité pour le gouvernement de le soutenir, je dirais qu'à tous les ordres—fédéral et provincial—, cela a clairement sa place. Nous avons toujours affirmé qu'il est bon d'utiliser l'automobile avec retenue, mais les gens devraient pouvoir aussi choisir le transport en commun, là où c'est abordable et commode pour eux.

Souvent, dans les grands centres urbains comme Toronto, nous entendons les gens parler des avantages du transport en commun du point de vue environnemental; de fait, cela existe. Par aileurs, nos véhicules ont fait l'objet d'améliorations indéniables sur le plan environnemental. Par exemple, dans les véhicules que vous pouvez acheter aujourd'hui, nous avons réussi à réduire le taux d'émission de 99 p. 100, par rapport à la période préalable aux contrôles. Malheureusement, vous n'obtenez pas l'avantage maximal du véhicule que vous achetez, car les essences appropriées ne sont pas offertes. Nous payons donc pour cela, vous et moi, mais nous n'obtenons pas le maximum d'avantages environnementaux ou de bienfaits pour la santé.

Sans nul doute, il existe d'autres mesures que l'on peut adopter. Si on parle de bienfaits pour l'environnement et la santé, il s'agit de trouver les essences qui conviennent aux véhicules, dès aujourd'hui. Voilà une mesure que le comité pourrait envisager: un rabais sur la taxe d'accise qui favoriserait l'utilisation d'un combustible propre. Nous l'avons fait au début des années 80 dans le cas de l'essence avec plomb, et il existe, à l'étranger, plusieurs exemples de projets qui ont produit ainsi des résultats très importants.

Permettez-moi de vous préciser un fait, soit dit en passant. Si toutes les voitures du Canada avaient accès à un combustible à basse teneur en soufre, par exemple, ce serait comme si on retirait deux millions de véhicules de nos routes, du point de vue de la réduction des émissions à l'origine du smog. Pour le seul cas de l'Ontario, ce serait comme si on éliminait 860 000 véhicules.

M. Lorne Nystrom: Je me demande, monsieur Miller, s'il n'existe pas ailleurs dans le monde des modèles de pouvoirs transférés à des villes—je songe à l'Europe ou à l'Australie, à la Nouvelle-Zélande—qui pourraient se révéler intéressants. Vous avez formulé des observations ici et établi des comparaisons à propos du financement du transport en commun aux États-Unis, par rapport à Toronto. Avez-vous d'autres exemples de financement du transport en commun qui, encore une fois, pourraient être utiles au Canada? Je suis conscient du fait que nous devons concevoir une politique proprement canadienne parce que nous avons une fédération unique et un grand pays et ainsi de suite, mais parfois, l'expérience d'autrui peut aussi nous éclairer.

M. David Miller: Je crois qu'il existe des modèles à ce chapitre, et il y a certes eu en Europe un investissement direct important des gouvernements fédéraux dans le transport en commun; ceux-ci ont pris conscience du fait qu'il est dans l'intérêt national de le faire, pour que leurs villes aient une économie saine et prospère. Il y a peut-être encore au Canada même des modèles que nous pouvons étudier, peut-être dans d'autres dossiers.

À Winnipeg, il y a quelques années, la ville, la province et le gouvernement fédéral ont conclu une excellente entente. La différence, c'est que la municipalité a été traitée comme un partenaire et non seulement comme une filiale de la province. Elle avait droit de veto tout autant que le gouvernement fédéral et la province. Je crois que c'est là le modèle que le gouvernement fédéral devrait chercher à adopter au Canada, parce que cela fonctionne, étant donné la fédération décentralisée qui est la nôtre. C'est le modèle qui a été appliqué au projet de Winnipeg-Centre. C'est un modèle qui pourrait s'appliquer à d'autres dossiers, s'il y avait un ministère qui met à exécution un programme d'action national pour les villes.

Le président: Avez-vous une autre question? Vous vouliez poser une question sur un ministère.

M. Lorne Nystrom: Oui, je crois que j'y ai fait allusion. Avons-nous besoin d'un ministère fédéral des Affaires urbaines? Je me souviens qu'il y a longtemps, au Parlement, l'expert de Toronto, le député libéral, Phil Givens, parlait de cela. Je crois qu'il était ministre d'État aux Affaires urbaines à un moment donné, si je ne m'abuse. Mais est-ce qu'il nous faut un ministère en bonne et due forme? Est-ce que cela aiderait à canaliser l'énergie sur les centres urbains?

M. David Miller: Je ne saurais dire s'il faut un ministère ou un ministère d'État, ni comment le Parlement fédéral agit dans une telle affaire. Mais il faut que quelqu'un au Cabinet fasse valoir les affaires urbaines. Il est remarquable de constater le nombre de questions qui—j'ai une liste ici tirée d'un discours que je donnerai ailleurs, pendant la semaine—ont une incidence sur les municipalités, mais auxquelles on ne pense pas.

Par exemple, les événements en Afghanistan ont eu une incidence sur les sommes qu'engage Toronto pour les services policiers et le transport en commun, étant donné les manifestations et ainsi de suite. Quand le gouvernement provincial restructure les hôpitaux, notre capacité d'offrir un service ambulancier efficace est grandement modifiée. C'est pourquoi un ministre, quelqu'un au Cabinet qui a sous sa direction les fonctionnaires voulus, est essentiel, car il faut quelqu'un pour défendre ces questions et il le faut quand on voit qu'un autre dossier, par exemple, celui de la santé, a une incidence sur les villes.

• 1745

Le président: Monsieur Cullen.

M. Roy Cullen: Merci, monsieur le président. Merci aux témoins.

Monsieur Miller, monsieur Chong, la nécessité d'investir dans le transport en commun semble faire l'objet d'un consensus et, du point de vue du gouvernement fédéral, monsieur Miller, vous avez parlé de l'amélioration en ce qui concerne les gaz à effet de serre, la purification de l'air. Tout de même, il y a déjà en place un mécanisme: c'est le programme d'infrastructure Canada-Ontario. Monsieur Miller, vous avez parlé des 230 millions de dollars qu'il faudra au cours des 12 prochains mois pour l'achat de véhicules. Eh bien, vous divisez cela en trois, et je crois que l'entente conclue prévoit sans aucun doute des fonds suffisants. Pourquoi le programme d'infrastructure Canada-Ontario ne marche-t-il pas?

M. David Miller: Il y a deux choses qui ne marchent pas, pour ce qui est de la forme sous laquelle le programme se présente en ce moment. D'abord, merci d'avoir posé la question. Le programme d'infrastructure s'est révélé fructueux, à Toronto, par le passé. Le groupe de travail Sgro a consulté les représentants du Centre national du commerce, véritable partenariat entre le gouvernement fédéral et le gouvernement provincial d'alors, soit le précédent.

Quant aux deux problèmes, du point de vue du transport en commun, nous avons besoin d'un financement stable. Le programme d'infrastructure s'articule autour de projets ponctuels. Cela pourrait donc servir, par exemple, à aménager une nouvelle ligne de tramways, mais c'est inutile pour répondre à des besoins permanents comme l'achat d'autobus. Cela ne fonctionne tout simplement pas, puisqu'il nous faut prévoir 10 ans d'avance ce que nous allons faire et qui sait si le programme d'infrastructure y sera encore à ce moment-là?

Deuxièmement, dans la province de l'Ontario, malheureusement, de la façon dont on administre le programme d'infrastructure, Toronto ne peut demander de fonds. Il y a un problème imposé par la province de l'Ontario, mais, malheureusement, dans l'entente que vous avez négociée avec ses représentants, de la manière dont c'est administré, nous n'avons pas droit aux fonds. Nous ne pouvons même nous procurer les formulaires de demande—nous avons demandé, mais on nous a dit que nous ne pouvions les avoir, ce qui est absurde. Pour le prochain volet des programmes d'infrastructure, je crois que vous devriez revenir au modèle qui s'appliquait à l'époque de l'administration Rae en Ontario, qui permettait aux municipalités de choisir les projets et de bénéficier de fonds attribués par habitant.

M. Roy Cullen: De fait, je ne sais pas très bien si notre ministre des Transports serait d'accord pour dire que le programme d'infrastructure impose cette contrainte. Mais la Ville de Toronto ne peut présenter de demande? Cela n'a pas de sens.

M. David Miller: Cela n'a pas de sens, mais c'est un fait. Je suis sûr que ce n'est pas la raison pour laquelle votre comité s'est réuni, mais cela demeure un problème bien réel—je vois votre collègue, Carolyn Bennett, qui hoche la tête en signe d'assentiment—auquel nous faisons face aujourd'hui en raison de l'entente qui a été négociée avec la province de l'Ontario, qui lui permet de financer tous les projets d'infrastructure en passant par la superbill corporation avec les critères établis. Nous avons présenté une demande en vue de faire construire un centre communautaire, mais c'est tout ce que l'on nous a permis de faire.

M. Roy Cullen: Je ne veux pas trop enfoncer le clou, mais je sais que lorsque la province de l'Ontario a annoncé qu'elle allait investir dans le transport en commun, M. Collenette et moi-même nous sommes entretenus longtemps avec ses représentants, essentiellement pour signaler que l'entente en question représentait probablement un bon moyen d'y arriver.

Je passe maintenant à la question du logement en Ontario. Madame Dumphy, dans votre mémoire, vous avez parlé des 170 millions de dollars—et l'idée de réduire le nombre d'unités à titre d'encouragement est un mesure que plusieurs d'entre nous avons envisagée dès le départ, mais, tout de même, voilà où nous en sommes. La province de l'Ontario a-t-elle indiqué qu'elle participerait au projet dans cette optique? Qu'en est-il?

Mme Noreen Dumphy: Au moment même où nous nous parlons, les autorités fédérales et provinciales négocient des ententes dans chacune des provinces et, en théorie, tout doit se décider à la prochaine réunion des ministres, qui se déroulera peut-être fin novembre ou début décembre. Tout se fait donc derrière des portes closes. Ce que nous savons, tout de même, c'est que le gouvernement ontarien hésite à engager des fonds importants dans l'affaire, qu'il espère que les autorités fédérales vont signer une entente qui permettra à l'Ontario d'avoir le crédit pour ce qui est de l'argent consacré à d'autres dossiers, mais pas ces nouvelles unités d'habitation que nous essayons de faire construire. Ce dossier nous rend donc un peu nerveux. De fait, nous croyons que le gouvernement provincial en place n'engagera pas de sommes conséquentes pour faire construire des unités d'habitation abordables, et nous aimerions que les négociations échouent, car nous croyons que les choses vont trop vite. Nous préférerions que le gouvernement fédéral travaille de concert avec les municipalités qui proposent des terrains et des fonds.

M. Roy Cullen: Merci.

Ce n'est pas la première fois que j'entends parler d'un parti- pris de la SCHL contre les immeubles locatifs, en faveur des condominiums plutôt que du logement locatif. Avez-vous un autre mémoire qui donnerait des précisions là-dessus? Je crois que c'est un problème.

• 1750

Mme Noreen Dumphy: Vous trouverez des renseignements là-dessus dans notre premier mémoire et vous pourrez probablement vous informer auprès de certaines des organisations nationales du domaine du logement dont nous faisons également partie. Pour abréger, disons que le programme de la SCHL pour l'assurance-hypothèque sur les immeubles locatifs à logements multiples comporte des primes très élevées, et que la SCHL a une façon d'évaluer le risque et la valeur qui fait que le promoteur moyen, qu'il s'agisse d'intérêts privés ou sans but lucratif, doit assumer une mise de fonds de 40 p. 100 ou 50 p. 100. Autrement dit, si cela vous coûte 10 millions de dollars pour un projet immobilier de taille, l'hypothèque représentera peut-être 5 millions de dollars. Si vous l'obtenez—et bien des gens essuieraient un refus—, vous allez verser un intérêt de 5,5 p. 100. Avec certains des modèles américains qui profitent du HUD, il existe divers projets d'immeubles locatifs à logements multiples abordables qui sont admissibles. Je crois que les primes sont de l'ordre de 0,5 p. 100, plutôt que de 5,5 p. 100.

Pour être juste envers la SCHL, elle exerce actuellement un mandat qui précise qu'elle doit être autonome et peut-être même réaliser des bénéfices. De fait, son assurance hypothécaire touche des bénéfices dans d'autres secteurs. Mais c'est le marché du logement locatif qui n'est pas à la hauteur au Canada depuis 15 ans. Le marché de la propriété, qu'il s'agisse de maisons ou de condominiums, fonctionne bien, et il y a des fortunes qui se bâtissent dans le domaine. Nous croyons que si le gouvernement fédéral donnait même à la SCHL le mandat de canaliser une partie de l'excédent que procure l'assurance hypothécaire sur les maisons privées pour subventionner l'assurance hypothécaire des immeubles locatifs, cela nous donnerait un coup de pouce dont, il faut être franc, nous avons besoin.

M. Roy Cullen: En ce qui concerne l'association de constructeurs de véhicules, monsieur Nantais, je suis d'accord avec vous sur plusieurs points—les grandes entreprises, l'impôt sur le capital, l'augmentation du seuil des pensions. Je crois que le temps est venu, quelles que soient les ressources disponibles. Je crois que cette politique est pleine de bon sens.

Toutefois, quand vous parlez du transfert des pertes fiscales, tout semble correct en théorie, et cela est probablement justifié, mais je crois que les coûts, au regard de la dépense fiscale, seraient importants. Je n'ai pas les chiffres, vous les avez peut-être. Je me demande si vous ne faites pas le difficile parce que, quand on connaît le taux d'imposition des sociétés canadiennes, particulièrement quand il faut y ajouter celui des provinces comme l'Ontario, l'Alberta ou d'autres encore, on peut dire qu'il se compare favorablement à celui des États-Unis, surtout que l'Ontario vient d'annoncer certaines mesures qui nous ramènent de cinq à neuf points sous le taux de certains États de l'autre côté de la frontière. Il serait plus juste de s'attacher à l'ensemble du fardeau fiscal.

Ma deuxième question, si vous le permettez, concerne l'outillage des mécaniciens. Si vous aviez le choix, ne préféreriez-vous pas mettre l'accent sur les apprentis, qui doivent s'outiller eux-mêmes et dont les salaires sont moins élevés?

Avez-vous des commentaires sur ces deux questions?

M. David Penney (directeur général, Impôts et douanes, General Motors du Canada, Association canadienne des constructeurs de véhicules): Je crois que je commencerai par les règles sur l'utilisation des pertes. Les entreprises canadiennes ont un réel désavantage compétitif aux États-Unis. Là-bas, ils ont des règlements sur la consolidation des pertes. Pour résumer, disons que lorsqu'un certain nombre d'entreprises font des affaires dans les mêmes domaines généraux et que certaines entreprises doivent déclarer des pertes, il n'y a pas moyen, au Canada, d'amalgamer les résultats. Aux États-Unis, elles peuvent le faire. Au Royaume-Uni, on peut même demander à une entreprise d'en subventionner une autre. Donc, lorsque toutes les entreprises d'un groupe donné sont visées par le même taux d'imposition et que certaines entreprises de ce groupe accusent des pertes qu'elles ne peuvent utiliser, ce qui se passe, c'est que le taux d'imposition réel du groupe augmente.

M. Roy Cullen: Je sais comment ça marche, ce n'était pas là l'objet de ma question.

Le président: Monsieur Cullen, je vous remercie.

Madame Bennett.

Mme Carolyn Bennett: Comme vous le savez, c'est tout le programme de formation aux aptitudes qui requiert notre attention. Il semble qu'on va bientôt proposer une approche, c'est-à-dire, par exemple, en présentant un livre blanc.

• 1755

Aujourd'hui, l'Association canadienne de l'outillage et de l'usinage a proposé des crédits d'impôt pour les apprentis. Dans leur exposé, les représentants ont dit être très inquiets du fait que les grandes entreprises n'assumaient pas leur part de responsabilité au chapitre de la formation. Pour la Commission de formation de Toronto, comme vous le dites dans votre septième recommandation, les petites entreprises devraient avoir droit à un crédit d'impôt sur les coûts de la formation.

Si j'ai bien compris, l'exposé de ce matin expliquait que ce sont les petites et moyennes entreprises qui se retrouvent à assurer la formation, après quoi les grandes viennent rôder de leur côté, sans offrir leur juste part de la formation. Ma question est la suivante. La Commission de formation de Toronto considère-t-elle que les crédits d'impôt pour la formation devraient être offerts de façon universelle?

J'ai aussi une question pour l'Association canadienne des constructeurs de véhicules: offririez-vous de la formation si cela vous donnait droit à des crédits d'impôt?

M. Mike McCue (coprésident des affaires syndicales, Commission de formation de Toronto): Je m'appelle Mike McCue et je suis le coprésident des affaires syndicales de la Commission de formation de Toronto. Je suis aussi un employé de DaimlerChrysler.

Je crois qu'on peut dire sans se tromper que les trois grands constructeurs—GM, Ford et Chrysler—n'assument pas leur juste part de la formation...pour ce qui concerne les apprentis, du moins, si c'est ce dont il est question. Je crois qu'ils ont plutôt tendance à faire du maraudage. Je crois même que pour le moment, General Motors, malgré sa taille, ne compte aucun apprenti dans ses systèmes parce que l'entreprise a pris l'habitude de les obtenir d'autres sources, ce qui n'est pas juste pour les petites entreprises. C'est pour cela qu'on a demandé qu'on les encourage en leur donnant des crédits d'impôt, parce qu'en réalité, lorsqu'elles forment des employés, elles font aussi du maraudage, semble-t-il, et les embauchent.

Mme Carolyn Bennett: Selon le mémoire présenté aujourd'hui, seules les petites entreprises devraient avoir droit à des crédits d'impôt sur les coûts de la formation. Ne devrait-on pas encourager aussi les grandes entreprises à en faire?

M. Peter Landry: Oui, ça se pourrait. Nous nous sommes attachés aux petites et moyennes entreprises parce que ce sont elles qui ont révélé—je crois que vous avez signalé ce type de problème ce matin—qu'on hésitait à faire de la formation, parce que cela représente des investissements et qu'on risque quand même de se faire voler l'employé par quelqu'un d'autre. Donc, si je suis une petite entreprise, j'ai besoin qu'on m'encourage et qu'on m'aide.

Nous avons aussi indiqué dans notre rapport, et nous n'en avons pas encore parlé, que lorsqu'on parle de formation, c'est non seulement la taille de l'entreprise qui est importante, mais aussi les personnes visées par la formation. Je crois que les grandes entreprises offrent plutôt des cours de formation pour les employés déjà en haut de l'échelle. Ce que j'essaie de dire, c'est que si vous décidez de donner des crédits d'impôt ou de prendre d'autres mesures d'encouragement pour les grandes entreprises, j'espère que les personnes au bas de l'échelle, un peu plus à risque, seront aussi visées. C'est ce qu'on a découvert, que certaines personnes préfèrent offrir des cours de formation à des employés déjà très bien formés, qui détiennent des diplômes universitaires, des certificats, etc. Nous nous demandons comment vous allez encourager la formation aux échelons inférieurs. Je crois que je suis d'accord avec les représentants de l'industrie de l'outillage qui disent qu'il faut trouver une façon d'aider les petits, qui essaient de faire de la formation, et supprimer tout ce qui ressemble à un moyen de dissuasion.

Mme Carolyn Bennett: Est-ce que les crédits d'impôt réussiraient à encourager les grandes entreprises?

M. Michael Sheridan (directeur des relations gouvernementales, Ford du Canada Ltée, Association canadienne des constructeurs de véhicules): Je répondrai à cette question.

Il est évident qu'une mesure fiscale encouragerait la formation, mais nous en faisons déjà beaucoup. Chaque fois qu'on lance un nouveau produit—lorsque la Windstar est arrivée à Oakville, ou quand nous avons ouvert notre usine de moteurs de camions à Windsor—il fallut offrir pas mal de cours de formation à tous les niveaux. Pas seulement aux gestionnaires, à tous les employés de l'usine. Les cours de formation que nous donnons sont finalement assez nombreux. Ils font partie des investissements que nous faisons au Canada. En fait, lorsque nous faisons un gros investissement, la formation en fait toujours partie, parce que nous savons que sans une main-d'oeuvre bien formée et dont les connaissances sont actualisées, nous ne pourrions pas produire les meilleurs véhicules qui circulent aujourd'hui.

Mme Carolyn Bennett: Il ne faut pas oublier qu'il existe des normes ISO visant la fabrication et la gestion. Devrait-il y avoir des normes ISO sur la formation, selon vous, à moins qu'il en existe déjà?

Mme Tayce Wakefield: J'aimerais répondre à ce qui s'est dit précédemment avant de parler des normes ISO.

Tout d'abord, pour répondre à ce qui s'est dit, la raison pour laquelle nous ne formons personne pour le moment, c'est que les métiers spécialisés sont déjà comblés et qu'il serait imprudent de former des personnes sans avoir d'emplois à leur offrir. Cela dit, tous les travailleurs de la chaîne de production suivent en moyenne 40 heures de formation par année. Les travailleurs spécialisés en suivent 60 heures par année. Il y a plus de cours de formation lorsqu'on produit un nouveau véhicule, comme Mike l'a dit. C'est beaucoup plus que cela.

• 1800

Nous sommes le plus grand diffuseur privé au Canada. Nous diffusons des cours de formation en temps réel, 14 heures par jour, sur deux chaînes, en français et en anglais, à l'intention de 800 concessionnaires au pays. Nous investissons dans la formation parce que nous croyons que c'est une façon d'améliorer la qualité de nos produits et d'accroître notre productivité, tout cela dans le but d'avoir un meilleur rendement.

Donc, même si les crédits d'impôt pour la formation sont toujours une mesure positive, certaines entreprises—peut-être les grandes, seulement, mais peut-être aussi bien des petites—se tournent déjà vers la formation dans le but d'être plus compétitives.

Quant aux normes ISO, il faut faire attention quand on parle de formation... Les normes ISO sont une façon de mesurer la qualité, et on pourrait s'en servir pour la formation de la main-d'oeuvre. Toutefois, la formation a bien des dimensions, comme le savent la plupart des gens, et il faut faire attention de ne pas imposer trop de contraintes. Il y a des cours de formation spécifiques pour un emploi, une tâche ou une fonction, et il existe des compétences plus générales. Je crois que le système d'éducation canadien devrait être plus souple et permettre plus facilement des échanges entre les différents types de formation et d'éducation, et je ne suis pas sûr que les normes ISO soient la meilleure façon d'y arriver.

Mme Carolyn Bennett: J'ai une petite question à propos du logement. On parle beaucoup, ces temps-ci, de résultats et de méthodes de mesure... Je veux dire qu'avec l'Entente-cadre sur l'union sociale, il est question de programmes comparables au chapitre de la qualité et de la transparence, de la reddition de comptes, de cette sorte de choses. Pensez-vous que l'ECUS ou les ententes visant les enfants aient prévu des rapports? Exerçons-nous des pressions pour obtenir l'égalité quant au pourcentage de familles qui dépensent plus de 50 p. 100 de leur revenu au loyer, tout comme nous cherchons l'égalité entre les provinces, les programmes, les mesures d'encouragement visant à ce que les provinces fassent ce qu'il faut? Est-ce que cela ne devrait pas faire partie d'un quelconque programme d'action pour les enfants?

Mme Noreen Dumphy: Eh bien, je trouve qu'il est intéressant d'aborder la question de la reddition de comptes sous cet angle. Nous avons toujours considéré qu'un logement abordable faisait partie d'un programme destiné aux enfants; tout le monde s'entend sur cela. Des programmes de logements qui réservent tout un volet aux familles nous aident à réaliser cela.

Quant à la reddition de comptes, nous avons fait un grand pas en avant lorsque nous avons convaincu le ministre fédéral du fait que le programme de logements devait viser les familles à revenu faible ou moyen. Avant cette percée en août, nous vivions dans un autre univers.

Mais il ne suffit pas de dire ce que l'on veut faire, il faut savoir, par exemple, ce qu'est un loyer abordable, ou ce qu'est une personne à revenu faible ou moyen. Personnellement, je crois que j'aimerais bien que tout le monde retrousse ses manches et essaie de trouver des moyens de réussir. Je crois qu'on pourrait définir des objectifs clairs à l'échelle de la province en se fondant sur les données du dernier recensement, qui indique le pourcentage de familles où la moitié du revenu sert à payer le loyer. Les proportions varient peut-être d'une région à une autre, mais je crois qu'on pourrait les établir par province et, à partir de cela, élaborer des normes de rendement. Il faut aussi veiller à ne pas construire des logements pour célibataires pour la simple raison qu'ils coûtent moins cher. Il faut que tous y trouvent leur compte: les personnes âgées, les célibataires, les familles, etc. Je crois qu'on peut facilement y arriver.

Le président: Merci, madame Bennett.

J'aimerais poser une question. Vous avez parlé de l'économie intégrée de l'Amérique du Nord en faisant un lien avec certains des enjeux auxquels nous devons faire face. Si je me souviens bien, vous avez parlé des retenues d'impôt. C'était l'un des sujets débattus.

J'aimerais parler du Mexique. Je crois que l'un des grands avantages que le Mexique aura dans l'avenir, c'est que sa population est actuellement très jeune. Avec les changements démographiques qui affecteront non seulement le Canada, mais aussi les États-Unis, on verra...je crois que les investissements étrangers directs au Mexique devraient augmenter. Ils augmentent déjà.

Comme vous le savez probablement, l'investissement est un élément clé de la productivité et du niveau de vie. Comment voyez-vous la situation future du Mexique? Devrions-nous, en tant que membres d'un comité, considérer l'économie sous l'angle de l'Amérique du Nord?

M. Michael Sheridan: Vous avez dit que nous devrions considérer que le Mexique est un compétiteur; je crois que vous avez raison. Dans notre industrie, la production, au début des années 90, était d'environ deux millions de véhicules par année; à la fin de cette décennie, nous en produisions trois millions. Les années 90 ont été de très bonnes années. Mais, cette année, nous observons une diminution. Nous produirons quelque 2,5 millions de véhicules, peut-être moins l'année prochaine, tout cela à cause du récent ralentissement.

Mais le grand gagnant, ces dernières années, c'est le Mexique, qui observe une croissance. Il est évident que le Mexique a établi sa réputation de centre de l'automobile; on n'a qu'à observer sa production, le fait qu'il a attiré de forts investissements, non seulement pour les usines d'assemblage, mais aussi pour l'industrie intégrée des pièces. Il faut donc tenir compte du défi permanent que cela constitue pour le Canada.

• 1805

Nous avons très bien réussi, jusqu'ici, à conserver notre part de production à l'échelle de l'Amérique du Nord. Mais au cours des années à venir, il est évident que le Mexique sera notre plus gros défi. Il profite d'un avantage important au chapitre du coût de la main-d'oeuvre, sa productivité est en croissance, son infrastructure s'améliore—tout cela constitue un obstacle pour nous.

Le président: Combien de véhicules le Mexique produit-il ces temps-ci?

M. Michael Sheridan: Autour de 1,9 million. Il en vend 800 000 ou 900 000, et prévoit en produire autour de 2,5 millions.

M. Lorne Nystrom: Quelle était la production il y a dix ans?

M. Michael Sheridan: Il y a dix ans, il produisait 800 000 ou 900 000 véhicules. C'est donc une croissance importante pour tous les fabricants. Je sais que des prévisions extérieures indiquent que, d'ici cinq ans, vers la fin de la décennie, le Mexique produira 2,5 ou 2,6 millions de véhicules, ce qui se rapproche des niveaux de production du Canada.

Le président: Les produits du Mexique sont-ils de bonne qualité?

M. Michael Sheridan: De la même qualité qu'au Canada et qu'aux États-Unis.

Le président: C'est donc un gros défi qui nous attend. C'est pourquoi je crois que notre comité devra étudier certains des défis que nous aurons à relever et que, traditionnellement, nous attaquions sous l'angle national, ou peut-être, continental, afin de répondre aux préoccupations que vous avez exprimées—et à celles que d'autres personnes ont exposées à notre intention.

Je vous remercie de la part de tous les membres du comité. Comme vous le savez, nous comptons sur vos commentaires éclairés pour nous indiquer la façon de préparer un rapport au ministre des Finances en vue du prochain budget, même si nous n'en connaissons pas la date.

Nous allons prendre une pause de deux minutes.

• 1807




• 1813

Le président: Mesdames et messieurs, le comité reprend ses travaux. Je souhaite la bienvenue à tous les experts qui sont venus ici cet après-midi. Il s'agit du quatrième groupe d'experts de l'après-midi.

Selon l'ordre du jour, nous accueillons les participants suivants: Margaret Dinsdale, à titre personnel; Barry Grills, premier vice-président de la Writers' Union of Canada; Jean-Victor Wittenberg, Jennifer Espey et Nora Spinks, de l'Alliance canadienne pour les soins de santé des enfants; David Laidler, du département d'économie de l'université Western Ontario; et Heather Munroe-Blum, vice-présidente de l'Université de Toronto.

Bienvenue à tous. Je crois que la plupart d'entre vous avez déjà participé aux travaux de notre comité. Vous disposez de cinq à sept minutes pour exprimer vos commentaires. Après quoi, nous passons à la période de questions.

Je ne vois pas Mme Dinsdale; nous commencerons donc par l'exposé de Barry Grills. Bienvenue, monsieur Grills.

M. Barry Grills (premier vice-président, Writer's Union of Canada): Merci.

Nous avons présenté un mémoire au comité dans l'intention d'être plus bref. Si vous le voulez bien, monsieur le président, je reprendrai seulement certaines sections de ce mémoire—en utilisant les mêmes mots.

La Writers' Union of Canada remercie le Comité permanent des finances de l'occasion qui lui a été donnée de prendre part, une fois de plus, aux huitièmes consultations pré-budgétaires annuelles dont le budget fédéral de 2002 devra tenir compte. Nous sommes particulièrement heureux de participer à une procédure de consultation axée sur les objectifs que vous avez exprimés, et que je ne répéterai pas.

À titre d'organisme enregistré de services nationaux dans le domaine des arts, en vertu de la Loi sur le statut de l'artiste, représentant plus de 1 400 écrivains de livres de tous genres, ayant pour mandat de promouvoir et de défendre les intérêts et la liberté des auteurs d'écrire et de publier, la Writers' Union of Canada a un rôle important à jouer en façonnant l'application de vos objectifs, dont vous nous avez donné un aperçu.

• 1815

À l'instar de la plupart des secteurs de la vie canadienne, nous sommes conscients des défis et des complexités que représente la mondialisation croissante, et de leurs répercussions sur les finances et d'autres politiques. Contrairement à certains secteurs, toutefois, nous sommes particulièrement sensibles aux répercussions culturelles de telles tendances et initiatives.

Le profil de l'écrivain, du compositeur et de l'artiste canadien moyen est le suivant: un créateur à faible revenu, qui travaille de façon autonome et qui, à certains moments, gagne un revenu fluctuant en dents de scie. Comme nous l'avons déjà signalé à votre comité, la Writers' Union of Canada, en collaboration avec Quill & Quire, publication spécialisée de l'industrie du livre, a effectué une enquête financière approfondie il y a plus de deux ans, afin d'établir plus clairement les caractéristiques de la situation financière des créateurs. Nous l'avons fait avec d'autres organismes regroupant des écrivains.

Malheureusement, en 2000 et en 2001, le revenu net moyen de la plupart des écrivains sera inférieur à celui établi par l'enquête, soit 11 480 $, en raison du dommage que le fiasco Chapters-Pegasus a infligé à l'industrie de l'édition et à ses auteurs l'an dernier.

Les statistiques ne fournissent pas, bien sûr, un profil complet. Nous devons ajouter que les écrivains interrogés n'étaient ni des dilettantes ni des amateurs. Il s'agissait d'écrivains professionnels à plein temps qui pratiquent ce métier depuis au moins dix ans. La plupart avaient, comme moi, plus de 50 ans, âge auquel les gens exerçant d'autres métiers gagnent leur salaire le plus élevé. La plupart détenaient au moins un diplôme de premier cycle, et presque la moitié d'entre eux n'exerçait pas d'autres métiers. Leur faible revenu représentait leur principale préoccupation et, parmi leurs autres inquiétudes, on retrouvait la fluctuation du revenu et le manque de loisirs.

Les écrivains travaillent pendant de longues heures pour gagner leur maigre revenu. Ils doivent souvent occuper un autre emploi pour arriver à joindre les deux bouts. Tous ces problèmes sont aggravés par le temps qu'il faut pour écrire, être publié, puis récolter les fruits d'un livre publié. Ce processus se mesure non pas en semaines ou en mois, mais plutôt en années. Même si les fruits de leurs efforts finissent par être abondants, ils ne sont récoltés qu'après une longue période d'écriture créatrice et de production laborieuse pendant laquelle leur revenu est faible, voire inexistant.

Le Canada a maintenu pendant longtemps qu'un filet de sécurité sociale devait exister afin d'offrir à tous les Canadiens la possibilité de réussir, même lorsqu'ils subissent des contretemps à court terme. Étant donné que les créateurs sont si souvent des travailleurs autonomes, ils se retrouvent dans un vide entre les structures que les politiques gouvernementales ont établies pour assurer un mode de vie de qualité.

La Writers' Union est ravie que l'intention exprimée par votre comité consiste à procurer aux Canadiens l'égalité des chances de réussir. Nous espérons également que cette intention reflète un engagement: que tous les Canadiens payent une part équitable de leurs obligations. À l'heure actuelle, les écrivains portent un fardeau d'obligations trop lourd, en étant imposés pleinement pour leurs années fastes et ne recevant aucun avantage pour les années moins fastes, qui sont assez fréquentes. Ils n'ont pas une chance égale d'économiser en vue de leur retraite, par exemple, et trop souvent ils passent entre les mailles du filet de la sécurité sociale conçu pour permettre aux Canadiens d'avoir un niveau et une qualité de vie décents.

Sans l'engagement des créateurs envers leur talent et l'expression de leur art, les industries et les institutions culturelles du Canada seraient dominées par une voix et une perspective étrangères. Un grand nombre des propositions qui suivent ne sont pas nouvelles, mais nous soutenons qu'elles peuvent régler les injustices auxquelles les écrivains et d'autres artistes font face. Nous vous soumettons respectueusement qu'elles peuvent aider votre comité à atteindre les objectifs qu'il s'est fixés.

Nos propositions sont les suivantes: instaurer une déduction d'impôt pour des droits d'auteur à l'intention des créateurs, inspirée de celle qui est utilisée au Québec; adopter un plan d'étalement limité sur les années précédentes pour le revenu professionnel des créateurs dont le revenu fluctue; exonérer d'impôt les subventions de subsistance destinées aux créateurs et administrées par le Conseil des arts du Canada; augmenter davantage le financement accordé au Conseil des arts du Canada pour lui permettre d'améliorer le niveau de financement destiné à la création de nouvelles oeuvres; rendre les prestations d'assurance-emploi accessibles aux créateurs autonomes et à ceux qui occupent un emploi rémunéré afin de compléter le revenu qu'ils tirent de leur travail autonome lorsqu'ils perdent leur emploi rémunéré.

Merci beaucoup.

Le président: Merci beaucoup.

Nous donnons maintenant la parole à Margaret Dinsdale.

• 1820

Mme Margaret Dinsdale (témoignage à titre personnel): Merci encore une fois, monsieur le président, de me permettre de prendre la parole devant votre comité.

Le système démocratique dont jouit le Canada a toujours eu pour moi beaucoup de valeur, malgré tous ses défauts. Dans le cadre des récents événements mondiaux, j'attache encore plus de prix au privilège qui m'est donné, à moi, simple citoyenne, de participer aux consultations pré-budgétaires.

Je tiens à souligner, comme je l'ai déjà fait, que je ne suis pas ici à titre de journaliste, ou d'écrivaine qui doit assumer d'autres emplois pour subsister, ni à titre de membre d'un parti politique ou d'un groupe d'intérêt quelconque. Les opinions que j'exprime sont les miennes.

Le Canada a beaucoup de défis à relever à notre époque. Vous êtes tous des parlementaires, et vous avez l'habitude des longues heures de travail, loin de votre foyer et de votre famille—sans parler des tâches touchant votre circonscription, votre participation aux comités, les machinations de la politiques—autant de sources de stress. J'ai de la difficulté à imaginer les défis que provoquent le ralentissement de l'économie et la guerre au terrorisme.

Je crois que lorsque des événements d'envergure accaparent toute notre attention, il est important de se rappeler que les tragédies qui se sont déroulées à New York, à Washington et en Pennsylvanie étaient des tragédies justement parce qu'elles ont provoqué la perte de vies humaines. Et dans une démocratie, une vie humaine est celle d'un membre de la société—qui sont tous égaux.

Dans ce contexte, je vais vous raconter l'histoire de Mary, une jeune femme que je vois de temps en temps depuis plusieurs années. Mary est le fruit d'une idylle entre une femme célibataire et un homme marié ayant des enfants. Elle a toujours été renvoyée d'une maison à une autre. Dans l'une, elle était aux prises avec la violence verbale et physique des nombreux amants de sa mère, dans l'autre, elle personnifiait l'infidélité du père. Elle était nourrie et logée, mais pas aimée.

Faut-il s'étonner si elle est devenue alcoolique et a commencé sa vie sexuelle à 13 ans? Les hommes savaient qu'ils pourraient obtenir d'elle ce qu'ils voulaient pour le prix de quelques consommations. Mais pour Mary, la douleur de ne pas être aimée était engourdie pendant quelques heures par l'alcool—mais elle ne partait jamais complètement.

À 20 ans, elle avait déjà subi au moins un avortement, n'avait pas de domicile fixe, et son ami était un alcoolique violent. Elle a eu un enfant de lui, mais il a été placé dès sa naissance. Son copain a été la première personne à lui dire qu'il l'aimait. Mais après l'avoir quitté plusieurs fois à la suite de coups particulièrement violents, elle l'a laissé pour de bon après qu'il l'eut frappée avec une planche dont sortait un clou rouillé qui lui a fait un trou sur le côté de la tête.

Elle a ensuite rencontré Jim, qui avait quelques années de plus qu'elle et avait un domicile. Elle est devenue enceinte encore une fois, mais cette fois le père ne la battait pas. Elle a pu garder son deuxième enfant. Toutefois, après un certain temps, Jim aussi a commencé à l'insulter, en lui rappelant constamment son passé et ses lacunes. Elle est retournée vivre dans la rue, en abandonnant son enfant.

Que peut-on faire pour une personne comme Mary, dont la vie a été, disons, chaotique? Devrait-on la forcer à se faire stériliser? Devrait-on la mettre en tutelle si elle devenait enceinte encore une fois? Je vous affirme que Mary n'est pas une mauvaise personne. Elle n'a jamais reçu de l'argent contre ses faveurs sexuelles. Elle ne vole pas. Elle n'est pas violente. En fait, pendant la période de stabilité où elle vivait avec le père de son second enfant, elle a travaillé bénévolement pour un organisme d'aide qui l'avait elle-même soutenue lorsqu'elle n'avait pas de domicile.

Quelle sorte de personne Mary serait-elle devenue si elle avait pu profiter d'une intervention lorsqu'elle était petite? Qu'aurait-elle pu réaliser si, lorsqu'elle était une jeune itinérante, elle avait reçu du soutien au logement et suivi un traitement contre l'alcoolisme? Que serait-elle devenue si elle avait eu de l'aide après la naissance de son premier enfant? Les études révèlent que les jeunes filles dont les enfants sont placés ont par la suite d'autres enfants. Pourtant, l'aide est beaucoup plus efficace si on donne à la mère accès à l'éducation, à la formation, à un logement abordable et en lui laissant prendre soin de son premier enfant.

Il n'y a pas de solutions simples dans les cas comme celui de Mary. Comme tout le monde, elle est une personne complexe qui a ses forces et ses faiblesses—qui peut dire ce que nous-mêmes nous serions devenus si nous avions eu la même vie qu'elle?

Il n'existe pas non plus de méthode pour gouverner un pays aussi grand et aussi diversifié que le nôtre. Cela est particulièrement difficile à l'heure actuelle, puisque les événements de la scène mondiale ont un effet beaucoup plus immédiat que jamais dans l'histoire de l'humanité.

Quand il y a une inondation, un tremblement de terre ou une autre calamité naturelle, les Canadiens sont parmi les premiers à offrir de l'aide: aliments, fournitures médicales, logements, aide aux personnes déplacées. Nous soutenons le maintien de la paix dans toutes sortes d'endroits, par exemple aux Balkans, et nous avons travaillé à l'adoption du traité sur l'interdiction des mines terrestres. Nous sommes déterminés à ce que le régime qui remplacera les Talibans en Afghanistan, quel qu'il soit, soit plus ouvert à notre interprétation des droits de la personne, en particulier de ceux des femmes.

Mais j'aimerais vous rappeler que le Canada compte lui aussi des personnes déplacées et souffrantes—déplacées par le fossé bien documenté et de plus en plus profond entre les très riches et les très pauvres. Les victimes des lacunes de la société arrivent rarement à changer de vie. Pourquoi vivent-elles dans la rue, ou dans des bidonvilles, alors qu'il existe des abris qui peuvent les accueillir?

• 1825

J'ai parlé avec John, qui habite un bidonville de Toronto. Il m'a dit: «Pourquoi j'irais dans un refuge? On y attrape des poux ou des maladies, on peut se faire voler, et s'il y a une place où je n'irais jamais, c'est bien là, on pourrait me tirer dessus ou me poignarder.».

Que répondre à tout cela? Je ne sais pas si elles sont bonnes ou mauvaises, mais voici mes recommandations pour le budget de 2002.

Ma première recommandation touche le logement social. Ces deux dernières années, le gouvernement a annoncé et annoncé encore qu'il fournirait plus de 700 millions de dollars pour aider les sans-abri. Ce n'est pas en injectant de l'argent dans le système de refuges pour sans-abri qu'on résoudra le problème; à mon avis, compte tenu de la crise qui touche le logement abordable, le phénomène des sans-abri ne pourra que continuer de croître.

À Toronto, les personnes qui cherchent un logement font face à des pressions extraordinaires. Il n'est pas rare de voir des propriétaires faire monter les enchères pour les logements à louer, ce qui, souvent, fait doubler le prix demandé.

Anna, qui a fui le régime Pinochet du Chili il y a 20 ans et a vécu depuis dans des logements coopératifs économiques, signale que certaines personnes ont dû fournir 5 000 $ de commission simplement pour avoir le droit de se proposer à titre de locataire, et que des immigrants ont dû payer à l'avance une année de loyer. L'état de délabrement et d'abandon des logements dans lesquels vivent bien des Autochtones au pays est proprement renversant.

Je n'accepterai pas que l'on me réponde que cette question relève uniquement de la province. Partout au Canada, des gens à revenu faible ou moyen se sentent menacés par cette situation, et voient le nombre d'unités de logements diminuer et le montant des loyers augmenter à vue d'oeil.

Ce dont nous avons besoin, c'est d'un comité permanent sur le logement social, et c'est ce qu'ont demandé bien des groupes et des particuliers, dont certains ont pris la parole aujourd'hui. Un grand nombre ont recommandé la solution du 1 p. 100—que 1 p. 100 du budget fédéral soit affecté de façon permanente au logement social. Je ne suis pas une économiste, je ne sais pas si ce chiffre est réaliste, mais il semble raisonnable de proposer de construire, avec 1 p. 100 du budget, non pas des tours pour y entasser les pauvres et les personnes handicapées, mais des logements locatifs originaux pour des familles de divers niveaux de revenu, de façon à créer des quartiers plutôt que des ghettos.

Ma deuxième recommandation vise l'assurance-emploi. Je suis toujours révoltée de voir que les cotisations à l'assurance-emploi versées par les travailleurs et les employeurs ne sont pas accessibles à bien des personnes qui se retrouvent sans emploi. À mon avis, ce fonds devrait être constitué à partir des recettes générales et administré séparément.

Puisque l'économie et la nature des emplois varient continuellement, que les emplois dans l'industrie sont maintenant offerts à l'étranger, par exemple, et que bien des emplois sont temporaires, à contrat ou à temps partiel, il faut tenir compte de cette réalité. Pourquoi le travail à temps partiel ne pourrait-il pas faire l'objet de cotisations au prorata, et les prestations, être versées en conséquence?

Ma troisième recommandation concerne les soins de santé. L'Alberta et l'Ontario ont créé de dangereux précédents en permettant aux entreprises à but lucratif de fournir des services de santé. Il est temps que notre gouvernement décide s'il veut, ou non, défendre l'universalité des soins de santé et, le cas échéant, qu'il fasse ce qu'il faut pour soutenir le système.

Ma quatrième recommandation vise la TPS. Le gouvernement n'a encore rien fait au sujet de ce système fiscal régressif. Pourquoi cette taxe est-elle encore appliquée aux livres, aux produits d'hygiène féminine et aux articles ménagers courants? Pourquoi ne donne-t-on pas un peu de répit en diminuant le taux de 1 ou 2 p. 100?

Ma cinquième recommandation vise l'impôt sur le revenu. J'en profite pour féliciter le comité qui a proposé de recommencer à indexer les taux d'imposition. Je suis très heureuse de cette décision, qui nous rapproche de l'équité en matière d'impôt, mais je suis encore ébahie par le nombre de personnes très riches qui ne paient toujours aucun impôt.

Ma sixième recommandation est de placer les Canadiennes et les Canadiens au premier plan. Je ne veux pas dire par là qu'ils auront notre attention exclusive. Nous devons continuer de jouer notre rôle de chef de file mondial des questions humanitaires. Toutefois, le Canada fait parfois penser à un cordonnier mal chaussé. Nous devons adopter dans notre pays les mêmes normes élevées au regard des droits de la personne.

Dans un pays riche et prospère comme le Canada, qui s'est engagé à éliminer la pauvreté chez les enfants d'ici 2000, pourquoi y a-t-il de plus en plus d'enfants qui, chaque matin, se réveillent avec leur famille dans un motel délabré et qui déjeunent, jamais au même endroit, grâce aux programmes des petits déjeuners à l'école?

Pourquoi nous apitoyons-nous sur le sort des femmes afghanes alors que nous ne sourcillons même pas lorsque nous apprenons que la majorité de familles canadiennes dirigées par une femme seule vivent sous le seuil de la pauvreté?

Pourquoi les banques alimentaires, qui devaient être une mesure temporaire, sont-elles de plus en plus utilisées, et pourquoi y a-t-il de plus de plus d'enfants qui les fréquentent?

Pourquoi acceptons-nous que des systèmes de soins de santé à but lucratif s'installent dans notre pays, donnant à ceux qui peuvent se le payer l'accès à des soins de santé de qualité et laissant les personnes à faible revenu se battre pour les miettes?

Pourquoi les agriculteurs, l'épine dorsale de notre pays, ceux qui nous nourrissent, doivent-ils se mettre à genoux pour obtenir de l'aide?

• 1830

Pourquoi les enfants autochtones du Labrador pensent-ils n'avoir aucun avenir et se sentent-ils dévalorisés au point de détruire toutes leurs chances d'avenir en inhalant des vapeurs d'essence?

La lutte au terrorisme ne doit pas nous distraire de la lutte pour la justice dans notre propre pays.

Monsieur le président, je vous remercie.

Le président: Merci beaucoup, madame Dinsdale.

Passons maintenant au représentant de l'Alliance canadienne pour les soins de santé des enfants, M. Wittenberg.

M. Jean-Victor Wittenberg (président, Groupe de travail de l'ACSSE, sur les parents travailleurs ayant un enfant malade ou handicapé; Alliance canadienne pour les soins de santé des enfants): Je vous remercie.

Au nom de l'Alliance canadienne pour les soins de santé des enfants et du groupe de travail de l'ACSSE pour les familles ayant des besoins spéciaux en santé, j'aimerais remercier le comité de l'occasion qui nous est donnée de lui soumettre nos opinions et nos propositions. Nous voulons proposer des stratégies et des solutions réfléchies et économiquement viables qui, si elles sont intégrées dans le prochain budget fédéral, auront des répercussions positives sur la situation des familles canadiennes.

Je voudrais tout d'abord expliquer la situation, définir notre terminologie et brosser la toile de fond de nos propositions. Nous expliquerons ensuite nos stratégies et finalement les répercussions sociales, économiques, politiques et l'incidence sur la santé de ces solutions.

Nous reconnaissons que les récents événements internationaux nous ont amenés à repenser nos priorités et réaffirmer nos engagements. Nous reconnaissons aussi que le gouvernement canadien fait face à des défis énormes et qu'il doit faire preuve de diligence au moment de répondre à ses engagements et à ses nombreuses responsabilités au pays et sur la scène internationale. Nous reconnaissons en outre qu'il est essentiel de protéger et de maintenir les valeurs que nous partageons et les objectifs que nous poursuivrons ensemble pour que la société soit juste et empreinte de civisme.

Nous devons consolider notre engagement, nos convictions et nos principes en ces temps de trouble. Nous ne devons pas abandonner nos valeurs ni négliger les engagements que nous avons pris dans le cadre de la Convention des Nations Unies relative aux droits de l'enfant, mais il faut aussi protéger les enfants du Canada, de même que soutenir et consolider les familles canadiennes. L'ACSSE s'est engagée à garantir aux enfants du Canada des soins de santé de la meilleure qualité.

Le groupe de travail de l'ACCSE pour les familles ayant des besoins spéciaux en santé s'est engagé à aider les familles dont la situation familiale et professionnelle est stressante du fait de la présence d'enfants gravement malades ou handicapés. Nous disons de ces familles qu'elles ont besoin de soins extraordinaires.

Les familles ayant besoin de soins extraordinaires essaient de composer avec des sources de stress de plus en plus nombreuses: fournir des soins et trouver des services pour leurs enfants, répondre aux besoins des autres membres de la famille, tenir maison, faire face aux pressions financières exacerbées par ces circonstances extraordinaires.

Le groupe de travail de l'ACSSE croit qu'il est impératif, sur le plan social et économique, d'éliminer les obstacles qui empêchent les parents de prendre soin de leurs proches sans craindre de perdre leur emploi. Nous croyons aussi qu'il faut mettre en place des mesures de soutien qui permettront à la famille et à chacun de ses membres d'acquérir plus de force et de résistance. Nous voulons tout particulièrement réduire le stress inutile imposé aux parents qui travaillent tout en essayant d'assumer leurs multiples responsabilités à la maison, au travail et dans la collectivité.

Dans le cadre du Programme d'action national pour les enfants, le Canada s'est engagé à soutenir les familles. La situation des parents d'enfants gravement malades ou handicapés est pourtant mal connue de la plupart d'entre nous. Les soins extraordinaires exigés supposent la gestion de soins de santé et de services à domicile complexes et le soutien de leur prestation; la facilitation de l'accès à l'éducation, aux services sociaux et aux loisirs; la coordination des services communautaires et des fournisseurs de services visant l'obtention des soins spécialisés requis.

Les progrès réalisés dans les sciences de la santé de même que dans les politiques et les pratiques en matière de santé ont sauvé la vie de bien des enfants qui, autrement, n'auraient pas survécu ou qui n'ont joui d'aucune qualité de vie par le passé. Puisque nous avons décidé de passer des soins en établissement aux soins de santé communautaires, nous avons placé un fardeau de plus en plus lourd sur les familles qui doivent trouver, négocier, coordonner et, dans bien des cas, payer les services dont ils ont besoin.

Les familles ayant besoin de soins extraordinaires sont souvent seules avec ce lourd fardeau. Elles éprouvent un stress insoutenable qui se répercute sur tous les membres de la famille, y compris les enfants, les parents et les membres de la famille élargie. Les parents sont souvent obligés de quitter leur emploi rémunéré; le taux de séparation est élevé, et les membres de la famille sont en mauvaise santé. Pourtant, nous savons que lorsqu'un enfant est malade ou qu'il traverse une crise, les soins et l'attention des parents sont particulièrement importants pour des raisons physiques, psychologiques et économiques. En fait, la présence des parents pendant les périodes de stress est le facteur le plus important du développement d'un enfant. L'engagement des parents débouche sur des séjours beaucoup plus courts à l'hôpital, ce qui est souhaitable pour de nombreuses raisons sociales et économiques. Les parents ont donc un rôle plus grand à jouer pendant et après l'hospitalisation de leurs enfants; par ricochet, cette exigence contribue à leur mauvaise santé, à des difficultés financières, et souvent, à l'éclatement de la famille.

• 1835

Nous croyons fermement que l'engagement des parents est ce qui est le mieux pour l'enfant; mais sans un soutien approprié de la famille, il peut avoir des conséquences négatives sur le plan social comme sur le plan économique. Les recherches sont on ne peut plus claires: bien que de nombreuses familles canadiennes fassent état de niveaux élevés de conflits entre le travail et la famille, le stress grimpe radicalement lorsque des enfants ont besoin de soins extraordinaires. Les parents qui ont du mal à concilier le travail et la famille connaissent un taux accru de dépressions, de maladies physiques et de recours abusif à l'alcool.

Il n'est donc pas surprenant que les enfants vivant dans de telles situations souffrent du stress familial. En fait, nous avons constaté, premièrement, que les enfants ayant un handicap ou une maladie chronique sont au-delà de deux fois plus susceptibles que les enfants en santé de subir des agressions; deuxièmement, que les enfants handicapés ou atteints d'une maladie chronique sont beaucoup plus susceptibles d'être placés en famille d'accueil; troisièmement, que les enfants handicapés ou atteints d'une maladie chronique sont beaucoup plus susceptibles de souffrir d'un manque d'amour-propre et de difficultés émotives et de faire des tentatives de suicide.

Tous les enfants canadiens ont le droit d'avoir une famille. Ils en ont davantage besoin lorsqu'ils sont malades ou handicapés. Paradoxalement, les enfants malades ou handicapés risquent plus que les autres de ne pas avoir la famille dont ils ont besoin.

Être parent est la tâche la plus importante qui puisse être dévolue à quelqu'un. Selon des témoignages solides, la participation à la main d'oeuvre est bénéfique à la santé mentale et à l'amour-propre des parents. C'est aussi le meilleur moyen de se prémunir contre la pauvreté, et ce seul facteur contribue à la stabilité de la famille et à la santé générale de tous ses membres. Pourtant, sans soutien, une famille risque de perdre pour de bon son lien avec le marché du travail.

Quant aux solutions et aux stratégies que nous proposons, nous avons travaillé avec Développement des ressources humaines Canada pour entreprendre la définition des besoins, l'établissement des priorités et la conception des programmes. Nous avons réclamé que le gouvernement crée une catégorie de recherche et de politique visant les enfants ayant besoin de soins extraordinaires, que l'on définit comme étant des besoins extrêmes sur le plan physique, émotif, social et financier à cause des soins spécialisés qu'ils requièrent, que ce soit de façon intense et à court terme (comme dans le cas de traitements en oncologie, d'une hospitalisation, de la convalescence après une chirurgie ou une maladie grave, d'une maladie chronique épisodique comme l'asthme ou l'épilepsie), ou à long terme (comme dans le cas de déficiences mentales ou physiques).

Créer une catégorie pour les enfants ayant des besoins extraordinaires nous permettra de: recueillir des données qui nous aideront à comprendre leurs besoins spécifiques; mettre au point des mécanismes d'intervention et mesurer leurs résultats; stimuler l'engagement des diverses collectivités qui seront appelées à aider ces familles, soit les employeurs, les syndicats et associations professionnelles, les collègues de travail, les professionnels de la santé, les gouvernements, les parents et les membres des familles, les communautés et les commissions scolaires; rendre hommage aux collectivités, fournisseurs de services ou employeurs exemplaires, pour leurs innovations et leurs efforts en vue d'appuyer les familles, en émettant des prix, des certificats, etc.

Nous avons établi que les familles ayant des besoins de soins extraordinaires présentaient trois grandes formes de besoins: la sécurité du revenu; la sécurité professionnelle, les formules de travail et d'avantages souples; l'accès à des services communautaires.

Le groupe de travail de l'ACSSE a été ravi d'apprendre que le gouvernement du Canada avait reconnu les familles ayant des besoins extraordinaires dans le discours du Trône de 2001, qui indiquait qu'en aucun cas les membres d'une famille ne devaient avoir à choisir entre conserver leur emploi ou fournir des soins palliatifs à un enfant. Les parents pourront fournir des soins à un enfant gravement malade sans craindre une baisse de revenu subite ou la perte inattendue d'un emploi.

• 1840

Pour assurer la sécurité du revenu, nous demandons premièrement de réajuster les priorités, politiques et programmes existants d'aide ou de soutien au revenu des familles en temps de crise pour compenser les coûts extraordinaires non discrétionnaires. Ce réajustement peut se faire à peu de frais et répondrait de façon pertinente aux familles qui ne sont pas admissibles selon les règles des programmes actuels.

Nous aimerions en particulier que l'on repense les prestations de maladie du programme d'assurance-emploi en y apportant des modifications positives, comme on y est arrivé il y a quelques années lorsque l'assurance-chômage est devenue un programme axé sur l'emploi. Il faudrait que la prestation de maladie de l'assurance-emploi devienne une prestation de santé, et que les règles d'admissibilité soient modifiées de façon à inclure les employés qui doivent prendre un congé ou réduire grandement leurs heures de travail à cause de leurs responsabilités au chapitre des soins extraordinaires, et que l'on étende la période de prestations pour qu'elle corresponde au temps exigé pour fournir des soins dans le cas d'une maladie ou d'un handicap grave.

Pour le moment, la prestation de maladie n'est versée que si c'est le parent lui-même tombe malade. Les parents doivent demander à leur médecin de fournir un certificat pour obtenir ces prestations. Demander un certificat d'invalidité en raison de stress est une démarche humiliante, qui peut avoir des conséquences négatives importantes par la suite. À l'heure actuelle, les prestations de maladie ne sont versées que pour un maximum de 15 semaines. Cela est insuffisant pour la plupart des familles qui ont besoin de soins extraordinaires.

Nous proposons de créer, pour les familles qui ne sont pas admissibles aux prestations d'assurance-emploi, un supplément de revenu pour les soins extraordinaires. Une famille qui n'a pas droit à l'assurance-emploi pourrait obtenir un supplément de revenu pour les soins extraordinaires. L'admissibilité à ces prestations serait fondée sur la preuve de l'existence des besoins et sur une évaluation de l'efficacité des soins.

Parlons maintenant de sécurité d'emploi, d'adaptation du lieu de travail et d'avantages souples. Dans le discours du Trône de 1999, le gouvernement s'est engagé à créer des milieux de travail sensibles aux obligations familiales et aux obligations des soignants. C'est tout simplement logique du point de vue des affaires. Cela contribue à maintenir un main d'oeuvre plus productive.

Les parents d'enfants atteints d'une maladie grave à court terme doivent pouvoir reprendre leur place sur le marché du travail une fois que la crise est passée; les parents d'enfants qui ont un handicap à long terme doivent recevoir de l'aide dans le but de participer au marché du travail, mais cette participation doit se faire en souplesse et leur permettre de réagir aux crises épisodiques. Le gouvernement doit donc trouver des façons d'amener les employeurs et les syndicats à mettre en place des initiatives en milieu de travail et à éliminer les obstacles qui les ont empêchés, jusqu'ici, de mettre en place des projets ou de soutenir des initiatives financées par les employeurs.

Nous recommandons particulièrement les quatre stratégies suivantes.

Encourager l'adoption de formules de travail souples—par exemple, des emplois permanents à temps partiel, le partage de l'emploi ou le télétravail.

Accorder les avantages à tous les employés, y compris à ceux qui travaillent à temps partiel.

Ne pas imposer la première tranche de 5 000 $ donnée par l'employeur pour subvenir aux dépenses exigées par les obligations familiales. Ces dépenses pourraient comprendre l'achat de soins aux enfants ou de services de relève, d'équipements spécialisés, voire de soins aux aînés.

Faciliter l'engagement des employeurs envers le soutien aux familles ayant des besoins extraordinaires en reconnaissant activement la contribution faite par les employeurs chefs de file. À cette fin, il faudra des fonds pour élaborer un recueil des stratégies en milieu de travail déjà adoptées au Canada.

Enfin, et ce n'est pas là le point le moins important, nous voulons attirer l'attention sur les services communautaires. Il manque de services communautaires pour les familles ayant des besoins extraordinaires. L'obligation pour les parents d'assurer les soins est d'autant plus grande qu'il est difficile de trouver à des prix abordables des remplaçants adéquats capables de procurer les soins aux enfants ayant des besoins extraordinaires et des services de garde souples pour leurs frères et soeurs. En fait, l'un des principaux obstacles à l'emploi pour les parents de tels enfants est l'impossibilité de trouver des étrangers en mesure de procurer les soins aux enfants: 71 p. 100 des familles ont déclaré qu'il est très difficile de trouver des personnes capables de fournir les soins appropriés, et 64 p. 100 des familles ont dit qu'un parent avait perdu ou quitté involontairement son emploi parce qu'il avait été incapable de trouver quelqu'un pour assurer les soins à l'enfant ayant des besoins extraordinaires. Ces familles sont donc beaucoup moins susceptibles que les autres familles canadiennes de tirer leur principal revenu familial d'un emploi.

• 1845

Les familles avec des enfants ayant besoin de soins extraordinaires requièrent des services spécialisés de relève et de développement de l'enfant. La difficulté de trouver des services de relève pour que les familles puissent échapper à leurs fonctions de soignants à temps plein est la raison la plus fréquemment citée comme motif de placement des enfants aux soins de l'État. La pénurie de services spécialisés de garde et de développement de l'enfant est le principal obstacle à la présence des parents sur le marché du travail.

Le gouvernement devrait faciliter le renforcement des capacités de la collectivité et soutenir la mise en place de services spécialisés de soins aux enfants de façon à répondre aux besoins médicaux et développementaux des enfants ayant des besoins extraordinaires. Le gouvernement devrait, en particulier, financer les initiatives provinciales et territoriales qui visent à accroître le nombre et les possibilités d'accès à des services abordables et de qualité pour le soutien des familles ayant des besoins extraordinaires, y compris, mais sans s'y limiter, la formation et le perfectionnement du personnel, l'adaptation des installations et l'augmentation des services de soins aux enfants à domicile.

Pour finir, nous aimerions encourager le gouvernement à continuer de soutenir les familles et les enfants. Le soutien des familles ayant besoin de soins extraordinaires correspond à une valeur éthique et morale, que les Canadiens défendent depuis longtemps. Il favorise la santé et le bien-être de nos enfants, consolide les familles, accroît la résistance de la collectivité et assure une plus grande stabilité économique. Nous pouvons changer radicalement la vie des familles ayant des besoins extraordinaires.

Merci d'avoir bien voulu nous accorder votre attention. Nous espérons pouvoir bientôt collaborer avec vous à la mise en place de ces recommandations; n'hésitez pas à nous poser des questions.

Le président: Merci.

Passons maintenant à M. David Laidler, du département d'économie de l'université Western Ontario.

Bienvenue monsieur.

M. David Laidler (professeur, département d'économie, université Western Ontario): Merci, monsieur le président.

Je m'adresse à vous en tant que professeur en économie, à titre personnel. Je vous remercie de l'invitation. Je suis heureux d'être de retour, car, l'an dernier, j'avais l'impression qu'il manquait quelque chose à mon automne.

Le président: Nous sommes heureux de vous revoir.

M. David Laidler: Merci.

J'avais préparé un mémoire au tout début du mois d'août, et je vous l'avais envoyé par la poste. En raison de la tournure des événements, j'ai cru bon d'ajouter quelques remarques supplémentaires. Au lieu de lire les deux documents, ce qui serait, à mon avis, trop long, j'utiliserai les cinq minutes qui sont à ma disposition pour effectuer un survol des deux documents.

Mon mémoire initial abordait trois aspects de la politique macroéconomique essentiels à tout débat sur le budget. Premièrement, il y a la question traditionnelle de la politique monétaire et budgétaire. Ensuite, il faut songer à la politique macroéconomique internationale. Enfin, on tiendra compte d'un enjeu qu'on pourrait qualifier de nouveau, soit la croissance de la productivité et la nouvelle économie.

Concernant la politique macroéconomique, ma conclusion initiale, au mois d'août, était que, finalement, même si les perspectives économiques n'étaient pas très encourageantes, on avait déjà pris suffisamment de mesures, soit les baisses d'impôt au début de l'année et le redressement des cibles en matière d'inflation, et qu'il n'était pas indiqué de modifier l'orientation de la politique.

Les événements du 11 septembre ont considérablement modifié le contexte. En termes macroéconomiques, ils ont eu trois répercussions: premièrement, une baisse de la confiance a créé une importante demande négative; ensuite, cette structure de la demande a subi de gros changements, le plus évident étant la chute de la demande dans le domaine du transport aérien, mais d'autres industries subissent aussi les contrecoups; enfin, sur le plan de l'offre, des questions de sécurité, en particulier le long de la frontière, ont un impact au chapitre de la productivité.

En ce qui concerne le premier élément, j'estime que c'est par la politique monétaire que l'on devrait atténuer l'impact sur la confiance. La Banque du Canada, ainsi que d'autres banques centrales de partout dans le monde, a déjà injecté des liquidités et réduit les taux d'intérêt, et semble disposée à prendre les mesures nécessaires si le besoin se présente. Je ne crois pas que des mesures budgétaires soient indiquées dans une telle situation.

Pour ce qui est de la structure de la demande globale, même s'il peut être justifié de consentir du financement à court terme pendant que certaines industries prennent connaissance des dommages réels et évaluent la durée de la crise, dans la mesure où il y a une baisse permanente de la demande dans certaines industries, la prise de mesures pour soutenir artificiellement ces industries n'est pas une solution viable. Il faut chercher à appliquer les ressources à des fins plus productives. Par conséquent, encore une fois, je ne crois pas qu'il soit indiqué de modifier l'orientation à long terme de la politique budgétaire.

• 1850

Quant à l'impact sur la productivité, j'y reviendrai lorsque j'aborderai les enjeux internationaux.

Par conséquent, je dirais qu'il faut laisser à la Banque du Canada le soin de résoudre les problèmes à court terme liés à la confiance, et qu'il ne faut pas modifier la politique budgétaire.

Sur le plan international, j'ai retenu la question de la monnaie commune, qui, comme vous le savez, fait l'objet de débat depuis un certain nombre d'années. Mes commentaires sur cette question sont plutôt sceptiques.

Deux choses se sont produites depuis la rédaction de mon mémoire. Premièrement, le débat sur l'intégration économique de l'Amérique du Nord s'est étendu. L'ambassadeur Cellucci a relancé le débat dans une entrevue consentie au National Post le jour de la Fête du Canada, et le débat se poursuit depuis. On parle maintenant de l'intégration économique nord-américaine, sans nécessairement accorder la priorité à une monnaie commune.

Deuxièmement, j'aimerais parler brièvement de la question de la sécurité frontalière, à la lumière des événements du 11 septembre. Je crois qu'il est faux de croire qu'il s'agit d'un problème à court terme concernant des camions qui sont retenus à la frontière, et que ce problème va s'estomper. L'investisseur qui prend connaissance de telles répercussions y songera deux fois avant de bâtir une usine au Canada, si l'accès futur au marché américain est incertain.

Deuxièmement, je me permets d'aborder un sujet qui va bien au-delà de mon expertise d'économiste en vous disant que je ne crois pas que ce problème disparaîtra. À l'occasion du premier événement officiel auquel j'ai assisté à titre de professeur d'économie en Grande-Bretagne, une réception à Stormont en 1970, on se demandait combien de mois les Troubles dureraient. Or, les Troubles sont encore d'actualité. Je crois que nous devrons composer avec un faible niveau de troubles publics pendant longtemps en Amérique du Nord, maintenant que ce panier de crabes a été ouvert. Autrement dit, la question de la sécurité frontalière est absolument essentielle au niveau de productivité au Canada et au taux de croissance de la productivité. Les experts doivent traiter cette question comme un problème de sécurité, et cela échappe à ma sphère de connaissance.

Toutefois, je suis préoccupé par le fait que la question de la sécurité est maintenant jumelée à un projet plus étendu de périmètre commun pour le commerce de biens et services et l'immigration. Ces enjeux me semblent beaucoup plus larges que la sécurité, même si, de toute évidence, ils se chevauchent. J'ai aussi l'impression qu'une telle idée suppose de préparer le terrain afin de remplacer la zone de libre-échange par un marché commun des biens et services et, peut-être, l'établissement d'un marché du travail commun et l'adoption d'une monnaie commune. La portée de ces questions est large et profonde. Elles sont très intéressantes. Nous avons à peine commencé à débattre de ces questions, et les économistes du pays doivent se mettre au travail.

Cela dit, un aspect du débat actuel me dérange beaucoup. La question de la souveraineté nationale est traitée, comme l'a signalé M. Tellier l'autre jour, comme une diversion. On ne saurait trop insister sur le fait qu'il ne s'agit pas d'une diversion. J'estime que c'est un enjeu très important, et je crois que cette façon de promouvoir un marché commun nord-américain comme «quelque chose qui existe déjà en Europe» est profondément trompeuse, et je tenterai de vous expliquer pourquoi.

On peut affirmer que les gouvernements nationaux d'Europe ont cédé une part importante de leur souveraineté, mais ils l'ont cédée à des institutions européennes qui, en principe, sont comptables à l'électorat que servent ces gouvernements nationaux. Les Européens se plaignent beaucoup du déficit démocratique à l'échelon européen, et je crois qu'ils ont raison de le faire. Il y a de nombreux problèmes liés à la responsabilisation politique des institutions européennes devant l'électorat, mais les institutions existent.

En Amérique du Nord, on propose une intégration économique sans cadre institutionnel. Or, aux États-Unis, l'histoire montre que l'électorat américain est plutôt réfractaire à permettre à quiconque, outre les représentants élus, à prendre des décisions à leur place. Cette position de l'électorat américain me semble parfaitement raisonnable, mais cela signifie que si le Canada établit un périmètre commun avec les États-Unis, le gouvernement du Canada cède sa souveraineté non pas à une structure institutionnelle nord-américaine, mais bien au gouvernement élu d'un autre pays, qui n'aurait de comptes à rendre qu'à son électorat.

• 1855

C'est un mécanisme politique très différent de ce que l'on trouve en Europe. Cela correspond non pas aux relations entre des gouvernements nationaux au sein d'une nouvelle fédération, mais aux relations entre un protectorat et une mère patrie, comme c'était le cas au Canada avant la Première Guerre mondiale et pendant les années 20.

Encore une fois, je précise que je ne suis pas un expert de ces questions. Je crois que ces enjeux sont importants et doivent faire objet d'un débat. C'est non pas la souveraineté nationale qu'on cède au nom du gain économique, mais bien l'obligation des personnes qui prennent des décisions économiques de rendre compte en démocratie. Nous devons en prendre conscience et en débattre. J'ai déjà exprimé mon point de vue sur cette question, concernant l'union monétaire. C'est un enjeu beaucoup plus important lorsqu'on envisage l'intégration économique globale de l'Amérique du Nord.

Le dernier volet de mon mémoire du mois d'août portait sur la nouvelle économie. Laissez-moi 30 secondes pour en résumer le message.

Il semble y avoir une confusion en ce qui concerne la nature de la nouvelle économie. D'une part, on fait référence à une économie fondée sur les technologies de pointe, où la productivité, la croissance et la prospérité découlent de mesures pour encourager la science et le génie, et favoriser la coopération des universités, des entreprises et des industries avec les gouvernements provinciaux et fédéral; d'autre part, on parle d'une économie du savoir, marquée par une demande croissante pour une main-d'oeuvre très instruite, produite par nos universités, non seulement en sciences, mais aussi en sciences humaines et sociales.

Vous m'excuserez monsieur. Je n'ai pas l'habitude de faire cela, mais je vous lance un appel spécial. Je suis un spécialiste des sciences sociales, c.-à-d. que mes activités de recherche concernent le côté humain en économie. Notre pays court un grand danger, en raison du sous-financement sous forme de bourses de recherche et de subventions des gouvernements provinciaux.

Laissez-moi seulement réitérer le commentaire final du mémoire que j'ai préparé en août: les lois de la physique et les principes de l'ingénierie ne changent pas aux frontières nationales. S'il le voulait, le Canada pourrait tirer avantage de la recherche scientifique américaine.

Par contre, l'histoire et les institutions sociales et politiques changent lorsqu'on franchit les frontières nationales. Si nous ne les étudions pas nous-mêmes, si nous tirons avantage de la recherche d'autres pays sur ces questions, nous cesserons d'être une nation. Je crois que nous courons le risque d'étrangler les sciences sociales et humaines au pays, en ne lui offrant, vraiment, que très peu de soutien. Nous ne demandons pas grand chose.

Merci. Je m'arrête ici.

Le président: Merci beaucoup, monsieur Laidler. C'est un commentaire très intéressant. Je suis certain que nous reviendrons à la question de l'intégration nord-américaine.

Madame Heather Munroe-Blum, bienvenue.

Mme Heather Munroe-Blum (vice-présidente, Recherche et Relations internationales, Université de Toronto): Monsieur le président, membres du comité, c'est toujours un plaisir de venir présenter un exposé. Nous pouvons aussi dire que vous nous avez manqué l'an dernier, et nous sommes heureux de vous revoir cette année.

Mon message est en deux volets. D'abord, je tiens à vous remercier de tout ce que vous avez fait au cours des dernières années pour investir dans la cause de la connaissance, du talent et de l'innovation. Je vous invite à maintenir le cap, à continuer d'aller de l'avant.

Tout d'abord, laissez-moi mentionner que nous avons déjà présenté un témoignage à ce sujet. J'ai eu le plaisir de servir à titre de vice-présidente de la Recherche et des Relations internationales à l'Université de Toronto. C'est donc, bien sûr, à ce titre que je représente ce grand établissement canadien. J'ai eu aussi le plaisir d'agir comme conseillère en matière de politiques scientifiques auprès des gouvernements du Canada et de l'Ontario. Au cours des deux dernières années, j'ai exercé les mêmes fonctions auprès des gouvernements des États-Unis, de l'Allemagne et de la Suisse.

À la lumière de toute mon expérience, je dirais que les investissements du gouvernement du Canada au cours des dernières années, dans le cadre des Instituts de recherche en santé du Canada, du remarquable Programme des chaires de recherche du Canada, de Génome Canada, de la Fondation canadienne pour l'innovation et du programme des Réseaux de centres d'excellence, sont tous extraordinairement importants. Nous commençons déjà à constater un renforcement de notre capacité de conserver et d'attirer de grands penseurs au Canada.

• 1900

À titre d'exemple, mentionnons Bob Birgenau, président de l'Université de Toronto et un grand physicien de classe mondiale, qui, il y a cinq ans, ne serait pas revenu au Canada. Le Programme de chaire de recherche du Canada a largement contribué à le convaincre de quitter le Massachusetts Institute of Technology pour revenir au Canada. Il est titulaire d'une bourse de la Fondation canadienne pour l'innovation et d'une subvention du CRSNG. M. Birgenau fait partie d'un nombre croissant de grands penseurs qui perçoivent le Canada comme l'endroit où ils traceront leur avenir.

Il est important, dans ce contexte, de mentionner les grands chercheurs et scientifiques, comme M. Laidler, avec lequel je n'ai pas eu le plaisir de collaborer avant la rencontre d'aujourd'hui. Je tiens à souligner à quel point il est important de reconnaître l'importante contribution de personnes de talent dans tous les domaines de recherche, en sciences sociales et humaines, ainsi qu'en sciences physiques, en sciences de la vie et en génie. À cet égard, on commence à voir les retombées réelles de vos investissements.

Je veux vous encourager fortement à maintenir le cap et à vous pencher particulièrement sur trois aspects qui, selon nous, sont nécessaires pour créer un cadre stratégique efficace et internationalement concurrentiel au chapitre de la recherche et de la science.

Premièrement, laissez-moi vous parler des coûts indirects de la recherche. Je sais que vous avez entendu le témoignage de l'Association des universités et collèges du Canada sur cette question. Vous avez investi dans l'infrastructure de recherche par l'entremise du Programme de chaires de recherche du Canada.

Nous croyons qu'il est crucial de veiller à ce que le Canada puisse faire concurrence avec les États-Unis, le Royaume-Uni et de nombreux pays d'Europe occidentale pour ce qui est d'assumer une plus grande part des coûts de recherche que les universités engagent dans le cadre de recherches financées par les conseils fédéraux de subvention de la recherche.

On a démontré que les recherches effectuées grâce à des subventions octroyées par les conseils fédéraux de recherche imposent des coûts supplémentaires, de l'ordre de 40 p. 100, aux universités, sous forme d'infrastructure de soutien, comme l'examen déontologique, les installations et les services qui soutiennent la recherche, l'administration de la recherche, l'entretien des laboratoires, les bibliothèques, etc.

À l'heure actuelle, les universités canadiennes ne reçoivent aucune aide financière des conseils fédéraux de recherche à l'égard de ces coûts. Cela signifie qu'on punit sévèrement la réussite. Pour chaque bourse qu'elle touche, l'université doit puiser dans la subvention de fonctionnement provinciale, destinée au soutien des étudiants, pour couvrir les coûts liés à la recherche.

De fait, nous croyons que la recherche devrait être mise à contribution pour améliorer la qualité de la préparation de la prochaine génération de Canadiens, au lieu de la miner, comme c'est le cas présentement avec le recouvrement des coûts liés à la recherche. Nous vous demandons instamment d'envisager la possibilité de traiter de façon prioritaire une hausse de 40 p. 100 des bourses consenties par les conseils fédéraux de subvention à la recherche. Nous croyons que cela contribuerait largement à la réalisation de l'objectif important du gouvernement du Canada de passer de la quinzième à la cinquième place au chapitre de l'investissement dans la R-D.

Deuxièmement, en parallèle avec le recouvrement des coûts indirects auprès des conseils fédéraux de subventions à la recherche, nous demandons instamment une croissance soutenue des budgets de ces conseils. Nous ne croyons pas que les chercheurs et les universitaires canadiens ont besoin d'une parité totale avec les chercheurs et les universitaires américains. De fait, nous avons montré notre incroyable efficience au chapitre de la recherche de haut calibre.

Nous croyons cependant avoir besoin d'un niveau de soutien suffisant. Nous le demandons instamment aux trois conseils fédéraux de subvention à la recherche, soit le Conseil de recherches en sciences humaines, les Instituts de recherche en santé du Canada et le Conseil de recherches en sciences naturelles et en génie.

Enfin, pour ce qui est d'investir dans la prochaine génération, nous vous prions avec insistance d'envisager sérieusement la possibilité d'améliorer le soutien aux étudiants des études supérieures dans le cadre d'une participation fédérale accrue à la recherche.

• 1905

Je tiens à souligner, par exemple, que de grandes universités américaines, comme le MIT, sont conscientes de la qualité des études supérieures au Canada et ciblent systématiquement les étudiants canadiens afin de les recruter dans leurs programmes d'études supérieures, car elles comprennent qu'il est très avantageux d'offrir un soutien complet aux étudiants des études supérieures.

Il est très clair que le gouvernement fédéral joue un rôle dominant au chapitre de la recherche en soutenant les étudiants des études supérieures, sous forme de soutien à l'entreprise de recherche et d'un investissement très important dans un personnel hautement qualifié pour le Canada.

Avant de terminer, je tiens à vous remercier de nouveau de ce que vous avez fait jusqu'à maintenant, et à vous inviter à maintenir votre investissement dans l'innovation. Des données solides, au pays et à ailleurs, montrent qu'aucun investissement ne favorise autant le bien-être social et économique d'un pays que l'investissement dans le talent et la connaissance.

Nous savons que les événements du 11 septembre ont créé une nouvelle incertitude économique. Lorsque j'entends mes concitoyens présenter leurs diverses causes, je constate que les Canadiens sont très préoccupés par l'équité et la justice sociale, l'investissement dans les gens du Canada et le renforcement de la capacité, mais je tiens à vous rappeler que le meilleur moyen de répondre à ces besoins consiste à soutenir pleinement les universités et leur capacité de mener des recherches et de former la prochaine génération.

Pour terminer, je tiens à dire que les universités canadiennes font leur part et sont très déterminées à procurer des avantages au Canada et aux collectivités qu'elles servent, en réalisant leur plein potentiel et, de fait, en mettant leurs connaissances et leur talent au profit des collectivités.

Merci beaucoup.

Le président: Merci.

Nous passons donc à la période de questions, et tous les participants disposent de cinq minutes.

Monsieur Solberg.

M. Monte Solberg: Merci beaucoup, monsieur le président et merci à tous les témoins. Les exposés étaient plutôt variés aujourd'hui.

Certains points soulevés par M. Laidler m'intriguent, et je veux commencer par là.

Premièrement, monsieur Laidler, j'aimerais que vous expliquiez un aspect à certains de mes collègues du comité. D'après ce que j'ai compris, vous ne croyez pas qu'il soit approprié pour le gouvernement de s'ingérer et d'injecter beaucoup d'argent maintenant, par l'entremise de la politique budgétaire, en raison du ralentissement économique. Est-ce que j'ai bien compris?

M. David Laidler: Oui, car, premièrement, le ralentissement était déjà amorcé avant le 11 septembre. Nous avions déjà mis en place une importante baisse d'impôt au début de l'année. De plus, la politique monétaire prévoyait déjà une baisse des taux d'intérêt.

L'autre aspect soulevé dans mon mémoire du mois d'août est une préoccupation en ce qui concerne la taille de la dette fédérale et l'importance de l'intérêt appliqué annuellement à la dette fédérale. J'ai choisi comme unité de compte le revenu de la taxe sur les produits et services pour un an, et je suis très heureux de constater que l'intérêt sur la dette fédérale correspond désormais à un peu moins de deux ans de revenu de la taxe sur les biens et services. Cela met les choses en perspective.

Le 11 septembre a eu des retombées, mais je crois qu'elles sont d'ordre monétaire. Nous avons déjà pris des mesures à cet égard, et il est possible que nous en prenions d'autres.

Les problèmes d'entreprises comme Air Canada et de divers secteurs, comme les secteurs du tourisme et du divertissement, sont liés à la structure de la demande globale. La situation se rétablira, ou elle ne se rétablira pas. Si elle ne se rétablit pas, il n'y a pas lieu d'injecter des ressources dans un secteur dont le produit a connu une chute permanente de sa demande. Il faut plutôt affecter ces ressources aux secteurs où la demande a augmenté.

Je réitère, donc, qu'une modification globale de la politique budgétaire ne semble pas indiquée, et que la pire façon de réagir à une crise touchant la productivité serait de tenter de la combattre avec la demande.

M. Monte Solberg: D'accord. Monsieur le président, j'ai soulevé cette question parce que je suis certain d'avoir entendu le ministre des Finances parler en Chambre d'un programme d'infrastructure visant à stimuler l'économie. J'ai l'impression qu'un programme d'infrastructure de six milliards de dollars aurait bien peu d'effet pour stimuler une économie de un billion de dollars.

Cela dit, j'aimerais passer à autre chose. Je suis très intéressé par ce que vous avez dit sur l'intégration avec les États-Unis. Vous avez soulevé un point très important lorsque vous avez mentionné que nous ne sommes pas dotés d'institutions canado-américaines pour assurer une telle intégration, mais pourquoi ne pourrions-nous pas conclure une série de traités, comme nous l'avons fait avec l'ALENA, afin de réglementer l'harmonisation des lois régissant l'immigration et certains autres aspects qui, en Europe, sont traités, d'une certaine façon, par un corps législatif? Pourquoi ne pourrions-nous pas y arriver de cette façon?

• 1910

M. David Laidler: Je ne suis pas un expert sur la question, mais je crois qu'un congrès américain qui adopte la loi Helms-Burton ne serait pas disposé à faire trop de concessions au Canada au chapitre de la politique étrangère. Bien sûr, le commerce et la politique d'immigration relèvent de la politique étrangère. Il ne s'agit pas uniquement d'affaires économiques.

J'aimerais vous présenter un autre exemple: au moment de négocier l'ALENA, des gens comme moi ont tenu pour acquis que l'entente s'assortirait d'une définition du terme «subvention». Mais ce n'était pas le cas. Nous n'avons pas été en mesure de négocier une telle définition. Nous avons donc chargé des groupes spéciaux d'assurer l'exécution des lois commerciales canadiennes ou américaines. Le Congrès américain n'était même pas disposé à établir une forme d'exemption dans le droit commercial américain à l'intention du Canada.

Au cours de son histoire, le peuple américain s'en remet presque exclusivement à son Congrès. Cette attitude n'est pas née au cours des cinq dernières années. Je crois que la création d'institutions nord-américaines sera longue et ardue. Je crois que nous devons faire attention de ne pas céder l'obligation de rendre compte à l'électorat canadien à l'égard d'enjeux dont l'électorat canadien devrait pouvoir tenir ses décideurs responsables, comme la politique étrangère, la politique relative aux réfugiés, la politique d'immigration et la politique monétaire. C'est un problème énorme, car les aspects économiques sont un aspect important de l'intégration nord-américaine.

Le président: Monsieur Laidler, si, dans deux ou trois ans, on devait lancer une campagne électorale et on soulevait cette question d'intégration continentale—des enjeux comme la politique énergétique, l'eau et une foule d'autres aspects—et que le peuple canadien vote pour le parti favorable à une intégration nord-américaine, quelles seraient vos exigences au chapitre de la «responsabilité» démocratique?

M. David Laidler: Je crois que je n'aurai pas le choix et que je devrai m'y faire. Mais cela aurait de telles répercussions sur le corps politique au Canada que je ferais beaucoup de bruit pour qu'on tienne un référendum sur la question. Je ne crois pas que je voudrais passer simplement par une élection, car le résultat est souvent influencé par de nombreux enjeux. Je crois que je voudrais qu'on tienne un référendum demandant clairement à la population si elle veut céder une part considérable de pouvoir au congrès américain en ce qui concerne la politique étrangère du Canada, et qu'il faudrait obtenir une claire majorité.

Le président: N'est-il pas clair que l'économie nord-américaine est, de fait, déjà intégrée?

M. David Laidler: L'économie nord-américaine est fortement intégrée, mais elle ne constitue pas, par exemple, un marché commun. Il faut encore obtenir des certificats d'origine pour la marchandise qui traverse la frontière, ce qui, d'après ce que j'ai compris, est une source d'ennui pour les exportateurs canadiens. Cela empêche les gens d'investir au Canada plutôt qu'aux États-Unis.

En établissant un marché commun, on pourrait se débarrasser des certificats d'origine. Ce serait très avantageux, mais, en même temps, on renoncerait à l'importation de cigares cubains. Je ne fume pas le cigare, mais certains croient qu'il est important de laisser aux membres de l'électorat canadien le droit de choisir leurs partenaires commerciaux. Ce sont des aspects de ce genre qui, je crois, sont en jeu.

Le président: Manifestement, vous soulevez un exemple. Je suis certain que nous n'allons pas lancer un débat sur l'amélioration du niveau de vie à cause des cigares cubains.

Je crois que le point que vous faites valoir, et qui est, selon moi, l'argument que soulèvent toutes les personnes qui souhaitent qu'on discute davantage de cette question, c'est que certains enjeux devront faire l'objet de débats.

M. David Laidler: Je suis tout à fait d'accord avec cela, monsieur. Au moment de rédiger mes remarques supplémentaires, j'ai réagi aux manchettes selon lesquelles la souveraineté est une diversion. Je ne crois pas que ce soit le cas. Je crois qu'il s'agit d'un enjeu politique très important et qu'il faut en débattre d'une façon approfondie, tout comme des aspects économiques.

Le président: Je suis d'accord avec vous.

Désolé, monsieur Solberg, je vous ai volé une minute. Allez-y.

M. Monte Solberg: Monsieur Laidler, je crois que vous avez soulevé de nombreux bons points.

J'aimerais maintenant m'attacher à l'une de ces questions, soit celle de la monnaie. J'ai toujours cru, franchement, que l'intégration économique mènerait probablement à la dollarisation au Canada. Quelle est votre opinion sur cette question? Les équipes de sports professionnels paient leurs joueurs en dollars américains, un nombre croissant de gens d'affaires sont payés en dollars américains, et on trouve plus de comptes en dollars américains que jamais au Canada—bien sûr, c'est mon impression—n'est-ce pas le moyen le plus probable d'établir une forme de monnaie commune entre le Canada et les États-Unis? Rien d'officiel—je ne crois pas que les citoyens sont prêts pour cela.

• 1915

M. David Laidler: C'est possible. Je ne serais pas contre. Je crois fermement à la souveraineté du consommateur, mais je ne pense pas qu'un taux de change souple favorise une telle souveraineté. La possibilité de dollarisation volontaire est beaucoup plus grande si on tente de fixer le taux de change, et le public commence à douter de la validité du taux établi. C'est ce qui s'est produit en Argentine.

J'aimerais maintenant revenir sur les données concernant l'importance des comptes en dollars américains. La dernière fois que j'ai regardé, il y a environ 18 mois, quelque 10 p. 100 des comptes bancaires au Canada étaient en dollars américains. Ce taux est inférieur à ce que l'on trouvait pendant les années 70, je crois.

Les chiffres ont peut-être changé au cours des 18 derniers mois. Il y a quelques mois, un journal annonçait un chiffre tout à fait absurde, environ 60 p. 100. Il s'agissait tout simplement de l'erreur d'un économiste américain qui avait consulté les mauvais tableaux dans la Revue de la Banque du Canada.

M. Monte Solberg: J'ai juste une dernière question. Les événements du 11 septembre auront-ils de répercussions sur cet aspect? Je ne suis pas certain de savoir comment interpréter la situation. Lorsqu'il y a de l'incertitude dans le monde, on a tendance à se tourner vers la sécurité, c.-à-d. l'or et les dollars américains. Cependant, puisque les événements concernent les États-Unis, c'est peut-être moins le cas.

Croyez-vous que les événements récents entraîneront un exode des capitaux aux États-Unis, ou, puisque les événements concernent surtout les États-Unis et ont surtout lieu en sol américain, est-il improbable que cela se produise?

M. David Laidler: Le seul exode de capitaux que j'ai remarqué est une conversion temporaire au franc suisse, le jour même. Le dollar canadien est demeuré à peu près au niveau où l'on s'attendrait qu'il soit, en raison de facteurs fondamentaux liés largement au prix des marchandises.

M. Monte Solberg: Oui. Merci.

Le président: Merci.

Monsieur Nystrom.

M. Lorne Nystrom: Monsieur Laidler, je partage votre opinion selon laquelle la souveraineté n'est pas une diversion, et il n'est pas seulement question des cigares cubains que Mme Bennett ne pourrait pas fumer ou de l'interdiction de se rendre à Cuba. On peut aussi penser aux lois américaines régissant la marijuana, les armes à feu et une foule d'autres aspects. Ce serait comme une souris qui dort avec un éléphant. On sait bien qui dominerait lorsque viendrait le temps de prendre des décisions.

Pour ce qui est de faire trancher la population à l'occasion d'une campagne électorale nationale, je tiens à souligner que la plupart de nos gouvernements majoritaires sont faussement majoritaires, car ils sont élus par une minorité d'électeurs. Brian Mulroney en est un bon exemple. Il a obtenu de 40 p. 100 à 41 p. 100 du vote sur l'entente cruciale de libre-échange avec les États-Unis, alors que la majorité des répondants au sondage se disaient contre cette entente. Les deux partis qui ont mené une campagne contre cette entente ont décroché 60 p. 100 des votes.

On se retrouve donc avec un problème en ce qui concerne l'adoption d'une loi par un gouvernement majoritaire et il faut tout simplement s'y faire. Depuis les années 20, je crois que seulement trois gouvernements majoritaires ont été élus par une majorité d'électeurs. Il y a deux solutions possibles, savoir la tenue d'un référendum national ou l'adoption d'un système de représentation proportionnel, où chaque vote est traité de façon égale partout au pays, comme c'est le cas dans la plupart des pays du monde.

Il y a aussi certains enjeux soulevés par le président lorsqu'il a parlé de la possibilité que cet aspect devienne un enjeu électoral, et qu'un gouvernement majoritaire soit élu grâce à cette plate-forme. Cela pourrait aller à l'encontre des désirs de 60 p. 100 des électeurs canadiens. C'est donc un enjeu très important.

J'aimerais maintenant revenir à la question des institutions. Vous avez raison, la grande différence tient au fait que les Européens sont dotés d'institutions politiques ayant l'obligation de rendre compte. Il y a le Parlement de Bruxelles, qui est une institution très importante en ce qui concerne la reddition de comptes à l'électorat. On peut aussi penser à la Banque centrale européenne, pour ce qui est de l'euro.

Un certain nombre de pays européens sont plus ou moins de la même taille, comme l'Allemagne, la France, la Grande-Bretagne, l'Italie, etc. On a donc un certain équilibre entre les grandes puissances, ce qui n'est pas le cas entre nous et les États-Unis. C'est une culture tout à fait différente.

Pourriez-vous nous mentionner d'autres institutions européennes qui n'ont pas d'équivalents ici, et nous présenter ce qui, selon vous, se produirait si M. Bevilacqua détrônait M. Chrétien, menait le Parti libéral à une victoire, avec 37 p. 100 du scrutin et mettait en oeuvre l'intégration avec les États-Unis, avec une monnaie et un périmètre communs.

Il est rusé. Je sais que Paul Martin tremble à l'idée de voir Maurizio...

M. David Laidler: Pour commencer, il y a le Conseil européen, qui constitue essentiellement un regroupement des chefs des gouvernements nationaux. Le Conseil est censé être l'organisme le plus important. La reddition de comptes passe par le Conseil. Il y a un Parlement européen, à l'égard duquel trop peu de personnes votent. Ses pouvoirs sont limités, mais le gouverneur de la Banque centrale européenne doit rendre compte au Parlement européen assez régulièrement.

• 1920

Mentionnons aussi la Commission européenne, dont l'obligation de rendre compte n'est pas aussi forte, et de nombreux Européens sont très préoccupés par cela. Il y a aussi la Cour européenne. Il existe une diversité d'accords unissant certains pays. L'Accord Schengen sur l'immigration en est un exemple. Les Britanniques ne sont pas partie à cette entente. Ces institutions ont commencé à prendre forme dans les années 50.

M. Lorne Nystrom: La politique agricole.

M. David Laidler: Il existe effectivement une politique agricole commune, et elle constitue l'un des compromis politiques qui ont mené à la création du marché commun initial. Nous ne sommes pas dotés de ces organes, et je ne crois pas qu'il est possible de les obtenir.

Je suis préoccupé par les mécanismes redditionnels qui seraient adoptés. À qui pourrais-je m'adresser concernant la politique étrangère? Je ne serais pas représenté au congrès américain.

M. Lorne Nystrom: Je suis d'accord avec votre analyse de ce qui pourrait se produire si nous devions aller dans cette direction. Qu'arriverait-il au chapitre de l'exportation d'eau aux États-Unis? Qu'adviendrait-il de notre système de soins de santé sous le régime de l'ALENA, compte tenu du fait que la plupart des Américains trouvent notre système public inacceptable?

Les gens de ma région accordent beaucoup d'importance à la Commission canadienne du blé. La plupart des Américains la perçoivent comme très injuste. Les offices de commercialisation et une foule d'autres organismes divers sont propres au Canada dans le contexte nord-américain. Mais ces organismes ne sont pas uniques lorsqu'on regarde ce qui se passe en Europe et ailleurs dans le monde.

Encore une fois, j'avancerais que tous ces organismes courent de grands dangers si on tente d'intégrer l'économie des deux pays.

M. David Laidler: Vous avez raison. J'apprécie certaines de ces institutions, d'autres moins, mais ce que j'apprécie plus que tout, c'est d'avoir la possibilité de me prononcer à l'égard de ces organismes.

M. Lorne Nystrom: Oui. Essentiellement, ce que vous dites, c'est que, à titre de Canadiens, nous devrions avoir le droit de décider si nous aimons ou si nous n'aimons pas ces institutions—comme l'Accord de libre échange.

Le président: Le principal aspect soulevé par M. Laidler est la nécessité de tenir un débat. Par exemple, nous parlons de l'eau. J'aimerais demander aux témoins ce qui se produirait si, un jour, les États-Unis, pour une raison quelconque, connaissaient une pénurie d'eau et se présentaient au Canada en disant: «Nous sommes à sec, nous avons soif, pouvez-vous nous aider?»

Lorsqu'on envisage les politiques gouvernementales, il faut toujours songer à une diversité de scénarios ou de possibilités. Il faut non pas se contenter d'y réfléchir lorsque le problème se présente, mais bien envisager divers scénarios afin d'avoir des solutions lorsque ces scénarios se réalisent.

M. David Laidler: Si les États-Unis devaient connaître une pénurie d'eau, cette pénurie tiendrait à l'application, de longue date, d'une politique économique malsaine en ce qui concerne la gestion de l'eau.

Deuxièmement, à titre d'économiste, je me dois de signaler que l'eau devient une ressource limitée. Nous devons réfléchir à la façon de la répartir. Cela signifie que nous devons établir un système de droits de propriété et songer à établir une réglementation gouvernementale. Nous devons nous demander à quel point les mécanismes du marché fonctionneraient. Surtout lorsqu'il est question d'eau, nous devons mener des recherches afin d'évaluer l'ampleur des répercussions environnementales. Par exemple, qu'arriverait-il si on puisait de l'eau dans les rivières qui se déversent dans l'Arctique? Nous ne le savons pas.

Le président: C'est exactement ce que je veux dire. Vous avez soulevé cinq ou six enjeux qui, selon moi, doivent faire l'objet d'un débat national, de recherche et d'une politique gouvernementale. C'est ce que nous devons faire à l'égard de cette question et de nombreuses autres questions.

Madame Bennett, que suggérez-vous?

Mme Carolyn Bennett: Il faut commencer par la recherche. On ne peut tenir un débat si on ne connaît pas les faits.

Tout d'abord, je tiens à remercier Margaret Dinsdale de nous avoir raconté son histoire. Je crois que ces récits contribuent à former l'opinion publique et, par conséquent, à faire avancer les politiques gouvernementales. J'ai tenté de faire la même chose en présentant un récit comparable au ministre ontarien des Services sociaux et communautaires. J'espère que vous présenterez aussi votre mémoire au gouvernement provincial. Je salue le fait que toutes vos recommandations relevaient du gouvernement fédéral. C'est une rareté pour notre comité, alors je vous en remercie.

• 1925

Je veux aussi remercier M. Wittenberg et Mme Espey. Je crois que vous avez trouvé des solutions très spécifiques à des problèmes qui existaient il y a un an, voire même au cours de l'été, et c'est le genre de choses que le comité apprécie. Le fait de soulever des problèmes n'est pas toujours aussi efficace que le fait de trouver des solutions. J'aimerais seulement poser quelques petites questions.

En ce qui a trait à la prestation de santé, faudrait-il qu'elle fasse l'objet d'une recommandation du médecin de l'enfant, de façon à ne pas devoir...? Comment procéderait-on? Je n'ai pas besoin d'aller parler de mon angoisse et de ma dépression à mon médecin. Le médecin de l'enfant devrait être en mesure de recommander cette prestation pour le parent.

M. Jean-Victor Wittenberg: Oui, je crois que ce serait très sensé. C'est le médecin de l'enfant ou de la famille qui est au courant de ce qui se passe au sein de cette famille, qui connaît les exigences, les pressions qui découlent de la maladie de l'enfant. Il connaît le défi que représente un enfant malade.

Mme Carolyn Bennett: J'espère seulement que, même s'il n'y a pas d'argent dans ce budget pour prendre ces mesures immédiatement, vous demanderez au gouvernement fédéral, comme certaines d'entre nous le font au sein du caucus des femmes, à montrer l'exemple en créant un milieu de travail favorable à la famille. À titre de premier employeur en importance au Canada, nous devrions, je crois, commencer par nous-mêmes, et j'espère que vous soumettrez cette question à Mme Robillard afin de voir ce que nous pouvons faire.

Ensuite, concernant les services communautaires, je me demandais si vous aviez tenu des discussions avec l'ACIC, qui a témoigné plus tôt ce matin, concernant son mémoire sur le soutien et les services dans le cadre d'une stratégie fédérale globale en matière d'invalidité, car je crois que vous partagez beaucoup d'idées. J'ai présenté votre mémoire aux représentants de l'ACIC ce matin, et ils l'ont bien apprécié.

M. Jean-Victor Wittenberg: Nous avons commencé à communiquer.

Mme Carolyn Bennett: Fantastique.

Depuis le début des séances, je crois qu'on a mentionné le coût indirect de la recherche à l'occasion de toutes les tables rondes. Nous vous remercions de vos remerciements, mais, puisque ma province paie moins d'argent par université que, je crois, toute autre province, j'ai de la difficulté à comprendre... Après l'argent consenti aux IRSC, à la FCI et à d'autres organismes du genre, vous voulez maintenant 40 p. 100 de ce que je croyais relever du TCSPS, et la possibilité, donc, de choisir l'infrastructure et... C'est comme venir nous dire «Merci pour la fête, mais vous n'avez pas payé la femme de ménage». Je trouve cela difficile à comprendre, car beaucoup d'entre nous avons lutté pour que des fonds supplémentaires soient consentis aux IRSC; nous voulons que ce budget atteigne le plus tôt possible la barre du milliard de dollars. Dites-vous que vous préférez faire cela que recevoir l'argent des IRSC, s'il n'y a qu'un certain montant d'argent?

Mme Heather Munroe-Blum: Je dirais que nous avons besoin d'une politique efficace au chapitre de la recherche et de la science, ce qui suppose, d'abord et avant tout, d'assumer la totalité des coûts directs de la recherche effectuée, chose que le conseil subventionnaire fédéral, par exemple, ne peut faire à l'heure actuelle.

Mme Carolyn Bennett: Existe-t-il une règle qui lui interdit de verser des fonds pour les coûts indirects?

Mme Heather Munroe-Blum: Oui, à l'heure actuelle le conseil ne peut pas le faire, mais si on sortait de telles sommes de son budget de fonctionnement actuel, on nuirait réellement à l'ensemble des activités de recherche.

Pour ce qui est de la fête sans la femme de ménage, je ne peux que répéter que nous tentons d'évoluer dans un système de concurrence internationale et de miser sur notre talent et notre capacité de générer des connaissances et, franchement, appliquer ces connaissances. Nous avons présenté des observations au gouvernement provincial quant au niveau de la subvention de fonctionnement—je croyais que je n'allais pas vous faire perdre du temps avec cela, mais vous pouvez imaginer à quel point nous travaillons dur à cet égard. Cela dit, les gouvernements provinciaux, du moins ceux de l'Ontario, du Québec et de l'Alberta, offrent un recouvrement complet des coûts de recherche liés aux bourses de recherche consenties aux universités. Le gouvernement du Canada est le seul gouvernement fédéral parmi les pays les plus industrialisés qui n'offre pas un tel recouvrement par l'entremise de ses conseils subventionnaires. La capacité des universités de commercialiser le produit de la recherche à l'avantage de tous les Canadiens est une question importante pour le public canadien, et, pourtant, il n'y a pas de soutien à cet égard.

• 1930

Si on envisage les coûts liés à l'administration de la recherche, à l'examen déontologique de la recherche, aux bibliothèques, etc., qui soutiennent nos travaux de recherche, ces coûts sont actuellement couverts par la subvention de fonctionnement provinciale. Croyons-nous que la subvention de fonctionnement provinciale peut être plus généreuse? Certainement. Il n'y a pas de doute là-dessus. Cependant, le fait d'exercer des pressions supplémentaires afin que la province soutienne des recherches jouissant d'un financement fédéral pour qu'elles atteignent un niveau s'approchant, ne serait-ce qu'un peu, de celui des États-Unis, du Royaume-Uni et d'autres pays, il faut que nous allions plus loin.

Si vous augmentez le budget des conseils subventionnaires sans accroître notre capacité de recouvrer les coûts indirects, le système universitaire s'embourbera davantage. Est-ce que cela signifie que vous ne devriez pas consentir plus d'argent aux conseils subventionnaires? Non. Est-ce que cela signifie que vous ne devriez pas consentir plus d'argent au Conseil de recherches en sciences humaines? Non. Mais vous devez permettre aux universités de soutenir ces activités de recherche efficacement, sans punir les étudiants.

Mme Carolyn Bennett: Peut-être que M. Laidler aimerait ajouter quelque chose? Si le comité pouvait trouver les fonds nécessaires, vous ralentiriez l'accroissement des budgets des conseils subventionnaires afin que l'on couvre vos coûts indirects?

Mme Heather Munroe-Blum: Certainement. Nous ne pouvons plus nous permettre de toucher des subventions de recherche sans possibilité de recouvrement des coûts indirects, et, comme je l'ai déjà dit, on punit systématiquement la réussite si on consent plus de subventions de recherche sans contribuer aux coûts indirects.

Idéalement, je dirais qu'il faut prévoir un accroissement pluriannuel des budgets pour ces deux aspects. Laissez-nous savoir que nous exerçons nos activités dans un environnement prévisible qui nous permet d'utiliser efficacement nos talents et de savoir que, dans quatre ans, nous atteindrons un certain niveau, au chapitre tant des subventions consenties par les conseils que du recouvrement des coûts indirects. On pourrait donc prévoir un accroissement progressif au chapitre des 40 p. 100 nécessaires pour les coûts indirects et de l'aide consentie par les conseils subventionnaires.

M. David Laidler: J'aimerais seulement ajouter que le manque de fonds pour les frais généraux a de graves répercussions.

Dans mon mémoire du 1er août, j'ai mentionné que si on additionnait le revenu touché grâce aux frais de scolarité et toutes les unités de revenu de base par étudiant du département où j'enseigne, et que l'on comparait la somme à la subvention de fonctionnement consentie à notre département par l'université, on constaterait qu'il manque 12 millions de dollars. Cela correspond à prendre 2 000 $ par étudiant du Département de sciences sociales de l'université Western Ontario pour financer d'autres activités de l'université. L'administration de l'université m'a laissé savoir qu'une part plutôt importante de cette somme est affectée aux frais généraux, ce qui permet à l'université d'accepter des subventions en sciences et en génie.

Si mon département connaît une autre année comme l'année dernière—pendant laquelle cinq permanents ou titulaires d'un poste conduisant à la permanence ont démissionné, pour être remplacés par une seule personne—, nous ne pourrons plus fonctionner. Nous sommes à ce point près de l'effondrement; et c'est là un des facteurs en cause.

Mme Carolyn Bennett: Mais souhaitez-vous que les règles que respectent les conseils subventionnaires soient modifiées? À un moment donné, nous avons entendu dire que vous vouliez un fonds distinct pour assumer les coûts indirects. Comment devrions-nous agir, de fait, pour aller de l'avant? Comment nos conseils de recherche ont-il fini par être déphasés par rapport à toutes les subventions à la recherche—et quelle est vraiment la solution à long terme de ce problème, des règles différentes pour les conseils subventionnaires?

Mme Heather Munroe-Blum: Eh bien, des règles différentes... Si vous faites cela avec le budget dont ils disposent à l'heure actuelle, vous allez tuer l'investissement qui est fait depuis quelques années. Le mécanisme qui est proposé consiste à garder constants les budgets des conseils, à les faire augmenter sur une période de cinq ans, mais de pair avec cette croissance, on ajouterait un volet qui serait administré par les conseils subventionnaires fédéraux, mais en dehors de leurs budgets actuels. Cela pourrait se faire à la manière des NIH: administrer les coûts indirects en en faisant un complément aux bourses versées aux universités.

• 1935

Le président: Merci beaucoup, madame Bennett.

Monsieur Murphy, puis monsieur Brison.

M. Shawn Murphy: Merci beaucoup, monsieur le président.

Ma première question s'adresse à M. Grills, de la Writer's Union. La recommandation que vous formulez, selon laquelle les subventions de subsistance qui vous sont versées devraient être exonérées d'impôt, me laisse perplexe. À mon avis, cela serait contraire à la politique fiscale du Canada telle que nous la connaissons. Vous dites que c'est pour la subsistance, mais il existe tout de même un revenu minimal pour lequel vous ne versez pas d'impôt. Si cette possibilité était offerte aux écrivains, je crois qu'il faudrait l'offrir à tous—les travailleurs saisonniers, tous les gagne-petit du Canada.

Je ne sais comment on pourrait jamais arriver à faire respecter, adopter ou mettre à exécution une telle mesure dans le cadre de notre régime fiscal. Vous pourriez peut-être nous donner des précisions.

M. Barry Grills: Pour mettre les choses en contexte, disons qu'à un moment, la subvention du Conseil des arts du Canada se situait à 32 000 $; maintenant, la subvention la plus importante du Conseil est de 20 000 $. J'indique cela à titre de référence. Le montant a diminué au cours des quelque dix dernières années.

Une subvention pour les «prêts de subsistance»: c'est la façon de le dire qui pose de la difficulté. Souvent, c'est tout le revenu que peut avoir un écrivain pour l'année en question.

Permettez-moi de donner un exemple personnel. Ce n'est pas une subvention du Conseil des arts du Canada; en fait, c'est une subvention du Conseil des arts de l'Ontario, une subvention pour une oeuvre évolutive que j'ai reçue moi-même. C'était une subvention de subsistance, mais comme j'ai reçu un chèque de redevances d'environ 6 000 $—c'était mon autre source de revenu—, et que j'ai reçu la subvention de 12 000 $, j'ai fini par avoir un revenu de 18 000 $ à la fin de l'année. J'ai donc remboursé 5 000 $ de la subvention sous forme d'impôts l'année suivante, au moment où j'en avais besoin pour payer le loyer et le chauffage.

Il y a cette difficulté, et c'est pourquoi nous traitons de la question de la fluctuation du revenu. Il faut quelques années pour écrire un livre. Il faut une autre année encore pour que l'éditeur fasse passer l'ouvrage par toutes les étapes de la production.

J'ai un livre qui doit paraître à l'automne prochain. Je vais recevoir une petite avance sur les redevances cette année, et j'ai reçu une autre petite avance sur mes redevances l'an dernier. Il m'a fallu deux années pour écrire ce livre, période pendant laquelle je n'avais parfois aucun revenu. J'ai vendu ma collection de disques et de livres. C'est la dure réalité que vivent les écrivains.

J'ai évoqué une statistique: 11 400 $ par année environ. Je tiens à souligner qu'il faut tenir compte du fait que les Marie Laberge de ce monde ont également participé à l'enquête. Si on songe donc aux véritables chiffres pour ce qui est de la moyenne, je crains que nous n'ayons un revenu à peine supérieur à celui des toiletteurs de chiens.

M. Shawn Murphy: Merci.

Ma prochaine question s'adresse à vous, monsieur Laidler.

Le président: Mme Dinsdale veut ajouter quelque chose.

Mme Margaret Dinsdale: Je ne suis pas sûre de connaître tous les faits entourant la question—et je me trompe peut-être—, mais l'Irlande, apparemment, n'impose personne dont le revenu provient d'activités artistiques, qu'il s'agisse de composer de la musique ou d'autres choses.

Je crois que cela fait partie de la tendance générale que nous avons à sous-estimer la valeur des activités artistiques. Les écoles insistent sur tout ce qui permettra aux gens d'obtenir un emploi. Les programmes de musique et les programmes d'arts font l'objet de compressions, alors que ce qui nous définit en tant que peuple, en partie, ce sont nos activités artistiques. Écouter Natalie MacMaster jouer du violon, c'est éblouissant. Voir une toile du groupe des Sept, c'est merveilleux.

M. Shawn Murphy: Michael Jackson serait intéressé par cette notion. Il pourrait la développer un peu.

Mme Margaret Dinsdale: Je suis sûre que les Américains sont nombreux à aimer Michael Jackson.

M. Shawn Murphy: Ma prochaine question s'adresse à vous, monsieur Laidler.

Si je comprends bien les reportages des médias, le Président Bush s'est engagé dans une campagne assez énergique pour non seulement refaire New York, mais également pour stimuler l'économie, avec l'injection d'environ 110 ou 115 milliards de dollars environ, je crois. Cela me semble être une politique financière.

Si je comprends vos observations, dois-je conclure que vous ne seriez pas d'accord avec cette initiative?

M. David Laidler: D'après ce que j'en sais, je ne le serais pas.

• 1940

M. Shawn Murphy: Mais vous devez en convenir, comme il le fait et que, comme nous l'avons entendu aujourd'hui, nous dépendons dans une certaine mesure de l'économie américaine, nous allons profiter de cette politique—ou nous devrions le faire.

M. David Laidler: Si vous croyez que la stimulation budgétaire aura vraiment un effet sur le PIB aux États-Unis et que vous croyez que cela se traduira par l'augmentation de la demande à l'égard des exportations canadiennes, il faut dire «oui». Mais de par sa nature, la participation de l'économie américaine est très semblable à celle que nous connaissons ici. C'est une question de confiance, c'est une question structurelle, c'est une question d'offre. Et on ne relance pas ces choses au moyen de mesures générales de stimulation budgétaire.

Bon, l'économie américaine semblait être sur le point de sombrer beaucoup plus profondément que l'économie canadienne avant le 11 septembre. Partant, il y aurait peut-être eu une marge pour une certaine stimulation budgétaire supplémentaire aux États-Unis—mais pas ici, puisque nous avons eu ces grandes réductions d'impôt au début de l'année. Mais je ne veux pas vraiment commenter cela, ma lecture des données n'étant pas parfaitement à jour.

M. Shawn Murphy: Pour reprendre le fil de la discussion que nous avons cet après-midi à propos de l'intégration économique du Canada et des États-Unis, je dirais que je suis d'accord avec vos observations. J'en conviens, si nous cédons sur une grande partie de nos douanes et notre immigration et nos lois, nous cédons essentiellement notre souveraineté. C'est vers cela qu'on se dirige. Mais si nous devons avoir ce débat que tout le monde recommande, ne mettriez-vous pas également sur la table l'union politique? À ce moment-là, nous serions responsables envers nos électeurs.

M. David Laidler: De fait, en dernière analyse, la différence entre un nationaliste et un libéral, c'est peut-être la volonté d'aller jusqu'au bout, de vouloir intégrer les États-Unis sous forme de quatre ou cinq États nouveaux. Je ne crois pas que cela se fasse.

M. Shawn Murphy: Non, moi non plus.

M. David Laidler: Pouvez-vous imaginer le Parti républicain en train de courtiser l'électorat canadien? Encore une fois, monsieur Murphy, je ne crois pas que cela se fasse.

M. Shawn Murphy: Non. Je ne préconise pas cela; je dis simplement que si les gens sont prêts à recommander toute cette intégration économique...c'est ce qui se trouve au bout de la pente savonneuse, pour ainsi dire.

Permettez-moi de vous poser une dernière question, s'il y a un élément que vous aimeriez voir dans ce budget—s'il advient et au moment où il advient—quel serait-il? Voilà, toute la pression est sur vous.

M. David Laidler: Je suppose que je reviendrais à la défense des intérêts particuliers. J'aimerais voir une augmentation des budgets des conseils de recherche. J'aimerais que l'on fasse quelque chose à propos des frais généraux, car cela va très mal de ce point de vue.

M. Shawn Murphy: Merci beaucoup.

M. David Laidler: Mais je défends là un intérêt particulier.

Le président: Merci beaucoup, monsieur Murphy.

Monsieur Brison.

M. Scott Brison: J'ai quelques questions rapides à poser. Je m'excuse auprès des témoins d'être arrivé en retard.

Monsieur Laidler, dans votre exposé mis à jour, pour la période suivant le 11 septembre, vous avez signalé que la position du Mexique—pour ce qui est de la possibilité d'une union douanière ou d'une entente sur un périmètre—a changé du fait des événements du 11 septembre, que le Mexique serait aujourd'hui plus susceptible de se trouver à l'extérieur de la boucle, qu'auparavant.

Il est intéressant de savoir que le Président Bush, en août, a fait une certaine déclaration. À un moment donné, il a dit que les États-Unis n'avaient pas de meilleur ami que le Mexique. À la mi-septembre, après le 11 septembre, il a déclaré que les États-Unis n'avaient pas de meilleur ami que la Grande-Bretagne. Quand on songe aux affinités de l'ex-gouverneur du Texas et actuel président des États-Unis pour le Mexique, croyez-vous vraiment que l'environnement depuis le 11 septembre a changé à ce point, en particulier avec M. Ashcroft, le Procureur général, qui parle de la porosité de la frontière canadienne et dit se soucier de l'intégrité de notre frontière?

M. David Laidler: Permettez-moi de souligner que je sais très peu de choses à propos de ce qui s'est passé au Mexique: tout ce que je sais, c'est ce que je lis dans The Economist. Si je ne m'abuse, le gouvernement mexicain a pris deux semaines pour se décider enfin d'appuyer le gouvernement américain après le 11 septembre. C'est ce que la revue The Economist me dit.

L'autre fait que je ne saurais oublier, c'est qu'il y a encore un petit mouvement autochtone au Chiapas qui s'adonne au terrorisme ou à un combat pour la liberté, selon le vocabulaire que vous voulez employer. Je ne sais pas très bien comment ce problème mexicain cadrerait avec une intégration continentale nord-américaine. Je ne cherche pas à me moquer du Mexique. Il y a là un problème grave que le Mexique devrait régler. Mais je ne vois pas comment on pourrait mettre un périmètre autour du sud du Chiapas.

• 1945

M. Scott Brison: Il y a l'armée de libération du Cap-Breton qui entre en campagne périodiquement, mais autrement il y aurait...

M. David Laidler: Permettez-moi de dire quelque chose à propos de la porosité de la frontière: certains des reportages que j'ai vus à CNN à propos du Canada et de la frontière canadienne m'ont beaucoup perturbé.

M. Scott Brison: Que dire de .The West Wing?

M. David Laidler: Je crois savoir qu'il faut aussi s'inquiéter de ce qui s'achemine en direction du Nord.

M. Scott Brison: Oui.

Margaret.

Mme Margaret Dinsdale: L'idée de la porosité de la frontière canadienne me semble assez intéressante—c'est que la porosité de la frontière du Mexique et des États-Unis est un fait bien établi depuis des années. Combien d'immigrants illégaux du Mexique, selon eux, résident actuellement aux États-Unis? Nous allons peut-être voir un soulèvement du Front de libération mexicain aux États-Unis.

Cela me semble assez injuste. Je ne me souviens pas qui l'a dit, mais je suis sûr qu'on a maintes fois souligné cela: qui a laissé les gens entrer aux États-Unis en passant par la frontière canadienne. Ce n'était pas les Canadiens.

M. Scott Brison: J'ai une petite question ou observation pour M. Grills; cela porte sur l'étalement du revenu sur les années suivantes. Les artistes et les écrivains ont des hausses de revenu très sporadiques, puis de longues périodes de vaches maigres, où les revenus sont très faibles. L'étalement du revenu sur les années suivantes ne ferait que leur donner un peu plus de marge de manoeuvre à cet égard, mais cela n'aiderait pas seulement les membres de la colonie artistique—je vais vous donner l'exemple d'un électeur de ma circonscription qui est venu me voir il y a un an environ.

Il s'agit d'un manoeuvre qui s'était blessé. En raison d'une blessure au dos, il ne pouvait travailler. Il s'est battu contre la Commission des accidents du travail, la commission provinciale, pendant environ huit ans. Il a fini par recevoir un chèque, un paiement de 110 000 $ environ, après s'être battu pour être indemnisé pendant la période en question. Il a payé cette année-là un impôt au taux maximal le plus élevé, à la manière d'une personne qui touche un revenu élevé, et cela est tout simplement une injustice flagrante.

Cela ne s'applique donc pas seulement aux artistes et aux écrivains, mais j'apprécie les propos que vous tenez au sujet du principe général de l'étalement du revenu sur les années suivantes.

M. Barry Grills: C'est que nous avons déjà vu l'étalement en question—et je vous prie de me corriger si je me trompe—, mais cela a été éliminé. Cela a été éliminé parce que c'était difficile à gérer. La Writers' Union of Canada et certains de nos collègues d'autres organisations—à la Conférence canadienne des arts, par exemple—ont relégué au deuxième rang l'étalement des revenus, parce que c'est un peu plus difficile, et il semble bien que l'idée de la déduction sur le revenu des droits d'auteur, qu'il est plus facile pour le gouvernement de contrôler, l'emporte. Essentiellement, il est question de redevances, ce qui distingue les écrivains professionnels des dilettantes—et, personnellement, je déteste le terme, mais j'essaie d'expliquer les choses telles que nous les voyons.

C'est toute la différence, on ne saurait le nier, car il faut penser au profil qu'il faut avoir et au temps qu'il faut mettre non seulement pour écrire un livre... Le temps qu'il me faut pour écrire un livre est moins long que le processus d'édition lui-même. Pour prendre un exemple, celui de mon livre à paraître l'automne prochain, je recevrai une avance sur les redevances qui est relativement petite—et j'espère que mon éditeur ne m'écoute pas—, mais ensuite, c'est une année entière qui va s'écouler avant que je ne voie le prochain chèque de redevances, qui dépendra, lui, des ventes. Si le livre est un succès phénoménal, si la même chose se produit, j'aurai un revenu dans les trois chiffres, alors que mon revenu aurait été inférieur à 10 000 $ avant cela. Ce qui se produit durant ces années, sinon ces trois ou quatre années, c'est que vous avez gagné 25 000 $ par année pendant quatre ans, mais vous vous faites imposer sur 100 000 $ durant la quatrième année, si vous comprenez ce que je veux dire.

Le président: Monsieur Laidler.

M. David Laidler: Si personne d'autre ne souhaite le dire, je vais le faire: un impôt à taux uniforme accompagné d'un seuil très faible servirait à régler un grand nombre des problèmes en question. Je ne recommande pas cela, mais c'est là un des avantages d'un impôt uniforme.

Le président: Vous ne voulez pas que nous ayons un grand débat, vous voulez simplement qu'on parle d'un impôt uniforme et de l'intégration nord-américaine.

Des voix: Oh, oh!

Le président: Je m'excuse. Veuillez poursuivre.

M. Barry Grills: Puis-je parler un peu de l'intégration nord-américaine, étant donné qu'il a parlé d'un impôt uniforme en se référant ce que je disais—pour une question d'équilibre?

• 1950

Je ne suis pas que le premier vice-président de la Writers' Union of Canada, je préside le comité culturel dont le travail est de faire pression sur les responsables gouvernementaux; je mets donc la main à la pâte. Je suis vice-président de la coalition pour la diversité culturelle qui a son siège social à Montréal. Je représente la coalition au réseau international pour la diversité culturelle et à la Conférence canadienne des arts. Par conséquent, j'ai beaucoup affaire à des choses comme l'ALENA, les ADPIC, la zone de libre-échange des Amériques et ainsi de suite, et, je dois dire que, du point de vue de la Writers' Union, l'intégration nord-américaine est très inquiétante.

L'exemple de l'eau que vous avez donné m'intéresse; c'est celui où une entreprise canadienne, d'Alberta, poursuit le gouvernement américain en dommages-intérêts d'un peu moins d'un milliard de dollars pour avoir banni l'additif qu'elle produit, car celui-ci empoisonnait l'eau potable en Californie. Le litige fait l'objet du mécanisme de règlement des différends, le chapitre 11 de l'ALENA, qui est notoire, et que nombre de ces accords commerciaux renferment maintenant—je m'excuse, le mécanisme opposant l'investisseur et l'État—qui permet à des sociétés transnationales de poursuivre des États souverains et, je crois, la souveraineté des États.

Ce que j'ai exposé ce soir à l'intention de votre comité n'existe pas à l'écart de toutes les questions liées à la mondialisation et à la perte de souveraineté culturelle, et je tenais à signaler que ce que nous présentons se présente bien dans le contexte de la souveraineté culturelle. Que cela ait également été soulevé ce soir est ironique.

Merci.

Le président: Oui. Mais vous croyez également que nous devrions échafauder des scénarios et essayer de nous préparer à telle ou telle éventualité. Si cela n'arrive pas, tant mieux. Si cela arrive, vous voulez une position fondée sur des recherches et une politique avisée, n'est-ce pas? Vous ne voulez pas vous trouver dans un pays qui, dans 10 ou 15 ans, échappe tout à fait à votre emprise. Autrement dit, il faut être proactif quand il s'agit de déterminer l'avenir d'un pays, et non pas réagir aux circonstances.

M. Barry Grills: Oui, je suis tout à fait d'accord avec cela. J'aimerais que la définition de la «culture» soit élargie de manière à inclure le terreau propice à la créativité. Tout le monde qui se trouve ici autour de cette table est défini par la culture canadienne. Ce qui se passe quand nous étudions des questions liées à l'économie et au commerce, il me semble, c'est que nous avons tendance à définir la culture en fonction du commerce, alors que, dans les faits, c'est le commerce qui fait partie de la culture. Et pour jeter sur les choses un regard proactif, en partie, il faut repenser en quoi nous devenons un élément de la collectivité mondiale, tout en demeurant qui nous sommes sur le plan créatif et sous d'autres aspects. La seule façon d'y arriver, c'est d'être proactif.

Je crois depuis des années—et c'est une opinion personnelle—que certaines des décisions économiques que nous prenons en fonction des accords commerciaux ont un caractère réactif, plutôt que proactif. Nous aurions pu mener la charge nettement mieux qu'en ne faisant que signer des accords qui, en dernière analyse, ne sont pas très bons pour nous.

Le président: D'accord.

Sur cette note, au nom du comité, je vous dirai: merci beaucoup. Le groupe de témoins réunis a tenu des propos très intéressants. Je tiens à vous remercier de nous avoir fait profiter de l'éclairage particulier que vous jetez sur les choses. Nous nous servons toujours des connaissances acquises au moment de préparer à l'intention du ministre des Finances des recommandations se rapportant à un budget qui pourrait se concrétiser cette année, l'an prochain, qui sait.

La séance est levée jusqu'à, je crois, demain matin à 8 h 30, au même endroit.

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