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FINA Réunion de comité

Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.

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STANDING COMMITTEE ON FINANCE

COMITÉ PERMANENT DES FINANCES

TÉMOIGNAGES

[Enregistrement électronique]

Le jeudi 18 octobre 2001

• 1347

[Traduction]

Le président (M. Maurizio Bevilacqua (Vaughan—King—Aurora, Lib.)): La séance est ouverte. Bienvenue à tous à cette dernière réunion du comité à Halifax.

Comme nos témoins le savent, le comité des finances voyage dans tout le pays pour consulter la population sur les questions importantes pour le prochain budget. Nous avons déjà visité Montréal et Toronto, et nous nous rendrons la semaine prochaine à Vancouver, à Edmonton et à Winnipeg.

De plus, nous avons tenu un certain nombre de tables rondes comme celle-ci à Ottawa—un grand nombre, en fait. Des centaines de gens comme vous participent à nos audiences, mais des milliers de Canadiens y participent également à l'échelle locale, dans des assemblées organisées par les députés. Ces consultations nous permettent de prendre le pouls de la population et de faire le point sur les politiques de notre pays. Notre gratitude ne va pas seulement aux personnes qui sont devant nous, mais aussi à toutes celles qui participent à ces consultations.

Cet après-midi, nous avons le plaisir d'accueillir des représentants de la Fédération des associations de professeurs d'universités du Nouveau-Brunswick, du conseil d'administration du Darmouth Literacy Network et de l'Association canadienne du ciment, chapitre de Halifax.

Nous allons commencer par entendre la Fédération des associations de professeurs d'universités du Nouveau-Brunswick, représentée par le professeur Claude Dionne, président, par le professeur Hans Vanderleest et par M. Desmond Morley, directeur général.

On vous a probablement dit que vous avez de cinq à sept minutes pour faire vos remarques préliminaires. Nous passerons ensuite à une période de questions et de réponses, une fois que tous les témoins auront terminé leurs remarques.

Bienvenue.

[Français]

M. Claude Dionne (président, Fédération des associations de professeurs d'universités du Nouveau-Brunswick): Monsieur le président, je vais parler en français. Si des députés ont besoin d'utiliser les appareils, je vais attendre quelques secondes.

[Traduction]

Le président: Merci.

[Français]

M. Claude Dionne: Merci, monsieur le président, de nous inviter encore une fois cette année. Contrairement aux années précédentes, comme vous l'avez vu, plutôt que de préparer un mémoire qui, encore une fois, ferait état de la position de notre association face à la question du financement de l'enseignement postsecondaire, nous avons décidé de vous soumettre un projet de loi sur le financement de l'enseignement postsecondaire au Canada qui a été parrainé par l'Association canadienne des professeures et professeurs d'université.

• 1350

Comme vous le savez, on demande, du moins dans ce projet que nous présentons, une enveloppe budgétaire spéciale pour le financement de l'enseignement postsecondaire qui serait différente de celle du financement des services de santé au Canada.

Par la même occasion, pour faire suite à notre mémoire de l'année dernière, nous aimerions parler du financement des bibliothèques dans les universités canadiennes.

Comme vous le savez, le financement des universités est extrêmement important pour nous. Le projet de loi que nous présentons ici vise, d'une part, à renforcer l'imputabilité des universités face au financement accordé par le gouvernement fédéral en matière d'enseignement postsecondaire et, d'autre part, à permettre de mettre en évidence la contribution ou du moins la participation des universités au développement économique des diverses régions.

Comme vous l'avez probablement lu dans le Globe and Mail d'hier, un rapport publié en Ontario soutient que depuis que le gouvernement ontarien de M. Harris a implanté les research excellence awards, l'Ontario est allé chercher des compétences, des cerveaux, c'est-à-dire qu'il y a eu un brain gain parce que la province d'Ontario a donné de l'argent pour la recherche. Autrement dit, les provinces Atlantiques, à cause du sous-financement des universités, sont en train de perdre des cerveaux. Il y a exode des cerveaux, qui vont vers le Canada central. Cette situation nous préoccupe beaucoup, et c'est pour cela que nous appuyons ce projet de loi, qui accorderait une enveloppe séparée pour le financement de l'enseignement postsecondaire.

Dans un autre ordre d'idées, vous vous souviendrez que nous avions parlé l'année dernière du financement des bibliothèques. Cette année, la situation des bibliothèques s'est encore détériorée depuis l'année passée. D'ailleurs, dans le bulletin de l'ACPPU, on parle d'une étude portant sur 112 universités nord-américaines, américaines et canadiennes. On en a examiné les budgets et on voit que cette année, nous reculons par rapport à des universités américaines. Nous avons ici des chiffres qui démontrent qu'il n'y a pas une seule université des provinces Atlantiques qui se classe parmi ces 112 universités en Amérique du Nord qui font de la recherche.

D'après nous, les bibliothèques constituent maintenant le parent pauvre de l'enseignement postsecondaire. Les bibliothèques des universités ont besoin d'argent pour demeurer à un niveau comparable à celui des autres provinces et pays.

Je laisse maintenant la parole à mon collègue Hans, s'il veut ajouter quelque chose.

[Traduction]

M. Hans Vanderleest (professeur, Fédération des associations de professeurs d'universités du Nouveau-Brunswick): Monsieur le président, les universités ont deux fonctions principales: l'enseignement et la recherche. Ces deux fonctions s'appuient sur l'infrastructure que constitue une bonne bibliothèque universitaire de recherche. Vu le manque de ressources dans ces bibliothèques dans les provinces de l'Atlantique, les enseignants et les chercheurs des universités ont bien de la difficulté à s'acquitter de leurs obligations professionnelles. Nous savons qu'un bon système d'enseignement postsecondaire favorise le développement social, culturel et économique du Canada et que pour avoir un bon système d'enseignement postsecondaire, il faut une infrastructure de soutien, entre autres des bibliothèques.

C'est tout ce que j'avais à dire.

Le président: Les autres représentants du groupe ont-ils aussi des observations à faire? Monsieur Morley.

M. Desmond Morley (directeur général, Fédération des associations de professeurs d'universités du Nouveau-Brunswick): J'ajouterai simplement que l'ACPPU, que nous appuyons, a proposé l'adoption d'une mesure législative sur le financement normalisé de l'enseignement postsecondaire au Canada. Ce serait un financement à justifier, mais bien plus encore. Toutefois, nous avons reçu la même réponse des politiciens de tous les partis qui ont été au pouvoir depuis le début des années 80. C'est à cette époque que cette question a retenu l'attention. On l'a ensuite perdue de vue pour lui accorder de l'importance à diverses reprises depuis. Les politiciens nous ont toujours répondu qu'ils n'ont pas d'argent à investir dans cela et que nous ne pouvons pas avoir de fonds.

• 1355

Pis encore, peut-être, on nous a dit que les provinces n'accepteraient jamais une telle mesure, et cela a probablement été l'objection qui a eu le plus de poids. Si on en avait dit autant à Lester B. Pearson en 1968 et qu'il s'était laissé influencer par cette réponse, nous n'aurions pas non plus de normes nationales de soins de santé. Ce que nous voulons, ce sont des normes nationales semblables à celles qui s'appliquent aux soins de santé. Si le gouvernement fédéral a pu mettre en place ces normes à l'époque de Lester B. Pearson, nous ne voyons pas pourquoi on ne pourrait pas en faire autant pour l'enseignement postsecondaire.

Un sondage de l'opinion mené il y a six mois environ a révélé que 92 p. 100 des répondants estimaient que les soins de santé étaient la question la plus importante au Canada. Venait ensuite, pour 90 p. 100 des répondants—2 p. 100 de moins seulement—l'enseignement postsecondaire. Il s'agissait d'un sondage mené par la firme Decima.

On constate de nos jours que les marchés et l'économie réclament des diplômés d'études postsecondaires, plus particulièrement des diplômés des universités. Alors que les marchés et l'économie en général réclament à grands cris ces diplômés, le financement des universités ne cesse d'être réduit en dollars constants. Cela s'explique par le fait que les sources de financement sont incertaines et que le gouvernement fédéral finance l'enseignement postsecondaire au compte-gouttes par le truchement de divers programmes.

Il est temps de se rendre compte que l'enseignement postsecondaire, à tous les niveaux, y compris dans les universités, fait partie du continuum d'enseignement dont ont besoin aujourd'hui les citoyens de l'Amérique du Nord. Mais les divers ordres de gouvernement n'y attachent pas suffisamment d'importance, en tout cas pas autant d'importance que la question le mérite.

Merci, monsieur le président.

Le président: Merci beaucoup. Nous allons maintenant entendre Mme Calinda Brown, du conseil d'administration du Dartmouth Literacy Network.

Mme Calinda Brown (Conseil d'administration, Dartmouth Literacy Network): Merci. Vous avez tous reçu je crois un exemplaire de mon exposé. Je me contenterai donc de vous en donner les points saillants afin de ne pas prendre trop de temps.

Ce que nous demandons, c'est une augmentation du financement des programmes d'alphabétisation, et ce, dans deux domaines, si possible. Pour le premier, il faut passer par le Secrétariat national à l'alphabétisation, qui fait partie de Développement des ressources humaines Canada. Ce secrétariat a été créé à la suite du discours budgétaire de 1986, dans lequel le gouvernement fédéral déclarait souhaiter accroître le financement des organismes d'alphabétisation. Ce secrétariat est le mécanisme que le gouvernement utilise à cette fin.

Nous souhaitons que le financement du Secrétariat national à l'alphabétisation soit accru, mais plus encore, que son énoncé de mission ou son mandat soit modifié afin qu'il puisse financer directement les services d'alphabétisation. À l'heure actuelle, le secrétariat ne finance que des projets et des recherches. Ce sont toutefois les services réels d'alphabétisation qui sont l'élément le plus important des programmes d'alphabétisation, et pourtant, ces services ne reçoivent pas le financement dont ils besoin.

Nous souhaitons également que comme dans le cas des récents investissements dans les soins de santé, on augmente les paiements de transfert de la Nouvelle-Écosse et des autres provinces et que ces paiements soient directement liés à l'alphabétisation. À l'heure actuelle, c'est le ministère de l'Éducation qui finance nos services, mais ce n'est qu'une de nos sources de financement, et ce n'est pas suffisant—cela ne suffit certes pas à financer toutes les activités du Darmouth Literacy Network.

Ce sont donc les deux principaux domaines dans lesquels nous croyons qu'il faudrait envisager d'augmenter le financement.

Merci.

Le président: Merci beaucoup, madame Brown.

Nous allons maintenant entendre les représentants de l'Association canadienne du ciment, chapitre de Halifax, dont M. Bill E. Dooley est vice-président. M. Dooley est accompagné de Ted Hounslow, gérant des ventes de Lafarge Canada, région de l'Atlantique, et Alicje Cornelissen, directrice des Sciences de l'environnement et de la construction de l'association.

Monsieur Dooley, à vous la parole.

M. Bill E. Dooley (vice-président, Association canadienne du ciment, chapitre de Halifax): Merci beaucoup. Je crois que tous les membres de votre comité ont reçu un exemplaire du texte de notre exposé.

Au nom de l'industrie du ciment et du béton de l'Atlantique, je tiens d'abord à remercier le comité de nous donner cette occasion de vous rencontrer.

Également, l'un de nos collègues ne figure pas sur votre liste. Il s'agit de M. Gil Ross, de Ciment St-Laurent, l'une de nos sociétés membres.

Nous comprenons le défi que doit relever votre comité, un défi qui s'est encore accru depuis le 11 septembre. Nous savons également que vous devrez évaluer les propositions que vous entendrez dans le cours de vos consultations à la lumière des mesures qui doivent être prises après ces événements tragiques. Cela dit, vu l'importance constante du commerce et de l'économie intégrée nord-américaine dans laquelle nous fonctionnons, notre association estime que toutes les questions abordées aujourd'hui sont pertinentes, et nous espérons que vous partagez notre opinion.

• 1400

Je n'ai pas l'intention de vous lire notre mémoire de quatre pages. Je vous en donnerai simplement les points saillants, comme notre collègue. Je suppose que je pourrais commencer par nos objectifs d'aujourd'hui. Nous sommes les premiers à reconnaître que notre industrie est mal connue. Notre premier objectif sera donc de vous la décrire brièvement et de vous parler de son importance pour les économies nationale et locale.

Dans un contexte prébudgétaire, il est de plus en plus important de faciliter le commerce avec les États-Unis. Pour cela, il est essentiel de conserver une infrastructure de transport moderne et efficace, et nous souhaitons ajouter notre nom à la liste des sociétés et organismes canadiens qui demandent au gouvernement fédéral de jouer un rôle financier et stratégique accru dans le renouvellement de l'infrastructure du Canada.

Enfin, je vais vous parler brièvement d'un problème qui embête les gouvernements, tant le gouvernement fédéral que le gouvernement provincial, c'est-à-dire les mares de goudron de Sydney. Nous souhaitons que le degré de priorité accordé à ce projet soit accru.

Mais permettez-moi de vous parler d'abord de l'Association canadienne du ciment. Notre association représente la totalité des producteurs de ciment du Canada. Il s'agit d'entreprises qui possèdent des usines de béton et qui fournissent également du ciment aux sociétés indépendantes de béton pré-mélangé que l'on trouve dans à peu près toutes les localités canadiennes. Notre association aide ces sociétés membres à trois titres: elle met en marché des utilisations de ciment et de béton, elle offre une aide technique aux utilisateurs de ciment et de béton et elle permet à ces sociétés membres de participer aux affaires publiques, comme c'est le cas aujourd'hui. Notre association est nationale. Nous avons une administration centrale à Ottawa et cinq bureaux régionaux, dont le but est de traiter les questions et les préoccupations régionales.

On utilise sans distinction les mots «ciment» et «béton» au Canada. Je précise que je ne ferai pas non plus la distinction, mais je ferai remarquer que le ciment est l'une des principales composantes du produit final appelé béton.

Le président: Vous y ajouter de l'alun en hiver afin de le renforcer lorsque vous faites du béton, n'est-ce pas?

M. Bill Dooley: Selon les doses indiquées.

Le président: D'accord.

M. Bill Dooley: On a commencé à produire du ciment au Canada en 1889. Depuis lors, notre industrie a connu une croissance parallèle à celle du pays et nous avons constamment contribué de façon positive à l'économie canadienne.

À l'heure actuelle, l'industrie du ciment et du béton apporte 22 000 emplois et quatre milliards de dollars en chiffres d'affaires à l'économie nationale. Dans les provinces de l'Atlantique, il y a une usine de ciment et des installations de distribution dans toute la région. Notre industrie exporte également des quantités importantes de produits. L'an dernier, plus de quatre millions de tonnes ont été exportées vers les États-Unis. Tout ce qui est susceptible de nuire au commerce entre le Canada et les États-Unis nuira également à la vitalité de notre industrie. Pour ce qui est du béton, dans les seules provinces de l'Atlantique, il existe 145 usines de béton pré-mélangé éparpillées dans la région, dans un grand nombre de localités.

L'industrie du ciment et du béton fait vraiment partie de l'assise industrielle du pays et elle a toujours été un élément essentiel des économies nationale, provinciale et locale. Notre association estime qu'une économie solide repose sur une infrastructure moderne et efficace; nous signalons toutefois que le déficit routier du Canada a fait l'objet de nombreuses études au cours des dernières années. Nous signalons également que le principal partenaire commercial du Canada, au sud, investit actuellement 82 fois plus que le Canada dans son infrastructure. Puisque notre industrie fait beaucoup de commerce de l'autre côté de la frontière, elle est une grande utilisatrice de l'infrastructure qui permet de transporter nos produits vers les États-Unis. À ce titre, nous voulons encourager le gouvernement fédéral à être plus actif et plus vigoureux dans le renouvellement de cet actif important.

Dans les provinces de l'Atlantique, l'infrastructure routière est particulièrement importante, vu le volume de commerce et de tourisme que nous faisons avec les États-Unis—et je vous signale qu'un exemple local de notre déficit d'infrastructure a fait l'objet d'un article du Chronicle-Herald de Halifax, le 27 octobre. On disait dans cet article qu'une société nommée Creative World Travel, de la Nouvelle-Orléans, envisage de déconseiller à ses consommateurs d'utiliser la route 7 en Nouvelle-Écosse parce qu'elle est en piètre état. Le manque d'investissement dans l'infrastructure au Canada nous causera du tort à tous.

• 1405

À propos du renouvellement de l'infrastructure routière, nous invitons le comité permanent à tenir compte de ce que les recherches effectuées par le Conseil national de recherches du Canada et par le ministère des Transports et des Travaux publics de la Nouvelle-Écosse ont démontré: les autoroutes de béton sont plus économiques et moins polluantes. Par exemple, les études réalisées par le Conseil national de recherches du Canada montrent que les camions peuvent consommer jusqu'à 11 p. 100 moins d'essence. Cela signifie que les émissions de gaz à effet de serre sont également réduites. Comme un tiers de toutes les émissions proviennent des voitures et des camions, cela pourra grandement aidé le Canada à respecter ses engagements dans le cadre de l'Accord de Kyoto.

La même étude a révélé que les autoroutes de béton nécessitent moins d'entretien. Cela signifie que les coûts sont moins élevés. Cela signifie également qu'il y a moins de congestion et, par conséquent, moins d'émissions de gaz à effet de serre.

En Nouvelle-Écosse, le ministère du Transport a également réalisé sa propre étude sur deux tronçons d'autoroute construits en 1994, l'un en asphalte et l'autre en béton. Cette étude a permis de conclure que le béton permettait d'avoir un meilleur rendement tant pour la qualité de conduite que pour l'entretien et qu'il est donc une solution de rechange viable à l'asphalte. Depuis lors, le gouvernement de la Nouvelle-Écosse s'est déjà engagé à poser 10 autres kilomètres de pavage de béton sur l'autoroute 101 vers la Vallée d'Annapolis.

Même s'il est logique d'investir dans des autoroutes de béton dans les corridors à circulation élevée, les provinces qui, comme la Nouvelle-Écosse, manquent d'argent n'ont pas toujours la capacité financière d'en payer les coûts. Par conséquent, l'Association canadienne du ciment exhorte le gouvernement à chercher des moyens d'indemniser les provinces pour les coûts accrus de la construction d'autoroutes de béton, en échange des avantages environnementaux et économiques que procurent ces autoroutes.

Il est également intéressant de noter que le Canadien moyen appuie la construction de pavage de béton. En 1999, la firme Decima a tenu un sondage auprès des Canadiens pour connaître leur opinion sur le pavage de béton. Voici quelques-unes des opinions exprimées.

L'avantage le plus remarqué était la durabilité et la longévité. Les répondants jugeaient que ce pavage offre une surface de conduite plus sûre et que le béton est le matériau de pavage le moins polluant: 39 p. 100 des répondants disaient préférer un pavage de béton, contre 29 p. 100 pour l'asphalte. La moitié des répondants ont également déclaré qu'ils seraient d'accord pour que les routes soient pavées de béton. La marge d'erreur dans cette étude était de plus ou moins 2,2 p. 100, 19 fois sur 20.

Passons maintenant à notre deuxième recommandation. Les mares de goudron de Sydney sont, c'est bien connu, un projet de restauration de sites contaminés qui a posé un problème grave au gouvernement. L'industrie locale du ciment aimerait ajouter sa voix à celle des groupes environnementaux et de citoyens inquiets qui croient qu'il est du devoir de tous les gouvernements de restaurer ce site. Nous souhaitons que le degré de priorité de ce projet soit accru; le gouvernement fédéral devrait en faire une priorité dans sa politique.

Nous croyons également que notre industrie peut contribuer au débat sur la technologie la mieux appropriée à ce site. Je ne vais pas vous expliquer les avantages des diverses technologies; laissons cela aux scientifiques. Je veux simplement vous signaler qu'il serait possible d'utiliser du ciment dans le processus de stabilisation par solidification. C'est cette technique qu'on utilise aux États-Unis dans le réaménagement de friches industrielles. On a dit que c'était la technique de traitement la mieux démontrable qui existe. Cette technique est reconnue par la U.S. Environmental Protection Agency, qui a demandé à ce qu'elle soit utilisée dans 25 p. 100 des projets de son Superfund PrograM. Lorsque son utilisation est possible, la stabilisation par solidification est une solution valable et souple qui peut être utilisée sur le terrain et ailleurs.

Pour conclure, permettez-moi de répéter la recommandation que nous faisons à votre comité dans notre mémoire. L'Association canadienne du ciment invite le gouvernement du Canada à trouver des façons d'indemniser les provinces et d'établir avec elles des partenariats en vue de renouveler notre infrastructure routière. Deuxièmement, le gouvernement ne doit pas oublier qu'il est nécessaire de restaurer les mares de goudron de Sydney. Dans l'examen de ces questions, nous vous invitons à tenir compte des avantages environnementaux et économiques qu'offre l'utilisation de ciment et de béton.

Merci beaucoup.

Le président: Merci beaucoup.

Nous passons maintenant à la période de questions et réponses, tous les membres du comité ayant droit à cinq minutes.

Veuillez commencer, monsieur Jaffer.

M. Rahim Jaffer (Edmonton—Strathcona, Alliance canadienne): Merci, monsieur le président.

Je vous remercie de vos exposés aujourd'hui. Je vais commencer par la Fédération des associations de professeurs d'universités du Nouveau-Brunswick.

• 1410

Je comprends l'importance des infrastructures et les défis auxquels font face les universités à l'heure actuelle, en ce qui concerne les niveaux de financement régulier et la capacité des universités d'investir dans les bibliothèques et l'infrastructure de base. J'ai le privilège de représenter une circonscription où se trouve l'Université de l'Alberta, et je travaille donc étroitement avec un bon nombre de ces professeurs, qui nous font part de leurs préoccupations.

On y a lancé une initiative qui s'est révélée très efficace—et je sais que ce n'est pas nécessairement la solution à tous les problèmes de financement—et cette initiative semble être un très grand succès. C'est l'établissement d'un département de liaison avec l'industrie, c'est-à-dire qu'on y travaille en partenariat avec diverses industries pouvant commercialiser les produits qui résultent des travaux de recherche, et c'est donc une formule qui peut aider des universités dans leur quête pour attirer des recettes supplémentaires.

Ce n'est cependant pas la seule solution. Il faut évidemment un niveau garanti de financement provenant d'une autre source, à savoir le gouvernement. Pouvez-vous me dire si les diverses universités que vous représentez au Nouveau-Brunswick ont lancé une initiative de cette nature, c'est-à-dire si des professeurs ont pu établir des liens avec des industries d'une façon beaucoup plus efficace afin de résoudre certains de ces problèmes de revenu?

M. Desmond Morley: Au Nouveau-Brunswick, nous avons deux grandes entreprises, J.D. Irving et McCain Foods, et elles n'assureront certainement pas le financement de toutes les recherches effectuées dans les universités. Quand on parle d'une telle initiative, on pense à l'Alberta, à la Colombie-Britannique ou à l'Ontario. Heureusement, une telle façon de penser y est bien ancrée, alors ce n'est pas rare qu'on y voit une telle chose.

Les gens qui ne vivent pas dans les Maritimes ne se rendent pas compte de la situation là-bas. Nous ne pouvons pas nous attendre à ce que vous le compreniez. Nous avons McCain Foods, une entreprise qui exerce ses activités à l'échelle mondiale, mais nous ne pouvons pas créer de partenariat avec des secteurs industriels, parce que nous n'avons pas vraiment d'industries. Bien, je suppose que je ne peux pas dire que nous n'en avons pas, car nous avons J. D. Irving, l'entreprise qui appartenait à K.C. Irving, et nous avons McCain. Ces entreprises ne cherchent certainement pas à établir de partenariat avec les quatre universités du Nouveau-Brunswick, car il y a tout de même sept campus et quatre universités. Nous n'avons tout simplement pas l'infrastructure industrielle nécessaire au Nouveau-Brunswick—et c'est même le cas dans l'ensemble des Maritimes, même si nous parlons pour l'instant du Nouveau-Brunswick—pour créer des partenariats en vue du financement de la recherche par l'industrie.

Il y a la Fondation canadienne pour l'innovation, dont nous sommes censés pouvoir obtenir de l'argent, à condition de pouvoir trouver un partenaire industriel. Mais comme il n'y a pas d'industrie dans les Maritimes, il y a un fonds de 250 millions de dollars destiné particulièrement aux Maritimes et principalement administré par l'Agence de promotion économique du Canada atlantique. Il y a donc un problème parce que nous devons passer par deux procédures d'approbation. Nous devons présenter une demande à la Fondation canadienne pour l'innovation et obtenir une autorisation, mais comme nous n'obtenons rien d'une industrie—encore une fois parce que nous n'avons pas d'industrie—nous devons aussi présenter une demande pour obtenir de ce fonds de 250 millions de dollars les 50 p. 100 qui manquent. Il nous faut donc obtenir cette approbation de l'APECA ou d'une autre façon.

Il est très complexe et difficile de faire approuver le financement de projets de recherche dans les universités, parce qu'en fin de compte, le financement offert par la Fondation canadienne pour l'innovation et les 250 millions de dollars en financement de contrepartie venant des partenariats visent seulement les travaux de recherche dont les produits sont commercialisables. Autrement dit, c'est seulement pour les travaux de recherche qui peuvent mener à un produit commercial, c'est-à-dire qui peut être vendu et commercialisé. Il s'agit de recherche appliquée plutôt que de recherche pure.

La pénicilline a été découverte à la suite de travaux de recherche pure. Quelqu'un l'a découverte accidentellement en travaillant avec une boîte de Pétri. C'est le cas pour un grand nombre de découvertes, mais je ne vous donnerai pas toute la liste. Mais sans recherche pure—et c'est ce qui se fait surtout dans les universités, car la recherche pure ne doit pas nécessairement donner des résultats commercialisables... c'est ce qu'on fait dans les universités parce qu'on veut simplement découvrir ce qui se passe et ce qui se passera. Le monde industriel ne s'intéresse pas à la recherche pure. Il veut pouvoir faire un profit. C'est cela l'industrie.

M. Rahim Jaffer: Je suis d'accord, et c'est pourquoi j'ai aussi dit qu'il fallait manifestement que les gouvernements s'engagent à assurer le financement de la recherche fondamentale. Espérons qu'il y a une possibilité...

M. Desmond Morley: Au Nouveau-Brunswick, nous avons vraiment besoin de financement pour la recherche appliquée, c'est vrai, mais pour ce qui est de la recherche pure dans les universités, il n'y a essentiellement rien. Il n'existe pas de source de financement.

M. Rahim Jaffer: Madame Brown, en écoutant votre exposé, je me suis demandé si vous aviez des chiffres au niveau régional pour l'alphabétisation ou l'analphabétisme. J'ai remarqué dans votre mémoire que vous donniez un chiffre d'environ 22 p. 100 au niveau national, en ce qui concerne les gens qui ont besoin d'être alphabétisés. Avez-vous des chiffres pour ici, en Nouvelle-Écosse?

Mme Calinda Brown: Ce sont des chiffres semblables en Nouvelle-Écosse. C'est peut-être un peu plus élevé dans certains secteurs, mais le taux de 22 p. 100 d'adultes fonctionnant au plus faible niveau d'alphabétisation vaut certainement aussi pour la Nouvelle-Écosse.

M. Rahim Jaffer: Très bien, merci.

• 1415

Ma dernière question s'adresse à vous, monsieur Dooley. J'ai lu votre mémoire avec beaucoup d'intérêt et l'une de mes préoccupations—et je pense que c'est la même chose pour un certain nombre de membres du comité, parce que nous avons entendu un exposé semblable hier au sujet de l'infrastructure...

Étant donné le travail que vous avez effectué, je me demandais si vous pourriez nous dire comment nous pourrions utiliser plus efficacement les taxes sur les carburants, par exemple, ou d'autres formes de recettes pour investir dans l'infrastructure—c'est-à-dire trouver de nouveaux moyens pour améliorer les routes et d'autres modes de transport. À l'heure actuelle, on critique souvent la façon dont cet argent est perçu. On perçoit manifestement cette taxe sur les carburants, mais en fin de compte, seulement 5 p. 100 environ de cet argent qui est censé être réinvesti dans l'infrastructure est véritablement réinvesti dans les routes et dans d'autres systèmes de transport. Vous avez peut-être examiné cette question et vous pourriez nous donner des conseils quant à ce que nous devrions faire, soit réduire l'ensemble des taxes sur les carburants ou trouver une autre solution.

M. Bill Dooley: C'est une question intéressante. Comme vous l'avez signalé, le déficit en infrastructures est bien documenté: je pense qu'il est de l'ordre de 17 milliards de dollars actuellement. Je n'étais pas certain du chiffre, mais je pensais que moins de 5 p. 100 de la taxe sur les carburants était réinvesti dans les infrastructures. Je ne peux pas m'empêcher de penser que, purement et simplement, réinvestir une plus grande partie des recettes de la taxe sur les carburants dans l'infrastructure serait un bon point de départ.

Notre association, l'Association canadienne du ciment, et les associations provinciales de constructeurs de route du Canada demandent déjà depuis plusieurs années que l'on crée un réseau routier national. Autant que je sache, nous continuons de faire cette demande. Il y a donc une façon pour le gouvernement fédéral d'intervenir efficacement, et ce serait de créer ce réseau de concert avec les provinces, et de commencer à y investir.

M. Rahim Jaffer: Il y a une chose qui m'est venue à l'esprit au sujet du béton. Je me souviens d'avoir appris à Houston que la plupart des routes sont faites de béton, si je ne me trompe. Quelqu'un m'a dit que lorsqu'il fait un peu plus frais ou qu'il pleut beaucoup, le béton devient très glissant et qu'il y a donc un problème de sécurité. Je ne sais si vous pourriez me dire si c'est vrai ou non, mais je pensais que c'était pourquoi nous préférons l'asphalte dans ce pays. Vous pourriez peut-être m'éclairer à ce sujet.

M. Bill Dooley: Je peux vous parler de l'étude qu'on a faite ici même en Nouvelle-Écosse sur le tronçon de la 104 recouvert de béton près d'Oxford. On a évalué la résistance au dérapage, et elle est bonne. Elle était meilleure que dans le cas de l'asphalte. Bien sûr, comme c'est le cas pour toute immobilisation, qu'il s'agisse d'un immeuble ou d'autre chose, il y a usure avec le temps et en fin de compte, des travaux d'entretien sont nécessaires pour rétablir cette résistance au dérapage.

Le président: Je vous remercie, monsieur Jaffer.

La parole est à M. Nystrom.

M. Lorne Nystrom (Regina—Qu'Appelle, NPD): Je voulais simplement vous poser à tous les trois une question d'ordre général.

Ce qui interpelle actuellement le comité des Finances—de même d'ailleurs que le gouvernement fédéral—c'est le juste milieu qu'il faut établir entre les réductions d'impôt, les dépenses au titre des programmes et la réduction de la dette. Depuis un an environ, le gouvernement fédéral a beaucoup insisté sur les 100 milliards de dollars de réduction d'impôt qu'il proposait pour une période de cinq ans. Il a par ailleurs aussi affecté beaucoup de ressources au remboursement de la dette nationale. Pour ce qui est des dépenses au titre des programmes, il y a eu un léger ralentissement. Puisque l'économie a également connu un certain ralentissement et puisqu'il y a eu les événements du 11 septembre, à votre avis, à quoi devrait ressembler ce juste milieu?

Dans la même veine, je voudrais également vous demander si l'éventualité d'un déficit momentané devrait nous inquiéter. Je ne pense pas que qui que ce soit recommande un déficit à long terme, comme celui que nous avons connu dans les années 80 et 90, mais où devrait se situer le point d'équilibre? Sommes-nous allés assez loin avec les réductions d'impôt? Avons-nous rembourser une partie suffisante de la dette nationale? Avons-nous dépensés suffisamment pour les programmes? Et notre déficit? Voilà des questions fort simples.

Mme Calinda Brown: Si vous me permettez de commencer, il est évident à mon avis que d'autres réductions d'impôt ne sont pas nécessaires. Le seul pays occidental où, à ma connaissance, les impôts sont plus bas qu'ici, c'est les États-Unis, un pays qui offre par ailleurs moins de services que nous. Je ne vois donc aucunement la nécessité d'offrir d'autres réductions d'impôt aux Canadiens, d'autant plus que la population continue à exiger des services.

Je travaille au gouvernement provincial, et je suis toujours renversée de voir ce que la population demande à l'État en fait de services, sans même comprendre que lorsqu'on demande une réduction d'impôt, il faut qu'il y ait en parallèle une réduction des services. Les Canadiens veulent que les services qui leur sont offerts demeurent au même niveau, voire qu'ils soient élargis à d'autres domaines, mais cela est impossible si l'on réduit les impôts.

• 1420

Pour ce qui est de la réduction de la dette, nous avons assurément remboursé une bonne partie de celle-ci, mais si nous investissons dans notre avenir, moi je vois un peu cela comme une hypothèque. Il ne viendrait à l'idée de personne de vous demander de payer votre maison en cinq ans, sauf bien sûr si vous en avez les moyens. Si vous le faites en 25 ans, personne ne va vous regarder de travers. Je pense que nous devons également tenir compte de cela. Lorsque nous utilisons les bénéfices de demain pour créer les services d'aujourd'hui, ce sont ces services-là qui, à leur tour, créeront les bénéfices de demain. Cela ne me pose aucunement problème.

Vous voudrez bien m'excuser, mais quel était votre...

M. Lorne Nystrom: Les dépenses au titre des programmes.

Mme Calinda Brown: Ces dépenses doivent augmenter ou, à tout le moins, être redistribuées, mais les réductions d'impôt ne sont assurément pas un moyen qui nous permette de consacrer davantage d'argent aux dépenses destinées aux programmes. Nous devons conserver les taux d'imposition à leur niveau actuel.

M. Lorne Nystrom: Dans le dernier volet de la question que je vous posais à tous les trois, je vous demandais si l'éventualité d'un déficit temporaire vous inquiéterait. Je ne pense pas ici au déficit des années 80 et des années 90, mais certains soutiennent qu'on peut constituer des excédents pendant les années de vache grasse pour pouvoir absorber des déficits en période de vache maigre. Ainsi, lorsque les vaches grasses reviennent, il est possible de rembourser le déficit et de reconstituer un excédent. L'éventualité d'un déficit à ce moment-ci vous rendrait-il nerveux, ou diriez-vous plutôt que si c'est nécessaire, eh bien c'est nécessaire?

Mme Calinda Brown: C'est ce que je dirais en effet. Si c'est nécessaire, eh bien tant pis. Là encore, si nous songeons à dépenser beaucoup maintenant pour en retirer des dividendes à plus long terme, il est préférable de dépenser cet argent maintenant que d'attendre de devoir le faire plus tard. Dans le domaine de la santé par exemple, il serait plus rationnel de dépenser tout de suite pour que les gens demeurent en bonne santé au lieu d'avoir à payer plus tard pour des interventions médicales rendues nécessaires parce que nous n'aurions pas permis aux gens de rester en bonne santé en dépensant tout de suite. C'est aussi assurément un problème dans le cas de ceux qui apprennent à lire et à écrire. Ils ne sont pas en aussi bonne santé que le reste de la population, et si nous avions davantage de programmes pour les aider à rester en bonne santé maintenant au lieu d'attendre qu'ils aient de gros problèmes de santé comme des maladies cardiaques plus tard, nous ferions des économies à plus long terme.

M. Desmond Morley: Monsieur Nystrom, c'est moi qui a été délégué pour répondre à cette question.

En deux mots, ma fille est revenue de Suède il n'y a pas longtemps. Elle venait tout juste de commencer une carrière d'enseignante. À la fin de ses études universitaires, elle est allée passer six semaines en Suède et elle en est revenue...

[Note de la rédaction: Inaudible]

Le président: ...

M. Desmond Morley: Eh bien, peut-être suis-je en train de prêcher aux convertis, monsieur Nystrom, mais ce qui est certain, c'est que je ne parle pas pour les tribunes. J'ignorais si votre nom était d'origine norvégienne ou autre.

M. Lorne Nystrom: En fait, c'est un nom d'origine italienne.

M. Desmond Morley: Ah vraiment? Fort bien. Alors le nom Bevilacqua est d'origine suédoise, c'est cela? J'allais oublier.

Le président: Vous avez raison.

M. Desmond Morley: Quoi qu'il en soit, pour arriver à l'essentiel, les programmes suédois sont les meilleurs au monde semble-t-il—ma fille a passé six semaines là-bas—parce que tout y est gratuit. Par contre, ce sont les Suédois qui paient le plus d'impôt au monde, mais ils semblent malgré tout être relativement heureux.

Je ne suis pas vraiment en faveur d'autres réductions d'impôt. Je sais que je penche peut-être un peu à gauche, mais à mon avis, nous devrions tous profiter de ce que chacun d'entre nous peut avoir, c'est-à-dire l'essentiel. D'ailleurs, je manque peut-être de rectitude politique en disant qu'à mon avis, les événements du 11 septembre ne seraient peut-être pas survenus si tous les habitants du Moyen-Orient avaient ne serait-ce que la moitié de ce que nous avons tous la chance d'avoir, mais nous n'irons pas jusque-là. En ce qui me concerne, les réductions d'impôt ne sont pas une solution étant donné précisément ce que je viens de vous dire à propos des événements du 11 septembre.

Personnellement, je privilégierais plutôt les dépenses destinées aux programmes. C'est ce que fait la Suède. Les études supérieures y sont gratuites. Chez nous, cela fait trop longtemps que nous réduisons les dépenses au titre des programmes. Où allons nous donc trouver l'argent nécessaire? Eh bien, il semblerait que nous ayons prévu un excédent de plus de 30 milliards de dollars pour cette année même si nous escomptons actuellement un chiffre un peu inférieur à cela, mais qui sera quand même supérieur à 8 milliards de dollars, de sorte qu'il y a assurément de l'argent à dépenser au titre des programmes.

Pour ce qui est de la réduction de la dette, le financement des programmes par déficit budgétaire est toujours nuisible parce que cela impose une hypothèque aux générations à venir. J'espère ne l'avoir pas encore dit au comité, mais l'un de mes rengaines préférées est que, lorsque nous avons dû nous battre pendant la Seconde Guerre mondiale, nous avons réussi à trouver l'argent pour le faire. Nous n'avons pas fait faillite. Nous étions tous ici, nous avions de quoi manger, nous avions de l'électricité et du chauffage, nous avions toutes sortes de choses qui n'existaient pas ailleurs dans le monde. Et pourtant, nous avons pu financer une guerre qui a duré dix ans. Je suis originaire de Grande-Bretagne. Le Canada s'est battu à nos côtés et, Dieu merci, nous avons gagné. Mais au fait, qui a gagné et qui a perdu? Cette guerre a coûté des milliards et des milliards de dollars à tout le monde. Nous avons dû accepter un déficit. Tous les pays qui se sont battus pendant la Seconde Guerre mondiale ont dû accepter un déficit. D'une façon ou d'une autre, nous avons survécu, même si tout le monde a dû payer sa part de la dette. Ainsi, si c'est nécessaire, nous arrivons toujours à trouver l'argent pour faire les choses. Ce qu'il y a, c'est qu'à l'heure actuelle, nous ne nous occupons pas de ce que nous estimons nécessaire.

• 1425

Le président: Je vous remercie.

Monsieur Dooley, auriez-vous quelque chose à ajouter?

M. Bill Dooley: En fait, c'est une question fort intéressante, mais je ne pense pas que l'industrie du ciment et du béton ait une position au sujet des réductions d'impôt, des dépenses au titre des programmes ou des déficits budgétaires. Dans un sens, c'est une question qui ne peut avoir aucune réponse gagnante. Par contre, je préférerais que ce soit le gouvernement qui choisisse la marche à suivre qui à son avis est la meilleure.

Pour ce qui est du deuxième volet de la question, le financement par déficit budgétaire ou la question du déficit, si nous sommes vraiment obligés d'accepter un déficit en ces temps difficiles, eh bien pourquoi pas? Par contre, j'aimerais que cela soit assorti de certaines conditions afin de ne pas excéder certaines limites. Voilà essentiellement ce que nous aurions à dire à ce sujet.

Le président: Je vous remercie, monsieur Nystrom.

Monsieur Brison, vous avez la parole.

M. Scott Brison (Kings—Hants, CP/RD): Je vous remercie, monsieur le président.

Je voudrais également remercier nos témoins pour toutes leurs interventions.

La première chose que je voudrais mentionner au sujet de la question du déficit, c'est que certains économistes canadiens, notamment l'économiste en chef de la Banque Scotia, prédisent que le Canada est actuellement très proche d'un déficit qui pourrait se concrétiser si les tendances actuelles persistent et si les obligations en matière de défense, de sécurité et d'autres éléments encore qui ont pris de l'importance depuis le 11 septembre sont effectivement remplies. Nous sommes déjà dangereusement proche d'un déficit, et je dirais par conséquent que cette notion d'excédent risque fort d'être très différente de l'acception que je lui aurais donné il y a quelques mois encore.

L'autre membre de l'équation est l'impôt sur le revenu. C'est le Canada qui a les taux d'imposition sur le revenu les plus élevés de tous les pays du G7, et il se situe également au deuxième rang de tous les pays de l'OCDE pour ce qui est de l'impôt sur les sociétés. Nous devons donc faire très attention à nos fardeaux fiscaux, d'autant plus que nous vivons actuellement dans un monde où le capital et les ressources humaines sont extrêmement mobiles.

J'aimerais vous poser ma première question au sujet de la FCI et du préjugé négatif, réel ou ressenti, que la fondation aurait à l'endroit des petites universités. Il est un fait que certaines universités qui n'offrent que des cours de premier cycle conduisent des travaux de recherche extrêmement importants. Par ailleurs, ces mêmes universités jouent souvent un rôle important en ce sens que c'est elle qui donne le goût de poursuivre des études, ce qui est très important dans le cadre d'une infrastructure universitaire. J'aimerais savoir ce que vous pensez de ce prétendu préjugé négatif à l'endroit des petites universités, est-ce vraiment une impression ou s'agit-il au contraire d'une réalité.

[Français]

M. Claude Dionne: Au mois de mai dernier, lors d'une réunion à Ottawa des membres de l'Association canadienne des professeures et professeurs d'université, on nous a donné des chiffres sur les chaires de recherche au Canada. À peu près 10 universités ont 80 p. 100 des chaires de recherche au Canada et les autres 20 p. 100 sont répartis entre 27 ou 28 universités.

Par conséquent, les petites universités, en particulier celles des provinces de l'Atlantique, n'ont pas beaucoup de chaires de recherche. De plus, les gouvernements locaux ont de la difficulté à financer la recherche. Il y a deux semaines, nous avons rencontré des représentants du ministère de l'Éducation du Nouveau-Brunswick pour l'éducation postsecondaire. Nous leur avons parlé du programme que M. Harris a mis au point en Ontario, celui des research awards, grâce auquel, comme on peut le lire dans le Globe and Mail d'hier, deux chercheurs de l'Ontario recevront une subvention de un million de dollars chacun en 10 ans.

Quand nous avons dit cela aux représentants du gouvernement du Nouveau-Brunswick, ceux-ci nous ont répondu qu'ils avaient de la difficulté à trouver 500 000 $ pour investir en recherche pour tout le Nouveau-Brunswick. Le gouvernement de l'Ontario a accordé 10 millions de dollars et deux chercheurs vont recevoir chacun un million de dollars au cours des 10 prochaines années.

• 1430

À la même occasion, ces représentants nous ont dit qu'ils avaient rencontré la ministre de l'Éducation postsecondaire de l'Alberta. Elle avait un problème. Elle avait 2 milliards de dollars à distribuer aux universités et elle ne savait pas comment faire. Nous ne vivons pas dans le même Canada. Le Canada de l'Est, le Canada central et le Canada de l'Ouest constituent trois différents Canada.

Nous voulons participer à la vie de ce pays à part entière. Si vous avez bien lu, il était question de brain gain. Le Nouveau-Brunswick et la Nouvelle-Écosse ont perdu des chercheurs au profit du Québec ou de l'Ontario. Nous perdons de jeunes chercheurs. Pour que l'université joue son rôle au plan du développement économique et au plan du développement des cerveaux, elle doit pouvoir jouer un rôle en recherche. Pour garder ses jeunes chercheurs, elle doit participer au développement des communautés et faire de la recherche. Actuellement, nous ne le pouvons pas. Voilà pourquoi nous vous demandons qu'il y ait une nouvelle loi sur le financement de l'enseignement postsecondaire. Nous ne prétendons pas que les initiatives du gouvernement fédéral pour financer l'enseignement postsecondaire n'ont pas été bonnes. Nous ne disons pas cela, mais il est possible de faire mieux. Merci.

[Traduction]

M. Scott Brison: Cela vous intéressera peut-être d'apprendre qu'hier, à Montréal, nous avons rencontré des représentants de certaines universités du Québec qui se sont félicités d'avoir pu bénéficier d'un programme provincial qui permettait aux chercheurs d'autres provinces qui venaient s'installer au Québec de profiter d'une exonération fiscale provinciale pendant cinq ans. Je sais que ce genre de chose pourrait facilement ouvrir la porte à des politiques fiscales tout à fait déloyales, mais pour l'instant, pour eux cela porte fruit.

Je voudrais également poser une question aux représentants de l'industrie du béton: vous avez parlé de l'importance des échanges commerciaux pour votre secteur, surtout dans le contexte qui a suivi les événements du 11 septembre. Il est évident qu'avant le 11 septembre, on discutait déjà du concept d'une union douanière nord-américaine, et également de la question d'un périmètre de sécurité davantage intégré au niveau nord-américain, notamment grâce à une plus grande coopération avec les États-Unis. Depuis le 11 septembre, il est devenu évident qu'il va y avoir soit un périmètre américain, soit un périmètre nord-américain pour ce qui est de la libre circulation des produits et des services.

Certains ont soutenu devant nous que le Canada, dont les échanges commerciaux avec les États-Unis représentent 400 milliards de dollars par an, n'aurait pas intérêt à demeurer en marge d'un périmètre américain, de sorte qu'il y a pour nous des décisions difficiles à prendre. J'aimerais savoir ce que votre secteur en pense—ou ce que quiconque pourrait en penser.

M. Bill Dooley: Je ne puis m'empêcher d'embrayer sur ce que vous disiez, monsieur Brison, à propos du volume du chiffre d'affaires que nous faisons avec les États-Unis. Je ne pourrais pas concevoir que le Canada puisse se situer à l'extérieur d'un périmètre de sécurité. J'oublie le terme que vous avez utilisé...

M. Scott Brison: La forteresse Amérique.

M. Bill Dooley: C'est cela.

Les États-Unis sont notre principal partenaire commercial, et qu'il s'agisse de sécurité, de fiscalité ou du protocole de Kyoto, nous sommes pratiquement obligés... Je n'aime pas beaucoup utiliser l'expression «être leur partenaire», mais il est certain que les États-Unis vont avoir une influence sur nous.

Je ne sais pas si mes collègues ont quelque chose de plus à dire à ce sujet.

M. Ted Hounslow (directeur commercial, région de l'Atlantique, Lafarge Canada, chapitre de Halifax, Association canadienne du ciment): Je dirais pour ma part que le ciment est un produit largement exporté. Les États-Unis n'ont pas les moyens de production nécessaires pour répondre à leurs propres besoins. Par conséquent, ils importent du ciment d'un peu partout dans le monde. J'ajouterai que l'impact économique de ce que nous exportons actuellement aux États-Unis représente pour l'industrie canadienne un chiffre d'affaires d'un milliard de dollars par an, c'est-à-dire que nous exportons pour un milliard de dollars canadiens en direction des États-Unis.

• 1435

En deux mots, l'industrie américaine du ciment ne suffit pas à la demande intérieure. Sur le plan environnemental, il devient de plus en plus difficile d'obtenir des permis de construire des cimenteries aux États-Unis. Par ailleurs, le programme d'infrastructure américain étant extrêmement dynamique, il faut s'attendre pendant les prochaines années à une augmentation de la demande. Je pense personnellement que tout ce qui pourrait compromettre nos potentialités aux États-Unis serait rétrograde aussi bien pour notre industrie que pour l'économie canadienne en général.

Le président: Merci, monsieur Brison.

Shawn Murphy, Albina Guarnieri et Carolyn Bennett, cinq minutes par personne.

M. Shawn Murphy (Hillsborough, Lib.): Merci beaucoup, monsieur le président.

Je voudrais moi aussi vous interroger au sujet du financement de la recherche universitaire, ne serait-ce que pour essayer de vous faire dire quelle serait à votre avis la solution. Dans la région de l'Atlantique, l'absence de concours financiers à la recherche en milieu universitaire est un problème majeur. Comme vous le savez sans doute, le gouvernement a relevé considérablement le budget de la FCI, le financement de la recherche médicale ainsi que la dotation des chaires de recherche. Depuis deux ans, tous ces chiffres ont augmenté considérablement, mais le problème demeure que les universités de la région Atlantique ne reçoivent pas leur juste part. En particulier, les financements accordés par la FCI favorisent à l'extrême les grandes universités.

Je dois également vous dire qu'hier et avant-hier, l'Université de Toronto, l'Université McGill et l'Hospital for Sick Children de Toronto nous ont soumis des mémoires extrêmement bien argumentés dans lesquels ces établissements soutenaient que nous leur donnions de l'argent, certes, mais pas suffisamment pour compenser l'augmentation de 40 p. 100 du coût de la recherche. Ces établissements obtiennent davantage d'argent, mais ils en veulent encore plus afin de pouvoir étendre leur recherche. Tout cela vient encore compliquer vos problèmes à vous, et lorsque je dis «à vous», j'entends toute la région de l'Atlantique étant donné qu'on y trouve un grand nombre de petites universités qui sont toutefois excellentes.

Pour faire un peu l'historique de la chose, le gouvernement a créé le Partenariat d'investissement de l'Atlantique qui a je crois à sa disposition 300 millions de dollars qui peuvent être utilisés pour obtenir du financement de contrepartie de la FCI. Je sais que c'est une formule complexe, je sais également que pour obtenir des financements à ce titre il faut présenter une demande à deux paliers de gouvernement, mais vous ai-je bien entendu dire—je ne pense pas que cela soit politiquement viable—que les universités devraient pouvoir bénéficier de fonds de recherche non réservés? En fait, ce que je vous demande, c'est de proposer une solution au problème, qui est un problème majeur et qui est l'un des éléments que je crois percevoir.

Seul le programme d'innovation pourra permettre à l'économie de la région Atlantique d'afficher un niveau de croissance, et c'est par les universités qu'il faut commencer. Je suis d'accord avec vous. Je pense que nous sommes vous et moi sur la même longueur d'ondes, mais comment y parvenir? La réussite engendre la réussite. Il y a tous ces projets de recherche jugés par les pairs, et j'estime que ce processus d'examen par les pairs tend, de par sa nature, à profiter davantage aux grandes universités, Toronto, Colombie-Britannique et autres McGill. Nous avons donc institué le Partenariat d'investissement de l'Atlantique dans l'espoir de donner un coup de pouce, mais il nous faut encore davantage de réponses et j'aimerais savoir ce que vous en pensez.

M. Desmond Morley: L'un des problèmes qui se pose tient à ce qu'on nous fait trop souvent une réponse facile. Ce n'est pas quelqu'un, un groupe ou un organisme en particulier qui nous l'a faite, mais c'est une façon relativement facile de balayer le problème—et M. Brison en a d'ailleurs dit un mot. On nous dit de nous adresser au conseil subventionnaire parce que c'est lui qui dispense les fonds et, si le projet est suffisamment valable, il pourra ainsi être financé. Eh bien, laissez-moi vous dire que ce n'est pas du tout le cas, et il est tout à fait réconfortant de savoir que quelqu'un d'autres en est conscient, monsieur Murphy. Vous avez raison. La réussite engendre la réussite. Par contre, lorsque vous n'avez pas de palmarès établi, vous n'aurez guère de chance de vous retrouver très haut sur la liste des subventions de recherche à accorder en priorité.

En ma qualité de directeur de la Fédération, je reçois par exemple tous les communiqués de presse de l'Université du Nouveau- Brunswick à Fredericton qui annoncent fièrement que tel ou tel chercheur a décroché une bourse de 250 000 $. Pour un chercheur à l'Université du Nouveau-Brunswick, 250 000 $ représentent une somme énorme. Bien sûr, je cite cette université à titre d'exemple, mais il y a également l'Université de Moncton, ainsi que l'Université Mount Allison qui font elles aussi de la recherche. Le plus souvent, je ne reçois pas les communiqués de presse de... L'UNB a son propre service de publicité et c'est lui qui me fait parvenir régulièrement ces communiqués de presse où on apprend, par exemple, que tel ou tel professeur a obtenu tel ou tel montant. Mais ce sont des montants absolument dérisoires lorsqu'on pense au genre de travaux de recherche que nous aimerions pouvoir effectuer.

• 1440

Je ne connais pas la solution, sauf que tout d'abord, si les universités avaient un financement fédéral stable, on pourrait leur verser un montant dont elles seraient comptables. Cet argent leur serait versé par l'intermédiaire des gouvernements provinciaux, peut-être sous forme de transfert comme le transfert de la santé, mais dans ce cas les fonds seraient destinés à l'éducation postsecondaire. Nous rendrions des comptes—par «nous», j'entends la communauté universitaire—par le biais du gouvernement provincial pour décrire la façon dont cet argent a été utilisé. On pourrait fixer le montant sur l'économie pour que nous puissions avoir en fin de compte 0,5 p. 100 du PIB. C'est le pourcentage que nous avions à la fin des années 70 et au début des années 80, une époque où nous disposions d'un financement relativement correct—pas généreux, mais correct, et c'est tout ce que nous demandons maintenant. Ce serait un pas dans la bonne direction.

En ce qui concerne le financement de la recherche, M. Dionne a précisé qu'un des problèmes du Programme des chaires de recherche du Canada venait du fait que c'était une idée très élitiste du gouvernement fédéral. Ce programme a eu des effets dévastateurs pour le Canada atlantique car les chercheurs les plus brillants partent dans des endroits comme l'Université de Toronto où il y a beaucoup de chaires disponibles. Il y a là des gens qui n'ont qu'à décrocher leur téléphone pour appeler les éléments les plus brillants de l'Université de Moncton et leur dire que l'Université de Toronto a entendu parler de la qualité de leurs recherches dans tel ou tel domaine mais qu'il leur manque manifestement les installations nécessaires, et qu'on peut leur proposer une chaire de recherche à Toronto. L'Université de Toronto peut leur offrir telle ou telle chose, tel salaire et tel nombre d'assistants.

L'Université de Moncton n'a que trois chaires de recherche. L'Université du Nouveau-Brunswick en a dix. À la seule Université McGill, il y en a 85. Je crois que l'Université de Toronto en a environ 114. Il n'y a pas d'économies d'échelle dans le Canada atlantique.

Le Programme des chaires de recherche du Canada était destiné à éviter un exode des cerveaux. M. Chrétien et toutes les personnes qui l'entouraient ont dit qu'il y avait un exode des cerveaux vers les États-Unis et qu'il fallait l'enrayer, et ils ont donc lancé ce programme des chaires de recherche. C'est très bien, mais le problème c'est que ce programme a entraîné un exode des cerveaux interprovincial. Maintenant, tout le monde s'en va en Colombie-Britannique, en Alberta et à Toronto, aux dépens de toutes les autres petites collectivités. C'est une idée brillante qui a eu des retombées néfastes sur cette région du pays.

Je vous parle ici des problèmes et non des solutions, mais ce que nous disons, c'est qu'il faut organiser quelque chose pour les universités qui ne peuvent pas avoir un partenariat à égalité avec l'industrie—puisque encore une fois nous n'avons pas d'industrie dans notre région—pour éviter aux universités de se trouver dans la situation où, si leurs recherches ne sont pas commercialisables en fin de compte, elles n'obtiennent pas de financement. Il faut surmonter ces obstacles et trouver une forme de financement qui permettra aux universités des provinces de Atlantique de faire de la recherche pure—enfin, la plupart du temps—et de conserver leurs chercheurs.

Ce n'est pas simplement la recherche qui est importante. Avant de terminer, j'aimerais souligner un point très important. L'Association canadienne du personnel administratif universitaire—les administrateurs qui gèrent les universités ont leur propre association—a prédit qu'au cours des dix prochaines années, nous aurons besoin de 20 000 nouveaux universitaires au Canada. Le Québec s'en rend compte—et M. Brison a parlé à ce sujet d'une politique fiscale largement acclamée mais, de notre point de vue, prédatrice, en vertu de laquelle on ne paie pas d'impôt provincial sur le revenu pendant cinq ans si l'on va travailler dans cette province en tant que chercheur universitaire ou professeur de sciences.

Nous avons des francophones brillants au Nouveau-Brunswick. Il y en a à l'Université de Moncton. Si on leur propose un congé fiscal de cinq ans au Québec, où ils peuvent parler sans problème le français, ils vont y aller. Si on leur propose des installations de recherche et une exonération fiscale, que va-t-il advenir de l'Université de Moncton? Nous allons perdre nos éléments les plus brillants.

Il y a un exode des jeunes dans les provinces Atlantique. Bientôt, nous allons ressembler à Dawson City après la ruée vers l'or. C'est cela qui nous attend. Je suis désolé de présenter un tableau un peu dramatique de la situation, mais imaginez Dawson City au Yukon après la ruée vers l'or. C'est ce qui va nous arriver. Les provinces de l'Atlantique vont être le prochain Klondike. Pourtant, ce n'est pas ce que nous souhaitons.

• 1445

Le président: Merci, monsieur Morley, et monsieur Murphy.

Madame Guarnieri, vous avez la parole.

[Note de la rédaction: Inaudible]

Une voix: ...

Le président: C'est une idée.

Mme Albina Guarnieri (Mississauga-Est, Lib.): Espérons que nous serons de bons élèves.

J'ai une simple petite remarque à ajouter à la question de Shawn.

Durant la période de prospérité économique, nous avions peur que tous nos meilleurs professeurs et chercheurs partent aux États-Unis, parce qu'il y avait là-bas des tonnes d'emplois disponibles. Maintenant que cette période de prospérité tire à sa fin et que nous sommes à la veille de restrictions budgétaires, nous avons apparemment la même crainte de perdre des professeurs simplement à cause de ces compressions.

Mes amis qui sont professeurs à Toronto me disent que s'ils restent là, ce n'est pas tellement à cause de ce qu'ils gagnent mais plutôt parce qu'ils bénéficient de fonds pour faire des recherches dans les domaines qui les intéressent. D'après ce que vous dites, je pense que c'est la même chose ici. Ce qui incite les professeurs à rester dans votre province, c'est le financement alloué à la recherche. Vous êtes d'accord?

M. Desmond Morley: La plupart du temps, oui, mais il y a d'autres atouts sociaux, comme le mode de vie. Par exemple, au Nouveau-Brunswick, on peut encore acheter un terrain près d'une rivière sans hypothéquer l'avenir de ses petits-enfants. Ce sont des raisons pour lesquelles les gens restent au Nouveau-Brunswick. On peut encore s'acheter une maison correcte sur Hanwell Road à Fredericton sans avoir gagné à la loterie.

Mais ce n'est pas pour cela que tout le monde va rester ici. Sans aller jusqu'à dire que les bons chercheurs sont aussi des adorateurs du Dieu Mammon—car ce n'est pas vraiment exact—on constate tout de même que les chercheurs les plus ambitieux, les plus brillants, sont souvent prêts à sacrifier le mode de vie décontracté, agréable, facile qu'ils ont au Nouveau-Brunswick parce qu'ils ne peuvent pas y réaliser leur plein potentiel. Ils ont le sentiment de se dévaloriser intellectuellement et de trahir le devoir que leur dicte leur propre intellect parce qu'ils n'exploitent pas au mieux leur talent.

Quand on leur offre un emploi à l'Université de Toronto ou à McGill, s'ils ne l'acceptent pas, ils ont le sentiment d'être indignes du cerveau dont ils ont hérité parce qu'ils ne profitent pas de l'occasion de faire les meilleures recherches possible. Ils disent qu'ils adorent vivre au Nouveau-Brunswick et qu'ils n'ont pas spécialement envie d'aller vivre à Toronto, mais tout compte fait, c'est quand même la recherche qui compte avant tout. C'est pour cela qu'ils ont fait des années et des années d'études. C'est pour cela qu'ils ont obtenu des bourses d'études jusqu'à l'âge de 32 ans et qu'ils n'ont commencé à gagner de l'argent qu'à partir de 32 ans. C'est pour tout cela qu'ils se sont sacrifiés: pour pouvoir faire de la recherche.

Ce n'est pas une question d'argent ni de salaire, ce n'est pas la question de savoir si on peut se payer un bateau et une Mercedes. C'est pour cela que je suis devenu juriste—et j'ai d'ailleurs rapidement déchanté car il y avait beaucoup de concurrence pour s'acheter un bateau et une Mercedes.

Mme Albina Guarnieri: Vous êtes un sage.

M. Desmond Morley: Eh bien oui, je n'ai pas de bateau ni de Mercedes, mais je suis heureux de faire ce que je fais.

Cependant, on constate que les chercheurs universitaires ont leurs défauts—croyez-moi, j'en sais quelque chose car j'ai travaillé avec eux pendant 17 ans—mais dans l'ensemble, la grande majorité d'entre eux sont guidés par le souci mortel de faire de la recherche et de servir la collectivité, et j'en suis fier pour eux.

Mme Albina Guarnieri: Espérons que nous serons de bons élèves et que nous trouverons les solutions.

Le président: Nous passons à notre dernière intervenante, Mme Bennett.

Mme Carolyn Bennett (St. Paul's, Lib.): Ma première question s'adresse à Calinda Brown.

Pour bon nombre d'ONG, qu'elles s'occupent d'alphabétisation, de la santé des femmes ou de l'environnement, le problème tient à la différence entre un financement de base et un financement par projet. Vous n'ignorez pas qu'on semble préférer le financement par projet étant donné que les objectifs et les buts que cela sous-tend semblent mieux se prêter à la reddition des comptes. Dans le cas d'un projet, on peut vérifier s'il y a des résultats.

Cela dit, si nous retournions à un modèle fondé sur le financement de base, d'après vous, comment les organisations pourraient-elles rendre des comptes par rapport à un quelconque énoncé de mission? Autrement dit, comment pourrait-on évaluer le programme?

Mme Calinda Brown: Pour les membres du Dartmouth Literacy Network, et même pour tous ceux qui oeuvrent dans le domaine de l'alphabétisation en Nouvelle-Écosse, cette question est devenue un enjeu très important, avant tout pour nos étudiants, et moins pour nos organismes. Le gouvernement provincial exige en effet des évaluations régulières du progrès des apprenants. Pour ma part, j'estime que lorsqu'on s'est donné pour mission d'atteindre un objectif précis, ainsi par exemple d'acquérir des compétences en lecture, alors l'atteinte du but devrait correspondre à l'évaluation. Si les participants au programme effectuent des progrès tangibles, alors vous savez que vous avez atteint votre objectif.

• 1450

Mme Carolyn Bennett: Seriez-vous en mesure de concevoir des mécanismes d'évaluation des résultats même dans le cadre d'un financement de base? Je sais qu'on y est parvenu en Californie par rapport au tabagisme, dans le cadre du programme Smokebusters. Là-bas, si personne n'arrêtait de fumer, l'organisme offrant le programme ne recevait plus d'argent. Pensez-vous vous aussi pouvoir élaborer une mesure quelconque d'évaluation des résultats dans le cadre d'un financement de base?

Mme Calinda Brown: C'est probable, mais j'aimerais toutefois vous prévenir qu'on ne peut imposer de calendrier rigoureux aux apprenants. Ils apprennent à leur propre rythme, et il leur faut parfois des années pour atteindre un niveau jugé satisfaisant. C'est certainement le plus gros obstacle au financement par projet. Dans un programme d'alphabétisation, un participant n'apprend pas à lire dans les six mois pendant lesquels le projet est subventionné. Il s'agit d'un processus de longue haleine qui peut s'étirer sur des années et ses objectifs peuvent évoluer chemin faisant. Il arrive parfois qu'au début des cours, les étudiants ne tiennent qu'à apprendre à lire les étiquettes des boîtes de conserve afin de savoir ce qu'ils achètent, mais un jour ils veulent aussi pouvoir lire le journal.

Cela m'amène à dire que l'évaluation du rendement des ONG au moyen de méthodes externes n'est pas vraiment appropriée et que les gouvernements et les ONG doivent donc se concerter pour concevoir un autre modèle d'évaluation.

Le président: Merci.

Mme Carolyn Bennett: J'ai aussi une question à poser à l'association des professeurs.

Vous avez demandé qu'on adopte une loi équivalente à la Loi canadienne sur la santé, une espèce de loi canadienne sur l'enseignement postsecondaire. C'est bien la même chose que réclamait la Fédération canadienne des étudiantes et étudiants, n'est-ce pas? Est-ce que cela représenterait pour vous une forme de transférabilité, d'accessibilité et ce genre de chose? Ainsi par exemple, vous auriez accès au soutien des frais de scolarité, c'est bien cela?

M. Desmond Morley: Pour l'essentiel, oui. La Fédération canadienne des étudiantes et étudiants est sur la même longueur d'ondes que nous à cet égard. Elle a appuyé le libellé actuel du projet de loi. Ce à quoi nous tenons le plus, c'est à cette idée de l'égalité des chances partout au Canada, j'entends par là que les étudiants aient accès à un enseignement semblable de qualité comparable et à des coûts semblables.

Mme Carolyn Bennett: Maintenant que nous avons fait du maraudage pour piquer des professeurs partout au pays, vous savez que je fais encore partie du corps enseignant de l'Université de Toronto...

M. Desmond Morley: Et c'est une école de haut savoir très impressionnante!

Des voix: Oh, oh!

Mme Carolyn Bennett: Et ses anciens aussi.

M. Desmond Morley: Pour ma part, je suis un ancien de McGill, et il y a peut-être donc un peu de rivalité d'emblée ici.

Mme Carolyn Bennett: Au sujet de la Fondation canadienne pour l'innovation, vous devez savoir que certains de vos députés, tant ceux de l'Est que du Manitoba, ont effectué de l'excellent travail, non seulement au sein du caucus, mais tous azimuts...

Une voix: Bravo, bravo.

Mme Carolyn Bennett: ...parmi les députés libéraux, ce sont surtout Andy Scott et Reg Alcock qui se sont illustrés, c'est-à-dire qu'ils se sont occupés de certains problèmes avec la Fédération canadienne pour l'innovation et de la question des chaires de recherche. Ils ont été très clairs. Votre problème à vous, c'est que par rapport aux subventions, la Fondation canadienne pour l'innovation se fonde sur les antécédents en matière de recherche, et les chaires de recherche tirent leur efficacité des fonds de contrepartie qu'elles peuvent obtenir des grandes sociétés. Ai-je bien décrit le problème?

M. Desmond Morley: En fait c'est l'inverse, mais vous avez bien cerné les problèmes.

Mme Carolyn Bennett: Oui, excusez-moi, c'est effectivement l'inverse.

Est-il possible de mettre cela au point maintenant? Demandez-vous toujours qu'on modifie les critères? Que pouvons-nous faire pour vous venir en aide? Dites-vous qu'il faut tout refaire, ou est-ce que nous pouvons faire quelque chose pour remédier au problème?

M. Desmond Morley: Si vous permettez, j'aimerais d'abord vous posez une question parce que je connais très bien M. Scott, à tel point que je l'appelle Andy. Vous dites que Andy a voulu exposer clairement les problèmes créés par la situation actuelle.

Mme Carolyn Bennett: C'est incroyable.

M. Desmond Morley: Vous voyez, Andy a travaillé d'arrache-pied, ce que nous devons reconnaître, pour qu'on crée d'autres chaires à l'Université du Nouveau-Brunswick et ailleurs dans la province. En même temps, nous lui avons fait comprendre que c'est un peu comme cracher dans la soupe: Andy avait droit à nos remerciements mais il fallait qu'il sache que ses efforts ne nous avantageaient pas. Cela dit, je suis heureux d'apprendre qu'il se rend compte de l'existence de ces problèmes.

Mme Carolyn Bennett: Au sein du caucus libéral, il y a un groupe chargé de l'enseignement postsecondaire, et il a tenu une rencontre très intéressante avec M. Goldenberg du Bureau du premier ministre. Soyez assurés qu'on en a profité pour transmettre fidèlement vos préoccupations.

• 1455

M. Desmond Morley: Eh bien, en réponse à votre question, docteur Bennett, ce dont nous avons besoin, c'est que le groupe de l'enseignement postsecondaire du Parti libéral ou un autre comité parlementaire tripartite ou bipartite qui se pencherait sur cette question, tienne compte des préoccupations que nous nous sommes efforcés de vous transmettre de la façon la plus ferme possible aujourd'hui. Quant à nous, le Parlement du Canada, y compris ce comité parlementaire, s'efforce de faire progresser la cause de la recherche dans l'enseignement postsecondaire. Nous savons cela. Ce que nous attendons du Parlement du Canada toutefois, c'est qu'il réexamine les mécanismes actuels de son action pour les régler de façon différente, en quelque sorte, de manière à corriger les problèmes créés par la situation. Nous ne demandons pas qu'on nous donne beaucoup plus d'argent, mais nous aimerions bien qu'on se fonde un peu sur le PIB lorsqu'il s'agit d'accorder de l'aide.

Mme Carolyn Bennett: Le président pourra peut-être tenir une étude de ce genre dans son comité.

Le président: Merci, docteur Bennett. Je prendrai la question en délibéré puis vous pourrez voter sur elle.

Cela dit, je tiens à vous remercier vivement de votre présence ici.

Avant que M. Brison ne nous quitte, je tiens à le remercier publiquement de sa grande hospitalité au cours de notre séjour ici en Nouvelle-Écosse. Nous lui en sommes très reconnaissants.

Vous n'ignorez pas que la semaine prochaine, nous allons poursuivre nos pérégrinations à travers le pays. Nous allons alors nous rendre sur la côte Ouest.

En toute sincérité, nous tirons toujours profit de votre participation, mais ainsi que vous l'avez probablement observé aujourd'hui, les gens viennent défendre des causes différentes. Nous devons par conséquent nous efforcer de tenir équitablement compte des besoins et des aspirations de Canadiens ayant des points de vue différents, et bien entendu, nous devons donc en arriver à des compromis. Quoi qu'il en soit, notre objectif principal est de soumettre des recommandations susceptibles d'améliorer le niveau de vie et la qualité de vie des Canadiens. Vous devez sans doute partager de tels objectifs, et nous tenons donc à vous en remercier et à vous exprimer notre gratitude pour votre collaboration.

Il est maintenant 14 h 57, et cela met fin à notre premier voyage de consultations à travers le pays. Je tiens donc à remercier tous ceux qui ont rendu possibles les audiences, des greffiers aux attachés de recherche, en passant par les techniciens et ceux qui s'occupent des arrangements de voyage. Sans leur travail incessant, le comité ne pourrait tout simplement pas fonctionner. Je tiens donc à les remercier au nom du comité.

La séance est levée.

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