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JUST Réunion de comité

Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.

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38e LÉGISLATURE, 1re SESSION

Comité permanent de la justice, des droits de la personne, de la sécurité publique et de la protection civile


TÉMOIGNAGES

TABLE DES MATIÈRES

Le mercredi 1 décembre 2004




º 1620
V         Le président (L'hon. Paul DeVillers (Simcoe-Nord, Lib.))
V         M. David Simpson (directeur de programme, Ministère de la Santé et des Soins de longue durée (Ontario), Bureau de l'intervention en faveur des patients des établissements psychiatriques)
V         M. Nils Riis (avocat-conseil légal, ministère de la Santé et des Soins de longue durée (Ontario), Bureau de l'intervention en faveur des patients des établissements psychiatriques)

º 1625

º 1630
V         Le président
V         Mme Jennifer Chambers (coordonnatrice, Co-présidente, Mental Health Legal Advocacy Coalition, Empowerment Council)

º 1635
V         Le président
V         M. Mark Warawa (Langley, PCC)
V         M. Nils Riis
V         M. Mark Warawa
V         M. Nils Riis
V         M. Mark Warawa
V         M. Nils Riis
V         M. Mark Warawa
V         M. Nils Riis
V         M. Mark Warawa
V         M. Nils Riis
V         Mme Jennifer Chambers
V         M. Mark Warawa
V         Mme Jennifer Chambers
V         M. Mark Warawa
V         Mme Jennifer Chambers
V         M. Mark Warawa

º 1640
V         Mme Jennifer Chambers
V         M. Mark Warawa
V         M. Nils Riis
V         M. Mark Warawa
V         M. Nils Riis
V         M. Mark Warawa
V         M. David Simpson
V         Mme Jennifer Chambers
V         M. Mark Warawa
V         Le président
V         M. Joe Comartin (Windsor—Tecumseh, NPD)
V         M. Nils Riis
V         M. Joe Comartin
V         M. Nils Riis
V         M. Joe Comartin
V         M. Nils Riis

º 1645
V         M. Joe Comartin
V         M. Nils Riis
V         M. David Simpson
V         M. Joe Comartin
V         M. Nils Riis
V         M. Joe Comartin
V         Le président
V         L'hon. Paul Harold Macklin (Northumberland—Quinte West, Lib.)
V         M. David Simpson
V         L'hon. Paul Harold Macklin
V         M. David Simpson
V         L'hon. Paul Harold Macklin

º 1650
V         M. Nils Riis
V         M. David Simpson

º 1655
V         L'hon. Paul Harold Macklin
V         M. David Simpson
V         Mme Jennifer Chambers
V         L'hon. Paul Harold Macklin
V         Mme Jennifer Chambers
V         L'hon. Paul Harold Macklin
V         Mme Jennifer Chambers
V         Le président
V         M. Joe Comartin
V         M. David Simpson

» 1700
V         M. Nils Riis
V         M. Joe Comartin
V         M. Nils Riis
V         M. Joe Comartin
V         M. Nils Riis
V         M. Joe Comartin
V         M. Nils Riis
V         Le président
V         M. Rob Moore (Fundy Royal, PCC)

» 1705
V         Mme Jennifer Chambers
V         M. Rob Moore
V         Mme Jennifer Chambers
V         M. Nils Riis

» 1710
V         Le président
V         M. John Maloney (Welland, Lib.)
V         M. Nils Riis
V         M. John Maloney
V         M. Nils Riis
V         M. John Maloney
V         Mme Jennifer Chambers
V         M. John Maloney
V         M. Nils Riis

» 1715
V         Mme Jennifer Chambers
V         M. John Maloney
V         Mme Jennifer Chambers
V         Le président
V         L'hon. Roy Cullen (Etobicoke-Nord, Lib.)
V         M. Nils Riis
V         Le président
V         M. Nils Riis
V         L'hon. Roy Cullen

» 1720
V         Mme Jennifer Chambers
V         L'hon. Roy Cullen
V         M. Nils Riis
V         L'hon. Roy Cullen
V         Mme Jennifer Chambers
V         Le président
V         Mme Anita Neville
V         Le président
V         Mme Anita Neville
V         M. Nils Riis

» 1725
V         M. David Simpson
V         Mme Jennifer Chambers
V         Mme Anita Neville
V         Le président










CANADA

Comité permanent de la justice, des droits de la personne, de la sécurité publique et de la protection civile


NUMÉRO 010 
l
1re SESSION 
l
38e LÉGISLATURE 

TÉMOIGNAGES

Le mercredi 1 décembre 2004

[Enregistrement électronique]

*   *   *

º  +(1620)  

[Traduction]

+

    Le président (L'hon. Paul DeVillers (Simcoe-Nord, Lib.)): La séance est ouverte.

    Nous allons entendre les témoins suivants. Tout d'abord, M. Riis et M. Simpson, du Bureau de l'intervention en faveur des patients des établissements psychiatriques, et Mme Chambers, du Empowerment Council.

    Nous vous demandons de nous présenter un exposé d'une dizaine de minutes. Cela permettra ensuite aux membres du comité de vous poser des questions.

    J'invite les représentants du Bureau de l'intervention en faveur des patients des établissements psychiatriques à prendre la parole en premier.

    L'un d'entre vous veut-il présenter l'exposé ou allez-vous le faire tous les deux?

    Vous allez le faire tous les deux. Très bien, allez-y.

+-

    M. David Simpson (directeur de programme, Ministère de la Santé et des Soins de longue durée (Ontario), Bureau de l'intervention en faveur des patients des établissements psychiatriques): Bonjour, monsieur le président, bonjour, mesdames et messieurs les membres du comité. J'aimerais vous remercier de nous donner l'occasion de vous rencontrer aujourd'hui pour parler de ce projet de loi très important.

    Je m'appelle David Simpson. Je suis le directeur de programme du Bureau de l'intervention en faveur des patients des établissements psychiatriques. Je suis accompagné par Nils Riis, l'avocat-conseil de notre bureau.

    Je vais vous faire un bref rappel de l'historique de ce bureau et donnerai ensuite la parole à Nils.

    Le Bureau de l'intervention en faveur des patients des établissements psychiatriques a été créé en 1983 en Ontario pour protéger les droits légaux et civils des patients pris en charge par les dix hôpitaux psychiatriques provinciaux, actuels et anciens. Depuis cette époque, notre mandat a été élargi de façon à comprendre la fourniture de conseils juridiques dans 50 des 55 hôpitaux généraux ou hôpitaux de l'annexe 1 de l'Ontario qui possèdent des unités de santé mentale. Cela veut dire que nous fournissons des conseils à près de 20 000 clients par année ainsi que nos services dans 4 500 dossiers ouverts à la demande des patients ou de notre propre initiative et sur près de 75 questions systémiques dans les différentes régions de l'Ontario.

    Les locaux des programmes médico-judiciaires ontariens sont principalement situés dans les établissements où nous fournissons des services. Voilà qui explique notre intérêt pour ce projet de loi et notre expertise, puisque nous avons 12 défenseurs des droits des patients qui font beaucoup de travail pour le compte des clients médico-judiciaires et avec eux.

    Nous nous intéressons aux travaux du comité pour plusieurs raisons. La première est que nous voulons renforcer les droits légaux et civils de nos clients. La deuxième est le souci d'axer le système médico-judiciaire sur l'acquisition de pouvoirs et la guérison de nos clients de façon à aider ces derniers à réintégrer la collectivité; nous voulons veiller à ce qu'il existe un équilibre approprié entre les soins et le traitement, et la sécurité, ainsi qu'entre l'intérêt public et l'intérêt de nos clients; nous entendons lutter contre la stigmatisation et la discrimination, parce que bien souvent nos clients nous disent que, dès qu'ils sont catalogués comme clients médico-judiciaires, ils ne sortent plus jamais de cette catégorie—et que l'étiquette médico-judiciaire peut avoir des conséquences dévastatrices pour nos clients pour ce qui est de leur réintégration dans la collectivité—enfin, nous voulons rappeler aux responsables du système que nos clients sont des patients, et non pas des détenus, et qu'ils ont été confiés aux hôpitaux pour qu'ils soient soignés et traités et qu'ils n'ont pas été envoyés dans un établissement correctionnel pour y être incarcérés et punis. On les envoie dans des hôpitaux parce qu'ils sont malades.

    Notre dernier souci est de veiller à ce que le système médico-judiciaire soit tenu de rendre des comptes aux personnes à qui il fournit des services.

    Je vais maintenant donner la parole à Nils qui va passer en revue les principaux points de notre mémoire.

+-

    M. Nils Riis (avocat-conseil légal, ministère de la Santé et des Soins de longue durée (Ontario), Bureau de l'intervention en faveur des patients des établissements psychiatriques): Merci, David.

    Monsieur le président, mesdames et messieurs les membres du comité, je vous remercie de nous donner l'occasion de prendre la parole devant vous.

    Je n'ai pas beaucoup de temps; je vais donc diviser mon exposé en quatre parties. Dans la première partie, je parlerai de lignes directrices et de leur application; dans la deuxième partie, des déclarations des victimes, dans la troisième partie, des examens annuels et de l'assistance obligatoire aux audiences, et enfin, je dirai quelques mots des ordonnances de traitement.

    Nos clients se plaignent souvent à nous du fait que, lorsque les commissions d'examen autorisent leur placement dans la collectivité—par exemple, lorsqu'il y a un système de surveillance de 12 heures—et que, faute de ressources communautaires suffisantes, ils ne peuvent bénéficier que d'une surveillance de huit heures dans une collectivité donnée, ils demeurent en milieu hospitalier parce que les ressources nécessaires n'existent pas dans la collectivité. Cela est non seulement coûteux pour le système mais cela va à l'encontre des principes du code selon lequel les clients doivent faire l'objet de la peine la moins sévère et la moins privative de liberté.

    Nos clients se plaignent également de l'importance que l'on accorde à l'infraction commise initialement, même si elle remonte parfois à 10 ou 20 ans, et aussi à des comportements qui découlent de leur incarcération, de leur détention. Les clients se plaignent du fait qu'on exige d'eux qu'ils se comportent parfaitement. S'ils ont une crise, cela est mentionné dans leur dossier et cela est signalé au cours de l'examen annuel suivant. Au lieu de se pencher sur le diagnostic clinique actuel et sur la dangerosité actuelle de nos clients, les commissions d'examen se basent sur d'autres éléments non pertinents.

    Nous recommandons, premièrement, que les ordonnances décisionnelles prévoient des délais et que les commissions d'examen reçoivent le pouvoir de faire exécuter leurs décisions, parce qu'elles ne possèdent pas ce pouvoir à l'heure actuelle. Nous recommandons également que le code définisse la dangerosité en excluant expressément les comportements non souhaitables ou inappropriés.

    Les clients nous ont également signalé que, lorsqu'ils ont fait l'objet d'une mesure entraînant un resserrement important des privations de liberté pour une période de sept jours, les hôpitaux sont tenus, aux termes de l'article 672.56 du code, d'en informer la commission d'examen qui doit ensuite tenir une audience à ce sujet. Certains établissements psychiatriques omettent non seulement de le faire, mais d'autres s'y refusent. Que peut faire la commission? Elle n'a pas le pouvoir d'obliger les hôpitaux à respecter la loi, de sorte que nos clients subissent une détention dont les conditions ont été aggravées.

    Nous recommandons que le code précise l'expression « resserrement important des privations de liberté » pour que les établissements sachent dans quels cas ils sont tenus d'informer la commission qu'elle doit tenir une audience et là encore, que le code accorde aux commissions le pouvoir de veiller à l'exécution de leurs décisions.

    Nous recommandons également que le code précise que les droits des clients médico-judiciaires ne doivent être modifiés que si cela est expressément mentionné dans l'ordonnance décisionnelle ou prévu par le Code criminel, parce que, bien souvent, la liberté de parole de ces clients est restreinte, leur liberté d'emploi est restreinte, leur liberté de communication est restreinte, sans qu'il existe de ligne directrice claire sur ce qui constitue un comportement légal.

    Je sais que vous avez déjà examiné en détail la question des déclarations des victimes—je suis maintenant dans la deuxième partie. Le BIPEP reconnaît que les victimes ont des droits et qu'elles ont leur mot à dire; nous insistons toutefois sur le fait que cela doit se faire devant l'instance appropriée. Les audiences des commissions d'examen ne sont pas une instance qui se prête à ce genre de déclarations. Historiquement, les tribunaux utilisent les déclarations des victimes lorsque l'accusé a été déclaré coupable et qu'il s'agit de fixer sa peine. Ce processus ne s'applique pas à nos clients. Ils n'ont pas été déclarés coupables et ils sont considérés comme des patients et non pas comme des criminels.

    Nous pensons que le groupe de travail fédéral, provincial et territorial pourrait réfléchir au genre d'instance qui pourrait reconnaître les droits des victimes et donner à celles-ci la possibilité de se faire entendre, mais de ne pas choisir un système qui est axé sur la réinsertion sociale et la réintégration.

    Le BIPEP recommande d'abroger les articles qui autorisent les déclarations des victimes et de trouver l'instance qui convient davantage à ces personnes.

    Le BIPEP estime que la recommandation voulant que certains clients fassent l'objet d'une audience tous les 24 mois est inappropriée. Nous pensons que les personnes dont la liberté a été gravement restreinte ont droit à un examen annuel, tout d'abord pour vérifier si l'ordonnance décisionnelle est bien suivie et deuxièmement, pour veiller à ce que les mesures prises à leur égard restreignent le moins possible leur liberté.

º  +-(1625)  

    La proposition consistant à prévoir des audiences tous les 24 mois semble refléter l'idée que l'accusé est présumé dangereux, présomption qui a été clairement déclarée inappropriée par la Cour suprême du Canada.

    Le BIPEP s'oppose également à ce qu'on oblige ses clients à comparaître devant la commission. De nombreux clients ne souhaitent pas participer à ces audiences et préfèrent envoyer un avocat pour les représenter; d'autres aimeraient y assister sans avoir à témoigner. Nous estimons que le changement proposé est quelque peu paternaliste et nous demandons au comité de recommander de donner aux patients médico-judiciaires le droit de choisir la façon dont ils souhaitent participer à ces audiences.

    Enfin, pour ce qui est des ordonnances de traitement, je dirais que le principe du consentement au traitement est un principe fondamental du droit et de la médecine. Je pense que M. Walter, le président de la commission d'examen de la C.-B., a déclaré que dans cette province, un client médico-judiciaire est réputé consentir à être traité. Cependant, si celui-ci se trouve en Ontario, le patient possède des droits tout à fait différents qui sont conformes à la Charte. Il nous semble non seulement inapproprié d'autoriser ce genre de diversité au Canada, mais nous pensons que cela est peut-être contraire à la Charte.

    Nous demandons au comité de recommander que l'article du code relatif au traitement, l'article 672.58, soit abrogé et qu'on adopte un modèle de traitement axé sur le consentement, inspiré des règles qui existent en Ontario actuellement.

    Nous vous remercions de bien avoir voulu entendre nos observations et nous serons heureux de répondre aux questions du comité. Merci.

º  +-(1630)  

+-

    Le président: Merci.

    Madame Chambers.

+-

    Mme Jennifer Chambers (coordonnatrice, Co-présidente, Mental Health Legal Advocacy Coalition, Empowerment Council): Au Canada, comme ailleurs au monde, les personnes qui souffrent de troubles mentaux font souvent l'objet du mépris de la population et de préjugés. Des affirmations consternantes sont reprises et répétées. Les mots « dangereux » et « dément » sont considérés comme des synonymes et les personnes que l'on craint et que l'on méprise le plus sont ce qu'on appelle les criminels aliénés.

    Au lieu d'instruire la population et de prendre des mesures pour apaiser les craintes injustifiées des citoyens, les législateurs embrassent bien souvent ces craintes, quand ils ne les aggravent pas—par exemple, en désignant un projet de loi qui touche des milliers de personnes prises en charge par le système de santé mentale du nom d'un homme qui a été tué par un individu atteint de troubles mentaux.

    Le U.S. National Council on Disability a conclu qu'une des raisons pour lesquelles les politiques gouvernementales concernant l'incapacité mentale étaient si différentes de celles qui sont applicables aux autres incapacités est le fait que les personnes atteintes de troubles mentaux sont systématiquement exclues de l'élaboration de ces politiques. Cela dit, nous aimerions vous remercier de nous avoir invités ici aujourd'hui.

    Le Empowerment Council et la Mental Health Legal Advocacy Coalition représentent des personnes qui ont une expérience directe du système psychiatrique, y compris du système de santé mentale médico-judiciaire. Nos membres sont intervenus dans quatre affaires qu'a entendues la Cour suprême du Canada et qui touchent les droits des personnes se trouvant dans des établissements psychiatriques : les affaires Winko, Pinet, Tulikorpi et Starson.

    Le rapport que vous avez entre les mains a été rédigé par Randy Pritchard de la Mental Health Legal Advocacy Coalition et moi.

    Dans notre mémoire, nous décrivons nos positions à l'égard des modifications proposées. Dans une section distincte, nous présentons des recommandations de nature non législative, en citant la recherche et l'expérience sur lesquelles s'appuient nos recommandations concernant les modifications. Nous vous invitons donc à lire ces deux sections.

    Dans l'annexe, vous trouverez les résultats préliminaires de la seule enquête qui ait, à notre connaissance, demandé aux patients du système médico-judiciaire ce qu'ils pensaient de ce système. C'est un projet qui a été financé par le programme de contestation judiciaire et qui a été mené par la Mental Health Legal Advocacy Coalition.

    Un certain nombre des modifications semblent être fondées sur des idées fausses. C'est pourquoi nous vous présentons l'information qui suit, qui vient compléter les éléments contenus dans notre mémoire.

    Les personnes atteintes de troubles mentaux ne sont pas plus violentes que les membres de leur collectivité. La plupart des gens qui se retrouvent dans le système médico-judiciaire n'ont pas commis d'actes ayant causé des lésions corporelles. Pour ce qui est des statistiques, je vous renvoie au mémoire que le Centre de toxicomanie et de santé mentale a présenté au comité en 2002. En fait, le nombre des personnes inscrites comme ayant causé des lésions corporelles est grossièrement exagéré parce que, par exemple, la personne qui crache sur une autre est toujours inscrite dans la catégorie des voies de fait.

    La plupart des personnes atteintes de troubles mentaux guérissent. Un pourcentage important de ces personnes peut guérir sans prendre de médicaments utilisés en psychiatrie. La recherche à ce sujet est mentionnée dans notre mémoire.

    Les données montrent que les contrevenants atteints de troubles mentaux récidivent moins souvent que les autres contrevenants. Les études montrent que pour les contrevenants les moins dangereux, la surveillance, la détention et le traitement ne font qu'augmenter les risques de violence.

    La plupart du temps, il est beaucoup plus grave d'être déclaré non criminellement responsable ou généralement inapte que d'être déclaré coupable d'une infraction, pour ce qui est de la liberté de la personne concernée. Les gens pensent à tort que ce genre de déclaration revient à exonérer l'accusé, alors qu'en fait celui-ci est habituellement puni beaucoup plus gravement que les autres.

    Un fort pourcentage des personnes prises en charge par le système médico-judiciaire ont été maltraitées au cours de leur vie, et l'on rapporte qu'il se commet de nombreux abus dans le système médico-judiciaire, rapports qui sont conformés par des tiers.

    Notre position au sujet des modifications est la suivante : nous recommandons d'ajouter une raison supplémentaire permettant d'ordonner une évaluation, qui consisterait à rechercher des motifs d'accorder la libération inconditionnelle de façon à mieux respecter l'arrêt Winko. Nous nous opposons à ce que l'on refuse aux personnes concernées l'accès à leur rapport d'évaluation, ainsi qu'à la possibilité d'exclure des audiences les personnes qui en font l'objet. Il est impossible d'établir une relation thérapeutique dans de telles circonstances.

    Il est également essentiel que l'accusé soit autorisé à consulter son rapport et éventuellement, à en corriger les erreurs. Il n'est pas rare que ces rapports contiennent des erreurs très graves. Par exemple, il a été inscrit qu'un patient délirait parce qu'il pensait être un maître de la magie. En fait, il avait simplement dit au psychiatre qu'il était capable de faire certains tours de magie.

    Nous connaissons également des cas où un patient a été jugé psychotique parce qu'il avait déclaré être un informateur de la police, alors qu'il s'est avéré par la suite qu'il était effectivement un informateur de la police.

    Les déclarations des victimes n'ont pas leur place dans les audiences décisionnelles, parce que celles-ci sont de nature non accusatoire et que la Cour suprême a clairement précisé qu'il ne fallait pas punir l'accusé déclaré non criminellement responsable. Si quelqu'un a eu une crise cardiaque à la suite de laquelle il a écrasé un piéton, cette personne ne serait pas considérée comme étant criminellement responsable de l'acte reproché, parce qu'elle n'avait pas l'intention de commettre l'infraction. Est-il vraiment nécessaire de relater tous les ans les souffrances qu'a ressenties la victime? Le but n'est pas de punir ce genre de personne. À quoi donc cela peut-il servir?

º  +-(1635)  

    Le même raisonnement s'applique aux personnes déclarées non criminellement responsables. Elles n'ont pas d'intention criminelle; c'est ce que veut dire l'expression non criminellement responsable. Les victimes ont souffert et veulent que cette souffrance soit reconnue. Cela est compréhensible et devrait être respecté, mais pas devant l'organisme qui doit décider de la mesure à prendre à l'égard d'une personne qui n'est pas criminellement responsable.

    Nous ne sommes pas favorables à ce que l'on accorde à qui que ce soit le pouvoir de reporter les audiences des commissions d'examen. Il est tout simplement impossible de prévoir quel sera l'état d'esprit d'une personne dans deux ans et la commission doit tenir compte de l'état d'esprit actuel du patient lorsqu'elle envisage la détention, la surveillance ou sa libération.

    Le recours à des critères aussi larges que « le risque d'infliger des dommages psychologiques graves » a pour effet de créer une norme qui est à la fois excessive et arbitraire et qu'il n'est pas possible d'appliquer en se basant sur des éléments de preuve. Cette disposition supprime des garanties procédurales qui, prises ensemble, visent à protéger les droits qu'accorde la Charte à l'accusé NCR.

    Nous appuyons la recommandation de la Cour suprême et de votre comité qui consiste à attribuer le pouvoir d'accorder une libération inconditionnelle à l'accusé déclaré inapte à subir son procès. Nous vous félicitons d'avoir été sensibles à la situation terrible de la personne qui est déclarée inapte, puisqu'elle est en fait privée de liberté jusqu'à la fin de ses jours pour la seule raison qu'elle est incapable de comprendre le processus judiciaire.

    Le système médico-judiciaire actuel n'offre pas les services qu'exige une société juste comme la nôtre. Les gens ne devraient pas être obligés de vivre dans ce que l'on a qualifié de « régime de ségrégation et de dégradation créé par l'État ». Il est bon de rappeler qu'avec beaucoup de malchance, n'importe lequel d'entre nous pourrait se retrouver dans ce système.

    Merci.

+-

    Le président: Merci, madame Chambers.

    Nous allons maintenant passer à la première ronde de sept minutes.

    Monsieur Warawa.

+-

    M. Mark Warawa (Langley, PCC): Merci, monsieur le président.

    Monsieur Riis, vous nous avez communiqué des éléments fort intéressants. J'aurais une question au sujet des commissions d'examen. À combien d'audiences des commissions d'examen avez-vous assisté ou participé?

+-

    M. Nils Riis: À l'heure actuelle, à cause de mon poste, je serais en conflit d'intérêts si je me présentais devant une commission d'examen, mais je l'ai déjà fait.

+-

    M. Mark Warawa: Vous l'avez déjà fait.

+-

    M. Nils Riis: Oui.

+-

    M. Mark Warawa: Très bien, et vous l'avez fait assez souvent?

+-

    M. Nils Riis: Je dirais cinq ou six fois.

+-

    M. Mark Warawa: Sur ces cinq ou six fois, combien de fois a-t-on présenté une déclaration de la victime?

+-

    M. Nils Riis: Jamais.

+-

    M. Mark Warawa: Y a-t-il un témoin qui a déjà vu une commission prendre connaissance d'une déclaration de la victime? Cela ne vous empêche pas d'affirmer qu'elles ne sont pas utiles, mais vous vous fondez sur quel critère?

+-

    M. Nils Riis: En fait, je pense qu'elles sont utiles; je voulais toutefois souligner que ces déclarations ne sont utiles que lorsqu'elles sont fournies devant l'instance appropriée. J'estime que la commission d'examen n'est pas l'instance appropriée pour la victime et qu'elle ne constitue pas non plus l'instance appropriée pour obliger l'accusé NCR à entendre ce genre de déclaration.

    J'aimerais bien pouvoir vous faire quelques suggestions, mais j'estime que le groupe de travail devrait examiner cet aspect et proposer une solution au sujet de l'instance devant laquelle ces déclarations pourraient être présentées.

+-

    Mme Jennifer Chambers: Si vous me permettez de vous répondre, je dirais que les déclarations des victimes ne sont pas un des éléments de la justice réparatrice. On les utilise habituellement dans le processus pénal au moment de fixer la peine—ce qui ne convient pas à un processus qui ne doit pas avoir pour but de punir l'accusé, comme cela a été très clairement expliqué.

+-

    M. Mark Warawa: Madame Chambers, vous venez du milieu de la santé mentale en Ontario, est-ce bien cela?

+-

    Mme Jennifer Chambers: Oui.

+-

    M. Mark Warawa: Quel est le pourcentage des victimes qui souffrent de troubles mentaux parce qu'elles ont été victimes d'un accusé NCR?

+-

    Mme Jennifer Chambers: La notion de troubles mentaux peut être interprétée très largement. Je dirais qu'il est toujours possible d'affirmer qu'une personne est atteinte de troubles mentaux, si l'on procède à un examen approprié. Je ne suis donc pas en mesure de vous fournir cette information.

    Je peux vous dire que dans certains des cas que j'ai mentionnés, il y avait, parmi les victimes, des personnes qui avaient vu des hommes uriner dans la rue, qui avaient reçu une menace il y a cinq ans et que la plupart des gens qui se trouvent dans les établissements psychiatriques médico-judiciaires n'ont jamais subi de dommages corporels. Il me paraît important de ne pas oublier cet aspect lorsque l'on parle de l'ensemble de cette population.

+-

    M. Mark Warawa: Ma question suivante porte sur les ressources. Quel est le pourcentage des ressources qui est affecté aux accusés NCR par opposition aux victimes?

    Vous êtes tous de la province de l'Ontario—est-ce bien exact?—, vous pouvez donc me répondre du point de vue de l'Ontario.

º  +-(1640)  

+-

    Mme Jennifer Chambers: Je ne m'occupe pas de la répartition des ressources, mais je suis sûre que cette répartition est inégale. Il me semble que les victimes devraient recevoir davantage de fonds. En fait, les fonds qui sont affectés aux accusés NCR—et nous l'avons signalé dans notre mémoire—sont mal attribués. Ces fonds ne sont pas utilisés de façon à favoriser le plus possible la prévention et la guérison.

+-

    M. Mark Warawa: Très bien.

+-

    M. Nils Riis: Malheureusement, je n'ai pas non plus accès à l'information concernant la répartition des ressources. Je pense qu'un autre expert serait mieux en mesure de répondre à cette question.

+-

    M. Mark Warawa: Vous êtes ici aujourd'hui en tant que défenseur des clients médico-judiciaires?

+-

    M. Nils Riis: Oui.

+-

    M. Mark Warawa: Merci.

+-

    M. David Simpson: Permettez-moi d'ajouter quelque chose à ce que Nils vient de dire; nos défenseurs des patients sont indépendants des établissements dans lesquels nous travaillons. Nous sommes également chargés de défendre les clients. Notre travail consiste à protéger les clients qui se trouvent dans le système.

    Est-ce que nous fournissons des services aux victimes? Non. Notre travail consiste en fait à fournir des services aux patients pris en charge par les hôpitaux psychiatriques provinciaux, à ceux qui se trouvent dans nos établissements et dont le statut juridique au sein du système médico-judiciaire a changé ou risque de changer, y compris dans le site d'Oak Ridge du centre de santé mentale de Penetanguishene. Nous avons deux défenseurs qui offrent des services à Penetanguishene, et ils s'occupent également de clients à Oak Ridge, qui est le seul établissement de sécurité maximum de l'Ontario.

+-

    Mme Jennifer Chambers: Je peux offrir un élément au sujet des ressources.

    Chaque personne prise en charge par le système médico-judiciaire coûte 500 $ par jour. Si l'on pense que des personnes sont détenues depuis cinq ou six ans pour des infractions mineures, pour lesquelles elles auraient purgé leur peine depuis longtemps si elles avaient été condamnées, on constate que cet argent pourrait certainement être beaucoup mieux dépensé.

+-

    M. Mark Warawa: Merci.

+-

    Le président: Merci, monsieur Warawa.

    Monsieur Comartin, voulez-vous poser une question?

+-

    M. Joe Comartin (Windsor—Tecumseh, NPD): Monsieur Riis, je ne sais pas très bien si c'est une erreur de frappe ou de formulation, mais je pense que l'avant-dernière recommandation qui figure à la dernière page correspond au paragraphe 6 de la page 5 de la version anglaise. Vous utilisez une terminologie différente. Dans la première, vous parlez de « model of consent-based treatment » (modèle de traitement basé sur le consentement)et, dans l'autre, de « model of substitute decision-making » (modèle de mandataire spécial).

    Ces deux expressions sont-elles équivalentes pour vous?

+-

    M. Nils Riis: Oui. Selon les dispositions législatives ontariennes telles que formulées, ces deux notions sont inextricablement reliées dans le sens que le premier principe est qu'on ne peut traiter quelqu'un sans son consentement. En Ontario, toute personne est réputée capable de prendre des décisions relatives à son traitement. Lorsqu'un médecin constate, après avoir examiné quelqu'un, que cette personne n'est pas capable de donner son consentement, le médecin doit néanmoins obtenir un consentement et doit donc pour ce faire s'adresser à un mandataire spécial. Ce mandataire spécial doit tout d'abord examiner si la personne incapable a exprimé antérieurement des souhaits à un moment où elle était capable de le faire. En l'absence de tels souhaits, le mandataire spécial doit agir dans l'intérêt véritable du patient. Tout cela est précisé clairement dans la Loi ontarienne sur le consentement aux soins de santé. Après avoir suivi ce processus, le mandataire spécial accorde ou refuse le consentement au traitement, en fonction des principes énoncés dans la loi.

    Beaucoup de gens ont du mal à comprendre que certains mandataires spéciaux utilisent effectivement ce processus : y a-t-il un souhait antérieur valide—non. Quel est l'intérêt véritable de la personne en question? Dans certains cas, un traitement qui ne consiste pas à prendre des médicaments utilisés en psychiatrie est parfois dans l'intérêt véritable de la personne concernée. C'est le consentement qui sera transmis au médecin et celui-ci est obligé de respecter ce consentement.

+-

    M. Joe Comartin: Qui joue habituellement le rôle de mandataire spécial?

+-

    M. Nils Riis: La loi énumère une liste de personnes qui sont chargées de prendre ces décisions. Il y a des gens qui refusent de prendre ce genre de décisions.

+-

    M. Joe Comartin: Je viens de l'Ontario mais, pour les personnes qui ne viennent pas de cette province, je dirais que ces personnes sont en général des membres de la famille.

+-

    M. Nils Riis: Par exemple, pour ce qui est de la famille, la première personne à laquelle le médecin s'adresse serait le conjoint. Il arrive que le conjoint ne soit plus en mesure d'affronter la maladie et soit prêt à renoncer à cette responsabilité—qui est une responsabilité très grave—en faveur d'un fils ou d'une fille. Si cela est accepté, cela figure dans un document et le médecin s'adresse au membre de la famille désigné pour obtenir le consentement au traitement jusqu'à ce que le patient recouvre sa capacité et puisse à nouveau prendre des décisions.

    Nous demandons simplement qu'étant donné que ces dispositions législatives touchent tous les Canadiens, quel que soit leur lieu de résidence, il devrait exister des politiques uniformes en matière de traitement et des politiques qui visent à assurer le respect des droits fondamentaux de la personne plutôt qu'à imposer un traitement à des personnes—qui sont parfois capables de donner leur consentement—contre leur volonté.

º  +-(1645)  

+-

    M. Joe Comartin: Ce qui est le modèle utilisé en C.-B.

+-

    M. Nils Riis: Oui.

+-

    M. David Simpson: J'aimerais ajouter que si la liste du client ne contient personne susceptible d'agir comme mandataire spécial, alors cette responsabilité est attribuée au tuteur et curateur public, dont le bureau a créé une unité qui intervient et agit en qualité de mandataire spécial.

+-

    M. Joe Comartin: Mais lorsqu'il existe une procuration relative au soin de la personne...

+-

    M. Nils Riis: Cela aurait priorité. C'est la première chose qu'il faut rechercher, oui.

+-

    M. Joe Comartin: Merci, monsieur le président.

+-

    Le président: Merci, monsieur Comartin.

    Monsieur Macklin.

+-

    L'hon. Paul Harold Macklin (Northumberland—Quinte West, Lib.): Merci, monsieur le président.

    Je voudrais vous poser quelques questions pour replacer votre témoignage dans son contexte. Combien d'entre vous travaillent dans ce Bureau de l'intervention en faveur des patients des établissements psychiatriques?

+-

    M. David Simpson: Il y a en fait deux programmes. Dans le programme qui fournit des services aux dix hôpitaux psychiatriques provinciaux autonomes et transférés, nous avons un personnel comprenant 25 personnes pour la province : 12 défenseurs des droits, 10 conseillers en matière de droits et le reste sont des secrétaires.

    Dans le programme communautaire des conseils relatifs aux droits—qui nous amène à intervenir dans les hôpitaux généraux qui possèdent des unités de santé mentale pour donner des conseils relatifs aux droits—nous avons probablement environ 70 employés à temps partiel qui interviennent sur demande. Ils ont une pagette et nous les appelons pour leur dire qu'un patient d'un hôpital donné a besoin de les voir. Nous avons 70 personnes environ dans cette catégorie qui fournissent des services dans les 50 autres hôpitaux.

    C'est donc un personnel très restreint si l'on tient compte du fait que notre mandat est de nature provinciale.

+-

    L'hon. Paul Harold Macklin: J'aimerais savoir, pour comprendre comment vous avez formulé ces recommandations, j'aimerais savoir comment vous en êtes arrivés aux conclusions qui figurent dans votre mémoire? Avez-vous fait une enquête auprès de vos membres? Comment avez-vous fait?

+-

    M. David Simpson: Nous avons des défenseurs des droits des patients dans chacun des programmes médico-judiciaires de la province qui fournissent des services dans chacun de ces programmes. Ces défenseurs sont constamment en contact avec moi, en ma qualité de directeur du programme, et me parlent des problèmes, des tendances qu'ils constatent, des commentaires qu'ils reçoivent—ils me parlent en fait des questions au sujet desquelles nos clients leur demandent de l'aide.

    Comme défenseurs des droits de nos clients, nous recevons pratiquement ces renseignements de première main. Je ne sais pas si vous avez visité notre site Web, mais nous avons aussi beaucoup travaillé à changer les choses au niveau des systèmes dans le but d'améliorer la qualité des soins et la qualité de vie de tous nos clients, pas uniquement nos clients médico-judiciaires.

    Nous avons constaté que dans le système médico-judiciaire il est vain d'espérer que les choses s'améliorent. La plupart de nos clients estiment qu'ils vont demeurer dans ces hôpitaux pendant une durée indéterminée et qu'ils ne retirent pas grand-chose de cette expérience. Le fait qu'il y ait des barreaux sur les portes de leur chambre leur fait sentir qu'ils se trouvent dans un établissement correctionnel et non pas dans un hôpital. Ce sont là des aspects dont ils nous parlent souvent.

    Ces dernières années, nous avons également essayé d'obtenir l'autorisation de participer aux enquêtes sur le décès de nos clients médico-judiciaires—ou tenté d'obtenir cette autorisation, parce que nous ne l'obtenons pas toujours—de façon à pouvoir soulever les questions dont nous parlent nos clients.

+-

    L'hon. Paul Harold Macklin: Cela me ramène alors à la recommandation relative aux déclarations des victimes qui figure dans votre proposition. Vous affirmez qu'il existe peut-être une instance plus appropriée pour ce genre de déclaration, alors que nous avons des témoins... ou du moins des éléments qui indiquent qu'il est très important que certaines victimes assistent à ces audiences, puissent comparaître devant les commissions d'examen et présentent des arguments justifiant, d'après elles, de maintenir la personne concernée dans le système et de refuser sa libération.

    Si c'est le cas, si nous sommes convaincus que cela devrait être pris en compte par le système, quelle méthode suggérez-vous? Pensez-vous que nous devrions envisager de protéger la personne qui comparaît devant la commission pour son propre compte ou que le témoignage soit fourni de façon indépendante de cette personne—le patient, selon votre terminologie?

    Comment pensez-vous que cela pourrait se faire dans le cadre de l'audience d'une commission d'examen qui fait enquête sur la situation qui a découlé du comportement de ce patient?

º  +-(1650)  

+-

    M. Nils Riis: J'aimerais demander au comité de revoir le témoignage de M. Walter de la commission d'examen de la C.-B. Notre position sur ce point est pour l'essentiel semblable à la sienne, mais nous allons légèrement plus loin. Si j'ai bien compris le témoignage de M. Walter, il a déclaré qu'il ne voyait pas comment ces déclarations pouvaient être utiles dans ce processus, après la première année, et je pense que c'était bien sa position.

    Nous ne voyons pas comment ces déclarations peuvent ajouter quoi que ce soit, parce que la commission d'examen doit adopter un point de vue dirigé vers l'avenir et non pas vers le passé et les membres de cette commission sont chargés d'examiner l'état mental de la personne concernée aujourd'hui : cette personne représente-t-elle un danger important pour la sécurité publique? Si c'est le cas, quelle est la mesure la moins sévère et la moins privative de liberté que l'on puisse prendre à son endroit? C'est la seule tâche de la commission d'examen.

    Les déclarations des victimes auraient tendance à amener la commission à se détourner de ce qui est pertinent à l'audience exigée par le code et à s'attacher à des choses dont la commission ne devrait pas tenir compte. Nous pensons non seulement que cela pourrait compromettre gravement la santé de nos clients, mais que cela pourrait également avoir le même effet pour les témoins qui risquent d'être trompés au sujet des résultats qu'ils peuvent espérer de ce processus. La question de savoir si les déclarations des victimes sont utiles dans un contexte pénal dans lequel les personnes sont criminellement responsables est controversée. Je sais qu'il existe des études en science sociale qui mettent en doute l'intérêt de ce mécanisme pour les victimes.

    Si l'on transpose cette mesure dans une instance qui est fondamentalement différente d'une instance pénale, nous ne voyons pas comment cela pourrait être utile à qui que ce soit et c'est dans cet esprit que nous recommandons que l'on choisisse une autre instance. Nous n'avons pas eu beaucoup de temps pour préparer ces commentaires, compte tenu de la date à laquelle nous avons reçu l'avis, mais nous sommes convaincus que le groupe de travail pourrait certainement proposer quelque chose.

+-

    M. David Simpson: J'aimerais également ajouter quelque chose. Bien souvent, lorsque nos clients sont déclarés inaptes à subir leur procès ou non criminellement responsables, ils sont en fait très malades et c'est pourquoi la cour a déclaré que ces personnes avaient besoin d'être hospitalisées et non pas détenues.

    Les familles qui nous parlent des êtres chers qui se trouvent maintenant dans le système médico-judiciaire nous disent souvent qu'elles sont également des victimes. Combien de fois avons-nous essayé d'obtenir de l'aide pour cette personne? Combien de fois les membres de la famille ont-ils été exclus de la salle d'urgence? Combien de fois avons-nous demandé à la collectivité d'offrir de l'aide à la famille? Rien n'est fait et la personne commet alors un crime, est déclarée NCR ou inapte, et se retrouve dans ce système qui a des répercussions à très long terme pour elle et sa famille.

    J'ai assisté à une conférence sur les aspects médico-judiciaires en octobre à London au cours de laquelle trois familles ont déclaré vouloir me parler au sujet de leur expérience du système de santé mentale médico-judiciaire; elles m'ont raconté une histoire vraiment terrible; en effet, leurs fils, qui sont au début de la vingtaine, vont probablement demeurer très longtemps dans ce système.

    Je ne dis pas qu'il faut exclure les victimes de ce processus. Le procureur de la Couronne présente habituellement les arguments qui visent à justifier la détention à long terme du patient. Nous reconnaissons que nous ne pouvons pas vous dire devant quelle instance cela devrait se faire. Mais là encore, la plupart de nos clients ont fait ces choses à un moment où ils étaient très malades et, ensuite, tous les ans pendant X années, on va le leur rappeler, alors qu'ils commencent à aller mieux et à essayer de guérir et de se réinsérer dans la société, ce qui comporte un risque très grave de recul thérapeutique.

º  +-(1655)  

+-

    L'hon. Paul Harold Macklin: Si nous tenons pour acquis que certains témoignages que nous avons entendus nous amènent à penser que les déclarations des victimes ont quelque utilité, pouvez-vous nous donner quelques conseils concrets, en qualité de défenseur des patients, sur la façon dont nous devrions introduire ces déclarations au cours des audiences des commissions d'examen? Nous n'envisageons pas vraiment d'autres instances. Comment pourrions-nous le faire en conservant le format des audiences?

+-

    M. David Simpson: Je vais laisser à un avocat le soin de répondre à cette question.

+-

    Mme Jennifer Chambers: Quel serait le but recherché?

+-

    L'hon. Paul Harold Macklin: Eh bien, on nous a parlé de différents buts. Vous proposez d'exclure ces déclarations. Nous aimerions entendre, ou du moins j'aimerais entendre, comment nous pourrions procéder tout en répondant à vos besoins, en tant que défenseur des patients, et en nous autorisant quand même à le faire.

+-

    Mme Jennifer Chambers: Je vous demandais quel était le but recherché parce que je pense que la réponse varie selon le but recherché. Je pense que la justice réparatrice n'a jamais été prise en compte, par exemple, dans le système médico-judiciaire. Ce ne serait pas la bonne approche à adopter pour la plupart des cas, mais dans certaines situations, une telle approche pourrait être avantageuse pour la victime et pour l'accusé, comme l'est en général la justice réparatrice.

+-

    L'hon. Paul Harold Macklin: Pensez-vous donc que nous devrions imposer, disons, des limites à l'utilisation des déclarations des victimes, si l'on adoptait une approche axée sur la justice réparatrice?

+-

    Mme Jennifer Chambers: Je ne pense pas qu'il faut confondre les deux. Ce sont en fait des processus très différents. Les intéressés doivent consentir à ce que l'on utilise la justice réparatrice. Je ne pense pas qu'il soit possible de justifier l'utilisation des déclarations des victimes devant les commissions d'examen parce que la victime n'est pas en mesure de connaître l'état mental actuel de la personne concernée. La commission d'examen ne siège pas pour répondre aux besoins de la victime. Elle est là pour évaluer l'accusé, qui n'est pas coupable d'avoir commis une infraction, et pour évaluer son état mental actuel. Je pense que la société devrait offrir davantage de services aux victimes. Une bonne partie des personnes qui sont prises en charge par le système médico-judiciaire étaient elles-mêmes des victimes et auraient également eu besoin d'aide.

+-

    Le président: Merci, monsieur Macklin.

    Y a-t-il d'autres questions?

    M. Comartin et ensuite M. Warawa.

+-

    M. Joe Comartin: J'aimerais poursuivre sur ce sujet, parce que je pense que M. Macklin éprouve les mêmes difficultés que moi. Je peux en fait voir des cas où l'utilisation de la déclaration de la victime pourrait être avantageuse. Et si nous les utilisions uniquement pour... Certains témoignages que nous avons entendus nous indiquent que les victimes assistent rarement à ces audiences mais pour celles qui souhaitent le faire, si nous avions un système à deux niveaux? Pourquoi ne pas autoriser la présentation de la déclaration de la victime à l'étape à laquelle la commission envisage sérieusement de libérer le patient?

    Je vais vous expliquer la situation à laquelle je suis confronté, parce qu'elle concerne ma ville d'origine. Il y a eu des contacts constants. Je ne pense pas que cela soit inhabituel, madame Chambers. J'ai entendu parler d'un certain nombre de cas où la victime était un membre de la famille et l'accusé continuait à avoir des contacts avec cette victime, à cause des liens de parenté, des relations familiales. Ces personnes sont en contact permanent, elles savent ce que fait l'autre personne, elles savent quelles seront les conséquences de la libération du patient. C'est une situation qui s'est produite à Windsor récemment, il y a environ un an. Les frères et soeurs de l'accusé qui avait tué son père étaient très inquiets et ils ont participé à cette décision. Les déclarations des victimes ont eu un effet sur la décision parce que le patient était sur le point d'être libéré.

    J'aimerais donc savoir si vous pensez qu'il serait approprié dans ces circonstances d'utiliser un processus comprenant deux étapes. Il n'est certainement pas souhaitable que les victimes assistent à toutes les audiences et reviennent tous les ans pendant une vingtaine d'années parce qu'elles se sentent obligées de le faire—qu'elles doivent le faire. Est-ce qu'un processus à deux étapes serait utile?

+-

    M. David Simpson: Je ne vais pas répondre directement à votre question mais simplement déclarer que le processus des commissions d'examen en Ontario est un processus ouvert. Dans le cas des affaires dont vous venez de parler, vous savez qu'elles ont fait la première page du Windsor Star tous les jours, dans les jours qui ont précédé la tenue de l'audience annuelle de la commission d'examen de l'Ontario et jusqu'à ce que la décision soit prise par la commission. Cela n'est pas non plus facile pour la famille, parce que lorsque l'histoire est publiée, les médias peuvent imprimer tous les détails de leur vie et tous les aspects qui ont été analysés à l'audience, ce qui s'est déjà produit quelques fois dans votre circonscription. Cela est très difficile pour la famille parce que ses membres n'ont pas le sentiment que l'affaire est close et que chaque année, tous ces détails sont mentionnés à nouveau.

    Il y a eu d'autres affaires où les victimes ont fait du piquetage devant la salle d'audience de la commission d'examen de l'Ontario, ou devant l'édifice où a lieu cette audience, à cause des circonstances de l'affaire. Il y a eu d'autres cas où la commission d'examen de l'Ontario a été en fait obligée de siéger dans une salle pouvant accueillir plusieurs centaines de personnes, de façon à laisser la foule assister à cette audience. Il y a un processus et, comme je l'ai dit, le procureur de la Couronne est chargé de présenter les arguments justifiant la détention du patient, en se fondant sur le pronostic des médecins, sur le traitement que le patient reçoit actuellement et sur les progrès qu'il a réalisés. Il y a donc déjà certaines choses.

    Est-ce qu'un processus à deux niveaux serait souhaitable? Je ne le sais pas.

»  +-(1700)  

+-

    M. Nils Riis: Monsieur Comartin, il y a un aspect d'un processus à deux étapes qui m'inquiéterait, c'est celui où, dans le premier exemple, la victime ne souhaite pas participer au processus.

+-

    M. Joe Comartin: Alors, je ne le recommanderais pas.

+-

    M. Nils Riis: Dans un tel cas, l'accusé NCR comparaîtrait à l'audience. La Couronne serait présente, l'hôpital serait là et toutes ces personnes présenteraient leurs arguments à la commission. Elles respecteraient les dispositions pertinentes du Code criminel. Quel est l'état de santé du patient aujourd'hui? Représente-t-il un danger important? Quel est le lieu qui lui conviendrait le mieux?

    C'est un processus très complexe. La commission prend ensuite la décision conformément à ce qu'exige le Code criminel et envoie le patient dans l'établissement qui va le garder pendant les 12 prochains mois.

    Je crains que dans un processus à deux étapes, ou dans un système à deux étapes, c'est ainsi que logiquement le système devrait fonctionner. Si l'on introduit la déclaration de la victime après que la commission ait pris cette décision...

+-

    M. Joe Comartin: Ce n'est pas de cette façon que je pense que les choses se dérouleraient. La commission sait fort bien qu'au départ, la recommandation émane de l'hôpital et des spécialistes. Il y aurait ensuite une décision préliminaire. Il semble que dans ce cas, il y ait une bonne chance que nous prenions ce genre de décision, et ce serait alors le seul critère à respecter. Cela serait une décision préliminaire, antérieure à l'audience. Au moment de l'audience, la victime serait alors autorisée à assister à l'audience et à présenter une déclaration.

+-

    M. Nils Riis: Mon scénario demeurerait le même, parce que, dans ce scénario, la décision logique serait d'envoyer le patient dans une lieu et une collectivité donnés, dans le cas où la victime n'interviendrait pas. En présentant la déclaration de la victime, au lieu de placer la personne là où elle devrait être, en vue de favoriser sa réinsertion et sa réintégration dans la société, la déclaration de la victime pourrait fort bien avoir une influence négative sur la santé mentale du patient. Ce qui est arrivé il y a 10 ans, voire 20 ans, ne concerne absolument pas la santé mentale actuelle du patient.

+-

    M. Joe Comartin: Le motif de la décision a certainement une conséquence pour la victime.

+-

    M. Nils Riis: C'est absolument vrai. Je n'essaie pas du tout de minimiser l'importance de l'expérience que vivent les victimes. Je dis simplement que la présentation d'une telle déclaration va déformer le processus au point où il pourrait devenir inconstitutionnel. Cela empêchera les commissions d'examen de respecter les dispositions législatives et le but recherché par les dispositions du Code criminel en matière de troubles mentaux.

+-

    Le président: Merci, monsieur Comartin.

    M. Moore et ensuite, M. Maloney.

+-

    M. Rob Moore (Fundy Royal, PCC): J'ai écouté votre témoignage et j'essaie de concilier tout cela. Cela semble très clinique. Je sais que cela fait partie de votre travail. Vous parlez de pronostic, de traitement et de progrès.

    Je pense que notre discussion ainsi que les questions ont principalement porté sur les déclarations des victimes, mais je ne suis pas très convaincu par vos arguments et je voudrais revenir sur cette question. Cela reviendrait à supprimer l'aspect humain. En excluant les victimes, nous supprimerions l'aspect humain de ces situations.

    Je sais que vous avez insisté sur l'importance de faire la différence entre la personne déclarée non criminellement responsable et le processus pénal. Je comprends cela et je sais que ce sont deux processus différents. Mais, pour moi, c'est le même scénario pour la victime. J'aimerais avoir vos commentaires sur ce point. Je ne pense pas que la victime s'attache beaucoup au fait que la personne visée par la décision est NCR ou a été jugée pénalement, au moment où elle témoigne; elle a été victimisée.

    Vous avez parlé, madame Chambers, d'affaires mineures. Je pense que nous reconnaissons tous que cela existe. Mais il y a également des affaires très graves qui ont traumatisé plusieurs personnes. Cela peut marquer les gens pour le reste de leur vie. Je comprends ce que vous voulez dire lorsque vous parlez du fait que la déclaration de la victime porte sur des faits qui remontent à 10 ou 20 ans, mais la victime n'oublie jamais ce qui s'est passé.

    Je note les lignes directrices tirées de l'arrêt Winko : protéger la population contre les personnes dangereuses, l'état mental de l'accusé, la réintégration de l'accusé dans la société et les autres besoins de l'accusé. On parle donc beaucoup de l'accusé mais, pour ce qui est de la protection du public...

    Je pense que la personne qui est la mieux placée pour parler du danger que représente le patient, ou au moins qu'il représentait à un moment donné, c'est bien la victime. En excluant la victime, je pense que l'on supprime l'aspect humain du processus. Dans notre système, un des facteurs essentiels, qu'il s'agisse du système de justice pénale ou de ce système-ci, est la protection de la société. Cela est d'ailleurs reconnu dans cette décision judiciaire. Nous devons également savoir contre quoi il s'agit de protéger la société. Ce n'est qu'en écoutant la victime que nous saurons ce dont est capable la personne en cause.

    Je sais que vous avez mentionné que le poursuivant peut présenter des arguments très logiques. Cependant, ce n'est qu'en écoutant la victime que l'on tient compte de l'aspect humain de la situation. Je sais que nous avons déjà parlé de ces choses, mais vous avez peut-être des commentaires à faire sur ce que je viens de dire.

    L'autre aspect que vous avez mentionné était le risque que la victime soit obligée d'assister chaque année à ces audiences. Je vous renverrai la balle et vous demanderai alors pourquoi ne pas prolonger cette période? Si la situation de la personne concernée n'a pas changé, pourquoi alors exiger un examen annuel, ne serait-ce que pour tenir compte de la victime? Pourquoi ne pas prolonger cette période, s'il n'existe aucune indication montrant qu'il y a eu un changement?

»  +-(1705)  

+-

    Mme Jennifer Chambers: Je vais répondre à certains commentaires que vous avez faits.

    Pour la victime, je sais que c'est la même chose, mais le droit reconnaît qu'il faut faire une différence entre les personnes qui avaient l'intention de commettre un crime et celles qui n'avaient pas cette intention. À part l'exemple de la personne qui devient subitement physiquement incapable, le droit déclare que les personnes qui ont commis un acte en raison d'une incapacité mentale n'avaient pas l'intention de commettre un crime. C'est pourquoi on applique à ces personnes un système judiciaire très différent. Ce n'est pas un système basé sur la rétribution, mais un système fondé sur l'état d'esprit actuel de cette personne.

    Toutes les personnes qui sont atteintes de troubles mentaux ne se retrouvent pas, comme vous le savez, dans le système médico-judiciaire. On juge l'intention actuelle de la personne et on se demande si elle avait vraiment l'intention de commettre l'infraction. Si on estime que c'est bien le cas, cette personne ne sera pas déclarée non criminellement responsable.

    À moins de vouloir bouleverser complètement le système de justice pénale, pour que la rétribution telle que vue par la victime devienne la base de la justice, alors je ne pense pas qu'il serait équitable de l'imposer aux personnes qui sont atteintes d'une incapacité mentale.

+-

    M. Rob Moore: Je comprends ce commentaire. Je ne pense pas que nous parlions de rétribution selon la victime, même s'il me paraît intéressant d'entendre ce que la victime a à dire. Il s'agit d'avoir un point de vue sur ce que cette personne est capable de faire. Il me semble que seule la victime peut fournir ce point de vue.

    Je ne parle pas de confier à la victime le soin de prendre cette décision ou de choisir l'endroit où la personne concernée devrait être détenue. Ce n'est pas ce dont je parle. Je parle simplement de l'effet qu'a eu l'acte d'une personne sur une autre, que la personne qui a posé l'acte soit criminellement responsable ou non.

+-

    Mme Jennifer Chambers: Les déclarations des victimes comportent également le risque d'introduire des inégalités dans notre système de justice. Ces déclarations sont fondées sur la victime, sur la façon dont elles se présentent et sur le fait qu'elles sont effectivement en mesure de se présenter devant la commission d'examen. Ce processus comporte donc des dangers inhérents.

+-

    M. Nils Riis: Monsieur Moore, j'aimerais ajouter quelques observations.

    J'ai lu le mémoire de Mme Chambers avant de venir ici et je pense qu'il est très important d'avoir à l'esprit l'exemple qu'elle a fourni au comité. Cela n'est pas non plus très facile à comprendre. Lorsqu'une personne souffrant d'une maladie mentale est inculpée d'avoir commis une infraction pénale mais déclarée non responsable pénalement, cela veut dire qu'elle n'avait aucune idée de ce qu'elle faisait à l'époque des faits. J'aimerais inviter les membres du comité à réfléchir à la situation où j'aurais eu une crise cardiaque et où j'aurais blessé quelqu'un qui attendait l'autobus, et à se demander s'il serait utile pour la société que la personne dont j'ai cassé la jambe comparaisse devant moi en public pendant les 20 prochaines années et me reproche tous les ans le fait d'avoir eu une crise cardiaque. Cela ne servirait à rien.

    C'est comme cela que nous voyons les déclarations des victimes dans ce contexte. Ces personnes ne sont pas responsables de leur maladie. Elles n'avaient aucune intention de commettre ces infractions—aucune d'entre elles n'avait cette intention—et, pourtant, voici une proposition...

    J'aimerais que chaque fois que les membres du comité pensent à un aliéné mental qui commet une infraction qu'ils fassent le lien avec la personne qui a eu une crise cardiaque et qui a eu un accident pour cette raison. C'est une chose horrible, mais c'est la différence que nous essayons de faire ici.

»  +-(1710)  

+-

    Le président: Merci, monsieur Moore.

    Monsieur Maloney, allez-y. Je vois également que M. Cullen et Mme Neville voudraient intervenir.

+-

    M. John Maloney (Welland, Lib.): Lorsqu'on envoie un accusé dans un établissement, on cherche en fin de compte à le réhabiliter et à le libérer dans la collectivité mais vous proposez qu'on ne puisse le traiter que s'il y consent. Que se passe-t-il pour les accusés qui ne consentent pas à être traités? Vont-ils se guérir eux-mêmes, ou allons-nous devoir garder ces personnes jusqu'à leur dernier souffle?

+-

    M. Nils Riis: Il arrive souvent que l'état de nos clients s'améliore sans qu'ils prennent de médicaments. Il arrive très souvent qu'une situation traumatique soit à l'origine du déclenchement d'une maladie mentale. Le fait d'être congédié peut déclencher une maladie, à cause du stress qui est associé à ce genre d'expérience. Lorsque la personne se retrouve dans un environnement sécuritaire, où elle reçoit des soins, il arrive que la plupart des symptômes de la psychose disparaissent. La santé de cette personne peut s'améliorer et elle peut quitter l'hôpital sans avoir jamais pris de médicaments utilisés en psychiatrie.

+-

    M. John Maloney: Le traitement ne se limite pas à une simple intervention médicale, il comprend également du counselling.

+-

    M. Nils Riis: Absolument.

+-

    M. John Maloney: Proposez-vous également d'exclure le counselling, dans le cas où le patient n'y consent pas?

+-

    Mme Jennifer Chambers: J'ai quelques études ici—je vais les laisser à vos attachés de recherche—qui parlent des types de traitement les plus efficaces. Les études montrent que le traitement le plus efficace est celui qui répond aux besoins du client, tels que définis par lui. Cela est plus efficace que répondre aux besoins définis par le responsable du dossier. Le traitement le plus efficace consiste à aider la personne à répondre aux besoins qu'elle a elle-même définis.

    Il est très regrettable que, dans le système psychiatrique en général et le système médico-judiciaire en particulier, il arrive bien souvent que les besoins soient définis de façon extrêmement étroite et principalement comme étant de nature pharmaceutique. Les patients demandent souvent d'autres genres de traitement, comme la thérapie, mais ils ne l'obtiennent pas toujours. On ne leur offre bien souvent qu'une seule solution. Bien appliqué, le principe du consentement veut dire que la personne a effectivement accès à différentes thérapies qu'elle estime pouvoir lui être utiles et elle doit y consentir. C'est ce que démontrent les études.

    Par exemple, j'ai participé à l'affaire Starson. Il ne refusait pas le traitement mais il refusait un type de traitement. Il voulait subir un autre traitement.

+-

    M. John Maloney: Lorsqu'un traitement médical peut accélérer la réinsertion sociale du patient, cela coûte, je pense, quelque chose, mais cette personne ne reste pas indéfiniment dans l'établissement. En fait, il est préférable de renvoyer ces personnes dans la société dès que cela est possible.

+-

    M. Nils Riis: J'aimerais mentionner au comité qu'il est possible d'affirmer que toutes les personnes présentes à cette table sont capables de prendre des décisions en matière de traitement. Je demande à chacun d'entre vous comment vous vous sentiriez si quelqu'un vous imposait un traitement que vous ne vouliez pas, que vous ne vouliez absolument pas subir, pour une période indéfinie? Que ressentiriez-vous face à une telle atteinte à votre dignité?

    Je demande simplement aux membres du comité de réfléchir à cet aspect.

»  +-(1715)  

+-

    Mme Jennifer Chambers: Pour appuyer cette comparaison, je dirais qu'il y a effectivement des études qui montrent que la plupart des personnes qui sont prises en charge par le système psychiatrique sont tout aussi capables que les autres citoyens de prendre des décisions concernant leur traitement.

    Si je me base sur mon expérience, je dirais qu'il est extrêmement rare que quelqu'un déclare : « Je ne veux aucun traitement ». La plupart des gens disent : «Je voudrais un autre traitement». La plupart du temps, les possibilités de traitement offertes au patient sont très réduites.

+-

    M. John Maloney: Vous avez mentionné que la plupart des victimes n'ont pas subi de traumatisme physique. Vous avez également parlé du fait que les infractions commises par les personnes placées dans ces établissements sont souvent très mineures. Avez-vous des pourcentages concernant les dommages physiques causés? J'aimerais peut-être aussi avoir quelques exemples de ces infractions mineures.

+-

    Mme Jennifer Chambers: Oui, j'ai quelques statistiques. Plus de la moitié des personnes qui se trouvent dans le Centre de la toxicomanie et de la santé mentale ou dans le système médico-judiciaire n'ont pas commis d'actes ayant causé des lésions corporelles, la dernière fois que j'ai examiné ces statistiques. En fait, ce chiffre est exagéré, parce que dans le système médico-judiciaire, tout comme dans le système de justice pénale, l'infraction initiale n'est jamais réduite, de sorte que les personnes sont toujours considérées comme ayant commis l'infraction dont ils étaient inculpés initialement.

    Je vous donnerais comme exemple celui d'un homme qui se trouvait dans la rue et qui a uriné contre un édifice. Une femme se trouvant à proximité l'a vu. Peu après, il est monté dans le même autobus qu'elle et celle-ci a déclaré au conducteur de l'autobus que cet homme l'avait agressée sexuellement. Les policiers sont arrivés, ils ont arrêté l'homme et l'ont inculpé d'agression sexuelle. Lorsque les policiers ont découvert ce qui s'était réellement produit et sont allés parler à cet homme, il leur a craché dessus; il a alors été inculpé de voies de fait contre des policiers. Cet homme a passé six ans sous le contrôle de la commission d'examen de l'Ontario—quatre ans en détention et deux ans en liberté surveillée dans la collectivité.

    Je connais un autre exemple, celui d'un homme qui a maintenant passé quatre ans en détention. Il avait laissé une pile d'articles de journaux devant la porte de son médecin et il y avait, dans ce tas, un article qui parlait d'une personne qui avait tué son médecin. Cela a été interprété comme une menace et cet homme est détenu depuis plusieurs années.

    Il y a d'autres exemples.

+-

    Le président: Merci, monsieur Maloney.

    Monsieur Cullen.

+-

    L'hon. Roy Cullen (Etobicoke-Nord, Lib.): Merci, monsieur le président, et merci aux témoins.

    Je ne suis pas avocat et je vous demande donc de me corriger si je n'utilise pas les termes qu'il faudrait.

    Je me suis posé des questions, monsieur Riis, lorsque vous avez parlé des personnes qui ont été jugées non criminellement responsables. Je sais qu'en termes juridiques, cela est assez clair; je sais qu'il faut respecter la lettre de la loi. Je me demande néanmoins si, dans la réalité, vous avez jamais eu des doutes au sujet d'une personne déclarée non criminellement responsable. Cela ne pourrait-il pas avoir un effet sur l'utilité de la déclaration de la victime? C'est une question suggestive dans ce sens-là.

+-

    M. Nils Riis: Eh bien, sans vouloir critiquer les psychiatres, je pense que tout le monde reconnaît que ce n'est pas une science exacte. Je vous accorde qu'il est possible qu'un psychiatre déclare une personne non criminellement responsable et qu'un autre en arrive à une conclusion différente.

+-

    Le président: Ce serait un tribunal qui en arriverait à cette conclusion.

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    M. Nils Riis: Oui, mais en fin de compte, c'est la recommandation du psychiatre qui importe.

+-

    L'hon. Roy Cullen: Je comprends cela, mais vous me donnez une réponse très juridique. C'est normal puisque vous êtes avocat. Je me demande quand même, si tout était très clair, si vous diriez que cette personne n'est pas pénalement responsable. Je pense que vous avez utilisé certains exemples qu'avait cités Mme Chambers; ce sont de bons exemples. Cette personne n'avait aucune idée de ce qu'elle faisait et, dans une affaire de ce genre, d'après moi en tout cas, cela me semble encore plus justifié d'examiner le rôle de la victime—puisque cette personne n'avait aucune idée de ce qu'elle faisait. Nous nous attachons principalement au sort de l'accusé et nous voulons le réintégrer dans la société.

    L'autre aspect dont je voulais parler—et vous pourrez peut-être l'ajouter à votre réponse—est que lorsque vous dites que vous n'êtes pas convaincu de l'intérêt des déclarations des victimes dans le contexte des commissions d'examen, si vous n'êtes pas guidé par... Je sais que vous vous guidez sur le droit, comme nous devons tous le faire, mais nous faisons les lois ici; nous pouvons donc les changer. Je ne suis pas en train de dire que nous devrions le faire mais lorsqu'on examine ces critères, et je pense à l'affaire Winko de la Cour suprême, je me demande si ces critères ont été énoncés par la Cour suprême ou s'ils figurent dans le Code criminel.

»  +-(1720)  

+-

    Mme Jennifer Chambers: C'est l'arrêt Winko. Je ne suis pas non plus avocate et je ne pourrais donc vous en dire davantage.

+-

    L'hon. Roy Cullen: C'est donc l'arrêt Winko. La priorité est de protéger le public contre des personnes dangereuses. Je suppose que vous estimez qu'il s'agit en fait d'évaluer l'état mental de l'accusé et que ce que cette personne a fait dans le passé, et les répercussions qu'ont eues ses actes à ce moment, n'est aucunement pertinent. Je vous ai entendu dire que ces événements étaient parfois très anciens.

    Si vous vous guidiez sur des principes qui donnaient un rôle plus important à la protection des témoins, et non pas à la rétribution, pensez-vous que vous en arriveriez à une conclusion différente? Si vous vous placiez uniquement du point de vue de ce qui est préférable pour le système judiciaire, en arriveriez-vous à la même conclusion si vous n'étiez pas obligé de suivre les règles juridiques et ce qu'a écrit la Cour suprême?

+-

    M. Nils Riis: Je crois qu'en fait, nous recommandons de conserver le statu quo.

    J'aimerais revenir à ce que je disais au sujet de la différence qui existe entre les commissions d'examen et les juridictions pénales. Dans ce genre d'audience, l'élément fondamental est l'état clinique actuel du patient. Cette personne représente-t-elle un danger aujourd'hui? S'il n'existe pas suffisamment de preuves indiquant qu'aujourd'hui cette personne représente un danger important pour la sécurité du public, l'arrêt Winko montre clairement qu'il n'y a qu'une chose à faire : lui accorder une libération inconditionnelle. Ces personnes ont les mêmes droits et les mêmes privilèges que nous.

+-

    L'hon. Roy Cullen: Je ne parle pas de l'arrêt Winko. Je comprends que ce sujet soulève des questions reliées à la Charte. Je ne suis pas avocat, mais les législateurs écrivent les lois, de sorte que nous pouvons adopter des lois qui peuvent être invalidées. En prenant soin de rédiger des lois qui ne puissent être invalidées, nous pouvons élaborer des lois qui coexistent avec la Charte.

    Madame Chambers, vous voudrez peut-être réagir à mes observations du point de vue de quelqu'un qui a également des idées sur ces questions.

+-

    Mme Jennifer Chambers: Je crois que vous partez peut-être de l'hypothèse selon laquelle le système libère facilement ces personnes. La réalité est qu'habituellement, le système médico-judiciaire détient les gens beaucoup plus longtemps que ne le ferait le système de justice pénale. Il ne s'agit donc pas de l'élargir, il ne l'est déjà que trop.

    Je pense également que les personnes dont vous parlez se situent dans une sorte de zone grise. C'est la zone dans laquelle les contrevenants souffrant de troubles mentaux ont tendance à se retrouver dans le système de justice pénale. Il y a des personnes qui souffrent peut-être de troubles mentaux, et qui sont déclarées responsables d'avoir commis une infraction parce qu'il semble que leurs troubles n'excusent pas leur acte criminel. Je pense que vous parlez de ce genre de personnes.

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    Le président: Merci, monsieur Cullen.

    Madame Neville—et je crois qu'il nous reste cinq minutes avant que la cloche ne se mette à sonner.

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    Mme Anita Neville: Y a-t-il un vote?

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    Le président: Oui, à 17 h 30.

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    Mme Anita Neville: Permettez-moi de dire, monsieur Riis, qu'il existe une très grande différence entre la personne qui a une crise cardiaque et qui casse la jambe de quelqu'un et celle qui souffre de troubles mentaux et qui agresse violemment une victime et qui crée une situation où la guérison est pratiquement impossible.

    Je ne suis pas non plus avocate et je ne connais pas très bien ce projet de loi. Je suis en train d'apprendre les subtilités de ce document. Je pense néanmoins que vous réduisez beaucoup trop l'importance que revêt pour la victime le fait de pouvoir prendre la parole et de montrer comment certains événements ont modifié sa vie, et d'indiquer que la vie d'une autre personne pourrait également être modifiée de cette façon.

    Je ne sais pas si vous voulez répondre à ces commentaires, mais c'est ce que je pense.

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    M. Nils Riis: Là encore, je me suis vraiment efforcé de ne pas diminuer la gravité de ce qu'ont vécu les victimes et leurs familles. J'ai l'impression de me répéter constamment. Il faut entendre leur voix. Ces personnes ont un rôle à jouer. Je ne sais pas comment le dire plus clairement.

    Je dis simplement que, compte tenu de l'intérêt de l'accusé NCR, ainsi que de celui de la victime, cela n'est pas l'instance appropriée. J'invite plutôt le comité à trouver un forum mieux approprié dans le souci d'améliorer la société en général, d'aider ces personnes à réintégrer la société, et d'aider les familles des victimes et les victimes elles-mêmes. C'est tout ce que je dis.

»  -(1725)  

+-

    M. David Simpson: J'aimerais ajouter un commentaire parce que je pense que j'entends en fait ceci. En Ontario, il existe un mythe selon lequel les personnes prises en charge par le système médico-judiciaire sont très bien traitées. Il arrive souvent que les familles appellent plusieurs fois la police à cause de ce que font des membres de leur famille, jusqu'à ce que ces personnes soient inculpées et prises en charge par le système médico-judiciaire pour être évaluées; elles s'aperçoivent par la suite que ces personnes sont loin d'être bien traitées. En fait, ces personnes se retrouvent dans une bureaucratie juridique pendant des années, et leur cas est examiné une fois par an par la commission d'examen. Il est possible que, si l'on était intervenu plus tôt, avant que la personne soit prise en charge par le système médico-judiciaire, elle ne serait pas ici aujourd'hui.

    Il est donc faux de penser que le système médico-judiciaire traite très bien les personnes qu'il prend en charge.

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    Mme Jennifer Chambers: Si vous me permettez de répondre, l'exemple que j'avais donné était celui de la personne qui en tue une autre parce qu'elle a eu une crise cardiaque au volant. Mais ce que je voulais vraiment dire est que je suis une victime de la violence. Il se trouve que j'ai eu cette expérience au moment de l'année où il y avait ces marches Take Back the Night, qui incitent bien souvent les gens à utiliser des moyens violents contre les contrevenants. J'ai trouvé extrêmement troublant de me retrouver dans un milieu où l'on parlait de nuire physiquement à d'autres personnes, même s'il s'agissait de contrevenants.

    Je pense qu'il serait bien préférable pour notre société de traiter tout le monde avec compassion. Je pense que les contrevenants atteints de troubles mentaux qui n'avaient pas l'intention de commettre une infraction font partie de la catégorie des personnes qui devraient susciter la compassion.

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    Mme Anita Neville: Je suis d'accord avec vous mais je pense quand même que la victime a un rôle à jouer dans ce processus.

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    Le président: Merci, madame Neville.

    Je remercie les témoins d'être venus ici et d'avoir participé à nos débats. Il est facile de constater que ces discussions vont nous amener à beaucoup réfléchir et je vous en remercie.

    Je vais demander aux membres du comité de rester encore quelques minutes. Nous allons siéger à huis clos et parler de nos travaux futurs. Nous avons perdu quelques membres, mais nous ferons ce que nous pouvons.

    [La séance se poursuit à huis clos]