Passer au contenu
Début du contenu

JUST Réunion de comité

Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.

Pour faire une recherche avancée, utilisez l’outil Rechercher dans les publications.

Si vous avez des questions ou commentaires concernant l'accessibilité à cette publication, veuillez communiquer avec nous à accessible@parl.gc.ca.

Publication du jour précédent Publication du jour prochain
PDF

38e LÉGISLATURE, 1re SESSION

Comité permanent de la justice, des droits de la personne, de la sécurité publique et de la protection civile


TÉMOIGNAGES

TABLE DES MATIÈRES

Le jeudi 21 avril 2005




¿ 0900
V         Le président (l'hon. Paul DeVillers (Simcoe-Nord, Lib.))
V         Mme Dolina Smith (présidente, Canadiens Opposés à l'Exploitation Sexuelle)

¿ 0905

¿ 0910
V         Le président

¿ 0915
V         Mme Dolina Smith
V         Le président
V         Mme Dolina Smith
V         Le président
V         M. Vic Toews (Provencher, PCC)
V         Le président
V         Mme Gwendolyn Landolt (vice-présidente nationale, REAL Women of Canada)

¿ 0920

¿ 0925
V         Le président
V         M. Paul Burstein (directeur, Criminal Lawyers' Association)
V         Mme Karen Unger (avocate, Criminal Lawyers' Association)

¿ 0930
V         Le président
V         M. Paul Burstein

¿ 0935
V         Le président
V         M. Steve Sullivan (président, Centre canadien de ressources pour les victimes de crimes)
V         Le président
V         M. Steve Sullivan

¿ 0940

¿ 0945

¿ 0950
V         Le président
V         M. Vic Toews

¿ 0955
V         M. Steve Sullivan
V         M. Vic Toews
V         M. Steve Sullivan
V         M. Vic Toews
V         M. Steve Sullivan
V         Le vice-président (M. Garry Breitkreuz (Yorkton—Melville, PCC))
V         M. Richard Marceau (Charlesbourg—Haute-Saint-Charles, BQ)
V         M. Paul Burstein

À 1000
V         M. Richard Marceau
V         M. Paul Burstein
V         M. Richard Marceau
V         M. Paul Burstein

À 1005
V         Le vice-président (M. Garry Breitkreuz)
V         L'hon. Paul Harold Macklin (Northumberland—Quinte West, Lib.)

À 1010
V         Le vice-président (M. Garry Breitkreuz)
V         Mme Dolina Smith
V         Le vice-président (M. Garry Breitkreuz)
V         Mme Gwendolyn Landolt
V         Le vice-président (M. Garry Breitkreuz)
V         M. Paul Burstein

À 1015
V         Le vice-président (M. Garry Breitkreuz)
V         M. Steve Sullivan
V         Le vice-président (M. Garry Breitkreuz)
V         L'hon. Paul Harold Macklin
V         Le vice-président (M. Garry Breitkreuz)
V         M. Myron Thompson (Wild Rose, PCC)

À 1020
V         Le vice-président (M. Garry Breitkreuz)
V         M. Paul Burstein
V         Le vice-président (M. Garry Breitkreuz)
V         M. Steve Sullivan
V         M. Myron Thompson

À 1025
V         Le vice-président (M. Garry Breitkreuz)
V         Mme Dolina Smith
V         Le président
V         M. Serge Ménard (Marc-Aurèle-Fortin, BQ)
V         M. Paul Burstein

À 1030
V         Le président
V         Mme Gwendolyn Landolt
V         M. Serge Ménard
V         Mme Gwendolyn Landolt
V         M. Serge Ménard
V         Mme Gwendolyn Landolt
V         M. Serge Ménard
V         Mme Gwendolyn Landolt
V         M. Serge Ménard
V         Mme Gwendolyn Landolt
V         M. Serge Ménard
V         Le président
V         Mme Anita Neville (Winnipeg-Centre-Sud, Lib.)

À 1035
V         M. Steve Sullivan
V         Mme Anita Neville
V         M. Paul Burstein

À 1040
V         Mme Anita Neville
V         M. Paul Burstein
V         Le président
V         M. Steve Sullivan
V         Le président
V         M. Mark Warawa (Langley, PCC)

À 1045
V         Le président
V         Mme Gwendolyn Landolt

À 1050
V         Le président
V         Mme Gwendolyn Landolt
V         Le président
V         Mme Gwendolyn Landolt
V         Le président
V         M. Steve Sullivan
V         Le président
V         Mme Dolina Smith
V         Le président
V         Mme Karen Unger
V         Le président
V         M. John Maloney (Welland, Lib.)

À 1055
V         M. Paul Burstein
V         Le président
V         M. Steve Sullivan

Á 1100
V         Le président
V         M. Garry Breitkreuz
V         Le président
V         Mme Dolina Smith
V         M. Garry Breitkreuz
V         M. Steve Sullivan
V         M. Garry Breitkreuz
V         M. Steve Sullivan
V         Mme Dolina Smith
V         M. Garry Breitkreuz
V         M. Steve Sullivan

Á 1105
V         M. Garry Breitkreuz
V         Le président
V         M. Paul Burstein
V         M. Garry Breitkreuz
V         Le président
V         M. Steve Sullivan
V         M. Garry Breitkreuz
V         M. Steve Sullivan
V         M. Garry Breitkreuz
V         M. Paul Burstein

Á 1110
V         Le président
V         Mme Gwendolyn Landolt
V         Le président
V         Mme Dolina Smith
V         Le président










CANADA

Comité permanent de la justice, des droits de la personne, de la sécurité publique et de la protection civile


NUMÉRO 034 
l
1re SESSION 
l
38e LÉGISLATURE 

TÉMOIGNAGES

Le jeudi 21 avril 2005

[Enregistrement électronique]

*   *   *

¿  +(0900)  

[Traduction]

+

    Le président (l'hon. Paul DeVillers (Simcoe-Nord, Lib.)): La séance est ouverte. Le Comité permanent de la justice, des droits de la personne, de la sécurité publique et de la protection civile est réuni pour poursuivre l'étude du projet de loi C-2, Loi modifiant le Code criminel (protection des enfants et d'autres personnes vulnérables) et la Loi sur la preuve au Canada.

    Nous allons entendre ce matin quatre groupes de témoins. Nous avons Dolina Smith, présidente des Canadiens opposés à l'exploitation sexuelle, Gwendolyn Landolt, vice-présidente nationale de REAL Women of Canada, Paul Burstein, directeur et Karen Unger, avocate de la Criminal Lawyers' Association et enfin, encore une fois Steve Sullivan, président du Centre canadien de ressources pour les victimes de crimes.

    Bienvenue à tous les témoins.

    Je pense que la greffière vous a expliqué la formule. Nous commençons par des déclarations liminaires d'une dizaine de minutes et nous passons ensuite aux questions des membres du comité. Nous avons la salle de 9 heures à midi mais nous devons également examiner une requête; je propose donc de siéger jusqu'à 11 h 30 après quoi nous examinerons la motion.

    Nous allons commencer par Mme Smith des Canadiens opposés à l'exploitation sexuelle. Je vous en prie, allez-y.

+-

    Mme Dolina Smith (présidente, Canadiens Opposés à l'Exploitation Sexuelle): Merci. C'est un honneur d'être ici.

    Comme je l'ai dit, je représente les Canadiens opposés à l'exploitation sexuelle. C'est l'organisme qui parraine tous les ans la semaine du ruban blanc. La plupart des députés ont reçu de grands rubans blancs de la part de leurs électeurs, vous ne serez donc pas surpris que je sois ici pour vous parler de l'âge du consentement.

    Comme l'âge actuel du consentement est de 14 ans, toutes les lois qui protègent les enfants contre la prostitution, la pornographie, le tourisme sexuel et la corruption d'enfants sur Internet et toutes les modifications proposées dans le projet de loi C-2 sont compromises par les juges se servent du critère de l'âge du consentement pour acquitter les adultes accusés d'infraction en vertu de ces lois. Cela n'offre aucune protection aux jeunes Canadiens de 13 à 18 ans. Autrement dit, le droit canadien, tel qu'il est actuellement formulé, offre plus de protection aux prédateurs sexuels adultes qu'aux enfants qui en sont victimes.

    Avec l'âge du consentement à des relations sexuelles fixé à 14 ans, tous les adolescents dans notre pays sont la cible potentielle des prédateurs sexuels adultes.

    En 2002, une loi sur la corruption d'enfants sur Internet a été adoptée. C'est à ce moment-là que CASE s'est adressé au Comité de la justice et à de nombreux députés pour expliquer que la loi était valable mais qu'elle ne protégeait pas les enfants contre les prédateurs sexuels adultes à cause de l'âge du consentement retenu. La réalité nous a malheureusement donné raisons. Le mois dernier à Ottawa, par exemple, un homme de 31 ans originaire du Texas a réussi à attirer un jeune garçon de 14 ans dans un hôtel pour avoir des relations sexuelles avec lui. L'homme a été accusé de corruption d'enfants sur Internet et d'enlèvement mais il n'a pas été possible de l'accuser d'agression sexuelle ou de contact sexuel parce que le garçon l'avait suivi de son plein gré à l'hôtel et avait donc consenti à cette activité.

    Aux termes des lois actuelles et des modifications proposées dans le projet de loi C-2, le garçon serait toujours coupable aux yeux de la loi. À 14 ans, il aura pour le reste de sa vie un sentiment de culpabilité parce qu'il est responsable des actes de l'adulte parce qu'il y a consenti. Au Texas, où l'âge du consentement est de 17 ans, cet homme aurait été poursuivi et très probablement reconnu coupable. C'est peut-être la raison pour laquelle il est venu au Canada.

    Dans le préambule du projet de loi C-2, le gouvernement déclare qu'il est très inquiet de la vulnérabilité des enfants à l'égard de toutes les formes d'exploitation sexuelle. Nous sommes inquiets aussi. Nous comprenons également que le gouvernement, lorsqu'il renvoie à la Convention des Nations Unies sur les droits de l'enfant, renvoie à la définition de l'enfant comme personne de moins de 18 ans. L'expression « de moins de 18 ans » est souvent employée dans le projet de loi C-2 et dans le Code criminel actuel. Le seuil de protection des jeunes dans la Loi sur le système de justice pénale pour les adolescents est également de 18 ans.

    Le gouvernement n'ignore pas que les premiers ministres provinciaux et leurs ministres de la Justice, les organisations policières, les groupes de défense et la population en général veulent que l'on modifie l'âge auquel un jeune peut consentir à avoir des relations sexuelles avec un adulte. Pourtant, selon le projet de loi C-2 tel qu'il est rédigé actuellement, les adultes ont encore le droit—et je le répète—ont encore le droit d'avoir des relations sexuelles avec les adolescents vulnérables qui font partie de ce groupe d'âge.

    En fait, c'est très simple; la police ne peut pas accuser un adulte d'un crime sexuel si son partenaire a plus de 13 ans et moins de 18 ans pourvu qu'il ne s'agisse pas d'une infraction énumérée dans le Code criminel. Le projet de loi C-2 ne relève pas l'âge du consentement, de sorte que les adolescents ne sont pas protégés et que la police n'a toujours pas le pouvoir d'arrêter et d'accuser les adultes qui commettent ces crimes.

    Selon le projet de loi C-2, c'est à l'enfant qu'il incombe de prouver qu'il n'a pas consenti à la relation. Cela veut dire que l'enfant est de nouveau victimisé chaque fois qu'il doit témoigner.

¿  +-(0905)  

    La plupart des adolescents de 14 à 17 ans n'ont pas la maturité suffisante pour reconnaître que les adultes avec qui ils entretiennent une relation les exploitent. Beaucoup de ces victimes sont vulnérables, elles sont en quête d'amour, de sécurité, d'attention, voire d'aventure. CASE estime que tous les enfants sont vulnérables lorsqu'ils subissent l'influence et la force de persuasion d'un adulte. C'est la nature des relations entre enfant et adulte. C'est pourquoi les adultes doivent assumer la responsabilité de leurs actes. Le projet de loi C-2 ne rend pas les adultes pénalement responsables des activités sexuelles qu'ils exercent avec des enfants.

    Les modifications législatives proposées sont vagues et ambiguës et elles n'accordent aucune protection nouvelle aux enfants. En fait, le projet de loi donne encore l'impression que l'activité sexuelle entre un adulte et un enfant de plus de 13 ans peut être consensuelle et, par conséquent, licite. Cela doit changer.

    Les modifications vagues et ambiguës du projet de loi C-2 n'auraient rien changé à l'issue des affaires suivantes.

    Au Manitoba, un enseignant qui avait abusé sexuellement un élève de son école a été jugé non coupable : le juge a estimé que l'enseignant n'était pas en « position de confiance et d'autorité », parce que l'élève n'était pas dans sa classe.

    En Saskatchewan, deux hommes ont reconnu avoir emmené une fillette de 12 ans, lui avoir donné cinq bières et l'avoir utilisée sexuellement. Ils ont été acquittés parce que cette fille leur avait dit qu'elle avait 14 ans.

    En Ontario, un homme de 48 ans a donné des jeux vidéos et offert des voyages à Wonderland au Canada à des adolescents de 15 ans en contrepartie de relations sexuelles. Il a été déclaré non coupable, parce que la juge a déclaré que le fait que les enfants soient retournés chez lui indique qu'il y avait consentement. Elle n'a pas déclaré que les jeux vidéos et les voyages à Wonderland représentaient le paiement de ces services.

    Nous avons récemment reçu la demande de renseignements suivante par courriel à notre bureau. Ce n'est qu'une des nombreuses demandes que nous recevons :

À Edmonton, un homme marié de ma connaissance utilise les salons de clavardage pour solliciter des rendez-vous avec des jeunes hommes. Il m'a toujours dit qu'il ne rencontrait que des jeunes de 18 ans ou plus. Récemment, je suis tombé sur un échange qu'il avait eu avec un adolescent qui affirmait qu'il avait 16 ans et était en onzième année. L'homme lui a dit qu'il avait 38 ans, alors qu'en fait, il en avait 66. Dans le même échange de messages, j'ai remarqué qu'il offrait de payer l'adolescent 40 à 50 $ pour des services sexuels. L'adolescent répondait qu'il était intéressé. L'homme proposait également de réserver une chambre d'hôtel, s'il le souhaitait.

    Que dit la loi à ce sujet? Nous avons malheureusement dû répondre que la loi protège l'adulte plus que l'adolescent parce que celui-ci, âgé de 16 ans, avait accepté d'avoir des relations sexuelles avec un homme qui pourrait être son grand-père.

    Si ce gouvernement veut vraiment protéger les enfants des prédateurs sexuels adultes, il doit relever l'âge du consentement pour protéger tous les jeunes de moins de 18 ans. Certains estiment qu'il suffirait de relever l'âge du consentement à 16 ans, mais CASE fait valoir que les jeunes de 16 et 17 ans ont autant besoin que les autres d'être protégés contre les prédateurs adultes. La loi devra, bien entendu, comporter des dispositions au sujet de l'écart d'âge de façon à protéger les jeunes contre toute poursuite lorsqu'ils entretiennent des relations entre eux. Nous proposons de tenir compte des lois de pays étrangers sur l'âge du consentement, notamment celles de l'Angleterre et de l'Allemagne, ou élaborer la meilleure loi possible pour les enfants canadiens.

    À partir de ces idées, je propose d'adopter une loi simple en matière d'âge de consentement. Appliquer la tolérance zéro pour tout adulte qui utilise sexuellement un enfant de plus de 16 ans—tolérance zéro. Lorsque l'adolescent a 16 ou 17 ans, et qu'il est donc visé par la définition légale d'enfant, les tribunaux pourraient prendre en compte les modifications recommandées par le projet de loi C-2—à savoir, l'écart d'âge entre l'enfant et l'adulte, la durée de la relation, la vulnérabilité de l'enfant, le pouvoir et l'autorité de l'adulte ainsi que la relation de confiance entre l'adulte et l'enfant. Rédigée ainsi, une telle loi pourrait amener les adultes à réfléchir davantage.

¿  +-(0910)  

    Dans ses propositions de modifications du Code criminel, le ministère de la Justice n'a pas réussi à protéger les jeunes Canadiens. Nos lois doivent transmettre un message clair aux prédateurs sexuels d'enfants : ils ne sont pas les bienvenus au Canada. Les jeunes Canadiens ne doivent pas être la cible d'adultes en mal de gratification sexuelle. Les lois canadiennes doivent protéger les enfants et ne plus laisser les prédateurs sexuels s'en prendre impunément aux jeunes Canadiens. Si l'âge du consentement était fixé à 18 ans, le projet de loi C-2 adresserait un message clair : la tolérance zéro est la norme employée au Canada à l'égard des adultes qui se servent d'enfants pour leur satisfaction sexuelle. Les familles canadiennes ne méritent rien de moins.

    Je vous remercie.

+-

    Le président: Merci, madame Smith.

    J'aimerais apporter quelques précisions. Notre attaché de recherche vient juste de m'informer que l'affaire de la Saskatchewan que vous mentionnez à la page 3 de votre mémoire a apparemment été infirmée par la Cour suprême du Canada hier et que l'accusé a été renvoyé pour subir son procès.

¿  +-(0915)  

+-

    Mme Dolina Smith: Bravo!

+-

    Le président: Deuxièmement, le cas de l'homme marié, l'homme de 66 ans, qui offrait 40 ou 50 $ aux jeunes de 16 ans pour avoir des relations sexuelles serait visé par le paragraphe 212(4) du Code criminel. Il est illégal de rémunérer des services sexuels fournis par un jeune de moins de 18 ans...

+-

    Mme Dolina Smith: J'ai envisagé cette possibilité. Mais l'affaire de Kitchener, celle où l'homme avait donné des jeux vidéos et offert des voyages à Wonderland semble indiquer que si l'on paie en nature, cela ne compte pas. Il semble que la question de l'âge du consentement déborde sur d'autres aspects, d'après ce que nous avons vu dans la jurisprudence.

+-

    Le président: Merci.

    Monsieur Toews.

+-

    M. Vic Toews (Provencher, PCC): Au sujet de l'affaire de la Saskatchewan, je crois également savoir que la Cour d'appel de la Saskatchewan a confirmé la peine avec sursis qui avait été imposée à un des hommes qui avait plaidé coupable et été condamné à une peine avec sursis pour avoir violé cette jeune Autochtone de 12 ans et lui avoir fait consommer de l'alcool. Cette personne a donc eu une peine avec sursis pour avoir violé cette fille de 12 ans.

+-

    Le président: Merci.

    Nous allons finir par nous lancer dans un débat au lieu d'apporter des précisions; nous ferions mieux de poursuivre.

    Nous allons maintenant passer à Mme Landolt de REAL Women of Canada, pour une dizaine de minutes.

+-

    Mme Gwendolyn Landolt (vice-présidente nationale, REAL Women of Canada): Merci, monsieur le président.

    Tout d'abord, nous sommes reconnaissantes de savoir que le gouvernement entend mieux protéger les enfants. C'est une tâche qui nous paraît absolument essentielle et à laquelle nous nous intéressons beaucoup. Cependant, malheureusement, nous pensons que le projet de loi C-2 n'accordera pas aux enfants une protection adéquate. Il y a deux aspects dont nous aimerions parler : la question de la pornographie juvénile et notamment, la valeur artistique, et la disposition relative à l'exploitation sexuelle qui semble avoir été insérée pour éviter d'avoir à relever l'âge du consentement. Ce sont là des aspects qui nous inquiètent beaucoup.

    Premièrement, pour ce qui est de la pornographie juvénile, il y a le fait que le projet de loi préserve le moyen de défense fondé sur la valeur artistique. L'idée voulant que la pornographie juvénile puisse être excusée parce qu'elle serait « artistique » défie le sens commun et elle peut jamais avoir un but légitime.

    Nous notons que la Conférence canadienne sur les arts prétend que cette échappatoire aura un effet paralysant sur l'expression artistique. Je crains que cela ne soit pas le cas et j'estime qu'elle devrait avoir un tel effet sur l'expression artistique. Il y a un cinéaste d'Ottawa qui a fait un film sur la pornographie juvénile et le Conseil des arts du Canada voulait lui donner, en mars 2004, une somme supplémentaire de 1 000 $ pour faire un autre film sur des hommes âgés qui ont des relations sexuelles avec de jeunes adolescents. Il affirme qu'il s'agit là de liberté d'expression. La liberté d'expression ne devrait pas toutefois passer avec d'autres droits. Nous savons tous que la Charte des droits comporte des limites. Ces droits sont limités. Il convient donc de limiter également la liberté d'expression parce qu'elle peut nuire à autrui.

    Il semble que la protection contre la valeur artistique pourrait être visée par l'article 1 de la Charte qui soustrait à l'application de la Charte les lois dont la justification peut se démontrer dans une société libre et démocratique. La protection des enfants est certainement justifiée dans une société libre et démocratique. Le défaut de fournir cette protection en supprimant le moyen de défense fondé sur la valeur artistique dans le domaine de la pornographie juvénile revient à refuser de respecter les enfants et d'exercer ses responsabilités législatives. Ce n'est pas parce qu'un tribunal risque à un moment donné d'avoir une autre opinion qu'il ne faut pas adopter une loi nécessaire. En fait, l'inaction dans ce domaine, à savoir l'omission de supprimer le moyen de défense fondé sur la valeur artistique, revient à faire preuve d'une trop grande retenue à l'égard des tribunaux sur des questions qui relèvent clairement des compétences du Parlement.

    Nous aimerions souligner ici que la pornographie juvénile met les enfants en danger. Le Dr William Marshall de l'université Queen's a effectué une recherche approfondie et il a conclu que les agresseurs utilisent la pornographie juvénile pour séduire leurs victimes ou les inciter à avoir des relations sexuelles en leur montrant qu'elles sont normales ou acceptables. Les pédophiles utilisent également cette pornographie pour s'exciter. Ce phénomène cause des dommages affectifs dévastateurs aux enfants qui doivent non seulement supporter ces agressions mais également le fardeau de savoir que circule dans la société une représentation visuelle de ces agressions. Il convient également de faire remarque que même lorsque la pornographie juvénile représente des enfants fictifs, créés par ordinateur, et non pas des enfants réels, les déviants utilisent quand même ce matériel—comme nous venons de le mentionner—pour essayer de séduire et d'attirer les enfants. La pornographie juvénile est nuisible et la liberté d'expression ne constitue pas une excuse pour autoriser des artistes à représenter les enfants dans le matériel de pornographie juvénile.

    J'aimerais parler du fait que nous avons remarqué que la Loi sur la pornographie juvénile ne prévoyait pas de peine minimale. C'est une lacune importante. Nous apprenons tous les jours que les tribunaux imposent des peines comme celles qui ont été imposées dans l'affaire Robin Sharpe de la Colombie-Britannique, dans laquelle l'accusé n'a fait l'objet que d'une peine avec sursis de quatre mois qu'il a purgée chez lui, même s'il était en possession de 500 photographies de pornographie juvénile qu'il avait prise lui-même en Asie. Il faut renforcer la sévérité des peines dont est passible la pornographie juvénile en prévoyant une peine minimale. Ce genre de peine fait savoir à la population que ce genre de matériel est tout à fait inacceptable et n'est pas toléré.

¿  +-(0920)  

    Le projet de loi est également insuffisant sur la question de l'âge du consentement. Bien sûr, comme l'a mentionné l'intervenant précédent, il faut savoir que l'âge de consentement fixé à 14 ans est l'un des plus bas parmi les pays occidentaux. Cette situation a eu pour effet d'augmenter le nombre des pédophiles qui viennent de l'autre côté de la frontière, parce que le Canada est la nation la plus branchée au monde. Il y a en fait 10 millions d'utilisateurs d'Internet au pays, le plus fort pourcentage au monde, et nous avons l'âge du consentement le plus bas. Cette combinaison a eu un effet particulièrement préjudiciable sur les enfants.

    Les enfants de 14 ans n'ont pas une maturité suffisante pour décider d'avoir ou non des relations sexuelles avec des adultes. Les relations sexuelles entre des jeunes et des adultes peuvent entraîner des conséquences à long terme : les maladies transmises sexuellement, le sida, les grossesses non souhaitées, une baisse de l'estime de soi, l'abandon des études, et je pourrais continuer.

    Nous avons également appris que les procureurs généraux fédéral et provinciaux s'étaient réunis à trois reprises—en 1999, 2000 et 2003—et qu'ils avaient tous convenu de relever l'âge du consentement à au moins 16 ans. Cela n'a pas été fait. Nous savons que la Loi sur la justice pénale pour les jeunes retient l'âge de 18 ans. Nous savons que les enfants ne peuvent se procurer de tabac ou d'alcool s'ils n'ont pas 18 ans, et pourtant cela n'a pas été fait. Nous voulons que l'âge du consentement soit relevé, à 18 ans espérons-nous, mais au moins à 16 ans et que la Loi sur le système de justice pénale pour les jeunes soit respectée.

    Ce projet de loi soulève un autre problème, celui de l'exploitation sexuelle. Le droit actuel protège les enfants contre une relation d'exploitation avec une personne qui se trouve en situation de confiance ou d'autorité. La modification élargit les circonstances dont le tribunal peut tenir compte pour décider s'il y a exploitation. Le problème que pose cette disposition est que le tribunal doit analyser chaque cas dans lequel une accusation est portée pour décider si l'adulte exploite effectivement l'enfant. Cette approche est très lourde et elle ne donne pas aux enfants la certitude d'être protégés dont ils ont besoin. C'est également une disposition beaucoup trop complexe et avec celle-ci, un avocat de la défense habile pourrait facilement faire assumer par la victime la responsabilité de la relation.

    Nous notons sur ce point que Capital Xtra, le journal homosexuel, du 10 février 2005 déclare : « le gouvernement a renforcé les lois sur l'exploitation sexuelle... dans le but d'écarter les demandes de la part des ministres de la Justice provinciaux de relever l'âge du consentement à 16 ans [...] » L'article poursuit en disant que cette mesure constitue apparemment un compromis et représente « le moindre de deux maux ». Nous ne partageons absolument pas cette opinion. La modification pourra peut-être plaire à ceux qui veulent avoir un accès sexuel sans limite aux enfants et aux jeunes mais elle est tout à fait inacceptable pour ceux qui veulent que les enfants soient protégés des adultes qui désirent avoir des relations sexuelles avec eux.

    On a déjà affirmé qu'il ne faudrait pas priver les enfants de moins de 16 ans de leurs droits en matière de sexualité. Nous aimerions mentionner qu'il existe déjà une disposition du paragraphe 150.1(2) selon laquelle les jeunes qui ont moins de deux ans d'écart peuvent avoir des relations sexuelles entre eux. Il suffirait de modifier cette disposition pour alors pouvoir relever l'âge du consentement. Il est tout à fait inexcusable de dire que nous ne pouvons pas relever l'âge du consentement parce que cela empêcherait les jeunes d'exercer des activités sexuelles. Cela est tout à fait absurde et inacceptable.

    Par conséquent, pour résumer : premièrement, il faudrait supprimer le moyen de défense fondé sur la valeur artistique; deuxièmement, il faudrait prévoir des peines minimales en matière de pornographie juvénile; et troisièmement, l'âge du consentement devrait passer de 14 ans qu'il est à l'heure actuelle à au moins 16 ans mais de préférence à 18 ans et cela devrait être prévu par le projet de loi.

    Je vous remercie, monsieur le président

¿  +-(0925)  

+-

    Le président: Merci, madame Landolt.

    Nous allons maintenant passer à la Criminal Lawyers' Association.

    Monsieur Burstein, voulez-vous commencer?

+-

    M. Paul Burstein (directeur, Criminal Lawyers' Association): Oui. Mesdames et messieurs les membres du comité, bonjour.

    Mme Unger et moi représentons la Criminal Lawyers' Association. Comme certains d'entre vous le savent peut-être, notre association a eu le privilège et l'honneur de comparaître devant le comité à plusieurs reprises pour commenter d'autres projets de loi de nature pénale.

    Nous vous demandons de nous excuser d'avoir déposé tardivement nos mémoires. Nous savons qu'une fois traduits, ils seront distribués. Je suis sûr que vous savez, pour avoir siégé à ce comité, que ce projet comporte de nombreux aspects; nous avons essayé de commenter toutes les dispositions et de vous fournir certaines suggestions sur ce que vous pourriez faire.

    Nous abordons dans nos mémoires l'essentiel des modifications proposées mais dans ce bref exposé, Mme Unger et moi, nous nous proposons de traiter uniquement des trois catégories de modifications. Tout d'abord, Mme Unger va parler très brièvement des modifications sur le plan de la procédure et de la preuve, les aides procédurales et les modifications apportées à la Loi sur la preuve au Canada; je traiterai ensuite du projet d'infraction de voyeurisme, ainsi que d'une question apparemment très sensible, les modifications apportées au moyen de défense fondé sur la valeur artistique à l'égard de l'infraction prévue à l'article 163.1.

    Cela dit, je vais demander à Mme Unger de vous parler des modifications apportées sur le plan de la procédure et de la preuve.

+-

    Mme Karen Unger (avocate, Criminal Lawyers' Association): Merci.

    Le législateur tente, au moyen du projet de loi C-2, de modifier une série de règles touchant la procédure et la preuve de façon à faciliter le témoignage d'une large catégorie de témoins. Les amendements apportent essentiellement trois changements fondamentaux. Le premier est l'élargissement du groupe d'âge des témoins qui pourront bénéficier de procédures moins strictes. Le deuxième est l'élargissement de la catégorie des infractions pour une catégorie élargie de témoins pourra invoquer les procédures moins strictes et enfin, il y a la création d'une présomption simple; autrement dit, il y a une présomption qui doit être réfutée par l'accusé.

    En élargissant ces catégories de situations, les modifications ont pour effet d'augmenter le nombre d'affaires où il y aura, comme c'est énoncé dans le nouveau projet de loi, une interdiction de publication, l'exclusion du public de la salle d'audience, la possibilité pour un témoin de témoigner derrière un écran, ou de témoigner en utilisant un système de télévision à circuit fermé dans les procès avec jury et enfin, les enfants pourront témoigner sans que le juge ait à examiner leur capacité à fournir un témoignage fiable.

    La Criminal Lawyers' Association rappelle au comité, comme nous l'avons noté dans l'introduction de notre mémoire, que les atteintes portées aux règles de procédure et de preuve, dans certains cas de façon isolée, le plus souvent de façon cumulative, ont souvent entraîné des erreurs judiciaires dans les affaires d'agression d'enfants ou dans les affaires où des enfants sont les plaignants. Comme nous le savons bien, les affaires fondées sur les allégations d'agression provenant d'un enfant ont déjà entraîné des erreurs judiciaires. Il n'est pas nécessaire de remonter plusieurs siècles et parler des procès de Salem en matière de sorcellerie pour trouver des erreurs judiciaires commises dans les affaires d'agression d'enfants. Comme nous l'avons noté à la page 7 de notre mémoire, dans l'introduction, l'exemple canadien le plus connu de la façon dont l'affaiblissement des règles de procédure et de preuve peut entraîner une erreur judiciaire dans les cas d'agression d'enfants est incontestablement l'affaire des agressions sexuelles de Martensville.

    Malheureusement, aucune commission royale n'a été chargée au Canada d'examiner la nature, l'ampleur et l'origine des erreurs judiciaires commises dans les affaires d'agression d'enfants. Cependant, les commissions d'enquête canadiennes ayant été chargées d'étudier d'autres types d'erreurs judiciaires ont clairement démontré que l'affaiblissement des protections procédurales et en matière de preuve entraîne inévitablement une augmentation du nombre des erreurs judiciaires. Les erreurs judiciaires ne sont pas qu'une anomalie statistique. Il suffit d'examiner les affaires survenues aux États-Unis. La Criminal Lawyers' Association mentionne dans son mémoire un certain nombre d'exemples et une recherche même rapide permet de découvrir un grand nombre d'affaires de ce genre.

    Cela ne veut pas dire que nous pensons que les allégations d'agression formulées par les enfants sont toujours fausses, ni même que la plupart d'entre elles le sont, mais nous voulons simplement signaler une triste vérité, à savoir que certaines sont fausses. Un des objectifs du procès pénal est de faire le tri entre les allégations vraies et les allégations fausses, et avec ces nouvelles propositions, nous estimons que ce n'est pas nécessairement ce qui se produira.

    La Criminal Lawyers' Association appuie les objectifs du projet de loi C-2, tels qu'ils sont énoncés dans le préambule; nous estimons cependant qu'il ne suffit pas de dire, par exemple, que nous voulons prévenir l'agression des enfants. Bien sûr, nous voulons également prévenir l'agression des enfants mais nous estimons que ces dispositions n'empêcheront pas ce type d'agressions. Dans le meilleur des cas et en théorie, elles permettront d'augmenter le nombre des personnes déclarées coupables et punies. Nous sommes tous d'accord pour vouloir prévenir l'agression des enfants, mais nous sommes également tous d'accord pour éviter d'augmenter le risque de condamner à tort quelqu'un d'avoir agressé un enfant.

    Si nous voulons prévenir l'agression des enfants, je peux vous donner quelques exemples de mesures qui pourraient être utiles : augmenter le financement accordé aux services de garderie pour éviter que les parents soient obligés de s'en remettre à des gardiens ou gardiennes peu fiables, et augmenter les crédits accordés aux sociétés d'aide à l'enfance pour leur permettre de mieux surveiller les jeunes et d'intervenir plus rapidement.

    Le seul effet que pourraient avoir, en théorie, ces dispositions serait d'encourager la population à porter plus facilement des accusations de comportement illégal.

    Il faut nous poser deux questions essentielles dont la première est la suivante : ces modifications vont-elles avoir pour effet d'augmenter le nombre des plaintes justifiées ou celui des plaintes non justifiées? La deuxième question importante que nous devons nous poser est la suivante : ces modifications vont-elles augmenter le risque que les tribunaux prononcent des condamnations injustifiées basées sur des plaintes qui ont déjà été déposées? Là encore, nous estimons que chaque fois que le législateur affaiblit un des principes fondamentaux de la procédure contradictoire, cela a pour effet d'augmenter les risques d'erreur judiciaire.

¿  +-(0930)  

    Madame la juge L'Heureux-Dubé a déclaré dans plusieurs décisions de la Cour suprême du Canada que les modifications précédentes étaient constitutionnelles parce qu'elles favorisaient la recherche de la vérité. Elle parlait du témoignage des jeunes enfants dans les affaires d'abus sexuel. La différence est que dans ces affaires, les décisions de la Cour suprême du Canada étaient fondées sur toute une série d'études scientifiques et sociales fiables qui montraient qu'avec ces modifications, le nombre des plaintes portées dans ce type restreint de situations augmenterait, et ce type restreint de situations est, comme je viens de le dire, celle des jeunes victimes d'agression sexuelle.

    Les études effectuées dans le domaine des sciences sociales permettent-elles d'affirmer, je vous le demande, que l'élargissement de ces catégories se justifie par la nécessité de renforcer le rôle de recherche de la vérité des tribunaux? Sachant que les modifications que propose le projet de loi C-2 pourraient avoir pour effet d'augmenter le risque de condamner des innocents, le Parlement doit être absolument convaincu que ces modifications permettront de réaliser les objectifs recherchés. S'il n'existe aucune preuve en ce sens, nous estimons que ces nouvelles modifications vont en fait augmenter le nombre des accusations justifiées mais nous ne pouvons tolérer qu'elles débouchent également sur la condamnation d'un certain nombre d'innocents. C'est, d'après nous, un prix beaucoup trop élevé puisqu'il n'est associé à aucun avantage évident.

    Nous soutenons que tant qu'on ne vous aura pas présenté des preuves scientifiques solides indiquant que ces modifications permettent de distinguer les accusés coupables des accusés innocents, la seule conclusion que l'on puisse tirer avec certitude des expériences passées est que ces modifications entraîneront des injustices graves pour certains membres de la société.

    Merci.

+-

    Le président: Merci.

    Monsieur Burstein, je vous signale qu'il vous reste environ trois minutes et que nous pouvons vous accorder une certaine latitude.

+-

    M. Paul Burstein: Très bien. Je vais faire deux très brefs commentaires.

    L'un porte sur le moyen de défense fondé sur la valeur artistique. Permettez-moi de vous apprendre—et je vais probablement me mettre dans de beaux draps en disant ceci—que j'étais l'avocat de M. Sharpe lorsqu'il a subi en Colombie-Britannique son procès dans lequel le juge Shaw a déclaré qu'il existait au moins un doute raisonnable que son anthologie de nouvelles ait une valeur artistique. Je mentionne ce fait pour vous dire que je connais assez bien les preuves qui avaient été présentées au juge Shaw.

    Je peux vous dire que le juge Shaw n'a certainement pas pris sa décision sans faire une étude approfondie de la question. Trois experts ont témoigné au sujet du matériel en cause et il n'est donc pas possible de dire que cette décision n'est pas une décision réfléchie. Il est toutefois possible que l'affaire Sharpe incite certaines personnes à soutenir qu'il faudrait abolir le moyen de défense fondé sur la valeur artistique en matière de pornographie juvénile. M. Sharpe n'est pas un personnage sympathique—cela est clair. Si toutes les personnes qui souhaitaient invoquer la valeur artistique pour ce que nous avons qualifié de pornographie juvénile étaient des gens comme M. Sharpe, votre travail serait facile.

    Mais je voudrais vous parler d'un autre accusé que j'ai représenté. J'ai représenté Eli Langer, et si vous ne savez qui il est, il faut remonter au début des années 90 à Toronto. Il y avait un jeune artiste de Toronto, qui s'appelait Eli Langer, qui a fait l'objet d'accusations pénales pour des tableaux et des dessins qu'il avait exposés ou qu'une galerie d'art de Toronto avait exposés. Il venait d'une bonne famille. Son père était un chirurgien orthopédiste. Sa mère travaillait pour un organisme communautaire. C'était un jeune homme bien. Il était tout simplement en train d'explorer le phénomène de l'agression des enfants et il essayait en fait—d'après son témoignage—de choquer le public et de l'amener à réfléchir sur un phénomène très délicat. Mais il a été accusé pénalement parce que quelqu'un a porté plainte. Si nous avions supprimé le moyen de défense fondé sur la valeur artistique, M. Langer aurait été déclaré coupable et probablement envoyé en prison, si nous avions adopté également une disposition prévoyant une peine minimale.

    Je vous demande combien y a-t-il eu d'affaires depuis le procès Sharpe où une personne a été inculpée d'une infraction de pornographie juvénile et qui a invoqué ou essayé d'invoquer le moyen de défense fondé sur la valeur artistique? Posez-vous cette question. Au cours de toute ma carrière j'ai eu une demande en ce sens d'une personne de la C.-B., et je ne sais même pas comment cela s'est terminé. Avant de supprimer un moyen de défense qui pourrait protéger des gens comme Eli Langer, vérifiez que cela est bien nécessaire. Assurez-vous que ce n'est pas un slogan vide de sens qui ne donnera pas grand-chose.

    Si ce projet de loi a pour but de punir M. Sharpe, je vous invite à examiner ce qu'ont fait, de l'autre côté de la frontière, vos homologues du Congrès dans l'affaire Schiavo. Les représentants n'ont pas aimé les décisions qu'ont prononcées les tribunaux dans l'affaire Schiavo et ils ont essayé d'adopter une loi pour cette affaire particulière. Ne faites pas ici une loi à cause de l'affaire Sharpe; demandez-vous si cette loi est vraiment nécessaire.

    Les autres brefs commentaires que je voudrais faire concernent l'infraction de voyeurisme. Comme vous pourrez le voir dans nos mémoires, l'association ne conteste pas que la création de l'infraction de voyeurisme est une bonne idée mais nous pensons que la façon dont elle est rédigée à l'heure actuelle soulève de nombreux problèmes parce qu'un des éléments essentiels de cette infraction est que la personne visée par l'observation ou l'enregistrement doit se trouver dans des circonstances dans lesquelles il existe une attente raisonnable de protection en matière de vie privée. Eh bien, cet élément soulève deux problèmes.

    Tout d'abord, c'est une expression très vague et inconnue. Pensez aux affaires de perquisition et saisie qui ont été soumises aux cours d'appel et même à la Cour suprême du Canada. On s'est demandé si les hommes qui s'étaient réunis dans une salle de réception d'un hôtel pour l'utiliser comme une salle de jeux avaient une attente raisonnable de protection en matière de vie privée. On penserait que quelqu'un qui se trouve avec 100 personnes dans une salle où le public est invité n'aurait pas d'attente raisonnable de protection en matière de vie privée. Eh bien la Cour suprême du Canada a dit que c'était le cas. Comment peut-on savoir à l'avance ce qui se passera?

    Surtout, il y a l'affaire qui concernait deux personnes qui avaient des relations sexuelles dans une voiture stationnée dans un endroit tranquille et qui ont été accusées d'avoir commis un acte indécent dans un lieu public. La Cour d'appel de l'Ontario a déclaré, dans l'affaire Sloan, qu'une voiture stationnée dans ce genre d'endroit était en fait un endroit privé et non pas un endroit public. Cela veut dire que si quelqu'un voulait dissuader les gens d'exercer ce genre d'activité en plaçant une caméra de surveillance pour empêcher les amoureux de stationner leur voiture dans cet endroit et que la caméra enregistrait quelqu'un se trouvant nu, entièrement ou partiellement, la personne qui a installé la caméra pourrait être déclarée coupable de cette infraction.

    Nous proposons tout simplement de supprimer la référence à « une attente raisonnable de protection en matière de vie privée » et de limiter l'infraction à ce qui est mentionné à l'alinéa a). C'est-à-dire s'il y a observation ou enregistrement d'une personne dans un lieu où il est raisonnable de s'attendre à ce qu'une personne soit nue ou partiellement nue, c'est du voyeurisme. Le reste n'est pas nécessaire.

¿  +-(0935)  

    Je vous remercie.

+-

    Le président: Merci, monsieur Burstein.

    Nous allons maintenant passer à M. Sullivan, du Centre canadien de ressources pour les victimes de crime.

+-

    M. Steve Sullivan (président, Centre canadien de ressources pour les victimes de crimes): Merci, monsieur le président.

    C'est la deuxième fois que je comparais devant le comité au sujet de ce projet de loi particulier, sous une forme légèrement modifiée. Je lis les journaux et il semble possible que nous soyons amenés à comparaître à nouveau au sujet de ce projet de loi ou d'une version légèrement modifiée.

+-

    Le président: Ne croyez pas tout ce que vous lisez.

+-

    M. Steve Sullivan: J'espère vraiment que vous avez raison, monsieur le président, parce que je pense que ce projet de loi met en place des mesures de protection très importantes. Je serais également très déçu que disparaisse la possibilité d'adopter le projet de loi C-13, un projet qu'appuie notre organisation depuis très longtemps. L'annonce qui a été faite hier d'un projet de loi concernant la Loi sur le système correctionnel et la mise en liberté sous condition est une mesure très importante pour les victimes de crimes. Je regretterais beaucoup que ces possibilités d'adopter ces mesures de protection pour les victimes disparaissent.

    Je vais faire quelques brèves observations sur ce projet de loi. J'aimerais parler de la question des aides testimoniales qui a été brièvement mentionnée ici aujourd'hui.

    On a souvent parlé à ce sujet de droits des victimes. En fait cela ne touche pas cet aspect. Il s'agit plutôt de faciliter les témoignages favorables à la poursuite. On demande aux témoins de la poursuite à revivre en salle d'audience les événements les plus horribles de leur vie.

    Je veux vous décrire ce que cela veut dire de faire juger une allégation d'agression sexuelle. Que vous soyez un jeune, un adolescent, un enfant, un homme ou une femme adulte, il faut d'abord convaincre la police que vous dites la vérité. Les policiers vont ensuite décider s'il y a lieu de porter une accusation. La Couronne va ensuite décider si vous dites la vérité et s'il est possible d'obtenir une condamnation. Il faut ensuite aller devant le tribunal. Imaginons pour un instant que vous pensez avoir besoin de ces protections pour livrer plus facilement votre témoignage. Il faut alors convaincre le juge que c'est la chose à faire.

    Tous les citoyens bénéficient de protections juridiques. Certains disent que cela est souhaitable et d'autres que cela ne l'est pas. L'affirmation selon laquelle le renforcement de ces protections va augmenter le nombre des allégations injustifiées est tout simplement ridicule. L'idée que les gens vont faire de fausses allégations d'agression sexuelle contre des personnes qu'elles connaissent ou qu'elles ne connaissent pas et qui vont devoir subir le calvaire d'un passage devant le tribunal parce qu'ils savent maintenant qu'ils peuvent s'asseoir derrière un écran alors que ce n'était pas possible auparavant est d'après moi franchement ridicule. Je ne connais aucune preuve—et si j'ai mal compris, je vous prie de m'en excuser—indiquant que le recours à des aides testimoniales au Canada a eu pour effet d'augmenter le nombre des erreurs judiciaires. Le fait d'avoir cité une affaire où ces aides ont peut-être été utilisées et qui a débouché sur une condamnation injustifiée ne constitue pas une preuve.

    Je pense que les tribunaux utilisent ces protections de façon tout à fait appropriée. Ils évaluent les divers intérêts en jeu. Ces protections sont rarement utilisées. En fait, la plupart des salles d'audience ne possèdent pas d'écrans.

    Examinons ces questions d'un peu plus près. Il s'agit de mesures destinées à protéger les personnes qui sont appelées à revivre les souvenirs les plus gênants et les plus douloureux de leur vie devant une salle pleine d'étrangers, avec des avocats de la défense qui essaient de les amener à se contredire et qui laissent entendre qu'elles ne disent pas la vérité. Je pense que le moins que nous puissions faire est d'accorder à ces personnes, lorsque cela est approprié, une protection qui leur permettra de témoigner correctement devant le tribunal. Je ne pense pas qu'il soit juste d'affirmer que quelqu'un puisse faire une fausse allégation pour la raison qu'il peut témoigner derrière un écran et ne pas être contre-interrogés par la personne qu'il accuse de l'avoir violé.

    Nous avons proposé d'apporter certaines modifications à ces dispositions, essentiellement pour harmoniser les divers articles. Je ne vais pas les passer en revue. Par exemple, l'un d'entre eux est la disposition qui permet au tribunal d'exclure le public de la salle d'audience. Dans la plupart des dispositions du projet de loi C-2, les victimes ou les plaignants ont le droit de demander au tribunal de leur accorder ces protections. Nous aimerions que cela soit uniformisé.

    L'autre suggestion que nous avons faite est que nous sommes favorables aux modifications visant à autoriser le juge à tenir compte d'un plus grand nombre de facteurs dans le cas où l'accusé ne peut se représenter lui-même et contre-interroger le témoin. Il est intéressant de constater que M. Sharpe est relié à de nombreux aspects de ce projet de loi; en effet, lorsqu'il était accusé d'avoir agressé sexuellement un jeune garçon dans les années 70—une affaire ancienne—il a été autorisé à contre-interroger ce témoin. Nous sommes donc heureux de voir que le projet de loi accorde ce genre de protection et nous avons proposé certaines modifications dans le but d'harmoniser ces différentes dispositions.

    Nous avons proposé une modification concernant les ordonnances de non-publication. Un petit nombre de plaignants dans les affaires d'agression sexuelle nous ont dit que les tribunaux imposaient parfois des ordonnances de non-publication sans leur demander leur avis ou leur autorisation—qu'il n'y a pas de consultation, que ces ordonnances sont accordées de façon assez automatique—et que les victimes ont beaucoup de difficulté à faire suspendre ces ordonnances de non-publication si elles souhaitent par la suite pouvoir parler publiquement de ce qui leur est arrivé. Il ne serait pas nécessaire de modifier le Code criminel pour le faire. Il suffirait peut-être de mieux informer les procureurs de la Couronne et de faciliter la communication entre les procureurs de la Couronne et les victimes.

¿  +-(0940)  

    Les dispositions relatives à la pornographie juvénile, comme vous l'avez entendu dire aujourd'hui et sans doute dans des témoignages antérieurs, ont suscité beaucoup d'attention. Cela est un peu paradoxal parce que ces dispositions n'ont pas grand-chose à voir avec ce que font les policiers dans l'ensemble du Canada.

    Je disais que le sergent détective Paul Gillespie du Service de police de Toronto, dont l'unité effectue un travail incroyable non seulement parce qu'ils arrêtent les personnes qui sont en possession de pornographie juvénile mais également parce qu'ils identifient les victimes—un aspect qui n'a pas reçu l'attention qu'il mérite—n'ont jamais soulevé cette question. C'est un des grands spécialistes canadiens de la répression de la pornographie juvénile et il n'a pas soulevé cette question. Il l'a mentionné dans une question mais ce n'est pas un sujet qu'il a abordé. Cela vient du fait que cet aspect n'a pas un grand effet sur son travail. Même lorsqu'ils trouvent des dessins chez quelqu'un, comme c'était le cas de M. Sharpe, les policiers découvrent presque toujours que cette personne possède également de la pornographie juvénile.

    Le sergent détective Gillespie a très bien décrit ce dont s'occupent les services de police, et ce n'est pas de personnes comme Eli Langer en 1993. Il s'agit de l'Internet, une technologie qui a évolué de façon phénoménale. Des milliers de nouvelles images sont chargées sur Internet tous les mois et elles concernent des victimes de plus en plus jeunes dans des situations de plus en plus violentes. Pour ce qui est des différents groupes qui ont déclaré que l'on risquait avec cette disposition d'interdire certains livres ou tableaux, je dirais que la police n'a pas le temps ni les ressources de s'occuper de livres et de tableaux parce qu'elle s'occupe d'enfants réels qui sont agressés en temps réel.

    Nous appuyons les dispositions du projet de loi parce que nous estimons qu'elles concilient très bien les divers intérêts en jeu. La Cour suprême a indiqué très clairement qu'il fallait prévoir un moyen de défense pour les oeuvres artistiques. Je sais que certains ont proposé de recourir à la clause nonobstant. J'estime qu'il existe parfois de bonnes raisons d'envisager d'utiliser cette clause, mais je ne suis pas sûr que nous nous trouvions ici dans un de ces cas. Je pense que le projet concilie fort bien les intérêts en jeu. Il y a deux critères, le but légitime et le risque indu pour les enfants.

    Je vais dire quelques mots de l'autre question particulièrement délicate, celle de l'âge du consentement. Nous avons déjà demandé que l'âge du consentement soit relevé à 16 ans. Nous avons soigneusement examiné les dispositions du projet de loi. J'ai examiné la plupart des témoignages que vous avez entendus. J'étais ici lorsque M. Butt d'Au-delà des frontières a témoigné et critiqué ces dispositions, en disant qu'elles étaient inapplicables.

    Je n'ai pas très bien compris son témoignage parce que son collègue proposait de relever l'âge du consentement à 16 ans, tout en conservant cette disposition pour les jeunes de moins de 18 ans. Cela m'a paru bizarre, parce que si ces dispositions sont inapplicables, je ne vois pas pourquoi il faudrait les conserver pour une autre catégorie d'âge. J'ai parlé à des policiers et certains m'ont dit que cela constituait un outil qu'ils pourraient utiliser alors que d'autres, comme le sergent détective Gillespie, y sont moins favorables.

    Je suis franchement plus optimiste que M. Butt. Je ne suis pas un procureur de la Couronne et vous pourrez apprécier la valeur de nos témoignages. Mais si ce projet de loi, ce nouveau régime, est appliqué par les tribunaux, je pense qu'il protégera mieux les enfants que le fait de relever l'âge du consentement. Ce projet de loi protège tous les jeunes de moins de 18 ans et je pense que c'est une bonne chose.

    C'est une nouvelle disposition et inévitablement, elle donnera lieu à des contestations et à des interprétations contradictoires. Je pense néanmoins que les tribunaux réussiront à l'appliquer. Au moment où les dispositions relatives à l'exploitation par des personnes en position de confiance ont été adoptées, il y a eu une certaine confusion mais aujourd'hui, ces dispositions sont appliquées; leur validité a été confirmée par la Cour suprême.

    Je suggère cependant au comité d'insérer dans le projet de loi un article prévoyant qu'elles feront l'objet d'un examen dans cinq ans. Si M. Butt a raison et que ces dispositions sont inapplicables, alors il faudra bien les réviser.

    M. Butt vous a donné l'exemple d'un adolescent qu'un adulte a emmené au cinéma et qui lui a donné des cadeaux et qui a « consenti » à avoir des relations sexuelles avec l'adulte. Je ne suis pas convaincu qu'un tribunal rejetterait l'accusation. C'est un exemple classique de ce que font les pédophiles pour conditionner leur proie et je pense qu'un poursuivant compétent pourrait présenter au tribunal des preuves montrant que c'est ainsi que procèdent les pédophiles et que c'est bien ce qui a été fait dans l'affaire en question. Je ne suis pas convaincu que le fait que l'adolescent ait accepté tout ceci et ait dit oui soit un facteur déterminant. Il y a peut-être d'autres personnes qui ont plus d'expérience que moi qui pourront suggérer des améliorations mais je pense que ces dispositions autoriseront les tribunaux à examiner tous ces éléments et à dire qu'il s'agit d'un homme âgé, d'un pédophile qui exploite l'adolescent, qui exploite sa jeunesse, qui exploite la différence d'âge en lui offrant des cadeaux, en lui donnant son appui et en l'aidant à faire ses devoirs, toutes les choses dont a parlé M. Butt.

¿  +-(0945)  

    Le dernier commentaire que j'aimerais faire concerne les peines minimales. Il n'y en a pas dans le projet de loi mais on en a parlé. Je trouve que les sentences qui sont imposées aux personnes qui ont agressé sexuellement des enfants, et en particulier celles qui sont en possession de pornographie juvénile sont vraiment très gênantes. Le sergent détective Gillespie a parlé de cet aspect; il a décrit ce qui se trouve sur Internet et le genre de peines qui sont imposées. La moitié d'entre eux se voient imposer des peines avec sursis.

    Je pense que nous devons revenir aux choses essentielles. Il me paraît difficile de soutenir qu'une personne qui utilise les enfants, des enfants qui sont violés et torturés, pour sa propre satisfaction et pour en retirer un avantage pécuniaire ne constitue pas un délinquant dangereux ou que cela ne constitue pas une infraction grave. Il y a des jeunes qui sont agressés en temps réel. Ces images sont enregistrées sur Internet et les gens utilisent ces images pour leur satisfaction personnelle.

    Nous avons déjà déclaré dans nos témoignages antérieurs que nous ne pensions pas qu'il était approprié d'imposer des peines avec sursis pour des infractions sexuelles impliquant des enfants. Nous sommes toujours en faveur de cette recommandation et si le comité décidait de présenter des modifications introduisant des peines minimales obligatoires, nous serions probablement en faveur de ces modifications.

    Merci.

¿  +-(0950)  

+-

    Le président: Merci, monsieur Sullivan.

    Nous allons maintenant passer aux questions des membres du comité et nous allons commencer par M. Toews.

    Dans un moment, je vais devoir m'excuser et je demanderai à M. Breitkreuz d'assurer la présidence. Je dois me rendre à la Chambre pour déposer un rapport du comité.

    Monsieur Toews, nous allons commencer une ronde de cinq minutes.

+-

    M. Vic Toews: Je vous remercie.

    J'aimerais remercier les témoins de nous avoir présenté leurs exposés.

    Je ne pense pas que les témoignages que nous avons entendus ici m'aient fait changer d'idée. J'ai adopté une position très semblable à celle que M. Butt a exposée au sujet de la disposition relative à la relation d'exploitation. Je crois qu'il a essentiellement déclaré que cette disposition était inapplicable et que la plupart des poursuivants refuseraient de porter ce genre d'accusations.

    Je ne pense pas qu'ils refuseraient de le faire parce qu'il est impossible de prouver les éléments d'une telle relation mais ils doivent prendre en compte la façon dont il est possible d'établie ces éléments, le temps qu'un poursuivant devrait consacrer à ce genre de dossier pour établir qu'il y a eu exploitation. Je crois que c'est le principal aspect auquel pensent les poursuivants. La plupart des poursuivants—et là je parle avec une certaine expérience de ce domaine—s'occupent de toutes sortes de dossiers. Ils n'ont pas beaucoup de temps pour se préparer. C'est une question de ressources. Ce projet de loi ne va pas leur attribuer davantage de ressources. Il va simplement leur fournir un critère fort complexe et la plupart des poursuivants vont tout simplement refuser d'appliquer ce critère.

    Les spécialistes que nous avons entendus ont déclaré qu'il fallait faire clairement comprendre aux pédophiles qu'ils ne doivent pas s'approcher des enfants d'un certain âge. Nous protégeons les enfants dans divers domaines, pour ce qui est des permis de conduire, de l'alcool et de diverses autres choses. L'âge de 16 ans semble un âge raisonnable qu'ont adopté de nombreux pays, les démocraties occidentales civilisées notamment. Cela indique clairement à tous qu'il ne faut pas toucher à ces enfants.

    J'examine la situation actuelle. J'ai parlé à la GRC de Surrey il y a quelques mois et ils m'ont dit que les Américains traversaient de nos jours la frontière pour exploiter nos enfants parce que l'âge du consentement est ici de 14 ans. Ils m'ont dit qu'ils collaboraient avec les autorités américaines pour poursuivre ces Américains aux termes des lois américaines réprimant le tourisme sexuel à l'étranger.

    Ils viennent au Canada et exploitent sexuellement les jeunes de 14 et 15 ans, sans être poursuivis ici. Cette nouvelle disposition ne les empêchera pas de le faire mais nous collaborons avec les autorités américaines pour qu'ils soient poursuivis aux États-Unis, pays où ils font face à des peines de 10 à 15 ans d'emprisonnement. Ici, nous les laissons en liberté. C'est tout à fait incroyable.

    J'ai lu la décision de la Cour d'appel de la Saskatchewan qui confirmait la peine avec sursis qui avait été imposée pour un viol particulièrement horrible et brutal d'une fillette de 12 ans. Deux des accusés ont été acquittés—j'espère qu'il est bien vrai que la Cour a infirmé cette décision—parce que le juge a pensé que ces personnes croyaient que l'enfant avait 14 ans. C'est ce que prévoient encore nos lois, que l'on peut finalement violer une enfant de 12 ans pourvu que l'on pense qu'elle en a 14. C'est incroyable.

    Nous avons besoin de faire savoir ces choses très clairement et je dirais que ce projet de loi ne le fait pas.

    Monsieur Sullivan, je vous invite à reconsidérer votre position sur cette question.

¿  +-(0955)  

+-

    M. Steve Sullivan: J'y ai réfléchi et je trouve cela délicat parce que nous avions déjà demandé que l'âge du consentement soit relevé...

    Un des avantages du régime proposé est qu'il protège en fait les enfants jusqu'à 18 ans, alors que si l'âge du consentement passait à 16 ans, les jeunes de 17 et 18 ans pourraient être exploités. Je ne suis pas plus favorable à ce que les jeunes de 15 ans aient des relations sexuelles avec des jeunes de 17 ans qu'ils en aient avec des jeunes de 15 ans. Je pense que ce régime est applicable. Je ne pense pas qu'il soit parfait et c'est pourquoi nous avons demandé qu'il soit révisé dans cinq ans.

    Pour ce qui est des Américains qui viennent au Canada, il est regrettable que le sergent détective Gillespie n'ait pas eu plus de temps à consacrer au comité. Il m'a parlé de cas où des Canadiens se sont rendus aux États-Unis. Cela va donc dans les deux sens. Il n'y a pas que les Américains qui viennent au Canada. Il s'occupait récemment d'une affaire. Ils avaient arrêté un gars qui s'était rendu aux États-Unis et avait communiqué avec un adolescent sur l'Internet. Ils collaborent maintenant avec les autorités américaines pour le poursuivre.

    La remarque que vous avez faite à propos des peines, monsieur Toews—et je vais terminer rapidement—est tout à fait juste. Je pense que le principal obstacle aux poursuites est qu'un bon nombre de poursuivants ne voient pas à quoi riment les peines qui sont imposées.

+-

    M. Vic Toews: Très brièvement, le sergent détective Gillespie disait qu'on pourrait relever l'âge du consentement à 16 ans pour envoyer un signal clair et ensuite, appliquer les dispositions relatives aux relations d'exploitation aux jeunes de 16 à 18 ans... Je pense en fait qu'il se résignait à conserver cette disposition pour les jeunes de 16 à 18 ans. Elle ne sera peut-être pas très utile mais on peut la conserver. Il a par contre clairement indiqué que l'âge du consentement devrait être relevé à au moins 16 ans.

    Vous aurez ainsi, monsieur Sullivan, le meilleur des deux mondes. En tenant pour acquis que ce critère sera en fait appliqué—et j'ai beaucoup de doutes à ce sujet—nous protégerons au moins les enfants de moins de 16 ans. J'inviterais votre organisme à revoir ce qu'a déclaré le sergent détective Gillespie à ce sujet. De cette façon vous obtenez ces deux choses, que la disposition fonctionne ou non pour les jeunes de 16 à 18 ans.

+-

    M. Steve Sullivan: En fait, je crois que c'est Au-delà des frontières qui a proposé de relever l'âge et de conserver cette disposition pour les jeunes de 17 et 18 ans.

+-

    M. Vic Toews: C'est exact, je suis désolé.

+-

    M. Steve Sullivan: Si cette disposition est inapplicable, s'il est vraiment impossible de l'appliquer, il me paraît irresponsable de l'introduire dans le Code criminel.

    Je ne suis pas un poursuivant, et vous pourrez donc évaluer mon témoignage par rapport à celui de M. Butt. Vous pouvez fort bien décider que son témoignage a plus de poids que le mien parce que c'est un poursuivant. Je suis optimiste et je pense que cette disposition peut être appliquée, si je me base sur l'expérience que nous avons connue à propos des relations fondées sur une position de confiance. Je suis sûr qu'il y a eu quelques difficultés au départ. Les procureurs de la Couronne n'étaient pas certains que cette disposition pouvait être appliquée mais ils ont prouvé que c'était possible. Mais n'hésitons pas à la réexaminer. Dans deux, trois ou cinq ans, quel que soit ce que souhaite le comité, si nous constatons que ce mécanisme ne fonctionne pas, alors il faudra envisager d'autres solutions et une d'entre elles serait de relever l'âge du consentement.

+-

    Le vice-président (M. Garry Breitkreuz (Yorkton—Melville, PCC)): Très bien, nous allons passer à la ronde de questions suivante.

    Monsieur Marceau.

[Français]

+-

    M. Richard Marceau (Charlesbourg—Haute-Saint-Charles, BQ): Merci, monsieur le président.

    Merci beaucoup pour vos témoignages; ils étaient fort intéressants.

    Je commencerai par m'adresser à Me Burstein. Un des sujets qui reviennent souvent dans les discussions à ce comité est l'arrêt Sharpe. Je sais que ce n'est pas une question facile, mais puisque vous avez été très impliqué dans l'arrêt Sharpe, je vous la pose. Si le projet de loi C-2 avait eu force de loi à ce moment-là, est-ce que, selon vous, la décision aurait été différente? Dites-nous aussi pourquoi.

[Traduction]

+-

    M. Paul Burstein: Je suis convaincu que la décision de première instance dans l'affaire Sharpe aurait été différente et cela vient du fait que la modification proposée ajoute une autre condition; il ne suffit pas que le matériel en question ait une certaine valeur artistique—et j'utilise cette expression dans un sens général—mais il faut également qu'elle ne pose pas de risque indu pour les enfants. Je ne me souviens pas de la formulation exacte. Il y a donc une condition « ne pose pas de risque indu pour les personnes âgées de moins de dix-huit ans. »

    Désormais, le juge doit non seulement être convaincu de ce qu'a exigé la Cour suprême du Canada dans le premier arrêt Sharpe, à savoir s'agit-il d'une tentative légitime de créer une oeuvre artistique et non pas simplement de faciliter la pornographie juvénile, de faire passer cette pornographie pour de l'art, mais il faut savoir ensuite si l'oeuvre en question pose un risque indu pour les enfants.

    La Cour suprême du Canada a expressément écarté cet élément de la partie du critère à appliquer, pour savoir si quelque chose répond à la définition de pornographie juvénile qui, ne l'oublions pas, est l'activité sexuelle avec des personnes de moins de 18 ans, pas seulement des enfants... Nous ne parlons pas simplement d'images ou d'écrits représentant des activités sexuelles avec des enfants de moins de 10 ans, de moins de 12 ans, de moins de 14 ans, ou de n'importe quel âge, mais de moins de 18 ans. La Cour suprême du Canada a déclaré à juste titre que si nous devons concilier les qualités artistiques du matériel, du matériel expressif, avec l'existence d'un risque indu, les qualités artistiques ne l'emporteront jamais, à cause des études qu'ont effectuées notamment le Dr William Marshall et le Dr Howard Barbaree. Cela s'applique également au matériel de Eli Langer ou à celui de William S. Burroughs, et nous pourrions continuer longtemps.

    N'oubliez pas que la CLA n'a pas pour objectif de défendre les pédophiles. Nous sommes contre l'exploitation et l'agression sexuelle des enfants. Cela est évident. Le danger vient du fait que le matériel le plus anodin peut alimenter les fantasmes des pédophiles... Le Dr Marshall a témoigné dans l'affaire Langer que le catalogue Sears pourrait fort bien alimenter les fantasmes d'un pédophile. Cela ne veut pas dire que nous allons interdire la distribution du catalogue Sears. Je veux dire qu'en fin de compte il est impossible qu'une oeuvre ayant des qualités artistiques ne puisse pas poser un risque indu.

À  +-(1000)  

[Français]

+-

    M. Richard Marceau: D'accord.

    Vous a-t-on remis les mémoires des gens qui ont témoigné aujourd'hui? Je voudrais entendre ce que vous, qui êtes un avocat criminaliste, pensez des suggestions de M. Sullivan concernant la facilitation de témoignages.

[Traduction]

+-

    M. Paul Burstein: J'aimerais beaucoup commenter les observations de M. Sullivan au sujet des aides testimoniales. Je n'ai pas le mémoire mais si je pouvais peut-être répondre...

[Français]

+-

    M. Richard Marceau: Voulez-vous la version anglaise?

    Dans la version française, c'est au bas de la page 2. Il s'agit des premières recommandations.

[Traduction]

+-

    M. Paul Burstein: Je ne veux pas discuter de points de détail avec M. Sullivan. Je veux simplement faire remarquer que lorsqu'il parle de modifier l'article 715, je crois qu'il pense à l'article 715.1. L'article 715 est, d'après moi, la disposition qui autorise l'utilisation des témoignages présentés à l'enquête préliminaire mais de toute façon, je considère les dispositions qui prévoient la deuxième modification... Selon ce que je comprends des modifications actuelles, je ne vois pas très bien comment cela diffère de... Oh, je vois. Un instant s'il vous plaît.

    D'une façon générale, je ne vois rien là qui puisse vraiment inquiéter un avocat de la défense et je ne pense pas que ces modifications vont nécessairement augmenter le nombre des condamnations injustifiées, sauf que c'est seulement mon opinion personnelle. Il ne l'a pas précisé. Je ne le lui reproche pas mais nous soutenons dans notre mémoire que, si les modifications donnent à un juge le pouvoir discrétionnaire de décider si cela est approprié dans un cas donné, la Criminal Lawyers' Association aura beaucoup moins de raison de s'y opposer. La raison en est que nous faisons confiance aux juges. Si l'on présente à un juge des preuves indiquant qu'un témoin donné, qu'il ait 12, 14 ou 42 ans, ne sera pas en mesure de fournir un témoignage sincère pour une raison ou une autre—incapacité mentale, circonstances personnelles—et si ces circonstances sont établies selon la prépondérance des probabilités, alors celui-ci sera tout à fait en mesure d'exercer son pouvoir discrétionnaire de façon appropriée.

    Nous reprochons aux modifications actuelles d'établir une présomption selon laquelle tous les témoins faisant partie de cette catégorie devraient avoir accès à ces aides testimoniales, alors que ce n'est pas ce que disent les données scientifiques. Les études que la Cour suprême du Canada a utilisées en 1993 parlaient du fait qu'un bon nombre des enfants appelés à témoigner en étaient parfois dissuadés. Autrement dit, il y en a un certain nombre qui n'ont pas besoin de ces aides et cela est certain. Pour revenir à une des remarques de M. Sullivan, il affirme que nous disons qu'il existe un lien de cause à effet entre l'affaiblissement de ces règles de procédure et le nombre des erreurs judiciaires. Ce n'est pas ce que nous disons et je le mets au défi d'apporter des preuves indiquant qu'il n'y a pas de lien de cause à effet, parce que nous n'en avons pas. Il n'y a pas eu d'étude sur cette question. Il n'y a pas eu de commission royale. Nous savons par contre que chaque fois que l'on porte atteinte au principe de la procédure accusatoire, on augmente le risque d'obtenir un verdict injustifié—pas dans 100 p. 100 des affaires, pas même dans 95 p. 100 des affaires, mais il ne faut pas oublier ce dont nous parlons ici. Nous parlons d'augmenter le risque de condamner à tort quelqu'un pour un crime particulièrement choquant. Autant il est choquant de penser aux pédophiles et aux agresseurs d'enfants, autant il serait horrible d'étiqueter à tort un agresseur d'enfants ou quelqu'un qui a commis ce genre d'actes.

    Je n'ai donc rien en principe contre ce que propose M. Sullivan pour autant que ces questions soient laissées à la discrétion du juge, et pour autant que cette présomption ne s'applique pas à tous les témoins. Je mentionne ce point parce que la partie qui est la plus mal placée pour démontrer si cela est nécessaire ou non est l'accusé. L'accusé n'a pas accès aux antécédents psychologiques ou psychiatriques du témoin alors que la Couronne a accès à ces éléments. Autrement dit, la Couronne a au moins la possibilité d'entendre le témoin et de savoir ce qui dans ses antécédents risque de constituer un obstacle à ce qu'il témoigne devant le tribunal ou indique qu'un écran n'est pas nécessaire dans son cas. Si la raison est tellement évidente, il ne sera pas difficile de justifier ces mesures de protection.

    Excusez-moi, monsieur le président.

À  +-(1005)  

+-

    Le vice-président (M. Garry Breitkreuz): Oui.

    Nous allons maintenant passer du côté des libéraux.

    Monsieur Macklin.

+-

    L'hon. Paul Harold Macklin (Northumberland—Quinte West, Lib.): Merci, monsieur le président et merci aux témoins d'être venus.

    Nous avons commencé aujourd'hui par une petite controverse au sujet de l'affaire de la Saskatchewan. Je sais que M. Toews est intervenu pour apporter des précisions sur cette question, en abordant bien sûr plus précisément la question de savoir ce qui serait la peine appropriée dans cette affaire.

    J'ai sous les yeux les commentaires que le Barreau de la Saskatchewan a publiés sur son site Web, sous le titre « Commentaire d'arrêt fourni par la Cour d'appel ». Je vais vous lire le passage qui traite de la peine, en guise d'introduction à ma question.

    Il se lit ainsi :

Pour ce qui est de la peine, la Cour n'a découvert aucune raison d'en modifier la durée. La Cour a cependant déclaré que le juge de première instance aurait dû incarcérer Edmonson. Il s'agissait d'une infraction grave et la jeune victime avait été sauvagement violée, en particulier parce qu'Edmonson avait profité de sa vulnérabilité. La Cour a déclaré qu'une peine purgée dans la collectivité ne dénonçait pas suffisamment ce comportement illégal et n'avait pas non plus un effet dissuasif suffisant. La Cour aurait normalement ordonné qu'Edmonson finisse de purger sa peine en prison. Cependant, les circonstances de l'affaire ont empêché la Cour d'exercer ses pouvoirs en ce sens.

    On peut lire :

Edmonson a déjà purgé la plus grosse partie de sa peine (20 mois) sous surveillance électronique. S'il avait été en prison, il aurait obtenu il y a quelque temps déjà sa libération anticipée. S'il est envoyé en prison maintenant, Edmonson pourra être libéré très rapidement et cette libération serait assortie de conditions moins lourdes que celles qui accompagnent la peine qu'il purge actuellement. Il ne serait pas vraiment plus sévère d'envoyer Edmonson en prison que de l'obliger à purger le reste de sa peine initiale.

    L'auteur poursuit ainsi :

Dans cette affaire particulière, la seule option réaliste était de ne pas modifier la peine initiale et la Cour a rejeté l'appel sur sentence. La Cour a toutefois clairement indiqué que toute personne qui exploite sexuellement un enfant vulnérable dans des circonstances de ce genre peut s'attendre à recevoir une lourde peine de prison.

    Je pense que cela replace en perspective notre discussion. Nous avons toutefois abordé la question de la peine et nous allons donc continuer sur ce sujet. Il semble que les témoins aient des opinions diverses au sujet de l'intérêt d'imposer une peine minimale pour ce genre de crime.

    J'aimerais demander aux témoins, s'ils le veulent bien, dans l'ordre que vous voudrez, de nous dire ce qu'ils pensent des peines minimales obligatoires, en particulier, compte tenu du témoignage que nous avons entendu, d'après lequel dans la plupart des cas, les gens qui commettent ce genre d'actes récidivent à peu près tous.

À  +-(1010)  

+-

    Le vice-président (M. Garry Breitkreuz): Qui veut commencer à présenter des commentaires à ce sujet?

    Madame Smith.

+-

    Mme Dolina Smith: Je sais que Paul Gillespie est favorable aux peines minimales et je crois que cela s'explique par le fait que les tribunaux imposent des peines beaucoup trop légères. Un médecin qui a aménagé dans son sous-sol une pièce remplie de pornographie juvénile, la plus grosse saisie de pornographie jamais faite au Canada, purge sa peine chez lui. Et la liste est très longue. Les juges semblent être beaucoup trop laxistes lorsqu'il s'agit d'imposer des peines aux adultes, qu'il s'agisse de pornographie juvénile ou de véritables agressions d'enfants. Le système actuel ne fonctionne pas. Les policiers demandent que l'on adopte des peines minimales pour qu'il y ait au moins une norme de départ dans ce domaine. Cela me paraît important.

    L'affaire de la Saskatchewan est une affaire parmi d'autres. Ce qui fait sa particularité est que la fille avait 12 ans. Toutes les circonstances de cette affaire auraient dû amener le tribunal à imposer une peine sévère mais ce n'est pas ce qu'il a fait. Les juges n'ont respecté aucune des règles applicables dans cette affaire. Je dirais que les citoyens comme moi constatent que les enfants sont toujours les victimes et que les adultes s'en sortent avec une petite tape sur les doigts, détention à domicile, « n'allez pas où il y a des enfants ». C'est complètement absurde, en particulier lorsque l'on sait que le taux de récidive est très élevé.

+-

    Le vice-président (M. Garry Breitkreuz): Quelqu'un d'autre veut-il faire des commentaires à ce sujet?

    Madame Landolt.

+-

    Mme Gwendolyn Landolt: Je pourrais dire la même chose des opérations de culture de marijuana; c'est le prix qu'il faut payer pour faire ce commerce. Et le prix qu'il faut payer pour avoir des relations sexuelles avec les enfants est une tape sur les doigts.

    Il faut que les agresseurs sachent qu'il y aura des conséquences s'ils s'attaquent à des enfants. Mais il me paraît tout à fait inacceptable d'imposer une peine avec sursis. Nous avons constaté que, dans plusieurs domaines, il n'est pas possible de s'en remettre au jugement des juges pour ce qui est des peines à imposer. Dans de nombreux domaines—disons, les opérations de culture, toutes sortes de domaines—nous ne pouvons pas nous en remettre au jugement des juges parce qu'ils ont montré qu'ils n'étaient pas capables de faire ce qui devait être fait. C'est pourquoi il est absolument essentiel que la loi impose une peine minimale.

+-

    Le vice-président (M. Garry Breitkreuz): Monsieur Burstein, avez-vous des commentaires?

+-

    M. Paul Burstein: J'aimerais dire, au nom de Mme Unger et en mon nom, que je prévois comparaître à nouveau pour parler du projet de loi sur la marijuana et que je ne voudrais pas que l'on pense que j'estime que les peines imposées dans le cas des opérations de culture de marijuana ont un rapport avec les peines imposées aux pédophiles.

    Quoi qu'il en soit, Mme Unger et moi, nous ne représentons pas seulement nos clients en première instance, nous nous occupons également d'appels. Je plaide souvent devant la Cour d'appel de l'Ontario. Une bonne partie sont des appels sur sentence et une bonne partie sont des sentences imposées à des délinquants sexuels. Cela vient peut-être du fait que ce n'est pas tout le monde qui a suffisamment d'argent pour retenir les services d'un criminaliste mais qu'habituellement, les infractions sexuelles sont commises par des gens de la classe moyenne et de race blanche qui ont suffisamment d'argent pour retenir les services d'un avocat et se défendre jusqu'au bout. Ce n'est pas nécessairement une bonne chose mais c'est la réalité.

    Je sais ce que fait la Cour d'appel. Lorsqu'on examine la jurisprudence, et votre équipe de recherche vous le confirmera, même s'il n'y a pas de peine minimale fixée par la loi, il faut vraiment faire des acrobaties pour obtenir une peine avec sursis dans une affaire d'agression sexuelle d'un enfant. Il y a parfois des erreurs, comme le député l'a fait remarquer, mais vous avez entendu ce qu'a dit la Cour d'appel de la Saskatchewan. Elle a dit qu'il y avait eu une erreur, et elle a clairement indiqué aux tribunaux—en termes très forts, apparemment—qu'il ne fallait pas faire ce genre de chose. Mais il semble qu'elle ait appliqué un autre principe important en matière de détermination de la peine, à savoir que, lorsqu'il s'est écoulé un certain temps, puisque la Couronne a pris autant de temps pour présenter son appel, il serait injuste de modifier la peine; cette personne a déjà purgé la totalité de sa peine. Si la Couronne avait présenté l'appel rapidement, en quatre ou cinq mois par exemple, je suis convaincu que la Cour d'appel de la Saskatchewan aurait annulé la peine avec sursis et envoyé l'accusé en prison. Malheureusement, cela vient de la façon dont se déroulent les appels; cela ne montre pas qu'il faut changer les juges ou limiter leurs pouvoirs.

    Je vais faire un dernier commentaire. Là encore, regardez ce qui se fait au sud de la frontière. Les Américains ont tendance à renoncer aux peines minimales parce qu'elles créent souvent des situations injustes et des problèmes et offrent finalement peu d'avantages. Pourquoi vouloir adopter un système dont les tribunaux de notre voisin du sud—et ils ont ce système depuis des dizaines d'années—disent qu'il est inapplicable et cause de nombreuses injustices?

À  +-(1015)  

+-

    Le vice-président (M. Garry Breitkreuz): Merci, monsieur Burstein.

    Monsieur Sullivan, vous avez un commentaire?

+-

    M. Steve Sullivan: Un bref commentaire, monsieur le président.

    D'une façon générale, je ne suis pas très favorable aux peines minimales obligatoires. Il me paraît approprié de tenir compte de la situation personnelle de l'accusé et je ne recommanderais pas probablement que l'on envisage cette mesure si les tribunaux imposaient ce qui me paraissait à moi et, je crois, à beaucoup de Canadiens, des peines appropriées. Lorsqu'un détective de Toronto nous dit que la moitié de ses affaires débouchent sur une peine avec sursis pour des gens qui possèdent des dizaines de milliers d'images d'enfants en train de se faire violer, je dirais que franchement, les tribunaux n'agissent pas comme ils devraient. Le Parlement devrait envisager de leur indiquer clairement qu'ils ne peuvent imposer des peines avec sursis pour ce genre d'infractions, parce qu'il existe désormais une peine minimale.

    Je note cependant que dans le projet de loi—je ne me souviens pas de l'article—il existe des dispositions qui demandent aux juges d'accorder une plus grande importance à l'objectif de dénonciation et de dissuasion. J'espère que cela donnera des résultats mais il faut absolument que ce soit clair.

+-

    Le vice-président (M. Garry Breitkreuz): Merci.

    Un commentaire pour conclure, monsieur Macklin?

+-

    L'hon. Paul Harold Macklin: On n'a pas vraiment dit si c'était bien là la solution pour des délinquants qui ont des taux de récidive de près de 100 . 100. J'aurais aimé avoir une réponse à ce sujet, parce que je crois que cela pose un défi.

+-

    Le vice-président (M. Garry Breitkreuz): Très bien, nous pourrons peut-être y revenir au cours de la prochaine ronde de questions.

    Monsieur Thompson, vous avez des commentaires?

+-

    M. Myron Thompson (Wild Rose, PCC): Merci.

    Je suis heureux que vous voyez tous ici aujourd'hui.

    Je veux vous parler d'une expérience que j'ai eue. Je ne suis pas avocat. Je ne suis pas un juriste. Je n'ai aucune idée de ce qu'il faut faire pour poursuivre ou défendre quelqu'un. J'ai toutefois appris une chose, après avoir passé 30 ans dans le domaine de l'éducation, c'est qu'il faut que notre pays améliore énormément la façon dont il protège ses enfants. J'ai eu souvent, dans mes fonctions de directeur d'écoles primaires et secondaires, des expériences qui n'ont pas été très agréables et je viens d'une petite ville dans une région rurale.

    Je ne peux pas vous dire combien de fois des parents sont venus me parler parce que leur enfant, âgé de 14 ou 15 ans, avait emménagé avec un homme plus âgé et cohabitait avec lui et qu'ils ne pouvaient pas reprendre leur enfant. Les policiers non plus ne pouvaient rien faire. Une fois, de ma propre initiative, je suis intervenu et j'ai ramené la fille chez ses parents, en sachant très bien qu'on aurait pu porter contre moi au moins une douzaine d'accusations parce que j'avais violé à peu près toutes les dispositions du Code criminel et je n'arrive pas à comprendre... J'ai très souvent parlé de cette question pendant des années. Je crois que c'est la raison pour laquelle en 1991, des policiers m'ont même dit qu'il faudrait qu'il y ait des gens comme moi à Ottawa pour que l'on commence à faire quelque chose pour lutter contre ces injustices.

    Je n'aime pas beaucoup l'idée que... et c'est une chose sévère, je la reconnais, mais ça ne fait rien, parce que j'ai vu des atrocités qu'on avait commises sur ces enfants, et qui en étaient tombés malades... L'exemple ce matin de la fille de 12 ans qui a été violée, et l'accusé est détenu à domicile, cela est tout à fait absurde. C'est complètement absurde. Et ces paquets d'images—j'ai vu ce que les policiers avaient saisi chez des délinquants sexuels, la pornographie juvénile. J'ai vu toutes ces cochonneries. J'ai parlé à un certain nombre de détenus qui avaient été poursuivis et envoyés en prison pour avoir agressé un enfant et qui m'ont déclaré que la pornographie juvénile faisait partie de leur vie et que la pornographie les avait certainement amenés là où ils étaient rendus. C'est ce que m'ont confirmé également des travailleurs sociaux et des psychologues qui m'ont dit qu'il n'y avait pas d'études prouvant l'existence d'une relation de cause à effet mais que la pornographie avait probablement un effet important dans ce domaine.

    Je me demande pourquoi nous ne prenons pas des mesures plus vigoureuses dans ce domaine.

    Il y a aussi le gars qui a des tableaux magnifiques qui représentent des enfants dans une situation pénible mais ces tableaux ont une valeur artistique et il faut en tenir compte. Et bien, si c'est le cas, il faudrait apprendre à utiliser cela comme il faut pour ne pas exploiter les enfants. Il faut arrêter tout cela. J'attends que l'on apporte des réponses efficaces à toutes ces questions et ce qu'on me dit... Je ne veux pas contredire M. Sullivan, mais je suis très déçu que le Centre canadien des ressources pour les victimes de crime n'ait pas adopté une position plus ferme au sujet de l'âge du consentement.

    J'ai été vraiment heureux d'entendre ce qu'avaient à dire les REAL Women of Canada. Je vous remercie—et Mme Smith aussi—d'avoir adopté une position ferme à ce sujet. J'essaie d'être logique sur cette question mais il y a trop d'enfants qui souffrent et cette industrie de la pornographie juvénile est en train de devenir une industrie d'un milliard de dollars et qui est associée au crime organisé. Que faisons-nous à ce sujet? Ne devrions-nous pas prendre des mesures sévères ou devons-nous nous inquiéter continuellement de risquer de condamner à tort une personne ou deux? Je peux vous assurer que beaucoup d'enfants souffriront si nous ne faisons rien.

    Voilà ce que j'avais à dire. Vous pouvez commenter mes paroles, si vous le voulez.

À  +-(1020)  

+-

    Le vice-président (M. Garry Breitkreuz): Très bien. Voulez-vous faire des commentaires, monsieur Burstein?

+-

    M. Paul Burstein: Je dirais simplement ceci à l'honorable député.

    Vous vous souvenez peut-être des commentaires qu'a faits Mme Unger. Si vous voulez vraiment empêcher que les enfants soient agressés, il faudrait qu'il y ait davantage de gens comme vous. Lorsque vous étiez dans le système d'éducation, vous étiez prêt à faire quelque chose. Pourquoi étiez-vous obligé de le faire? Parce qu'il n'y avait pas d'agence de service social, il n'y avait pas suffisamment de gens qui étaient prêts à prendre des initiatives et c'est parce que les sociétés d'aide à l'enfance sont sous-financées. C'est parce qu'il n'y a pas de services de soutien pour les jeunes de 13 et 14 ans qui quittent leur famille et cherchent un endroit où se réfugier; alors, ils trouvent un pédophile prêt à les accueillir.

    Si vous voulez vraiment faire quelque chose au sujet de cette question, alors allez-y. Ne vous contentez pas de modifier une notion juridique qui de toute façon ne permettra pas d'accomplir cet objectif.

    Je suis désolé, monsieur, je dois vous dire que, lorsque vous parlez à la légère de condamner à tort une personne ou deux... Je me dis, allez donc parler à Guy Paul Morin, allez donc parler à Donald Marshall. Demandez-leur ce qu'on ressent lorsqu'on est condamné à tort d'un crime horrible et qu'on est envoyé en prison. Cela vous amènera peut-être un peu à changer d'idée sur les conséquences d'une erreur judiciaire.

+-

    Le vice-président (M. Garry Breitkreuz): Monsieur Sullivan, avez-vous d'autres commentaires?

+-

    M. Steve Sullivan: La dernière fois que j'ai comparu au sujet de ce projet de loi, et les députés ne s'en souviennent sans doute pas, ma femme était enceinte et j'attendais un appel d'un moment à l'autre parce qu'elle était sur le point d'accoucher. Nous avons aujourd'hui un bébé de 17 mois. Je suis d'accord avec M. Thompson sur beaucoup de choses mais il y a des choses que nous voyons différemment. Je peux assurer à tous les membres du comité que je n'appuierais pas ce projet de loi si je ne pensais pas qu'il pouvait protéger mon fils et ma fille.

    Je respecte l'opinion des gens qui disent qu'il faut relever l'âge du consentement mais je pense que ce régime est applicable et je pense qu'il fonctionnera bien. Lorsque j'ai préparé cet exposé, j'ai réfléchi à ce que j'avais entendu la dernière fois que j'étais ici et à la situation dans laquelle nous nous trouvons.

    Quant à vos commentaires au sujet de la pornographie juvénile, je connais le sergent détective Gillespie et je vous connais également. Il n'y a pas de mots pour décrire le genre de choses qu'il regarde tous les jours. J'ai vu le visage de certains de ces enfants et c'est... Je ne sais pas comment ils font. Ils ont besoin, je crois, de l'appui des tribunaux. C'est pourquoi, lorsque nous parlons de peines minimales obligatoires, nous devons penser aux visages de ces enfants, parce que chaque fois que quelqu'un télécharge ces images et les utilise pour sa propre satisfaction, ces enfants sont une fois de plus victimisés.

+-

    M. Myron Thompson: J'aimerais dire aux témoins, que je suis en fait extrêmement frustré par ce qui se passe. J'ai commencé à m'intéresser à cette question en 1980, quand j'étais président des administrateurs scolaires en Alberta. Nous avons longuement parlé de cette question et nous n'avons pas réussi à faire quoi que ce soit. Cela fait maintenant 12 ans que je suis ici, et je ne pense pas que nous ayons beaucoup progressé. En fait, je crois que nous perdons du terrain lorsque je constate que l'industrie de la pornographie juvénile représente un milliard de dollars et qu'elle est liée au crime organisé.

    J'aimerais que vous compreniez que lorsque vous m'entendez parler, cela vient du fait que je suis vraiment très en colère parce que cela fait près de 20 ans que rien ne change dans ce domaine.

À  +-(1025)  

+-

    Le vice-président (M. Garry Breitkreuz): Madame Smith, un commentaire.

+-

    Mme Dolina Smith: J'aimerais dire que M. Thompson exprime le sentiment de la plupart des Canadiens. Nous sommes effectivement très en colère.

    Lorsque Paul est entré dans la salle, j'ai cru le reconnaître, et je sais maintenant pourquoi je le connais. Notre groupe est intervenu dans l'affaire Eli Langer, et nous étions donc dans la même salle d'audience.

    J'aimerais lire ce que le juge David McCombs a dit. Voici ses paroles :

    

[...] pour que l'expression artistique puisse s'épanouir, les artistes doivent être libres de tester les limites, de provoquer et bien sûr, de se tromper. Mais en fin de compte, l'objectif essentiel est de protéger les enfants, et lorsque la sécurité des enfants est en jeu, les normes sociales en matière de tolérance fondée sur le risque de préjudice doivent l'emporter sur la liberté d'expression, même s'il s'agit d'une liberté vraiment « fondamentale » [...]

    Lorsque nous avons parlé de la valeur artistique, nous avons abordé tous ces aspects. Nous devons reconnaître que le danger que courent nos enfants est beaucoup plus fondamental que la liberté d'expression des citoyens, parce que lorsque nous supprimons la protection dont bénéficient les personnes les plus vulnérables qui sont notre avenir, et que nous les détruisons parce que nous voulons protéger les libertés de quelqu'un d'autre... J'attache de l'importance à mes libertés. J'attache de l'importance à la liberté d'être ici mais j'accorde encore plus d'importance à la protection de mes enfants, de mes petits-enfants, de mes voisins et de tous les enfants canadiens. C'est la raison pour laquelle je suis ici—pour protéger ces enfants.

    Je demande au gouvernement de faire ce qu'il faut faire. Protéger les enfants du Canada.

+-

    Le président: Madame Smith et monsieur Thompson, je vous remercie.

    Nous allons maintenant passer à M. Ménard pour cinq minutes, à peu près.

[Français]

+-

    M. Serge Ménard (Marc-Aurèle-Fortin, BQ): Je voudrais parler des minimums que vous demandez. D'abord, je vous poserai une question simple. Si vous voulez un minimum, lequel voulez-vous?

    Ensuite, je voudrais bien que vous réalisiez qu'il y a des milliers de juges au Canada qui prononcent des centaines de milliers de sentences chaque année. Qu'il y en ait une, de temps à autre, qui semble bizarre ou injustifiée n'est pas étonnant. C'est pourquoi il y a des cours d'appel. Cependant, je crois qu'il n'y a pas plus de 150 juges de cours d'appel au Canada.

    Les exemples que vous nous donnez pour justifier un minimum portent à croire que les juges ne font que donner des coups de règle sur les doigts. Encore là, je voudrais bien que vous réalisiez que pour la majorité des gens, une condamnation criminelle est davantage qu'une tape sur les doigts. Le seul fait qu'il y ait condamnation, le fait d'être traduit devant un tribunal est autre chose. Les exemples que vous donnez ont-ils été confirmés par les cours d'appel?

    Finalement, je demanderais aux gens de la Criminal Lawyers' Association s'ils ont des exemples de cas qui, à leur avis, ne justifient pas une condamnation à l'emprisonnement.

[Traduction]

+-

    M. Paul Burstein: Je ne peux me baser que sur mon expérience personnelle. Bien évidemment, c'est un jugement de valeur et cela le sera toujours.

    Je me suis occupé d'une affaire, en appel, qui portait sur une agression sexuelle ancienne. C'était une agression sexuelle contre un membre de la famille. J'aimerais dire que c'était une agression mineure mais je voudrais pas que l'on pense que je trouve que ce genre de choses n'est pas important. Il faut comprendre qu'en droit pénal, il y a toute une gamme de comportements qui vont des violations grossières de l'intégrité sexuelle—relations sexuelles, etc.—et à l'autre extrémité de cette gamme, il y a les attouchements.

    Quoi qu'il en soit, c'était une histoire ancienne. Le contrevenant avait 72 ans au moment où il a été poursuivi et il avait conservé des relations avec sa famille pendant toutes ces années. Ses filles l'ont beaucoup aidé. Il était en très mauvaise santé, il avait le cancer et il ne lui restait que peu de temps à vivre. La peine proposée—et cela remonte aux premières années des peines avec sursis—était une peine avec sursis. Il a été envoyé en prison pour 15 ou 18 mois. Je crois savoir—je n'ai pas vérifié—qu'il est finalement mort en prison.

    Est-ce une injustice? Je ne sais pas. Est-ce courant? J'aimerais penser que non. Devrions-nous adopter une loi fondée sur ce seul exemple? Je ne le pense pas.

    Je pense qu'en fin de compte il y aura toujours quelques mauvaises décisions parce qu'elles sont trop sévères ou pas assez, mais dans l'ensemble, le système que nous avons, avec les cours d'appel et des juges compétents, semble bien fonctionner.

    Je devrais mentionner—et je ne veux pas revenir maintenant sur la question qu'a posée M. Macklin—qu'il existe dans le code des dispositions concernant les délinquants dangereux et les délinquants à contrôler. C'est une disposition que le gouvernement a adoptée il y a sept ou huit ans dans le but de protéger les enfants et les personnes vulnérables, de sorte que le délinquant qui ne peut être déclaré délinquant dangereux peut faire l'objet d'une ordonnance de surveillance s'il est récidiviste, même s'il obtient autrement une peine moins sévère.

    Je dirais qu'il ne faut pas essayer de réparer ce qui fonctionne. Il y aura toujours des sujets de plainte. Mais il ne s'agit pas de savoir s'il y a des plaintes, il faut savoir s'il vaut vraiment réparer le système.

    Je pense que vous avez eu raison de parler de cet aspect, monsieur.

À  +-(1030)  

+-

    Le président: Madame Landolt.

+-

    Mme Gwendolyn Landolt: M. Burstein parle constamment du fait que les cours d'appel peuvent toujours modifier les peines inappropriées. Mais pourquoi nous en remettre aux cours d'appel? Il faut que les gens aient de l'argent; il faut qu'ils se défendent. Cela coûte de l'argent à l'État.

    Pourquoi ne pas imposer une peine minimale qui indique clairement à l'accusé qu'il a mal agi?

+-

    M. Serge Ménard: Mais c'est la Couronne qui paie lorsqu'on fait appel sur la sentence. Pour augmenter la peine, c'est la Couronne qui fait appel, pas l'accusé.

+-

    Mme Gwendolyn Landolt: Exactement, mais pourquoi dépenser cet argent si l'on avait une peine minimale? Vous savez, il y a en fait plus de 2 000...

+-

    M. Serge Ménard: Je suis sûr que cela nous coûtera beaucoup plus cher en frais de détention.

+-

    Mme Gwendolyn Landolt: Mais au moins le message est clair. Pourquoi y a-t-il plus de 2 000 juges d'appel au Canada et pourquoi faudrait-il faire appel des peines qu'ils imposent? Pourquoi ne peuvent-ils pas comprendre qu'il y a une limite, que c'est cela qui importe et que nous voulons protéger les enfants? Pourquoi devrions-nous payer pour interjeter un appel—pourquoi devrions-nous faire ce genre de chose? Il faut faire ce qui est bien et il est bien de protéger les enfants.

    C'est ce que devrait rechercher en priorité le projet de loi C-2, et c'est ce qu'apparemment il doit faire mais il comporte de graves lacunes et l'une d'entre elles est qu'il ne prévoit pas de peine minimale. Je ne pourrais pas dire plus clairement combien il est nécessaire d'avoir une peine minimale. Notre organisation exige absolument que l'on impose une peine minimale pour les cas d'agression d'enfant et de pornographie juvénile.

+-

    M. Serge Ménard: Quelle peine minimale proposez-vous?

+-

    Mme Gwendolyn Landolt: Je ne sais pas. Vous me demandez de faire ce jugement? Au moins 18 mois.

+-

    M. Serge Ménard: Je pensais que vous y aviez déjà réfléchi. Je suis désolé. Je pensais que vous aviez déjà une idée.

+-

    Mme Gwendolyn Landolt: Dix-huit mois, minimum. Deux ans.

    En tant que mère, cela ne me gênerait pas du tout que l'on impose cette peine à un accusé déclaré coupable de pornographie juvénile. J'ai des amis et je vois leurs enfants et je dis que j'accepterais fort bien une peine minimale de 18 mois ou de deux ans. Cela lancerait un message très clair à tous ces gens qui exploitent les jeunes enfants.

+-

    M. Serge Ménard: Je pense que cela ne vous gênerait pas d'imposer une peine de cinq ans.

+-

    Le président: Merci, monsieur Ménard.

    Nous allons maintenant passer à Mme Neville.

+-

    Mme Anita Neville (Winnipeg-Centre-Sud, Lib.): Merci, monsieur le président.

    Nous avons entendu ce matin beaucoup de choses qui donnent à réfléchir.

    Je ne pense pas qu'il y ait quelqu'un autour de cette table, monsieur le président, qui ne souhaite pas protéger les enfants. Nous ne nous entendons pas bien sûr sur la façon de le faire mais je ne pense pas que l'on puisse mettre en doute la sincérité de tous ceux qui... Nous sommes la plupart d'entre nous des parents, certains des grands-parents, et avons occupé des positions de confiance à l'égard des enfants.

    Ma première question s'adresse à M. Sullivan. Tout comme vous, j'ai changé d'idée au sujet de l'âge du consentement. J'ai pris position à la Chambre des communes il y a quelques mois et j'ai voté en faveur du relèvement de l'âge du consentement de 14 ans et je ne pense pas que ce soit la solution aujourd'hui. J'aimerais savoir comment vous en êtes arrivé à changer d'idée sur cette question et la raison pour laquelle vous pensez que l'article qui traite d'exploitation sexuelle permettra de régler plus efficacement cet aspect. J'aurai également d'autres questions à poser.

À  +-(1035)  

+-

    M. Steve Sullivan: Je vais être bref pour vous laisser la possibilité de me poser ces questions.

    Je crois que pour moi, la chose est claire. J'ai vu la version antérieure du projet de loi, je l'ai étudiée et j'ai parlé à plusieurs policiers. Ils ne s'entendent pas sur les mesures à prendre. Il y en a beaucoup qui m'ont dit qu'ils ne craignaient pas pour les jeunes de 15 ans, de 20 ans ou de 21 ans; ils voulaient faire quelque chose pour les jeunes de 15 ans qui sortent avec quelqu'un de 40 ans. Ce sont les gens que nous voulons cibler et je pense que nous serions tous d'accord pour dire que ce genre de relation est inacceptable. Ils pensaient que ce projet était acceptable et qu'il leur permettrait de lutter efficacement contre ce genre de choses. On retrouve des opinions différentes chez les poursuivants et chez les policiers. Je pense que ce projet de loi peut fonctionner. Je pense... il est tout nouveau; il faudra le tester.

    L'autre aspect qui m'a amené à prendre cette décision est que le nouveau régime protège davantage de jeunes que le ferait le seul fait de relever à 16 ans l'âge du consentement. Nous avons entendu des témoignages qui proposaient de fixer cet âge à 16 ans et de prévoir une exception lorsqu'il y avait un écart de moins de cinq ans entre les personnes concernées, ce genre de chose. En réalité, une relation entre une jeune de 15 ans et un jeune homme de 20 ans peut être une relation d'exploitation, tout comme celle qui peut exister entre un homme de 30 ans et une jeune fille de 15 ans; je pense que la solution proposée ici permet aux poursuivants et aux policiers de tenir compte des circonstances particulières de chaque affaire et de déterminer s'il est approprié d'utiliser le droit pénal.

    En tant que père, je n'aimerais pas que mon fils ou ma fille de 15 ans sorte avec quelqu'un de 20 ou 25 ans; c'est certainement quelque chose dont nous parlerions mais devrait-on poursuivre devant les tribunaux pénaux un jeune homme de 21 ans parce qu'il a un an de plus que les cinq ans d'écart autorisés. Ce sont là des zones grises qui ne se prêtent pas très bien, d'après moi, au recours au droit pénal. Je pense qu'il est préférable de régler ce genre de situations au sein de la famille.

    Cela dit, lorsqu'il y a une relation d'exploitation, le projet de loi autorise le recours au droit pénal, et il y a également un certain pouvoir discrétionnaire.

+-

    Mme Anita Neville: Je vous remercie.

    Je ne connais pas grand-chose à la question des peines. On a parlé de 2 000 juges d'appel. Je mets en doute ce chiffre. Je ne connais pas le chiffre mais je pense qu'il est beaucoup plus faible que celui-là.

    Monsieur Burstein ou madame Unger, avez-vous une idée du nombre de fois que la Cour d'appel augmente la peine ou la réduit? Peut-être que M. Sullivan pourrait aborder cet aspect.

+-

    M. Paul Burstein: Je ne peux parler que de mon expérience en Ontario et je dois vous dire que ce n'est certainement pas très scientifique mais voilà ce que je peux vous dire. Il n'y a pas beaucoup d'avocats qui s'occupent d'appel en matière pénale en Ontario. Je les connais à peu près tous, j'ai donc une idée générale de la question. De plus, mon ancien associé travaille aujourd'hui pour le bureau des appels de la Couronne de l'Ontario et je connais très bien certaines personnes qui y travaillent. J'ai donc une bonne idée de ce qui se passe. Si je devais essayer de donner un chiffre, je dirais que moins de la moitié sont des appels interjetés par la Couronne, cela représente probablement entre 20 et 30 p. 100 des appels sur sentence.

    Je peux vous dire, en me basant sur les conversations que j'ai eues avec les procureurs de la Couronne du bureau des appels du ministère du Procureur général de l'Ontario, qu'ils examinent de très près les peines qu'ils considèrent comme trop clémentes. Et pour que vous compreniez, je dirais que le procureur de la Couronne chargé du procès, qui est manifestement celui qui connaît le mieux l'affaire, qui a parlé à la victime et connaît les faits, fait une recommandation au bureau des appels. Le bureau des appels n'est donc pas obligé de suivre tout ce qui se passe dans la province. Il reçoit les recommandations des procureurs de la Couronne et il obtient beaucoup de succès dans les appels, à moins que ce soit une affaire comme celle de la Saskatchewan, dans laquelle il y a eu beaucoup de retard.

    Cela arrive donc très souvent. Je me suis occupé de nombreux appels. Ce n'est donc pas du tout une anomalie et ces appels sont pris très au sérieux.

À  +-(1040)  

+-

    Mme Anita Neville: Merci.

    Quelqu'un d'autre veut-il faire un commentaire?

    J'ai dû quitter la séance pendant un moment. Lorsque M. Gillespie était ici, il a parlé de la question des fournisseurs de services Internet et de la possibilité de poursuivre ceux dont les réseaux affichent de la pornographie. M. Thompson a parlé de 1980, je crois, et la pornographie juvénile que nous connaissons aujourd'hui est complètement différente à cause de l'utilisation que l'on fait de l'Internet. Pouvez-vous, vous ou un autre témoin, nous dire si vous avez réfléchi à cette question et si vous pensez qu'il serait efficace d'obliger les fournisseurs de service à surveiller ce qui est affiché sur leurs sites?

+-

    M. Paul Burstein: Permettez-moi d'aborder la question juridique. Je sais qui est le sergent détective Gillespie et je ne veux pas aborder les questions reliées à l'application de la loi.

    La question juridique que soulève souvent ce genre d'affaires porte sur la répartition des compétences. Où faut-il poursuivre ces personnes? Prenons un fournisseur de services albertain qui a un site en Nouvelle-Écosse et dont le siège social est en Colombie-Britannique—ou même pire, qui est situé au Bahamas ou aux États-Unis, comme Mme Unger l'a mentionné. J'ai été en fait amené à examiner cette question du point de vue du jeu sur l'Internet, sujet qui soulève le même genre de problème.

    Si le comité veut faire quelque chose, il devra se pencher sur la question de la juridiction compétence. Je ne pense pas que cela soit difficile. À l'heure actuelle, il existe des règles de common law à ce sujet; il y a un arrêt de la Cour suprême du Canada prononcé en 1985 dans l'affaire Libman, selon lequel il est possible de poursuivre au Canada les contrevenants pour des crimes qui ont un lien important avec le Canada. Mais plutôt que de rester dans le domaine de la common law, un domaine un peu vague, si nous voulons donner à la police les outils... Et là encore, je tiens à souligner que l'association est tout à fait en faveur de la prévention en matière de pornographie juvénile; c'est ce que nous voulons obtenir—je suis père. Mais il faut donner à la police les moyens de poursuivre ces contrevenants et c'est une question que j'aborde du point de vue d'un avocat. En tant qu'avocat de la défense, j'exploiterais la possibilité de soulever des problèmes de compétence.

    Il faut donc résoudre cette question. Je ne peux pas parler des questions d'application de la loi.

+-

    Le président: Y a-t-il d'autres commentaires?

    Monsieur Sullivan, et nous devrons ensuite passer à un autre intervenant.

+-

    M. Steve Sullivan: Brièvement, je ne prétends pas connaître les solutions mais il me paraît approprié d'obliger les fournisseurs de services à assumer leurs responsabilités. Nous ne voulons pas leur imposer un fardeau irréaliste et les obliger à supprimer toute la pornographie juvénile de leur site mais ils ont certainement un rôle à jouer dans ce domaine. Je ne pense pas qu'ils aient été aussi actifs qu'ils auraient dû l'être.

    Mais vous avez mentionné que la pornographie juvénile avait profondément évolué depuis 1980 ou 1993, année au cours de laquelle Eli Langer a été poursuivi. Je ne pense pas qu'il serait accusé de nos jours parce que les policiers n'auraient pas le temps de s'occuper de lui.

    Je pense que les ressources policières sont le plus gros obstacle dans la lutte contre la pornographie juvénile. Les policiers n'ont ni le temps, ni les ressources. Il y a des services de police qui ont une, parfois deux personnes qui essaient de lutter contre ce problème mais ce sont toujours des batailles d'arrière-garde. C'est pourquoi il est très frustrant qu'une bonne partie du débat suscité par le projet de loi ait porté sur la question de la valeur artistique. Ce n'est vraiment pas ce à quoi les services de police font face de nos jours. Ils font face à des problèmes de ressources et de temps.

+-

    Le président: Bien. Merci.

    Merci, madame Neville.

    Maintenant, monsieur Warawa.

+-

    M. Mark Warawa (Langley, PCC): Merci, monsieur le président.

    J'aimerais aussi remercier tous les témoins, en particulier REAL Women et CASE, d'être ici.

    Premièrement, quelqu'un a dit que tant qu'une chose n'est pas cassée, il ne faut pas la réparer. Je pense que les Canadiens sont très en colère et qu'ils estiment que le système est cassé.

    Je pense que c'est aller un peu loin que de dire qu'il faudrait faire des acrobaties pour trouver des exemples de peines inappropriées. Dans ma petite ville de Langley, en Colombie-Britannique, un jeune adulte a récemment été déclaré coupable d'avoir sexuellement agressé deux jeunes filles, qui habitent à côté de chez lui. Il a reçu une peine avec sursis, qu'il purge chez lui. Ses jeunes victimes le voient tous les jours et cela cause beaucoup de stress dans ces familles. Il y a également d'autres victimes—les parents de ce contrevenant. Ce n'est pas une situation très agréable mais était-il judicieux de faire purger à l'accusé sa peine chez lui? On peut vraiment se demander si cette peine était appropriée. La police a tenu une réunion dans la collectivité et abordé la question, en faisant savoir à tous les voisins qu'ils étaient au courant de la situation. Je dirais donc que l'usage très généreux que l'on fait des peines avec sursis pour les infractions sexuelles inquiète beaucoup les Canadiens.

    J'ai également entendu quelqu'un dire que cela coûte de l'argent à la société d'incarcérer ces personnes. Je pense que la question qu'il faudrait se poser, c'est de savoir ce qu'il en coûterait à la société si nous ne les incarcérons pas et que cela augmente le nombre de victimes? On nous a dit la semaine dernière que près de 100 p. 100 de ces personnes récidivaient. Si nous autorisons les tribunaux à prononcer des peines avec sursis pour les délinquants sexuels dont le taux de récidive est très élevé, c'est-à-dire de 100 p. 100, je pense que le gouvernement fédéral se doit de présenter un projet de loi qui assure la sécurité et la protection de tous les Canadiens. C'est la raison pour laquelle nous sommes ici et c'est pourquoi j'apprécie vos commentaires.

    Je crois que c'est REAL Women qui a déclaré, et là je suis d'accord avec ces personnes, que la sécurité des enfants est l'objectif essentiel. La liberté d'expression est secondaire. La science utilise le mot « déviance ». L'étude, et le professeur de l'Université de Toronto, ont utilisé l'expression « déviance ». Nous avons des témoins qui eux ont parlé d'oeuvres artistiques. Ils nous demandent de ne pas paralyser la liberté d'expression. CBC nous a également demandé de ne pas paralyser, s'il vous plaît, la liberté d'expression. J'aimerais avoir vos commentaires sur cet effet paralysant. Je crains que l'on désensibilise les citoyens. Le fait de diffuser à la télévision des images sexuelles explicites à des heures mal choisies n'a-t-il pas pour effet de désensibiliser la population?

    J'aimerais également avoir vos commentaires sur les peines avec sursis. Je connais l'exemple de Langley. Je reconnais que nous ne devrions pas adopter un projet de loi en se basant uniquement sur une affaire mais j'aimerais savoir ce que vous pensez des peines avec sursis? Devrait-on les utiliser pour les délinquants sexuels? Pour ce qui est de la peine minimale, vous avez parlé de 18 à 24 mois. Vous avez suggéré que la peine soit purgée dans un établissement provincial, je crois.

    J'aurais tendance à penser que cela devrait être une infraction fédérale. La peine devrait être bien supérieure à deux ans, parce qu'en fait, les accusés ne purgent qu'un tiers de leur peine avant d'être libérés. De sorte que si vous parlez de deux ans, ils seront libérés dans moins d'un an, après avoir purgé un tiers de leur peine.

    J'aimerais que tous les témoins qui sont favorables à l'idée d'une peine minimale obligatoire disent quelle devrait en être la durée. Devrait-il être également possible de la purger comme une peine avec sursis?

À  +-(1045)  

+-

    Le président: Nous allons commencer par Mme Landolt.

+-

    Mme Gwendolyn Landolt: J'aimerais tout d'abord revenir sur l'idée qu'il ne faut brimer la liberté d'expression des artistes. Je me demande bien pourquoi. Nous devons tous répondre des dommages que nous causons. Que nous soyons charpentier, avocat, médecin, électricien, chacun est responsable des dommages qu'il cause. Pourquoi ne devrait-on pas obliger les artistes à assumer la responsabilité des dommages qu'ils causent? Ils n'occupent pas un statut privilégié dans notre société. Ils doivent être tenus responsables des conséquences de leurs actes. De nombreuses études, non pas seulement celle du Dr William Marshall, indiquent que ce matériel, la pornographie juvénile, cause un préjudice aux enfants. Il y a des victimes et nous devons protéger les enfants. Les artistes doivent assumer la responsabilité de leurs actes comme tous les autres citoyens. La liberté d'expression est un droit reconnu par la Charte mais tous les droits de la Charte ont des limites. Les tribunaux ont apporté des limites à ces droits.

À  +-(1050)  

+-

    Le président: Pouvez-vous répondre à la question de M. Warawa? Son temps de parole est écoulé et il voudrait avoir des réponses.

+-

    Mme Gwendolyn Landolt: Sa question portait sur les peines minimales.

+-

    Le président: Oui, minimales et avec sursis. Nous aimerions vous entendre tous brièvement sur ce point.

+-

    Mme Gwendolyn Landolt: Dès le départ, j'ai été contre les peines avec sursis parce qu'elles sont centrées sur l'accusé et non pas sur la victime. C'est une approche sur laquelle je me suis toujours posé des questions. Elle évite à l'accusé de subir une peine sévère mais elle n'aide pas les victimes. Notre organisme a toujours défendu la position que nous ne devrions même pas avoir des peines avec sursis. Tous les citoyens doivent être tenus responsables des dommages qu'ils causent. Vous avez soulevé la question d'en faire une infraction provinciale. Ce devrait être peut-être une infraction fédérale. Vous avez peut-être raison de proposer que la peine minimale soit supérieure à deux ans pour que cela devienne une infraction fédérale.

    Tout ce que nous voulons, c'est indiquer clairement à tout le monde que ce genre de chose est inacceptable dans notre société et à l'heure actuelle, ce n'est pas le message qui est transmis.

+-

    Le président: Merci.

    Monsieur, sur ces deux points s'il vous plaît.

+-

    M. Steve Sullivan: Nous avons parlé des peines avec sursis. Bien évidemment, je ne pense pas que ces peines soient appropriées pour ce genre d'infractions; il est tout à fait inapproprié d'infliger ce genre de peines à la moitié des pornographes juvéniles. Nous avons témoigné au sujet des peines avec sursis lorsque le comité a examiné cette question.

    Pour ce qui est des chiffres, on en a cité un certain nombre. On a parlé de 60 jours ou d'un jour. En réalité, je pense qu'une peine de deux ans ou plus—et je pense que mes amis pourront peut-être intervenir là-dessus—serait peut-être jugée comme étant trop lourde. En tant que père, je n'ai rien contre une telle peine mais je crois qu'il faut être réaliste.

    Je crois qu'il faut sanctionner lourdement une deuxième infraction : cette personne a déjà comparu devant les tribunaux et elle a eu un jour de prison, comme je crois M. Butt l'a suggéré, ou 60 jours, comme je crois M. Gillespie l'a suggéré, mais la deuxième fois, ce devrait être une autre histoire. L'avantage qu'offre une peine de deux ans moins un jour, —c'est une question technique qui concerne les infractions provinciales—est que le tribunal peut toujours ajouter une période de probation de trois ans, alors que cela n'est pas possible dans le système fédéral.

+-

    Le président: Madame Smith, sur ces deux points.

+-

    Mme Dolina Smith: J'ai peu à dire, sinon que j'appuie ce que les policiers ont dit; Paul Gillespie a parlé de 60 jours pour une première infraction et de deux ans moins un jour pour une seconde infraction. Ce sont eux qui sont en première ligne. Je suis en faveur de tout ce qui peut aider les enfants.

+-

    Le président: Madame Unger.

+-

    Mme Karen Unger: Il faut tenir compte de la personnalité du contrevenant et de la gravité de l'infraction. Dans cette catégorie, il y a des infractions mineures et des infractions plus graves. Il faut donc interroger l'accusé, qui est un délinquant primaire, qui a commis une infraction de peu de gravité, qui a des problèmes personnels, il est malade, par exemple, ou c'est une agression sexuelle ancienne. M. Burstein a donné l'exemple d'un cas qu'il connaissait, et j'ai eu un cas semblable. Le jeune avait 12 ans à l'époque, il a aujourd'hui 50 ans. Depuis l'infraction, des années se sont écoulées. Il est adulte, il est marié et il a des enfants. Va-t-on imposer à ces personnes une peine minimale obligatoire?

+-

    Le président: Merci. Merci, monsieur Warawa.

    Monsieur Maloney.

+-

    M. John Maloney (Welland, Lib.): J'aimerais adresser ma question à la Criminal Lawyers' Association.

    Je reconnais que condamner un innocent place l'accusé dans une situation horrible et cela jette également le discrédit sur le système judiciaire. Par contre, nous savons tous que, dans le meilleur des cas, les témoins sont très nerveux lorsqu'ils doivent témoigner. Lorsqu'il s'agit d'une infraction sexuelle, c'est une expérience traumatisante, que ce soit pour un adulte ou pour un enfant, et ces personnes doivent revivre cette expérience. Elles doivent également faire face à l'accusé qui se trouve devant elles.

    Vous avez déclaré, monsieur Burstein, que, si vous étiez avocat de la défense, vous exploiteriez cette possibilité. Cela ne portait pas précisément sur cet aspect mais il appartient peut-être aux avocats de la défense d'exploiter certaines situations. Je considère que les mesures de protection visent à compenser la nervosité ou la difficulté qu'il y a de faire face à l'accusé. Dans votre témoignage, je crois que vous avez déclaré être défavorable à ce qu'on élargisse ces protections. Pouvez-vous me dire quelles sont les protections qui vous paraissent particulièrement critiquable et surtout pourquoi?

À  +-(1055)  

+-

    M. Paul Burstein: Comprenez que je suis également professeur à la Osgoode Hall Law School, et que j'enseigne la conduite des procès. Je peux vous dire que du point de vue de la conduite d'un procès, j'expliquerais très clairement aux jeunes avocats et à mes étudiants que vouloir exploiter la nervosité d'un témoin est une très mauvaise tactique s'il y a un jury. Les membres du jury vont compatir avec la personne qui témoigne. Je ne dis pas que certains avocats de la défense ne le font pas mais je dis qu'ils commettent alors une faute de jugement.

    Il y a de mauvais avocats de la défense et oui, ils ne devraient pas travailler de cette façon mais il y a là une difficulté. Je sais que les plaignants qui ont été vraiment agressés ou qui ont vraiment été victimes d'un crime ont du mal à témoigner et qu'on devrait leur éviter cela parce qu'ils ont fait une chose courageuse, à savoir dénoncer leur agresseur. Mais je dois vous dire que contrairement à ce que M. Sullivan voudrait croire, il y a des témoins qui font de fausses allégations.

    Je vais vous donner un exemple bien connu : les litiges familiaux. Je ne peux pas vous dire combien d'affaires j'ai eues dans laquelle il y avait un litige, l'échec d'un mariage, et où la femme faisait une allégation ou encourageait l'enfant à faire une allégation et dans laquelle le juge constatait, au-delà de tout doute raisonnable, que cette allégation était tout à fait fausse et imaginaire. L'allégation visait simplement à renforcer la position de la personne qui la faisait dans ce litige familial.

    Si nous accordons automatiquement ces protections à toutes les personnes faisant partie de cette catégorie, cela risque d'empêcher l'avocat de la défense—et là je ne parle pas de procéder de façon violente ou agressive mais de façon appropriée—de vraiment vérifier la crédibilité du plaignant. Lorsqu'on contre-interroge un témoin par un système de télévision en circuit fermé, il est beaucoup plus difficile d'évaluer le comportement du témoin. Les tribunaux ont déclaré que le comportement d'un témoin était un élément essentiel qui permettait au juge ou au jury d'évaluer la crédibilité d'un témoin.

    Pour ce qui est de la possibilité d'interdire la publication des débats, je dirais qu'habituellement c'est la meilleure façon pour la défense d'apprendre si la plainte est injustifiée. Il y a des gens qui vont lire le journal et se dire : un instant, que dit cette personne? Je connais cette personne depuis qu'elle est née. Ils n'ont jamais eu de problèmes avec cette personne.» Les témoignages enregistrés ne permettent pas non plus d'apprécier correctement la crédibilité des témoins.

    Il serait bon de revoir les décisions qu'a prononcées la Cour suprême au sujet des dispositions qui ont précédé ces modifications. Et elles sont là : les articles 715.1 et 486 sont déjà là. Regardez ce qu'a déclaré la Cour suprême du Canada au sujet des raisons qui peuvent justifier de risquer d'augmenter le nombre des erreurs judiciaires en affaiblissant les garanties procédurales par des modifications. La raison était qu'il fallait avoir des preuves scientifiques très fortes.

    Quelles sont les preuves qui indiquent que ces modifications sont nécessaires? Nous avons entendu des déclarations et je sais que tout le monde dit que c'est important mais qui a présenté une étude qui démontre que, si l'on ne change pas la loi, comme le fera le projet de loi C-2, il n'y aura pas davantage de plaintes justifiées? Où sont les preuves qui montrent que le système ne fonctionne pas sur ce point? Si ces preuves n'existent pas, alors je dis que toutes ces modifications sont inutiles et injustifiées.

+-

    Le président: Monsieur Sullivan, voulez-vous faire un commentaire?

+-

    M. Steve Sullivan: Il n'existe pas de preuve qui indique que ces protections ou celles que prévoit le projet de loi ont augmenté les accusations ou les condamnations injustifiées. Je crois qu'il est nécessaire lorsque l'on parle des victimes d'agression sexuelle qui ont été humiliées par les avocats de la défense... Ce sont peut-être tous de mauvais avocats mais parlez à n'importe quelle victime d'agression sexuelle, disons les enfants : les avocats de la défense profitent de la situation, ils essaient de les troubler, en particulier les enfants. Je ne les blâme pas, c'est leur travail, mais il faut reconnaître que c'est ce qui se passe dans les cours de justice au Canada.

    L'autre chose est que je n'ai jamais dit qu'il n'y avait pas d'accusations ou de condamnations injustifiées. Je dis qu'aucune disposition du projet de loi ou du Code criminel n'incite qui que ce soit à faire une fausse accusation ou à obtenir une fausse condamnation. Il n'y en a pas. Le fait qu'un plaignant puisse se placer derrière un écran ne va pas l'inciter à porter de fausses accusations.

    Je reconnais tout à fait que ces protections ne devraient pas être accordées automatiquement. Toutes les victimes n'en veulent pas et toutes les victimes n'en ont pas besoin. Il devrait y avoir un pouvoir discrétionnaire, même si certaines de ces dispositions créent une présomption. Vous avez entendu des témoins au sujet du projet de loi C-13, et il y a une présomption selon laquelle les personnes condamnées pour une première infraction peuvent être obligées de fournir leur empreinte génétique et cela ne se fait que dans 50 p. 100 des cas. Il est donc irréaliste d'affirmer qu'à cause de cette présomption, les juges demanderont automatiquement ce genre de choses.

Á  +-(1100)  

+-

    Le président: Merci, monsieur Maloney.

    Pour terminer cette séance, avant de passer à l'étude de nos motions, nous allons entendre M. Breitkreuz.

+-

    M. Garry Breitkreuz: J'ai quatre questions.

    L'un d'entre vous a mentionné qu'il fallait avoir 18 ans pour pouvoir consommer de l'alcool ou fumer du tabac et d'autres témoins nous ont dit que les enfants n'évoluaient pas tous au même rythme. Certains d'entre eux ont subi un préjudice psychologique considérable en participant à des activités auxquelles ils avaient consenti sans avoir une maturité suffisante. Il y a aussi des familles où les enfants ne sont pas guidés comme ils le devraient de nos jours. La télévision a désensibilisé les enfants à certaines conséquences nuisibles que peuvent avoir des activités sexuelles trop précoces.

    Qu'est-ce qui est donc le plus nuisible, l'alcool et le tabac avant d'avoir 18 ans ou certaines des relations d'exploitation que l'on connaît? Quel mal y aurait-il à relever l'âge du consentement et ne devrions-nous pas errer sur ce point du côté de la prudence? Quel mal y aurait-il à prendre cette décision, compte tenu des témoignages que nous avons entendus au sujet des effets à long terme que peuvent avoir les relations d'exploitation sur des personnes qui n'ont pas la capacité de faire un choix, parce qu'elles n'ont pas une maturité psychologique suffisante pour le faire?

+-

    Le président: Madame Smith.

+-

    Mme Dolina Smith: C'est une des questions que j'aurais voulu poser, si j'avais le droit d'en poser. Je n'ai trouvé aucun élément, au cours de mes lectures ou de mes réflexions, qui indique que le relèvement de l'âge du consentement pourrait avoir des conséquences nuisibles. Il n'est pas bon pour les jeunes de 14 ans que les adultes aient la permission juridique de les utiliser à des fins sexuelles. Cela n'est certainement pas bon pour l'enfant. C'est pourquoi je suis fermement en faveur de relever l'âge du consentement, avec une tolérance zéro, jusqu'à 16 ans, en prévoyant une différence d'âge pour protéger les activités entre jeunes du même âge, parce que c'est là une situation différente que celle des adultes qui utilisent les enfants. Nous pourrons ensuite nous occuper des jeunes de 16 et 17 ans.

+-

    M. Garry Breitkreuz: Mais certains d'entre vous disent le contraire.

+-

    M. Steve Sullivan: Je pense qu'une partie de la réponse se trouve dans votre question dans laquelle vous avez dit que les jeunes évoluent selon des rythmes différents. Il y a des jeunes de 17 ans qui ne devraient pas avoir de relations sexuelles avec des gens de 30 ans mais le fait de relever l'âge du consentement ne les protégerait pas. Il y a des jeunes de 15 ans qui sont parfois plus mûrs que des personnes de 20 ou de 21 ans. Je pense que ce régime accorde aux policiers et aux poursuivants un pouvoir discrétionnaire pour réprimer ces infractions, tout en tenant compte des circonstances individuelles.

+-

    M. Garry Breitkreuz: Des policiers nous ont dit qu'ils ne pouvaient porter ce genre d'accusations, qu'ils n'avaient pas le temps d'examiner tout cela, parce que la loi n'était pas claire. Le sergent Gillespie nous a clairement dit que la loi est trop imprécise, qu'ils doivent par conséquent utiliser leur jugement mais qu'ils n'obtiennent pas beaucoup de condamnations.

+-

    M. Steve Sullivan: Je reconnais avec vous que certains policiers disent ceci mais j'ai parlé à d'autres qui disent autre chose.

+-

    Mme Dolina Smith: Je ne vois pas comment un policier peut appliquer une loi qui n'existe pas; il n'y a pas de loi qui protège les jeunes de 14 ans et plus. Pouvez-vous me dire pourquoi? Il est absurde de ne pas vouloir protéger les enfants de 14 ans contre les adultes qui les exploitent. La police ne peut rien faire si cela ne figure pas dans le Code criminel et l'affaire d'Ottawa en est un exemple.

+-

    M. Garry Breitkreuz: Monsieur Sullivan, pouvez-vous nous dire qui sont ces policiers, parce que nous n'en avons pas encore rencontré?

+-

    M. Steve Sullivan: Cela remonte sans doute à quelques années; j'ai participé à une table ronde organisée par le Canadian Centre for Abuse Awareness, un groupe ontarien qui a fait une étude très importante. Une des questions qui étaient posées portait sur l'opportunité de relever l'âge du consentement. Il y avait trois policiers du service de police d'Ottawa qui ont déclaré que ce n'était pas la solution à retenir, parce qu'ils ne voulaient pas avoir à s'occuper des personnes plus âgées, qu'elles aient 15 ans ou 21 ans. Où faut-il fixer la limite? Ils pensaient qu'une disposition qui leur accorderait des pouvoirs discrétionnaires était la meilleure solution.

    Il y a eu dans les médias des rapports concernant les agents du Service de police d'Edmonton qui ont déclaré qu'ils pourraient utiliser le régime proposé par le projet de loi. Je dirais donc que s'ils ne sont pas venus devant le comité... vous n'avez peut-être pas entendu beaucoup de gens.

Á  +-(1105)  

+-

    M. Garry Breitkreuz: Devrait-on combiner l'âge du consentement avec une exception lorsqu'il y a peu d'écart sur le plan de l'âge entre l'adolescent et la personne qui l'agresse?

+-

    Le président: Nous ne faisons pas le contre-interrogatoire de M. Sullivan. Les autres témoins ont également des choses à dire.

+-

    M. Paul Burstein: J'aimerais simplement faire un commentaire. J'accepte votre logique et nous n'avons pas vraiment pris position sur l'âge du consentement—et en fait, nous entendons ici beaucoup de choses auxquelles nous souscrivons.

    Je vous demande de faire ce qui suit : appliquez votre raisonnement à la disposition du projet de loi C-2 qui vise à supprimer l'enquête sur la capacité des témoins. Autrement dit, vous dites d'un côté que les enfants n'ont pas la maturité nécessaire pour donner leur consentement ou pour décider s'ils doivent donner leur consentement mais nous sommes maintenant disposés à dire que tout enfant de moins de 14 ans est automatiquement habile à témoigner, à moins que la défense n'arrive à prouver le contraire. Cela vaut même pour les enfants de trois ou quatre ans, je vous demande donc d'utiliser ce raisonnement, que j'accepte, et de l'appliquer dans cet autre contexte.

+-

    M. Garry Breitkreuz: Je pense que notre système juridique devrait permettre de découvrir la vérité, de condamner les criminels et de leur imposer une peine ayant un effet dissuasif. C'est de ce point de vue que je vous pose ma question suivante.

    Quels sont les éléments essentiels de ce projet de loi qui nous empêchent de découvrir la vérité? Il est évident que ce projet soulève certains problèmes, d'après moi, mais nous voulons être sûrs que ce projet de loi fonctionne bien. Pour résumer, pourriez-vous nous faire quelques commentaires sur les changements qu'il conviendrait d'apporter à ce projet de loi pour que les tribunaux puissent protéger les victimes et aient vraiment les moyens de le faire. Quels sont les points essentiels de ce projet de loi que vous aimeriez modifier pour y parvenir?

+-

    Le président: Monsieur Sullivan.

+-

    M. Steve Sullivan: Nous avons présenté quelques suggestions visant à modifier les aides testimoniales et je reviens sur l'idée que, d'après moi, les aides testimoniales ont pour but d'assurer que les témoins disent la vérité au tribunal. Elles sont là pour aider les gens à dire la vérité devant le tribunal, ce qui ne veut pas dire que tous les témoins diront la vérité. C'est pourquoi nous sommes en faveur de renforcer ces dispositions.

    Franchement, je ne pense pas que les dispositions relatives à la pornographie juvénile auront un grand effet. Je pense qu'elles sont équitables et qu'elles introduisent un équilibre approprié entre les intérêts en jeu mais elles n'auront pas beaucoup d'effet sur la capacité des services de police de lutter contre la pornographie juvénile.

+-

    M. Garry Breitkreuz: Qu'est-ce que vous aimeriez voir modifier?

+-

    M. Steve Sullivan: En fait, j'estime que nos lois relatives à la pornographie juvénile sont assez bonnes. Je pense que les aspects qui font problème sont les ressources attribuées à la police, et les peines qui sont imposées aux personnes qui commettent ce genre d'infraction. Nous avons parlé des peines avec sursis et des peines minimales obligatoires; je pense qu'il faut clairement indiquer à la population que ceux qui utilisent les enfants pour leur satisfaction sexuelle recevront une peine sévère.

+-

    M. Garry Breitkreuz: Très bien.

+-

    M. Paul Burstein: Je trouve très encourageant d'être à peu près en mesure de souscrire à ce qu'a dit M. Sullivan. Vous l'avez entendu dire au moins deux ou trois fois que les policiers ne sont pas motivés à porter des accusations lorsqu'ils découvrent du matériel qui répond à la définition de pornographie juvénile mais qui pourrait avoir une valeur artistique. Alors pourquoi essayons-nous de modifier cela? Ce n'est pas un problème. Il n'y a pas tant d'affaires de ce genre.

    Même si M. Sullivan nous a assurés que les policiers utiliseraient leur pouvoir discrétionnaire pour ne pas porter d'accusations contre des gens comme Eli Langer, je suis désolé, mais cela ne me rassure pas du tout parce que je n'aurais jamais pensé qu'il aurait été accusé. Vous confiez cette décision aux policiers. Ce n'est pas ce que devrait faire le Parlement. Son rôle est d'établir les lois.

    Pour ce qui est des dispositions visant à faciliter les témoignages, là encore, nous ne disons pas qu'elles vont favoriser les plaintes injustifiées. Nous disons qu'étant donné qu'il y a la possibilité que quelqu'un dépose une accusation erronée, il ne faut pas affaiblir les outils dont notre système se sert depuis des siècles pour découvrir quelles sont les plaintes qui sont fausses et celles qui sont vraies. Nous ne voulons absolument pas empêcher les policiers d'examiner les plaintes justifiées. Nous disons simplement qu'une fois qu'elles sont soumises à un tribunal, nous devons avoir les outils qui nous permettent de séparer celles qui sont vraies de celles qui sont fausses. Il y a bien sûr beaucoup plus de plaintes justifiées mais il est plus difficile de déceler celles qui sont fausses et il ne faudrait pas changer toutes les dispositions visant à faciliter les témoignages, à moins qu'il existe des preuves qui montrent qu'elles sont nécessaires, comme vous l'avez fait pour les dispositions antérieures.

Á  -(1110)  

+-

    Le président: Un dernier mot de la part de Mme Smith et de Mme Landolt.

+-

    Mme Gwendolyn Landolt: Là encore, j'aimerais revenir sur un autre sujet. Il continue à affirmer que les policiers ne porteront pas d'accusations à cause de la valeur artistique de certaines oeuvres. Tant qu'il y aura cette disposition parmi les règles de la pornographie juvénile, il y aura des Eli Langer et il y aura des gens, s'il n'y a rien qui leur interdise de s'exprimer lorsqu'il s'agit de représenter des enfants... Cela se fera.

    Je sais que l'Internet est actuellement le principal problème mais il y a toujours le cas des « artistes ». Ils pourront toujours faire témoigner un expert pour dire que leur oeuvre a une valeur artistique. Nous l'avons vu encore une fois dans l'affaire Robin Sharpe. Il faut se demander si nous voulons vraiment protéger les enfants? La seule façon de le faire est de supprimer la valeur artistique.

+-

    Le président: Très bien, madame Smith.

+-

    Mme Dolina Smith: Je dirais que la plupart de nos règles en matière de pornographie juvénile sont très efficaces mais je pense que nos policiers doivent disposer des ressources dont ils ont besoin ainsi que de lois qui facilitent leur travail, comme le relèvement de l'âge du consentement. Laissons-les intervenir et procéder à des arrestations si cela est nécessaire. Il me paraît important qu'ils puissent le faire pour la protection des enfants.

    Je suis également convaincue que l'Internet et les fournisseurs de service Internet sont d'autres aspects qu'il convient d'examiner si nous voulons protéger nos enfants contre la pornographie, contre la pornographie juvénile et contre les gens qui attirent les jeunes au moyen de l'Internet. Nous vivons à une époque très dangereuse pour nos enfants et nos lois doivent être à la hauteur de la technologie. La loi qui a été adoptée en 1992 est antérieure à l'ère Internet et il faut donc évidemment la revoir.

-

    Le président: Je vous remercie.

    Au nom du comité, je remercie tous les témoins d'être venus ici aujourd'hui.

    Nous allons suspendre la séance pendant cinq minutes pour permettre aux témoins de quitter la salle. Je suis réaliste—je dirais deux minutes mais cela en prendra dix. Nous reprendrons ensuite nos travaux à huis clos.

    [La séance se poursuit à huis clos.]