Passer au contenu
Début du contenu

JUST Réunion de comité

Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.

Pour faire une recherche avancée, utilisez l’outil Rechercher dans les publications.

Si vous avez des questions ou commentaires concernant l'accessibilité à cette publication, veuillez communiquer avec nous à accessible@parl.gc.ca.

Publication du jour précédent Publication du jour prochain
PDF

38e LÉGISLATURE, 1re SESSION

Comité permanent de la justice, des droits de la personne, de la sécurité publique et de la protection civile


TÉMOIGNAGES

TABLE DES MATIÈRES

Le jeudi 24 novembre 2005




Á 1110
V         Le président (M. John Maloney (Welland, Lib.))
V         L'hon. Paul Harold Macklin (Northumberland—Quinte West, Lib.)
V         Le président
V         L'hon. Paul Harold Macklin
V         Le président
V         L'hon. Paul Harold Macklin
V         Le président
V         L'hon. Paul Harold Macklin
V         M. Vic Toews (Provencher, PCC)
V         L'hon. Paul Harold Macklin
V         M. Vic Toews
V         L'hon. Paul Harold Macklin
V         Le président
V         M. Mark Warawa (Langley, PCC)
V         Le président
V         M. Mark Warawa
V         Le président
V         L'hon. Paul Harold Macklin
V         Le président
V         L'hon. Roy Cullen (Etobicoke-Nord, Lib.)
V         Le président
V         M. Vic Toews
V         Le président
V         M. Joe Comartin (Windsor—Tecumseh, NPD)
V         Le président
V         M. Joe Comartin
V         Le président
V         M. Richard Marceau (Charlesbourg—Haute-Saint-Charles, BQ)

Á 1115
V         Le président
V         L'hon. Judy Sgro (York-Ouest, Lib.)
V         Le président
V         M. Joe Comartin
V         Le président
V         M. Richard Marceau
V         M. Joe Comartin
V         M. Borys Wrzesnewskyj (Etobicoke-Centre, Lib.)
V         Le président
V         Mme Kim Pate (directrice exécutive, Association canadienne des sociétés Elizabeth Fry)

Á 1120

Á 1125
V         Le président
V         M. James Loewen (membre, conseil d'administration, administrateur sans mandat spécial, Conseil des églises pour la justice et la criminologie)
V         M. Marc Lemay (Abitibi—Témiscamingue, BQ)
V         M. James Loewen
V         M. Marc Lemay
V         M. James Loewen

Á 1130

Á 1135
V         Le président
V         M. Kent Roach (Université de Toronto, à titre personnel)

Á 1140

Á 1145
V         Le président
V         M. Andy Rady (représentant, Conseil canadien des avocats de la défense)

Á 1150

Á 1155
V         Le président
V         M. Vic Toews

 1200
V         Le président
V         M. Vic Toews
V         Le président
V         M. Kent Roach
V         Le président
V         Mme Kim Pate

 1205
V         Le président
V         M. Richard Marceau
V         Mme Kim Pate
V         M. Richard Marceau
V         M. James Loewen

 1210
V         M. Richard Marceau
V         M. Kent Roach
V         M. Andy Rady
V         Le président
V         M. Joe Comartin
V         Le président
V         M. Joe Comartin

 1215
V         Mme Kim Pate
V         M. Joe Comartin
V         Mme Kim Pate
V         M. Joe Comartin
V         Mme Kim Pate
V         M. Joe Comartin
V         Le président
V         Mme Kim Pate
V         M. Joe Comartin
V         Mme Kim Pate
V         M. Joe Comartin
V         Mme Kim Pate
V         M. Joe Comartin
V         M. Kent Roach
V         M. Joe Comartin
V         M. Kent Roach

 1220
V         M. Joe Comartin
V         M. Kent Roach
V         M. Joe Comartin
V         M. Kent Roach
V         M. Joe Comartin
V         Le président
V         M. Joe Comartin
V         Le président
V         M. Vic Toews
V         Le président
V         M. Vic Toews
V         Le président
V         M. Joe Comartin
V         Le président
V         M. Kent Roach
V         M. Joe Comartin
V         Le président
V         L'hon. Roy Cullen

 1225
V         M. Andy Rady

 1230
V         Mme Kim Pate
V         Le président
V         M. James Loewen
V         Le président
V         M. Kent Roach

 1235
V         Le président
V         M. Garry Breitkreuz (Yorkton—Melville, PCC)
V         Le président
V         M. Garry Breitkreuz
V         Mme Kim Pate
V         M. Garry Breitkreuz
V         Mme Kim Pate
V         M. Garry Breitkreuz
V         Le président
V         M. Garry Breitkreuz
V         M. Andy Rady
V         Le président
V         M. James Loewen

 1240
V         M. Garry Breitkreuz
V         M. James Loewen
V         M. Garry Breitkreuz
V         Mme Kim Pate
V         M. Garry Breitkreuz
V         Le président
V         M. Kent Roach
V         Le président
V         M. Marc Lemay

 1245
V         Mme Kim Pate
V         M. James Loewen

 1250
V         M. Kent Roach
V         M. Andy Rady
V         Le président
V         M. Borys Wrzesnewskyj

 1255
V         M. Andy Rady
V         M. Borys Wrzesnewskyj
V         M. Andy Rady
V         M. Borys Wrzesnewskyj
V         M. Andy Rady
V         M. Kent Roach
V         Le président
V         M. James Loewen
V         M. Borys Wrzesnewskyj
V         M. James Loewen
V         Le président
V         M. Mark Warawa

· 1300
V         Mme Kim Pate
V         M. Mark Warawa
V         Mme Kim Pate
V         Le président
V         M. James Loewen

· 1305
V         Le président
V         M. Mark Warawa
V         M. Andy Rady
V         Le président
V         L'hon. Paul Harold Macklin
V         M. Kent Roach
V         Mme Kim Pate
V         L'hon. Paul Harold Macklin
V         M. Andy Rady
V         L'hon. Paul Harold Macklin
V         Le président
V         M. Myron Thompson (Wild Rose, PCC)

· 1310
V         Le président
V         M. Myron Thompson
V         Le président
V         Mme Kim Pate
V         M. Myron Thompson
V         Mme Kim Pate
V         M. Myron Thompson
V         Le président
V         M. Myron Thompson
V         M. James Loewen
V         M. Myron Thompson
V         M. James Loewen
V         M. Myron Thompson
V         M. James Loewen

· 1315
V         Le président
V         Le président
V         M. Daryl Kramp (Prince Edward—Hastings)

· 1325

· 1330
V         Le président
V         M. Daryl Kramp
V         Le président
V         M. Daryl Kramp

· 1335
V         Le président
V         M. Vic Toews
V         Le président
V         M. Marc Lemay
V         Le président
V         M. Daryl Kramp

· 1340
V         Le président
V         L'hon. Paul Harold Macklin
V         Le président

· 1345
V         M. Borys Wrzesnewskyj
V         Le président










CANADA

Comité permanent de la justice, des droits de la personne, de la sécurité publique et de la protection civile


NUMÉRO 062 
l
1re SESSION 
l
38e LÉGISLATURE 

TÉMOIGNAGES

Le jeudi 24 novembre 2005

[Enregistrement électronique]

*   *   *

Á  +(1110)  

[Traduction]

+

    Le président (M. John Maloney (Welland, Lib.)): La séance est ouverte.

    C'est la 62e séance du Comité permanent de la justice, des droits de la personne, de la sécurité publique et de la protection civile. Nous étudions le projet de loi C-215.

    Nos témoins ce matin sont Kim Pate, de l'Association canadienne des sociétés Elizabeth Fry; James Loewen, du Conseil des églises pour la justice et la criminologie; Ken Roach, à titre personnel, de l'Université de Toronto, et Andy Rady, représentant du Conseil canadien des avocats de la défense.

    M. Kramp aimerait aussi faire quelques remarques après l'audition des témoins. Je propose que nous nous donnions jusqu'à 13 heures pour ce faire et que nous donnions alors la parole à M. Kramp. M. Warawa aimerait déposer sa motion ensuite.

    Oui?

+-

    L'hon. Paul Harold Macklin (Northumberland—Quinte West, Lib.): J'invoque le Règlement, monsieur le président, car l'ordre du jour que j'ai sous les yeux porte comme premier point les travaux du comité, plus précisément la motion de M. Warawa. Y a-t-il eu un changement? Si tel est le cas, je suis désolé, mais je n'en ai pas été informé.

+-

    Le président: Vous voulez traiter de la motion en premier?

+-

    L'hon. Paul Harold Macklin: C'est seulement qu'en regardant l'ordre du jour, je me suis demandé...

+-

    Le président: Nous tentons de satisfaire tout le monde. Nous avons des témoins qui doivent prendre un avion et compte tenu du mauvais temps...

+-

    L'hon. Paul Harold Macklin: D'accord, c'est très bien. Si c'est pour leur rendre service, c'est différent; je ne le savais pas. Car cette motion suscitera un débat.

+-

    Le président: Mesdames et messieurs, tenez-vous bien, ça risque d'être houleux.

    Monsieur Warawa, on demande que soit abordé dès maintenant le premier point prévu à l'ordre du jour.

+-

    L'hon. Paul Harold Macklin: Non, monsieur le président, je retire ma demande. Je voulais seulement savoir pourquoi nous ne suivions pas l'ordre prévu à l'ordre du jour. Si nous le faisons pour une bonne raison, je n'y vois pas d'objection.

+-

    M. Vic Toews (Provencher, PCC): On invoque cette raison, mais j'estime néanmoins que nous devrions commencer par la motion.

+-

    L'hon. Paul Harold Macklin: Le fait que ces messieurs doivent prendre un avion n'est pas à vos yeux une bonne raison?

+-

    M. Vic Toews: La mise aux voix de la motion prendra, quoi, cinq minutes?

+-

    L'hon. Paul Harold Macklin: Mais il y aura aussi un débat.

+-

    Le président: Monsieur Toews, c'est M. Warawa qui avait demandé à présenter sa motion à la fin.

    Dites-vous maintenant que vous avez changé d'idée?

+-

    M. Mark Warawa (Langley, PCC): Je pense que M. Macklin a raison. Puisque c'est le premier point à l'ordre du jour, je suis d'accord pour...

+-

    Le président: D'accord, monsieur, présentez votre motion.

+-

    M. Mark Warawa: Je propose que nous faisions l'étude article par article du projet de loi dès lundi. C'est une mesure législative importante et compte tenu du fait que le Parlement n'en a peut-être plus pour longtemps, nous devrions songer à accélérer nos travaux.

    Je propose donc que l'étude article par article se fasse lundi.

+-

    Le président: Y a-t-il des observations? Monsieur Macklin, vous avez la parole.

+-

    L'hon. Paul Harold Macklin: Je m'oppose à cette motion pour plusieurs raisons, dont la moindre n'est pas le fait que l'un des témoins que nous étions censés entendre aujourd'hui n'a pu venir en raison du mauvais temps. J'espère qu'il pourra venir témoigner lundi.

    À mon sens, il serait prématuré de mettre fin à l'audition des témoins et à nos délibérations et de passer dès maintenant à l'étude article par article. Quand le comité a demandé plus de temps pour entendre des témoins, c'est qu'il voulait aussi plus de temps pour recueillir des informations sur la détermination de la peine. Nous n'avons pas encore reçu les données que le Centre canadien de la statistique juridique nous a promises sur les tendances et les pratiques en matière de détermination de la peine. Il est fort peu probable que nous les ayons reçues d'ici lundi et que nous ayons eu le temps d'évaluer ces données. D'ailleurs, nous avons reconvoqué M. Jones pour qu'il nous donne plus de détails. Enfin, je note qu'un député d'au moins un parti s'est dit intéressé à entendre son interprétation de diverses statistiques, y compris celles sur les taux d'homicides avec une arme à feu dans les pays étrangers.

    J'ajoute que Steve Sullivan, un représentant des victimes qui a témoigné devant notre comité, s'est dit très préoccupé par le recours à la négociation de plaidoyer par les procureurs de la Couronne. Il nous a suggéré d'entendre le témoignage de procureurs de la Couronne sur l'incidence des peines minimales obligatoires sur la négociation de plaidoyer, ainsi que sur les effets des peines maximales extrêmes. Si ma mémoire est bonne, M. Moore avait convenu qu'il serait bon d'entendre des procureurs de la Couronne.

    Nous savons aussi que des questions ont été soulevées quant à la constitutionnalité, la légalité et, en dernière analyse, l'efficacité de la plupart des dispositions de ce projet de loi. Il m'apparaît donc prématuré de passer si vite à l'étude article par article.

    Je crois qu'il faut aussi tenir compte du fait que le ministre de la Justice a récemment annoncé qu'il déposerait sous peu — ce qui pourrait même être cette semaine — une stratégie de lutte contre les crimes reliés aux armes à feu, y compris des mesures législatives créant de nouvelles infractions et des peines minimales obligatoires dans certain cas, ainsi qu'une initiative de coopération avec les procureurs de la Couronne des provinces dans les poursuites liées aux armes à feu.

    Il ne serait donc pas très productif de se dépêcher à faire l'étude article par article puisque de nombreux membres du comité ont demandé plus d'information que nous n'avons pas encore reçue. Je crois que M. Marceau a demandé des renseignements sur les peines imposées aux États-Unis pour les différents types d'agression. M. Comartin voulait plus de détails sur la question de savoir si le déclin du taux de meurtre aux États-Unis était attribuable au vieillissement de la population ou aux mesures de contrôle des armes à feu. M. Toews et M. Breitkreuz voulaient une ventilation par circonscription des données sur la criminalité.

    La majorité des informations que notre comité a demandées n'ont pas encore été reçues et je ne vois pas pourquoi nous précipiter alors que, dans quelques jours, nous aurons probablement reçu les réponses que nous souhaitons.

    Merci.

+-

    Le président: Merci, monsieur Macklin.

    M. Cullen a demandé la parole.

+-

    L'hon. Roy Cullen (Etobicoke-Nord, Lib.): Merci, monsieur le président.

    Je n'ai qu'une petite question, car je ne veux pas faire attendre les témoins et M. Kramp est ici. Je sais qu'on a parlé de la possibilité d'amender le projet de loi, mais est-ce encore probable?

+-

    Le président: Nous n'avons reçu aucun amendement ou plutôt la greffière n'a reçu aucun amendement.

+-

    M. Vic Toews: Je ne crois pas que des amendements soient prévus.

    Une voix: Moi non plus.

+-

    Le président: En réponse à cette question, monsieur Comartin...

+-

    M. Joe Comartin (Windsor—Tecumseh, NPD): J'ai l'intention de présenter au moins un amendement et d'après mes discussions avec Borys, je crois savoir qu'il en aurait aussi au moins un, sinon deux.

+-

    Le président: Les avez-vous dans les deux langues officielles?

+-

    M. Joe Comartin: Non, j'ai préféré attendre notre décision sur cette motion.

+-

    Le président: Monsieur Marceau, vouliez-vous intervenir?

[Français]

+-

    M. Richard Marceau (Charlesbourg—Haute-Saint-Charles, BQ): Monsieur le président, j'avais fait des demandes de renseignements complémentaires, et ces renseignements ne sont pas arrivés. J'aimerais entendre, entre autres, les représentants du Barreau du Québec sur ce sujet très important, ce qui ne surprendra personne.

    Je comprends l'impatience de notre collègue Warawa. J'étais un peu dans la même situation que lui hier, au Sous-comité sur le processus de nomination à la magistrature fédérale. Le sous-comité en est venu à la conclusion que, plutôt que de faire quelque chose d'aussi important à moitié et possiblement mal, il valait mieux continuer lors de la prochaine législature.

    Monsieur le président, je travaille au processus de nomination des juges depuis des mois. J'ai dit hier en sous-comité que ce serait rendre un mauvais service à la cause que de bâcler le travail. Le problème de l'usage d'une arme à feu lors de la perpétration d'une infraction est très important. En procédant trop rapidement à l'adoption du projet de loi, sans connaître tous les faits, on rendrait un mauvais service à une cause qui, en soi, est valable. C'est la raison pour laquelle mon collègue Lemay et moi voterons contre la motion de M. Warawa.

Á  +-(1115)  

[Traduction]

+-

    Le président: Madame Sgro, vous avez la parole.

+-

    L'hon. Judy Sgro (York-Ouest, Lib.): Merci beaucoup.

    Je tiens à dire aux fins du compte rendu que j'appuie l'intention qui sous-tend le projet de loi de M. Kramp et je comprends ce qu'il tente de réaliser, mais j'estime prématuré de passer dès maintenant à l'étude article par article. J'aimerais explorer davantage la question de la négociation de plaidoyer qui contribue, je crois, au problème. De plus, nous n'avons pas encore vu les amendements, et peut-être que d'autres voudront en présenter. Nous avons encore du pain sur la planche sur ce sujet crucial; nous devrions mener notre étude avec soin et non pas précipitamment. Il est trop tôt pour faire l'étude article par article. Je le dis en toute sincérité car j'appuie le projet de loi dans sa substance. J'aimerais voir les amendements de Borys et de M. Comartin et en savoir plus sur la négociation de plaidoyer.

    Ne faisons pas de politique, la situation est trop grave. Je félicite et remercie M. Kramp des efforts et de l'énergie qu'il a consacrés à cette mesure législative, mais je ne voudrais que celle-ci soit adoptée par notre comité pour finalement mourir au Feuilleton, car nous savons tous que le gouvernement tombera lundi soir, à moins d'un miracle. Nous n'avons donc rien à gagner en nous dépêchant ainsi; nous ne ferions pas preuve de diligence en adoptant ce projet de loi pour des raisons politiques plutôt que pour les bonnes raisons.

+-

    Le président: Y a-t-il d'autres interventions?

    Je cède la parole à M. Comartin.

+-

    M. Joe Comartin: Très rapidement, monsieur le président, je sais qu'il est risqué d'adopter le projet de loi sous sa forme actuelle, mais je sais aussi qu'il ne pourra être adopté par la Chambre avant le déclenchement des élections. Il s'agit donc pour le Comité de la justice, un comité permanent du Parlement, de prendre position sur l'augmentation des peines et d'indiquer clairement aux criminels, aux gangs de criminels organisés, plus particulièrement, que c'est ce qui les attend. Ne serait-ce que pour cette raison...

    Le ministre a dit clairement qu'il allait agir si on lui en donne la chance. Nous, nous avons les possibilités d'agir dès maintenant et de faire passer ce message. De nombreux témoins nous ont dit qu'il était important que le Parlement prenne position dans ce dossier. Ne serait-ce qu'à des fins de sensibilisation, nous devrions saisir l'occasion qui s'offre à nous d'agir avant que le Parlement ne soit dissous.

+-

    Le président: Merci.

    Je mets la motion aux voix. Que tous ceux qui sont pour la motion de M. Warawa l'indiquent.

+-

    M. Richard Marceau: Je demande un vote par appel nominal.

+-

    M. Joe Comartin: Oui, un vote par appel nominal.

+-

    M. Borys Wrzesnewskyj (Etobicoke-Centre, Lib.): Monsieur le président, malheureusement j'ai été retardé. Pourriez-vous me lire la motion?

    Je suis désolé, mais je sors d'une autre séance de comité.

    (La motion est adoptée à 6 voix contre 5.)

+-

    Le président: Pouvons-nous entendre nos témoins?

    Madame Pate, vous avez la parole.

+-

    Mme Kim Pate (directrice exécutive, Association canadienne des sociétés Elizabeth Fry): Merci beaucoup, monsieur le président, et merci aux membres du comité de nous avoir invités.

    Je tiens à dire aux fins du compte rendu que l'Association canadienne des sociétés Elizabeth Fry et bien d'autres groupes qui revendiquent légalité s'opposent aux peines minimales obligatoires.

    Notre organisation est extrêmement préoccupée par les efforts et les positions publiques de certains procureurs généraux des provinces en faveur de peines minimales obligatoires qui s'ajouteraient à celles prévues dans ce projet de loi. D'ailleurs, très récemment, nous avons écrit au ministre Cotler pour le féliciter de sa position et d'avoir profité de toutes les tribunes publiques pour sensibiliser le public et ses collègues, bon nombre de vous ici présents, au fait qu'il n'y a aucune preuve convaincante de l'efficacité des peines minimales obligatoires, de leur effet dissuasif, de leur effet préventif ou du fait qu'elles constituent une solution à la violence liée aux armes à feu qui inquiète tant des députés ici présents que notre organisation, beaucoup d'autres et les Canadiens en général.

    Nous voulons encourager le ministre Cotler à expliquer que tout porte à croire que des peines minimales obligatoires consécutives pour la perpétration d'un crime avec une arme à feu telles que celles prévues dans ce projet de loi auront pour effet au Canada d'accroître l'application injuste de la loi et le nombre d'erreurs judiciaires. Nous croyons que cette mesure législative aura un effet particulièrement dévastateur sur la collectivité afro-canadienne et que les jeunes hommes noirs seront incarcérés plus que les autres.

    En dépit des discours qu'on entend un peu partout, bien des États américains, comme le Michigan, et bien d'autres endroits dans le monde, comme le Territoire du Nord de l'Australie, reviennent sur leur position et repensent leur stratégie d'imposition de peines minimales obligatoires à la lumière des conséquences négatives de cette mesure. À ces endroits, on a constaté que les peines minimales obligatoires avaient de graves retombées négatives, telles que l'injustice, des condamnations injustifiées et un taux d'incarcération disproportionné chez les Afro-Américains, les Autochtones, les femmes et particulièrement les plus marginalisées, et ce, sans qu'on ait pu constater un effet dissuasif notable.

    Le rapport de la Commission royale sur les peuples autochtones et de nombreux rapports provinciaux, tels que le Rapport de la Commission sur le racisme systémique dans le système de la justice pénale en Ontario, nous ont appris qu'il y a déjà du racisme systémique dans l'application de nos lois pénales. Les peines minimales obligatoires ne font que renforcer cette tendance qui touche particulièrement la communauté afro-canadienne et donnent à tort l'impression que la violence liée aux armes à feu peut être endiguée par des mesures punitives. Nous craignons aussi que les peines minimales obligatoires n'amplifient la surreprésentation des Autochtones dans nos prisons, un problème auquel nous commençons à peine à nous attaquer.

    À l'instar de la plupart des Canadiens, moi personnellement et mon organisation avons la violence en horreur et nous sommes extrêmement préoccupés par la violence et les crimes liés aux armes à feu. Nous savons que certains croient qu'il suffit d'imposer des peines plus longues et répressives pour lutter contre l'augmentation réelle et apparente de certains crimes. De nombreux chercheurs et praticiens remettent en question depuis longtemps la validité de telles approches. Cette expérience et ces connaissances d'experts nous apparaissent précieuses et nous vous encourageons comme nous avons encouragé le gouvernement du Canada à reconnaître l'importance pour le Canada de respecter l'engagement qu'il a pris d'adopter une approche fondée sur les principes de la Charte et de la protection des droits de la personne pour promouvoir la sécurité publique.

    En 2001, notre organisation et la Osgoode Hall Law School avons organisé un colloque sur les peines minimales obligatoires qui a donné lieu à un numéro spécial du Osgoode Hall Law Journal. Si vous n'en avez pas un exemplaire et aimeriez en avoir un, je vous encourage à lire ce numéro qui présente les résultats des meilleures études menées jusqu'à ce jour. D'ailleurs, nous avons organisé ce colloque après avoir constaté que très peu d'études avaient été menées sur ce sujet au Canada.

    J'aimerais maintenant attirer votre attention sur les témoignages de témoins précédents. Le 18 octobre, M. Kramp, le parrain du projet de loi, a cité dans son témoignage le professeur Elizabeth Sheehy. J'ai ici l'article qu'il a cité et qui était en fait l'introduction à ce numéro spécial du Osgoode Hall Law Journal. Il a cité ce qu'a dit Mme Sheehy sur le peu de preuve dont on dispose au Canada... Je ne citerai pas M. Kramp mot pour mot. Toutefois, il est important que vous connaissiez la suite. J'ai parlé au professeur Sheehy qui m'a confirmé qu'il y a encore peu de données, mais que des recherches avaient été menées par suite de notre colloque et de la publication de ce numéro du Osgoode Hall Law Journal. Récemment, le ministre de la Justice a commandé une étude au professeur Julian Roberts qui a fait des recherches sur les effets des peines minimales obligatoires et le recours à ces peines ailleurs dans le monde.

Á  +-(1120)  

    Voici ce qu'a dit le professeur Sheehy:

Bien que les travaux de jurys sur les peines minimales obligatoires aux États-Unis soient nombreux et qu'il y ait de plus en plus de jurisprudence sur ce sujet en Australie, au Canada, les rapports de recherche restent rares.

    À l'échelle internationale, beaucoup d'études prouvent que cette approche n'est pas productive. Comme je l'ai déjà mentionné, certains États américains ont décidé d'imposer des peines minimales obligatoires et d'adopter la ligne dure dans la lutte contre le crime. On y a été témoin d'augmentations en flèche du taux d'incarcération des Noirs et d'une montée de la violence par arme à feu. De toute évidence, cette approche ne marche pas et, ce qui est paradoxal, a réduit la sécurité et augmenté la violence. De plus, il a été prouvé que le recours excessif à l'incarcération des communautés raciales affaiblit le capital social et est particulièrement nuisible pour les enfants et les adolescents.

    Cette approche ne vise pas les causes du crime, telles que la pauvreté persistante, le chômage, le manque de possibilités éducatives et la marginalisation sociale. L'imposition de nouvelles peines minimales pour les crimes commis avec une arme à feu ne réduira pas la criminalité. Les jeunes et les familles afro-canadiens ne seront pas plus en sûreté. En outre, avec cette approche, on n'exige pas de comptes des fabricants d'armes à feu qui ont des pratiques irresponsables, lesquelles ont entraîné une augmentation importante du trafic d'armes à feu illégal au pays, surtout en provenance des États-Unis.

    De nouvelles peines maximales obligatoires ne constituent pas la solution. Pour réduire la violence liée aux armes à feu, il faut une solution soutenue et à long terme axée sur le développement économique et social et plus d'occasions de participer pleinement à la société canadienne pour les jeunes Afro-Canadiens.

    Votre comité pourrait proposer au gouvernement d'assumer le leadership en s'assurant qu'une partie des impôts fédéraux sert aux services sociaux. L'amélioration de la situation économique des plus pauvres serait plus bénéfique s'il y avait davantage d'investissements dans les services sociaux, éducatifs et de santé dans les provinces sous l'égide du gouvernement fédéral qui établirait des normes nationales.

    Merci.

Á  +-(1125)  

+-

    Le président: Merci.

    Monsieur Loewen, vous avez la parole.

+-

    M. James Loewen (membre, conseil d'administration, administrateur sans mandat spécial, Conseil des églises pour la justice et la criminologie): Merci, monsieur le président, et merci aux membres du comité de m'avoir invité à prendre la parole au nom du Conseil des églises pour la justice et la criminologie.

    Le Conseil des églises pour la justice et la criminologie, le CEJC, est une coalition de 11 églises et organisations religieuses dont celle qui m'emploie, le Comité central mennonite du Canada. Le CEJC se consacre à la promotion de la justice réparatrice...

[Français]

+-

    M. Marc Lemay (Abitibi—Témiscamingue, BQ): Monsieur Loewen, parlez plus lentement, s'il vous plaît. Les traducteurs ont eu de la difficulté à suivre Mme Pate, mais ils ont réussi à le faire. Ils commencent maintenant à s'essouffler. Il faut leur donner la possibilité de souffler.

[Traduction]

+-

    M. James Loewen: D'accord. Je suis un peu énervé.

[Français]

+-

    M. Marc Lemay: Je le sais, c'est excitant.

[Traduction]

+-

    M. James Loewen: Nous nous proposons de parler du projet de loi C-215 à la lumière des principes et préoccupations qui ont trait à la justice réparatrice. Nous nous concentrerons sur les quatre principaux intervenants en matière de justice: la victime, le contrevenant, la collectivité et l'État.

    Des projets de loi comme le C-215 et bon nombre d'autres projets de loi d'initiative parlementaire montrent combien notre système judiciaire déçoit nos attentes. D'après Statistique Canada, 80 p. 100 des crimes avec violence commis contre des personnes ou des biens ne sont pas signalés, ce qui montre le manque de confiance de la population envers le système de justice pénale.

    Ce fait étant établi, on peut y réagir de deux façons. Premièrement, on peut essayer d'améliorer le système, comme veut le faire ce projet de loi. Deuxièmement, on peut reconnaître que le système ne fonctionne pas et ne fonctionnera probablement pas et qu'il faut commencer à en créer un qui marchera bien. Nous faisons partie du groupe croissant de Canadiens qui pensent qu'il faut réformer le système de justice, et que la justice, ce n'est pas seulement l'incarcération des coupables.

    Le projet de loi C-215 ne fera qu'aggraver le problème des crimes perpétrés avec une arme à feu, faute de dissuader de manière efficace, en réaffectant des ressources importantes qui auraient pu autrement être consacrées aux victimes de ces crimes, en étouffant davantage les voix communautaires sur la pratique de la justice et en minimisant l'humanité du contrevenant dans un système de justice uniforme pour tous.

    Nous reconnaissons la nécessité de s'attaquer sérieusement aux crimes commis avec des armes à feu. Ce qui est clair aussi, pour nous, c'est que le statu quo y échouera. Il est temps d'innover, de puiser dans la sagesse et les ressources des communautés touchées par ces crimes, de commencer à voir ce qui fonctionne plutôt que de songer à ce qui frappe durement les criminels.

    Pour sortir du statu quo, il faut commencer à voir autrement la justice. Au lieu de continuer à nous concentrer sur les besoins de l'État et le statut du contrevenant, il faut commencer à réfléchir à ce que serait la justice si elle était axée sur les victimes, qui seraient placées au centre des pratiques judiciaires. On aurait ainsi des projets de loi qui répondraient aux principaux besoins des victimes, qui accorderaient des fonds pour répondre à ces besoins et qui permettraient aux décisions judiciaires de miser le plus possible sur l'expérience de la victime par rapport à la responsabilité du contrevenant et à sa façon de réparer ses torts.

    J'ai été content de constater le souci légitime et sérieux des membres du comité, ainsi que du parrain du projet de loi, pour les victimes de crimes perpétrés avec une arme à feu. Ce genre de préoccupation est bien trop rarement exprimé et malheureusement, on y répond encore plus rarement d'une manière utile. Ce projet de loi fait toutefois bien peu pour les victimes et consacrerait plutôt d'importantes ressources à l'incarcération. Il ne prévoit aucune aide pour ceux qui doivent vivre avec les conséquences de ces crimes, et n'offre aucune solution réelle compte tenu de l'effet de la victimisation.

    Dans ce projet de loi, l'objectif déclaré est la dissuasion et la sécurité, mais on propose que pour chaque infraction commise avec une arme à feu, le gouvernement fédéral devra dépenser au minimum un demi-million de dollars pour incarcérer le contrevenant. Cette somme fait partie d'une réaction globale à la criminalité impliquant une arme à feu. Pour nous, il est difficile de croire que dans la liste des solutions proposées par M. Daryl Kramp, il n'est nulle part fait mention des besoins et de la réalité des victimes de ces crimes.

    J'attire votre attention sur un problème qui touche l'ensemble des budgets du système judiciaire. Il nous coûte déjà plus de 10 milliards de dollars par an, et pourtant, le gouvernement fédéral ne consacre que 2 millions de dollars pour l'indemnisation et les services de soutien pour les victimes. Si vous voulez citer le cas de certaines victimes pour promouvoir le projet de loi, il faudrait accorder davantage de poids à leurs besoins. Devant une telle inégalité, il est troublant que l'on demande quelque investissement que ce soit dans ce projet de loi, d'autant plus qu'il s'agit de nombreux millions de dollars. Pour accepter cette inégalité, il faudrait à tout le moins que le projet de loi ait l'appui d'une large gamme d'intéressés, mais aussi qu'il réponde clairement aux besoins essentiels des victimes et qu'il soit très efficace pour réduire le nombre de crimes commis avec une arme à feu. Jusqu'ici, rien de cela n'a été prouvé.

    Nous avons une autre préoccupation: Une autre possibilité clé pour les victimes d'obtenir justice et une forme de dédommagement est perdue lorsque le contrevenant est envoyé au pénitencier. Si le contrevenant peut rester de manière sûre dans la collectivité, il peut travailler et offrir la compensation financière qui est grandement nécessaire, compte tenu des coûts de la victimisation.

Á  +-(1130)  

    Les dépenses liées à la qualité de vie sont de près de 15 000 $ pour un vol qualifié et de 41 000 $ pour un viol.

    Il est clair que les contrevenants doivent assumer les responsabilités de leurs actes. Ils ont principalement des responsabilités envers les victimes et envers leur communauté. Il faut notamment qu'ils apprennent à comprendre les incidences de leur crime, qu'ils en acceptent la responsabilité et qu'ils cherchent à réparer les torts qu'ils ont causés. Si on considère le projet de loi C-215 à la lumière de cette façon de voir le rôle du contrevenant, nous conviendrons, comme M. Kramp, de l'inefficacité des peines actuelles.

    Dans une entrevue à Kenora, en Ontario, les juges Fraser et Little ont exprimé leur frustration et leur crainte au sujet des possibilités de détermination de la peine et ont fait part de leur répugnance à recourir à l'incarcération, parce qu'à leurs yeux c'était une mesure judiciaire inefficace. Quand on leur a demandé d'où pourraient provenir de nouvelles solutions en matière de peine, les deux ont déclaré que les solutions trouvées par la communauté étaient nettement supérieures à celles qu'offrait le système judiciaire.

    D'ailleurs, dans un récent rapport sur l'effet de l'incarcération sur la criminalité, on disait ceci:

Augmenter la durée d'incarcération sans tenir compte de méthodes plus efficaces alourdira le fardeau des tribunaux, des services correctionnels et des collectivités, et n'aura qu'un effet dérisoire sur le taux de criminalité.

    Nous pouvons adopter des méthodes de réduction de la criminalité plus efficaces.

    Nous attirons votre attention sur un rapport récemment publié et portant sur l'efficacité d'un programme torontois intitulé Circles of Support and Accountability. Il s'agit d'un programme de justice réparatrice visant la réinsertion d'agresseurs sexuels à risque élevé. Voici ce qu'on dit dans le sommaire du rapport, entre autres choses:

D'après les résultats, les contrevenants qui ont participé au programme avaient un taux de récidive bien inférieur à celui des contrevenants qui n'y avaient pas participé. Plus précisément, les participants au programme avaient un taux de récidive sexuelle inférieur de 70 p. 100 par rapport au groupe contrôle... inférieur de 57 p. 100 pour tous les types de récidive avec violence... et un taux inférieur de 35 p. 100 pour tous les types de récidive.

    Si un tel programme est efficace pour les agresseurs sexuels à risque élevé au Canada, il va de soi qu'il s'agit d'une solution sûre pour les autres types de violences commises dans nos collectivités. Ce programme, malgré son succès et l'appui de ses partenaires des services de police, des services de libération conditionnelle et des services correctionnels, souffre gravement de sous-financement et a une liste d'attente pour les contrevenants qui veulent son aide.

    Les crimes naissent et se produisent dans les communautés. Cela signifie que la justice doit être ancrée dans les communautés où vivent les victimes et d'où proviennent les contrevenants. C'est dans cette complexe hétérogénéité que se trouvent à la fois les problèmes et les solutions en matière de crime et de réduction de la criminalité.

    Le projet de loi C-215 n'est qu'un autre exemple de la façon dont on enlève aux communautés tout pouvoir en matière de justice. Ce modèle restrictif concentrant le pouvoir vers le haut laisse une communauté impuissante quand il s'agit de rendre justice et contribue de manière significative à la violence qu'on voit aujourd'hui dans les rues.

    Dans la Loi sur le système de justice pénale pour les adolescents, on a essayé de remettre entre les mains des communautés où les crimes se produisent certaines procédures et décisions judiciaires. C'est une mesure initiale très importante pour faire avancer la justice pour les jeunes au Canada. Des pouvoirs décisionnels semblables ont été accordés à la communauté dans les affaires impliquant des délinquants autochtones, en permettant de recourir à des méthodes qui ont fait leur preuve et qui sont efficaces comme les cercles de guérison, la médiation et les conseils de détermination de la peine.

    La Commission du droit du Canada a fait un excellent travail au sujet des orientations et des questions d'actualité en matière de justice pénale. Les rapports intitulés La transformation des rapports humains par la justice participative et Qu'est-ce qu'un crime sont des lectures édifiantes quand on étudie des questions comme celle à laquelle ce projet de loi est censé répondre.

    Les membres du CEJC sont perplexes: Alors qu'on est de plus en plus sensibilisé à la nécessité pour les communautés d'intervenir devant les réalités complexes que révèle la criminalité, M. Kramp présente un projet de loi qui va dans l'autre sens. Ce projet de loi présume qu'on a compris les réalités complexes des communautés où il y a plus de violence, mais cherche à faire taire les voix de ses membres, lorsqu'il s'agit de prendre des décisions qui touchent leurs enfants et les victimes.

    Quand on parle aux programmes de justice réparatrice communautaire, on comprend que le gouvernement a un rôle important à jouer dans le processus judiciaire. Il s'agit surtout d'un rôle de soutien, de surveillance, de financement, de coordination et de délégation de pouvoirs législatifs aux solutions communautaires apportées aux problèmes complexes que traduisent les actes criminels.

Á  +-(1135)  

    Ce projet de loi ne fait rien de tout cela.

    M. Kramp est convaincu que ce projet de loi est un élément important de notre lutte contre le crime perpétré avec une arme à feu. Nous disons qu'il se trompe. Nous disons que ce projet de loi va non seulement aggraver le problème de la criminalité armée, parce qu'il n'aura pas un effet dissuasif réel, parce qu'il réaffecte des ressources importantes qui autrement auraient été consacrées aux victimes de ces crimes, parce qu'il fait taire les voix de nos communautés en matière judiciaire et parce qu'il mine l'humanité des contrevenants en leur imposant tous la même peine. Nous convenons de la nécessité de lutter sérieusement contre les crimes commis avec des armes à feu, et qu'il est clair que le statu quo ne sert à rien. Il est temps d'innover et de puiser dans la sagesse et les ressources des communautés où se produisent ces crimes, et de trouver des façons de répondre aux besoins des victimes principales et de la communauté, plutôt que de sembler nous en prendre férocement au crime sans qu'il y ait de résultat.

    Merci.

+-

    Le président: Monsieur Roach, vous avez la parole.

+-

    M. Kent Roach (Université de Toronto, à titre personnel): Merci, monsieur le président. Je remercie le comité de m'avoir invité à comparaître.

    Je suis ici à titre personnel. Je me présente: Je suis professeur de droit pénal et de criminologie à l'Université de Toronto depuis 1989. J'ai écrit deux articles sur l'article 12 de la Charte, notamment pour le symposium de Osgoode Hall dont Mme Pate a parlé. J'ai été avocat pour trois affaires de détermination de la peine à la Cour suprême du Canada, dont l'une se rapportait à l'article 12, mais je dois ajouter que j'étais du côté des perdants.

    Je suis de Toronto et mes parents vivent à Etobicoke, là où j'ai grandi. Je tiens à dire que je crois qu'il faut faire quelque chose pour contrer la violence armée dans cette ville, comme ailleurs. Mais je m'empresse d'ajouter que le projet de loi C-215 n'est pas la solution. Je crois que ce projet de loi est inconstitutionnel et qu'il sera inefficace.

    J'ai huit arguments à présenter aujourd'hui. Les quatre premiers se rapportent à la constitutionnalité du projet de loi et les quatre derniers, à l'efficacité ou au bien-fondé du projet de loi.

    Premièrement, je rappelle au comité que M. Daubney, comparaissant au nom du ministère de la Justice, vous a affirmé qu'il était presque certain que le projet de loi ferait l'objet d'une contestation en vertu de l'article 12, contestation qui serait couronnée de succès. Il s'agit non pas de l'avis d'un avocat, ni d'un professeur de droit, mais de l'avis du premier conseiller juridique de l'État. Cet avis ne doit pas être traité à la légère par le comité. D'ailleurs, si vous voulez ne pas tenir compte de cet avis, je vous propose respectueusement de chercher un autre avis juridique pour renforcer ce projet de loi, qui alourdira de 15 ans les peines d'emprisonnement, dans certains cas, 15 années qui pourraient même s'ajouter à une peine d'emprisonnement à vie: il faut se demander si ce n'est pas là une peine cruelle et inhabituelle, au sens de l'article 12 de la Charte. Le procureur général du Canada dit rarement de projets de loi qu'ils sont inconstitutionnels, et je pense que c'est une partie des délibérations du comité qui ne doit pas être traitée à la légère.

    Deuxièmement, je dirais comme M. Daubney que des éléments du projet de loi sont tout à fait conformes aux critères de disproportion exagérée ancrés dans la Constitution. Ce projet de loi prévoit des peines minimales obligatoires et consécutives. Il faut se rappeler que les peines minimales obligatoires s'appliquent par définition à des criminels parmi les plus sympathiques. C'est ce que voulait dire le juge Lamer, quand il affirmait que sept ans pour l'importation de stupéfiants, ça ne semble pas si mal pour la plupart des gens, mais que faut-il en penser lorsqu'il s'agit d'un adolescent qui revient de la Floride avec un joint de marijuana en poche?

    Je vous exhorte à songer non pas aux pires cas mais aux cas les plus sympathiques, dans lesquels une personne peut être déclarée coupable des infractions prévues au projet de loi, en vous rappelant que ces infractions font l'objet de peines minimales obligatoires très lourdes, et souvent, de la prison à vie. Pensez à une jeune personne démunie, atteinte, par exemple, du syndrome d'alcoolisation foetale, qui a des problèmes de santé mentale, qui se sert d'une arme à feu non chargée ou d'une fausse arme à feu, parce qu'elle a peur, ou parce qu'elle est désespérée. Pensez à un policier. Je sais que des représentants des associations de policiers ont comparu devant le comité pour appuyer le projet de loi, mais pensez à Kenneth Deane, qui a été condamné pour homicide involontaire coupable commis au moyen d'une arme à feu lorsqu'il a tiré sur le manifestant autochtone Dudley George. Il a reçu une peine d'emprisonnement avec sursis. D'après ce que vous proposez, on lui imposerait 15 ans d'emprisonnement. Il faut vous rappeler que les peines minimales obligatoires s'appliqueraient aux contrevenants les plus sympathiques.

    Troisièmement, ce projet de loi compromettrait la jurisprudence qui confirme la constitutionnalité des peines minimales obligatoires actuelles. Ce projet de loi donnera plus de travail aux avocats sans pour tant nécessairement aider la population. Il remettra en question l'affaire Morrissey qui déclarait constitutionnelle la peine obligatoire de quatre ans pour la négligence criminelle causant la mort au moyen d'une arme à feu. Je n'étais pas pour la décision dans cette affaire, mais c'est du bon droit. Toutes les affaires semblables pourront faire l'objet d'une contestation en vertu de la Constitution. On pourra rouvrir les affaires Latimer et Luxton, qui confirmaient la constitutionnalité de l'emprisonnement à vie obligatoire. Les avocats de la défense pourront présenter de bons arguments contre la validité de ces lois, puisque vous voulez maintenant ajouter 15 ans d'emprisonnement à la peine d'emprisonnement à vie.

Á  +-(1140)  

    M. Kramp a parlé de l'affaire Wiles, jugée par la Cour d'appel de la Nouvelle-Écosse: cette affaire se rapporte aux interdictions relatives aux armes à feu. Quand vous lisez le jugement de la Cour d'appel de la Nouvelle-Écosse, vous pouvez constater que la disposition a été déclarée constitutionnelle en grande partie en raison d'une échappatoire prévue à l'article 113 du Code criminel. Dans le projet de loi qui vous intéresse, il n'y a pas d'échappatoire et, à mon avis, on court à l'injustice et à une sévérité exagérée.

    Mon quatrième argument constitutionnel fait écho à ce que Mme Pate a dit de l'effet qu'aurait le projet de loi sur les Canadiens autochtones et d'origine africaine. Dans la règle Gladue, la Cour suprême du Canada a déclaré que la sous-représentation des Autochtones était une situation de crise pour le système judiciaire canadien. La commission ontarienne nous a aussi appris qu'il y avait une sous-représentation des Canadiens d'origine africaine et je présume qu'en cherchant un peu plus loin, on constaterait que la situation ne fait que s'aggraver. Il est donc très important de comprendre que le projet de loi s'appliquera surtout à ces groupes.

    Passons aux quatre deniers arguments que je voulais présenter au sujet de l'efficacité du projet de loi. Mon cinquième argument est à l'effet que les peines minimales obligatoires ne sont pas efficaces comme mesures de dissuasion de la criminalité. La violence armée que nous constatons dans nos villes le prouve bien; nous avons déjà des peines minimales obligatoires de quatre ans pour la plupart des infractions commises avec une arme à feu rapportées à Toronto, Winnipeg et dans d'autres villes. Ces peines ne dissuadent pas les criminels de recourir à une arme à feu; ou bien ils croient qu'ils ne se feront pas prendre, ou bien ils s'en moquent. Il faut donc se demander si l'effet dissuasif minimal qu'on obtiendrait en faisant passer ces peines minimales de quatre ans à cinq ans, dix ans et 15 ans, pourrait faire cesser la violence commise avec des armes à feu. Les études internationales et celles menées par le solliciteur général ne donnent aucune preuve de l'effet dissuasif des peines minimales obligatoires sur la criminalité.

    Sixièmement, ce projet de loi n'est qu'un symbole. Il n'existe que pour la raison citée de communiquer un message, et cela, juste avant les élections. Ce problème est trop grave pour qu'on se contente de faire passer un message avant une élection. Il faut faire un travail sérieux pour s'attaquer au coeur du problème. Comme le disait M. Loewen, on offre ici de faux espoirs aux victimes. Ce n'est qu'une solution facile et inutile, qui nuira aux gens les plus sympathiques que vous pouvez imaginer et qui feront l'objet des peines associées à ces infractions.

    Septièmement, je tiens à dire que cela aura un effet perturbateur sur le système judiciaire qui sera engorgé. Ou bien les accusés ne plaideront plus coupables, en raison des peines lourdes, ou bien il y aura des négociations de plaidoyer, avec des pressions indues sur les procureurs des tribunaux surchargés, pour qu'ils laissent de côté la partie de l'infraction relative à l'arme à feu. Il y aurait donc des peines où l'on ne tiendrait pas compte de l'utilisation d'une arme à feu, parce que ces peines de 10 et de 15 ans sont inacceptables.

    Les peines obligatoires transfèrent le pouvoir discrétionnaire des juges aux procureurs. Ce projet de loi repose peut-être en partie sur une méfiance à l'égard des juges. J'espère que non, puisqu'à tout le moins, le travail des juges est du domaine public et il peut être critiqué. On n'a pas la même transparence pour les procureurs. Ce projet de loi enlève le pouvoir discrétionnaire au juge et le donne au procureur. Avant de décider qu'il s'agit là d'une bonne politique, vous devez bien étudier cet aspect de la question.

    Enfin, j'ajouterai qu'il s'agit d'une solution partielle. Il faut une stratégie à volets multiples: nous devons connaître la provenance des armes à feu; nous devons savoir comment arrêter leur circulation; nous devons songer à la façon dont on peut appliquer les lois; nous devons penser à la question des munitions; nous devons aussi réfléchir à la question de l'emploi, à celle des loisirs, etc.

    À mon humble avis, cette solution facile ne réglera pas le problème, elle ne fera que l'aggraver.

    Merci beaucoup.

Á  +-(1145)  

+-

    Le président: Merci, monsieur Roach.

    Monsieur Rady, vous avez 10 minutes.

+-

    M. Andy Rady (représentant, Conseil canadien des avocats de la défense): Merci.

    Je suis ici au nom du Conseil canadien des avocats de la défense. Je suis un avocat de la défense depuis 23 ans et je représente donc les gens qui sont accusés de crimes commis avec des armes à feu, comme les autres membres de mon association.

    D'emblée, il me faut vous dire que même nous, avocats de la défense, sommes préoccupés par les crimes avec violence et les crimes perpétrés avec des armes à feu. Vous ne devriez pas vous en étonner, nous aussi sommes citoyens de ce pays. D'ailleurs, tous les types d'infractions nous causent du souci. Mais nous croyons aussi très fermement qu'on ne peut pas simplement réagir de manière irréfléchie à ce qu'on voit ou à ce qu'on entend aux nouvelles, même quand les nouvelles sont très troublantes.

    Je choisis de ne pas répéter ce qu'ont déjà dit les témoins qui m'ont précédé, mais je suis d'accord avec eux sur presque tout. Je ne voudrais pas vous ennuyer en le répétant. Le problème dont nous parlons est profond et il faut plus qu'une solution prophylactique. Le problème de la criminalité armée est enracinée dans la pauvreté, le désespoir, l'inégalité et dans le fait qu'on s'écarte des valeurs sociales qui sont acceptables pour les membres de notre collectivité.

    Les peines minimales consécutives pour des crimes commis avec une arme à feu ne sont pas la solution. Je crois qu'aucun politicien ne se présenterait à des élections en disant qu'il ne veut pas être ferme dans sa lutte contre le crime. La fermeté dans la lutte contre le crime, cela peut séduire les électeurs, mais est-ce vraiment bon pour les Canadiens, quand on étudie la question et quand on réfléchit à ce dont on parle? Est-ce vraiment ce dont nous avons besoin maintenant? D'après notre association, ce n'est pas le cas, pour de nombreuses raisons, notamment les aspects constitutionnels et les effets sur la disparité, qui continuera de croître si ce projet de loi est adopté.

    Je vais vous donner des exemples de ce qui pourrait se produire si l'on voit cette loi comme je la verrais, moi qui suis avocat de la défense et qui dois représenter une personne accusée d'un crime commis avec une arme à feu. Imaginons qu'il s'agit d'un criminel crapuleux, qui a commis un vol qualifié dans un dépanneur. Il a l'arme à la main et il est clair pour lui qu'il s'en servira au besoin, mais il ne le fait pas. Le vol a lieu et il se fait prendre. D'après la loi, il est maintenant passible d'une peine d'emprisonnement à vie pour vol qualifié à laquelle s'ajouteraient, d'après mon interprétation du projet de loi, cinq années parce qu'il avait un fusil en main, mais qu'il n'a pas déchargé son arme et que personne n'a été blessé.

    Prenons une situation semblable, où un jeune homme apeuré entre dans le dépanneur l'arme à la main. Il ne s'agit pas d'une crapule endurcie. Ce n'est qu'un jeune qui panique, et qui veut voler quelques dollars. Ce faisant, il décharge son arme pour effrayer les gens. Imaginons qu'il tire sur le marchand, peut-être sans l'avoir voulu. Il est maintenant passible non seulement de la peine d'emprisonnement à vie, mais aussi de 10 ou 15 ans supplémentaires, selon que quelqu'un ait été blessé ou pas.

    Qui voulons-nous incarcérer le plus longtemps? La crapule qui est entrée là avec une intention criminelle horrible, ou le jeune qui paniquait, qui a déchargé son arme pendant le vol? Ce projet de loi n'accorde aucune discrétion au juge qui impose la peine au contrevenant. Il doit imposer les 10 ou 15 années supplémentaires. Voilà ce que nous disons. Pour nos avocats, il faut laisser cette discrétion au juge.

    Je vous rappelle que nous ne choisissons pas nos juges n'importe comment. Nous leur donnons beaucoup de pouvoir dans leur tribunal et nous avons du respect pour eux. Par ailleurs, on leur accorde une discrétion, mais s'ils commettent une erreur, si la peine imposée ne convient pas, il y a des cours d'appel. Une peine trop légère ou trop lourde peut être réexaminée. En revanche, s'il s'agit d'une peine minimale obligatoire consécutive, il n'y aura pas d'examen judiciaire. La loi est aussi simple que cela, à moins d'une contestation en vertu de la Constitution. Et je peux vous dire que tous les avocats de la défense de qualité contesteront cette loi tant qu'ils pourront.

    Pensons maintenant comme pensent les criminels: S'il y a une peine minimale obligatoire de 15 ans, faut-il laisser des témoins? Quelle influence cela a-t-il sur la situation, quand on risque 15 ans de prison? Cette peine est si lourde qu'un criminel n'hésitera pas à liquider une autre personne, pour pouvoir s'en tirer. Cela peut vous sembler très froid et calculateur, mais il se trouvera des gens pour penser ainsi.

Á  +-(1150)  

    Cette loi n'aura pas pour effet de supprimer les crimes commis avec des armes à feu. Comme on l'a dit, elles n'a pour effet que de compliquer la situation pour certaines de nos communautés plus défavorisées. Il ne fait aucun doute qu'un plus grand nombre d'Autochtones vont se retrouver en prison, un plus grand nombre d'Afro-Canadiens -- parce que ce sont là les statistiques qui nous inquiètent -- mais est-ce que ça va régler le problème? Nous croyons que non. Le problème existe. Il faut faire quelque chose, et cela doit être fait dans la façon dont nous éduquons les gens.

    On a dit que les peines minimales et le fait de les alourdir avaient peut-être amélioré la situation en ce qui concerne la conduite avec facultés affaiblies. Eh bien, la conduite avec facultés affaiblies, c'est un peu différent. Il y a une peine minimale obligatoire pour ceux qui sont reconnus coupables de conduite avec facultés affaiblies, mais ce n'est pas consécutif à une peine supplémentaire, comme nous le disons ici. On parle ici d'un châtiment double, d'une peine supplémentaire. Mais ce que le comité doit connaître, et je vous prie instamment d'y réfléchir, c'est la vraie raison derrière tout cela.

    On ne peut pas dire qu'il y a moins de conduite avec facultés affaiblies parce que nous avons alourdi les peines. Il y en a moins parce que nous avons éduqué la société, nous lui avons fait savoir que ce n'est plus acceptable socialement. Il y a beaucoup moins de jeunes qui boivent et conduisent qu'il y en a parmi les personnes plus âgées.

    Franchement, il y a aussi l'exemple du tabac. Il y a plusieurs années de cela, la salle aurait été remplie de fumée de cigarettes, mais on ne fait plus ça. Pourquoi? Parce qu'il y a des sanctions pour ça? Non. C'est parce que nous avons fait en sorte que ce genre d'activité est inacceptable socialement. Je ne fais pas d'adéquation ici avec les crimes commis avec des armes à feu, mais ce que je dis, c'est qu'il faut plus qu'un palliatif. Des peines sévères ne suffiront pas. Pour régler ce problème, il faut plus qu'avoir la main lourde.

    Nous devons éduquer nos jeunes. Nous devons éduquer ceux qui sont dans la rue, et nous devons leur dire... Nous devons revenir à cette situation où il était inacceptable d'utiliser les armes à feu et de s'adonner à la violence -- comme c'était le cas dans notre pays pendant de nombreuses années. L'escalade de la violence à l'arme à feu est un phénomène nouveau. Pendant de nombreuses années, les armes à feu étaient presque inexistantes au Canada, comparativement à d'autres pays, les États-Unis, par exemple. Pourquoi cela a-t-il changé? Est-ce parce que nos lois sont devenues plus indulgentes? Je ne crois pas. C'est ce qu'il faut savoir.

    Entre-temps, le fait d'imposer une loi comme celle-ci ne réglerait en rien le problème. Cela ne servirait que les intérêts -- et je ne veux pas être irrespectueux -- des politiciens qui veulent dire, eh bien, nous sommes sévères envers les criminels. C'est tout. Cela ne va nous aider en rien.

    Merci.

Á  +-(1155)  

+-

    Le président: Monsieur Toews, vous avez sept minutes pour les questions et les réponses.

+-

    M. Vic Toews: Merci beaucoup.

    Je remercie les témoins d'être venus ici et de nous avoir fait part de leurs opinions. Vous êtes tous relativement contre le projet de loi, et nous avons entendu des témoins qui étaient pour et contre. Je crois que votre témoignage nous donne une nouvelle perspective, c'est une chose dont nous devons tenir compte.

    Il y a des choses qu'on a dites à propos de ce projet de loi qui me préoccupent; on dit, par exemple, que cela aurait un effet disproportionné sur les jeunes noirs ou les jeunes hommes d'origine autochtone. Ce que je comprends du projet de loi, c'est qu'il vise les criminels qui utilisent sciemment des armes à feu pour mener leurs activités criminelles.

    L'une des choses qu'on n'a pas dites, et M. Loewen y a fait allusion mais sans plus, c'est que ceux qui commettent ces crimes avec des armes à feu sont -- et je ne connais pas les statistiques parce que je ne m'intéresse pas à ce genre de statistiques... Il est également permis de penser que les victimes sont noires et autochtones, et que ces personnes ne sont pas en sécurité dans leurs communautés aujourd'hui. Les enfants ne peuvent pas aller à l'école. Les gens d'affaires n'investissent pas dans ces milieux. Les programmes sociaux ne marchent pas, à moins que les tireurs et les crimes qu'ils commettent... Et le vrai crime dont il s'agit ici, c'est la drogue, nous le savons tous. Ce sont les drogues et les armes à feu. La drogue encourage le recours aux armes à feu. Donc, on dit qu'il faut que ces jeunes hommes quittent la rue, en supposant qu'il s'agit toujours de jeunes hommes.

    M. Rady a mentionné l'exemple d'un homme méchant qui est un voleur décidé et calculateur, qui entre dans un magasin, et il a une arme à feu mais il est assez intelligent pour ne pas s'en servir. Il s'expose à une peine à perpétuité, en plus des cinq années obligatoires. Ce jeune homme, qui a peur -- je ne sais pas de quoi il a peur, mais il entre dans un dépanneur avec une arme chargée -- et tire parce qu'il a peur. Nous devons penser, s'il est reconnu coupable, qu'il a agi de propos délibéré -- il avait la mens rea voulue, l'actus reus voulu -- et qu'il est criminellement responsable. Ou bien on se trompe totalement quand on dit que cet homme méchant ou ce voleur décidé et calculateur qui ne décharge pas son arme à feu n'aura que cinq ans, ou cela illustre le problème que M. Kramp veut régler, à savoir que les juges n'ont pas tenu compte des antécédents de cette personne, et qu'au lieu de lui donner seulement cinq ans, on le condamne à vie.

    M. Rady a dit explicitement qu'il risquait la peine à perpétuité. Mais quand entend-on dire que ces voleurs sont condamnés à perpétuité? C'est le problème qui se pose dans notre système de justice aujourd'hui. La discrétion qu'on accorde aux juges n'est pas exercée comme il faut, et je crois que cela est prouvé par les sentences qui sont infligées.

    On a vu, tout récemment, ce cas horrible d'une jeune Autochtone de 12 ans en Saskatchewan qui a été violée par trois hommes de race blanche, et la Cour du Banc de la Reine a imposé à l'un d'entre eux une peine conditionnelle -- l'assignation à domicile dans son cas. La Cour d'appel a maintenu la sentence. Elle a maintenu l'assignation à domicile. Je mentionne cela seulement pour répondre à M. Rady qui a dit que les cours d'appel vont corriger les sentences excessives. En fait, cette affaire s'est rendue jusqu'à la Cour suprême du Canada, monsieur le président. La Cour suprême du Canada a refusé d'entendre la plainte, parce que c'est essentiellement la Cour d'appel qui détermine la sentence dans toutes les compétences.

    Est-ce qu'on dit que ce projet de loi est la seule réponse à ce problème? Évidemment que non. Il n'y a pas un membre de notre comité qui dirait que la seule réponse réside dans des peines minimales obligatoires. Est-ce que les programmes sociaux font partie de la solution? Absolument. Est-ce que l'éducation fait partie de la solution? Absolument. Est-ce que les investissements des entreprises dans ces milieux font partie de la solution? Absolument. Je crois que les faits parlent d'eux-mêmes, monsieur le président, à savoir que tant qu'on n'aura pas nettoyé les rues des tireurs et des trafiquants de drogues, les programmes sociaux ne réussiront jamais, jamais. Les deux ne peuvent tout simplement pas coexister.

  +-(1200)  

    Il faut nettoyer les rues des trafiquants de drogues et des tireurs pour que les petits enfants noirs et les petits enfants d'origine autochtone puissent aller à l'école en toute sécurité, pour que les entrepreneurs puissent investir dans leurs milieux, et pour que les travailleurs sociaux puissent mettre en oeuvre des programmes qui fonctionnent sans crainte des gangs. C'est la réalité.

    Donc, est-ce que cela fait partie de la solution? Absolument. Est-ce la seule solution? Personne ne dit cela. Mais les tribunaux ont lamentablement échoué dans l'exercice de leur discrétion, et le législateur...

+-

    Le président: Monsieur Toews, je vous remercie de ce commentaire, mais avez-vous posé une question? Votre temps de parole est presque écoulé.

+-

    M. Vic Toews: Je sais.

    Je comprends qu'un grand fossé philosophique me sépare des témoins, et je tenais simplement à déclarer que nous n'obtiendrons probablement pas aujourd'hui les réponses qui me satisferont, et ces témoins n'obtiendront jamais mon adhésion, sachant ce qu'ils pensent de manière générale de ce projet de loi.

    Je comprends certaines de leurs préoccupations. Je comprends qu'il faut une approche multiple. Mais on ne peut pas dire simplement que les peines obligatoires sont inopérantes, je ne crois pas que la preuve soit claire à cet égard. En fait, l'expérience américaine démontre très clairement que ces peines ont un effet.

    Merci.

+-

    Le président: Merci.

    Vous pouvez répondre brièvement.

    Monsieur Roach.

+-

    M. Kent Roach: Je suis d'accord avec ce que dit M. Toews au sujet de la victimisation, et je prends cela au sérieux. Mais je l'inviterais simplement à réfléchir à la valeur dissuasive marginale. La violence à l'arme à feu dont on est témoin en ce moment est toujours passible de la peine d'emprisonnement obligatoire de quatre ans. La Cour suprême n'a pas invalidé cette loi. Les juges le savent. C'est la loi du Parlement, et sa validité a été affirmée dans l'affaire Morrisey.

    J'imagine que la question est de savoir si vous croyez vraiment que le fait d'ajouter une année pour possession, six années pour avoir déchargé une arme à feu et 11 années pour avoir causé des lésions corporelles va modifier substantiellement du jour au lendemain le comportement terrible dont on est témoin dans un grand nombre de nos villes.

+-

    Le président: Merci.

    Madame Pate.

+-

    Mme Kim Pate: Je crois qu'il faut aussi être conscient du rôle directeur que joue la communauté afro-canadienne. Ses dirigeants ont en fait rendu visite au premier ministre récemment pour lui faire part justement des messages que nous vous transmettons aujourd'hui, pour lui dire que c'est très préoccupant et qu'il faut faire quelque chose. Mais ils s'opposent vivement à ce genre de mesure. Il faut savoir que plus on investit d'argent dans ce genre de solution -- et le fait est que cela va coûter beaucoup d'argent -- moins il y aura d'autres solutions comme celle que vous mentionnez, et nous étions très heureux de vous entendre dire qu'elles font évidemment partie de la solution.

    C'est surtout cela qui nous préoccupe quand on n'écoute pas ce que la communauté afro-canadienne dit elle-même. Comme vous disiez, elle se préoccupe autant de ceux qui commettent ces actes de violence que de ceux qui en sont victimes.

  +-(1205)  

+-

    Le président: Merci.

    Monsieur Marceau.

[Français]

+-

    M. Richard Marceau: Merci beaucoup.

    J'aimerais avoir les commentaires de Mme Pate à ce sujet. Je voudrais entendre une réponse un peu plus complète sur l'effet de la communauté. D'abord, je pense qu'il est assez clair que nous nous opposons au projet de loi C-215, mais j'aimerais quand même avoir vos commentaires à ce sujet.

    Il me semble que les institutions traditionnelles que sont l'État, l'église du coin, le groupe communautaire, le centre local ou l'équipe de sport ne sont plus capables d'atteindre ces jeunes hommes, qui sont souvent issus de communautés économiquement défavorisées. Bien sûr, je crois qu'il faut travailler avec ces personnes, mais si l'État ne fonctionne plus, si ces personnes ne font plus confiance à leur groupe religieux habituel et aux groupes communautaires, et si l'équipe sportive locale n'est pas une façon d'encadrer ces jeunes, que peut-on faire pour aller les chercher? Je m'adresse également à M. Loewen parce ce qu'on parle des communautés. Il me semble que l'existence même de gangs de rue, en particulier à Montréal, où il existe une violence assez importante, prouve que les institutions traditionnelles ne fonctionnent plus. Comment peut-on atteindre ces gens et travailler avec eux? Qui peut le faire et comment?

+-

    Mme Kim Pate: Je m'excuse de répondre en anglais.

[Traduction]

    Je ne travaille plus directement avec des jeunes et des hommes depuis un certain temps. Je travaille avec des femmes depuis 14 ans.

    Dans les discussions avec les milieux autochtones, dans le partenariat qu'on a en ce moment avec l'Association des femmes autochtones du Canada et d'autres groupes, et dans les discussions avec la African Canadian Legal Clinic, où l'on retrouve certains dirigeants de la communauté afro-canadienne de Toronto, l'une des choses dont on a beaucoup parlé, c'était de la dislocation communautaire dont souffrent de nombreux jeunes Autochtones à cause des séquelles profondes de la colonisation et de l'exode. C'est un problème énorme auquel il faut trouver remède.

    Ils ont beaucoup d'idées sur la façon dont on pourrait créer de nouvelles options, de nouveaux milieux de soutien, et d'en finir avec cette idée que l'on peut acquérir une identité en se joignant à un gang ou en prenant part à la violence dans les rues, ce genre de choses. Je ne prétends pas avoir toutes les réponses, mais il est sûr que l'une des choses dont on parle, c'est de s'assurer qu'il faut combler les besoins humains fondamentaux. Il est essentiel de pouvoir nourrir, habiller, éduquer et loger les enfants. Ensuite, créer des milieux de soutien, c'est d'être en mesure de comprendre son histoire et de faire cause commune pour assumer sa responsabilité communautaire face à son propre milieu, car ils parlent encore des séquelles de leur histoire.

    Je crois que cela se tient parfaitement, et je crois que cela explique en partie pourquoi, lorsque nous avons vu se poser pour la première fois tout le problème des gangs et des gangs de jeunes en particulier au Canada, certaines communautés ont décidé de ne pas s'en tenir aux problèmes relatifs aux gangs mais plutôt à des approches de développement communautaire, et c'est alors qu'on a vu ce débat s'atténuer. Mais on n'a pas vu cela dans des villes comme Winnipeg et d'autres où l'on s'en est tenu particulièrement aux problèmes relatifs aux gangs. Les gangs sont en fait devenus une force sédentaire privilégiée chez les jeunes hommes et femmes d'origine autochtone dans cette ville.

[Français]

+-

    M. Richard Marceau: Monsieur Loewen, j'aimerais entendre vos commentaires sur le même point.

[Traduction]

+-

    M. James Loewen: Je vais répondre encore en anglais.

    Les programmes auxquels je suis associé partout au Canada et qui s'occupent de problèmes relatifs à la justice sont essentiellement basés dans des communautés et viennent souvent en aide à des communautés à risque, autochtones aussi bien qu'immigrantes, entre autres. Ce qu'on voit, ce sont les séquelles de générations après générations de marginalisation dans nos communautés, où la justice a cessé d'être exercée par ces communautés et placée entre les mains d'un système de justice pénale -- de professionnels, si vous voulez. Ce qui est arrivé, c'est que nos communautés ont ainsi perdu la capacité de réagir aux problèmes de justice qui apparaissent en leur sein, au crime.

    L'illustration probablement la plus vive de cette marginalisation historique, on la voit dans la communauté autochtone. Lorsque la colonisation a commencé, on lui a ôté la capacité de faire régner la justice. C'est ce qu'on appelle le génocide culturel ou la violence culturelle.

    Ce qu'on voit maintenant comme moyen efficace de contrer la violence dans ces communautés, c'est le retour à la capacité de faire régner la justice. Je crois qu'on trouve un exemple phénoménal de l'efficacité de cette justice dans cet endroit qu'on appelle Hollow Water. Je ne sais pas si vous connaissez cet endroit et son histoire, il s'agit d'une communauté très affaiblie du nom de Hollow Water qui a su maîtriser l'inceste et la violence sexuelle d'une manière qui a été très bénéfique pour la santé de cette communauté et qui a permis de ressouder des familles qui avaient vécu l'inceste. Il y a d'autres exemples qui sont très émouvants.

    Je crois que nos communautés ont en elles-mêmes les moyens, la capacité de maîtriser leurs problèmes. Il faut simplement leur donner les ressources voulues, mais les programmes auxquels je suis associé, les programmes de médiation communautaire, sont condamnés. Ils ont fermé.

  +-(1210)  

+-

    M. Richard Marceau: Excusez-moi. J'ai sept minutes.

[Français]

    Monsieur Roach et monsieur Rady, vous dites que l'effet dissuasif est pratiquement inexistant. Lorsque nous soulevons ce point, on nous répond que même s'il n'y a pas d'effet dissuasif, la personne pourrait au moins être incarcérée et ne se promènerait plus avec un fusil dans nos communautés, nos dépanneurs et nos rues pendant ce temps. C'est une réponse simple, mais elle est assez percutante. Que devons-nous répondre à cette affirmation?

[Traduction]

+-

    M. Kent Roach: Vous parlez de l'effet d'incapacitation. Cela dépend aussi de la certitude de l'arrestation. Je vous poserai simplement la même question que j'ai posée à M. Toews. Quelle est l'augmentation marginale de l'effet d'incapacitation? De même, dans la création de l'effet d'incapacitation, de l'incapacitation d'un individu en particulier, il faut tenir compte du coût. Tenir compte du fait que les études démontrent que l'emprisonnement prolongé--la personne finit toujours par être libérée--va en fait conduire à la perpétration d'autres crimes.

+-

    M. Andy Rady: Nous discutons en fait ici de l'efficacité générale des mesures dissuasives. C'est aussi en quelque sorte le propos de ce projet de loi, à savoir que si la peine est assez sévère, on dissuadera les gens de faire ce genre de choses, je parle des crimes commis avec des armes à feu. J'ai mes doutes à moi sur l'efficacité des mesures dissuasives. Je ne suis pas sûr que ceux qui vont commettre des crimes décident de ne pas le faire parce que le châtiment est trop sévère. Ils commettent des crimes; ils ne réfléchissent pas.

    Les gens savent de manière générale que, dans notre pays, vous irez probablement en prison si vous commettez un acte de violence conjugale, ça arrive tout le temps. Mais les gens ne réfléchissent pas lorsqu'ils commettent un crime. Je crois que nous accordons trop d'importance aux mesures dissuasives et que l'on se fie trop à cela pour régler le problème. Je pense que ça ne réglera pas le problème.

+-

    Le président: M. Comartin.

+-

    M. Joe Comartin: Merci à tous d'être ici.

    Excusez-moi. Qui doit partir?

    Monsieur le président, d'après le programme, nous sommes ici jusqu'à 14 heures. Est-ce toujours notre intention?

+-

    Le président: Oui. M. Kramp aimerait intervenir.

    Je crois que nous avons commencé vers 11 h 15, donc cela donne encore du temps à nos témoins qui doivent prendre l'avion de Toronto.

+-

    M. Joe Comartin: Madame Pate, vous avez mentionné l'Australie et certains États américains qui ont reculé et en fait même modifié leurs lois. Est-ce exact? J'ai cherché ces informations, et je ne crois pas que nous ayons vu quoi que ce soit du genre au comité. On mentionne constamment cela. Je crois savoir qu'il y a une étude de l'ABA des États-Unis qui démontre que certains États ont reculé. Mais nous n'avons rien vu sur papier.

    Je veux une étude concrète où des exemples d'États qui avaient une politique sévère à l'égard du crime et qui ont ensuite reculé.

  +-(1215)  

+-

    Mme Kim Pate: On dirait que M. Roach a en main un texte qui contient une réponse, mais les deux exemples sur lesquels j'ai fait une recherche rapide étaient le Michigan, aux États-Unis, et le Territoire du Nord, en Australie, où l'on a sûrement fait marche arrière. Il y a aussi les Families against Mandatory Minimum...

+-

    M. Joe Comartin: Excusez-moi. Toujours à ce sujet, que voulez-vous dire par faire marche arrière?

+-

    Mme Kim Pate: On y parlait d'abroger les peines minimales obligatoires.

+-

    M. Joe Comartin: Est-ce qu'on en a parlé ou est-ce qu'on l'a fait?

+-

    Mme Kim Pate: Je crois que ces deux compétences l'ont fait, mais chose certaine, il y a d'autres États qui en parlent.

+-

    M. Joe Comartin: Excusez-moi, madame Pate, on nous remet quelque chose qui nous vient du ministère de la Justice. Est-ce le texte?

+-

    Le président: Je ne l'ai pas encore reçu, M. Comartin.

+-

    Mme Kim Pate: Oui.

    M. Daubney vient de me remettre le texte intitulé « Tendances de la loi sur les peines d'emprisonnement obligatoires ». Il s'agit d'information provenant de la Division de la recherche et de la statistique du ministère de la Justice du Canada. On y dit qu'en 2002, on a modifié substantiellement les lois du Michigan sur les peines obligatoires. Voici ce qui a résulté de ces modifications: élimination de la peine minimale obligatoire pour certaines infractions concernant les substances contrôlées; création de disposition permettant aux tribunaux de tenir compte d'importants facteurs atténuants; et révision des quantités de drogues qui entraînent certaines peines.

+-

    M. Joe Comartin: Je suis de Windsor, donc de l'autre côté de la rivière.

    Si je comprends bien ces modifications, elles ne faisaient nullement marche arrière pour ce qui concerne les crimes commis avec des armes à feu.

+-

    Mme Kim Pate: J'en comprends que...

+-

    M. Joe Comartin: On devrait peut-être poser la question au professeur Roach. C'est ce que j'avais compris.

    Je cherche une compétence qui aurait adopté des peines minimales obligatoires pour les crimes commis avec des armes à feu et qui a ensuite fait marche arrière, mais je n'ai pas pu en trouver une.

+-

    Mme Kim Pate: Je crois qu'il y aussi des clauses échappatoires dans un certain nombre de ces lois.

+-

    M. Joe Comartin: Je vais poser cette question-là aussi à M. Roach.

+-

    M. Kent Roach: Je viens de recevoir ce document, je ne peux donc pas vous dire s'il y a une compétence où l'on a fait marche arrière. Mais je crois savoir qu'en Angleterre, en particulier, les compétences qui infligent des peines obligatoires ont généralement une clause échappatoire. Cette clause échappatoire existe pour les cas exceptionnels.

    Ce à quoi je veux en venir, c'est qu'il est à mon avis compréhensible de songer au pire délinquant lorsqu'on vote une loi établissant une peine minimale obligatoire, mais je songe aussi pour ma part au délinquant qui est le plus sympathique. C'est aussi ce qu'il faut faire lorsqu'on comprend les limites des arguments qu'on emploie pour sa défense, qu'il s'agisse de l'état de légitime défense, de la contrainte ou des troubles mentaux. Il y a beaucoup de gens qui pourraient agir sous l'impulsion d'une peur suggestive et authentique pour eux-mêmes, mais cela ne constitue pas une légitime défense. C'est la même chose pour la contrainte. Dans les cas de troubles mentaux, la plupart des gens qui ont ce genre de problèmes ne peuvent pas invoquer cet argument.

+-

    M. Joe Comartin: Donc, la clause échappatoire consiste essentiellement à donner un pouvoir discrétionnaire au juge de première instance.

+-

    M. Kent Roach: Oui, mais on demande parfois au juge de première instance de justifier cela car il s'agit d'un cas exceptionnel et il faut qu'il le fasse par écrit. Il se pose ici aussi la question de la transparence. Si vous procédez ainsi, vous forcez le juge à se justifier ou à justifier le fait qu'il s'écarte de la norme et, comme l'a dit M. Rady, on peut en appeler de ces jugements. Si le juge ne peut imposer qu'une peine obligatoire, je crois qu'il y aura toujours des exceptions, mais ces exceptions seront le fait du procureur de la Couronne, peut-être pour des raisons très légitimes, mais du point de vue de l'intérêt public, la transparence ne sera pas la même.

    Oui, on peut critiquer toutes les décisions des juges, mais le problème est justement là. Le juge doit prendre la plume et motiver officiellement sa décision, alors que lorsque le procureur se montre plus clément avec un régime de peine minimale obligatoire, tout se passe à huis clos.

  +-(1220)  

+-

    M. Joe Comartin: Madame Pate, je crois que c'est vous qui avez mentionné le professeur Sheehy, et peut-être que vous, monsieur Roach, avez la réponse à la question. Je ne suis pas sûr qu'il y ait eu des études au Canada sur le pour et le contre des peines minimales obligatoires...

+-

    M. Kent Roach: Peut-être que Mme Pate peut répondre, mais le professeur Roberts, qui est un expert reconnu -- qui est aujourd'hui en fait à Oxford -- a publié un article dans le Osgoode Hall Law Journal qui démontre que lorsque le législateur adopte une loi infligeant le minimum obligatoire, on assiste à un amalgame des sentences. Ce qui arrive, c'est que le minimum obligatoire devient alors le maximum, et on ne peut plus distinguer les divers types de délinquants dont parlait M. Rady. Le délinquant primaire qui n'est pas dangereux se trouve amalgamé au récidiviste.

    Au sujet de la récidive, aussi, comme vous le savez, l'actuel article 85 a une clause d'indexation. Donc si vous en êtes à votre deuxième infraction, c'est trois ans. Encore là, il ne s'agit pas de peines obligatoires légères qui existent déjà dans le code.

+-

    M. Joe Comartin: A-t-il parlé de la question du plaidoyer de culpabilité dans cette étude? Ce à quoi je veux en venir, monsieur Roach, c'est que d'après mon expérience, à cause de l'engorgement des tribunaux, on porte des accusations et l'on négocie ensuite une accusation moins grave pour qu'il n'y ait pas de minimum obligatoire. Est-ce qu'il en parle dans son étude?

+-

    M. Kent Roach: Je ne crois pas que le professeur Roberts en parle, mais je crois que le gros de la recherche américaine que je connais en parle, et ce sont vraiment les Américains qui nous ont enseigné que le minimum obligatoire encourage la discrétion.

+-

    M. Joe Comartin: Oui, mais vous ne savez pas si une étude a été faite au Canada?

+-

    Le président: Dernière question.

+-

    M. Joe Comartin: J'ai terminé.

+-

    Le président: Merci.

+-

    M. Vic Toews: J'invoque le Règlement, je note que nous avons reçu un document qui nous a été distribué. J'imagine qu'il est en français et en anglais.

+-

    Le président: J'ai la version française ici, si vous la voulez.

+-

    M. Vic Toews: Non. Je voulais seulement m'assurer qu'on était en règle. Je n'ai pas reçu ce texte, et je voulais m'assurer qu'on l'avait reçu dans les deux langues.

+-

    Le président: Merci.

    Monsieur Cullen, sept minutes pour les questions et les réponses, s'il vous plaît.

+-

    M. Joe Comartin: Je n'ai pas obtenu de réponse.

+-

    Le président: C'est vrai. Je suis désolé.

+-

    M. Kent Roach: Il faudrait que je consulte de nouveau l'étude de M. Roberts. Il est très difficile d'étudier les pratiques en matière de négociation de plaidoyer parce que cela nous ramène à la question de la transparence. Cela dit, je serais étonné si M. Roberts ne signalait pas ce phénomène, parce que c'est assez établi.

+-

    M. Joe Comartin: Savez-vous si notre attaché de recherche a cette étude? Sinon, pourrait-il l'obtenir et la remettre aux membres du comité?

+-

    Le président: Merci, monsieur Comartin.

    Monsieur Cullen, vous avez sept minutes pour la question et la réponse.

+-

    L'hon. Roy Cullen: Merci, monsieur le président.

    Je remercie aussi nos témoins.

    Nous avons entendu des témoignages très convaincants aujourd'hui. Vous avez en quelque sorte disséqué ou même vivisecté ce projet de loi. Je comprends ce que peut éprouver M. Kramp car j'ai moi aussi présenté un projet de loi d'initiative parlementaire qui a été disséqué et vivisecté en comité. J'ai réussi à le faire adopter, mais cela m'a pris deux ans.

    Peu importe ce qui adviendra de ce projet de loi, j'ai dit que je trouvais un peu exagéré, et peut-être plus qu'un peu. Je ne sais pas s'il sera amendé, mais je crois que M. Kramp mérite d'être félicité pour avoir porté ce problème à notre attention, car il s'agit manifestement d'une question fort importante.

    Monsieur Roach, vous avez mentionné que vous êtes originaire de ma circonscription ou que vos parents y habitent encore. M. Wrzesnewskyj, Mme Sgro et moi-même sommes très préoccupés par cette question, comme j'imagine que vos parents et vous-même l'êtes. Nous comprenons ce que peuvent éprouver ceux qui vivent de tels événements et je vous assure que cela nous a incités à chercher des solutions pour améliorer la sécurité de nos rues et de nos citoyens.

    Selon certains, de telles mesures risqueraient de remplir nos prisons d'un nombre disproportionné d'Autochtones ou d'Afro-Canadiens. Quant à moi, même si c'était le cas, je suis plutôt d'accord avec M. Toews pour dire que la question de savoir qui sont les gens qui commettent les meurtres et qui disloquent les collectivités doit être étudiée à part. Nous devons nous demander si les sentences prononcées et la méthode prise pour faire respecter la loi sont convenables, et ce que nous pouvons faire au niveau communautaire.

    Je suis un fervent partisan de l'intervention communautaire. Dans ma circonscription, Etobicoke Nord, nous avons beaucoup de programmes de prévention du crime. Nous essayons de rejoindre les jeunes avant qu'ils se procurent des armes à feu et tombent dans la criminalité et la violence. Nous avons un programme appelé Briser le cycle qui aide les jeunes hommes à sortir des gangs de rues et à suivre le droit chemin.

    Une des qualités qui me plaît dans le projet de loi de M. Kramp est la dichotomie. Je ne suis pas un spécialiste du comportement, mais je crois qu'il y a des gens irrécupérables. Dans ma circonscription, beaucoup de ces jeunes sont issus de familles dysfonctionnelles. Moi, j'ai eu la chance de grandir dans une famille harmonieuse et entière, alors je ne peux pas comprendre ce qu'ils vivent ou ont vécu. Ces jeunes sont expulsés de l'école très jeunes et ils fréquentent d'autres jeunes, deviennent dépendants aux drogues puis s'impliquent dans les gangs de rues. Ils tombent dans le cycle des armes à feu, de la drogue et de la violence.

    La seule chose que j'aime dans le projet de loi de M. Kramp, et c'est un véritable dilemme pour moi, c'est qu'il supprime le pouvoir judiciaire discrétionnaire. Mais dans un sens, il conviendrait de garder ces délinquants en prison — non seulement pour dissuader d'éventuels criminels — mais pour les éloigner de notre société, afin d'éviter qu'ils se livrent à de tels agissements.

    J'ai quelques questions que je vais adresser à l'ensemble des témoins. Ma première question porte sur le facteur de dissuasion, puisque vous côtoyez beaucoup de criminels dans votre travail. Croyez-vous que lorsqu'un jeune commet un crime comme ceux dont nous parlons... Il songe qu'il enfreint la loi et qu'il pourrait se faire prendre et écoper d'une lourde peine? Ou est-ce que ce genre d'idée ne lui traverse même pas l'esprit?

    Deuxièmement, d'après votre expérience, peut-on secourir certains de ces délinquants? Est-ce possible dans le cas de criminels endurcis issus de familles dysfonctionnelles qui se droguent et commettent des actes de violence? C'est peut-être possible pour certains d'entre eux, mais pour quelle proportion?

    Ma troisième question porte sur le pouvoir discrétionnaire des juges. Beaucoup de Canadiens et beaucoup de parlementaires — et je suis du nombre — sont mécontents, à tort ou à raison de la façon dont les juges exercent leur pouvoir discrétionnaire. Nous avons vu tellement d'exemples. Je sais qu'il faut faire preuve de circonspection parce que les journaux ne font état que des cas les plus flagrants. Des cas de délinquants libérés sous caution qui récidivent, commettent un autre crime à main armée.

    J'aimerais connaître vos réactions à mes observations.

  +-(1225)  

+-

    M. Andy Rady: Pour répondre à votre première question au sujet des jeunes, je ne crois pas qu'ils réfléchissent à ce qu'ils font. Beaucoup d'entre eux se croient invincibles, tout comme les jeunes de 16 ans qui viennent d'obtenir leur permis et qui conduisent comme des fous. Certains jeunes de cet âge sont inconscients et croient qu'ils peuvent faire n'importe quoi.

    D'après mon expérience — et en réponse à votre deuxième question — beaucoup de jeunes s'assagissent en vieillissant. S'ils ne perdent pas la vie de façon tragique, ils finissent par comprendre qu'ils ne pourront pas toujours vivre de cette façon. Peu importe le nombre de fois qu'ils sont incarcérés ou toutes les remontrances des juges, des policiers ou de leurs parents. C'est une question de temps et ils finissent par changer de comportement en acquérant une certaine maturité.

    Il y a des criminels qu'on pourrait qualifier d'endurcis qui peuvent tout de même s'en sortir et réintégrer la société. Mais il y a aussi des criminels vraiment incorrigibles. Tout cela indique qu'on ne peut pas généraliser, chaque personne est différente.

    Votre dernière question porte sur le pouvoir discrétionnaire des juges; je crois que votre argument est très valable, dans ce sens que l'une des inquiétudes... et moi aussi, je tombe dans le panneau en tant qu'avocat de la défense. Je lis un article au sujet d'une affaire dans les journaux et j'en tire certaines conclusions; puis, je me rends compte que je n'étais pas au courant de toute la preuve et que je me fiais à un journaliste qui estimait que le juge avait fait erreur dans cette affaire. Je fais la même erreur. Beaucoup des causes que j'ai défendues ont été rapportées dans les journaux et les preuves mentionnées dans l'article étaient parfois très différentes de celles présentées devant le tribunal.

    En ce qui concerne le pouvoir judiciaire et discrétionnaire, il faut savoir que le juge ou le jury sont sur place et entendent toutes les preuves. Ils entendent les deux parties, parce qu'ils entendent non seulement l'avocat de la défense mais aussi le procureur plaider la cause. Nous pouvons peut-être critiquer la sentence prononcée et juger que la peine est insuffisante, mais sommes-nous vraiment au courant de tous les faits pertinents? Voilà le problème lorsque nous jugeons de ces affaires et faisons de telles affirmations.

    Pour revenir à ce dont nous parlions tout à l'heure, voici ce qui me préoccupe. Si nous établissons des peines minimales pour trop d'infractions, et si, ce faisant, nous limitons le pouvoir discrétionnaire des juges, quelle est alors l'utilité des juges? Pourquoi ne pas simplement dire, cet homme a commis un crime, et nous n'avons pas besoin de juge pour le condamner parce que collectivement, nous croyons que ce crime mérite une peine de 10 ans. Voilà où cela nous mènerait. Or chaque affaire doit être jugée individuellement; voilà pourquoi nous avons des juges et voilà pourquoi ils ont un pouvoir discrétionnaire.

  +-(1230)  

+-

    Mme Kim Pate: D'après mon expérience auprès des jeunes et des adultes criminalisés et incarcérés, c'est souvent la perte d'espoir, la perte de possibilités ou le fait de ne jamais avoir eu de possibilités qui sont à l'origine de leurs problèmes. Quand on parle de neutraliser un groupe de personnes, même si vous êtes d'accord avec cette position, cela revient à retirer un groupe de personnes de la société sans avoir agi sur les problèmes sous-jacents de la collectivité: le fait d'avoir perdu toute chance de participer à la vie sociale, de gagner sa vie ou de contribuer à la collectivité et de se sentir intégré dans cette collectivité. Il y aura alors d'autres groupes de jeunes qui voudront prendre des drogues pour s'anesthésier, se couper de cette réalité, et qui s'adonneront peut-être à la violence.

    Pour revenir à la question de M. Marceau, les meilleurs programmes que je connaisse — je ne me souviens pas de leur nom mais je pourrais les trouver si le comité le souhaite — sont ceux dans lesquels les jeunes des deux sexes qui ont été impliqués dans des gangs et ont commis des actes violents sont revenus dans leur collectivité pour travailler auprès des jeunes. Les mesures fondées sur l'interaction entre les jeunes, la création d'un sentiment commun d'appartenance, sont les plus efficaces pour s'attaquer aux problèmes. Beaucoup de ces jeunes sont par la suite devenus des membres productifs de la société.

    Le défaut d'un projet de loi comme celui-ci est qu'il limite grandement les possibilités d'une telle évolution des jeunes.

    Certaines recherches sur les modalités de la justice pour les jeunes contrevenants ont indiqué que pour être en mesure de planifier et de penser à l'avenir, beaucoup de jeunes ont besoin des aptitudes cognitives et de la capacité d'abstraction leur permettant de prédire les conséquences de leur comportement; cette aptitude n'est pas innée; elle doit être acquise. Beaucoup des jeunes dont nous parlons aujourd'hui ont soit des troubles d'apprentissage soit d'autres genres de problèmes qui entravent leur capacité de réfléchir. Nous devons donc aussi améliorer l'encadrement pédagogique de ces jeunes.

+-

    Le président: Monsieur Loewen, voulez-vous ajouter quelque chose?

+-

    M. James Loewen: Je crois qu'il faut élargir le discours un peu. Je trouve que nous ne parlons pas beaucoup des victimes. Pour qu'il y ait dissuasion, il faut savoir ce qui amène un délinquant à comprendre ce qu'il a fait et à décider de ne plus le faire? Le moyen le plus puissant à cet égard est de lui faire entendre la victime.

    J'ai constaté à maintes reprises, dans les programmes offerts au Canada, que lorsqu'un délinquant a la possibilité et l'obligation d'écouter les répercussions de son crime sur la victime, cela a un effet profond sur lui. La victime est mieux placée que n'importe quel autre membre de la communauté et de l'organisme gouvernemental pour communiquer un message très clair aux délinquants.

    Or, il n'y a rien dans notre système judiciaire qui permet à la victime, si elle souhaite de le faire, de parler directement et sans aucune obligation légale au délinquant pour lui expliquer les conséquences de ses actes. Je pense que le système serait beaucoup plus efficace si cette disposition était prévue. À mon avis, nous devrions même exiger que les délinquants rencontrent leur victime, si celle-ci le souhaite.

+-

    Le président: Merci.

+-

    M. Kent Roach: Sur la question d'opinion publique, on trouve pages 4 et 5 du document émanant du ministère de la Justice certaines données intéressantes selon lesquelles, plus on en sait au sujet d'une affaire et plus on y réfléchit, moins on est en faveur des peines obligatoires.

    Quant à la surreprésentation des Amérindiens et des Afro-canadiens, on peut l'envisager sous différents angles. On d'abord y voir un problème social dans l'alinéa 718.2e) du Code criminel tient compte, en stipulant qu'il faut chercher des solutions de rechange à l'incarcération, particulièrement dans le cas des délinquants amérindiens. Je sais cependant que cette mesure est controversée.

    Par ailleurs, on peut y voir le reflet des problèmes que vivent ces collectivités. Nous considérons généralement les délinquants et les victimes comme des catégories distinctes, mais beaucoup des auteurs de ces crimes pourraient tout aussi bien en être les victimes. C'est un peu le phénomène des portes tournantes, comme on l'a vu dans le cas du jeune homme abattu pendant les funérailles. Même si on n'admet pas qu'il s'agit d'un problème social qui détonne certaines lacunes dans la société canadienne, si l'on pense que 75 p. 100 de la population carcérale dans certaines provinces est d'ascendance autochtone, il faut se demander si les peines d'emprisonnement obligatoires donneront les résultats escomptés, car ces délinquants ont beaucoup d'autres problèmes.

    Pour vous et moi, le pire qui pourrait nous arriver est d'aller en prison. Toutefois, pour certains des membres de ces collectivités, l'incarcération est encore préférable à d'autres possibilités, y compris la mort.

    Pour ce qui est du pouvoir discrétionnaire des juges, on peut opter pour bien d'autres choses que l'imposition de peines minimales obligatoires. En 1987, la Commission canadienne sur la détermination de la peine a recommandé l'élaboration des lignes directrices en matière de détermination de la peine. On pourrait établir des normes de départ et décrire les facteurs aggravants. Si vous concluez que le problème découle du pouvoir discrétionnaire des juges, je dirais que les peines obligatoires sont en quelque sorte le remède de cheval. Le législateur a déterminé les facteurs aggravants, mais nous n'avons pas encore défini des lignes directrices en matière de détermination de la peine et de points de départ.

  +-(1235)  

+-

    Le président: Merci, monsieur Roach.

    Je rappelle aux membres du comité que le temps qui leur est attribué comprend les questions et les réponses. Je sais que nos témoins souhaitent vivement répondre aux questions; je demande donc aux députés de limiter leurs préambules au minimum ou de poser leurs questions sans préambule pour que nous puissions entendre la réponse de nos témoins. Sans vouloir manquer de courtoisie envers nos témoins, je rappelle que nous avons des limites de temps.

    Monsieur Breitkreuz, vous avez cinq minutes pour votre question et la réponse.

+-

    M. Garry Breitkreuz (Yorkton—Melville, PCC): Merci, monsieur le président, je vais essayer de m'y tenir.

    J'écoute vos arguments depuis que j'ai été élu député. Vous avez défendu la création d'un registre des armes à feu, affirmant que cela allait réduire le nombre de crimes à main armée. Et aujourd'hui, vous avancez exactement les mêmes arguments que vous répétez depuis 30 ans.

    J'ai des statistiques sur la criminalité au Canada. En 1982, les taux de crimes violents au Canada et aux États-Unis étaient à peu près les mêmes. Aujourd'hui, le taux de crimes violents au Canada est près du double de celui des États-Unis, soit près de 900 pour 100 000 habitants; aux États-Unis, il est de 450 pour 100 000 habitants. Il diminue rapidement aux États-Unis et pourtant, vous nous demandez d'écouter et de croire vos arguments. Pourquoi le ferions-nous?

+-

    Le président: À qui adressez-vous cette question?

+-

    M. Garry Breitkreuz: Je la pose aux quatre témoins, parce qu'ils ont tous les quatre invoqué les arguments que j'entends depuis mon arrivée au Parlement.

    Cela ne marche pas. Notre taux de crimes avec violence est le double de celui des États-Unis. Pourquoi devrions-nous vous croire maintenant, si vous vous trompez depuis 30 ans?

+-

    Mme Kim Pate: Je ne connais pas la source de ces statistiques.

+-

    M. Garry Breitkreuz: De Statistique Canada et du FBI aux États-Unis.

+-

    Mme Kim Pate: J'aimerais bien les recevoir, parce que...

+-

    M. Garry Breitkreuz: C'est à la disposition de tout le monde. Ces documents ont été distribués.

+-

    Le président: Monsieur Breitkreuz, ont-ils été distribués?

+-

    M. Garry Breitkreuz: Ce document nous a été remis.

+-

    M. Andy Rady: Je ne l'ai pas reçu. Je vous assure que je ne comparais pas devant votre comité depuis 30 ans et que je ne répète pas ces arguments depuis 30 ans. Du reste, je n'aime pas commenter des statistiques à moins d'avoir eu l'occasion de les examiner. Nous pourrions probablement aussi produire des statistiques indiquant que les États-Unis ont le taux d'incarcérations le plus élevé au monde. Je suppose donc que sur ce plan, les États-Unis, c'est le nirvana.

    Nous ignorons cependant si cela contribue à la réussite de leurs programmes sociaux, si cela aide leurs citoyens ou si cela réduit le taux de pauvreté. Souhaitons-nous tout simplement emprisonner plus de gens? Est-ce de cela qu'il s'agit ici? Je l'ignore, mais je ne pense pas. J'hésiterais à commenter vos statistiques...

    M. Garry Breitkreuz: Ce ne sont pas mes statistiques.

    M. Andy Rady: Avant d'avoir eu la possibilité de les examiner. Je comprends qu'elles émanent de Statistique Canada et du FBI, mais on peut faire dire ce que l'on veut aux statistiques.

+-

    Le président: Merci, Monsieur Rady.

    Monsieur Loewen.

+-

    M. James Loewen: Ça fait 34 ans que je suis sur terre. Je sais que le Conseil des églises pour la justice et la criminologie a appuyé la Loi sur le registre des armes à feu, et que l'église l'a fait parce que le contrôle des armes à feu semblait tenir debout pour de nombreuses raisons. Les actes criminels commis avec des armes à feu en seraient une.

    Dire que ce que nous avons fait ne fonctionne pas est une tout autre discussion. Je sais que si vous prenez les statistiques des programmes avec lesquels je travaille et qui appliquent les idées que je vous ai présentées pour ce qui est de s'occuper des victimes, des contrevenants, de la collectivité et de l'État, ces programmes démontrent un niveau remarquable de succès.

    Réduire la récidive d'un délinquant sexuel à risque élevé de 70 p. 100 est remarquable, tout simplement remarquable.

  +-(1240)  

+-

    M. Garry Breitkreuz: Je voudrais m'attaquer d'entrée de jeu à un exemple que vous avez cité, celui de la réserve Hollow Water, si c'est le bon endroit. D'autres personnes, analysant la même situation, tireraient la conclusion que c'était le renforcement des familles qui a donné ces résultats, et que c'est le problème de l'érosion de la famille au Canada qui a produit beaucoup des problèmes de criminalité que nous voyons actuellement. Ne serait-ce pas valable?

    Je suis d'accord avec M. Cullen. Je crois parfois que nous analysons ces choses de façon trompeuse.

+-

    M. James Loewen: Je pense que vous direz exactement la même chose que moi, c'est-à-dire que ce n'est pas le gouvernement qui rétablit la paix dans nos collectivités; le gouvernement rétablit l'ordre. Ce sont nos familles et nos communautés qui sont responsables de la santé de nos collectivités, dans une grande mesure. Le rôle de l'État est d'appuyer cela et de rendre la chose possible.

+-

    M. Garry Breitkreuz: Mais nous avons dépensé plus d'un milliard de dollars pour un registre d'armes à feu sans viser les causes fondamentales de la violence. Donc la violence au Canada reste à un niveau élevé inacceptable. Vous, vous continuez à appuyer ce gaspillage.

+-

    Mme Kim Pate: Cela ne fait pas 30 ans que je viens ici, mais tout de même notre organisme appuie et continue d'appuyer le contrôle des armes à feu.

+-

    M. Garry Breitkreuz: Il ne s'agit pas de contrôle des armes à feu. Cela ne contrôle pas d'armes à feu. C'est un registre. De toute façon, allez-y. Je ne devrais pas vous interrompre. Allez-y.

+-

    Le président: Merci, madame Pate.

    Très rapidement, s'il vous plaît, monsieur Roach.

+-

    M. Kent Roach: Moi aussi j'aimerais voir la source de ces statistiques. S'ils viennent du FBI, à ce moment-là il s'agit de rapports faits à la police. Je pense que la plupart des criminologues prennent des enquêtes sur la victimisation comme mesure plus juste de la criminalité au sein de notre société. Mais comme je vous ai dit, je n'ai pas vu les statistiques.

+-

    Le président: Merci, monsieur Roach.

    Monsieur Lemay, cinq minutes pour la question et la réponse, s'il vous plaît.

[Français]

+-

    M. Marc Lemay: Je vous remercie d'être ici. Vous pouvez constater qu'autour de cette table, il y a deux mentalités qui s'affrontent. Il y a deux façons de voir: ou bien on est en faveur de la réhabilitation, ou bien on prône la répression. Je ne vous dirai pas qui est en faveur de la réhabilitation et qui est en faveur de la répression, car je crois que vous l'avez deviné. Je suis avocat de la défense en droit criminel depuis 30 ans. J'ai pratiqué dans mon comté d'Abitibi-Témiscamingue, dans le nord du Québec, notamment dans les communautés autochtones.

    Ma question s'adresse à Mme Pate. Croyez-vous que la réhabilitation des autochtones qui auront des peines comme celles que prévoit ce projet de loi sera possible alors qu'ils seront absents aussi longtemps de leur milieu? Bien évidemment, ils ne pourront purger leur peine dans leur milieu. Ils en seront donc absents pendant des périodes allant de 6 à 15 ans.

    Monsieur Roach, vous avez parlé de l'arrêt Morrisey. S'agit-il bien l'arrêt de la Cour d'appel de la Nouvelle-Écosse? Très bien. Je l'ai lu.

    Monsieur Loewen, comment peut-on concilier le travail auprès des victimes et la répression prévue dans un tel projet de loi? Peut-on trouver une façon de faire autre que la répression? Les victimes doivent être au coeur du système. On s'occupe des accusés, mais il faut aussi parler des victimes. Je trouve cela très difficile. J'ai été avocat de la défense en droit criminel, et j'imagine que Me Rady doit vivre la même chose. Lorsque toute la famille est derrière nous et assiste au procès qui dure des jours et des jours, alors que nous défendons l'accusé, ce n'est pas toujours facile.Comment pouvons-nous concilier ces choses?

    Je pose une dernière question aux quatre témoins. M. Roach et M. Rady pourront peut-être y répondre. Ne croyez-vous pas qu'il y a un certain laxisme de la part des juges? Par ce projet de loi, nous adressons-nous aux mauvaises personnes? En transférant le pouvoir de définir les peines des juges aux procureurs de la Couronne, est-ce qu'on ne rate pas une occasion de dire aux juges qu'ils devraient adapter les peines qu'ils imposent aux crimes commis?

  +-(1245)  

+-

    Mme Kim Pate: Je suis désolée de devoir vous répondre en anglais.

[Traduction]

    En ce qui concerne la capacité des personnes de se réintégrer après avoir purgé leurs peines, oui plus la période d'emprisonnement a été longue, plus ils ont été isolés, moins ils sont de chances de bien se réintégrer dans la collectivité. Si vous voulez en savoir plus, il y a le travail que nous avons fait au Canada et à l'échelle internationale en matière de droits humains dans le domaine de l'isolement accru, plus précisément parmi les groupes racisés, une fois qu'ils se retrouvent en prison.

    Mais c'est certainement très difficile, surtout s'ils viennent de petites collectivités. Souvent, les collectivités ne s'intéressent pas; elles ont déjà suffisamment de défis à relever. Là encore, on revient à l'idée de venir en aide à ces collectivités sur le plan des ressources. Les rapports qu'on nous envoie à tous les sujets, à partir d'approvisionnement inadéquat en eau... nous font comprendre la nécessité d'avoir ce genre d'appui dans les collectivités.

    Le groupe dont je vous ai parlé se compose de jeunes hommes et jeunes femmes autochtones qui sortent de prison et qui ont pris l'initiative de travailler avec d'autres personnes qui sont déplacées de façon semblable de leurs collectivités à des prisons. Donc je pense qu'il y a de bonnes occasions de faire du travail efficace à long terme.

+-

    M. James Loewen: En ce qui concerne comment concilier le travail auprès des victimes et le système de justice pénale, il y a des problèmes graves. Je ne prétends pas que ce soit quelque chose qu'on puisse régler rapidement ou sans perturber passablement le système de justice pénale, que ce soit en passant par les tribunaux, l'incarcération ou les services correctionnels.

    Les victimes ont certains besoins clés. Il y a des dépenses immédiates. Il y a très peu d'appui pour ces coûts immédiats. Les victimes ont souvent le besoin d'entendre des réponses à des questions bien précises, et on ne leur donne presque jamais cette occasion. Et il y a certaines choses qui porteraient atteinte aux droits des contrevenants tout simplement parce que le système de justice pénale n'est pas axé sur les victimes. Et en fait, la Reine ou l'État est la victime, et si vous en discutez avec les victimes, cela leur paraît parfaitement ridicule. Ils sont manifestement les vraies victimes, et non pas la Reine ni l'État.

    Donc je crois que si nous voulons travailler légitimement auprès des victimes, il va falloir qu'on commence sérieusement à remettre en question les fondements mêmes de la justice pénale. Et le système en sortira ébranlé.

  +-(1250)  

+-

    M. Kent Roach: L'arrêt Morrisey que j'ai évoqué est de la Cour suprême du Canada, 2000, 2 R.C.S. 90. Je pense que dans ce cas, selon le tribunal, quatre ans est assez conforme à ce qu'il convient d'infliger dans le cas de la négligence criminelle causant la mort. Donc je crois que si cela appuie l'opinion exprimée par le procureur général du Canada devant vous, alors il est possible que certaines parties de ce projet de loi soient inconstitutionnelles.

    Quant au message à communiquer aux juges, permettez-moi de signaler que la Cour d'appel de l'Ontario a en fait été très rigoureuse récemment à l'endroit de ceux qui commettent des crimes avec des armes à feu. Je ne sais pas ce qu'il en est pour les autres cours d'appel, mais cela pourrait se faire en utilisant les circonstances aggravantes, que ce soit très clair dans l'esprit des juges qu'ils ont intérêt à avoir de bonnes raisons de ne pas infliger des peines sévères. Peut-être que M. Rady pourrait vous en dire plus, mais pour beaucoup d'infractions visées par ce projet de loi, j'imagine, il serait question de prononcer des peines de dix ans et plus. Donc le fait de rajouter 5, 10 ou 15 ans ne me paraît pas forcément très efficace.

+-

    M. Andy Rady: Oui, il existe déjà des lignes directrices en vertu de l'article 718 du Code criminel, et par la suite, des principes portant sur la détermination de la peine que les juges suivent. En ce qui concerne le mécontentement relié peines prononcées par les juges, je n'ai pas vraiment de réponse. Il semblerait qu'il y ait la perception que les peines infligées ne soient pas suffisamment sévères. Personne n'a envie de dire qu'ils vont dans l'autre sens. En tant qu'avocat de la défense, je pense parfois connaître trop de juges sévères. Mais je ne sais pas si c'est vrai ou non.

    Je peux vous le dire d'après ma propre expérience. Quand j'ai commencé à exercer le droit il y a quelques années, les peines prononcées étaient plus clémentes qu'elles ne le sont actuellement. Mettons de côté la question de peine conditionnelle pour le moment. D'après mon expérience il y a des années, les délinquants primaires étaient pratiquement assurés d'être sous probation. Maintenant, s'il y a la moindre violence, les délinquants primaires feront probablement de la prison dans bien des cas. Donc il y a eu un changement qui n'a peut-être pas été bien apprécié.

    C'est peut-être une autre question que le comité pourrait étudier: à savoir pourquoi il y a cette perception que les juges ne sont pas en mesure de faire leur travail, pour lequel ils sont rémunérés. Je n'ai pas la réponse à cette question.

+-

    Le président: Monsieur Wrzesnewskyj, s'il vous plaît.

+-

    M. Borys Wrzesnewskyj: Merci, monsieur le président.

    J'aimerais remercier tous les témoins.

    Monsieur Loewen, je suis content que vous ayez parlé des besoins des victimes. J'ai un bon ami, M. Mohammed Gilao, qui a tragiquement perdu son fils en raison de violence avec une arme à feu l'été dernier, mais mon appui à ce projet de loi précède cet incident tragique et tout ce qui s'est produit à Toronto.

    Je n'ai pas passé beaucoup de temps auprès des détenus dans les prisons, mais j'ai passé pas mal de temps dans les quartiers que j'appelle victimisés ou à risque. On entend souvent parler dans les médias d'un « code du silence ». Je n'aime pas particulièrement cette expression. Moi, j'utilise l'expression « atmosphère de peur » puisqu'il y a des collectivités qui sont victimisées.

    Malheureusement, quoi qu'il en soit, si on dit qu'il existe actuellement une peine obligatoire de quatre ans, le fait est que non seulement les auteurs des crimes mais aussi la plupart des habitants des quartiers à risque et victimisés comprennent assez vite qu'une dénonciation aurait de graves conséquences. Nous assistons à une ghettoïsation, à la formation de mini-Harlems.

    Il y a des questions auxquelles il faut s'attaquer au-delà de ce projet de loi. Je crois sincèrement que les compressions budgétaires du gouvernement Harris il y a six ou huit ans sont à l'origine de ce cycle, et nous payons le prix de toutes les réductions aux programmes postscolaires, des compressions dans les programmes de loisirs, etc. Le gouvernement a déjà annoncé tout un train de mesures à l'égard des programmes sociaux dont on a besoin. Mais tout comme nous payons actuellement le prix des compressions budgétaires d'il y a six à huit ans, il faudra beaucoup de temps pour remettre ces quartiers sur pied, peut-être aussi longtemps.

    Je vais continuer et terminer par une question.

    Monsieur Rady, j'ai été quelque peu déçu. En effet, je ne suis pas d'accord avec vous. Pendant votre intervention, vous avez dit trois fois qu'il s'agissait de politique et qu'il s'agissait de la politique de sévir contre la criminalité puisqu'il y aura des élections. Vous l'avez dit trois fois.

  +-(1255)  

+-

    M. Andy Rady: Je n'ai pas parlé des élections.

+-

    M. Borys Wrzesnewskyj: Si, vous avez parlé des élections prochaines.

+-

    M. Andy Rady: C'est M. Roach qui en a parlé.

+-

    M. Borys Wrzesnewskyj: Ah, d'accord.

    Je n'accepte pas qu'un témoin expert dise cela. Malheureusement, quand les témoins s'adonnent à la politique lors de ces séances de comité, cela ne fait que saper la crédibilité de certaines de leurs affirmations. Quand j'entends un témoin s'adonner à la politique ici en comité, je me demande si cela ne fausse pas les renseignements qu'on nous donne.

    J'aimerais enfin en venir à M. Roach.

    Vous avez soulevé diverses questions. Je trouve très intéressante votre idée d'une clause échappatoire. Pouvez-vous nous en donner des exemples? Je crois que c'est très important.

    Il y a des amendements qu'on a fait circuler et j'espère qu'ils élimineraient toute la question de la disproportion exagérée qui pourrait être soulevée devant la Cour suprême. Les peines de 15 ans seraient retranchées. Il y a d'autres amendements qu'on a fait circuler et qui bifferaient cet élément de ce projet de loi.

    À mon avis, c'est un aspect très important, parce qu'il se peut qu'il y ait des cas exceptionnels. Lorsqu'il y a une peine minimale obligatoire, il y aussi une peine maximale, donc on prévoit une certaine souplesse. Les juges, et dans certains cas, les jurés, auront une gamme d'options. Tout ce que nous disons, c'est que ça, c'est le minimum, mais il existe quand même une gamme.

    Toute la notion d'une clause échappatoire est très importante. Pourriez-vous nous en dire plus long, et peut-être nous donner un exemple d'un amendement en ce sens? Ce serait très utile.

    Merci.

+-

    M. Andy Rady: Peut-être pourrais-je répondre d'abord, avant M. Roach.

    Je m'excuse si vous pensez que je m'adonnais à la politique, car ce n'est pas le cas. Tout ce que je disais, c'est que cette question va plus loin que la politique. Sévir contre la criminalité, c'est très populaire chez tous les politiciens, que ce soit ici ou bien aux États-Unis. Tout ce que je demande au comité, pendant qu'il y réfléchit, c'est d'aller plus loin. C'est là où je voulais en venir. Si je ne l'ai pas dit de façon assez éloquente, je m'en excuse.

    Vous avez aussi parlé des conséquences, si elles deviennent plus graves. Là encore, la réponse est que le silence dont vous avez parlé deviendra encore plus assourdissant, et ça c'est une autre chose à prendre en compte.

+-

    M. Kent Roach: Il y a un exemple d'une clause échappatoire à la page 15 du document du ministère de la Justice qu'on a fait circuler aujourd'hui. Cela provient d'une loi britannique, qui fait allusion à des circonstances exceptionnelles liées à l'infraction ou au délinquant qui justifie que le tribunal n'agit pas ainsi. Cela me paraît conforme à la jurisprudence relativement à l'article 12, selon laquelle il peut y avoir disproportion exagérée — que ce soit par rapport à l'infraction ou aux circonstances dans lesquelles elle est commise ou au contrevenant.

+-

    Le président: Très rapidement, monsieur Loewen, s'il vous plaît.

+-

    M. James Loewen: J'ai juste une question concernant l'homme dont le fils a été tué. Est-ce qu'on a arrêté le contrevenant?

+-

    M. Borys Wrzesnewskyj: Malheureusement, malgré qu'il y ait eu beaucoup de témoins, non, on ne l'a pas arrêté.

+-

    M. James Loewen: Est-ce que le système juridique a répondu à votre ami...

+-

    Le président: Monsieur Loewen, je crois devoir vous interrompre, monsieur.

    Monsieur Warawa.

+-

    M. Mark Warawa: Merci, monsieur le président.

    Merci aux témoins d'être venus. J'ai trouvé cela très intéressant. Je ne suis pas forcément d'accord avec tout ce qui a été dit, mais je suis d'accord avec certaines de vos observations. Je vais me concentrer sur certaines des observations qui m'ont perturbé.

    Avant de faire cela, je voudrais faire remarquer que M. Kramp a commencé avec son projet de loi en octobre 2004, il y a un peu plus d'un an. Ce n'était pas le bon moment sur le plan politique. Il travaille là-dessus depuis un certain temps, avec beaucoup de conseils de la part de policiers de première ligne. Donc j'apprécie ses efforts. Comme nous l'avons entendu, il se peut qu'il y ait des amendements. M. Kramp est prêt à en accepter, et nous espérons que suite à vos conseils et à ceux d'autres, nous réussirons à rédiger un bon projet de loi.

    Je vais énumérer les questions qui me préoccupent, et ensuite peut-être que vous pourriez commenter.

    Madame Pate, vous avez dit que le projet de loi C-215 vise la communauté afro-canadienne. J'aimerais savoir pourquoi vous croyez que ce projet de loi vise une communauté donnée, étant donné que l'auteur d'un crime devrait subir une conséquence, peu importe la communauté à laquelle il appartient.

    Monsieur Loewen, vous avez parlé de votre expérience auprès des cercles de soutien. Je suis très au courant des cercles de soutien. Parmi mes antécédents, j'ai travaillé pour une ligne d'écoute téléphonique et avec M2/W2, donc nous connaissons sans doute beaucoup des mêmes personnes. Je suis très au courant de la justice réparatrice et de la réconciliation entre la victime et le délinquant. Vous avez dit que beaucoup de programmes de médiation communautaire disparaissent. Je crois qu'il faut un financement adéquat pour répondre aux besoins, qu'on ne se contente pas de mettre les gens derrière les barreaux, qu'il y a des programmes qui favorisent la guérison au sein de nos collectivités. Je crois que vous partagez cette perspective, mais j'estime qu'il faut voir un équilibre qui prévoit que le crime entraîne une conséquence aussi, une conséquence suffisante par rapport au crime. Selon moi, c'est l'objectif du projet de loi de M. Kramp. Vous avez dit que ce projet de loi rabaissera l'humanité du contrevenant. J'aimerais que vous précisiez votre pensée là-dessus.

    Monsieur Rady, vous avez dit que davantage de personnes seraient tuées puisqu'il y aurait intérêt à éliminer tout témoin. Entendez-vous par là que ce serait en raison des peines concurrentes? Est-ce qu'on devrait avoir droit à un rabais si on tue plus de personnes, ou proposez-vous que les peines soient purgées consécutivement?

    Voilà les trois questions. Merci.

·  +-(1300)  

+-

    Mme Kim Pate: Pour répondre à la question de savoir pourquoi nous avons parlé de groupes précis qui seraient touchés de façon disproportionnée en ce sens qu'ils seraient criminalisés et emprisonnés, je crois que cela découle de la recherche déjà faite par la Commission royale sur les peuples autochtones et par la Commission ontarienne sur le racisme systémique. Cela rejoint aussi la question que j'avais à propos des statistiques qu'on a présentées.

    Si on regarde qui la police surveille le plus, cela montre qui sera plus susceptible d'être arrêté, accusé, poursuivi, et emprisonné. Étant donné que nous savons déjà qu'il y a un parti pris systémique...

+-

    M. Mark Warawa: Un parti pris ou une statistique?

+-

    Mme Kim Pate: Non, non, un parti pris. Je veux dire, la Commission des droits de la personne ici a constaté, et la Commission des droits de la personne des Nations Unies a confirmé, que nous avons en fait un traitement discriminatoire de nos personnes racialisées, personnes handicapées, et maintenant des personnes avec des troubles mentaux en raison des compressions budgétaires. À cause des réductions des services de soutien, on se tourne automatiquement vers la police. Je ne veux pas laisser entendre par là que la police fait exprès... n'empêche que certains policiers font exprès peut-être.

    Ce que je vous dis, c'est qu'au fur et à mesure que nous réduisons les ressources destinées à ces collectivités, nous nous en remettons à la police. De par sa nature même, la police est plus portée à surveiller les collectivités les plus marginalisées et les plus vulnérables, et par conséquent, ces collectivités-là ont plus de chance d'être criminalisées.

    Je ne sais quoi ajouter, sauf que cela a été documenté dans presque toutes les provinces maintenant. Cela a été documenté sur le plan national et reconnu à l'échelle internationale. C'est un problème auquel le Canada doit s'attaquer.

+-

    Le président: Monsieur Loewen.

+-

    M. James Loewen: Il y a dans le projet de loi lui-même une précision qui reflète la dévalorisation de l'humanité du contrevenant, et c'est au moment où on fait une exception dans le cas d'une blessure d'un complice. C'est une phrase qui m'a fait réfléchir et je me demandais pourquoi une blessure d'un complice serait moins pire ou moins criminelle qu'une blessure à quelqu'un d'autre. Donc on voit que, automatiquement, on considère que l'humanité du contrevenant est moins importante. Et ce concept va entièrement au-delà de la déshumanisation qui existe au sein de nos milieux carcéraux et dans les prisons elles-mêmes.

    Lorsqu'on enlève aux gens leur capacité de faire des choix, lorsqu'on leur dit qu'ils ne sont pas capables de vivre dans les collectivités en sécurité, et lorsqu'on les met quasiment dans des entrepôts pour une certaine période, nous ne faisons que les déshumaniser. Nous leur disons qu'ils ne sont pas dignes et nous l'avons fait à plusieurs reprises autour de cette table lorsqu'on les appelle « ces contrevenants », « eux », « ces gens-là ». Cela aurait pu aussi bien pu être moi, en toute honnêteté. Si je faisais partie d'un groupe ethnique marginalisé, je ne pourrais pas dire que je serais capable de prendre des décisions différentes.

·  +-(1305)  

+-

    Le président: Il y a-t-il quelqu'un d'autre qui aimerait répondre aux questions de M. Warawa? Nous avons déjà dépassé l'heure prévue.

+-

    M. Mark Warawa: Je crois que M. Rady aimerait dire quelque chose.

+-

    M. Andy Rady: Oui. Si la peine devient tellement sévère, tellement disproportionnée, je crois que vous allez voir que ces gens, une fois qu'ils ont commis ces crimes feraient n'importe quoi pour éviter la peine, qu'il s'agisse d'empêcher les témoins de comparaître ou d'une conspiration du silence que nous voyons lorsque les autres témoins font l'objet d'intimidation. Voilà ce qui va se passer.

    C'est ce que j'essayais de vous dire. Si la peine est tellement sévère qu'ils savent d'avance qu'ils vont être incarcérés pour une très longue période, eh bien ils vont faire tout ce qu'ils peuvent pour l'éviter, et cela peut vouloir dire plus de violence. C'est ça ma préoccupation.

+-

    Le président: Merci, monsieur Rady. Merci, monsieur Warawa.

    Monsieur Macklin, nous avons six minutes pour deux rondes de questions, donc je vous prie d'être précis.

+-

    L'hon. Paul Harold Macklin: Je ne prendrai que mes cinq minutes, merci. Non, nous partagerons notre temps.

    L'un des sujets de la discussion est la dénonciation. À mon avis, c'est l'un des éléments clés du projet de loi. Nous pouvons faire passer n'importe quel message par le biais de nos lois, et les peines minimales obligatoires d'une certaine durée font passer clairement le message.

    L'autre question que j'aimerais poser, et qui revient à ce que vous venez de dire, monsieur Rady, est à savoir si les gens qui commettent ces crimes, et au sujet desquels nous n'avons pas reçu de statistiques ni d'informations, sont au courant des peines qu'ils risquent d'écoper à cause de leurs actes. Si nous disons que nous voulons avoir des peines efficaces... Sont-ils au courant?

    Quelqu'un aurait-il un commentaire là-dessus, car, après tout, c'est le fondement de nos discussions?

+-

    M. Kent Roach: Il y a quelques années, j'ai fait des recherches sur la conduite en état d'ébriété, et si une nouvelle loi a un effet dissuasif, c'est parce qu'on en a clairement informé le public. Donc, pourquoi ne pas informer le public des peines minimales obligatoires existantes?

+-

    Mme Kim Pate: Je suis d'accord. Je crois que dans la plupart des cas, les gens ont l'impression qu'on ne les attrapera pas. Donc, même s'ils sont conscients des conséquences, il n'y pas d'effet dissuasif.

    Je crois que le noeud du problème, auquel vous faisiez allusion, et corrigez-moi si je me trompe, est que souvent on veut adopter ce genre de projet de loi en partie parce que nous voulons que les gens respectent la loi. Lorsque les lois actuelles n'ont aucun effet, on les renforce pour qu'elles aient l'effet désiré.

    À mon avis, beaucoup de questions qui ont été débattues, telles que le silence des communautés, le fait qu'on ne rapporte pas certains événements... dans les communautés autochtones, surtout en ce qui concerne la violence faite aux femmes -- et puisque l'un des anciens membres du comité a soulevé la question --, on décourage les femmes et les enfants de dénoncer les hommes dans les communautés autochtones. La même chose se produit au sein des communautés noires du Canada lorsque les femmes et les enfants sont victimes de violence. On les décourage de dénoncer, non pas parce qu'on ne veut pas punir les hommes, mais parce qu'on sait que les victimes seront punis avec encore plus de vigueur.

    Donc, en fait, si le but est de limiter la violence, ce genre de mécanisme n'aura vraisemblablement pas l'effet que nous désirons tous, même s'il y avait consensus entre nous sur la question. Je ne crois vraiment pas que c'est là l'effet recherché par M. Kramp dans son projet de loi.

+-

    L'hon. Paul Harold Macklin: Une autre chose me vient à l'esprit en étudiant toute cette question. Il existe une peine minimale obligatoire pour les meurtres. Mais ne traitons-nous pas de meurtres, pour lesquels la peine minimale est l'incarcération à perpétuité? Par contre, cela ne semble pas avoir d'effets dissuasifs. Est-ce parce que nous n'éduquons pas les gens, ou bien parce que les gens s'en fichent?

    Cela m'exaspère. Pourquoi voulons-nous infliger des peines plus sévères quand les gens semblent ignorer les peines les plus sévères? Pourquoi donc infliger des peines plus lourdes?

+-

    M. Andy Rady: Je reviens sur quelque chose que j'ai dit un peu plus tôt. C'est une chose à considérer sérieusement. Quel est l'impact de la dissuasion générale? Autrement dit, nous avons déjà la peine maximale pour les meurtres, c'est-à-dire l'incarcération à perpétuité pour meurtres les prémédités, dont 25 ans d'emprisonnement avant d'être admissibles à la libération conditionnelle. Mais les gens commettent quand même des meurtres prémédités en toute connaissance des conséquences. J'ai l'impression que chacun sait qu'il ira en prison s'il commet un meurtre prémédité, mais cela ne semble pas pour autant être un obstacle. Donc, quel est vraiment l'impact du principe général de la dissuasion?

+-

    L'hon. Paul Harold Macklin: C'est vrai.

    Je passerai...

+-

    Le président: Merci.

    M. Thompson, s'il vous plaît.

+-

    M. Myron Thompson (Wild Rose, PCC): J'essaierai d'être très bref.

    Une partie de l'effet dissuasif est due aux peines réelles. Une peine d'emprisonnement à perpétuité doit signifier précisément cela, et les gens doivent le comprendre. Beaucoup de gens savent qu'en vertu de la clause de la dernière chance, un meurtrier peut sortir de prison après 15 ans. Je crois donc qu'il faut imposer des peines réelles. Vous pourrez commenter là-dessus si vous voulez.

    Je veux revenir sur les propos de M. Toews. Tout ceci concerne les drogues et les gangs. Les gangs sévissent à l'échelle du pays. Les gangs ont un produit: la drogue. Les gangs disposent d'outils importants pour distribuer leurs produits: les armes à feu. Nous devons vraiment concentrer nos efforts sur les gangs et leurs activités et tenter de faire passer le message.

    Lorsque je suis devenu directeur d'école, on m'a demandé de régler certains problèmes. Je leur ai dit de me laisser le champ libre pour essayer quelque chose. Nous avons conçu un programme dans le cadre duquel nous avons envoyé des messages clairs et répétitifs: vous recevrez cette punition si vous commettez telle infraction; nous avons répété ce message; détrompez-vous, il y aura des conséquences. Nous tiendrions parole. Qu'importe la classe, le sexe ou la race de l'élève, le crime sera puni. Je suis heureux de vous annoncer qu'après un an, le programme a eu tellement de succès que les graffitis ont disparu, les tyrans se sont tus, la violence a pris fin. Donc, je sais que cette approche a du mérite. Je crois que cette approche peut également fonctionner à l'échelle du pays.

    Je vais vous gronder, car chaque fois que je vous ai écouté au fil des ans — ça fait 12 ans que je suis ici — la discussion tourne toujours autour de l'identification des gens par leur race, leur couleur, etc. Vous et nous tous devons mettre fin à cela. Un criminel est un criminel et une victime est une victime.

·  +-(1310)  

+-

    Le président: Je ne comprends pas ce à quoi vous voulez en venir, mais nos témoins ne sont pas ici pour se faire gronder; ils sont venus pour répondre aux questions.

+-

    M. Myron Thompson: Eh bien, plus vous vous concentrez sur la race, plus cela devient un enjeu dans la communauté, et on doit y mettre fin. Plus vous en parlez, plus le sujet prend de l'ampleur. Donc: arrêtez d'en parler.

+-

    Le président: Nous attendons votre réponse.

    Madame Pate, s'il vous plaît.

+-

    Mme Kim Pate: Je veux aborder la question des peines réelles: une condamnation d'emprisonnement à perpétuité est justement cela. Cela fait 25 ans que je travaille avec des individus condamnés à perpétuité. Chacun d'entre eux purge une peine d'emprisonnement à perpétuité, et personne n'est libéré après 15 ans, même s'ils y sont admissibles. Tout au plus, une personne peut être libérée, même si elle franchit toutes les étapes en passant par le juge en chef, par un jury, par 12 membres de la communauté qui décideraient si la personne mérite de demander une réduction de la l'inadmissibilité à une libération conditionnelle — personne n'est sorti avant d'avoir purgé 17 ou 18 ans de sa peine. Et même dans ces cas-là, la personne est en libération conditionnelle jusqu'à la fin de ses jours. Donc, ce n'est pas juste, et cela trompe et induit en erreur le public si on lui dit que les peines ne sont pas réelles, y compris les peines d'emprisonnement à perpétuité. Si les contrevenants violent les conditions qu'on leur a imposées, ils se retrouvent en prison. Voilà ce qui se passe.

    Pour ce qui est de la race et du fait que vous ne voulez pas qu'on en parle, sauf votre respect, vous niez la réalité. Un tiers des prisonnières sont autochtones, mais elles ne représentent que 1 ou 2 p. 100 de la population. Dire qu'il n'y a pas de discrimination dans le système est de passer entièrement à côté... en Alberta — je sais que vous ne venez pas de l'Alberta, vous êtes de la Saskatchewan... 

+-

    M. Myron Thompson: Je suis de l'Alberta.

+-

    Mme Kim Pate: Pardon. Je m'excuse. Je me suis trompée.

    Quand le juge Cawsey a examiné la situation des Autochtones en Alberta -- c'était au début des années 90 --, il a constaté que 90 p. 100 des hommes autochtones avaient des casiers judiciaires avant l'âge de 30 ans, et pourtant, ce n'était pas surtout eux qui causaient les pires problèmes dans la collectivité. Sauf votre respect, j'affirme donc que nous devons nous concentrer sur la réalité, sur ce qui se passe vraiment.

+-

    M. Myron Thompson: Je ne veux pas que les gens qui se promènent dans la rue aient peur à cause de leur couleur.

+-

    Le président: M. Loewen veut intervenir.

+-

    M. Myron Thompson: Et quand on ne cesse d'insister là-dessus, c'est ce qui arrive.

+-

    M. James Loewen: J'aimerais bien voir une étude qui montrerait l'efficacité de l'approche que vous avez exposée pour votre école. Ce serait intéressant à lire.

+-

    M. Myron Thompson: Je viens de vous le dire, et c'est la vérité.

+-

    M. James Loewen: Vous me l'avez dit. J'aimerais lire un document qui corrobore cela.

+-

    M. Myron Thompson: Je vais vous donner les rapports de mon directeur.

+-

    M. James Loewen: Il est intéressant de signaler qu'il existe en Alberta un programme appelé Calgary Community Conferencing, qui est une réponse fabuleuse aux problèmes des écoles. C'est peut-être intéressant de noter que la plupart, en fait l'immense majorité des gens qui sont suspendus de l'école par mesure punitive ont ensuite des démêlés avec la loi. Il vaut la peine d'en discuter.

·  +-(1315)  

+-

    Le président: Merci.

    Est-ce que M. Rady ou M. Roach veulent répondre?

    Très bien. Cela met fin à cette partie de notre audience de ce matin.

    Je remercie beaucoup nos témoins d'être venus. Je pense que vous aurez amplement le temps de vous rendre à l'aéroport.

    Nous allons faire une pause d'environ trois minutes pour permettre à nos témoins de partir et à M. Kramp de prendre place.

·  +-(1315)  


·  +-(1321)  

+-

    Le président: Nous reprenons nos travaux.

    Nous entendrons maintenant M. Kramp à titre de témoin, après quoi nous allons lever la séance, mais je crois savoir que l'on présentera peut-être un amendement favorable.

    Monsieur Kramp.

+-

    M. Daryl Kramp (Prince Edward—Hastings): Merci, monsieur le président.

    En fait, j'avais un certain nombre d'observations à faire, mais je dois dire que j'ai maintenant changé d'avis à propos de certains commentaires que j'allais faire, à cause de ce que les témoins ont dit aujourd'hui et à cause des préoccupations exprimées par mes collègues autour de la table.

    Je suppose que je pourrais commencer très simplement. Depuis maintenant plus d'un an, à titre de simple député au Parlement, je tente de remédier à certains importants problèmes qui menacent gravement la santé et la sécurité des Canadiens. Comme l'a fait remarquer mon collègue M. Warawa, et aussi M. Cullen, je m'inscris en faux contre ce que M. Roach a laissé entendre, que cela avait été fait à des fins politiques à ce moment précis. Je remercie le comité tout entier d'avoir pris la défense de ce projet de loi.

    Bien sûr, ce projet de loi a été présenté en octobre 2004. Ce n'était certainement pas parce que c'était une position politique populaire à ce moment-là -- c'était bien avant cette année épouvantable que nous avons connue à Toronto, avec une série de meurtres -- ni parce que je croyais que ce serait la seule solution pour enrayer les crimes violents commis avec des armes à feu, mais bien parce que j'estimais que c'était une réaction juste et fondée sur des principes aux crimes violents commis au moyen d'armes à feu. Je suis profondément convaincu que des peines minimales obligatoires pour les infractions commises à l'aide d'armes à feu constitueraient une mesure dissuasive efficace contre les criminels.

    Mon expérience en la matière ne se limite pas, en fait, à mes antécédents d'agent de police. Bien sûr, j'ai eu affaire à des criminels et j'ai été confronté à des crimes à titre d'agent de police. Oui, j'ai été mis en joue par des criminels armés. J'ai patrouillé les rues avec mes collègues et je connais leur situation, mais je suis aussi allé voir des victimes chez elles pour leur faire savoir qu'elles avaient perdu un être cher. Croyez-moi, c'est une période extrêmement chargée d'émotions dans la vie d'une personne et cela a des conséquences énormes. On se rend compte à quel point la vie est sacrée, à quel point elle est importante et à quel point les gens y tiennent. Je demande à tous les membres du comité de réfléchir à l'objet de ce projet de loi: il s'agit de protéger la vie elle-même. Voilà comment je perçois ce projet de loi, voilà l'importance que je lui accorde.

    Non seulement j'ai travaillé comme agent de police, mais j'ai aussi travaillé comme avocat. J'ai défendu les droits des victimes. J'ai fait du bénévolat dans des groupes communautaires. J'ai travaillé comme avocat auprès des Clubs garçons et filles du Canada. Mon bagage ne fait pas de moi un radical exigeant qu'on punisse implacablement les criminels, ce qui semble être la perception parmi certains groupes d'intervenants au sujet de l'intention de ce projet de loi. Ce n'est pas le cas. Je crois sincèrement que ce projet de loi est une petite partie de la solution, et j'insiste là-dessus: je reconnais que ce n'est qu'une parcelle de solution; il doit être compris dans le contexte de l'ensemble de cette problématique.

    J'ai consulté notre juriste et je lui ai dit que j'aimerais vraiment pouvoir étendre la portée de ce projet de loi pour qu'il traite de ceci et de cela. Bien sûr, on m'a répondu par un avis juridique m'expliquant que je ne pouvais pas faire cela parce que ce serait s'éloigner de trop de la portée originale de mon projet de loi, et qu'il faudrait pour cela adopter une approche différente, un projet de loi d'initiative parlementaire séparé ou bien un projet de loi ministériel plus étoffé. J'en ai pris acte. Cela dit, je reconnais, encore une fois, que ce n'est pas -- j'insiste là-dessus -- la seule solution, mais c'est un élément absolument essentiel pour obtenir certains résultats dans la lutte contre le crime.

    Je vais passer en revue certains éléments des témoignages que vous avez entendus au cours des derniers mois. Nous avons entendu des représentants des associations nationales représentant littéralement tous les agents de police de notre pays. Tous, quasiment sans exception, ont appuyé les principes qui sous-tendent ce projet de loi. Vous avez entendu l'autre jour le témoignage chargé d'émotions de M. Schiemann, ce monsieur qui a perdu son fils, membre irréprochable de la GRC, le 3 mars dernier à Mayerthorpe. Je n'ai pas besoin d'en dire plus là-dessus.

    Vous avez aussi entendu des représentants d'autres instances qui ont expliqué comment des peines minimales obligatoires faisant l'objet d'une large diffusion... et je crois que c'est la clé. La question a été soulevée aujourd'hui, comme elle l'a été à de très nombreuses reprises. Des peines obligatoires ne donneront aucun résultat si l'on en ignore l'existence. Elles n'auront aucune force dissuasive à moins que, d'une manière quelconque, on réussisse à attirer l'attention des contrevenants potentiels. Ceux-ci doivent être au courant de l'existence de cette peine. Il faut donc une campagne de publicité massive accompagnant ce programme de peines obligatoires, si jamais il est mis en oeuvre.

·  +-(1325)  

    À Whitehorse, au début du mois, notre ministre de la Justice a entendu de nombreux procureurs généraux provinciaux réclamant des sanctions sévères pour enrayer le crime. À titre d'exemple, j'en ai parlé au chef Blair et à beaucoup d'autres chefs de police d'un bout à l'autre du pays, et ce qui se passe n'est pas ordinaire. La réalité est que nous avons affaire à un nouvel élément criminel. Cet élément criminel ne se limite pas à la simple fraude de col bleu; ça ne se limite pas non plus à des claques sur la gueule. Ce dont on parle, c'est de crimes très graves et violents. Voilà de quoi il s'agit. C'est un cocktail explosif de gangs, d'armes à feu et de drogues -- combien de fois avons-nous entendu cela déjà?

    Et à défaut d'autre chose, notre comité aura au moins fait prendre conscience du problème et fait connaître aux quatre coins du pays l'ampleur de ce phénomène parce que nous avons entendu des témoignages de professionnels en la matière, de statisticiens, de victimes. L'élément criminel auquel nous avons maintenant affaire ne respecte même plus le principe de l'honneur entre voleurs. Dans ce groupe, il n'y a qu'un seul impératif: « Je veux ma dose, et combien d'argent me faut-il? », ou encore « Combien d'argent puis-je faire? »

    La valeur de la vie elle-même prend le bord quand on a affaire à ces gens-là. C'est vraiment la pourriture de la société et c'est un véritable fléau pour notre société à l'heure actuelle, et d'une manière ou d'une autre -- je ne vais pas dire qu'ils sont incorrigibles et que leur réinsertion sociale est impossible, mais si nous ne reconnaissons pas le danger que ce groupe pose actuellement pour notre société...

    Bien des gens disent: bon, d'accord, c'est seulement un phénomène passager et nous ne connaîtrons pas un autre été comme celui-là parce que le problème va disparaître, et il faut espérer que cela ne se reproduira jamais. Au contraire, le problème va persister à moins qu'on ne s'y attaque, et il y a de nombreuses solutions. Celle-ci n'est pas la seule solution, mais il faut que ce soit l'un des éléments clés.

    Donc, en dépit des très graves préoccupations que nous partageons tous et malgré les 48 décès par arme à feu à Toronto seulement, nous n'avons toujours pas fait une véritable refonte du Code criminel parce que ce projet de loi et d'autres initiatives ont été retardés ou contrés par divers groupes ou particuliers -- et aussi, bien sûr, par certains membres du gouvernement actuel.

    Notre ministre de la Justice a évoqué publiquement la possibilité d'imposer des peines obligatoires plus sévères, mais il l'a fait tout à fait à contrecoeur. Ses gestes contredisent d'ailleurs ses paroles. Notre ministre de la Justice et, sauf le respect que je lui dois, notre secrétaire parlementaire persistent à s'opposer au projet de loi C-215. Ils refusent d'accepter l'élément crucial des peines consécutives. Mais le plus important, c'est qu'ils n'ont pas fourni le moindre détail ni aucune solution de rechange. Le 15 novembre, au plus tard, j'ai demandé au ministre, durant la période des questions à la Chambre, quand il avait l'intention de donner des détails au sujet de son plan de lutte contre les crimes avec violence au Canada. Je me présente ici devant vous aujourd'hui et j'attends toujours une réponse.

    Bref, l'attention éphémère qu'on consacre à cette question semble bien... Évidemment, d'aucuns ont laissé entendre qu'il y avait eu influence politique ou interprétation politique de la part du comité et de la Chambre. C'est triste à dire, mais je trouve que c'est évident. Je pense en être arrivé à une conclusion juste qui est partagée par presque tout le monde autour de cette table, à savoir qu'il y a eu dans ce dossier des manigances pré-électorales. Je crois que c'est vraiment regrettable parce que les plus grands perdants dans toute cette fumisterie, ce sont les Canadiens dont la santé et la sécurité sont en jeu. Mes commentaires peuvent sembler particulièrement acérés et sévères, mais il ne faut pas les prendre personnellement. Mais je crois que cela témoigne du fait que notre Parlement n'a pas servi les besoins des Canadiens en cette époque que je qualifierais quasiment de crise. Les meurtres s'additionnent à un rythme alarmant.

    Je voudrais faire observer que la semaine dernière encore, le secrétaire parlementaire du ministre de la Justice a cité deux études distinctes selon lesquelles les peines minimales obligatoires ne fonctionnent pas. Je pose donc la question: si le gouvernement ne croit pas que des peines minimales fonctionnent, alors pourquoi ses députés demeurent-ils déterminés à introduire de telles peines? Il est évident que le gouvernement ne croit pas que ces modifications au Code criminel aient une valeur dissuasive, et pourtant, il se contente de faire des promesses à l'occasion de conférences de presse, après quoi il réfute l'efficacité et dénigre l'idée même des peines minimales obligatoires. C'est contradictoire. Vous ne pouvez pas gagner sur les deux tableaux. À un moment, vous êtes pour; peu de temps après, vous dites non, je n'en veux pas. Cela dépend de l'environnement politique particulier dans lequel nous sommes plongés. Je trouve cela troublant, je le dis bien franchement.

·  +-(1330)  

    Je rappelle à tous mes collègues autour de la table, C-215 ne vise pas les simples méfaits ou les crimes non violents. Cette mesure ne porte pas sur des peines minimales qui ont été mises en place et à propos desquelles l'avocat général Daubney a déclaré qu'il y aurait contestation constitutionnelle. Il s'est bien sûr fondé sur une décision de 1987 à propos d'une peine jugée inconstitutionnelle en cas d'infraction dans le domaine des stupéfiants. Il s'agit en l'occurrence de crimes graves contre des personnes. Nous vivons à une époque complètement différente. Nous ne sommes plus en 1987. La réalité, c'est que les gens se font tirer dessus, mutiler, assassiner, tuer — ce sont des crimes graves et violents contre des personnes. Voilà la réalité à laquelle nous sommes confrontés. Par conséquent, quand on cite des études qui remontent à 1987, elles ne tiennent certainement pas compte de cette nouvelle réalité criminelle et de cette menace croissante qui pèse aujourd'hui sur la société.

+-

    Le président: Toujours les bonnes vieilles règles. Votre temps est...

+-

    M. Daryl Kramp: Combien de temps me reste-t-il?

+-

    Le président: En fait, votre temps est écoulé, mais si vous pouviez conclure...

+-

    M. Daryl Kramp: Je vais conclure tout de suite. Je vais me débarrasser de tout cela.

    J'ai déjà évoqué le succès de divers programmes: le programme d'exil, les peines de 10 ans — 20 ans — perpétuité imposés en Floride. On vient de publier les résultats d'un nouveau sondage d'opinion, probablement réalisé par le réseau CTV. Dois-je en dire plus? Nous devons réagir à cela aussi.

    Mais si l'on me permet de conclure, je voudrais en terminant rendre hommage à tous les membres du comité autour de la table qui ont essayé de combattre ce fléau. J'exprime ma gratitude à l'endroit de tous. Monsieur le président, je vous remercie pour la manière dont vous avez traité ce dossier, et je remercie aussi la greffière et mes collègues. Que nous soyons d'accord ou en désaccord, je vous exprime ma gratitude à vous tous. Cependant, j'exprime aussi ma déception extrême devant la résistance qu'on continue d'opposer au projet de loi C-215, avec le résultat que rien ne sera envoyé à la Chambre pour la troisième lecture. Ma préoccupation ultime, ce n'est pas le succès ou l'échec personnel de cette initiative, mais l'échec flagrant de ce processus visant à aboutir à une solution clairement définie. Je garde espoir que les témoignages entendus par notre comité finiront un jour par exercer une influence sur notre Comité de la justice. À défaut d'autres choses, il faut espérer que ce projet de loi sera au moins le catalyseur d'un changement et un appel à l'action.

    Je pense qu'il convient de réserver les derniers mots de cette audience au révérend Schiemann. Son exposé renferme un passage qui est tout à fait pertinent à la question des crimes avec violence et à la décision que doit prendre notre comité, et je cite: « ... tout ce qu'il faut pour que le mal l'emporte, c'est que les gens de bonne volonté ne fassent rien ».

    Je pose donc la question aux hommes et aux femmes qui sont membres du comité: qu'avons-nous fait? Avons-nous fait quelque chose, ou rien?

·  +-(1335)  

+-

    Le président: Merci, monsieur Kramp.

    Nous allons lever la séance à 14 heures. Il nous reste environ 23 minutes. Je vais limiter les questions à des tours de quatre minutes pour chacun des participants. Si vous avez besoin de plus de temps, nous verrons s'il en reste à la fin.

+-

    M. Vic Toews: Merci, monsieur le président.

    Je pense que M. Kramp a certainement très bien résumé ma position. Je veux le remercier d'avoir proposé ce projet de loi.

    Je crains fort qu'au cours des derniers jours de la présente législature, le gouvernement libéral présente maintenant un projet de loi sur les armes à feu, après s'être énergiquement opposé à l'introduction de peines plus sévères pour les crimes commis à l'aide d'armes à feu.

    Je veux remercier M. Kramp d'avoir pris cette initiative. Je sais que si M. Kramp n'avait pas proposé ce projet de loi, le gouvernement libéral n'aurait pas levé le petit doigt.

    Donc, en fin de compte, peu importe que ce projet de loi soit adopté ou non, nous savons que c'est grâce à votre détermination qu'un changement est apporté. Je suis très déçu que les libéraux voient seulement — et je ne vise pas tous les libéraux ici présents, parce que je sais que Borys a appuyé énergiquement ce projet de loi et je l'en remercie beaucoup. Je pense qu'il a beaucoup réfléchi à cette question et je dois donc limiter la portée de mes propos qui visent seulement le ministre et le secrétaire parlementaire.

    Les libéraux nous présenteront donc demain un nouveau projet de loi sur les crimes commis à l'aide d'armes à feu, et ils vont tenter de donner l'impression qu'ils s'intéressent à ce dossier. Mais quelles que soit les mesures qui seront proposées dans ce projet de loi — et je ne sais pas en quoi elles vont consister —, je pense que c'est à vous que nous le devons. Vos commettants peuvent tirer énormément de fierté des efforts que vous avez déployés dans ce dossier.

    Voilà ce que j'avais à dire. Je ne pense pas avoir besoin d'une réponse, à moins que vous estimiez que je ne vous ai pas suffisamment louangé.

    Des voix: Oh, oh!

+-

    Le président: Merci, monsieur Toews.

    Je m'adresse aux députés du Bloc. Avez-vous un dernier commentaire ou une question?

[Français]

+-

    M. Marc Lemay: Monsieur Kramp, votre projet de loi a eu l'avantage de nous ouvrir les yeux sur une situation qui existe et qui, malheureusement, continuera d'exister. Le Parlement doit prendre des mesures pour tenter de mettre fin à cette violence.

    Cependant, il me sera impossible d'appuyer votre projet de loi et je vous le dis avec le plus grand respect. J'aurais aimé sincèrement que nous puissions l'étudier davantage et connaître l'opinion de plusieurs autres personnes. Nous avons commencé aujourd'hui à entendre des personnes qui n'étaient pas nécessairement en faveur de votre projet de loi, mais qui proposaient des solutions, puisque votre projet de loi ne règle pas tous les problèmes.

    En tant qu'avocat de la défense, je vous dirai que ce n'est pas en emplissant les prisons que nous mettrons fin à la violence que vous dénoncez par votre projet de loi. Je suis un jeune député et c'est ma première législature, et je peux vous assurer que je respecterai toujours les collègues qui présentent des projets pour faire avancer la société. Je pense que vous avez fait avancer quelque chose. Vous avez semé quelque chose qui ne pourra faire autrement que de faire avancer la société. Peu importe que cela se fasse au cours des prochaines heures, des prochains jours, des prochains mois ou des prochaines années, il est clair et évident qu'il se passera quelque chose. À ce moment, vous pourrez dire que vous êtes de ceux qui ont contribué à mettre fin à cette violence. Merci.

[Traduction]

+-

    Le président: M. Comartin est parti, mais il m'a dit qu'il fera parvenir des amendements aujourd'hui ou demain.

+-

    M. Daryl Kramp: Merci.

    En réponse à M. Lemay, je vous remercie chaleureusement pour la courtoisie dont vous avez fait preuve dans ce dossier. Bien que nous ayons des divergences d'opinions quant au moment choisi, à la portée, à l'ampleur et au rythme des changements que nous devons apporter, il n'en demeure pas moins qu'à mon avis, nous voulons tous les deux et la majorité des membres du comité le veulent aussi, nous orienter dans la bonne direction. Nous savons que dans le domaine du crime, le statu quo n'est pas acceptable; tout est là.

    On prévoit proposer des amendements. Nous avons écouté les témoignages déposés devant le comité et je suis assurément disposé à examiner des changements proposés qui atténueraient les préoccupations relativement aux failles qui existent dans ce projet de loi, il faut bien le dire. Au sujet de la possibilité d'une contestation en vertu de la Charte, on va proposer un amendement pour régler cela. Il y aura aussi un autre amendement pour inclure les peines à perpétuité qui existent déjà.

    Donc, oui, nous avons écouté. Je me félicite que le comité ait formulé de telles recommandations et modifications afin que nous puissions aller de l'avant avec le projet de loi, étape par étape.

    Merci.

·  +-(1340)  

+-

    Le président: Merci.

    M. Macklin est le suivant et il dispose de quatre minutes.

+-

    L'hon. Paul Harold Macklin: Merci beaucoup. Je remercie M. Kramp d'avoir proposé ce projet de loi, parce que je pense qu'il nous amène à nous concentrer sur les questions entourant le projet de loi lui-même.

    Comme il le sait, j'ai énormément d'objections au projet de loi tel qu'il est rédigé. Je pense qu'au départ, la constitutionnalité pose problème, mais en fin de compte, nous ne pouvons pas manquer d'être préoccupés par le grand nombre de décès causés par des armes à feu dans la ville de Toronto. Cependant, comme je l'ai fait remarquer à nos derniers témoins, nous avons déjà pour le meurtre prémédité la peine la plus sévère qui soit à notre disposition, c'est-à-dire l'emprisonnement à perpétuité, et même cette peine ne semble pas, bien qu'elle soit imposée obligatoirement, avoir le moindre effet dissuasif sur les personnes qui commettent de tels crimes.

    Nous avons donc un problème. D'une part, essayons de nous assurer de dénoncer l'activité et, à vrai dire, pour pouvoir dénoncer, nous, à titre de législateurs, n'avons qu'un nombre limité d'options pour diffuser notre message, et l'une des manières est d'établir des peines qui comportent ou bien un minimum obligatoire, ou bien un maximum très sévère qu'il est possible d'imposer dans le cas d'une personne qui est manifestement récidiviste.

    En fin de compte, c'est une question d'efficacité et je pense que c'est à ce propos que nos témoins d'aujourd'hui ont été quelque peu utiles, parce que c'est bien beau de dénoncer et d'exprimer l'indignation de nos communautés, mais en définitive ce qui garantit la sûreté de nos communautés, c'est l'efficacité des mesures prises.

    Je pense qu'on a laissé entendre aujourd'hui que le simple fait d'imposer des peines minimales obligatoires ne sera pas efficace. Nous devons nous attaquer aux causes profondes au sein de nos communautés. Nous devons renforcer l'application de la loi et, comme des intervenants l'ont dit souvent, augmenter la probabilité de se faire prendre.

    J'en reviens aux commentaires formulés tout à l'heure par M. Thompson, quand il racontait qu'il dirigeait une école et qu'il a dit que certains actes commis dans son école comportaient certaines conséquences. Je soupçonne qu'il disposait d'une assez bonne police, si je peux utiliser ce terme dans un sens général, à l'intérieur de cette école, puisque l'on pouvait porter à son attention tous les actes qui étaient commis à l'intérieur de cette école. Il y avait donc plusieurs facteurs: il est vrai qu'on imposait une pénalité absolue, mais c'était aussi la probabilité de se faire prendre qui contribuait au succès du régime.

    Je pense donc qu'il faut examiner notre fonction législative. Il faut examiner aussi notre fonction d'application des lois et je pense qu'en définitive, il faut voir ce qui ne va pas dans notre collectivité, dans le tissu social.

    Vous avez à tout le moins attiré l'attention sur la question. Vous l'avez mise sur la place publique et nous avons eu jusqu'à maintenant une bonne discussion. C'est malheureux que nous ne puissions pas poursuivre, parce que si vous êtes aussi convaincus que je crois que vous l'êtes de la valeur de ce projet de loi, vous ne voterez pas en faveur de la dissolution du Parlement, mais plutôt en faveur de la poursuite de nos travaux pour voir ce que nous pourrions faire d'utile pour mener à bien vos idées en matière de législation. Je pense que j'en ai probablement dit suffisamment sur le principe en cause. Je pense que nous pouvons conjuguer plusieurs éléments pour tenter de trouver une meilleure solution, mais je vous remercie quand même d'avoir soulevé la question parce que je pense que notre comité a toujours besoin d'un catalyseur pour se concentrer sur les questions de manière pointue. Merci beaucoup.

+-

    Le président: Merci, monsieur Macklin. Cela met fin à nos interventions de quatre minutes.

    M. Wrzesnewskyj avait un amendement favorable. Nous n'allons pas en discuter. Souhaitez-vous...

·  -(1345)  

+-

    M. Borys Wrzesnewskyj: Non, il a été déposé.

-

    Le président: Très bien. Dans ce cas, comme il n'y pas d'autres commentaires, nous nous retrouverons lundi à 11 heures. La séance est levée.