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SMFJ Réunion de comité

Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.

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38e LÉGISLATURE, 1re SESSION

Sous-comité sur le processus de nomination à la magistrature fédérale du Comité permanent de la justice, des droits de la personne, de la sécurité publique et de la protection civile


TÉMOIGNAGES

TABLE DES MATIÈRES

Le mardi 1 novembre 2005




¹ 1530
V         Le président (M. Richard Marceau (Charlesbourg—Haute-Saint-Charles, BQ))
V         M. Brian Tabor (président, Association du Barreau canadien)

¹ 1535
V         Le président
V         M. Carl Baar (professeur, à titre personnel)

¹ 1540

¹ 1545

¹ 1550
V         Le président
V         M. Carl Baar
V         Le président
V         M. Carl Baar
V         Le président
V         M. Rob Moore (Fundy Royal, PCC)

¹ 1555
V         M. Brian Tabor
V         M. Rob Moore
V         M. Brian Tabor
V         M. Rob Moore

º 1600
V         M. Brian Tabor
V         Le président
V         M. Carl Baar
V         Le président
V         M. Marc Lemay (Abitibi—Témiscamingue, BQ)
V         M. Brian Tabor
V         M. Marc Lemay
V         M. Brian Tabor
V         M. Marc Lemay

º 1605
V         Mme Tamra Thomson (directrice, Législation et réforme du droit, Association du Barreau canadien)
V         M. Marc Lemay
V         M. Brian Tabor
V         M. Marc Lemay
V         M. Brian Tabor
V         M. Carl Baar
V         M. Marc Lemay
V         M. Carl Baar

º 1610
V         M. Marc Lemay
V         M. Brian Tabor
V         M. Marc Lemay
V         Le président
V         Mr. Joe Comartin (Windsor—Tecumseh, NDP)
V         M. Carl Baar
V         M. Joe Comartin
V         M. Brian Tabor
V         M. Joe Comartin
V         M. Brian Tabor

º 1615
V         M. Joe Comartin
V         M. Brian Tabor
V         M. Joe Comartin
V         Le président
V         L'hon. Paul Harold Macklin (Northumberland—Quinte West, Lib.)
V         M. Carl Baar
V         L'hon. Paul Harold Macklin

º 1620
V         M. Carl Baar
V         L'hon. Paul Harold Macklin

º 1625
V         M. Carl Baar
V         Le président
V         L'hon. Paul Harold Macklin
V         M. Brian Tabor
V         Le président
V         M. Mark Warawa (Langley)
V         M. Brian Tabor

º 1630
V         M. Mark Warawa
V         M. Brian Tabor
V         M. Mark Warawa
V         M. Brian Tabor
V         M. Mark Warawa
V         M. Carl Baar
V         M. Mark Warawa
V         M. Carl Baar

º 1635
V         M. Mark Warawa
V         The Chair
V         M. Mark Warawa
V         M. Brian Tabor
V         M. Carl Baar
V         M. Brian Tabor
V         Le président
V         M. David McGuinty (Ottawa-Sud, Lib.)
V         M. Carl Baar
V         M. David McGuinty
V         M. Brian Tabor
V         M. Carl Baar
V         M. David McGuinty
V         M. Carl Baar
V         M. David McGuinty

º 1640
V         M. Carl Baar
V         M. David McGuinty
V         M. Carl Baar
V         M. David McGuinty
V         M. Brian Tabor
V         M. David McGuinty
V         M. Brian Tabor
V         M. David McGuinty
V         M. Brian Tabor
V         M. David McGuinty

º 1645
V         M. Brian Tabor
V         M. David McGuinty
V         M. Carl Baar
V         M. David McGuinty
V         Le président
V         M. David McGuinty
V         M. Carl Baar
V         M. David McGuinty
V         Mme Tamra Thomson
V         M. David McGuinty
V         M. Carl Baar
V         M. David McGuinty
V         M. Carl Baar
V         M. David McGuinty
V         M. Carl Baar
V         M. David McGuinty
V         M. Carl Baar
V         M. David McGuinty
V         Le président

º 1650
V         M. Carl Baar
V         Le président
V         M. Brian Tabor
V         Le président
V         M. Marc Lemay
V         M. Brian Tabor
V         M. Marc Lemay
V         M. Brian Tabor
V         M. Marc Lemay
V         M. Brian Tabor

º 1655
V         Le président
V         L'hon. Paul Harold Macklin
V         M. Brian Tabor
V         L'hon. Paul Harold Macklin
V         M. Brian Tabor
V         L'hon. Paul Harold Macklin
V         Le président










CANADA

Sous-comité sur le processus de nomination à la magistrature fédérale du Comité permanent de la justice, des droits de la personne, de la sécurité publique et de la protection civile


NUMÉRO 007 
l
1re SESSION 
l
38e LÉGISLATURE 

TÉMOIGNAGES

Le mardi 1 novembre 2005

[Enregistrement électronique]

*   *   *

¹  +(1530)  

[Français]

+

    Le président (M. Richard Marceau (Charlesbourg—Haute-Saint-Charles, BQ)): Bonjour et bienvenue à cette 7e séance du Sous-comité sur le processus de nomination à la magistrature fédérale du Comité permanent de la justice, des droits de la personne, de la sécurité publique et de la protection civile.

    Nous accueillons aujourd'hui, comme témoins, M. Carl Baar, qui est professeur et qui témoignera à titre personnel, de même que M. Brian Tabor, de l'Association du Barreau canadien, accompagné de Tamra Thomson, qui est directrice, Législation et réforme du droit.

    Conformément à une entente intervenue, je crois, entre nos témoins, les premiers à prendre la parole seront les représentants de l'Association du Barreau canadien, pour une période de 10 minutes qui sera suivie d'une période de questions et de commentaires de sept minutes environ.

    La parole est à vous.

[Traduction]

+-

    M. Brian Tabor (président, Association du Barreau canadien): Monsieur le président, messieurs les membres du comité, je vous remercie de nous avoir invités à vous entretenir du processus de nomination à la magistrature fédérale.

    Le point de vue de l'Association du Barreau canadien en matière de nomination des juges s'articule autour des principes que sont l'indépendance, la transparence et le mérite. Nous avons le même point de vue depuis près de 50 ans, après que nous avons adopté une résolution en 1957 stipulant que les juges nommés doivent être choisis parmi les meilleurs éléments du barreau, sans égard à leur obédience politique. La publication du rapport McKelvey de l'ABC sur les nominations à la magistrature, en 1985, constitue une feuille de route sur la façon d'éliminer l'influence politique dans le processus de nomination des juges. C'est un rapport déterminant qui a inspiré nombre des améliorations apportées depuis. Même s'il est vieux de 20 ans, il demeure d'une actualité étonnante en tant que réponse aux défis que pose actuellement le processus de sélection.

    L'ABC estime que le processus de nomination des juges fonctionne bien dans l'ensemble. Il n'a pas besoin de faire l'objet d'une refonte majeure ni d'être remplacé. Toutefois, il y a lieu de l'ajuster en s'attardant sur trois aspects qui sont source de préoccupation. Il y a d'abord la question de la période d'attente pour les aspirants juges qui sont activement engagés en politique. Deuxièmement, il y a la question de l'application rigoureuse des normes par les comités consultatifs de la magistrature. Troisièmement, il y a la question de la reconnaissance de la diversité en tant qu'élément de la sélection au mérite. Si nous apportions des solutions à ces trois aspects, la population canadienne pourrait avoir la certitude que l'on nomme les meilleurs juges possible, de façon impartiale et transparente. Si vous me le permettez, je vais vous parler de chacun de ces aspects.

    Notre première grande recommandation consiste à appliquer une période d'attente de deux ans avant de nommer des aspirants juges ayant activement participé à la vie politique. Les Canadiens ont le droit de s'attendre à ce que les juges soient non seulement compétents, mais qu'ils soient aussi à l'abri de toute influence politique. La population pourrait fort bien voir le visage du favoritisme politique dans le fait que des candidats à la magistrature frayent avec des milieux politiques actifs au moment de leur nomination. Voilà pourquoi nous recommandons d'appliquer une période d'attente entre la fin d'une activité politique et la nomination à la magistrature.

    Nous recommandons que cette période d'attente ne soit appliquée qu'en fonction d'un certain seuil d'activité politique. Nous le définissons dans notre mémoire. Nous recommandons une période d'attente de deux ans. Il ne serait en effet ni juste ni pratique de retirer à vie la possibilité d'être nomé à la magistrature à ceux qui ont participé activement à la vie politique. La période d'attente que nous recommandons permettrait de réaliser un équilibre entre la nécessité de lutter contre l'impression de favoritisme politique dans la population et d'appliquer un processus de sélection des juges qui soit juste et pratique.

    Nous recommandons par ailleurs de renforcer le rôle des comités consultatifs de la magistrature dans le processus de nomination. L'adoption, par le Canada, de la participation des comités consultatifs de la magistrature à la sélection des juges a été applaudie dans le monde entier. D'autres pays ont d'ailleurs suivi notre exemple. Les personnes dont la candidature est retenue par les comités consultatifs de la magistrature sont classées dans l'une ou l'autre des trois catégories suivantes: « recommandé », « fortement recommandé » ou « incapable de recommander ». L'ABC demande au gouvernement de s'engager, publiquement et par écrit, à ne nommer aucun juge qui n'aurait pas été recommandé par un comité consultatif sur la base des critères de sélection au mérite.

    Nous estimons également qu'il y a lieu d'appliquer très rigoureusement les normes en fonction desquelles les comités consultatifs classent les candidats. Seuls les meilleurs devraient se retrouver dans les catégories « recommandé » et « fortement recommandé ». Les éléments les plus brillants devraient avoir, seuls, le privilège de siéger à l'un des tribunaux du Canada.

    Pour qu'elles aient tout leur sens, les normes de nomination doivent permettre d'évaluer la façon dont les candidats se comparent entre eux plutôt que par rapport à l'ensemble des juristes. Si trop de candidats se retrouvent dans les catégories « recommandé » et « fortement recommandé », le ministre n'est pas saisi d'une recommandation suffisamment solide et cela risque de donner lieu à des nominations politiques.

¹  +-(1535)  

    En conséquence, l'ABC exhorte le ministre de la Justice à bien préciser aux comités consultatifs que la catégorie « recommandé » est exigeante et que la classification « fortement recommandé » doit être réservée aux seuls candidats qui se situent nettement au-dessus de ce seuil au point qu'ils sont vraiment exceptionnels.

    Notre troisième recommandation concerne la diversité dans les nominations. Qui dit nation diversifiée dit magistrature également diversifiée. Cette recommandation vise à faire en sorte que les candidats compétents, ayant des bagages différents, bénéficient d'une reconnaissance appropriée dans le cadre des nominations à la magistrature faites au mérite.

    Certains observateurs estiment que la diversité et le mérite s'excluent mutuellement. Nous tenons à préciser que la recherche de la diversité dans les nominations des juges ne signifie pas qu'il faut renoncer au mérite, mais plutôt qu'il faut repenser les modalités d'application. Cela revient à dire qu'il faut chercher à enrichir la magistrature en sélectionnant des candidats possédant une expérience et des compétences dans les questions de sexospécificité, de religion, de race, de langue et dans les trois systèmes juridiques en vigueur au Canada. Autrement dit, il faut accroître la légitimité de la magistrature. Une magistrature qui bénéficierait pleinement de tout une éventail de points de vue serait la garantie, pour les justiciables, qu'ils seront entendus et compris.

    Je me propose de m'attarder sur deux défis en matière de diversité. Il y a d'abord le manque de juges d'expression française. Dans notre mémoire, nous mentionnons qu'il est établi que les francophones hors Québec sont défavorisés dans le système judiciaire en raison du manque de services en français. Une augmentation du nombre de juges bilingues permettrait à tous les justiciables d'avoir accès à la justice dans la langue officielle de leur choix. Cela revient à dire que les juges doivent être aptes à mener un procès dans une ou l'autre de nos langues officielles.

    Deuxièmement, on constate un grave manque de juges ayant une expérience du droit autochtone. On recense un peu moins de 24 juges autochtones partout au Canada; quatre seulement siègent dans des cours supérieures et un à la Cour d'appel. Notre constitution reconnaît le droit autochtone comme étant un troisième système de droit applicable partout sur notre territoire.

    En conclusion, la justice ne prospère que lorsqu'elle est administrée de façon ouverte et transparente. De nos jours, les juges sont confrontés à des questions fondamentales et délicates concernant la vie privée, la sécurité et l'égalité des Canadiens, ainsi que la façon de résoudre les conflits entre ces différents principes. Il est essentiel que le processus de nomination à la magistrature soit ouvert et que les Canadiens puissent les comprendre, qu'il permette de maintenir la haute qualité des nominations et qu'il préserve l'indépendance judiciaire. Ce n'est qu'à ces conditions que l'on pourra assurer la légitimité de décisions importantes.

    Merci.

[Français]

+-

    Le président: Merci beaucoup, maître Tabor.

    Nous allons maintenant passer au Pr Baar. Vous disposez de 10 minutes.

[Traduction]

+-

    M. Carl Baar (professeur, à titre personnel): Merci beaucoup et merci de m'avoir invité à me joindre à vous cet après-midi.

    Permettez-moi, d'entrée de jeu, de vous dire que je m'associe au consensus auquel sont parvenus des témoins lors de vos audiences de la semaine dernière à propos de la nécessité de limiter la discrétion du gouvernement dans les nominations des juges aux cours supérieures provinciales et aux cours fédérales. Je suis d'accord avec cette position; soit dit en passant, je me suis déjà prononcé sur le sujet il y a 20 ans, quand l'Association canadienne des professeurs de droit m'avait invité à lui faire part d'idées et de conclusions fondées sur l'expérience américaine des commissions de nomination des juges. J'ai cet article avec moi, s'il vous intéresse.

    Pour ce qui est des questions de discrimination positive et de diversité, dont Me Tabor vous a parlé, il faut savoir que des chercheurs américains avaient constaté, à l'époque, que la diversité permettait de limiter le favoritisme politique. Je pense que les autorités chargées d'effectuer les nominations s'étaient dite qu'une des façons de réduire la longue liste des hommes blancs candidats à la magistrature consistait à écrémer ceux qui avaient une expérience politique. Elles se sont rendu compte que les femmes et les représentants de groupes raciaux ou autochtones — ce qui ne s'applique malheureusement pas aux États-Unis — qui les intéressaient, avaient moins d'expérience politique et l'on s'est rendu compte que cette insistance placée sur la diversité permettait de réduire le favoritisme politique.

    Je me propose, cependant, d'ajouter deux autres dimensions à la discussion et de vous expliquer ce qui se fait ailleurs afin de vous aider, éventuellement, à renforcer le processus de nomination à la magistrature. Je veux vous parler de questions qui se situent en marge des nominations à la magistrature mais qui teintent l'efficacité du processus et occasionnent des problèmes que le Parlement se doit de régler.

    D'abord, si l'on cherche à bonifier la procédure de nomination des juges, ce n'est pas uniquement pour améliorer la qualité des juges, mais pour en arriver à des jugements de plus grande qualité. Cependant, de meilleurs juges ne rendent pas forcément de meilleurs jugements. Au contraire, il arrive que des juges brillants et fort compétents soient frustrés par le train-train quotidien et par l'administration désordonnée des procédures judiciaires.

    Cela me rappelle l'un des meilleurs moments de ma carrière, il y a 25 ans, quand j'ai eu l'occasion de travailler avec Jules Deschênes qui était alors juge en chef à la Cour supérieure du Québec. Il avait été nommé à la Cour d'appel du Québec en 1971 et, l'année suivante, il s'était retrouvé juge en chef de la Cour supérieure. Il m'a dit que si on ne l'avait pas nommé juge en chef à ce moment-là, il aurait sans doute démissionné de la Cour d'appel parce qu'il passait toutes ses journées sur des causes qu'il avait l'habitude de confier jadis aux avocats stagiaires de son cabinet. Ce n'était pas des causes intéressantes. Il n'empêche qu'il a fini par laisser une marque impressionnante durant ses 20 années à la magistrature et je dirais qu'il fait sans doute partie de la demi-douzaine des meilleurs juges du Canada à ne pas avoir été nommés à la Cour suprême du pays.

    Cela me ramène donc à l'idée que nous devons disposer d'un appareil judiciaire qui exploite pleinement les qualités supérieures des personnes que nous voulons nommer. Cela étant posé, sachez que j'ai traité de cette question dans un récent article paru dans le Criminal Law Quarterly, dans lequel je prêche pour l'intégration des tribunaux de première instance afin d'améliorer la diversité des causes soumises aux juges. Cela permettait d'enrichir leur travail et de leur éviter de se retrouver enfermés dans un seul domaine du droit; nous assisterions à un décloisonnement des tribunaux qui pourraient entendre des causes plus diversifiées.

¹  +-(1540)  

    Dans cet article, j'illustre mon propos en parlant du droit pénal parce que les juges nommés par les provinces, et non ceux nommés par le fédéral, qui sont l'objet de votre étude, sont saisis de plus en plus de causes au criminel.

    Je pourrais approfondir ce sujet, mais je veux aussi vous parler d'un deuxième sujet qui m'intéresse, c'est celui du frein qu'il a été possible de mettre sur le favoritisme politique qu'exerce les gouvernements, grâce à l'intervention du Parlement, à notre réforme et au travail des comités de sélection dans les nominations à la magistrature. En revanche, le favoritisme politique a persisté sous d'autres formes qui ont un effet néfaste sur la pratique du droit et qui créent un climat de partisanerie dans la prestation des services juridiques de même, au bout du compte, que dans la nomination des juges. Je baptiserais cela de favoritisme juridique qui prend la forme d'un recours, par le gouvernement fédéral, à des mandataires privés pour offrir des services juridiques.

    L'exemple le plus notoire qui remonte aux années 80 et 90 a été la désignation de procureurs à temps partiel pour piloter les poursuites entreprises dans le cadre de la Loi sur les stupéfiants, sur ordre du ministre de la Justice, à partir de listes d'avocats de pratique privée. Quand les Conservateurs étaient au pouvoir, cette liste était constituée de noms d'avocats favorables au parti. Quand les Libéraux ont pris la relève, la liste est devenue libérale. Quand il a été nommé ministre de la Justice, Allan Rock a essayé d'éliminer cette forme de favoritisme, mais je crois comprendre que des têtes froides ont remporté la manche devant le caucus libéral, comme Herb Gray qui disait qu'une telle liste était nécessaire parce qu'elle permettait d'obtenir des contributions aux campagnes électorales. Personnellement, j'ai vu ces listes d'avocats, avec les sommes versées par chacun, pour la collectivité où je réside depuis de nombreuses années.

    Ainsi, si vous voulez réduire la place du favoritisme politique dans la nomination des juges, je vous recommande de commencer par réduire l'incidence du favoritisme politique au niveau des juristes mandatés par l'État. J'irai même plus loin en recommandant que les procédures judiciaires en matière de stupéfiants, à l'instar de toutes les autres poursuites entreprises en vertu de lois fédérales, relèvent de la responsabilité des gouvernements provinciaux plutôt que du gouvernement fédéral. Ce serait une façon de mieux utiliser les ressources dans la plupart des cas.

    Dans le temps qui me reste, je veux vous faire part de quelques idées venues d'ailleurs dont vous pourriez vous inspirer pour modifier le système actuel de comités de sélection et de nomination. À l'occasion d'un débat au mois de juin, en Chambre, j'ai constaté qu'il avait été question du fait que les gouvernements nomment trois des sept membres siégeant aux divers comités de sélection. Le gouvernement a rétorqué que c'était une façon de mobiliser la population et le secteur non professionnel autour de ce processus. Je pense effectivement que ce genre de participation est valable, mais il en existe d'autres.

    Par exemple, l'année dernière j'ai appris que les tribunaux irlandais sont maintenant administrés par le Irish Court Service qui est régi par un conseil de 16 membres composé d'autant de juges que de non-juges. Comme l'on craignait que le gouvernement jouisse d'une trop grande discrétion dans la nomination des non-juges, les Irlandais ont décidé de limiter la capacité du gouvernement à cet égard dans la loi. Ainsi, pour ce qui est de la représentation de la population, trois membres de ce conseil représentent, l'un, le secteur des affaires, l'autre les syndicats et le dernier les consommateurs. Les deux premiers sont nommés par une association nationale de gens d'affaires représentative, et par une centrale syndicale nationale également représentative du milieu. En Irlande, ce sont les différences économiques qui sont importantes parce que ce pays présente une moins grande diversité sur les plans de la race, de l'ethnicité et de la religion.

    Nous pourrions décider de faire d'autres choix pour que les autres segments de la société soient représentés, mais il faut savoir qu'il est possible de représenter la diversité de la population sans que le gouvernement ait tout le loisir de nommer qui lui convient.

¹  +-(1545)  

    Si vous vouliez franchir un pas de plus, vous pourriez vous inspirer de ce qui se fait dans l'État de Washington qui dispose d'une commission judiciaire dont les membres, qui représentent la population, sont sélectionnés de façon aléatoire à partir d'une liste d'électeurs. Cette formule est sans doute un peu plus aventureuse que je le souhaiterais, mais les Américains le font. Je n'ai pas parlé à des gens de l'État de Washington depuis quelques années, mais dans les années 90, quand j'étais là-bas, j'avais exprimé ma surprise à propos de cette formule et l'on m'avait répondu qu'elle donnait de bons résultats. Les représentants de la population sont sélectionnés au hasard et tous finissent par contribuer activement aux travaux du comité parce qu'ils prennent leur rôle au sérieux. Ce n'est donc certainement pas pour leur appartenance politique qu'ils sont choisis ou parce que quelqu'un au gouvernement les connaît.

    Il a également été question de la participation du barreau. Je pense que la question de la représentation du barreau aux comités consultatifs a été traitée de façon efficace, mais j'aimerais attirer votre attention sur les autres manières d'obtenir ce genre de participation.

    L'une des formules qui m'a le plus intrigué est celle qui est en vigueur en Illinois. L'État de l'Illinois n'a pas particulièrement un modèle de magistrature apolitisée, mais il a unifié ses tribunaux pour ne plus avoir qu'un seul tribunal de première instance dans chaque comté — une cour de circuit — et un ensemble de juges appartenant à ce circuit, juges qui sont élus par des électeurs à partir d'une liste politique. Comme ces juges peuvent ne pas avoir la capacité voulue d'entendre des causes assez difficiles, ils ont été amenés à s'entourer de juges puînés. Autrement dit, si un Républicain est élu dans le comté de Cook et qu'il ne peut pas entendre des causes affaires commerciales délicates, les juges qui se sont présentés au poste de juge principal, mais dont la candidature n'a pas été retenue, peuvent postuler à la fonction de juge puîné.

    L'État désigne donc des juges puînés du circuit. À cette étape, le barreau est invité à donner son avis. Il est invité à effectuer un sondage confidentiel auprès de tous les avocats qui pratiquent dans le comté où il y a un poste vacant; les résultats sont compilés de façon statistique et communiqués aux juges locaux qui savent comment les aspirants ont été notés par leurs collègues.

    L'ironie, c'est qu'il est arrivé que celui qui s'était classé en tête de la liste des juges puînés du circuit soit nommé. Il s'était classé troisième au concours et, quand il s'est présenté à l'élection suivante, il a été élu et il est donc devenu juge principal du circuit et a gagné plus d'argent que celui qui avait obtenu de meilleures notes que lui au mérite.

¹  +-(1550)  

+-

    Le président: Pouvez-vous conclure, professeur?

+-

    M. Carl Baar: Excusez-moi, je me perds dans les exemples.

+-

    Le président: Attendez-vous qu'on vous des questions.

+-

    M. Carl Baar: C'est ce que je vais faire.

    Avant de terminer, j'aimerais proposer que l'on confie la nomination des juges en chef, des juges en chefs adjoints et des juges principaux régionaux à leurs homologues plutôt qu'au gouvernement.

    J'ai donc cherché à vous présenter d'autres formules qu'il conviendrait d'examiner dans le dessein de créer un climat et un système grâce auquel la nomination de juges qualifiés et compétents permettrait de produire des jugements plus efficaces et de meilleure qualité et de promouvoir le genre de système judiciaire dont nous aurons tout lieu de nous enorgueillir.

[Français]

+-

    Le président: Merci beaucoup, professeur Baar.

    Maître Moore, vous disposez de sept minutes.

[Traduction]

+-

    M. Rob Moore (Fundy Royal, PCC): Merci, monsieur le président, et merci à nos témoins pour leurs témoignages intéressants.

    Nous avons entendu nombre de témoins jusqu'ici et je ne sais pas s'il existe un terrible secret au Canada ou quelque chose du genre, mais je me demande si on nous aurait confié l'examen de cette question si tous les juges, une fois nommés, agissaient de la même façon. On dirait que nous hésitons, au Canada du moins, à reconnaître que le bagage des gens, quel qu'il soit, politique ou autre, peut avoir un résultat sur le produit de leur travail.

    Maître Tabor, je vous ai entendu dire que, dans l'ensemble, les choses fonctionnent bien. C'est peut-être vrai du point de vue des juristes et des organismes judiciaires, mais il y a toutes les autres dimensions de notre appareil de justice. En fin de compte et au vu des décisions qui sont rendues, nombreux sont les Canadiens à penser que les choses ne vont pas aussi bien, que ce soit dans en justice pénale ou dans d'autres domaines du droit.

    Je vais vous poser une question que j'avais posée à un autre groupe. Pourquoi ne veut-on pas, au Canada, reconnaître que l'obédience politique peut jouer un rôle? Il y a des gens qui sont très ouverts et qui disent que, si les Libéraux ont la majorité, c'est parce que les Canadiens ont voté pour eux. Les gens au pouvoir entretiennent une vision libérale du Canada et ils ont le droit de nommer des juges qui partagent cette vision; ce serait la même chose s'il s'agissait d'un gouvernement conservateur ou d'un gouvernement néo-démocrate.

    Personnellement, je ne suis pas de cet avis, mais je sais qu'il y a des gens qui pensent ouvertement ainsi. Aux États-Unis, on est ouvert à cet égard. Il y a ceux qui sont républicains, ceux qui sont démocrates et tout le monde s'exprime ouvertement sur les grands dossiers comme la séparation de l'Église et de l'État et les enjeux commerciaux. Les penchants politiques de ces juges sont ouvertement connus aux États-Unis. En revanche, au Canada, certaines décisions ou opinions... Quelqu'un pourra dire qu'il est implacable envers la criminalité, qu'il est pro-choix ou autre. Il arrive donc que des juges fassent ouvertement savoir ce qu'ils pensent en dehors de la scène juridique; aux États-Unis, ils précisent leurs tendances politiques et c'est autour de cela que se font les nominations.

    Je me demande donc pourquoi, au Canada, on répugne à reconnaître cette réalité. Vous avez mentionné, à deux reprises, que la population risquait d'entrevoir le visage du favoritisme politique. Or, si notre comité a été saisi de cette question, c'est parce que nous n'en sommes plus à de simples impressions de favoritisme politique, mais parce qu'il y a eu des incidents où des juges ont été nommés à cause de leur affiliation politique.

    Pourriez-vous nous dire pourquoi ce secret est aussi bien gardé?

¹  +-(1555)  

+-

    M. Brian Tabor: Permettez-moi tout d'abord de faire machine arrière. J'estime que nous avons intérêt à recourir à une multiplicité d'expériences pour alimenter le processus de prise de décisions. Quand les Canadiens ont des problèmes, ils se tournent vers des juges pour trancher. Je crois donc que nous ressortons gagnants dès que nous profitons d'une multiplicité d'expériences ou de points de vue permettant d'éclairer le processus décisionnel dans le contexte du droit.

    D'un autre côté, nous avons déclaré que la participation à des activités politiques ne doit pas être un critère de sélection, mais ce ne doit pas être non plus un motif de rejet. Participer à des activités politiques, c'est s'engager dans la société, s'engager envers la collectivité en général. Il est bon d'avoir des candidats qui sortent de leur petite sphère spécialisée et qui sont donc en mesure d'apporter un point de vue plus ouvert au processus décisionnel.

+-

    M. Rob Moore: Je n'ai entendu personne dire que, sous prétexte qu'un tel avait été membre du Parti conservateur ou du Parti libéral, il ne devait pas être juge. Ce n'est certainement pas ce que je soutiens, mais comment savoir quand nous avons à faire à du favoritisme politique?

    Nous avons lu ce qui a paru dans la Gazette de Montréal qui nous a appris que 60 ou 70 p. 100 des juges récemment nommés au Québec par le fédéral avaient, peu de temps auparavant, fait des dons au Parti libéral... à moins que ce ne fut qu'une extraordinaire coïncidence. Eh bien, je me suis renseigné et j'ai constaté que seulement 0,05 p. 100 des Canadiens font des dons à des partis politiques, et quand on constate que 70 p. 100 des juges récemment nommés ont cotisé à un parti, j'estime qu'il y a lieu de se demander si nous n'avons pas à faire à des nominations politiques.

    Ne pensez-vous pas que cela prouve que ces nominations ont été faites en fonction de l'obédience politique de ces personnes? Et si c'est le cas, n'avons-nous pas dépassé le stade des impressions de favoritisme politique qui règnent dans la population?

+-

    M. Brian Tabor: Cela ne revient pas à dire que les personnes qui ont été nommées juges n'étaient pas des candidats méritoires. Je n'ai pas entendu cela. Personne n'a laissé entendre qu'un seul de ces juges n'était pas méritoire. Ils ont dû être sélectionnés par les comités consultatifs. Ces comités ont dû examiner leurs qualifications et faire des recommandations en fonction des postes à combler. C'est là une fonction modératrice.

+-

    M. Rob Moore: Moi non plus, je n'ai pas laissé entendre que ces gens-là n'étaient pas compétents, qu'ils ne méritaient pas d'être juges. En revanche, la question que je vous pose est la suivante: si 70 p. 100 des personnes nommées ont récemment versé de l'argent au Parti libéral, n'y voyez-vous pas une preuve de favoritisme politique? Ne pensez-vous pas que la population canadienne pourrait y voir du favoritisme politique? À quoi associez-vous cela si ce n'est à du favoritisme? Je ne suis pas en train de porter de jugement et de dire que cette sélection n'était pas valable, que ce ne sont pas de bons juges. Pensez-vous que quelqu'un, à un moment donné, aurait pu examiner la liste des donateurs du Parti libéral avant de faire ces nominations ou ne sommes-nous qu'en présence d'une fantastique coïncidence?

º  +-(1600)  

+-

    M. Brian Tabor: Nous recommandons une chose depuis toujours: il faut se tourner vers les comités consultatifs de la magistrature pour obtenir des recommandations quant au candidat à nommer, pour examiner les qualifications et les mérites comparatifs des différents candidats et pour sélectionner la personne qui se détache du lot. Nous en sommes donc revenus à une application rigoureuse des normes de qualification pour s'assurer que le favoritisme politique n'entre pas en ligne de compte.

+-

    Le président: Professeur Barr.

+-

    M. Carl Baar: À ce sujet, je dirais qu'il y a deux facettes à cela.

    D'abord, il ne fait aucun doute que le favoritisme politique joue un rôle important. J'espère qu'il joue un rôle moins important aujourd'hui qu'il y a 20 ans, par exemple, quand j'enseignais à l'Université Brock et que le tribunal local de St. Catharines s'était fait parachuté un juge — c'était avant l'époque des comités de sélection — qui avait été président de l'association de circonscription de John Munro. Le barreau local de Hamilton avait refusé qu'il soit nommé juge à Hamilton et on l'avait donc nommé à St. Catharines. Je m'en suis franchement ouvert à un député fédéral qui m'a rétorqué que le favoritisme politique était une chose de la vie. Eh bien, je suis heureux de constater que nombreux sont les députés, un peu partout au pays, à ne plus considérer que tel est le cas.

    L'une des raisons pour lesquelles j'estime que le favoritisme politique est si dangereux, c'est qu'il ne revient pas à la même chose que faire nommer des juges ayant des bagages et des points de vue différents. J'ai travaillé avec des juges un peu partout au Canada. Eh bien, s'agissant de la réforme des tribunaux et de l'adaptation au changement, sachez que l'un des juges que j'ai rencontrés en Ontario, et qui était l'un des plus conservateurs à cet égard, était ouvertement associé au Parti libéral. J'ai, par ailleurs, souvent trouvé des juges associés au Parti conservateur qui étaient beaucoup plus engagés sur la voie de l'innovation dans leur domaine et qui essayaient beaucoup plus de trouver des solutions et d'appliquer d'autres approches.

    Il y a des années, nous avons étudié la question de l'exécution des pensions alimentaires pour enfants dans un tribunal de la famille en Ontario. Les juges qui avaient oeuvré le plus fort pour faire respecter les pensions alimentaires n'étaient pas des femmes ou n'étaient pas définis comme des juges féministes. C'est en fait quelques-uns des juges les plus conservateurs qui s'étaient fait le plus entendre.

    Ainsi, dans la limite où le bagage personnel a une effet sur les résultats, je pense que nous devrions nous efforcer de diversifier la magistrature. Nous devons prendre acte que les juges n'appliquent pas tous les approches et qu'ils n'ont pas tous les mêmes attitudes, mais il ne faut pas associer cela au fait qu'ils donnent de l'argent à tel ou tel parti.

[Français]

+-

    Le président: Merci beaucoup, professeur Baar.

    Maître Lemay, vous disposez de sept minutes.

+-

    M. Marc Lemay (Abitibi—Témiscamingue, BQ): D'abord, je veux remercier nos distingués invités.

    Ma première question s'adresse à l'Association du Barreau canadien.

    Auprès de qui le rapport McKelvey a-t-il été déposé? À qui avez-vous fait ces recommandations? On parle d'un rapport qui date de 1985. Où ce rapport est-il allé?

[Traduction]

+-

    M. Brian Tabor: Il s'agissait d'un rapport de l'Association du Barreau canadien que notre conseil avait adopté et remis au ministre de la Justice de l'époque, vers 1985.

[Français]

+-

    M. Marc Lemay: Qui était, à ce moment-là, conservateur. Avez-vous eu des réponses à ce rapport?

[Traduction]

+-

    M. Brian Tabor: C'était un membre du Parti conservateur.

[Français]

+-

    M. Marc Lemay: Est-ce que vous avez eu des réponses. Y a-t-il eu des améliorations à la suite de vos recommandations?

º  +-(1605)  

[Traduction]

+-

    Mme Tamra Thomson (directrice, Législation et réforme du droit, Association du Barreau canadien): En fait, la plupart des changements qui ont été apportés au processus entre 1986 et 1989, et par la suite, découlaient des recommandations du rapport McKelvey.

[Français]

+-

    M. Marc Lemay: Ma seconde question est complémentaire à la première. Depuis les modifications qui ont été apportées jusqu'en 1988-1989, voyez-vous aujourd'hui, face à notre comité, des recommandations essentielles qui n'ont pas été mises en vigueur?

[Traduction]

+-

    M. Brian Tabor: L'une des recommandations qui n'a pas été mises en vigueur est celle de la période d'attente. À cette époque, nous avions recommandé d'adopter une période d'attente de deux ans entre un engagement politique actif et l'acceptation d'une fonction de juge. Cette recommandation n'a pas été mise en oeuvre et elle constitue l'une de nos principales recommandations contenues dans notre rapport d'aujourd'hui.

    Ma collègue vient de me rappeler que, selon nous, l'application des critères devrait être plus rigoureuse. C'est l'autre recommandation que nous vous faisons aujourd'hui. Les candidats recommandés dans la catégorie « recommandé » ou « fortement recommandé » doivent être les meilleurs. Nous estimons que ce serait une façon de réduire le panier de candidats et donc de limiter l'influence politique dans les choix effectués par le ministre.

[Français]

+-

    M. Marc Lemay: Seriez-vous d'accord pour qu'il y ait une audition pour les candidats potentiels? Seriez-vous d'accord pour que, lorsque quelqu'un pose sa candidature, le comité, peu importe sa composition, le rencontre? Il y aurait des auditions obligatoires, pour connaître les qualités des candidats.

    Je pose ma question aux trois invités, évidemment. Je m'excuse, monsieur Baar, mais vous pouvez y répondre également. Seriez-vous d'accord pour recommander qu'il y ait des auditions obligatoires, afin qu'on puisse connaître les candidats et les candidates?

[Traduction]

+-

    M. Brian Tabor: Nous pensons que l'audition ne devrait pas être obligatoire. Le comité consultatif de la magistrature pourrait, à l'étape de l'évaluation du lauréat, déterminer s'il est nécessaire de le rencontrer pour lui poser des questions afin de déterminer s'il convient pour le poste. En revanche, nous recommandons que cette décision relève uniquement du comité, plutôt que d'en faire une procédure obligatoire.

+-

    M. Carl Baar: Si vous me le permettez, monsieur, je soutiens pour ma part qu'il serait intéressant de tenir ce genre d'audience. En anglais, les autres témoins vous ont parlé d'entrevue, mais j'opterais plutôt pour une audition. On appliquerait cette formule à toute personne...

[Français]

+-

    M. Marc Lemay: C'est comme « société distincte », ce n'est pas clair. Je vais apporter des précisions. Merci, monsieur Baar.

    Je ne parle pas d'une audition publique en comité comme on en fait aux États-Unis. Pour moi, il s'agirait effectivement d'une entrevue confidentielle, mais qui serait obligatoire, afin d'identifier les personnes qui n'ont pas d'affaire là. Comprenez-vous ce que je veux dire?

    Qu'en pensez-vous, monsieur Baar?

[Traduction]

+-

    M. Carl Baar: Voilà pourquoi je suis favorable à la procédure d'audition qui, je pense, vous a été recommandée par plusieurs témoins ayant comparu devant vous dans les dernières semaines. Je serais prêt à discuter avec mes collègues de la nécessité éventuelle de prévoir cela dans la loi, mais si l'on doit se retrouver avec une liste de présélection, il serait intéressant, par principe, de faire une entrevue des candidats.

    La méthode la plus efficace consisterait, pour le comité, à recommander une seule candidature comme cela se fait dans certaines provinces, comme le Québec et l'Ontario. Dans ce cas, si le comité désirait recommander un seul candidat, il serait essentiel d'interviewer tous ceux dont les noms apparaîtraient sur la liste de présélection. Si l'on devait retenir une liste plus importante, cette procédure ne serait pas nécessaire, mais en Colombie-Britannique, par exemple, où la liste des candidats possibles était plus longue, on a interviewé tous les candidats après la présélection. Cela leur a donné à tous la possibilité de traiter des aspects à propos desquels ils avaient eu des difficultés.

    Je vais vous donner un exemple. Il y a quelques années de cela, dans l'extrême nord de la Colombie-Britannique, un poste de juge s'était libéré et un Afro-Canadien venant du Lower Mainland de Vancouver, s'était présenté. Le comité voulait lui demander comment il envisageait de fonctionner dans cette partie très différente de la province où il n'y avait pas beaucoup d'autres personnes de la même origine ethnique que lui. Les membres du comité lui ont finalement posé la question avec le plus de délicatesse possible. Le candidat les a regardé et souriant et leur a déclaré: « Je pense que j'aurais un avantage si je siégeais dans ce district ». Lequel, ont-ils demandé? « On me retrouverait facilement dans la neige. » Il venait de montrer qu'il avait le sens de l'humour nécessaire pour être un bon juge. Il a ensuite mené une longue et prestigieuse carrière de juge à la Cour provinciale de la Colombie-Britannique et, il y a quelques années, le gouvernement libéral l'a nommé à la Cour suprême de cette province où il siège encore aujourd'hui et jouit du respect de ses collègues.

    Je pense donc que les entrevues peuvent être très utiles.

º  +-(1610)  

[Français]

+-

    M. Marc Lemay: Est-ce que la position du Barreau canadien pourrait être modifiée un peu, si on parlait d'entrevues?

[Traduction]

+-

    M. Brian Tabor: Nous ne nous opposons pas à l'entrevue de candidats par le comité consultatif de la magistrature.

[Français]

+-

    M. Marc Lemay: Merci.

+-

    Le président: Merci, monsieur Lemay.

    Maître Comartin, c'est à vous.

+-

    Mr. Joe Comartin (Windsor—Tecumseh, NDP): Merci, monsieur le président.

[Traduction]

    Merci à tous de vous être rendus à notre invitation.

    Maître Tabor, le professeur Baar a suggéré que les cours d'appel sélectionnent le juge en chef...

    Professeur Baar, je me demande si j'ai bien compris votre suggestion, à savoir qu'à la Section de première instance également, les juges déjà en place choisiraient le juge en chef.

    Cela fonctionnerait donc au deux paliers?

+-

    M. Carl Baar: Oui.

+-

    M. Joe Comartin: Pouvez-vous nous en dire plus, parce que c'est la première fois que nous entendons parler de cela?

+-

    M. Brian Tabor: Nous recommandons que ces nominations soient faites par le comité consultatif de la magistrature.

    Il faut être certain que la nomination du juge en chef soit avalisée par les autres juges et que ces derniers y soient favorables. Il est important que le barreau soit représenté et que des néophytes siègent au comité afin de disposer de plusieurs avis relativement au choix du juge en chef. Ce genre d'évaluation interviendrait dans les nominations.

+-

    M. Joe Comartin: S'agissant de la diversité, depuis une bonne décennie l'Association du Barreau canadien recommande de nommer des personnes autochtones ou appartenant aux Premières nations ou aux différents échelons des cours et tribunaux, surtout des cours supérieures, de la cour d'appel et même la Cour suprême. À part ces recommandations, vous avez insisté auprès du gouvernement pour qu'il agisse dans ce sens, compte tenu du manque de juges présentant actuellement ce genre de bagage.

+-

    M. Brian Tabor: Toutes ces recommandations découlent des résolutions adoptées par l'Association du Barreau canadien. L'une d'elles consiste justement à soumettre des résolutions à l'attention du gouvernement et à parler avec lui de leur mise en oeuvre. Ainsi, quand une résolution prévoit une augmentation du nombre de juges bilingues pour s'assurer que les francophones hors Québec puissent être entendus dans leur langue, nous écrivons au ministre et lui demandons de faire en sorte que le bilinguisme devienne un des critères de sélection au mérite dans la nomination des futurs juges.

º  +-(1615)  

+-

    M. Joe Comartin: L'Association du Barreau canadien agit-elle sur un autre plan dans ce dossier?

+-

    M. Brian Tabor: Nous comparaissons devant votre comité aujourd'hui.

+-

    M. Joe Comartin: Eh bien, il est possible que nous puissions prendre le relais.

    J'en ai terminé avec mes questions.

[Français]

+-

    Le président: Merci beaucoup.

    Nous allons passer à Me Macklin.

[Traduction]

+-

    L'hon. Paul Harold Macklin (Northumberland—Quinte West, Lib.): Merci beaucoup, monsieur le président, et merci à nos témoins pour leur présence.

    Je vais commencer par m'adresser au professeur Baar. Vous avez dit que tout cela ne devait pas servir à améliorer la qualité des juges, mais à bonifier les jugements rendus. Quel critère pensez-vous qu'il faudrait appliquer dans la sélection des juges afin de réaliser cet objectif?

+-

    M. Carl Baar: Il faut que les juges aient une certaine compétence dans le genre de dossiers que les cours sont appelées à traiter au quotidien. Il arrive souvent que ces causes ne correspondent pas au quotidien des avocats, les meilleurs soient-ils, qui ont tendance à s'intéresser davantage au droit des sociétés et au droit commercial. Le gros du travail quotidien des tribunaux consiste à régler des différends familiaux, à juger des causes criminelles et à se pencher sur des différends au civil. Il est très souvent question d'accidents de la route, de règlements de dettes et de choses très banales de ce genre. Il est donc important de trouver des personnes qui seront en mesure de consacrer toute leur attention à ce genre de questions à long terme.

    C'est la même chose... Pendant des années, j'ai enseigné à l'Université Brock qui accordait une grande attention à l'enseignement. J'y ai consacré une grande partie de mes efforts. Mes homologues de l'Université de Toronto, eux, avaient des classes plus petites, ils n'enseignaient qu'à des étudiants des second et troisième cycles et ils passaient beaucoup de temps en recherche. Ils ne passaient pas beaucoup de temps à enseigner aux enfants des familles ouvrières qui constituaient la première génération à aller à l'université.

    Pour faire ce genre de travail, il faut être dévoué et intéressé. S'ils acceptaient de voir les choses bien en face, je pense que les meilleurs avocats au pays ne voudraient pas être juges, parce qu'ils savent que le travail quotidien d'un juge n'a rien à voir avec celui d'une pratique privée.

    Il faut établir un lien entre les besoins du poste et les qualités ainsi que les intérêts des candidats afin de trouver des personnes qui demeureront intéressées à la tâche. Par ailleurs, comme je l'ai recommandé dans un autre écrit, il faudrait donner à ces juges la possibilité de changer et de passer d'un domaine du droit à l'autre. Il leur faut, certes, se spécialiser dans une certaine mesure, mais rien ne dit qu'ils aient à passer 10 à 20 ans sur le même genre de dossiers. On pourrait leur demander de le faire pendant quelques années avant de leur donner l'occasion de passer à d'autres domaines du droit et de développer d'autres intérêts dans le contexte de la compétence de leur tribunal ou de leur cour.

+-

    L'hon. Paul Harold Macklin: Je ne suis pas certain que cela réponde à ma question. Ce que je veux dire, c'est qu'en matière de bonification des jugements, je ne pense pas nécessairement... J'associe le travail de juge à un art. J'estime que la capacité de rendre un jugement est tout à fait spécial et unique. En revanche, vous me semblez établir un lien entre la capacité d'un juge à rendre des jugements de haute qualité et sa connaissance de tel ou tel domaine ou le fait qu'il ait exercé sa profession dans un domaine donné.

    N'aurais-je donc pas compris ce qui fait un bon juge? Vous dites qu'il faut examiner le bagage professionnel des candidats dans un domaine particulier du droit. Des témoins sont venus nous dire que l'on dispense de nouveaux cours. En Israël, par exemple, les candidats à la fonction de juge sont invités à quelques semaines de formation. On teste ensuite leur capacité à rendre un jugement et à faire face aux problèmes. Leur domaine de spécialisation durant leur carrière n'a rien à voir.

    J'essaie de faire la part entre les deux choses: d'un côté, la qualité et la capacité d'une personne à juger et, d'un autre, le bagage professionnel de cette personne. Vous, vous dites que la qualité des jugements exige la combinaison des deux. Personnellement, j'aurais pensé que c'était deux choses différentes. Autrement dit, les caractéristiques qui font qu'un juge est un bon juge n'auraient rien à voir avec le domaine du droit dans lequel il aurait exercé précédemment.

º  +-(1620)  

+-

    M. Carl Baar: Vous avez raison, j'ai plutôt insisté sur le genre de travail qu'ils font et non sur leurs qualités personnelles. En vous entendant parler de tout cela et décrire ce qui se fait en Israël, je me suis rappelé m'être trouvé à Bhopal, en Inde, en mars dernier, à l'Académie nationale de la magistrature qui est dirigée par un brillant juriste, une personne exceptionnelle. Il m'a expliqué le programme d'enseignement.

    Le tiers du temps est consacré à l'épanouissement personnel. Tous les juges doivent faire du yoga parce qu'il estime que cet exercice ouvre la conscience et qu'il permet de prendre conscience de soi, de bonifier la personnalité.

    Chez nous, dans notre culture, nous pourrions avoir recours des exercices différents. J'estime que toute la formation linguistique que l'on a donnée aux juges au fil des ans au Canada était destinée à promouvoir un certain sens de la fierté nationale et de la compréhension du pays. Je me rappelle un juge de l'Alberta qui avait passé du temps à Québec pour y apprendre le français. Je m'étais entretenu avec lui. Il avait eu une sérieuse discussion avec son épouse sur le fait de savoir si un candidat à la direction du Parti conservateur, dans les années 80, aurait pu se présenter s'il n'avait pas été bilingue. Je me suis dit que ce type-là avait acquis une compréhension tout à fait différente du pays après sa formation linguistique.

    Je crois donc que nous pourrions faire toute une série de choses pour ouvrir les esprits et améliorer l'épanouissement personnel des juges. C'est essentiel. Nous supposons que tous les juges sont intègres et honnêtes. Ailleurs dans le monde, dans les pays où j'ai travaillé, vous n'avez pas idée de ce qui se passe, parce qu'un juge sur trois ou quatre environ accepte des pots-de-vin.

    Il y a donc des choses auxquelles nous tenons. L'une des raisons pour lesquelles j'ai insisté sur la compétence dans certains domaines du droit, c'est qu'après la réorganisation à laquelle nous avons assisté ces dernières années, les causes jugées en première instance et qui se retrouvent devant les cours supérieures sont surtout des causes au civil. Au Nouveau-Brunswick, par exemple, il ne se déroule que quelques procès au pénal chaque année et certains juges estiment qu'ils n'ont pas forcément les connaissances nécessaires de ce type de droit pour juger de telles causes. D'un autre côté, on se rend compte que les cours provinciales sont presque exclusivement saisies de causes criminelles. Nos tribunaux de la famille sont essentiellement des tribunaux de compétence fédérale, mais on y retrouve un mélange de juges nommés par le fédéral et de juges nommés par le provincial. Ils se retrouvent tous dans des tribunaux de la famille provinciaux, mais ils se spécialisent de plus en plus notamment parce qu'un juge qui a été nommé en vertu de l'article 96 à une cour supérieure n'a pas envie d'entendre des causes relevant du droit de la famille.

+-

    L'hon. Paul Harold Macklin: Revenons un peu en arrière, parce que j'essaie de comprendre quelque chose.

    Que cherche-t-on à faire à l'étape de la répartition par catégorie effectuée par le comité consultatif? Selon moi, il est question de repérer les candidats les plus méritoires au regard des caractéristiques qu'ils ont affichées durant leur carrière professionnelles, de leur capacité de rendre des décisions judiciaires (et pas nécessairement en fonction des domaines dans lesquels ils ont pratiqué. Il se pourrait que le domaine de spécialisation amène le juge en chef à fixer son choix sur tel candidat plutôt que sur tel autre parce qu'il manquera de juges puînés dans un certain domaine. Ne faudrait-il pas que les recommandations des comités consultatifs visent à repérer les juges ayant la capacité voulue de rendre un jugement plutôt que d'établir un lien avec leur domaine de compétence?

    Je n'ai pas demandé à l'Association du Barreau canadien si elle avait quelque chose à dire à ce sujet.

º  +-(1625)  

+-

    M. Carl Baar: Permettez-moi de résumer ma pensée à ce sujet.

    J'estime que cela dépend de la façon dont les comités consultatifs seront structurés. S'il est principalement question de trouver des personnes qui deviendront d'excellents ou de très bons juges, les listes établies devront être fonction des qualités personnelles de chacun parce qu'elles permettront ensuite de faire des choix en fonction de toute une gamme de nominations. Vous pourriez également faire comme certaines provinces dont les comités consultatifs effectuent des sélections plus serrées et dressent des listes de présélection réduites en fonction des postes vacants identifiés parce qu'il est alors question de trouver des gens que l'on va nommer dans un tribunal de la famille, dans un tribunal criminel ou encore dans un tribunal qui traite essentiellement de causes au civil. Dans ce dernier cas, il convient de tenir compte des spécialités.

    J'espère qu'à l'étape de l'entrevue, on poserait ce genre de question aux candidats: « Vous êtes un avocat particulièrement brillant, hautement considéré par ses collègues. Ne craignez-vous pas que vous pourriez finir par vous ennuyer en faisant le genre de travail que vous pourrez être appelé à faire dans ce tribunal? » C'est le genre de question que je poserai aux candidats si je siégeais à un tel comité.

+-

    Le président: Ce sera votre dernière question, Paul.

+-

    L'hon. Paul Harold Macklin: Bien. Je voulais simplement entendre la réaction de l'Association du Barreau canadien.

+-

    M. Brian Tabor: Pour notre part, nous estimons qu'il faut tenir compte de toutes les caractéristiques afin de sélectionner le candidat le plus méritoire. La capacité intellectuelle, l'excellence dans un domaine du droit, la capacité de travailler très fort et l'empathie sont quelques-unes de ces caractéristiques. La liste des caractéristiques d'un juge est longue. Nous ne sommes pas d'accord avec le fait que l'on se concentre sur telle ou telle caractéristique, mais plutôt qu'il faut examiner toutes les qualités des candidats et qu'il faut comparer les candidats entre eux pour prendre la meilleure décision.

[Français]

+-

    Le président: Merci beaucoup, maître Tabor.

    Mr. Warawa.

[Traduction]

+-

    M. Mark Warawa (Langley): Merci. J'apprécie la visite de nos témoins.

    Mes questions vont porter sur le processus d'évaluation et la composition du comité consultatif.

    Maître Tabor, vous avez parlé des trois catégories: « fortement recommandé », « recommandé » et « incapable de recommander ». Cela étant, la répartition des candidats à la présélection devrait permettre d'obtenir une sorte de cloche où la majorité d'entre eux se retrouveraient dans la partie médiane. À gauche, il y aurait ceux que l'on ne peut recommander et, à droite, ceux qui sont « hautement recommandés ».

    Des témoins qui vous ont précédé devant le sous-comité ont recommandé qu'on ne retienne que les candidatures « hautement recommandées ». Or, j'ai cru vous entendre dire que, selon vous, il faudrait également considérer ceux qui sont « recommandés ». Vous ai-je bien compris? Dans l'affirmative, pourquoi ne pas considérer uniquement les candidats « hautement recommandés »?

+-

    M. Brian Tabor: Vous m'avez bien compris. Nous recommandons d'effectuer la sélection à partir des deux catégories « recommandé » et « hautement recommandé ». Si les comités appliquent rigoureusement les normes que nous proposons, ils se retrouveront avec un petit nombre de candidats hautement recommandés. Le nombre des candidats « recommandés » serait, lui, plus important.

    Il faut réaliser un équilibre pour établir un palier de candidats à partir desquels il sera possible d'alimenter les divers postes vacants dans les tribunaux. Par exemple, si un poste vacant exigeait une compétence, une capacité ou une spécialisation en droit criminel, mais qu'on ne trouve pas de candidat présentant ce genre de profil dans la catégorie des « hautement recommandé », il faudra peut-être, pour la nomination en question, se tourner vers la catégorie des candidats « recommandés ». Le fait de disposer de deux catégories dans lesquelles on pourra puiser confère plus de souplesse pour répondre aux besoins du processus de nomination et des tribunaux.

º  +-(1630)  

+-

    M. Mark Warawa: Ainsi, pour bien préciser les choses, si le nombre de candidats « hautement recommandés » était assez important pour combler tous les postes vacants, accorderiez-vous la préférence à cette catégorie ou voudriez-vous tout de même que l'on ait la possibilité de puiser dans les deux catégories, « recommandé » et « hautement recommandé », si le nombre de candidats présélectionnés est suffisant pour combler les postes?

+-

    M. Brian Tabor: Si nous appliquons rigoureusement les critères de sélection, nous nous retrouverons avec deux listes de présélection relativement courtes, ce qui conférera l'équilibre nécessaire pour satisfaire aux besoins de la dotation.

    Ce que je crains, c'est que nous n'enfermions les gens dans de petites cases. Nous recommandons de faire des nominations au mérite et de disposer d'une souplesse telle qu'il soit possible de puiser dans le bassin des candidats présélectionnés pour doter le poste. En revanche, si l'on applique rigoureusement les critères établis, les candidats retenus seront tous très forts, très compétents. Ainsi, nous nous retrouverons avec un panier de candidats réduit et cela permettra de régler le problème des jeux d'influence politique qu'occasionne un trop grand nombre de candidats.

+-

    M. Mark Warawa: C'était précisément la préoccupation exprimée, autrement dit que si, pour des raisons politiques, on préfère un candidat « recommandé » à un candidat « hautement recommandé », cela n'irait pas dans le meilleur intérêt de la magistrature canadienne. Nous ouvririons la porte aux nominations politiques. Les témoins qui vous ont précédé nous ont recommandé de ne retenir que les candidats « hautement recommandés ».

    Merci pour vos commentaires.

+-

    M. Brian Tabor: Pour reprendre votre analogie de la cloche, ce que nous recommandons, c'est de comprimer le sommet de la cloche pour pousser plus de candidats dans la catégorie « hautement recommandé ».

+-

    M. Mark Warawa: Dans le peu de temps qui nous reste, j'aimerais entendre la réponse du professeur Baar. Qu'en pensez-vous: recommandé et hautement recommandé ou hautement recommandé seulement?

+-

    M. Carl Baar: Pour ce qui est...?

+-

    M. Mark Warawa: Pour ce qui est des personnes que recommanderait le comité consultatif.

+-

    M. Carl Baar: J'aime bien la façon dont Me Tabor vient de formuler cela.

    Quand j'y pense, ça me rappelle l'entretien que j'ai eu avec le comité provincial et le comité fédéral en place en Alberta, il y a plusieurs années. J'ai posé une question très directe pour un professeur. J'ai demandé au responsable du comité des nominations provinciales ce qu'il fallait pour être retenu sur sa liste: fallait-il un A, un B ou un C? Il m'a répondu que, même avec un C, on se retrouvait sur sa liste. J'ai alors demandé au président du comité de sélection des candidats juges nommés en vertu de l'article 96 quelle note il exigeait. Il m'a répondu « un A ».

    Ce que Me Tabor suggère, c'est qu'un candidat puisse tout de même se retrouver sur la liste avec un B, mais pas avec un C parce que ce serait insuffisant.

    Nous devons avoir une certaine souplesse mais pas trop tout de même parce qu'en appliquant la formule du comité des nominations provinciales en Alberta, par exemple, vous pourriez vous retrouver systématiquement avec des candidats du bas de liste. Un ministre ou quelqu'un d'autre au gouvernement pourrait vouloir faire nommer telle ou telle personne et donc faire ajouter un nom à la liste. À l'étape de la sélection définitive, on passerait par-dessus des candidats parfaitement qualifiés pour en arriver à celui qui aurait à peine fait la liste, mais qui bénéficierait d'une préférence politique. Ce faisant, vous passeriez à côté de toute une série d'excellents candidats.

    Il faut donc imposer des contraintes à l'autorité chargée de faire des nominations pour qu'elle ne court-circuite pas les bons candidats dûment sélectionnés, pour choisir quelqu'un de nouveau que l'on veut récompenser pour des raisons politiques plutôt que pour les qualités que présente cette personne au regard du poste à occuper.

º  +-(1635)  

+-

    M. Mark Warawa: Ai-je le temps de poser une brève question?

+-

    The Chair: Rapidement.

+-

    M. Mark Warawa: Merci.

    Je vais rapidement passer à ma dernière question qui concerne les juges provinciaux.

    En règle générale, ces juges ne soumettent pas leur candidature à des nominations fédérales parce qu'il semblerait qu'ils sont en dehors des cercles politiques. De quelle façon pourrait-on inciter les juges provinciaux à postuler à des fonctions fédérales? Ils ont l'expérience, ils ont une fiche de route et on peut voir tout de suite s'ils pourraient faire de bons candidats à des postes fédéraux.

+-

    M. Brian Tabor: Je pense que le ministre a cherché à faire en sorte que les gens soient mieux informés. Les postes vacants et les critères de soumission des candidatures sont plus largement diffusés, cela pour attirer l'attention de ceux et de celles qui pourraient avoir les qualités recherchées et qu'ils puissent soumettre leur candidature. C'est prometteur, mais cela dépend des gens. Il revient à ces candidats potentiels de prendre effectivement la décision de soumettre leur candidature.

+-

    M. Carl Baar: Par ailleurs, c'est un des domaines dans lesquels il faut assurer la confidentialité. Si la liste des postulants était rendue publique et que quelqu'un puisse découvrir qu'un juge en fonction n'a pas été retenu à l'étape de la présélection, pour un autre poste de juge, cela risque de décourager les candidats. D'où la nécessité d'assurer la confidentialité.

    Ce dont vous parlez ici, je pense, reviendrait à encourager les juges de la Colombie-Britannique et du Québec, parce qu'il s'agit des deux seules provinces qui nomment des juges à leur niveau pour exercer toute la gamme des compétences des tribunaux, qui posséderaient l'expérience et la compétence nécessaire pour obtenir d'excellentes notes dans le cadre d'un recrutement, par un comité, en vertu de l'article 96. Ils auraient donc la possibilité de faire preuve de leurs compétences.

    J'espère, personnellement, qu'un de mes anciens étudiants qui est juge en Colombie-Britannique se présenterait à un des postes dotés en vertu de l'article 96. Lui me dit qu'il préfère le travail de la cour où il siège. Pourtant, il pourrait faire un excellent boulot. D'un autre côté, comme son tribunal fonctionne tellement bien, il ferait peut-être aussi bien de rester là que de passer à la Cour suprême de la Colombie-Britannique.

+-

    M. Brian Tabor: Si vous me permettez de reprendre l'analogie de la notation de type A, B et C, je dirais que nous envisagerions deux notes, faute d'une meilleure définition. Pour se classer dans la catégorie « fortement recommandé », le candidat devrait obtenir A+ et, pour la catégorie « recommandé », il lui faudrait A. Voilà comment nous entrevoyons la façon de procéder pour sélectionner les candidats.

[Français]

+-

    Le président: Merci beaucoup.

    Monsieur McGuinty

[Traduction]

+-

    M. David McGuinty (Ottawa-Sud, Lib.): Merci, monsieur le président.

    Merci de vous être joints à nous.

    Permettez-moi de revenir en arrière et de vous demander, à vous trois, si vous êtes au courant d'une étude récente, autre que le rapport McKelvey qui a 21 ans. J'ai vu défilé toute une série de témoins devant nous qui nous ont cité deux sources faisant autorité. La première est la Gazette de Montréal et je crois que la deuxième était le Globe and Mail ou le Calgary Herald, autrement dit des sources vraiment fiables.

    Les professeurs, professionnels et politicologues que vous êtes et qui appuient leur raisonnement sur des faits peuvent-ils me dire s'il existe des analyses contemporaines sérieuses sur les questions entourant les jeux politiques et la nomination des juges?

+-

    M. Carl Baar: Du côté universitaire, je dois vous répondre par la négative, parce que rien n'a été publié depuis que Russell et Ziegel ont produit leur étude des quatre premières années du gouvernement Mulroney. À ma connaissance, personne n'a publié d'analyse sur les nominations à la Cour supérieure en vertu de l'article 96 ni sur les nominations à la Cour fédérale et sur leur origine, et aucun lien n'a été établi par un politicologue. Je suis maintenant à la retraite et je me retrouve donc en quelque sorte sur la touche, mais je n'ai pas entendu parler d'études récentes, ce qui est vraiment dommage. Je crois que nous en avons besoin d'une.

+-

    M. David McGuinty: Ainsi, pour vous trois, malgré quelques protestations à l'effet contraire et malgré l'affirmation de quelques députés — ce n'est pas parce qu'on affirme une chose qu'elle est vraie — il n'existe pas d'étude contemporaine sur le lien entre la politique et la nomination des juges. C'est cela?

+-

    M. Brian Tabor: C'est cela.

+-

    M. Carl Baar: Oui.

+-

    M. David McGuinty: Ainsi, nous n'avons rien vu de sérieux depuis 21 ans sur le lien entre les jeux politiques et la nomination des juges.

+-

    M. Carl Baar: Quinze ans.

+-

    M. David McGuinty: Quinze ans, de 1984 à...

º  +-(1640)  

+-

    M. Carl Baar: La période de 1984 à 1988 a fait l'objet d'une étude et cette étude a été publiée vers 1990.

+-

    M. David McGuinty: Bien, ainsi l'Association du Barreau canadien a publié une étude qui est différente de celle de Russell et Ziegel dont il vient d'être question.

+-

    M. Carl Baar: Oui. Cela étant, il s'agit d'une étude empirique parce que...

+-

    M. David McGuinty: Donc, depuis 15 ans au moins, nous n'avons rien vu à ce sujet. Voilà pour une chose. Je tenais à ce qu'on s'entende bien à ce sujet et à ce que ce soit dit pour la transcription.

    Deuxièmement, je voudrais que nous parlions de la période d'attente que vous recommandez d'appliquer dans le cas des juges ayant pris activement part à la vie politique. Ne pensez-vous que nous pourrions éviter tout cela si nous options simplement pour un système civil où l'on formerait des juges pour devenir juges et pour rien d'autres? Deuxièmement, qu'entendez-vous par « période d'attente » et qu'entendez-vous par participation à la vie politique?

+-

    M. Brian Tabor: Je ne pense que nous ayons intérêt à passer au système civil. D'ailleurs, regardez ce qui se passe en Europe de l'Ouest; ces pays-là sont en fait en train de retenir certains pans de notre système pour les nominations à la magistrature. Ils envisagent de créer des commissions de nomination à la magistrature mais dans leur système, il y a deux filières: on étudie pour devenir avocat ou pour devenir juge. C'est ainsi que les choses se passent en Europe, mais les Européens sont inspirés par notre système et ils y voient une véritable possibilité d'améliorer les nominations à la magistrature.

    Ce que nous entendons par participation active à la vie politique — et nous utilisons le terme « participation active » — concerne les ministres, les députés fédéraux ou les sénateurs, les députés provinciaux ou territoriaux ou les employés politiques. Nous recommandons d'imposer une période d'attente à ces gens-là.

+-

    M. David McGuinty: C'est différent, par exemple, de la nouvelle qui a paru dans la Gazette et qui faisait état de nominations à la magistrature associées à des dons politiques, n'est-ce pas?

+-

    M. Brian Tabor: Oui.

+-

    M. David McGuinty: Ainsi, votre période d'attente ne s'appliquerait pas nécessairement à l'un des 300 000 Canadiens qui contribuent au Parti libéral du Canada?

+-

    M. Brian Tabor: Non.

+-

    M. David McGuinty: Ainsi, pour l'Association du Barreau canadien, le fait de contribuer à la caisse d'un parti n'est pas forcément synonyme d'association politique ou d'engagement dans un parti politique?

º  +-(1645)  

+-

    M. Brian Tabor: Non. C'est une participation au processus démocratique et nous avons clairement précisé que nous sommes à la recherche de candidats qui participent effectivement à la vie de la collectivité, de la société et que c'est même une caractéristique souhaitable, un critère de sélection.

+-

    M. David McGuinty: Maître Baar, j'aimerais que nous revenions sur certaines des choses que vous avez dites. Je n'ai pas tout compris et vous voudrez bien m'en excuser.

    Vous avez parlé d'une conversation ou d'un dialogue entre le ministre de la Justice, Allan Rock, et l'un de mes électeurs, Herb Gray, qui est devenu depuis président de la Commission mixte internationale. Pourriez-vous me préciser un peu mieux ce que vous venez de dire au sujet de Herb Gray, de sa déclaration selon laquelle il serait inconscient de dépolitiliser la nomination des juges parce que le Parti libéral du Canada en souffrirait financièrement?

    A-t-il effectivement dit cela? L'avez-vous entendu dire cela?

+-

    M. Carl Baar: Non. Je ne peux pas vous dire s'il a eu une conversation à ces sujets.

    Ce que je veux vous dire, c'est que de nombreuses nominations se font... À cette époque, il arrivait fréquemment que le gouvernement fédéral retienne les services d'avocats indépendants — à la place d'employés du ministère de la Justice, parce que les besoins se situaient en dehors des grands centres — pour leur confier des dossiers de poursuite en matière de stupéfiants. À cette époque, c'était des gens qui étaient associés au parti au pouvoir. Ma prise de position n'a rien de politique. Quand les Conservateurs sont arrivés au pouvoir, la liste des avocats nommés a changé et quand les Libéraux ont repris le pouvoir, cette liste a de nouveau changé.

    Quand je me suis renseigné et que j'ai voulu savoir pourquoi cette pratique n'avait pas été modifiée, on m'a répondu que le ministre Rock aurait voulu le faire, mais que le caucus libéral n'était pas disposé à aller dans ce sens et que M. Gray était l'un de ceux ayant défendu la pratique en place. Je dois supposer qu'il n'a pas changé d'avis.

    Je vais vous dire bien franchement. Le Parti réformiste et leur porte-parole en matière de justice m'avaient contacté et j'ai pensé un instant que ce parti voulait réformer le gouvernement et que c'était une bonne idée que de commencer par là. Il n'a rien fait et cela m'a chagriné. Je ne sais pas si, sous la houlette du nouveau premier ministre, le Parti libéral a décidé de changer cette pratique, mais j'ai l'impression qu'elle se poursuit.

    Je trouve cela regrettable car on donne ainsi l'impression qu'il est important, pour des avocats, de faire des contributions politiques ce qui, par voie de conséquence, crée une impression dans la population qui a tout lieu de nous inquiéter.

+-

    M. David McGuinty: Où en suis-je côté, monsieur le président?

+-

    Le président: Comme nous en sommes à sept minutes, il vous en reste trois.

+-

    M. David McGuinty: Merci beaucoup monsieur.

    Avez-vous quoi que ce soit qui permette d'identifier le bassin d'où proviennent les juges? En Ontario, par exemple, je crois que l'on compte environ 32 000 avocats et que 26 ou 27 000 d'entre eux appartiennent à des firmes de cinq avocats ou moins.

    Maître Baar, vous avez laissé entendre que la plupart des nominations se font parmi des avocats appartenant à de grands cabinets. Si tel est le cas, c'est qu'on ne respecte pas la composition du barreau ontarien. Avez-vous des documents étayant cela? Quelqu'un a-t-il vu quoi que ce soit là-dedans? Pouvez-vous aider le comité à se faire une idée du nombre juges qui viennent du milieu universitaire, des petits cabinets d'avocats, de l'entreprise privée, des ONG et des grands cabinets? Avez-vous une ventilation quelconque?

+-

    M. Carl Baar: Je ne pourrais pas vous répondre a priori. Des études ont été effectuées à ce sujet. Ian Greene et Peter McCormick — je sais que Peter a témoigné devant vous — ont fait des études sur les juges et sur leurs origines sociales. En revanche, je ne suis pas certain qu'ils se soient intéressés à leur provenance professionnelle. Il faudra que je vérifie ce qu'ils ont fait à partir des années 80 et 90. De toute façon, ces études ne seraient pas récentes.

    Je ne pense pas qu'une recherche de ce genre ait été effectuée au cours des 10 dernières années. Il est dommage qu'aucun de nous ne continue d'enseigner et il est également dommage que le professeur Manfredi ne soit pas ici, parce qu'il continue de suivre des étudiants au doctorat, à McGill. Si vous ne l'invitez pas à témoigner, j'espère que vous lui recommanderez un programme de recherche qu'il pourra confier à ses étudiants, parce que j'estime qu'il faut effectivement faire ce genre de chose.

+-

    M. David McGuinty: Je le crois aussi. J'en ferai la recommandation aux recherchistes du comité parce que 75 p. 100 des emplois au Canada se trouvent dans les PME de 500 employés ou moins et que 75 p. 100 de tous les nouveaux emplois créés sont également dans des PME de 500 personnes ou moins. Les petits cabinets d'avocats qui traitent quotidiennement avec des travailleurs pourraient être un formidable bassin.

    Nous devrions peut-être, dans le cadre de nos délibérations, songer à la provenance des personnes nommées dans les postes de juges et nous devrions rechercher des nominations qui reflètent la société canadienne. Si les juges proviennent essentiellement des 10 plus grands cabinets d'avocats qui fusionnent à répétition et dès qu'ils le peuvent afin de créer des méga-cabinets, il y a peut-être lieu de s'inquiéter.

+-

    Mme Tamra Thomson: On peut trouver certains chiffres dans le rapport de la Commission d'examen de la rémunération des juges, de 2003. Les recommandations ont été transmises à la Chambre et elles se retrouvent dans un projet de loi que nous vous incitons à adopter.

+-

    M. David McGuinty: Existe-t-il, selon vous, un empêchement légal ou constitutionnel à la limitation du mandat des juges dans le temps? Il existe aujourd'hui des milliers de nominations quasi judiciaires au gouvernement fédéral qui sont limitées dans le temps. De plus, il existe une politique qui consiste à ne pas renouveler les nominations après 10 ans, comme à la CIR ou à d'autres tribunaux administratifs. Pourquoi devrait-on permettre à des juges de conserver leur poste jusqu'à 75 ans?

+-

    M. Carl Baar: Il faudrait que vous amendiez la constitution.

+-

    M. David McGuinty: La constitution stipule-t-elle qu'ils sont nommés à vie?

+-

    M. Carl Baar: Il est dit qu'ils sont nommés à titre non amovible.

+-

    M. David McGuinty: Je vois. À votre connaissance, existe-t-il une disposition constitutionnelle? Je ne suis pas parvenu à extraire une réponse plus claire de tous les experts qui ont défilé devant nous.

+-

    M. Carl Baar: Quant à moi, c'est très clair. Nous avons dû modifier la constitution pour fixer l'âge de la retraite à 75 ans. C'est ce que nous avons dû faire. J'ai d'ailleurs incité mes homologues américains, qui sont aux prises avec la question des nominations à la magistrature, à imposer un âge obligatoire pour la retraite. Certains universitaires américains soutiennent qu'il faudrait limiter le mandat des juges de la Cour suprême dans le temps. Je suis d'accord avec cela, mais je crois qu'il faudrait stipuler l'âge de la retraite obligatoire.

+-

    M. David McGuinty: J'ai dû me tromper, excusez-moi. J'ai cru entendre le professeur Ziegel, la semaine dernière, nous dire que, selon lui, il n'y avait pas de restriction constitutionnelle, mais je suppose que je me suis trompé.

+-

    M. Carl Baar: Il parlait de la durée des nominations à titre d'essai, à propos desquelles il a toujours soutenu qu'il fallait appliquer le modèle britannique. La plupart d'entre nous sommes en désaccord avec lui à ce sujet.

+-

    M. David McGuinty: Merci.

[Français]

+-

    Le président: Avant de passer la parole à M. Lemay, j'ai une brève question à poser.

    Un des enjeux ayant été soulevés consiste à savoir si ce sous-comité proposerait de fonctionner à l'aide d'une courte liste, c'est-à-dire qu'un comité consultatif donnerait une courte liste au ministre de la Justice à partir de laquelle il serait obligé de choisir le candidat retenu. Le ministre de la Justice semble indiquer que ce serait inconstitutionnel parce que cela limiterait le pouvoir discrétionnaire qui lui est conféré en vertu de l'article 96 de la Constitution.

    D'autres témoins nous ont dit que tant que le choix final est entre les mains du ministre de la Justice et qu'il peut faire un choix discrétionnaire à la fin, cette façon de fonctionner serait constitutionnelle en vertu de l'article 96.

    Selon vous, une courte liste serait-elle constitutionnelle, oui ou non, en vertu de l'article 96 de la Constitution?

    Monsieur Baar.

º  +-(1650)  

[Traduction]

+-

    M. Carl Baar: Selon moi, elle serait constitutionnelle, parce qu'elle donnerait tout de même au ministre la possibilité d'effectuer un choix discrétionnaire et de rejeter les candidats dont les noms apparaîtraient sur la « liste courte ». En revanche, j'imposerais une transparence absolue pour tous les rejets à partir de cette liste de présélection, j'exigerais que la population soit mise au courant et que l'on demande au ministre de justifier sa décision. Il faudrait, par exemple, que ce soit parce que les candidats ne conviennent pas aux exigences du poste à combler ou qu'il existe des critères particuliers, des critères de diversité ou autres.

[Français]

+-

    Le président: Merci beaucoup, monsieur Baar.

    Monsieur Tabor.

[Traduction]

+-

    M. Brian Tabor: Nous craignons que ce ne soit pas constitutionnel. Au Canada, il existe un équilibre entre l'exercice du pouvoir législatif, l'exercice du pouvoir exécutif et l'interface avec la magistrature. Nous estimons qu'il y a lieu de maintenir cet équilibre. D'ailleurs, la Constitution en parle et le mieux c'est de traiter cela par le biais d'un exercice constitutionnel.

[Français]

+-

    Le président: Monsieur Lemay, soyez bref. Je voudrais qu'on termine à 17 heures, afin de siéger à huis clos et de régler certains problèmes, tel que je vous l'avais dit hier.

    Monsieur Lemay.

+-

    M. Marc Lemay: Je m'adresse au Barreau canadien. J'ai siégé quatre ans au comité de sélection des juges au Québec, comme bâtonnier de ma région. Après les entrevues, on remettait une liste au ministre. On ne remettait pas une liste de candidats non-recommandables, recommandables, hautement recommandables. On ne remettait qu'une seule liste, et c'est à partir de cette liste qu'était choisi l'heureux élu. Il n'y a rien à cet effet dans la loi ni ailleurs.

    Vous, du Barreau canadien, qui êtes impliqués dans ce processus, ne seriez-vous pas d'accord pour qu'une seule liste de candidats hautement recommandés ou recommandés soit remise au ministre, à partir de laquelle ce dernier puiserait ou irait chercher la personne choisie? Il n'y aurait pas d'autres listes: il n'y en aurait qu'une seule. Qu'en pensez-vous?

[Traduction]

+-

    M. Brian Tabor: À ma connaissance, il y aurait une seule liste constituée de la catégorie « recommandé » ou « fortement recommandé ».

[Français]

+-

    M. Marc Lemay: Mais il y a deux listes. Enfin, il y a une liste sur laquelle il y a les noms des candidats très recommandés et ceux des candidats recommandés. Pour ma part, je vous parle d'une liste où il n'y aurait que les noms des candidats recommandés. Vous êtes recommandé, oui ou non. Il n'y aurait pas de personnes hautement recommandées ou je ne sais quoi. Il n'y aurait qu'une liste.

[Traduction]

+-

    M. Brian Tabor: Nous recommandons la production de deux listes: une portant les noms des candidats hautement recommandés et l'autre celui des candidats recommandés, et c'est à partir de ces listes que le ministre devrait faire son choix.

[Français]

+-

    M. Marc Lemay: Pourquoi recommandez-vous le maintien de ces deux listes? Je ne comprends pas.

[Traduction]

+-

    M. Brian Tabor: Reprenons notre exemple de tout à l'heure, celui des candidats fortement recommandés qui ont un A+. Nous dirons, faute d'une meilleure définition, que les candidats de la catégorie « recommandé » sont moins qualifiés que les autres. Nous suggérons évidemment que l'on remette au ministre la liste des candidats « fortement recommandés » en lui disant qu'il doit faire son choix parmi ces gens-là. Cependant, advenant qu'un poste se libère immédiatement, il sera peut-être nécessaire de passer à la liste des candidats de la catégorie « recommandé » parce que ceux de la catégorie « hautement recommandé » pourraient, pour une raison ou une autre, ne pas correspondre aux exigences du poste à combler sur-le-champ. Ainsi, on donnerait une certaine orientation au ministre, mais le processus de nomination conserverait tout de même une certaine souplesse quant à la composition des cours.

º  -(1655)  

[Français]

+-

    Le président: Merci, maître Lemay.

    Monsieur Macklin, vous pouvez intervenir en guise de dessert et de conclusion.

[Traduction]

+-

    L'hon. Paul Harold Macklin: Merci.

    Je voulais revenir à nos témoins de l'Association du Barreau canadien pour leur demander s'ils recommandent une forme ou une autre de discrimination positive dans le cas des juges autochtones, à l'étape de la nomination? Ou alors, voulez-vous simplement attirer l'attention du ministre sur cette réalité pour que, si des candidats appropriés se retrouvent dans les listes de présélection, il se penche sur leurs candidatures. Quelle est votre position?

+-

    M. Brian Tabor: Notre position correspond à votre dernière proposition, c'est-à-dire que nous voulons sensibiliser le ministre à la nécessité de tenir compte de la diversité comme étant l'un des critères d'évaluation des candidats. Il existe toute une série de critères dont il faut tenir compte pour décider de la personne à nommer.

+-

    L'hon. Paul Harold Macklin: J'ai entendu le ministre dire qu'il voulait que le mérite soit toujours le facteur déterminant et que s'il y avait possibilité de favoriser la diversité culturelle dans les cours, tout en respectant son principe premier, que ce serait très bien. Petit à petit, de plus en plus d'Autochtones sortent des écoles de droit et intègrent l'appareil judiciaire. Nous espérons que cela donnera des résultats quand le moment sera venu.

    Pour ce qui est du droit autochtone, ce n'est pas parce qu'un avocat est autochtone qu'il est forcément expert du droit autochtone ou qu'il est capable d'intervenir dans ce domaine. Comment pensez-vous que nous devrions régler ce problème?

+-

    M. Brian Tabor: Tout cela se réglera à l'étape de l'évaluation par le comité consultatif. Toutefois, le droit autochtone est plutôt de tradition orale et non écrite. La culture des Premières nations est essentiellement orale. Les lois, les traditions et les cultures sont nourries par l'expérience des communautés. Ainsi, quand on parle d'expérience du droit autochtone, c'est en fait la nature du droit qui fait que, la plupart du temps, cette expérience sera celle d'un Autochtone.

+-

    L'hon. Paul Harold Macklin: Bien. Merci.

[Français]

-

    Le président: Merci aux témoins d'avoir pris le temps de se présenter ici.

[Traduction]

    Merci de vous être déplacés. Merci d'avoir pris le temps de nous rencontrer.

[Français]

    Au plaisir de vous revoir.

    Chers collègues, ne quittez pas, puisque nous allons prendre deux minutes afin de siéger à huis clos.

    [La séance se poursuit à huis clos.]