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FAIT Réunion de comité

Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.

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37e LÉGISLATURE, 1re SÉANCE

TÉMOIGNAGES • NUMÉRO 052

TABLE DES MATIÈRES

Le jeudi 17 janvier 2002




· 1335
V         M. Harvard
V         M. James R. Wright (sous-ministre adjoint, Politique mondiale et sécurité, ministère des Affaires étrangères et du Commerce international)

· 1340

· 1345

· 1350
V         Le coprésident suppléant (M. John Harvard)
V         M. Leon Benoit

· 1355
V         Le coprésident suppléant (M. John Harvard)
V         M. James R. Wright
V         M. Leon Benoit
V         M. James R. Wright
V         M. Leon Benoit
V         M. James R. Wright
V         M. Harvard
V         M. Bachand (Saint-Jean)

¸ 1400
V         Le coprésident suppléant (M. John Harvard)
V         M. James R. Wright

¸ 1405
V         M. Harvard
V         M. Godfrey
V         Le coprésident suppléant (M. John Harvard)
V         M. James R. Wright
V         M. Godfrey

¸ 1410
V         Le coprésident suppléant (M. John Harvard)
V         M. James R. Wright
V         Le coprésident suppléant (M. John Harvard)
V         M. James R. Wright
V         Le coprésident suppléant (M. John Harvard)
V         Mme Elsie Wayne (Saint John, PC/RD)
V         Le coprésident suppléant (M. John Harvard)
V         M. Bill Casey (Cumberland—Colchester, PC/RD)
V         Le coprésident suppléant (M. John Harvard)
V         M. Bill Casey
V         M. James R. Wright
V         M. Bill Casey
V         M. James R. Wright

¸ 1415
V         M. Bill Casey
V         M. James R. Wright
V         M. Bill Casey

¸ 1420
V         Le coprésident suppléant (M. John Harvard)
V         Mme Marlene Jennings (Notre-Dame-de-Grâce—Lachine, Lib.)
V         M. James R. Wright
V         Mme Jennings
V         M. James R. Wright
V         Mme Marlene Jennings
V         M. James R. Wright
V         Le coprésident suppléant (M. John Harvard)
V         Mme Gallant

¸ 1425
V         M. James R. Wright
V         Mme Gallant
V         M. James R. Wright

¸ 1430
V         Le coprésident suppléant (M. John Harvard)
V         M. Dromisky
V         Le coprésident suppléant (M. John Harvard)

¸ 1435
V         Mr. Wright
V         Le coprésident suppléant (M. John Harvard)
V         Mr. Wright
V         Le coprésident suppléant (M. John Harvard)
V         Mrs. Wayne
V         M. James R. Wright

¸ 1440
V         Mme Elsie Wayne
V         Mr. Wright
V         M. Harvard
V         M. Patry
V         M. James R. Wright
V         M. Bernard Patry
V         M. James R. Wright

¸ 1445
V         Mr. Patry
V         M. Harvard
V         M. Claude Bachand
V         M. James R. Wright

¸ 1450
V         M. Harvard
V         M. Godfrey
V         M. James R. Wright

¸ 1455
V         M. Godfrey
V         M. James R. Wright
V         M. Godfrey
V         M. James R. Wright
V         M. Harvard
V         M. James R. Wright
V         M. Harvard
V         M. Leon Benoit

¹ 1500
V         M. James R. Wright
V         M. Leon Benoit
V         M. James R. Wright
V         M. Leon Benoit
V         M. James R. Wright
V         M. Leon Benoit
V         Le coprésident suppléant (M. John Harvard)
V         M. James R. Wright

¹ 1505
V         Le coprésident suppléant (M. John Harvard)
V         Mme Marlene Jennings
V         M. James R. Wright

¹ 1510
V         Le coprésident suppléant (M. John Harvard)
V         Mme Cheryl Gallant
V         M. James R. Wright
V         Mme Cheryl Gallant
V         M. James R. Wright
V         Mme Cheryl Gallant
V         M. James R. Wright
V         Mme Gallant
V         M. James R. Wright
V         Mme Gallant
V         M. Harvard
V         M. Bill Casey

¹ 1515
V         Mr. Abbott
V         M. Bill Casey
V         M. Harb
V         M. Bill Casey
V         M. Harb
V         M. Bill Casey
V         M. Harb
V         M. Bill Casey

¹ 1520
V         M. Harb
V         Mr. Casey
V         Mr. Harb
V         M. James R. Wright
V         M. Harvard
V         M. James R. Wright
V         M. Harvard
V         Mme Elsie Wayne
V         M. Harvard
V         Mme Elsie Wayne
V         M. Harvard

¹ 1525
V         Mme Marlene Jennings
V         Mrs. Jennings
V         Mrs. Jennings
V         Mr. Harb
V         Mme Marlene Jennings
V         M. John Holmes
V         Mme Marlene Jennings
V         M. Harb
V         Mme Marlene Jennings
V         M. Harb
V         M. Harvard
V         M. Leon Benoit
V         M. James R. Wright

¹ 1530
V         M. Leon Benoit
V         M. James R. Wright
V         John Harvard






CANADA

Comité permanent des affaires étrangères et du commerce international


 
l
NUMÉRO 052 
l
1re SÉANCE 
l
37e LÉGISLATURE 

TÉMOIGNAGES

Le jeudi 17 janvier 2002



·  +(1335)  

[Traduction]

+

    Le coprésident (M. John Harvard (Charleswood St. James—Assiniboia, Lib.)): Merci, mesdames et messieurs du comité.

    Conformément à l'ordre de la Chambre du 15 octobre dernier, le Comité permanent des affaires étrangères et du commerce international et le Comité permanent de la défense nationale et des anciens combattants font une étude conjointe de questions liées aux attaques terroristes du 11 septembre 2001 et de la participation des Forces canadiennes au sein de la coalition militaire internationale contre le terrorisme.

    Je présiderai la séance de cet après-midi au nom du président du Comité des affaires étrangères, M. Graham.

    J'aimerais maintenant souhaiter la bienvenue à nos invités, à nos témoins, soit M. James Wright, sous-ministre adjoint, Politique mondiale et sécurité, du ministère des Affaires étrangères et du Commerce international; John Holmes, directeur, Direction du droit onusien, criminel et des traités; et Shelly Whiting, directrice adjointe, section du droit onusien, des droits de la personne et du droit humanitaire.

    Je crois comprendre que M. Wright a une courte allocution qu'il nous présentera dans un moment.

    Je voudrais tout simplement vous dire que pour la séance de cet après-midi nous suivrons les règles du Comité des affaires étrangères. Elles ne sont pas très différentes de celles du Comité de la défense—légèrement différentes—, et nous passerons aux questions dès que nous aurons entendu M. Wright.

    Bienvenue, monsieur Wright, et merci d'être venu nous rencontrer.

+-

    M. James R. Wright (sous-ministre adjoint, Politique mondiale et sécurité, ministère des Affaires étrangères et du Commerce international) : Je vous remercie, monsieur le président, de l'invitation et de me donner l'occasion de prendre la parole devant le comité pendant qu'il examine l'importante question du rôle du Canada dans la campagne internationale contre le terrorisme.

    Un peu plus de quatre mois ont passé depuis les horribles attentats du 11 septembre à New York, à Washington et en Pennsylvanie. Pendant ce bref laps de temps, le monde démocratique a atteint bon nombre des objectifs qu'il s'était fixés aux premières heures de la crise. D'autres problèmes restent à régler. Permettez-moi de vous exposer le point de vue du gouvernement sur la situation actuelle de la campagne antiterroriste et sur le déploiement prochain des Forces canadiennes à Kandahar.

    Pour ce qui est des principaux objectifs de la campagne antiterroriste, l'infrastructure d'al-Qaïda a été détruite et ses membres ont été arrêtés ou sont en fuite. Le régime des talibans a été renversé et le peuple afghan a été libéré de son emprise avec beaucoup moins d'effusion de sang qu'on ne l'avait craint. L'avenir de l'Afghanistan est entre les mains des Afghans, qui disposent cependant d'un plan de gouvernance et d'un processus de planification de la reconstruction qui ont l'appui de la communauté internationale.

    Tous les partenaires de la coalition au pouvoir conviennent que le terrorisme n'a pas sa place dans l'avenir de l'Afghanistan. Ailleurs, les États qui soutiennent le terrorisme font l'objet d'une intense surveillance. Certains pays ont déjà réagi en procédant à des arrestations et en prenant des mesures pour démanteler les réseaux terroristes qui agissent sur leur territoire. Le financement du terrorisme a été perturbé. Partout, on s'entend pour rejeter le terrorisme comme instrument politique légitime. Les organisations internationales ont pris des mesures extrêmement énergiques pour faire de la lutte contre le terrorisme un objectif prioritaire.

    Fait tout aussi important, aucun des scénarios alarmistes de fin du monde ne s'est concrétisé: les États-Unis ont réagi aux attentats avec détermination, mais aussi avec modération. La coalition militaire en Afghanistan a réussi à maintenir son unité politique. L'Alliance du Nord s'est jusqu'ici montrée capable et a su faire l'unité parmi les factions en présence. Les autorités civiles du Pakistan ont non seulement survécu à leur coopération avec l'Ouest, mais en ont été renforcées. L'Asie centrale n'a pas sombré dans l'agitation. La Russie et la Chine sont d'importants partenaires dans cette lutte. Loin d'être paralysé, le Conseil de sécurité des Nations Unies a joué un rôle dynamique et unificateur. Et Oussama ben Laden n'a pas réussi dans sa tentative de présenter ce conflit comme une guerre contre l'Islam. Là où les terroristes ont cherché à diviser et à vaincre, ils n'ont fait qu'unir et galvaniser les forces de la civilisation.

·  +-(1340)  

[Français]

    Mais il nous reste encore beaucoup de défis à relever. Même privé de son infrastructure, le réseau Al-Qaïda demeure une menace. Oussama ben Laden et le mollah Omar n'ont pas encore été appréhendés. Les autres groupes terroristes et ceux qui les soutiennent n'ont fait que se terrer en attendant de pouvoir se manifester à nouveau. Certains États continuent de soutenir le terrorisme, tandis que d'autres n'ont pas les capacités nécessaires pour empêcher les terroristes d'opérer sur leur terrain. La paix en Afghanistan demeure fragile. La situation impose une surveillance internationale constante. Ce n'est sûrement pas le moment de se dire que le pire est passé.

·  +-(1345)  

[Traduction]

    La campagne internationale contre le terrorisme est pluridimensionnelle. Elle exige des actions concertées sur les fronts militaire, diplomatique, financier et humanitaire. Le Canada est actif dans tous ces domaines. Le déploiement du groupe de combat du Princess Patricia's Canadian Light Infantry aux côtés de la force opérationnelle de l'armée américaine à Kandahar représente une contribution majeure du Canada à la campagne de coalition contre le terrorisme. Il contribuera à la création d'un environnement stable dans lequel la reconstruction et le relèvement de l'Afghanistan seront possibles.

    Mais ce déploiement se fonde sur l'engagement politique très ferme du Canada depuis le 11 septembre. Sur le front diplomatique, notre première priorité était de renforcer les relations canado-américaines grâce à une coopération accrue dans les domaines de la sécurité publique et de la gestion de la frontière, questions que le comité a récemment abordées. Cette coopération a culminé avec la signature, le 12 décembre, par le ministre Manley et le directeur de la Sécurité du territoire, Tom Ridge, d'un plan d'action en 30 points destiné à préserver l'intégrité de notre frontière.

    À l'échelle internationale, le Canada a agi aux plus hauts niveaux pour rallier le plus large appui possible en faveur de la campagne contre le terrorisme. Le premier ministre et le ministre Manley ont personnellement pris contact avec les partenaires aussi bien traditionnels que non traditionnels du Canada, et je suis confiant que le ministre Graham en fera autant. Le Canada a pris des mesures au sein de plusieurs grandes organisations internationales en faveur du programme antiterroriste. Il a agi notamment au sein des Nations Unies, de l'OTAN, du G-8, du Commonwealth, de l'Organisation des États américains, de l'Organisation pour la sécurité et la coopération en Europe, de l'APEC et de la Francophonie. Le Canada a appuyé et a souvent dirigé les efforts destinés à amener ces organisations à prendre énergiquement position contre le terrorisme. Nous avons d'ailleurs déjà entrepris de mettre en oeuvre les déclarations, résolutions et plans d'action ainsi adoptés.

    Il y a lieu de mentionner en particulier la résolution 1373 du Conseil de sécurité des Nations Unies, qui demande à tous les États d'adopter des mesures intérieures concrètes contre le terrorisme et d'appuyer un régime multilatéral renforcé d'actions antiterroristes. Le Canada a été parmi les premiers pays à faire rapport au Conseil de sécurité sur les mesures prises à l'appui de la résolution 1373, notamment en ce qui concerne notre ratification des deux dernières des 12 conventions internationales contre le terrorisme. Le ministre Manley a récemment transmis au comité un exemplaire de la réponse détaillée du gouvernement au Conseil de sécurité des Nations Unies.

[Français]

    À titre de président du G-8, le Canada jouera cette année un rôle de premier plan dans la mise en oeuvre du plan d'action antiterroriste du groupe. Ce plan en 25 points couvre une gamme de sujets comprenant le soutien du rôle des Nations Unies contre le terrorisme, le financement, la sécurité aérienne, l'immigration, la drogue, la cybercriminalité et la coopération judiciaire.

    Ce mois-ci, le Canada présidera à Ottawa des réunions avec nos partenaires du G-8 qui seront consacrées aux moyens d'enrayer le financement du terrorisme. Les 8 et 9 février, les ministres des Finances du G-7 se retrouveront au lac Meech pour examiner entre autres le problème du financement du terrorisme et donner suite à une réunion semblable du G-8 tenue à Ottawa en novembre dernier.

    Les efforts du G-8 tendront surtout à mobiliser les puissants moyens du groupe en faveur de la création de capacités antiterroristes dans d'autres pays. Nous avons l'intention de profiter de notre présidence du G-8 pour mettre en oeuvre d'autres moyens innovateurs d'appui à la campagne antiterroriste et à la stabilité générale du monde.

[Traduction]

    Sur les fronts politique et humanitaire, le Canada continue de déployer des efforts pour la stabilisation de l'Afghanistan, parallèlement à son appui militaire de cet objectif. Depuis le 11 septembre, le Canada a fourni 16 millions de dollars de plus pour répondre aux besoins humanitaires des civils afghans, ce qui porte notre contribution totale des 10 dernières années à près de 150 millions de dollars. Le récent budget fédéral attribuait un montant supplémentaire de 100 millions de dollars à l'Afghanistan. Le Canada participe activement aux travaux de plusieurs importants groupes de donateurs qui élaborent des stratégies destinées à favoriser le relèvement de l'Afghanistan, et s'efforce de trouver des moyens d'appuyer le processus de transition politique en cours.

    Le 21 janvier, l'Agence canadienne de développement international dirigera la délégation canadienne à la Conférence internationale sur la reconstruction de l'Afghanistan, qui aura lieu à Tokyo. À l'aube de cette réunion, le Canada déposera auprès du Programme des Nations Unies pour le développement une contribution de 1,5 million de dollars à l'appui de l'Autorité provisoire afghane. Notre objectif primordial, qui est aussi celui de nos partenaires de la coalition et que nous avons poursuivi en usant de différents moyens, consiste à favoriser l'établissement d'un régime afghan stable et en mesure d'assurer la sécurité du peuple afghan, et à empêcher l'utilisation de l'Afghanistan comme base d'opérations terroristes.

    Le déploiement des Forces canadiennes à Kandahar représente la contribution militaire la plus récente à cet effort aux multiples aspects.

[Français]

    Notre décision d'aller à Kandahar est extrêmement importante parce qu'elle contribuera directement à la création d'un environnement stable dans lequel la reconstruction et le relèvement de l'Afghanistan seront possibles.

    À ce titre, elle complétera les efforts de la force internationale d'assistance à la sécurité qui est en train d'être déployée sous la direction du Royaume-Uni pour assurer la stabilité à Kaboul, afin que l'autorité provisoire afghane puisse faire son travail.

[Traduction]

    Notre décision d'aller à Kandahar s'inscrit dans la meilleure tradition canadienne de courage face à des situations difficiles et de combat aux côtés de nos alliés. Le Canada s'est acquis une réputation aussi riche que respectée dans le domaine du maintien de la paix. Nous sommes, à juste titre, fiers de cet héritage et nous continuerons d'assurer ces précieux services dans les Balkans et au Moyen-Orient. Mais les Canadiens n'ont jamais été rebutés par des missions rudes. Je tiens à souligner que la décision de servir aux côtés de la force opérationnelle américaine à Kandahar ne représente pas du tout un changement dans l'importance relative de nos alliances. Notre présence en Afghanistan renforcera les liens de la collaboration militaire, non seulement avec les États-Unis mais avec tous les pays qui servent à nos côtés.

    Le Canada a toujours accordé autant d'attention à la situation outre-Atlantique qu'à ce qui se passe de l'autre côté du 49e parallèle. C'est là le produit de notre histoire, de notre géographie ainsi que de nos valeurs et de nos intérêts communs. Le Canada a également une tradition qui met autant l'accent sur le continentalisme que sur le multilatéralisme. Il n'est pas question de choisir entre les deux.

    La mission à Kandahar fait partie d'une stratégie comportant de multiples efforts complémentaires déployés par la coalition contre le terrorisme afin de stabiliser l'Afghanistan et de veiller à ce qu'il ne serve plus jamais de refuge aux terroristes. C'est une mission honorable, et nous pouvons être très fiers de la contribution apportée par les Forces canadiennes à l'éradication du terrorisme ainsi qu'à la paix et à la sécurité dans le monde.

    Avant de conclure, monsieur le président, j'aimerais aborder la question des détenus, qui, je crois comprendre, a beaucoup intéressé le comité ce matin.

    Le Canada participe à un conflit armé. Plus particulièrement, les lois régissant les conflits armés s'appliquent à la conduite des opérations des Forces canadiennes en Afghanistan. Le droit des conflits armés comprend le droit conventionnel, les conventions de Genève et le droit international coutumier. Le droit international reconnaît le droit de détenir des personnes pendant un conflit armé. Les détenus peuvent avoir divers statuts aux termes du droit international, notamment celui de prisonnier de guerre, de combattant illégal ou de civil.

    Le statut d'une personne détenue détermine la norme de traitement exigée par le droit international. En cas de doute quant au statut exact d'une personne qui participe aux hostilités, la personne devrait être traitée comme prisonnier de guerre jusqu'à ce qu'un tribunal compétent détermine son statut. S'il n'y a aucun doute quant à son statut, alors le détenu doit recevoir un traitement conforme au statut. Au minimum, les détenus ont droit à une norme de traitement qu'on appelle le traitement humanitaire.

    En Afghanistan, nos forces canadiennes peuvent participer à la détention de personnes. Cela pourrait inclure toute une gamme de personnes, que ce soit les auteurs de méfaits ou des personnes qui participent aux hostilités. La politique des Forces canadiennes sera de traiter tous les détenus selon la norme de traitement accordée aux prisonniers de guerre jusqu'à ce que leur statut soit déterminé ou qu'ils soient transférés. Dans les cas où nous transférons les détenus à d'autres autorités, le Canada a l'obligation de veiller à ce que les autorités qui les détiennent soient disposées à respecter le droit international et soient en mesure de le faire. Les autorités américaines ont déclaré publiquement et ont avisé le Canada que les détenus se verront accorder un traitement humanitaire qui respecte les obligations du pays aux termes du droit international.

    Plus tôt au cours de la semaine, monsieur le président, j'ai accueilli le chef de la délégation régionale pour l'Amérique du Nord du Comité international de la Croix-Rouge, M. Urs Boegli, qui dirige aujourd'hui une délégation de la Croix-Rouge qui rend visite aux détenus à la base américaine de Guantanamo. Comme vous le savez, le CICR joue un rôle unique et spécial aux termes de la Convention de Genève afin de veiller à ce que les détenus soient traités de façon humanitaire. Le CICR a déclaré publiquement qu'il avait accès en permanence aux personnes détenues par les Américains et par les Afghans en Afghanistan.

    Au cours de la visite à la base de Guantanamo aujourd'hui, le CICR inspectera les installations et s'entretiendra avec les détenus. Cette visite est effectivement attendue, et les États-Unis devraient continuer à accorder au CICR accès à tous les détenus de la base de Guantanamo. S'il y a des problèmes en ce qui concerne le traitement des détenus, nous nous attendons à ce que le CICR les porte à l'attention des autorités américaines.

·  +-(1350)  

    Par ailleurs, on a exprimé certaines préoccupations en ce qui a trait aux commissions militaires américaines. Le gouvernement américain a dit que les commissions militaires étaient un autre outil dans leur campagne de lutte contre le terrorisme. Aucune commission militaire n'a été créée jusqu'à présent. Puisqu'il reste encore à mettre la dernière main aux règles de procédure et à d'autres instruments de la commission, il serait prématuré pour le gouvernement canadien de dire si le pays se conformerait ou non aux normes internationales qui s'appliquent.

    Voilà qui conclut ma déclaration, monsieur le président.

+-

    Le coprésident suppléant (M. John Harvard): Merci, monsieur Wright.

    Je vous remercie pour cette déclaration. Je suis certain qu'elle donnera lieu à de nombreuses questions de la part des membres du comité.

    Le moment est maintenant venu de donner la parole aux membres du comité. Je voudrais tout simplement vous rappeler que chaque intervenant disposera de cinq minutes. Je surveillerai l'horloge de très près. Nous entendrons d'abord l'Alliance, puis le Bloc, et enfin les députés ministériels, dans cet ordre.

    Monsieur Benoit, vous disposez de cinq minutes.

+-

    M. Leon Benoit (Lakeland, Alliance canadienne): Merci beaucoup, monsieur le président.

    Mesdames, messieurs, soyez les bienvenus. J'ai en fait deux questions à vous poser. Je vais donc vous les poser toutes les deux et vous laisser y répondre.

    La première concerne les mines antipersonnel. Comme vous le savez, les États-Unis n'ont pas signé le Traité sur les mines antipersonnel et font usage de ces dernières. Le fait est qu'il est très probable que nos troupes canadiennes seront protégées par les mines antipersonnel américaines. Le Canada a signé le traité et il semble que nos soldats pourraient être poursuivis s'ils ne respectent pas ce traité.

    Pouvez-vous absolument assurer nos troupes que si elles sont protégées par les mines antipersonnel américaines elles ne pourront être poursuivies pour avoir violé le traité sur les mines antipersonnel? Voilà donc ma première question.

    Ma deuxième question porte sur une déclaration que vous avez faite dans votre allocution, monsieur Wright. Vous avez mentionné toutes les organisations internationales dont le Canada est membre et dans lesquelles il joue un rôle, notamment l'OTAN et le G-8. Récemment, bon nombre de préoccupations ont été exprimées à l'effet que le Canada pourrait perdre sa position au sein du G-8 parce que nous ne joignons pas les gestes à la parole par l'engagement militaire qu'il faut. Cette préoccupation a été exprimée par le chef d'état-major de la Défense lorsqu'il a dit le printemps dernier:

Cette cadence opérationnelle élevée a des conséquences autant pour nos soldats que pour notre matériel et l'entraînement à assurer. Il sera essentiel pour l'efficacité opérationnelle des Forces canadiennes de bien gérer la cadence opérationnelle.

    Lorsqu'il a prononcé ces paroles, nous avions à peine 3 000 troupes engagées à l'étranger. Nous en aurons maintenant 4 300, presque la moitié de plus, ce qui aggravera encore la situation.

    De toute évidence, le Canada ne peut soutenir ces opérations pendant une période prolongée. Je dirais qu'il serait extrêmement difficile de prolonger cet engagement pendant une année. Le ministre a maintenant déclaré que l'engagement en Afghanistan n'était que pour six mois, mais c'est exactement ce que le gouvernement avait dit au sujet de l'engagement au Kosovo, ou, pardonnez-moi, plutôt en Bosnie, en 1995. Cela fait maintenant sept ans. Ce que je crains, c'est que le Canada se soit maintenant engagé. Je pense que la plupart des gens sont d'accord pour dire que cela devrait être le cas et que nous devrions avoir des forces militaires qu'il faut pour respecter un engagement sérieux en Afghanistan, mais étant donné le manque d'engagement à l'égard de nos troupes, qui sont tant déterminées à servir notre pays, nous ne pouvons respecter nos engagements à l'étranger. Nous ne pouvons certainement pas les maintenir. Nous ne pouvons maintenir nos engagements au niveau actuel.

    La question que je vous pose est donc la suivante: À la lumière de tout cela, est-il possible qu'en fait le Canada doive payer un prix élevé pour ce qui est de notre position au sein des nations et risque de perdre sa place au sein du G-8 et peut-être même de l'Otan? Les dépenses du Canada pour ses forces militaires ne sont que la moitié de la moyenne de l'OTAN. Ce n'est pas un engagement très fort. C'est donc ma deuxième question. Le Canada pourrait-il en fait perdre son poids et sa place au sein de certaines de ces organisations?

·  +-(1355)  

+-

    Le coprésident suppléant (M. John Harvard): Vous avez 90 secondes pour répondre à toutes ces questions.

+-

    M. James R. Wright: Je crois que je peux le faire en 90 secondes, monsieur le président.

    Il y a deux aspects à ma réponse sur les mines terrestres. Non, on ne pourra pas poursuivre les soldats canadiens simplement parce qu'ils se trouvent là et que les soldats américains pourraient recourir à des mines terrestres afin de sécuriser certains endroits de leur théâtre d'opération.

    Il y a aussi un deuxième aspect, que le ministre Eggleton ou le général Henault ont évoqué ce matin, si je ne m'abuse, à savoir le fait que nos règles d'engagement établissent la marche à suivre pour les Forces canadiennes à l'étranger. Il est entendu, non pas seulement par les Forces canadiennes, mais aussi par les alliés avec qui nous travaillons, que les soldats canadiens, quand ils sont à l'étranger, ne participeront pas au déploiement de mines antipersonnel. Cela vaudrait par exemple pour le cas où un commandant américain demanderait à faire appel à des soldats canadiens pour poser des mines terrestres.

+-

    M. Leon Benoit: [Note de la rédaction—Inaudible]... seraient protégés par ces mines terrestres américaines?

+-

    M. James R. Wright: Vous avez demandé si les soldats canadiens pourraient être poursuivis, et la réponse est non.

    Pour ce qui est de la deuxième question, à savoir si nous avons les moyens effectifs de notre participation à divers conseils internationaux, je réponds par un oui catégorique. Le Canada est membre à part entière du G-8. Nos forces sont très recherchées par nos partenaires du G-8, par nos partenaires de l'OTAN. Nous jouons un rôle de chef de file à l'échelle internationale.

    Quant à notre stratégie de sortie, nous avons en fait suivi à la lettre notre stratégie de sortie au Kosovo; nous avons dit que nous y déploierions nos forces pour une courte durée, puis que nous les retirerions, et c'est ce que nous avons fait.

+-

    M. Leon Benoit: Qu'en est-il toutefois de la Bosnie?

+-

    M. James R. Wright: Très bien. En Macédoine, nous sommes entrés, puis nous sommes ressortis. En Éthiopie et en Érithrée, nous sommes entrés, puis nous sommes ressortis. En Bosnie, nous avons pris un engagement à long terme. Nous faisons une distinction dans ce cas-là. La Bosnie est encore aujourd'hui le pays le plus aidé au monde, et le gouvernement canadien a pris un engagement à cet égard, tout comme bon nombre d'autres pays, non seulement de l'OTAN mais également d'Europe centrale et de l'Est.

    J'affirme donc avec véhémence que nous continuons à jouer un rôle de chef de file au sein de tous les conseils internationaux dont nous sommes membres—OTAN, G-8—et que nos troupes canadiennes de maintien de la paix appuient fermement cette participation.

+-

    Le coprésident suppléant (M. John Harvard): J'invite les députés à poser des questions brèves afin que les témoins puissent y répondre.

    Monsieur Bachand, vous avez cinq minutes.

[Français]

+-

    M. Claude Bachand (Saint-Jean, BQ): Merci, monsieur le président.

    Je ne vais pas revenir sur les événements du 11 septembre. Tout le monde a dit que tout avait basculé, que tout avait changé depuis le 11. Je me demande si cela n'a pas aussi changé la politique traditionnelle du Canada en matière d'affaires extérieures. Je m'explique.

    Historiquement, les Forces canadiennes ont toujours eu une excellente réputation de forces de maintien et de missions de paix. Tout le monde reconnaît cela. Les gens disent que les soldats canadiens sont probablement les meilleurs au monde pour assurer et maintenir la paix. Pourtant, il y a 750 de ces soldats qui seront engagés dans une action offensive très bientôt. Ils partent demain. Je trouve que c'est un changement et une bousculade de la politique traditionnelle du ministère des Affaires extérieures et du gouvernement canadien à propos de l'ingérence dans des conflits. C'est la première chose qui m'apparaît évidente.

    La deuxième chose qui m'apparaît évidente, c'est que le Canada, selon ce que j'ai vu, a toujours privilégié des actions sous l'égide de l'ONU, de l'OTAN ou d'une grande coalition. Je trouve assez spécial que les Forces canadiennes se mettent maintenant sous l'égide des Forces américaines. Il me semble que cela ne correspond pas à la façon de faire traditionnelle du gouvernement canadien.

    Ma dernière préoccupation concerne les droits civils et les prisonniers. ll me semble que je n'ai pas entendu le Canada s'opposer au fait qu'il y a un camp sur un bateau et que le droit civil américain ne s'applique pas à ces prisonniers. Qu'est-ce qui se passe sur ce bateau-là? Il n'y a pas beaucoup de gens qui le savent, et personne, au niveau du gouvernement canadien, n'a protesté au sujet des droits civils de ces prisonniers-là et des droits en général. Même, on n'entend presque pas le Canada invoquer la Convention de Genève à cet égard.

    C'est la même chose en ce qui concerne la base de Guantanamo. On prend des prisonniers qui sont dans un pays et on les amène dans un autre pays, et on n'a pas entendu protester le Canada là-dessus non plus.

    Monsieur Wright, ma question est très simple. Est-ce qu'on n'est pas en rupture au moment où on se parle? Est-ce que les événements du 11 septembre et leur suite n'ont pas fait en sorte que le Canada est maintenant en rupture de sa politique traditionnelle en matière d'affaires extérieures?

¸  +-(1400)  

[Traduction]

+-

    Le coprésident suppléant (M. John Harvard): [Note de la rédaction—Inaudible]... boîte de 90 secondes.

+-

    M. James R. Wright: Merci beaucoup.

    La politique étrangère du Canada n'a pas du tout changé à mon avis. Je dirais simplement que le contexte mondial continue à évoluer. Les conflits sont différents maintenant de ce qu'ils étaient auparavant. Il y a davantage de guerres civiles, davantage de conflits interethniques. La communauté internationale, y compris l'ONU, il me semble, doit s'adapter à cette nouvelle donne. La demande de forces internationales de maintien de la paix dépasse l'offre. Le nombre de conflits en Afrique, au Moyen-Orient, en Afghanistan, dans les Balkans et en Asie centrale dépasse nos moyens, si bien que nous ne pouvons pas y réagir comme nous le voudrions. Je crois, cependant, que l'ONU s'est adaptée au fait que les forces qui participent à ces opérations ne doivent pas toutes nécessairement être des casques bleus. En fait, la Force internationale d'aide à la sécurité, sous l'égide du Royaume-Uni à Kaboul, est une force qui a été autorisée par l'ONU mais qui est de toute évidence une coalition de pays volontaires. Ce fut la même chose dans les Balkans. La majorité des troupes de maintien de la paix qui exercent leurs activités à l'échelle internationale à l'heure actuelle sont davantage des coalitions de troupes de pays volontaires, comme celle qui est en opération à Kandahar, ou celle que dirigent les Britanniques à Kaboul, que des opérations traditionnelles de casques bleus de l'ONU.

    Il me semble qu'il s'agit simplement là du signe que la communauté internationale s'adapte à la nouvelle réalité. Le Canada aussi reconnaît cette réalité, et nos troupes de maintien de la paix apportent leurs contributions là où nous pensons qu'elles seront le plus utile. Parfois, il s'agit d'une opération des casques bleus, comme en Éthiopie et en Érythrée. Dans d'autres cas, nous participons simplement à une coalition de pays volontaires. C'est le cas à Kandahar tout comme dans les Balkans.

    Je dirais par ailleurs que les troupes qui sont en route pour Kandahar pourraient faire partie d'opérations offensives. Nous avons déjà participé activement à des campagnes semblables, notamment dans le cadre d'opérations de casques bleus sous l'égide des Nations Unies, comme ce fut le cas de la force de protection des Nations Unies en Bosnie et en Croatie au début des années 90, opérations où 18 soldats canadiens ont perdu la vie. Il ne s'agit donc pas d'une nouvelle dimension de la participation canadienne aux opérations de maintien de la paix où les opérations auxquelles nous participons à l'étranger présenteraient tout d'un coup un risque plus élevé.

    Le dernier point concerne le respect des droits civils des prisonniers. Je dirais en réponse à cette question que nous poursuivons activement le dialogue avec nos partenaires américains sur tous les aspects du conflit. Les Américains ont indiqué très clairement leur intention de traiter tous les détenus de façon humanitaire. Ils ont l'intention de respecter pleinement le droit international. Je peux vous dire, d'après les discussions que j'ai eues avec la Croix-Rouge internationale lundi dernier, que les Américains n'ont opposé aucune objection pour ce qui est d'accorder l'accès aux détenus sur les navires ou encore dans les centres de détention en Afghanistan, qu'ils soient sous le contrôle des Américains ou des Afghans. Comme je l'ai dit aujourd'hui, la Croix-Rouge internationale a entrepris de rendre visite aux détenus qui se trouvent à Guantanamo Bay.

¸  +-(1405)  

+-

    Le coprésident suppléant (M. John Harvard): Monsieur Godfrey, vous disposez de cinq minutes.

+-

    M. John Godfrey (Don Valley-Ouest, Lib.): J'aimerais poursuivre sur cette question de l'aide aux prisonniers. Dans l'optique de la conception que j'ai de notre souveraineté nationale, où se trouvent réunis nos valeurs, notre intérêt et notre souveraineté intellectuelle à l'égard des problèmes, nous faisons notre propre évaluation de la situation.

    Pour faire suite à votre dernière intervention, j'aimerais vous poser deux questions. Êtes-vous persuadé d'après l'information que vous avez à ce jour que les Américains ont bien raison de classer ces gens-là—vous les qualifiez de «détenus», mais je crois qu'il vaudrait mieux les désigner comme des «prisonniers»—dans la catégorie des «combattants illégaux», ou y a-t-il une certaine ambiguïté là du fait qu'il s'agit de soldats des forces régulières afghanes ou de soldats talibans qui viennent d'un pays pauvre et qui ne portent pas d'uniformes? Voilà la première question. Sommes-nous absolument sûrs que les Américains ont bien raison de faire ce qu'ils font, ou ne sommes-nous pas en mesure d'en juger?

    Il y a aussi une deuxième question. Si cette ambiguïté persiste et que nous ne sommes pas convaincus qu'ils ont raison de faire ce qu'ils font, nous savons, d'après ce que le ministre a dit ce matin, qu'il y aura des prisonniers à cause de la nature de l'opération—nous allons devoir enquêter dans des endroits où le risque est élevé, nous allons tenter de débusquer les talibans, tout comme les membres d'al-Qaïda; et c'est ce qu'il a dit—qu'il y a trois possibilités. Comme nous n'avons pas de centres de détention, ces trois possibilités seront les suivantes: ne pas faire de prisonniers, libérer ceux que nous aurons arrêtés ou les remettre aux Américains. Quelle position devons-nous adopter à cet égard? Je ne pense pas que nous puissions faire fi de nos obligations morales ou nous en décharger sur quelqu'un d'autre. Il me semble que, à moins que nous ayons la certitude absolue à cet égard, nous sommes malheureusement compromis.

+-

    Le coprésident suppléant (M. John Harvard): Monsieur Wright, allez-y.

+-

    M. James R. Wright: La réponse à la première question, à savoir si nous sommes satisfaits jusqu'à maintenant du traitement que les autorités américaines réservent aux détenus, est oui. Surveillons-nous la situation de près? Oui. Y a-t-il des questions qui doivent encore être précisées, y compris celle des commissions militaires? Oui. Allons-nous suivre de près les résultats des consultations entreprises par la Croix-Rouge internationale? Oui. Allons-nous vouloir nous assurer que tous les prisonniers sont traités de façon humanitaire et en conformité avec le droit international? Oui.

    Nous partons du principe que, tout comme au Canada, si le statut de la personne n'a pas pu être déterminé avec certitude—c'est-à-dire s'il s'agit d'un civil, d'un combattant illégal ou d'un prisonnier de guerre—, tant et aussi longtemps que la personne n'aura pas été interrogée devant un tribunal afin de déterminer de façon officielle son statut, le gouvernement canadien la considère comme un prisonnier de guerre à moins de détermination contraire. Je crois également savoir, monsieur le président, que nous pouvons nous attendre au même traitement de la part des autorités américaines.

+-

    M. John Godfrey: Merci.

¸  +-(1410)  

+-

    Le coprésident suppléant (M. John Harvard): Pour ce qui est des informations sur lesquelles vous vous fondez pour dire que vous êtes persuadés que les Américains font bien ce qu'ils doivent faire, ces informations ont-elles été vérifiées de façon indépendante ou croyons-nous simplement les Américains sur parole? Savons-nous, par exemple, qu'ils ne prennent pas de prisonniers de moins de 18 ans? Savons-nous s'ils font une distinction entre ceux qui seraient membres d'al-Quaïda et ceux qui seraient des Talibans? Savons-nous quelle est la différence entre les forces irrégulières et les forces en uniforme dans ce contexte? Avons-nous fait une évaluation indépendante?

+-

    M. James R. Wright: Je pense bien qu'il y a deux réponses à cette question. Étant donné que nous ne faisons que commencer à déployer nos troupes en Afghanistan, nous serons plus en mesure de corroborer en temps et lieu certains des points que vous soulevez. Je dirais toutefois que nous n'avons rien vu jusqu'à maintenant—et c'était là votre question—qui indique que les États-Unis ne respectent pas leurs obligations en droit international. Je dirais par ailleurs que la responsabilité de corroborer les informations de façon indépendante relève surtout en fait de la Croix-Rouge internationale. Comme je l'ai indiqué, nous poursuivons activement le dialogue avec la Croix-Rouge, à tel point que nous avons reçu le numéro trois de la Croix-Rouge internationale à Ottawa lundi, de même que l'équipe qui va se rendre à Guantanamo Bay. Nous avons longuement discuté de ces questions avec eux. S'ils avaient de sérieuses réserves quant au traitement des détenus par les autorités américaines, les représentants de la Croix-Rouge internationale ne nous en ont rien dit. Bien au contraire.

+-

    Le coprésident suppléant (M. John Harvard): Merci, monsieur Wright. Avant que je ne cède la parole à Mme Wayne, j'aimerais avoir un éclaircissement.

    Monsieur Wright, vous avez dit tout à l'heure qu'il pourrait arriver qu'il n'y ait pas de transfert d'un détenu. Quand M. Eggleton est venu témoigner ici ce matin, il nous a dit qu'il n'y aurait pas de centre de détention. Si donc on avait un détenu, peu importe le classement qui pourrait être fait ultérieurement, qu'est-ce qu'on fait de cette personne? On ne va pas la transférer. On n'a pas de centre de détention. Qu'est-ce qu'on en fait?

+-

    M. James R. Wright: Je crois que nous sommes en train d'entrer ici dans des détails qui dépassent d'une certaine façon les compétences du groupe que vous avez devant vous en ce moment. Nous discutons de ces questions avec nos collègues du ministère de la Défense nationale. Je ne suis pas sûr, à vrai dire, que nous ayons eu le temps d'examiner dans le détail tous les scénarios possibles. Je comprends parfaitement cependant que les membres du comité posent des questions à ce sujet cet après-midi.

    Comme je l'ai indiqué, j'estime que nous sommes très conscients de nos obligations en droit international et que nous allons veiller à ce que les soldats canadiens respectent ces obligations. Je ne suis pas sûr toutefois de vouloir entrer dans le détail de la façon que nos troupes canadiennes vont assurer concrètement le respect de ces obligations sur le terrain. Je vous le dis franchement, je n'ai pas eu l'occasion de discuter de cela avec le chef de l'état-major et son équipe pour ce qui est de savoir ce qui va se faire concrètement. Je suis sûr cependant que nous aurons l'occasion de mettre ces choses au point dans les jours à venir.

+-

    Le coprésident suppléant (M. John Harvard): Merci.

    Et merci à vous pour votre patience, madame Wayne.

+-

    Mme Elsie Wayne (Saint John, PC/RD): Je prendrai la deuxième question.

+-

    Le coprésident suppléant (M. John Harvard): Bon, d'accord.

    Monsieur Casey, à vous.

+-

    M. Bill Casey (Cumberland—Colchester, PC/RD): Je fais mon imitation d'Elsie Wayne.

+-

    Le coprésident suppléant (M. John Harvard): Ce sera tout un défi.

+-

    M. Bill Casey: N'est-ce pas? Je ne pense pas y arriver, mais merci beaucoup.

    Monsieur Wright, vous devriez savoir que le ministre de la Défense nationale nous a dit ce matin que vous auriez toutes les réponses.

    On a dit tout à l'heure qu'il faudrait qu'un tribunal détermine le statut des détenus—afin de déterminer s'il s'agit de combattants illégaux ou de prisonniers de guerre. À votre connaissance, y a-t-il eu une audience devant un tribunal avant que tous ces Afghans ne soient amenés à Cuba?

+-

    M. James R. Wright: À ma connaissance, non.

+-

    M. Bill Casey: Si les Canadiens capturent des prisonniers, y aura-t-il une audience de tribunal pour déterminer leur statut avant qu'ils ne soient transférés quelque part?

+-

    M. James R. Wright: Je crois que cela revient aussi à la question du président. Vous me demandez des détails opérationnels sur les répercussions possibles pour ces transferts sur le terrain.

    Je le répète, je n'étais pas là à la séance qu'a tenue le comité ce matin, mais si je me souviens bien—d'après ce qu'on m'a dit—, le chef de l'état-major et le ministre Eggleton ont bien fait savoir que les règles d'engagement n'avaient pas toutes été établies de façon définitive par la partie canadienne, qui continue à en discuter avec nos collègues des États-Unis. Je soupçonne que ces questions sont précisément celles sur lesquelles on essaie de s'entendre.

    C'est une excellente question, monsieur Casey, mais je ne peux pas vous dire de façon définitive comment les choses vont se passer exactement. Je sais quelles sont les normes que vont appliquer les soldats canadiens quand ils auront à trancher ces questions, mais pour ce qui est de ce que cela veut dire concrètement sur le terrain pour les Forces canadiennes, j'hésite à vous donner une réponse précise. Je n'ai tout simplement pas eu l'occasion d'en discuter avec mes collègues du ministère de la Défense, mais je sais qu'ils sont sensibles à ces préoccupations.

    La déclaration que j'ai lue à la fin de mon exposé relativement à cette question est une déclaration sur laquelle nous nous sommes entendus après des discussions approfondies avec nos collègues du ministère de la Défense et du Bureau du juge-avocat général. Je suis persuadé que les normes que nous avons établies seront appliquées intégralement par les Forces canadiennes sur le terrain. Pour ce qui est toutefois de la façon dont elles seront appliquées sur le plan opérationnel, j'hésite à vous donner une réponse précise.

¸  +-(1415)  

+-

    M. Bill Casey: La question n'est pas tellement de savoir ce qui va se passer sur le plan opérationnel, mais plutôt de savoir si nous allons déterminer le statut de ces gens-là avant que nous ne les transférions à un autre continent.

    Dans ce même ordre d'idées, le combattant illégal qui serait passible de la peine de mort après avoir été capturé par les soldats canadiens serait confié aux Américains et il pourrait être passible de la peine de mort. Le droit canadien serait-il appliqué dans ce cas là et nous empêcherait-il de transférer à quelqu'un un prisonnier qui serait passible de la peine de mort?

+-

    M. James R. Wright: Je vais répondre à la première partie de la question. Je vais essayer d'y répondre encore une fois, puis je demanderai, comme on dit, à mon avocat, puisque je ne suis pas moi-même avocat, de répondre du mieux que nous le pouvons à la deuxième question, que je comprends certainement.

    Je répète simplement que, s'il y a le moindre doute quant au statut de la personne qui se trouve en détention, le principe international veut qu'il y ait une audience devant un tribunal. S'il n'y a pas de doute...

+-

    M. Bill Casey: Excusez-moi. Va-t-on faire cela avant d'amener la personne dans un autre continent?

¸  +-(1420)  

+-

    Le coprésident suppléant (M. John Harvard): Monsieur Casey, votre temps est écoulé. Vous devrez poser votre question au prochain tour.

    Madame Jennings.

+-

    Mme Marlene Jennings (Notre-Dame-de-Grâce—Lachine, Lib.): Merci beaucoup de votre exposé.

    J'ai une question précise à poser. La peine de mort n'existe pas au Canada, ni dans notre Code criminel ni selon notre droit militaire. J'ai participé aux travaux de l'Assemblée des parlementaires du Conseil de l'Europe en juin et, dans un débat sur la peine de mort, la Commission judiciaire a recommandé que les États-Unis déclarent au moins un moratoire sur la peine de mort, s'ils ne veulent pas l'abolir. Leur droit militaire prévoit la peine de mort, à moins que je me trompe. Par conséquent, avant de livrer aux États-Unis des personnes que nous avons arrêtées et détenues, même si nous savons qu'elles seront légitimement considérées comme des combattants illégaux ou des prisonniers de guerre, j'aimerais que nous nous assurions que ces personnes ne seront pas passibles de la peine de mort à la suite d'un processus judiciaire américain en application de leur droit militaire ou de leur Code criminel, peu importe.

    Donc, j'aimerais savoir si, en vertu des règles d'engagement—et nous ne parlons pas ici des opérations courantes, mais de notre politique gouvernementale—nous avons décidé de ne pas livrer des détenus, même si nous savons qu'ils seront traités de façon humanitaire pendant leur détention, etc., que leur statut a été bien désigné par les États-Unis, sans avoir l'assurance que, s'ils sont traduits devant un tribunal martial ou autre, ils ne seront pas passibles de la peine de mort. Voilà ma question.

+-

    M. James R. Wright: Je pense que c'est une question très pertinente, très importante.

+-

    Mme Marlene Jennings: Bien oui, la vie des gens en dépend.

+-

    M. James R. Wright: Pour bien vous répondre, je vais reprendre certaines observations du ministre Eggleton et du général Henault.

    Dans l'examen des diverses règles d'engagement, nous sommes extrêmement sensibles à la question. Nous connaissons la décision rendue par la Cour suprême du Canada à cet égard relativement à l'extradition. Nous discutons du problème avec les avocats des ministères de la Défense et de la Justice, et nous allons mobiliser les autorités américaines. Je ne peux vous donner une réponse définitive à ce moment-ci, mais je comprends assurément la nature du problème et je sais ce que le gouvernement canadien a déjà fait à propos de l'extradition d'individus aux États-Unis.

+-

    Mme Marlene Jennings: Puis-je vous interrompre?

    Dans ce cas, quand ces discussions seront terminées à la satisfaction des Canadiens représentant notre gouvernement, que ce soit des militaires ou non, et qu'on aura déterminé les conditions de remise, et le reste—la peine de mort—, pouvez-vous promettre à notre comité mixte que vous allez revenir nous rencontrer ou nous écrire pour expliquer les conditions en détail?

+-

    M. James R. Wright: Nous reviendrons avec plaisir devant le comité après avoir étudié la question. Bien sûr, nous devrons aussi en discuter avec notre nouveau ministre.

+-

    Le coprésident suppléant (M. John Harvard): Merci, madame Jennings.

    Nous allons maintenant passer à Mme Gallant, puis à M. Dromisky; ensuite, madame Wayne, ce sera votre tour.

+-

    Mme Cheryl Gallant (Renfrew—Nipissing—Pembroke, Alliance canadienne): Durant le congé parlementaire, le premier ministre a déclaré à la télévision de façon unilatérale, sans avoir consulté les représentants de la population du Canada, que, si la guerre au terrorisme s'étendait à l'Iraq, le Canada ne participerait pas.

    J'ai une question à poser qui fait suite à celle de mon collègue, sur le respect de nos obligations futures. La négligence surveillée de nos militaires dicte-t-elle notre politique étrangère? Et quelle est globalement notre politique étrangère en ce qui concerne l'expansion de cette guerre au terrorisme? Allons-nous continuer de piloter par instinct, ou allons-nous finir simplement par suivre la politique étrangère des États-Unis? C'est ma première question.

¸  +-(1425)  

+-

    M. James R. Wright: J'ai un ou deux éléments de réponse.

    D'abord, au sujet de l'Iraq, j'aurais un ou deux commentaires à faire. Sommes-nous satisfaits de la situation sur le terrain en Iraq? Non. Voulons-nous que Sadam Hussein se plie aux résolutions du Conseil de sécurité de l'ONU et laisse les inspecteurs entrer en Iraq? Oui. Avons-nous appuyé les sanctions plus judicieuses approuvées par le Conseil de sécurité de l'ONU à la fin de 2001 afin d'essayer de favoriser une meilleure collaboration de la part des autorités iraquiennes? Tout à fait.

    Approuvons-nous l'expansion de la campagne contre le terrorisme en Iraq actuellement? Non. Nous voudrions avoir des preuves claires et convaincantes d'une menace directe de la part de l'Iraq, ou d'un lien direct entre les événements du 11 septembre et les autorités iraquiennes, mais nous n'avons pas ces preuves claires et convaincantes. Je crois que le premier ministre a aussi fait remarquer que cela aurait un impact sur la coalition politique formée à la suite des événements du 11 septembre, et qui réunit les Arabes et le monde islamique dans cette lutte contre le terrorisme.

    Je pense que le premier ministre a dit que nous devrions agir de façon très judicieuse dans ce cas-ci. Je ne pense pas que cela témoigne de l'indifférence du Canada à l'égard de l'Iraq. Bien au contraire. Je ne pense pas non plus que cela indique que le Canada se dérobe à ses responsabilités internationales dans la lutte contre le terrorisme. Je pense que le premier ministre exposait simplement certains critères très clairs que le Canada prendrait en compte à chaque nouvelle étape de la lutte contre le terrorisme au-delà des frontières de l'Afghanistan.

+-

    Mme Cheryl Gallant: Merci.

    Quelle est la politique étrangère à long terme du Canada à l'égard de l'Afghanistan? Nous devons participer à la reconstruction pour que, dans cinq ans, nous n'ayons pas à tout recommencer. Qu'est-ce que la politique étrangère du Canada prévoit pour favoriser un milieu stable, qui encourage la collaboration au lieu d'inspirer la haine?

+-

    M. James R. Wright: Je répondrais très clairement que cela ne touche pas seulement le Canada, mais toute la communauté internationale. On s'est engagé à aider les autorités afghanes à traverser cette période très difficile, non pas seulement à court terme, ni à moyen terme, mais à long terme. Je pense que le premier ministre, le ministre Manley et d'autres ont fait valoir très clairement, sans ambages, qu'il faudra déployer des efforts soutenus et à long terme pour aider les autorités afghanes à mettre en place les structures gouvernementales appropriées dont le pays est hélas dépourvu depuis tellement longtemps.

    Des mesures humanitaires ont été engagées par l'Agence canadienne de développement international. Entre autres, un montant de 100 millions de dollars sera versé dans les mois à venir pour contribuer à l'effort de reconstruction—qu'il s'agisse de l'aide humanitaire, du retour des réfugiés ou du déminage. Ce n'est pas une action qui prendra fin dans quelques mois. Nous parlons d'un investissement soutenu et de longue haleine, pas seulement pour le Canada, mais pour tous les pays du monde. Je pense que c'est ce qui ressortira clairement de la très importante conférence sur la reconstruction à laquelle le Canada et d'autres pays participeront à Tokyo la semaine prochaine, je pense, mais je ne peux me souvenir des dates exactes.

¸  +-(1430)  

+-

    Le coprésident (M. John Harvard): Merci.

    C'est au tour de M. Dromisky, qui sera suivi par Mme Wayne.

+-

    M. Stan Dromisky (Thunder Bay—Atikokan, Lib.): Merci beaucoup, monsieur le président.

    Deux de mes questions ont déjà été posées au sujet de l'Iraq et du rôle de l'OTAN. J'ai une inquiétude que beaucoup de gens éprouvent aussi j'en suis sûr.

    Avant le mouvement al-Qaïda et le régime taliban, la corruption était le mode de vie du gouvernement au pouvoir à l'époque—avant l'arrivée des Russes. La corruption était telle qu'elle a contribué, je pense, à l'établissement du gouvernement que nous essayons aujourd'hui de combattre—et je crois que nous avons aujourd'hui très bien réussi à le détruire. Un nouveau gouvernement a pris le pouvoir, celui de l'Alliance du nord, je pense. Il regroupe principalement les mêmes personnes qui étaient en situation d'autorité et qui dirigeaient le pays avant que les Talibans prennent le pouvoir.

    Qu'est-ce qui dans notre politique, nos opérations ou nos stratégies garantit que la corruption ne continuera pas? À une certaine époque, plus de 90 p.100 de l'héroïne dans le monde provenait du nord de l'Afghanistan. Qu'est-ce qui nous garantit que cela ne continuera pas? La corruption existait parmi toutes les autorités aux niveaux fédéral, régional et municipal. Les autorités publiques, mais aussi les autorités gouvernementales et militaires se livraient à des pratiques que nous qualifierions de corruption.

    Les contribuables donnent des millions de dollars à ce pays. Nous savons déjà que des autorités font payer les gens pour la nourriture que nous donnons. Il y a de la corruption. Je ne veux pas que l'argent des contribuables canadiens, censé servir à des fins humanitaires pour venir en aide aux gens qui ont souffert pendant des années et des années, permette à certaines personnes de faire fortune et de décider, une fois assez riches, de quitter le pays et de venir revendiquer le statut d'immigrant reçu au Canada.

+-

    Le coprésident suppléant (John Harvard): Monsieur Wright.

¸  +-(1435)  

+-

    M. James R. Wright: Ce sont toutes des questions tellement simples. Je...

+-

    Le coprésident suppléant (M. John Harvard): C'est pourquoi vous êtes grassement payé, n'est-ce pas?

+-

    M. James R. Wright: C'est vrai.

    J'ai quelques commentaires à formuler. Je ne conteste pas le tableau que vous avez brossé. Ce pays a souffert pendant très longtemps, à cause des seigneurs de guerre, de la corruption, des stupéfiants et du terrorisme. L'Afghanistan connaît la souffrance depuis des décennies et la famine depuis trois ans. Personne ne doit sous-estimer le défi qui est lancé au Canada et à la communauté internationale.

    Je voudrais dire que nous entreprenons ces mesures de reconstruction les yeux grands ouverts. Ce n'est pas comme si nous n'avions jamais connu ce genre de situation. Nous éprouvons aujourd'hui les mêmes problèmes que dans les Balkans, des problèmes de drogue, de crime organisé, et de corruption et, au sein de la communauté internationale, le Canada a, je pense, joué un rôle de premier plan dans des domaines comme la formation des forces policières et militaires, la formation des autorités judiciaires, les droits de la personne, l'apprentissage de la tolérance, l'éducation et les normes de santé. Ce sont tous des domaines où le Canada a acquis l'excellence pour aider à améliorer les structures gouvernementales dans les pays auxquels nous essayons de venir en aide.

    Je pense que vous pouvez tenir pour acquis que l'Agence canadienne de développement international accordera une importance particulière aux structures gouvernementales pour s'assurer que le scénario que vous avez décrit devienne chose du passé et pour offrir au peuple afghan une vie meilleure que celle qu'il a connue depuis 20 ou 30 ans. L'inquiétude que vous avez exprimée est fort légitime, mais je pense que la communauté internationale comprend très bien le problème, tout comme le gouvernement canadien.

+-

    Le coprésident suppléant (M. John Harvard): Merci. Je pense que vous méritez votre salaire, monsieur Wright.

    Madame Wayne.

+-

    Mme Elsie Wayne: Merci beaucoup.

    Ma question est légèrement différente, puisque je m'inquiète au sujet des terroristes qui se trouvent au Canada: que faisons-nous à cet égard? Si je pose cette question, c'est parce qu'au cours des deux derniers mois et demi, j'ai appris que des réservations avaient été faites dans ma circonscription par des gens qui apparemment étaient et sont des terroristes et qui essayaient d'aller à New York; ils essayaient de trouver une façon d'aller de Saint John à New York. Ils ont fait 23 réservations, ne les ont pas conservées, mais ont essayé de trouver un moyen de partir de Saint John à destination de New York. L'un deux a réussi à le faire. Il se peut fort bien, je crois, que l'on arrive à la conclusion qu'il s'agit de l'un de ceux qui a heurté les tours de New York.

    J'ai de graves inquiétudes et j'ai essayé d'en faire part au cabinet du solliciteur général. Je sais que l'OTAN déploie deux AWACS supplémentaires—avions d'alerte avancée—aux États-Unis. Deux de plus sont prévus. Je me demande donc si l'on s'attend à davantage d'attaques?

    Au Canada toutefois, si je comprends bien, monsieur le président, en 1999, le SCRS a demandé davantage de fonds, car il savait que certaines de ces personnes posaient des problèmes au Canada. Au lieu d'être augmenté, le budget a été diminué si bien que le Service a dû licencier quelques employés. Je suis vraiment inquiète au sujet du Canada à l'heure actuelle. Pourriez-vous, s'il vous plaît, nous informer des mesures...? J'imagine que vous travaillez de concert avec le cabinet du solliciteur général ainsi qu'avec le ministère de la Défense, que vous travaillez ensemble... En effet, nous avons de graves inquiétudes au Canada.

    J'ai également appris au cours des deux derniers mois que certains de ces terroristes s'intéressent actuellement à onze de nos villes canadiennes. L'une d'elles est la mienne, puisqu'on y retrouve une usine nucléaire ainsi que la raffinerie de pétrole privée la plus importante au Canada et probablement dans le monde entier. Ma ville est donc visée.

    On en retrouve donc dans tout le pays. Que faisons-nous pour protéger notre propre pays, le Canada, de ces genres d'attaques qui sont survenues ici, en Afghanistan, à New York, etc. Que faisons-nous, monsieur?

+-

    M. James R. Wright: Je vous remercie pour votre question. Je ne prétends pas être spécialiste en ce qui concerne toutes les mesures prises au Canada. C'est une question qu'il vaudrait probablement mieux adresser au solliciteur général, au SCRS ou à la GRC.

    Ce que je peux dire, toutefois, c'est que tous les ministères du gouvernement canadien ont fait des efforts sans précédent à cet égard. Nous travaillons ensemble, main dans la main, avec nos collègues du solliciteur général, du SCRS, de la GRC et du ministère de la Défense nationale afin de justement répondre aux genres de préoccupations que vous soulevez aujourd'hui.

    Vous connaissez bien les mesures prises par le gouvernement canadien; il a en effet augmenté les ressources de la GRC, du SCRS, du solliciteur général. De nouvelles ressources prévues dans le budget ont été également affectées au ministère des Affaires étrangères pour nous aider dans le domaine du contreterrorisme. Je peux assurer votre comité que ces ressources sont utilisées le mieux possible.

    En ce qui concerne les menaces contre le Canada, je pense que vous feriez mieux de demander ce genre d'information au solliciteur général directement. Je crois toutefois qu'il a indiqué dans le passé—comme d'autres—que des menaces subsistent. Chacune de ces pistes est examinée, non pas seulement par l'instance canadienne pertinente, mais par la communauté internationale. La coopération en cours, non seulement entre le Canada et les États-Unis, mais aussi entre tous les alliés, dans la lutte contre le terrorisme, est exceptionnelle. Le partage de l'information...

    Vous avez été informée hier du cas relatif à Singapour où des allégations ont été faites. Nous travaillons de près avec nos collègues de Singapour afin d'arriver au fond des choses dans ce cas particulier.

    Vous avez dit que des Canadiens ou des gens venant du Canada auraient pu participer aux attaques contre New York.

¸  +-(1440)  

+-

    Mme Elsie Wayne: Pas des Canadiens, mais des gens vivant au Canada.

+-

    M. James R. Wright: Pas des Canadiens, mais des personnes qui auraient pu venir du Canada pour participer à ces attaques.

    Autant que je sache, je crois que les ministres—le ministre Manley, le ministre MacAuley, le premier ministre, et d'autres—ont été très clairs à cet égard. Rien ne prouve jusqu'à présent qu'un responsable de ces attaques du 11 septembre soit venu du Canada. Ils provenaient de beaucoup d'autres pays. Beaucoup se trouvaient aux États-Unis depuis longtemps et les Américains sont les premiers à le reconnaître. Autant que je sache, rien jusqu'à présent ne laisse entendre que des personnes venaient du Canada; c'est un fait reconnu par les autorités américaines.

+-

    Le coprésident suppléant (M. John Harvard): Merci.

    Monsieur Patry, puis monsieur Bachand.

[Français]

+-

    M. Bernard Patry (Pierrefonds—Dollard, Lib.): Merci beaucoup, monsieur le président. Merci, monsieur Wright.

    Je veux poursuivre un peu dans l'optique des questions qui vous ont été posées par Mme Gallant sur la reconstruction de l'Afghanistan . Vous nous avez dit dans votre énoncé que le Canada participait activement aux travaux de plusieurs groupes de donateurs, lesquels élaborent actuellement des stratégies destinées à favoriser le relèvement de l'Afghanistan. Le tout sera discuté de façon approfondie très prochainement, c'est-à-dire la semaine prochaine, à Tokyo, lors de la conférence internationale sur la reconstruction de l'Afghanistan.

    Voici ma première question. Est-ce que le gouvernement de l'Afghanistan sera représenté à cette conférence à Tokyo? Quels sont les objectifs qui sont véritablement poursuivis? Vous avez déjà eu des discussions avec des groupes de donateurs. Où en êtes-vous à ce moment-ci? Est-ce qu'il s'agit d'objectifs comme ceux que poursuit l'ACDI, c'est-à-dire l'éducation, etc.?

[Traduction]

    Comment ces objectifs se comparent-ils avec ceux du gouvernement de l'Afghanistan? Ce gouvernement poursuit-il ses objectifs? Y a-t-il ingérence dans ses affaires intérieures?

+-

    M. James R. Wright: Merci beaucoup, c'est une bonne question. Puis-je répondre au comité à la question précise relative à la participation des autorités afghanes à la conférence?

    Je dois vous dire qu'une des raisons pour lesquelles nous avons ces conférences internationales sur la reconstruction—et c'est ce que nous avons fait pour les Balkans également—c'est d'assurer une évaluation appropriée des besoins afin d'éviter la répétition inutile des efforts de la part d'organismes internationaux ainsi que de la part de pays. Pour ce qui est de l'établissement des priorités pour l'Afghanistan, je crois que la Banque mondiale, le Programme des NU pour le développement et la Banque asiatique de développement s'en sont chargés. Leurs représentants exposeront à la Conférence de Tokyo leur évaluation des besoins en fonction de l'examen de la situation sur le terrain et des entretiens avec les autorités agfhanes; je ne pense donc pas que la communauté internationale offre une assistance contraire aux souhaits des autorités afghanes.

+-

    M. Bernard Patry: Pas de problème.

    La communauté internationale ne peut absolument pas imposer ses vues, ses vues occidentales, au peuple afghan?

+-

    M. James R. Wright: Non. En fait, je crois que beaucoup de leçons ont été tirées de ce genre d'expérience dans d'autres pays. Il faut respecter l'histoire, la culture et les normes sociales de l'Agfhanistan. Il faut travailler avec les autorités afghanes d'une manière qui réponde le mieux à leurs besoins. Je sais que le représentant spécial NU pour l'Afghanistan, l'ambassadeur Brahimi, est particulièrement sensible à ce sujet et essaie de faire en sorte que la communauté internationale est à l'écoute de cette question, si bien que je ne pense pas que cela pose problème.

    Nous allons vous revenir sur la question de la participation des autorités afghanes à cette conférence. Je crains de ne tout simplement pas en connaître la réponse.

¸  +-(1445)  

+-

    M. Bernard Patry: Merci, monsieur Wright.

    Merci, monsieur le président.

+-

    Le coprésident suppléant (M. John Harvard): Merci, monsieur Patry.

    Monsieur Bachand, puis monsieur Godfrey.

[Français]

+-

    M. Claude Bachand: Merci, monsieur le président.

    J'aimerais continuer d'argumenter avec M. Wright sur la politique extérieure traditionnelle du Canada. J'ai donné quelques exemples plus tôt. J'ai l'impression que la politique du gouvernement ici, à Ottawa, a changé depuis le 11 septembre et j'ai peur qu'elle ne continue de changer. Je veux exposer à M. Wright la façon dont je vois la situation depuis le 11 septembre.

    Je trouve que la position américaine est celle des gens d'une puissance extraordinaire qui devance presque les trois quarts de la planète. C'est M. Bush qui a donné le pas à cette politique lorsqu'il a déclaré--certains appellent maintenant cela la doctrine Bush--que ceux qui n'étaient pas avec les Américains étaient avec les terroristes. Cela a plongé beaucoup de pays dans une espèce de malaise. Ils se sont dit qu'ils ne pouvaient pas être avec les terroristes car ils étaient avec les Américains. À partir de ce moment-là, la politique américaine a dicté leur façon de se conduire à l'ensemble des pays, et particulièrement au Canada.

    Je pense que le Canada n'a pas de choix: il doit dire oui à ce qui est décidé au haut commandement, à Tampa Bay. Je pense qu'on n'avait pas de choix: on devait envoyer des gens là-bas, sur le théâtre offensif. Le Canada aurait pu dire qu'il irait en Afghanistan lorsque la paix serait établie parce que c'est sa spécialité et qu'il enverrait des troupes de maintien de la paix quand ce serait fini, mais je pense que le haut commandement à Tampa et George Bush ne voulaient pas cela. Alors, on ne pouvait pas dire cela. On ne pouvait pas dire, non plus, qu'on irait là-bas seulement sous l'égide de l'ONU. Je pense que les Américains ont dicté au Canada sa politique extérieure. On a dit aux Canadiens qu'ils iraient là-bas, mais sous l'égide des Américains.

    C'est la même chose pour les droits de la personne. À mon point de vue, le Canada a toujours été reconnu comme un pays très respectueux des droits de la personne. Comme on l'a vu dans les exemples que je donnais plus tôt, on ferme les yeux sur ce qui se passe et on va avoir de la difficulté à corriger la situation si elle n'est pas conforme à la tradition de respect des droits de la personne qui a toujours été celle du Canada.

    Est-ce qu'on n'est pas un peu piégés, monsieur Wright? C'est cela, ma question. Est-ce que le Canada, dans sa politique extérieure, au moment où on se parle, n'est pas piégé par la doctrine Bush, qui dit que si on n'est pas avec les Américains, on est avec les terroristes, surtout qu'on est le pays voisin des États-Unis, le pays sur lequel ils peuvent compter automatiquement, selon eux?

[Traduction]

+-

    M. James R. Wright: Je vais répondre à plusieurs des points que vous soulevez. Effectivement, les États-Unis représentent actuellement une puissance mondiale prééminente, mais comme je l'ai dit dans ma déclaration liminaire, je crois que beaucoup s'attendaient à ce qu'ils se comportent différemment en réaction à cette attaque terroriste où plus de 3 000 personnes ont perdu la vie à New York, à Washington et en Pennsylvanie. Je pense que beaucoup croyaient que les Américains allaient réagir abruptement, sans consulter qui que ce soit, sans travailler avec les Nations Unies, qu'ils prendraient leur revanche et que tout cela se produirait extrêmement rapidement.

    Eh bien, ce n'est pas ce qui s'est passé. Les États-Unis ont pris leur temps, ils ont travaillé en étroite collaboration avec la communauté internationale pour essayer de former une coalition, non pas simplement avec l'OTAN, mais aussi avec les pays arabes et islamistes. Les États-Unis n'ont pas pris de mesures irréfléchies. Ils se sont montrés très déterminés, mais ont présenté leur point de vue à la communauté internationale et ont coopéré avec les autres afin d'aboutir à la coalition politique finalement formée pour lutter contre le terrorisme.

    Ils ont joué un rôle utile de leader au Conseil de sécurité des Nations Unies—autre point auquel ne s'attendaient peut-être pas certains pays de la communauté internationale. Je dois dire que dans la situation extrêmement tendue dans laquelle se retrouve le monde aujourd'hui, le Conseil de sécurité des Nations Unies continue de prendre des décisions à l'unanimité. C'est à mon avis un message très fort qui est envoyé aux terroristes.

    Avions-nous le choix de participer ou non à l'opération de Kandahar? Oui. Je crois que nous avons consciemment décidé d'y être présents. Nous avons voulu contribuer. Nous ne sommes pas là uniquement parce que les Américains nous ont dit d'y aller, mais parce que nous pensons pouvoir contribuer de façon importante à la lutte mondiale contre le terrorisme. Nous y allons parce que nous considérons que nos soldats peuvent relever ce défi.

    Il ne s'agit donc pas à mon avis d'un piège, mais plutôt d'une occasion pour nous d'être coude à coude avec nos amis et voisins américains et de manifester notre appui pour cette lutte contre le terrorisme.

    Comme l'a indiqué le ministre Manley il y quelques semaines, ce n'est pas comme si nous acceptions tout ce que l'administration américaine nous demande de faire. En fait, nous avons manifesté notre désaccord sur plusieurs questions politiques assez importantes, qu'il s'agisse des armes biologiques, des mines terrestres, de la Cour pénale internationale ou des questions de contrôle des armements et de désarmement. Prenez l'exemple de l'implantation d'armes dans l'espace: Nous avons quelques questions à propos du programme de défense contre les missiles balistiques. Ce n'est pas uniquement parce que les Américains veulent faire quelque chose que le Canada se précipite automatiquement pour l'accepter.

¸  +-(1450)  

+-

    Le coprésident suppléant (M. John Harvard): Merci, monsieur Wright.

    Nous passons maintenant à M. Godfrey, puis à M. Benoit.

+-

    M. John Godfrey: J'ai trois questions.

    Le président Bush déclare qu'il ne fait aucune distinction entre les terroristes et les régimes qui les abritent; ma première question est donc la suivante: Le Canada fait-il une distinction légale ou de politique étrangère entre ces deux genres d'entités?

    Deuxième question: Si nous faisons une telle distinction, comment se reflète-t-elle dans l'opération de Kandahar où nous semblons poursuivre sans discernement les membres d'al-Qaïda et de l'armée des Talibans?

    Ma troisième question nous ramène à celle que j'ai posée un peu plus tôt: Êtes-vous satisfait jusqu'à présent du traitement réservé aux prisonniers transplantés à Guantanamo? Si des soldats canadiens participaient à une guerre et étaient faits prisonniers et qu'ensuite, sans procès, ils se retrouvaient cagoulés à bord d'un avion les amenant à des milliers de kilomètres dans un pays tiers pour être mis en isolement cellulaire dans une cage, considérerions-nous un tel traitement normal et humain?

+-

    M. James R. Wright: Le Canada s'est prononcé non seulement au sujet des terroristes, mais également à propos des pays qui accueillent des terroristes. Je sais par exemple que nous avons eu des échanges très francs avec de nombreux pays du Proche-Orient, avec ceux que l'on qualifie de préoccupants, au sujet de toute cette question du terrorisme parrainé par l'État et des pays qui accueillent des terroristes. Nous avons adopté une position très claire à ce sujet, que l'entretien ait lieu avec des représentants de l'Iran, de la Syrie ou du Liban. Ce ne sont d'ailleurs pas les seuls pays. Il y en a de nombreux autres. Mais ce sont les premiers qui nous viennent à l'esprit.

    Je sais que M. Manley, quand il a visité cette région du monde, a eu des discussions plutôt âpres avec ses homologues. Les messages qu'il leur livrait ne leur plaisaient pas forcément, mais je crois que nous respectons notre parole. Sommes-nous préoccupés uniquement par les terroristes? Non. Les terroristes qui reçoivent l'aide d'un État nous préoccupent-ils? Incontestablement.

¸  +-(1455)  

+-

    M. John Godfrey: Je suppose que je cherchais surtout à savoir si nous faisons une distinction officielle entre les terroristes et les régimes qui les accueillent, si cette distinction est présente dans nos lois ou dans notre politique étrangère.

+-

    M. James R. Wright: Nous faisons une distinction entre un groupe de terroristes et un pays qui offre refuge à des terroristes. Donc, nous faisons effectivement une distinction entre les deux. Par contre, nous voyons d'un très mauvais oeil, sur le plan de la politique étrangère, les pays qui accueillent les terroristes et ceux qui les parrainent. Nous l'affirmons sans ambages aux pays visés. Je ne suis pas sûr, cependant, qu'il existe une distinction sur le plan juridique. Je ne le crois pas.

    Quant à votre dernière question au sujet d'une situation hypothétique que vous nous avez décrite, je crois que nous tournons un peu en rond. Je ne souhaite pas donner des réponses plus détaillées que ce que j'ai déjà donné à cet égard. Il y aura bien des situations hypothétiques avec lesquelles les Forces canadiennes devront composer sur le terrain. J'ai essayé d'énoncer les principes qui guideront leur comportement, les principes qui détermineront la façon dont elles traiteront ces personnes et comment le gouvernement canadien réagira au traitement de ces détenus, que ce soit en Afghanistan ou dans la Baie de Guantanamo. Nous en parlerons directement avec les autorités américaines, comme nous l'avons toujours fait dans le passé. Nous écouterons également ce qu'ont à dire à ce sujet d'importants organismes internationaux comme la Croix-Rouge internationale. Je ne suis pas sûr que je puisse aller plus loin.

+-

    M. John Godfrey: Je suppose que la seule chose que je veux faire valoir, c'est que j'espère que nous aimerions voir d'autres prisonniers de guerre ou détenus traités de la même façon que les nôtres, s'ils étaient fait prisonniers. Cela me semble refléter nos valeurs.

+-

    M. James R. Wright: Comme je l'ai dit au départ, notre bible sera le droit international, et nous ferons en sorte que les prisonniers sont traités sans cruauté. Les Forces canadiennes en ont l'habitude. Elles ont déjà eu à résoudre le problème. Il n'y a là rien de nouveau pour elles. Je suis entièrement confiant dans la capacité de nos Forces canadiennes à comprendre leurs obligations en vertu du droit international et du droit canadien.

+-

    Le coprésident suppléant (M. John Harvard): Merci.

    Monsieur Wright, on parle de prisonniers de guerre, mais j'aimerais d'abord savoir s'il s'agit d'une vraie guerre. Je sais que notre présence est autorisée par l'article 51 de la Charte des Nations Unies. Pour moi, la guerre a toujours été, du moins en règle générale, une déclaration quelconque d'hostilité faite officiellement par un État contre un autre. Donc, selon le droit canadien ou le droit international, s'agit-il vraiment d'une guerre?

+-

    M. James R. Wright: Je vais laisser John répondre à cette question. Cependant, il me semble que la situation correspond à la définition de conflit armé. J'ignore au juste quand le gouvernement du Canada a pour la dernière fois officiellement déclaré la guerre à un autre pays, mais je soupçonne que cela remonte à la Seconde Guerre mondiale. D'après moi, ce qui se passe en ce moment serait qualifié de conflit armé.

    Comme je l'ai déjà mentionné, la définition de conflit armé est en pleine évolution et a changé depuis deux ou trois décennies. Durant la Seconde Guerre mondiale, 90 p. 100 des victimes d'un conflit armé auraient probablement été des soldats. Les chiffres sont maintenant inversés, de sorte que 80 à 90 p. 100 des victimes de conflit—trop souvent, des conflits civils—sont des civils. Nous avons affaire actuellement à un tout autre genre de situation. La communauté internationale, les Nations Unies, l'OTAN et d'autres institutions ont fait de leur mieux pour s'adapter aux changements et y réagir en formant ces diverses coalitions de partenaires pour une même cause. Le principe en est bien compris, respecté et appuyé par les Nations Unies.

+-

    Le coprésident suppléant (M. John Harvard): Je vous remercie.

    C'est maintenant au tour de M. Benoit, que je remercie d'ailleurs pour sa patience, suivi de Mme Jennings.

+-

    M. Leon Benoit: Monsieur le président, je vous remercie.

    Monsieur Wright, vous avez fait grand cas du fait que le Canada a signé et, en réalité, a contribué à faire adopter le Traité sur les mines terrestres antipersonnel. Je vous ai posé une question à ce sujet tout à l'heure, mais je ne crois pas avoir obtenu une réponse complète. Il faudrait peut-être que je revienne à la charge.

    J'ai appris que le chef d'état-major de la Défense a émis un ordre direct à nos troupes se rendant en Afghanistan leur interdisant de prendre part à la planification de toute opération engageant le déploiement de mines terrestres antipersonnel. Pourtant, les troupes canadiennes pourraient fort bien jouir de la protection de mines terrestres antipersonnel installées par les Américains.

    Vous m'avez donné l'assurance que nos troupes ne sont pas, sur le plan juridique, compromises par cette activité. Or, naturellement, si les Américains quittaient l'Afghanistan et que les Canadiens et les Américains avaient jusque-là été physiquement protégés par les mines terrestres antipersonnel américaines, seules les troupes canadiennes qui demeureraient sur place seraient protégées par ces mines. Je cherche à obtenir une assurance concrète que nos troupes ne se trouveront pas compromises par une situation du genre.

¹  +-(1500)  

+-

    M. James R. Wright: Il s'agit d'une situation hypothétique.

+-

    M. Leon Benoit: Cela pourrait fort bien se produire, cependant. C'est nettement du domaine des possibilités.

+-

    M. James R. Wright: Je ne voudrais pas émettre des conjectures quant à la durée de la présence des Américains là-bas, à savoir s'ils partiront avant nous et si, avant leur départ, ils retireront leurs mines terrestres. Je crains de ne pas connaître les instructions permanentes d'opération à cet égard, de ne pas savoir ce que sont les normes internationales ou américaines à cet égard. Par contre, je sais que les soldats canadiens connaissent très bien leurs obligations aux termes du Traité sur les mines terrestres antipersonnel. Si j'ai bien compris, ils ne s'exposeront pas à faire l'objet de poursuites fondées sur ce que les Américains font ou ne font pas en ce qui concerne la pose de mines terrestres. J'ignore...

+-

    M. Leon Benoit: N'est-ce pas hypocrite de la part du Canada, quand il—ou son chef d'état-major de la Défense—dit qu'il ne faut pas se salir les mains en participant à la pose de mines terrestres antipersonnel, mais qu'il profite de leur protection? Cela me semble très hypocrite.

+-

    M. James R. Wright: Non, je ne crois pas du tout que ce soit hypocrite. Ce n'est pas nous qui avons placé les mines terrestres et, quand nous envoyons des troupes canadiennes participer à des opérations dans des endroits comme la Bosnie ou le Kosovo, où il y a un risque, ou encore en Éthiopie ou en Érythrée, nos forces ont l'habitude d'affronter ce niveau de risque sans utiliser des mines terrestres.

    Le gouvernement des États-Unis a pris une décision nationale, soit d'aller de l'avant et d'utiliser ces mines. C'est son entière prérogative. Nous n'utilisons pas ces mines, nous ne les utiliserons pas, et nos troupes ne seront pas associées à leur pose.

+-

    M. Leon Benoit: D'accord. Dans un tout autre ordre d'idée, il me semble que le gouvernement a par le passé permis aux Affaires étrangères de prendre des décisions qui ont mis le Canada dans l'embarras, par exemple en prenant des engagements militaires qui ne pouvaient pas vraiment être respectés convenablement. À ce sujet, je vous renvoie à une citation du rapport d'enquête de 1997 sur les incidents survenus en Somalie.

... nous avons constaté que les paliers les plus élevés de la hiérarchie militaire ont fait preuve d'une précipitation et d'un enthousiasme téméraires en faveur d'une action de prestige présentant un risque élevé, et ce, au détriment des voies de droit régulières et d'une prise de décision rationnelle. On a systématiquement ignoré la doctrine, les processus militaires éprouvés, les lignes directrices et même la politique établie. Les lignes directrices et les listes de contrôle existantes n'ont reçu que très peu d'attention. Le déploiement des FC a donc débuté dans un contexte où la mission était floue, les tâches non définies, les dispositions relatives au commandement improvisées, les rapports avec le commandement américain non consolidés et les règles d'engagement imprécises.

    Le ministre et vous avez aujourd'hui affirmé tous deux que les règles d'engagement sont toujours en voie d'élaboration en dépit du fait que nos troupes partent en masse demain pour l'Afghanistan. Nous nous sommes à nouveau mis les pieds dans les plats par après en Somalie et au Zaïre, en 1996, où encore une fois on n'a pas bien tenu compte de ces choses avant d'envoyer les troupes.

    Je cherche à obtenir de vous l'assurance que, cette fois, en Afghanistan, nous n'allons pas nous retrouver dans le même gâchis parce que le gouvernement a écouté les Affaires étrangères et s'est engagé alors qu'on exige trop de nos militaires qui sont sous-financés par le gouvernement et n'ont ni les personnes ni l'équipement requis pour exécuter la mission convenablement et en toute sécurité.

+-

    Le coprésident suppléant (M. John Harvard): M. Wright, nous allons essayer de vous fournir une réponse brève.

+-

    M. James R. Wright: Naturellement, le ministère de la Défense nationale tient compte de l'avis du ministère des Affaires étrangères, mais je dirais également que les Affaires étrangères écoutent avec beaucoup d'attention ce qu'a à dire la Défense nationale. Le ministère des Affaires étrangères ne décide jamais seul du déploiement de troupes. Nous organisons ces missions en tandem. C'est là une pratique courante. Le ministère des Affaires étrangères n'agit pas seul, pas plus que ne le fait le ministère de la Défense nationale, dans un pareil dossier. L'envoi de troupes de maintien de la paix à l'étranger est un prolongement de notre politique étrangère. Nous travaillons donc en équipe. Voilà pour le premier point.

    Deuxio, nous avons effectivement beaucoup appris des missions antérieures et si vous entendez le chef de l'état-major de la Défense, le ministre Eggleton ou moi-même prêcher la prudence, c'est parce que nous avons tiré des enseignements, que nous examinons avec soin les règles d'engagement, le mandat, le commandement et le contrôle et que nous faisons en sorte que nos troupes sont bien équipées lorsqu'elles sont envoyées à l'étranger et qu'elles sont prêtes au moment du départ.

¹  +-(1505)  

+-

    Le coprésident suppléant (M. John Harvard): Je vous remercie.

    Madame Jennings.

+-

    Mme Marlene Jennings: Je vais changer un peu de sujet, ce qui vous permettra peut-être de souffler un peu.

    J'aimerais savoir si le Canada s'apprête à établir des relations diplomatiques soutenues avec le régime intérimaire de l'Afghanistan et, dans l'affirmative, comment, ce que cela signifie dans l'établissement de ce genre de relations et ce que cela laisse sous-entendre en termes de développement ou de création d'activités consulaires en Afghanistan. Quand prévoyez-vous que cela se fasse, si nous sommes en train d'envisager l'établissement de ce genre de relations?

    Dernier point—je sais qu'il ne me reste pas beaucoup de temps, de sorte que vous en aurez encore moins—depuis le 11 septembre, plusieurs Canadiens d'origine afghane ont fait les manchettes au Canada, qu'il s'agisse du médecin de Colombie-Britannique qui a déjà combattu comme moudjahiddin ou d'autres de l'est du Canada qui ont entretenu des liens avec différents éléments, au sein de l'Alliance du Nord. Qu'a fait le Canada en vue d'identifier les Canadiens d'origine afghane qui jouiraient d'une certaine crédibilité dans l'établissement de relations ou de liens soutenus—y compris les liens dont on a besoin pour le développement économique et ainsi de suite—et qui n'ont pas de rapport avec certains... par conséquent, ils ne sont pas perçus par le régime intérimaire comme étant alignés et seraient donc accueillis avec plaisir comme des interlocuteurs impartiaux et indépendants.

+-

    M. James R. Wright: Ce sont là deux bonnes questions.

    Pour ce qui est des relations diplomatiques, nous sommes en train d'établir de telles relations avec l'Afghanistan. Je crois savoir que cela exige un processus assez formel. Le Canada envoie une note diplomatique au nouveau gouvernement de transition et celui-ci lui répond en disant qu' il souhaite effectivement établir des relations diplomatiques. Ce processus est en cours.

    Il faut garder à l'esprit que nous sommes en présence d'un gouvernement de transition en Afghanistan; il s'agit d'une nouvelle organisation. Les membres de ce gouvernement provisoire essaient de s'organiser du mieux qu'ils le peuvent. Ils sont dirigés par Hamid Karzai, un leader très charismatique qui fait de l'excellent travail dans des circonstances extrêmement difficiles, mais il faudra sans doute un certain temps pour que les choses s'organisent. Cela ne signifie pas qu'il y a un problème. C'est simplement un constat.

    En ce qui concerne les activités consulaires, nous allons sans doute desservir l'Afghanistan à partir de notre Haut-Commissariat à Islamabad, du moins au début. C'est d'ailleurs ce que nous faisions dans le passé. Notre haut-commissaire, M. Konrad Sigurdson, était à Kaboul pour l'inauguration du gouvernement de transition le 22 décembre dernier, si je ne m'abuse, et nous y envoyons régulièrement des agents du consulat pour donner un coup de main. Ce processus est également en cours.

    Pour ce qui est de la deuxième question, nous savons qu'il y a ici des Canadiens d'origine afghane qui possèdent une riche expérience dont nous pouvons tirer parti pour guider le Canada au cours des prochaines étapes de ses relations avec l'Afghanistan. Nous avons tenté de nouer des liens avec des membres de cette communauté et jusqu'ici, nos efforts ont été couronnés de succès. Le ministère des Affaires étrangères a organisé quelques colloques et tribunes de discussion sur les politiques. Nous avons invité diverses personnes avec lesquelles nous avons discuté des problèmes, des défis, de certaines niches que pourrait occuper le Canada, ainsi que de la réaction des Canadiens d'origine afghane à certaines de ces idées. Nous avons donc fait de notre mieux depuis le 11 septembre pour identifier des personnes-ressources, mais c'est un travail qui se poursuit. Je ne peux affirmer que nous avons identifié toutes ces personnes, mais nous avons eu des rencontres extrêmement fructueuses et un bon dialogue, et ce processus se poursuivra.

¹  +-(1510)  

+-

    Le coprésident suppléant (M. John Harvard): Merci, madame Jennings.

    Madame Gallant.

+-

    Mme Cheryl Gallant: Dans quelle mesure, la décrépitude supervisée de nos forces militaires façonne-t-elle la politique étrangère?

+-

    M. James R. Wright: Pardon? Dans quelle mesure la...

+-

    Mme Cheryl Gallant: La décrépitude, le déclin de l'état de préparation de nos forces militaires, le déclin des ressources, de la capacité. Dans quelle mesure cela façonne-t-il notre politique étrangère?

+-

    M. James R. Wright: C'est votre interprétation, pas la mienne. Je vous répondrais que les Forces armées canadiennes continuent de jouer un rôle de premier plan pour ce qui est des activités de maintien de la paix à l'étranger.

    Je travaille dans le domaine de la gestion des crises depuis le début des années 90 et j'ai vu quatre ou cinq guerres: la Croatie, la Bosnie, la Yougoslavie, le Kosovo, la Macédoine, l'Afghanistan. Je suis allé en Éthiopie et en Érythrée et je peux vous dire que les militaires canadiens sont tenus en très haute estime.

    À mon avis, au lieu d'être sceptiques, les Canadiens devraient être fiers. En effet lorsque les gouvernements britannique et américain ont envisagé leurs options de déploiement, vers qui ces deux pays se sont-ils tournés? Ils n'ont pas dit: «Vos forces armées ne sont pas à la hauteur.» Ils ont dit: «Nous voulons votre collaboration. Nous avons besoin de vous comme partenaire dans ce processus.

+-

    Mme Cheryl Gallant: Je n'ai pas dit que nos militaires n'étaient pas à la hauteur. Nous sommes très fiers du travail qu'ils accomplissent. Ils font de leur mieux avec ce qu'ils ont. Nous avons laissé tomber les gens qui défendent le Canada.

+-

    M. James R. Wright: Mais votre question portait sur l'incidence de la capacité des forces armées sur la politique étrangère du Canada. Le Canada a des engagements envers diverses institutions multilatérales pour assurer le bon gouvernement, la paix et la sécurité, le respect des diverses valeurs et la règle de droit. Entre autres, la politique étrangère vise à assurer la stabilité dans des régions du monde qui traversent une crise. À maintes reprises, les soldats de maintien de la paix nous ont aidés à concrétiser et à atteindre ces objectifs de politique étrangère.

    Je n'accepte donc pas que l'on dise que la politique étrangère du Canada a été entravée parce que nos forces armées n'ont pas, pour reprendre vos propos, les ressources qu'elles aimeraient avoir. Nous utilisons les actifs dont nous disposons à l'heure actuelle de façon efficace. Nous nous en servons pour mettre en oeuvre notre politique étrangère dans d'autres pays. D'ailleurs, nos efforts sont fort appréciés par les pays en question et nos partenaires dans diverses missions de maintien de la paix.

+-

    Mme Cheryl Gallant: Serions-nous mieux en mesure d'atteindre nos objectifs en matière de politique étrangère si, par exemple, nous disposions d'une infanterie légère de réponse rapide, aéroportée et autonome?

+-

    M. James R. Wright: Pour ce qui est du transport stratégique, tout ce que je peux vous dire, c'est qu'il y a au plus deux pays dans le monde qui possèdent cette capacité: les États-Unis et la Russie. Tous les autres pays rencontrent les mêmes problèmes que le gouvernement du Canada pour ce qui est d'amener rapidement leurs troupes sur le terrain. La situation du Canada à cet égard n'est absolument pas unique.

+-

    Mme Cheryl Gallant: Merci.

+-

    Le coprésident suppléant (M. John Harvard): Monsieur Casey.

+-

    M. Bill Casey: Je veux revenir sur le sujet du tribunal.

    Monsieur Holmes, je vais m'adresser à vous. Aux fins de la discussion, disons que les États-Unis ont rassemblé certains prisonniers ou détenus en Afghanistan. Qui détermine s'il y a un doute et s'il s'agit bien là de prisonniers de guerre ou de combattants illégaux?

    D'après vous, si un doute subsiste, un tribunal sera chargé de trancher. Mais qui peut intervenir? Les Américains seulement? Les Afghans eux-mêmes peuvent-ils dire: «Il existe un doute. Nous ne sommes pas des combattants, nous ne sommes pas des soldats, nous sommes simplement des civils?» Un autre gouvernement peut-il signaler cela? Qui le fait? Qui signale qu'un doute existe?

¹  +-(1515)  

+-

    M. John Holmes (directeur, Direction du droit onusien, criminel et des traités, ministère des Affaires étrangères et du Commerce international): Encore là, le droit international exige que la puissance détentrice respecte les conventions de Genève et d'autres aspects du droit international.

    Si cet État estime que l'individu en question n'est pas un prisonnier de guerre et qu'il mérite particulièrement un statut différent, c'est là que le doute fait surface initialement.

    En l'occurrence, les Etats-Unis ont dit publiquement et leurs représentants nous ont confirmé qu'en dépit du fait qu'aucun tribunal n'a rendu de décision, tout individu qui est prisonnier de guerre ou qui a un autre statut bénéficiera du statut équivalent. C'est un élément important que j'ai souligné tout à l'heure. C'est le résultat.

    Si vous signalez qu'un doute existe—et en l'occurrence, ce serait la puissance détentrice, soit les États-Unis, qui le feraient—et que vous prévoyez accorder à certaines personnes un statut différent, il faut qu'une décision soit prise. Mais si vous décidez d'ores et déjà de leur accorder le même statut et le traitement équivalent accordé à un prisonnier de guerre, à ce moment-là, le recours à un tribunal peut se faire à la discrétion de cet État.

+-

    M. Bill Casey: C'est donc uniquement la puissance détentrice ou l'État détenteur qui peut décider si un doute existe?

+-

    M. John Holmes: Les conventions de Genève précisent qu'en cas de capture d'un belligérant, il faut lui accorder le statut de prisonnier de guerre. C'est donc une obligation, une exigence fondamentale.

    Si la puissance détentrice a un doute et veut traiter certaines personnes différemment, elle doit confier cela à un tribunal. En cas de doute—et les États-Unis ainsi que d'autres puissances ont exprimé publiquement des doutes—, la seule raison de soumettre l'affaire à un tribunal c'est parce qu'on veut leur accorder un statut différent. Et nous n'en sommes pas encore là.

+-

    M. Bill Casey: Si des prisonniers sont capturés par des soldats canadiens, savez-vous comment vous allez gérer cela? Je crois vous avoir entendu dire tout à l'heure que vous l'ignoriez, mais je veux simplement que vous me confirmiez que vous ne savez pas ce qui va arriver pour ce qui est d'un éventuel tribunal. Y aura-t-il un tribunal ou allons-nous simplement traiter ces personnes comme des prisonniers de guerre et les remettre aux Américains? Avez-vous établi une politique à cet égard?

+-

    M. John Holmes: Je vais revenir à ce qu'a dit M. Wright, soit que nos forces respectent le droit international. Nous allons accorder à ces individus un statut équivalent ou supérieur à celui de prisonnier de guerre. En cas de transfert, nous avons l'obligation de nous assurer qu'ils ont le même statut ou qu'ils sont traités de la même façon tant qu'une décision n'a pas été prise.

    Par conséquent, nous accorderions ce statut à nos prisonniers et ils bénéficieraient du traitement humanitaire que cela implique jusqu'au moment de leur transfert et après.

+-

    M. Bill Casey: En cas de doute, il me semble que les seules options dont il a été question sont celles de combattant illégal ou de prisonnier de guerre. Ne pourrait-il pas s'agir d'un civil qui n'a rien à voir avec les combats et qui a été capturé par accident? Une tierce partie ne pourrait-elle pas soulever un doute et dire: «Vous avez peut-être capturé une centaine de combattants illégaux, mais cet individu est un civil et ne devrait pas être transporté dans un autre continent?» L'individu en question ou quelqu'un d'autre peut-il soulever ce doute et exiger une audience devant un tribunal avant son transfert, dans le cas des prisonniers faits par les Forces armées canadiennes?

+-

    M. John Holmes: Encore une fois, la puissance détentrice a l'obligation de déterminer si l'individu en question est un prisonnier de guerre ou un civil. Normalement, les civils ne devraient pas être détenus, même s'ils peuvent l'être. A ce moment-là, d'autres aspects des conventions de Genève et d'autres aspects du droit international s'appliqueraient.

    Encore une fois, nous discutons d'un cas hypothétique très précis.

+-

    M. Bill Casey: Oui, je sais.

¹  +-(1520)  

+-

    M. John Holmes: Il est très difficile de dégager une règle générale alors que ces décisions doivent être prises sur la base de cas spécifiques et de situations de fait spécifiques.

+-

    M. Bill Casey: Si je me fie à ce qu'on nous a dit ce matin et cet après-midi, il y a deux ou trois domaines où la politique n'a pas été précisée. Une fois ce matin, c'était à propos des règles d'engagement, à savoir si elles allaient être exactement les mêmes que celles des États-Unis. L'autre question, évoquée par Mme Jennings, portait sur la peine de mort.

    Au sujet du tribunal, je pense que je commence à comprendre, mais si la politique est précisée, pourriez-vous aviser le comité en ce qui concerne ces trois questions?

+-

    M. John Holmes: Comme M. Wright l'a dit, nous devons tenir des consultations interministérielles et discuter avec notre ministre. Je pense qu'il s'est déjà engagé à cet égard.

+-

    M. James R. Wright: Bien sûr, nous recommuniquerons avec le comité. D'ailleurs, ce ne sera peut-être nous qui nous chargerons de cela. Il est possible que le ministère de la Défense s'en charge.

+-

    Le coprésident suppléant (M. John Harvard): Merci.

    Monsieur Wright, vous avez parlé du gouvernement de transition en place à Kaboul. Premièrement, d'où le gouvernement Karzai tire-t-il sa légitimité?

    Deuxièmement, existe-t-il un processus qui permet de transformer la structure en place à Kaboul en un arrangement plus permanent, une organisation qui, aux yeux des observateurs internationaux à tout le moins, aurait davantage de légitimité que le gouvernement de Karzai? Certaines personnes, auraient tendance à penser que Karzai est là grâce au soutien des Américains et des Britanniques et que c'est de ce soutien qu'il tire sa légitimité.

+-

    M. James R. Wright: En fait, ma réponse serait quelque peu différente. Je dirais que ce sont les Nations Unies qui ont affirmé la légitimité de M. Karzai et de l'administration intérimaire. L'organisation a été l'hôte d'une réunion, à Bonn, qui s'est étalée sur plusieurs semaines, dont le but était de trouver le moyen d'inciter les différents groupes de l'Afghanistan à s'entendre au sujet de leur gouvernement intérimaire. Ce sont les Afghans eux-mêmes, avec l'aide des Nations Unies, qui ont déterminé qui en ferait partie et M. Karzai a été désigné par ses pairs pour relever ce grand défi. Je ne pense pas que cette décision émane d'un pays en particulier. Si vous tenez vraiment à désigner quiconque hors de l'Afghanistan, je dirais que ce sont les Nations Unies.

    Deuxièmement, je dirais que ce sont les Afghans eux-mêmes qui se sont mis d'accord sur la composition du gouvernement intérimaire. Bien entendu, il n'y a pas que des représentants de l'Alliance du Nord. De fait, M. Karzai est un Pashtun, tout comme d'autres membres de ce gouvernement. Je ne voudrais pas donner au comité à penser qu'un seul groupe de l'Afghanistan est représenté au sein de ce gouvernement.

    Ensuite, d'après nous, malgré la situation des plus difficiles, pour l'instant, tout va bien. Les membres du gouvernement coopèrent raisonnablement bien. Le gouvernement intérimaire a convenu de son mandat, qui est de diriger le pays pendant les six prochains mois, soit jusqu'à la tenue d'une séance extraordinaire du Conseil des anciens, appelé Loya Jirga. Ce mandat prévoit la désignation d'un gouvernement transitoire aux environs de juin 2002, qui dirigera le pays pendant deux ans tout au plus avant de laisser le pouvoir à un gouvernement élu démocratiquement en Afghanistan, soit d'ici à juin 2004.

    Voilà tous les éléments du processus de paix dont il a été convenu à Bonn par les partis afghans eux-mêmes. C'est le processus politique, et c'est de là que vient leur légitimité.

+-

    Le coprésident suppléant (M. John Harvard): Merci, monsieur Wright. Nous avons cinq minutes, mesdames et messieurs et...

+-

    Mme Elsie Wayne: J'aimerais donner une précision, si vous permettez, monsieur le président.

+-

    Le coprésident suppléant (M. John Harvard): Que voulez-vous dire, Elsie?

+-

    Mme Elsie Wayne: Eh bien, M. Wright m'avait suggéré, lorsque j'ai posé ma question, de m'adresser au bureau du solliciteur général. J'aimerais que M. Wright sache que je traite avec le Bureau du solliciteur général depuis deux mois, mais que j'ai néanmoins de graves préoccupations. Je ne doute pas que lui aussi en aura lorsqu'il connaîtra toute l'information que j'ai en main.

+-

    Le coprésident suppléant (M. John Harvard): Merci, madame Wayne.

    Il nous reste cinq minutes, alors nous les partagerons entre Mme Jennings et M. Benoit. Vous aurez environ deux minutes et demie, pas plus. Le menuisier doit déposer le marteau à cinq heures.

¹  +-(1525)  

+-

    Mme Marlene Jennings: D'accord, j'essaierai de régler ma question très rapidement.

    Si je vous ai bien compris, monsieur Holmes, lorsque vous avez expliqué la Convention de Genève, tout ceux qui ont été arrêtés et emprisonnés par l'armée américaine pendant le conflit en Afghanistan doivent être considérés comme des prisonniers de guerre, et si les États-Unis, leurs geôliers estiment qu'ils doivent avoir un autre statut, ils doivent s'adresser à un tribunal. C'est bien cela?

+-

    M. John Holmes: Je m'excuse, ce n'est pas un aspect très net du droit international, et peut-être est-ce que je ne m'explique pas bien. Je vais essayer d'être plus clair. L'État a l'obligation d'attribuer le statut de prisonnier de guerre pour respecter la Convention de Genève et d'autres dispositions du droit international. Si vous voulez attribuer un statut différent, il faut une décision.

+-

    Mme Marlene Jennings: Et cette décision relève d'un tribunal en vertu du droit international?

+-

    M. John Holmes: Exactement, mais vous manquez une étape que j'ai essayé d'expliquer, c'est-à-dire que les États-Unis ont dit publiquement que bien qu'ils n'aient pas pris de décision pour l'instant au sujet de ces personnes, un statut équivalent leur sera attribué, et ceci est conforme aux exigences de la Convention de Genève. Alors, oui, il pourrait falloir, à un moment donné, faire appel au tribunal si on veut changer le statut de prisonniers, mais en pratique, tant que vous leur attribuez un certain statut minimum...

+-

    Mme Marlene Jennings: Que ce soit le statut ou l'équivalent du statut de prisonnier de guerre, ce qui signifie, théoriquement, actuellement, que toute personne qui a été détenue par les États-Unis et qui est encore actuellement en Afghanistan ou qui a été transportée à Guantanamo Bay à Cuba est considérée comme un prisonnier de guerre ou traitée comme tel. Si les États-Unis souhaitent modifier ce statut, il leur faut s'adresser à un tribunal, c'est bien cela?

+-

    M. John Holmes: Oui.

+-

    Mme Marlene Jennings: Monsieur Walker, le citoyen américain qui a été arrêté par les forces armées en Afghanistan et transporté à Guantanamo Bay, et à propos de qui les États-Unis ont déclaré publiquement que...

    Une voix: Non.

    Mme Marlene Jennings: Il est prisonnier. Je m'excuse, vous avez raison. Il est sur un bateau. Mais il est détenu. Les États-Unis viennent de déclarer qu'ils serait jugé pour des actes criminels plutôt qu'en vertu de dispositions militaires, internationales, ou autres, ce qui signifie qu'il n'est pas traité comme un prisonnier de guerre. Est-ce vrai?

+-

    M. John Holmes: Tout d'abord, au sujet du traitement qu'il reçoit—et je ne tiens pas à entrer dans les détails d'un cas particulier, parce que je ne sais pas...

+-

    Mme Marlene Jennings: Je parle de l'application de la loi pour le procès.

+-

    M. John Holmes: Ce qu'on nous dit, c'est que les prisonniers, et M. Walker est peut-être de ceux-là, sont traités conformément aux dispositions de la Convention de Genève. Il ne faut surtout pas oublier qu'en vertu du droit international de la Convention de Genève, des accusations d'actes criminels peuvent être portées.

    À propos de cette question de statut, et de savoir s'il a droit à une espèce de statut de combattant, elle pourrait être posée devant un tribunal compétent. La Convention de Genève ne donne pas de précisions à ce sujet. Il y a un cas de jurisprudence, par exemple, celui du général Noriega, où il a été question de son statut de combattant lors de son procès au criminel. Le tribunal lui a accordé ce statut, alors ce n'est pas exclu pour M. Walker.

+-

    Le coprésident suppléant (M. John Harvard): Une question très courte de M. Benoit.

+-

    M. Leon Benoit: Je reviens sur une réponse que vous avez donnée à la toute fin de ma dernière intervention, au sujet des leçons que le Canada tire de ses erreurs passées. J'ai lu une citation de l'enquête sur la Somalie. J'aimerais savoir ce que le Canada a appris, parce que le Zaïre est venu après la Somalie, et il y a eu le rapport sur la Somalie. Nous avons tiré des leçons de la Somalie, nous l'espérons, mais maintenant, nous nous retrouvons encore une fois dans une situation où bien des choses ne sont pas tout à fait claires, et pourtant nous envoyons nos troupes sur le terrain en Afghanistan. Nous ne savons pas exactement ce qui se passe avec les mines terrestres. Nous ne savons pas exactement comment nos troupes vont collaborer avec les Américains. Nous ne connaissons pas les modalités d'engagement. Le ministre a dit plus tôt que nous ne le savons pas.

    Il y a encore bien des éléments qui font que nous ne savons pas à quoi nous engageons nos troupes, alors comment pouvez-vous être si convaincus que nous avons tiré des leçons de nos erreurs passées?

+-

    M. James R. Wright: Je pense que nous essayons de donner des réponses aussi précises que possible au questions que vous nous posez, dont certains s'avèrent relativement complexes. Je serais prêt à parier qu'il y a 10 ou 20 ans, lorsque nous envoyions nos troupes sur le terrain, aucune de ces questions n'était posée.

    Le fait est que, oui, nous nous sommes engagés dans certains de ces conflits et, oui, il y a plusieurs dimensions à la question, qu'il faut interrelier. Je ne doute pas que ce sera fait très bientôt. Je suis absolument convaincu que nos forces armées iront de l'avant et que, non seulement elles s'acquitteront de leurs obligations en vertu des lois canadienne et internationale, mais aussi qu'elles collaboreront avec les autorités américaines et que nous contribuerons grandement à rétablir la paix et la stabilité dans une très grande partie de l'Afghanistan.

¹  -(1530)  

+-

    M. Leon Benoit: Si vous permettez, je dirais en dépit du gouvernement, et non pas grâce au gouvernement. Nos militaires feront un bon travail, mais ce n'est pas grâce au fait que le gouvernement aura planifié tout cela à l'avance de façon à ce que nous sachions exactement à quoi nous nous engageons.

+-

    M. James R. Wright: Je ne suis pas d'accord. Ces problèmes seront réglés. Lorsque nos soldats arriveront, ils auront une idée bien claire de ce qu'ils ont à faire.

-

    Le coprésident suppléant (M. John Harvard): Ceci dit, nous allons lever la séance cet après-midi.

    Au nom de tous nos membres, je tiens à remercier nos témoins, et particulièrement vous, monsieur Wright. Je trouve que vous vous en êtes très bien tiré aujourd'hui. Nous vous remercions pour ces deux heures que vous nous avez accordées. Nous l'apprécions beaucoup.

    Merci. La séance est levée.