Passer au contenu
Début du contenu

JUST Réunion de comité

Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.

Pour faire une recherche avancée, utilisez l’outil Rechercher dans les publications.

Si vous avez des questions ou commentaires concernant l'accessibilité à cette publication, veuillez communiquer avec nous à accessible@parl.gc.ca.

Publication du jour précédent Publication du jour prochain

37e LÉGISLATURE, 1re SESSION

Comité permanent de la justice et des droits de la personne


TÉMOIGNAGES

TABLE DES MATIÈRES

Le mardi 12 mars 2002




¿ 0940
V         M. Andy Scott
V         Dr John Bradford (directeur de clinique, Programme médico-légal; chef, Division de la psychiatrie médico-légale, Université d'Ottawa)

¿ 0945

¿ 0950

¿ 0955(0955)
V         Le président
V         Mr. Lanctôt
V         Dr John Bradford
V         Mr. Lanctôt
V         Dr John Bradford

À 1000
V         Le président
V         M. McKay
V         Dr John Bradford

À 1005
V         M. John McKay
V         Dr John Bradford
V         M. John McKay
V         Dr John Bradford
V         M. John McKay
V         Dr John Bradford
V         M. John McKay
V         Dr John Bradford
V         M. John McKay
V         Dr John Bradford
V         M. John McKay
V         Dr John Bradford
V         M. McKay
V         Dr John Bradford
V         M. McKay
V         Le président

À 1010
V         Mr. Lanctôt
V         Dr John Bradford
V         Mr. Lanctôt

À 1015
V         Dr John Bradford
V         Le président
V         M. John McKay
V         Dr John Bradford
V         M. John McKay
V         Dr John Bradford
V         M. John McKay
V         Dr John Bradford

À 1020
V         M. John McKay
V         Dr John Bradford
V         M. John McKay
V         Dr John Bradford

À 1025
V         M. John McKay
V         Dr John Bradford
V         Le président
V         M. Macklin
V         Dr John Bradford

À 1030
V         M. Paul Harold Macklin
V         Dr John Bradford

À 1035
V         Le président
V         M. Grose
V         Dr John Bradford
V         M. Ivan Grose
V         Dr John Bradford
V         M. Ivan Grose
V         Dr John Bradford
V         M. Ivan Grose
V         Dr John Bradford
V         M. Ivan Grose
V         Dr John Bradford

À 1040
V         M. Ivan Grose
V         Dr John Bradford
V         M. Grose
V         Dr John Bradford
V         M. Ivan Grose

À 1045
V         Dr John Bradford
V         M. Grose
V         M. Andy Scott
V         Dr John Bradford
V         M. Andy Scott
V         Dr John Bradford

À 1050
V         Le président
V         M. John McKay
V         Dr John Bradford
V         M. John McKay
V         Le président
V         M. Paul Harold Macklin
V         Dr John Bradford
V         M. Macklin
V         Le président
V         Dr John Bradford

À 1055
V         Le président
V         Dr John Bradford
V         Le président
V         M. John McKay
V         Dr John Bradford
V         M. John McKay
V         Dr John Bradford
V         M. John McKay
V         Dr John Bradford

Á 1100
V         M. John McKay
V         Dr John Bradford
V         M. John McKay
V         Le président
V         Mr. Lanctôt
V         Dr John Bradford
V         Le président

Á 1105
V         Dr John Bradford
V         Le président
V         M. Philip Rosen
V         Dr John Bradford

Á 1110
V         Le président
V         Dr John Bradford
V         Le président










CANADA

Comité permanent de la justice et des droits de la personne


NUMÉRO 068 
l
1re SESSION 
l
37e LÉGISLATURE 

TÉMOIGNAGES

Le mardi 12 mars 2002

[Enregistrement électronique]

¿  +(0940)  

[Traduction]

+

    M. Andy Scott: Bienvenue.

    Je rappelle à l'ordre la 68e séance du comité parlementaire de la justice et des droits de la personne. Aujourd'hui, nous poursuivrons nos délibérations sur les dispositions du Code criminel relatives aux troubles mentaux, conformément au paragraphe 108(2) du Règlement. Cela fait partie d'un examen statutaire entamé avec la comparution de représentants du ministère de la Justice.

    Pour bien installer l'examen ce matin, si c'est la bonne manière de le dire, nous aurons, dans les cinq à six prochaines semaines, Dr John Bradford, directeur clinique du programme médico-légal et chef du service de psychiatrie médico-légale à l'Université d'Ottawa. Je veux vous remercier, Dr Bradford, de nous donner de votre temps, votre talent et votre expertise afin de nous aider, je pense, dans l'examen important que le comité a décidé d'entreprendre. Nous avons entendu le ministère de la Justice, mais c'était à la fin de l'automne dernier, et il nous faut probablement un peu de révision dans tous les cas.

    En général, nous demandons des présentations de 10 minutes environ, mais il n'y a pas grande foule ce matin et je ferai preuve d'un peu de lattitude à cet égard.

    Cela dit, Dr Bradford, commencez s'il vous plaît.

+-

    Dr John Bradford (directeur de clinique, Programme médico-légal; chef, Division de la psychiatrie médico-légale, Université d'Ottawa): Bonjour. Merci beaucoup de me permettre de vous faire cette présentation. C'est un privilège d'être ici.

    J'ai fait partie du projet sur les troubles mentaux qui était le travail initial menant aux modifications du Code criminel par suite de la décision Swain. Mon expérience du domaine est donc importante.

    Je dois faire ce qui suit: me concentrer quelque peu sur la maladie psychiatrique et vous donner les détails qui font qu'elle pourrait s'appliquer aux modifications du Code criminel, et aussi me pencher sur certaines des questions en rapport avec les troubles mentaux et la violence. Je n'aborderai pas forcément de questions spécifiques dans les articles sur les troubles mentaux. J'ai un document écrit qui aborde certaines questions pratiques qui peuvent être pertinentes, et je remettrai cela à M. Pagé sous peu.

    D'abord, et comme vous le savez sans doute, les troubles mentaux recoupent en fait plusieurs états. Les grandes maladies mentales sont essentiellement celles qui mettent les gens en conflit avec la loi en rapport avec la violence. Ce sont des maladies comme la schizophrénie et les autres états psychotiques. L'important est que les articles sur les troubles mentaux agissent comme un filtre, et les gens atteints d'une grande maladie mentale comme la schizophrénie, qui sont en conflit avec la loi, finissent dans un tribunal où leur aptitude à subir un procès sera évalué. Les personnes qui ont une chance d'être déclarées inaptes sont celles qui souffrent de maladies psychotiques ou d'importantes maladies psychiatriques. En même temps, les personnes qui ont le plus de chance d'être déclarées non responsables sur le plan criminel sont celles qui souffrent d'un trouble mental, et c'est la psychose, plus probablement.

    Par le passé, les dispositions étaient assez sévères. En l'absence d'une grave accusation criminelle , les avocats ne renvoyaient donc pas l'accusé aux articles sur les troubles mentaux, sinon ils serait détenus indéfiniment. Si une personne est accusée de vol à l'étalage, même dans le cas d'un verdict de non responsabilité criminelle, il vous serait difficile, en tant qu'avocat, de les renvoyer aux dispositions des articles sur les troubles mentaux. Cela a changé lors de la révision. L'important ici est qu'il y a eu un processus où les malades mentaux étaient criminalisés. Ils étaient criminalisés et se retrouvaient en probation avec des conditions de traitement ou à purger une peine, à cause du refus de poursuivre. Cela signifie que les malades mentaux graves se retrouvaient dans des établissements correctionnels, aux niveaux provincial et fédéral, où, très franchement, les normes de soins psychiatriques ne sont pas celles qu'on reçoit dans le système de soins de santé des provinces de ce pays.

    Une des questions importantes, et une des choses très positives, au moins en ce qui concerne la maladie mentale, est que le processus de criminalisation est renversé. C'est une question très positive eu égard aux articles sur les troubles mentaux. Une des préoccupations se rapporte aux troubles mentaux et à la violence. Dans les minutes qui restent, je vais vous donner un contexte rapide pour vous donner une idée de ce dont il s'agit.

    Il est clair que la plupart des gens en conflit avec la loi du point de vue de la maladie mentale ne sont pas violents. Je pense que cela devrait être énoncé clairement. Il y a toutefois association entre la maladie mentale et la violence. Je pense qu'il s'agit d'une question importante dont il faut tenir compte dans vos délibérations.

    En examinant la dangerosité, il y a une question complexe, que ce soit du point de vue canadien ou américain. Le système juridique la recherche constamment. Quelqu'un comme moi, psychiatre légiste, l'évalue constamment et témoigne à ce sujet dans diverses cours.

¿  +-(0945)  

    Brièvement, je pense qu'il est important de comprendre que lorsqu'on examine la dangerosité, nous examinons les facteurs de risque qui constituent les variables prédisant la violence, le préjudice, qui est la quantité de violence prédite, et le niveau de risque, qui constitue la probabilité que cela arrive. La science dans ce domaine a évolué considérablement, et à court terme, on peut prédire la violence, en particulier une dangerosité imminente. Je dirais cependant que si on examine des questions comme l'homicide, très infréquent, il est presque impossible à prévoir à un niveau statistique. Vous auriez beaucoup plus souvent tort que raison. À un niveau extrême, il n'est donc pas possible de prévoir.

    Par le passé, et les psychiatres y ont contribué, on a supposé que les malades mentaux ne sont pas plus violents que la population en général, cela en partie parce que nous ne voulions pas stigmatiser les malades mentaux. Cependant, la supposition était fondée sur une étude scientifique de 1973 en République fédérale d'Allemagne qui a examiné le risque de violence, et j'utilise violence avec le sens de violence physique dans les deux grandes maladies psychiatriques, la schizophrénie et le trouble de l'humeur, encore une fois. L'étude a montré que les niveaux de violence dans ces états psychiatriques majeurs étaient le véritable reflet des niveaux de violence dans la population.

    La question de savoir si une relation existe entre troubles mentaux et violence repose en fait sur deux approches. L'une est l'étude des populations criminelles, les gens ayant été violents et condamnés pour une infraction criminelle, afin de voir la nature de leurs troubles. La seconde approche est l'étude des populations psychiatriques ayant été violentes afin de voir la nature de leurs troubles éventuels.

    En gros, et je simplifie pour faciliter la compréhension, si on examine les populations criminelles, les troubles mentaux menant à la violence chez ces populations sont liés à l'abus de substances psychoactives et de trouble de la personnalité. Dans le cas des populations psychiatriques, la violence est liée à la psychose ou à une maladie mentale majeure.

    Les mesures de la violence dépendent des définitions de la psychose et de la violence. L'étude la plus importante est probablement celle menée par les américains quand ils élaboraient la quatrième édition du DSM4, le manuel diagnostique et statistique. Ils ont mené des études approfondies partout dans le monde. Ils ont mené une grande étude épidémiologique sur plus de 17 000 personnes, pour étudier la relation entre les gens, la population globale, n'ayant jamais souffert de troubles mentaux et différents types de troubles mentaux. Ils ont examiné la probabilité pour l'année prochaine et la prévalence au cours de l'année écoulée.

    Si on considère le niveau de violence dans la population en général, comme on s'y attend, l'âge et le sexe sont des facteurs qui comptent. Les hommes sont généralement plus violents que les femmes. Ce qui est devenu important dans le spectre est l'augmentation du niveau de violence, depuis l'absence de maladies psychiatriques mineures comme l'anxiété, jusqu'aux maladies plus sérieuses comme la schizophrénie. Une personne ayant souffert de schizophrénie avait six fois plus de chances d'être violente dans les 12 mois à venir que la population en général, ou dans l'année écoulée, en rétrospective. Avec l'abus d'alcool et de substances, les niveaux ont grimpé à 12 et à 17 fois. Mais la question importante est que chez une personne malade mentale et violente qui abuse d'alcool et de substances, les taux s'accumulent. Ainsi, par exemple, pour les personnes abusant d'alcool et souffrant de schizophrénie, le taux serait probablement 12 à 15 fois, et si elles abusent d'autres substances comme la cocaïne, cela monterait à 35 fois le taux de la population en général.

    La maladie mentale majeure est donc clairement associée à un risque accru de violence et la force de l'association augmente quand la définition de la violence et les définitions diagnostiques sont plus strictes. Mais le double diagnostic, maladie mentale et abus de sustances, sont, si vous voulez, avant tout associés avec le plus grand risque de violence. En outre, je pense qu'il est important que les victimes de violence liée à la maladie mentale soient des membres de la famille.

¿  +-(0950)  

    Une étude intéressante a été menée par Link et al. en 1992 à New York. Ils ont étudié des gens qui n'ont jamais en psychiatrie et les ont comparés avec les patients en psychiatrie de la même collectivité. Ils ont trouvé que la mesure de violence des personnes ayant une maladie psychiatrique était plus élevée que la population en général. Mais si on vérifiait les facteurs normalement associés à la violence, l'âge, le sexe et, dans une certaine mesure, la classe socio-économique, et si on les analysait tous, le seul facteur restant lié à la violence est la psychose, en d'autres termes, une maladie mentale majeure. Cela renforce ce dont je parlais plus tôt.

    Très brièvement, il y a des états psychiatriques qui comportent une déviation sexuelle. Ces états se traitent, et nous connaissons bien les risques associés à eux et la récidivité. En général, les articles sur les troubles mentaux ne filtrent pas les personnes souffrant de déviations sexuelles telles que la pédophilie. Elles ne cadrent pas dans ces articles. Pour le moment, ces personnes se retrouvent donc en établissements correctionnels et y reçoivent leur traitement. Bon ou mauvais, c'est tout le débat, mais je peux vous dire qu'au niveau fédéral, le Service correctionnel Canada a d'excellents programmes pour les personnes souffrant de pédophilie et de déviations sexuelles. Même si cela varie dans les provinces, la plupart d'entre elles ont des programmes et se penchent sur ce problème particulier.

    J'ajouterais que si vous prenez la violence sexuelle la plus grave--je parle d'actes sexuels sadiques--les personnes qui commettent de tels actes ont beaucoup plus de chances que d'autres d'être alcooliques. On a donc à nouveau l'association avec l'abus de subtstances conduisant à des types plus graves de violence sexuelle.

    Je pense que mes dix minutes sont terminées et je vais résumer à ce point. Les articles du Code criminel relatifs aux troubles mentaux, où la définition de trouble mental est très large, sont excellents, même si la plupart des personnes qui ne sont pas touchées par ces articles souffrent d'importantes maladies mentales, et ce sont essentiellement des personnes ayant une maladie mentale importante qui ont manifesté un certain degré de violence. Comme je l'ai dit, il est positif d'avoir une association claire entre violence et grandes maladies mentales, mais ces dernières se traitent, et cela signifie que tant que la psychose est éliminée, ce qui peut se faire avec des traitements pharmacologiques, le risque de violence diminue. Si on considère, par exemple, le suivi fait en Ontario des personnes déclarées criminellement non responsables pour cause de troubles mentaux, on s'aperçoit que le risque de violence future est très bas. Selon moi, la récidivité est faible, moins de 2 p. 100. Cela signifie qu'une personne déclarée non responsable criminellement pour cause de troubles mentaux se retrouve devant la Commission d'examen de la province, où les exigences de suivi et de traitement sont très strictes, que ce soit dans un hôpital ou dans la collectivité, et un tel processus fonctionne très bien.

    Une des questions dont l'étude n'est pas nécessaire est l'existence d'un certain nombre de personnes touchées par ces articles qui se retrouvent dans les établissements correctionnels car elles ont une grande maladie mentale. En général, je pense que si vous souffrez d'une maladie mentale, il vous faut le même type de traitement que n'importe qui dans la province ou au pays, et même niveau de soins médicaux. Cela n'est pas toujours le cas, malheureusement. Les établissements correctionnels ne sont pas des hôpitaux et ils ne peuvent pas assurer de tels soins. Les articles relatifs aux troubles mentaux ne sont pas nécessairement à blâmer, selon moi. Je pense que cela relève plus d'un processus éducatif et peut-être de changements dans les établissements correctionnels des différentes provinces, voire même au niveau fédéral.

¿  +-(0955)  

    Je m'arrêterai ici pour des questions. Merci de votre patience.

+-

    Le président: Merci beaucoup.

    «Mr. Lanctôt.»

[Français]

+-

    M. Robert Lanctôt (Châteauguay, BQ): J'apprécie votre témoignage, surtout votre dernier commentaire. Si le problème ne réside pas dans l'évaluation des troubles mentaux ou d'autres choses semblables par rapport au Code criminel et qu'il se trouve plutôt dans l'application de choses qui sont de compétence provinciale... C'est un peu le problème que vous venez de soulever. Je ne pense pas qu'on ait le forum nécessaire, ici, pour regarder les problèmes d'application de la loi des provinces. Ce que j'aimerais entendre, ce sont les choses que l'on pourrait regarder ici, au sein du comité fédéral. Je n'ai pas l'intention de regarder les problèmes d'application qu'il y a au Québec ou dans les autres provinces. Je ne sais pas ce que vous avez à dire à ce sujet.

[Traduction]

+-

    Dr John Bradford: Actuellement, dans les audiences de la Commission d'examen du Québec ou de celle de l'Ontario, la loi n'identifie pas avec précision les parties devant la commission. Traditionnellement, ce sont l'accusé et l'hôpital, mais le rôle du procureur de la Couronne n'a jamais été précisé. Je pense qu'il s'agit d'une erreur importante dans la loi. Je pense que la protection du public par le procureur de la Couronne est un rôle essentiel dans ce domaine et les dispositions sont muettes à ce sujet. Par exemple, les procureurs de la Couronne de l'Ontario suivent une formation, et certains sont devenus experts en troubles mentaux. Je pense que c'est une question importante qui permettrait aussi d'atténuer certains problèmes qui se posent.

    Je ne pense pas que la loi soit à blâmer nécessairement dans les autres domaines en raison de la criminalisation qui continue à se produire. Je suis d'accord avec vous, c'est vraiment un problème provincial. Toutefois, je pense qu'il est pris en charge à divers paliers dans les différentes provinces par les divers programmes de diversion.

    J'ai en particulier une recommandation très importante qui a trait au rôle du procureur de la Couronne dans les audiences. Quand une personne est déclarée criminellement non responsable, il est essentiel que le procureur de la Couronne fasse partie des audiences.

[Français]

+-

    M. Robert Lanctôt: Ça, c'est le gros rôle du comité, c'est-à-dire de regarder le problème concernant le procureur de la Couronne. Par contre, est-ce qu'on a assez d'éléments pour déterminer s'il y a des choses qui fonctionnent ou qui ne fonctionnent pas depuis que certains changements ont été apportés après la réforme qui a eu lieu? Y a-t-il des choses qui ne sont pas encore en vigueur et qu'on pourrait regarder? Autrement dit, est-ce qu'on a recueilli assez d'éléments depuis cette réforme pour s'attarder ici à la question de savoir si on peut mettre certaines choses en vigueur ou si on peut changer certaines choses qui ont été faites? Pourriez-vous commenter sur cette possibilité?

[Traduction]

+-

    Dr John Bradford: Il est difficile de réagir à cela en partie parce que les pratiques réelles dans les différentes provinces varient. La loi précise la composition de la commission mais son fonctionnement diffère dans les provinces, tout comme certaines interprétations de l'administration des commissions. Pendant 20 ans environ, j'ai été membre de la commission en Ontario, et la province a fait beaucoup pour réunir des statistiques et faire le suivi des activités. Par exemple, la décision de la Cour suprême dans le cas Winko, qui précise réellement quand une personne devrait être absolument relaxée, a certainement joué un grand rôle. La décision a aussi eu une incidence sur certaines interprétations, par exemple la question de la nature d'une menace significative, car c'est ce qui maintient la personne dans le système, plutôt que de la relaxer. Personnellement, je pense que Winko et LePage, et l'ensemble du jugement de la Cour suprême du Canada sont positifs et utiles car les provinces se sont harmonisées grâce à cela.

    Je ne sais pas si les statistiques de la Colombie-Britannique, du Nouveau-Brunswick ou du Québec sont de même niveau. Je sais que c'est le cas de l'Ontario parce que le gouvernement a déployé beaucoup d'efforts pour rassembler les statistiques. Ce que nous savons, c'est qu'après Winko--et des recherches ont été menées à ce sujet--le taux de relaxe du système a augmenté. Avant cela, le nombre de personnes détenues en vertu des articles sur la non-responsabilité criminelle augmentait. En d'autres termes, le changement a eu lieu en raison de la décision de la Cour suprême dans le cas Winko.

    Pour le moment, l'incidence sur le risque au public ou sur la récidivité n'est pas claire. Selon les premières observations, cela n'a pas constitué un problème en ce sens que les personnes relaxées ont continué, même si légalement rien ne les y obligeait. Cela reste à voir, à mon avis. Nous devons encore nous pencher là-dessus. Il leur faut un délai plus long pour l'examiner.

À  +-(1000)  

+-

    Le président: Thank you.

    Monsieur McKay.

+-

    M. John McKay (Scarborough-Est, Lib.): Merci, monsieur le président.

    Merci docteur Bradford pour votre présentation.

    Récemment, ma collectivité a connu la joie de voir un pédophile condamné remis en liberté, et j'entends dire des choses contradictoires. Franchement, je ne sais pas comment réagir face à ce qui est, à mon sens, un mélange de préoccupations légitimes et illégitimes. Comment doit-on agir avec une personne qui a une maladie? Il y a une condamnation criminelle, du temps en prison, et une mise en liberté dans la collectivité. Les preuves désignent toutes le fait qu'une personne de cette nature ne se remet pas d'une telle maladie--je reconnais que j'ai eu tort. Est-ce que ce que l'on désigne par maladie de l'esprit est maintenant un trouble mental?

+-

    Dr John Bradford: Cela comporte un certain nombre de composants; laissez-moi essayer d'en parler.

    D'abord, il est clair que la pédophilie est un trouble mental. C'est un trouble mental qui peut se traiter. Si on considère le taux de récidivité à long terme, autrement dit le risque de toute infraction sexuelle, qui n'implique pas une infraction sexuelle concrète, dans l'éventail des 8 à 12 ans, il serait de 13%. Toutes les études portant sur ce sujet, et il y en a eu beaucoup, montrent que lorsque le traitement est préféré au non traitement, le taux de récidivité est sensiblement réduit.

    Les anciens pédophiles, du moins certains, échappent aux articles sur les troubles mentaux et se retrouvent en hôpital. Cela n'arrive plus, et ils se retrouvent dans des établissements correctionnels. Simplement, ils ne cadrent plus dans les articles du Code criminel qui déterminent s'ils sont criminellement responsables pour cause de troubles mentaux. Personnellement, je n'y vois pas d'inconvénient. Certaines personnes ne sont pas d'accord avec moi.

    La question cependant est que les périodes de suivi du système des troubles mentaux sont plus longues que celles du Code criminel. Une personne ayant purgé sa peine peut faire brièvement de la probation, et c'est tout, alors que dans une des cliniques que je dirige, il y a des gens qui sont en traitement depuis 20 ans et ils n'ont jamais récidivé.

    Cela a été contrebalancé par les changements aux articles sur les délinquants dangereux du Code criminel. La disposition relative au délinquant à contrôler est le changement le plus important. J'ai appuyé fortement une telle mesure quand j'étais dans un différent comité qui y était consacré. C'est important car, une persone pédophile par exemple qui remplit les critères pour être délinquant à contrôler se retrouverait dans la collectivité pour une supervision de dix ans, traitement compris. Cela dépend si la personne cadre là-dedans. Nous savons que si une personne est dans la collectivité, le risque est réduit quand on a une structure de suivi, peu importe son désordre mental.

    Pour moi, la disposition en question est excellent et constitue un important pas en avant. Bien sûr, les gens doivent répondre à l'article pour y avoir accès. Mais le principe d'un suivi à long terme est acquis, et, s'ils ne s'y conforment pas, il y a à cet égard d'importantes sanctions criminelles--jusqu'à dix ans d'emprisonnement, je pense. Mais ce sont des personnes qui ne sont pas canalisées par les articles sur les troubles mentaux, et cela est sujet à débat.

À  +-(1005)  

+-

    M. John McKay: La barre est-elle trop haute pour la désignation de délinquant à contrôler?

+-

    Dr John Bradford: Oui. Une des solutions serait une probation allant jusqu'à trois ans s'ils ne satisfont pas aux dispositions relatives aux délinquants à contrôler. La probation ordinaire pourrait être prolongée pour les délinquants sexuels, de cinq ou dix ans par exemple, même s'ils n'y répondent pas.

+-

    M. John McKay: Alors c'est la probation à l'expiration de la sentence.

+-

    Dr John Bradford: Exactement. Il y aura une surveillance et une supervision à long terme, soumises à la condition du traitement. Cela jouera un grand rôle.

+-

    M. John McKay: Voyons si j'ai bien compris. Au lieu de rechercher une désignation de délinquant à contrôler en vertu de cet article, le procureur de la Couronne dirait, en fait, soit je prouve que vous êtes un délinquant à contrôler et vous êtes surveillé pendant dix ans après votre peine, ou nous vous offrirons ce programme de probation auquel cas nous serons un peu plus indulgent avec vous.

+-

    Dr John Bradford: Bon. Il y a différents niveaux de sévérité. Normalement, si vous n'êtes pas un délinquant à contrôler, c'est trois ans de probation et c'est fini. Et nous savons que la récidivité chez les délinquants sexuels a lieu principalement dans les cinq premières années.

+-

    M. John McKay: Puis-je revenir là-dessus? Vous avez dit que le risque de récidivité était de 13 p. 100.

+-

    Dr John Bradford: Chez les pédophiles.

+-

    M. John McKay: Oui. J'ignore ce que cela signifie. Comparé aux autres catégories de criminalité, est-ce le taux le plus bas ou le plus haut?

+-

    Dr John Bradford: Cela dépend de ce que vous considérez. Dans les infractions contre les biens, par exemple, il serait plus élevé, tout comme dans bon nombre d'infractions violentes, à partir de l'agression physique.

+-

    M. John McKay: Donc si je suis condamné pour infraction contre les biens, mon taux de récidivité est en fait plus élevé que pour la pédophilie?

+-

    Dr John Bradford: Oui, mais il est entendu que les conséquences de votre récidivité ne sont pas aussi importantes.

+-

    M. John McKay: Exactement. Je comprends cela.

    Qu'est-ce que la récidivité et comment la chiffrez-vous? Est-ce une condamnation ou une accusation?

+-

    Dr John Bradford: C'est une excellente question car cela faut partie de la difficulté de la science. Idéalement, la récidivité devrait comprendre l'autonomie, mais c'est très difficile à obtenir. Si on tient compte des condamnations, ce n'est pas une image réelle car il y a des personnes acquittées qui ont en fait... C'est pourquoi dans la recherche nous tenons compte des accusations, quand la personne est accusée d'une autre infraction sexuelle. C'est de là que provient le taux de 13 p. 100.

    Cela étant dit, je pense que le risque est probablement plus élevé si on examine les auto-évaluations et les choses qui viennent à notre attention. D'une façon générale, les personnes qui agressent sexuellement les enfants se traitent mieux et leur pronostic est meilleur que pour les personnes qui commettent des agressions sexuelles contre les femmes. Les personnes de ce dernier groupe ont tendance à avoir une personnalité plus criminelle, plus antisociale et elles ont des problèmes importants liés à leur personnalité antisociale.En général, la recherche indique que leur risque est sensiblement plus élevé. Comparés, le risque serait de 13 p. 100 à probablement 19 p. 100 ou plus.

    La question importante est la façon de mesurer la récidive. Comme je l'ai dit, c'est n'importe quelle accusation pour n'importe quelle agression sexuelle. Cela peut être un attentat à la pudeur, donc pas nécessairement une agression concrète. Toutes ces choses s'équilibrent. Les chiffres sont probablement exacts parce qu'ils sont exagérés dans certains domaines et pas dans d'autres, et ils s'équilibrent.

+-

    M. John McKay: Merci.

+-

    Le président: Bien.

    Monsieur Lanctôt, avez-vous autre chose?

À  +-(1010)  

[Français]

+-

    M. Robert Lanctôt: Oui, j'aimerais savoir si les commissions d'examen seraient prêtes et aptes à donner des absolutions inconditionnelles. Est-ce qu'elles ont le pouvoir de le faire et est-ce qu'il serait bon de le faire?

[Traduction]

+-

    Dr John Bradford: Si on regarde les commissions d'examen,elles ont trois types de dispositions. L'une est la détention à l'hôpital, l'autre est libération conditionnelle et la troisième, la libération absolue, ce qui signifie que la personne n'a plus rien à voir avec le système. Ce qui constitue le seuil entre la libération absolue et les deux autres dispositions, c'est si la personne représente une menace importante, et cela est défini dans Winko par la Cour suprême du Canada: cela doit être une vraie menace de violence physique et ainsi de suite.

    Les gens ne comprennent pas souvent que, «dans la détention en hôpital», la personne n'est pas nécessairement enfermée. Cela peut être le cas si son traitement l'exige mais la commission peut faire détenir une personne en hôpital avec permission de sortir avec un laissez-passer pour la fin de semaine, pour la nuit ou même pour vivre dans la collectivité, et toujours être détenue en hôpital. Cela devient important car, dans le cas d'une personne détenue en hôpital et vivant dans la collectivité--nous en avons environ 150 dans la ville d'Ottawa--en cas de problème, le système fonctionne bien: il nous suffit d'en avertir la police locale, qui la ramasse immédiatement et la ramène à l'hôpital. Dès que la personne est en libération conditionnelle, nous n'avons plus de tels pouvoirs. Nous devons alors recourir aux dispositions de la Loi sur la santé mentale. Ces lois varient d'une province à l'autre, mais il est beaucoup plus difficile de ramener quelqu'un, en vertu de la Loi sur la santé mentale, au Québec ou en Ontario par exemple, et encore plus difficile de la maintenir en hôpital même si la personne est en libération conditionnelle.

    Je pense que votre question est excellente. Une des questions est de savoir si les dispositions relatives à la libération conditionnelle sont réellement nécessaires? Je n'en suis pas sûr. Peut-être que la disposition devrait parler de détention en hôpital sous certaines conditions, y compris de permettre à la personne de vivre dans la collectivité, et une libération absolue. En termes pratiques, on semble éviter la libération conditionnelle. Les commissions ne l'aiment pas car elles redoutent de devoir ramener une personne si nécessaire.

    Dans les provinces, l'interprétation de la libération conditionnelle peut différer de la version de l'Ontario. Par exemple, en Colombie-Britannique--je ne fais pas autorité là-dessus mais j'en connais un peu--la libération conditionnelle indique que la personne peut quitter l'hôpital, alors que on a plus fréquemment recours aux ordres de détention et aux dispositions pour permettre à la personne de vivre dans sa collectivité, avec ou sans supervision. Une visite médicale par semaine était exigée. La personne devait fournir des échantillons d'urine pour alcool et les autres drogues, en raison de leur association avec la violence. C'est, comme je le dis, un système qui fonctionne bien et les taux de récidivité sont très bas.

    La disposition relative à la libération conditionnelle soulève des question et je recommande qu'on y refléchisse. Je ne suis pas sûr qu'il s'agisse d'une question pratique. Elle n'est probablement pas utilisée dans l'esprit de la loi. À la suite de Winko, je me demande même si cette disposition est nécessaire ici. Il est évident que des questions juridiques peuvent exister, mais je l'examine du point de vue médical, psychiatrique, du traitement, de la surveillance et de la supervision.

[Français]

+-

    M. Robert Lanctôt: Merci, monsieur le président.

    Par contre, le problème qui existe au Québec, et probablement dans les autres provinces, c'est le niveau des paiements de transfert dans le domaine de la santé et le manque de ressources affectées aux personnes atteintes de troubles mentaux qui sont déjà dans les institutions et dans les hôpitaux. Peut-être est-ce très bon. Peut-être le taux de récidive est-il aussi très bon. Mais le problème qui se pose est le suivant: si on permet la détention dans les hôpitaux alors qu'on manque déjà de ressources, est-ce qu'on n'aggrave pas la situation puisqu'il n'y a pas de place ou pas d'argent pour le faire?

À  +-(1015)  

[Traduction]

+-

    Dr John Bradford: La réponse facile est oui, elle offre des possibilités. Plus il y a de personnes qui échappent à cette disposition et deviennent criminellement non responsables pour cause de troubles mentaux, plus cela touchera les hôpitaux. Je voyage pas mal en Amérique du Nord et je peux vous dire par exemple que cela varie dans le cas du système hospitalier de l'état de la Californie, ce qui équivaut au système hospitalier provincial ici, mais 60 à 70 p. 100 des lits sont occupés par des patients légaux, des gens qui ont échappé à cette disposition. Ainsi, de plus en plus de gens dans les rues atteints de troubles mentaux n'ont pas accès à ces lits. Il y a donc un problème pratique là.

    En Ontario et dans certaines autres provinces, il existe des programmes qui dévient les gens du système vers un système général de santé mentale dans le but d'arrêter la croissance indéfinie du système légal. Il y a une blague là-dessus. Si vous êtes un patient légal, vous avez une carte de santé platine. En raison de l'aspect légal, le traitement vous avez droit à un traitement en tout temps. Si vous allez aux urgences, vous serez pris au sérieux. C'est probablement bien car ce sont principalement des personnes avec un passé de violence et de maladie mentale.

    Vous avez raison, il est à craindre que tout changement du système et de la législation aura une incidence sur les ressources. Cela ne fait pas de doute.

+-

    Le président: Monsieur McKay.

+-

    M. John McKay: Je veux juste revenir à l'essentiel de la séparation entre les options de l'hospitalisation et de la criminalisation, de votre point de vue en tant que personne s'intéressant principalement au traitement. Du point de vue du droit criminel, je suppose que nous sommes tous intéressés à rendre la société aussi sécuritaire que possible. Alors, expliquez-moi simplement les «pour» et les «contre».

+-

    Dr John Bradford: D'accord.

    En ma qualité de psychiatre médico-légal, je suis psychiatre mais je suis spécialisé dans le traitement et la réhabilitation des malades mentaux dangereux. C'est mon expertise. Le système légal existant dirige généralement ces personnes vers nous. Je pense que cela est positif. Il y a également des personnes avec des maladies mentales importantes qui exigent un traitement mais qui n'entrent pas dans le système. Certaines deviennent de futurs patients de médecine légale. Leur traitement échoue, leur réhabilitation aussi. La maladie progresse et empire, elles abusent de substances et deviennent violentes plus tard, puis deviennent des patients de médecine légale. La question est de savoir si on devrait diriger plus de personnes pour les déclarer criminellement non responsables pour cause de troubles mentaux. Où passe cette ligne ou ce seuil? Le système médico-légal est plus coûteux que le sytème général de santé mentale, et cela a des incidences sur les ressources des provinces. Pour le moment du moins, cela reste équilibré en Ontario et ailleurs.

    L'élément de criminalisation intervient quand les personnes ne correspondent pas aux articles, parce qu'il faut correspondre à la définition légale. Cela est vraiment triste. Des enquêtes éclairs sur les centres de détention en Ontario montrent que, dans un jour donné, peut-être 22 p. 100 des malades mentaux graves (psychose) restent dans un centre de détention à Toronto. Si on considère les personnes souffrant d'une maladie mentale grave au niveau de la province un jour donné, cela représente 69 p. 100 de la population correctionnelle de l'Ontario, ce qui, je ne suis pas sûr des chiffres exacts, pourrait aller de 500 à 750 personnes.

+-

    M. John McKay: Revoyez cela avec moi. Vingt-deux pour cent des personnes--

+-

    Dr John Bradford: Avant l'instruction.

+-

    M. John McKay: ...des personnes emprisonnées souffrent d'une grave maladie mentale, dont 6 p. 100 sont condamnées.

+-

    Dr John Bradford: Oui. À l'évidence, après la détention, il se trouve que certaines personnes sont acquittées, certaines se retrouvent en probation, certaines peuvent ne pas se retrouver en prison parce que des facteurs peuvent alléger leur sentence. Mais, parmi les personnes qui vont ensuite purger une peine provinciale, 69 p. 100 souffrent d'une grave maladie mentale.

À  +-(1020)  

+-

    M. John McKay: C'est tout un écart, 16 p. 100.

+-

    Dr John Bradford: C'est exact. Les personnes qui partent se retrouvent en probation, le plus souvent soumises à traitement. Elles doivent se rendre dans un hôpital pour suivre des programmes de traitement de toxicomanie et d'abus de substances. En général, cela fonctionne assez bien. Pour prendre à nouveau l'exemple de l'Ontario, l'hôpital où je travaille a un contrat avec les services correctionnels provinciaux, et nous travaillons étroitement avec les agents de probation pour la supervision de ces personnes. Nous assurons les traitements psychiatriques nécessaires et les agents assurent la supervision. Le système fonctionne bien.

    Les personnes qui ne suivent pas cette voie et qui finissent par purger une peine provinciale, constituent un problème. Elles ont une grave maladie mentale mais elles sont prises dans un établissement correctionnel ou les normes de soins ne sont généralement pas vraiment celles qu'il leur faut. Je travaille pour la province de l'Ontario. Je suis très privilégié de travailler avec des gens comme Bob Runciman et le ministre Sampson afin d'élaborer une solution à leur problème, qui peut, à mon avis, servir de modèle pour le pays au niveau provincial.

+-

    M. John McKay: Le public pense en général qu'avec la fermeture des établissements psychiatriques et le traitement des personnes en dehors des établissements, le pourcentage de gens dans les rues ayant de graves problèmes psychiatriques, probablement des troubles mentaux, est plus grand. De fait, cela a créé une nouvelle classe de personnes enclines au crime. Elles abandonnent leurs médicaments, se retrouvent dans des situations criminelles, ce qu'elles ne feraient pas si elles étaient en établissement, même dans un milieu ouvert, et si elles prenaient leurs médicaments. Quelqu'un s'assurerait qu'elles prennent leurs médicaments et nous n'aurions pas un tel sursaut dans la population criminelle. Pour nous, cela conduit des gens dans notre système de refuge familial, ce qui n'est pas le lieu pour des personnes souffrant de troubles mentaux. À son tour, cela a créé un très grave problème de criminalité car une des personnes a assassiné un agent de police.

    Le processus existe depuis environ cinq ans, peut-être plus--vous devez le savoir mieux que moi. Avez-vous des observations à ce sujet? Créons-nous en fait, notre propre sous-ensemble de criminalité en traitant un nombre de personnes en dehors des établissements?

+-

    Dr John Bradford: En gros, vous avez raison. Les soins en dehors des établissements ont été mis en place sur plusieurs années. Avec l'élaboration de médicaments capables de traiter des maladies comme la schizophrénie, nous avons supprimé des milliers de lits d'hôpitaux au Canada et aux États-Unis. Cela dépend à qui vous parlez. Certains diront que c'est une grande victoire de la santé publique, en ce sens que les gens qui, avant, devaient passer leur vie dans des établissements, peuvent désormais vivre dans la collectivité grâce à des traitements améliorés. Cela est exact et j'appuie un tel point de vue.

    Une partie de la difficulté réside dans la dichotomie entre le droit de refuser un traitement et le droit au traitement. Ce sont des questions importantes car les malades mentaux souffrent de maladies qui ne leur permettent pas de savoir qu'ils ont besoin de traitements ou qu'ils doivent poursuivre un traitement. C'est ce qui a créé le problème en partie. Ce n'est pas nécessairement les soins en dehors des établissements mais c'est la structure qui les maintient en traitement qui a posé problème.

    Comme vous le savez, en ce qui concerne les questions relatives à la Charte des droits, le droit au traitement, le droit de refuser le traitement, l'Ontario, tout comme la Saskatchewan, possède des traitements prescrits en collectivité, et je pense que d'autres provinces les envisagent. Les traitements prescrits en collectivité permettent aux membres de la famille d'agir à l'unisson avec les représentants de l'autorité et le médecin, quand la personne doit suivre son traitement même dans la collectivité. Il s'agit de la certification du malade externe, et j'essaie de vous donner un point de vue général. En d'autres termes, si une personne est dans la collectivité avec une grave maladie mentale ne lui permettant pas de consentir à un traitement, elle peut alors faire l'objet d'un traitement prescrit en collectivité. Cela est nouveau en Ontario et pas encore entièrement mis en place.

À  +-(1025)  

+-

    M. John McKay: Est-ce mieux pris en charge par les dispositions relatives à la santé mentale de la province de l'Ontario, ou de n'importe quelle autre province, ou est-il possible de dire que certaines conditions pourraient être créées dans le Code criminel afin d'obliger des personnes à...

+-

    Dr John Bradford: À mon avis, il est mauvais de criminaliser les malades mentaux mais en même temps, il faut un système qui leur permette d'obtenir le traitement. Voilà le principe général. Les études portant sur les traitements prescrits en collectivité ont montré une réduction significative de la réhospitalisation et de la rechute. Je pense que des outils sont disponibles pour traiter le problème mais ils ne sont pas entièrement mis en place.

    Je dirais que vous avez raison. Je pourrais vous donner beaucoup d'exemples, mais en voici un. Comme vous le savez, dans les villes où il y un métro et des souterrains, malheureusement, il y a de temps en temps des gens qui sont poussés devant le métro. Des études portant sur ces pousseurs de métro, une d'entre elles en particulier, montre que 90 p. 100 des personnes impliquées dans cet acte aveugle souffrent de schizophrénie. Cela fait peur. Peur qu'elles sont dans la collectivité et la plupart d'entre elles sont psychotiques et sans traitement. Je pense que c'est mauvais. Peut-être faut-il envisager le bon traitement dans une disposition relative à la santé mentale, au lieu du simple droit de refuser le traitement, car c'est souvent le droit au refus qui mène les gens à être psychotiques dans la rue. C'est pourquoi un tel équilibre doit être recherché entre les questions de la Charte et le reste.

+-

    Le président: Merci, monsieur McKay.

    Monsieur Macklin.

+-

    M. Paul Harold Macklin (Northumberland, Lib.): Merci, Monsieur le président.

    Docteur, une partie du processus consiste à étudier les domaines du processus criminel touchés par les troubles mentaux. Nous avons en ce moment dans nos dossiers des amendements non proclamés, et je pense que vous êtes au courant. J'aimerais avoir votre avis: devrions-nous faire de tels amendements? Commençons par la durée maximale, un concept qui consiste à garder une personne incarcérée pendant une période non pas basée sur sa maladie mentale mais sur la sentence qu'elle aurait eue en cas de condamnation.

+-

    Dr John Bradford: Comme je l'ai dit, j'ai fait partie du projet sur les troubles mentaux qui a conduit aux disposition du Code criminel, et l'application de la durée maximale a fait l'objet de beaucoup de discussion dans ce projet. En tant que personne, je ne suis pas d'accord avec l'application de la durée maximale, avec ses implications. Cela signifie que toute personne, encourant une peine du Code criminel non équivalente à un emprisonnement à vie, serait plafonnée à 10 ans. Pratiquement, et j'insiste sur ma préoccupation qui est la nécessité de protéger le public, le problème est qu'il puisse y avoir une personne déclarée criminellement non responsable pour cause de troubles mentaux alors que l'accusation originale était l'homicide involontaire, contrairement au meurtre. Elle a tué une personne, mais l'accusation était celle-là. Après 10 ans, elle pourrait être aussi dangereuse qu'au premier jour, mais elle est dans une situation de plafonnement et elle s'en va, et aucun suivi n'est prévu. La seule disposition serait la loi provinciale sur la santé mentale. Cela m'inquiète.

    En gros, la disposition relative à la durée maximale a été introduite pour répondre aux préoccupations de la Charte, et c'est la préoccupation. Si vous voulez qu'une personne très dangereuse quitte un établissement simplement parce qu'elle a été plafonnée et se baser sur la Loi sur la santé mentale de l'Alberta ou de l'Ontario pour ensuite protéger le public, cela ne marchera pas, je pense. Cela me préoccupe car c'est la seule alternative. Si la durée maximale était introduite--c'est mon opinion, encore une fois-- il faudrait presque une loi sur la santé mentale uniforme pour le pays qui prendrait la dangerosité passée comme critère pour détenir une personne dans un hôpital après la durée maximale. Autrement, il y aura un problème. Il y a eu des tentatives pour faire une loi uniforme sur la santé mentale, mais cela n'a jamais marché car les orientations sont différentes dans chaque province. C'est pourquoi cela me paraît un grand problème.

    En outre--et je ne suis pas avocat, mais je travaille tout le temps avec eux--si j'étais avocat et que mon client risquait une accusation de meurtre au premier degré, alors qu'il existe une possibilité de non responsabilité criminelle pour cause de troubles mentaux, il est probable que je négocierais avec la Couronne. Je tenterais de faire réduire à homicide involontaire l'accusation de meurtre au premier degré, car il est probable que la responsabilité criminelle sera moindre compte tenu de la composante de trouble mental. Mais, j'ai retiré ensuite mon client d'un système qui pourrait le détenir indéfiniment jusqu'à être plafonné pour 10 ans. Je pense que vous verriez beaucoup de manoeuvres légales autour de cela pour en garantir le résultat.

    J'ai de sérieuses réserves quand à la durée maximale, à moins que les lois provinciales sur la santé mentale soient sensiblement améliorées pour tenir compte de la dangerosité passée ou--c'est une liste de souhaits--que nous ayons une loi uniforme sur la santé mentale, et nous ne l'aurons pas car je ne pense pas que cela soit pratique, en dépit des tentatives qui ont eu lieu. Il faudra une loi forte, qui devra comporter des dispositions pour les malades mentaux dangereux accusés.

    Pour continuer, car vous savez que je les connais tous, un des autres articles traite des malades mentaux dangereux accusés, l'équivalent du délinquant dangereux pour ces dispositions en vertu des articles relatifs aux troubles mentaux. J'approuve cela. Si vous avez le plafonnement et que vous affirmez qu'ils peuvent aussi s'équilibrer, avec le plafonnement tout seul, je pense que nous avons un problème. Peut-être que si les deux aboutissent et sont proclamés--et c'était la loi d'équilibre quand nous en avions parlé à l'origine-- je serais plus à l'aise que s'il n'y avait que le plafonnement tout seul.

    Un des autres articles est l'ordonnance de détention dans un hôpital. Pour les gens qui ne la connaissent pas, elle se rapporte à un accusé qui a fait l'objet d'une sentence, qui a une maladie mentale importante, qui a besoin de traitement, mais qui ne remplit pas les exigences de l'article 16 du Code criminel, et elle ne remplit pas les exigences légales pour être déclarée criminellement non responsable pour cause de troubles mentaux. Cela représente un grand nombre de personnes. Cet article dispose que lors de la sentence, le juge peut créer une ordonnance de détention dans un hôpital et la personne purgerait les premiers six mois de sa peine dans un hôpital, et il est à espérer que cela conduira alors à la rémission de la grande maladie mentale. Selon la disposition, la personne irait ensuite purger le reste de sa peine.

À  +-(1030)  

    Voilà qui est très positif. Je peux imaginer des juges y faire appel assez fréquemment, car pour les personnes criminellement non responsables l'article 16 est un filtre relativement serré. Cela pourrait avoir des incidences sur les ressources provinciales. Est-ce que je l'appuie? Absolument. Je dirais aussi que les ordonnances de détention dans un hôpital existent sous diverses formes dans diverses parties du monde, Europe et Grande-Bretagne, et elles fonctionnent bien. Je pense donc qu'il faudrait probablement y penser sérieusement, mais encore une fois, cela agira sur les ressources dans les provinces.

+-

    M. Paul Harold Macklin: L'automatisme est un autre domaine qui n'a jamais été doté de base statutaire. Y a-t-il eu des progrès dans ce domaine d'étude susceptibles de nous aider à comprendre si l'automatisme devrait être examiné à nouveau car?? ayant une certaine forme de base statutaire pour la défense?

+-

    Dr John Bradford: Je reviens d'une réunion de l'Académie canadienne de psychiatrie et droit, et l’automatisme causé par un choc psychologique est l'une des questions débattues. En cas de réussite, l'automatisme causé par un choc psychologique mène, comme vous le savez, à l'acquittement complet et il sera invoqué pour le meurtre. De fait, je témoignais hier dans un cas où c'était une des questions.

    En gros, cela veut dire qu'une personne a un choc psychologique important, habituellement précipité par la victime qui est souvent une femme, et c'est un homme qui en est l'auteur. Par exemple, une femme peut faire une observation sur la prouesse sexuelle d'une personne ou autre chose, et cela pourrait constituer un choc psychologique important. En théorie, cela provoque ensuite un choc semblable à un choc dans la tête, suspendant chez la personne la capacité d'agir consciemment, puis elle commet, disons, l'acte de meurtre ou la tentative de meurtre. En cas de réussite, la personne est acquittée complètement si le geste n'est pas commis sur la base d'un trouble mental. Comme vous le savez, le problème c'est que récemment, dans le cas Stone, la Cour suprême du Canada en a limité l'application. Globalement, je pense que c'est positif. Autrement, je pense que dans beaucoup de cas d'homicide, il y a une certaine provocation. Il y a des moyens de défense fondés sur la provocation qui peuvent faire du meurtre un homicide involontaire.

    Au niveau personnel, je me demande si l'automatisme causé par un choc psychologique est une entité réelle en termes psychiatriques, car il s'agit d'une question juridique et non médicale. Si c'est le cas, il faudra l'appliquer avec grand soin. D'un point de vue médical, ses fondements scientifiques sont assez faibles et il est difficile de le soutenir d'un point de vue scientifique médical, et je me demande pourquoi nous en avons besoin car nous avons déjà, comme on dit, l'absence d'une intention spécifique, et la responsabilité criminelle réduite, de meurtre à homicide involontaire. Je me demande pourquoi nous en aurions besoin. Si cela mène à un acquittement complet, cela me pose problème.

    Ce que je vous donne est un examen conservateur sur le plan psychiatrique médico-légal. Tout le monde ne sera pas d'accord. J'ai contribué à l'ébauche du mémoire pour l'Association des psychiatres du Canada, qui comparaîssait devant un comité de la justice. Nous l'avons restreint pour dire que s'il doit s'appliquer, la personne doit avoir une lésion cérébrale. Nous avons ajouté beaucoup d'autres exigences médicales pour la limiter encore plus. D'un point de vue psychiatrique médico-légal, nous sommes sceptiques, préoccupés, et je me demande si nous en avons vraiment besoin?

À  +-(1035)  

+-

    Le président: Merci beaucoup.

    Monsieur Grose.

+-

    M. Ivan Grose (Oshawa, Lib.): Merci, monsieur le président.

    Je suis un peu perdu docteur. Ce n'est peut-être pas le bon endroit pour le dire.

+-

    Dr John Bradford: Désolé. J'espère que je ne vous ai pas embrouillé, monsieur.

+-

    M. Ivan Grose: Je vais m'en tenir à un aspect qui est habituellement perdu dans l'ensemble. Vous dites qu'on peut traiter la pédophilie.

+-

    Dr John Bradford: Oui.

+-

    M. Ivan Grose: J'ai entendu des soi-disant témoignages d'experts affirmant le contraire. Cela ne vous surprend-il pas?

+-

    Dr John Bradford: Et bien, cela dépend de qui est l'expert.

+-

    M. Ivan Grose: Naturellement, mais évidemment, il y a une autre opinion. J'ai des doutes sur le taux de 13 p. 100 de récidive. J'aimerais savoir comment il a été calculé, mais mettons cela de côté.

+-

    Dr John Bradford: Je pourrais vous le dire avec exactitude. C'était une étude menée par le Solliciteur général du Canada. Elle concernait 28 000 délinquants sexuels. L'étude fait date dans ce domaine de par le nombre. Et ses fondements scientifiques sont bons. Les trois études que nous avons menées ont fait appel à des périodes plus longues de suivi. Leur suivi s'est fait sur quatre ans seulement. Notre suivi s'est fait sur 12 ans, avec une moyenne de huit ans environ, et le nombre de pédophiles était exactement le même. Sa science est donc assez homogène. Cela pour les gens non traités.

+-

    M. Ivan Grose: J'accepte cela, mais la vérité est que nous, en tant que représentants des gens, nous ne pouvons vivre avec 13 p. 100, ou 6,5 p. 100 ou 1 p. 100. Pour moi, il est évident que, pour sa première condamnation, un pédophile serait condamné à vie sans libération conditionnelle.

+-

    Dr John Bradford: Est-ce une question?

À  +-(1040)  

+-

    M. Ivan Grose: Non. J'ai dit que c'est la réponse évidente d'après moi, à moins que vous en ayez une meilleure, mais je ne vois pas comment. J'espère que vous comprenez quand je dis qu'on ne peut pas vivre avec 13 p. 100.

+-

    Dr John Bradford: Il s'agit encore une fois d'une question très émotive. J'ai des enfants et nous sommes très sensibles aux questions relatives à leur protection. Pour moi, ils sont la partie la plus précieuse de la société canadienne.

    Mais il y a une ou deux choses. D'abord, il est très facile de vilipender un pédophile, c'est très facile à faire, en particulier dans la portée précise de son agression sexuelle, si je peux m'exprimer ainsi. Dans leur grande majorité, cela implique l'attouchement et non une activité sexuelle plus intrusive. Si vous devez enfermer une personne, pour attouchement, pour le restant de ses jours, c'est possible mais si l'attouchement est la seule chose qu'elle peut refaire, par opposition à quelque chose de plus intrusif, alors il faudra tenir compte de l'incidence sur la victime. Le traumatisme et les problèmes psychologiques apparaissent quand les choses sont plus intrusives. Il est facile de vilipender mais je pense qu'il faut également comparer l'incidence sur la victime, aux actes réels des pédophiles, et au degré d'intrusivité et de gravité. Dans toutes les sociétés libres, même s'il est facile de déclarer tel comportement répugnant, je pense qu'il faut le mettre dans cette perspective. Une personne ivre qui conduit et tue des gens me dérange énormément, sinon plus qu'une personne qui se montre nue à des enfants. Il est facile de vilipender cette personne mais, à l'autre bout de l'échelle, les gens qui conduisent ivres, avec, entre les mains, une arme importante pouvant causer toute sorte de problèmes, semblent nous poser des problèmes importants.

    Je ne suis pas parlementaire, je participe au traitement de la réhabilitation et à la gestion de personnes dangereuses, et c'est probablement plus clair pour moi que pour vous. Je pense que la pédophilie est un tout autre problème. Si vous recherchez un aperçu objectif, je peux vous dire que le Canada, pour des raisons que j'ignore, a certains des meilleurs experts au monde en traitement, en réhabilitation et en évaluation de risques liés à la pédophilie. Vous avez donc dans ce pays une grande expertise dans le domaine, si jamais vous voulez en examiner les fondements scientifiques.

+-

    M. Ivan Grose: Voyez-vous, en ce moment, il y a des pédophiles que nous condamnons à la prison à vie en fonction d'un système de tranches. Le problème est qu'à chaque tranche, ils font du mal à un enfant. Et nous savons qu'ils ne sont pas obligés de suivre un traitement, qu'ils peuvent le refuser.

+-

    Dr John Bradford: Cela fait partie du problème. Cependant, si vous mettez une personne dans la collectivité avec la condition de suivre un traitement, de demeurer à un certain endroit, de ne jamais toucher aux drogues ou à l'alcool--car il est plus que probable que s'il y a abus de substances, y compris d'alcool, un autre acte de pédophilie se produira--et s'il y a sanction en cas d'infraction, c'est la philosophie de la carotte et du bâton qui fonctionne. Les études comparant le traitement et l'absence de traitement montrent que les résultats s'améliorent constamment.

    Il s'agit encore une fois d'une approche à adopter. Comme vous le savez probablement, le Canada a envisagé une législation contre les prédateurs violents mais cela n'a pas abouti, en raison, notamment, de l'enquête Christopher Stephenson, dont j'étais un des témoins principaux. Nous avons rendu plus facile la mise en place d'applications contre les délinquants dangereux. Les provisions contre les délinquants à contrôler y étaient. Il y avait des ordres de la section 810, qui ont été confirmés sur le plan légal, relatifs au suivi des pédophiles, entre autres. Personnellement, je pense qu'il faut l'ensemble de mesures pour s'occuper des pédophiles pour ce qui est de leur niveau de dangerosité, car certains sont plus dangereux que d'autres. Je pense que notre approche est assez équilibrée. Encore une fois, je comprends votre sentiment, car je l'entends tout le temps. Je présume que j'envisage le risque et la dangerosité d'un point de vue objectif et scientifique. Je crois que cela est différent. Tous les pédophiles ne sont sûrement pas les mêmes.

+-

    M. Ivan Grose: Vous avez parlé des niveaux de danger--c'était votre dernière phrase. Seriez-vous disposé à prendre part à un dialogue avec nous afin de nous aider à séparer ce qui est dangereux de ce qui l'est moins? Pour ce qui est dangereux, nous pourrions étudier la prison à vie sans libération conditionnelle, et pour le moins dangereux, nous essayerons de les traiter.

À  +-(1045)  

+-

    Dr John Bradford: À cela, la réponse est oui. J'ai témoigné plusieurs fois dans des audiences de délinquants dangereux et les sujets des audiences étaient les pédophiles en majorité. Dans ce pays, il y a chaque jour une audience qui se tient pour savoir si une personne est un déliquant dangereux, à contrôler et ainsi de suite. Les audiences présentent des problèmes mais, en général, la disposition relative aux délinquants à contrôler est une partie très positive de la législation. À mon sens, il nous faut une probation plus longue. Pour les personnes qui ne sont pas si dangereuses, qui peuvent résider dans la collectivité, trois ans suffisent à la condition qu'elles se conforment au traitement. Comme je l'ai déjà dit, le risque est important dans les cinq premières années. Nous devons nous arrêter à trois ans avec condition, et cela n'a pas de sens. Dans la probation provinciale, nous pourrions envisager entre autres de l'étendre à dix ans, avec sanction en cas de non conformité, et elle devrait être assez générale pour accomoder toutes sortes de conditions applicables. Je pense que ce serait très utile.

+-

    M. Ivan Grose: Merci.

+-

    M. Andy Scott: Merci beaucoup.

    S'il n'y a pas d'objections, je veux poser une question. Il y a encore d'autres gens sur la liste et nous y reviendrons.

    Dr Bradford, je comprends qu'en votre qualité de psychiatre médico-légal, vous vous occupez de questions dépassant le cadre des dispositions du Code criminel relatives aux troubles mentaux. Nous passons actuellement beaucoup de temps à en parler. Je veux m'assurer qu'il est expliqué, comme vous l'avez mentionné au début, que, d'une façon générale, la pédophilie n'est actuellement pas nécessairement couverte par les dispositions du Code criminel relatives aux troubles mentaux.

+-

    Dr John Bradford: Elle ne l'est pas. Pour être criminellement non responsable pour cause de troubles mentaux, il faut un trouble mental, et la pédophilie en est un, mais encore faut-il que la personne puisse évaluer la nature et les conséquences de son comportement, comme c'est le cas généralement, et la personne doit pouvoir distinguer si ce qu'elle fait est bien ou mal, comme c'est le cas généralement. Au Canada, il n'y a pas de test de la volonté, et ce n'est pas applicable. La pédophilie ne dépasse pas un tel filtre.

+-

    M. Andy Scott: Il est légitime de vouloir inclure ce qui ne l'est pas. Je tiens à faire la distinction très claire entre pédophilie et troubles mentaux, selon le Code criminel. À ce stade, nous en discutons comme s'il y avait... J'accepte que notre témoin aborde un éventail de sujets dépassant l'objet de sa présence aujourd'hui. Je tiens juste à m'assurer qu'il n'y a pas de doute au sujet de notre examen.

    Une telle distinction étant faite, je serais quand même curieux de savoir comment les deux questions se croisent. Je retourne à la première intervention de M. McKay. Je pense qu'elle nous renseignera sur les endroits où s'appliquent les dispositions relatives aux troubles mentaux et ceux où elles ne s'appliquent pas. Peut-être pourriez-vous parler de l'intersection afin de nous clarifier une telle distinction. Je pense qu'il nous sera utile de savoir là où les dispositions relatives aux troubles mentaux entrent en jeu.

+-

    Dr John Bradford: Les dispositions relatives aux troubles mentaux entrent en jeu dans les grandes maladies mentales. Même si la définition par le Code criminel des troubles mentaux est plus large afin d'obéir aux autres éléments de l'article 16, si une personne atteint de tels seuils, comme ne pas pouvoir évaluer la nature et la qualité de ses actes ou ne pas savoir que c'est mal--c'est un tort moral contrairement à un tort légal--il s'agit de schizophrénie, de trouble bipolaire, ou d'états psychotiques. C'est le sommet des troubles mentaux graves. C'est pourquoi la pédophilie, les troubles d'anxiété et de la personnalité ne sont pas admissibles. Est-ce que c'est approprié? Absolument. Je vais juste aborder l'aspect technique pour un instant. Les syndrômes psychiatriques sont divisés en troubles de la personnalité et ce que l'on appelle les états de l'axe un. Les troubles de la personnalité sont des problèmes du point de vue de la criminalité. Le trouble anti-social de la personnalité est le diagnostic le plus commun dans l'ensemble de nos pénitenciers. Cela se soigne-t-il? Pas vraiment. Il n'y a pas grand traitement. Il est donc mieux que les personnes soient dirigées dans les établissements correctionnels où il y a un suivi, des limitations et ainsi de suite.

    L'avantage des articles relatifs aux troubles mentaux est qu'ils se rapportent aux grandes maladies mentales pour lesquelles il existe aussi un traitement efficace, où la violence est liée à la présence de psychose. Si cette dernière est supprimée, la violence s'en va. De ce point de vue, le seuil est donc très clair.

À  +-(1050)  

+-

    Le président: Merci.

    À présent, d'après ma liste, j'ai monsieur McKay.

+-

    M. John McKay: Pour être clair, je comprends que les états liés aux troubles mentaux soient les troubles psychiatriques les plus graves mais rien n'exclut la pédophilie des troubles mentaux en tant que telle.

+-

    Dr John Bradford: C'est un trouble mental. D'après la classification diagnostique, il s'agit d'un trouble d'axe un. Cela ne fait pas de doute, mais être déclaré criminellement non responsable ne cadre pas avec les dispositions légales tout simplement, et je pense que c'est bien ainsi.

+-

    M. John McKay: Je vous en sais gré. Merci.

+-

    Le président: Monsieur Macklin.

+-

    M. Paul Harold Macklin: Je voulais juste obtenir une précision quand au domaine qui nous occupe, la pédophilie. Vous avez fait une observation intéressante. Si la personne se contente d'attouchement, peut-être le niveau de peur n'est-il pas le même. Pensez-vous que dans le cas de la pédophilie, les personnes atteignent un seuil et qu'elles ne le dépassent pas progressivement?

+-

    Dr John Bradford: C'est une excellente question. Cela s'applique à certaines personnes. Cela peut être des personnes qui ne font que s'exposer à des enfants et qui ne les touchent jamais. Nous savons que des gens s'adonnent à la pornographie infantile sans jamais toucher des enfants. C'est comme tout comportement humain; les degrés sont variables. C'est le même type de comportement, avec un degré variable. En haut de l'échelle figurent les personnes sexuellement attirées par les enfants mais qui ont aussi un comportement d'érotisme violent envers les enfants. Il y a des personnes qui, par exemple, deviennent des tueurs d'enfants en série. Nous avons des moyens de les identifier et de les définir. Mais dans l'ensemble du spectre, l'élément clé consiste à comprendre la catégorie de la personne.

    Votre question précise est, existe-t-il une intensification d'un niveau bénin à des niveaux plus graves? Ma réponse est oui. Avons-nous de bons moyens d'identification? Ils ne sont pas parfaits mais il existe des façons de quantifier le risque. L'intensification potentielle nous préoccupe. Elle ne survient pas naturellement ou dans 100 p. 100 des cas, mais elle se produit.

+-

    M. Paul Harold Macklin: Merci.

+-

    Le président: Comme je ne vois personne d'autre, j'ai quelques questions plus spécifiques.

    Si vous étiez à notre place et si vous aviez le pouvoir de rédiger notre rapport, quelles sont très précisément les choses que vous voudriez changer, étant donné que vous nous initiez, ou nous initiez de nouveau à cette discussion, et que cela nous occupera beaucoup durant les cinq à six prochaines semaines? Dans les révisions auxquelles vous avez participé, quels sont les aspects que vous voudriez garder, et ce en fonction de votre connaissance du contenu, et de celle des observations du public, si vous voyez la différence, tenant compte du fait que la collectivité élargie nous poussera, si le mot convient, à faire des choses? Vous devez savoir ce qui s'en vient, et je présume qu'il y a des choses importantes contre lesquelles il vous semble important de nous mettre en garde, comme de succomber à une telle pression.

    Enfin, y a-t-il d'autres éléments à changer ou à ne pas changer? Quelles sont les autres possibilités d'inclusion qui ne sont pas là maintenant, des choses hors de la portée des dispositions relatives aux troubles mentaux?

+-

    Dr John Bradford: Je pense pouvoir être très clair là-dessus, et il y a des choses qui pourraient être à faire pour protéger le public. Je pense que certaines parties ne sont pas aussi bonnes qu'elles le devraient.

    Je crois que l'article devrait comprendre une disposition par laquelle le procureur de la Couronne est partie de l'audience de disposition. Actuellement, cela n'est pas exigé. Je pense qu'il s'agit d'un déficience énorme, particulièrement à cause du rôle des avocats de la Couronne dans les diverses provinces, dont le rôle de protection du public est crucial, et la tenue des audiences sans l'avocat de la Couronne présente un sérieux problème. En Ontario, c'est fait de toute façon, et cela fonctionne exceptionnellement bien, mais cela ne fait pas partie de la législation. Cela devrait donc être inclus.

    Je crois que l'ordonnance de détention dans un hôpital devrait être considérée, même si elle constitue un problème de ressources pour les provinces, car, en rapport avec la protection du public, ce sont des gens qui ont une grave maladie mentale, mais qui ne sont pas allés au-delà de l'article 16, car elles n'ont pas rempli l'exigence juridique. Leurs besoins en traitement sont toujours importants. Ils seront relâchés à l'avenir et, s'ils sont toujours mentalement gravement malades, et abusent de substances, cela présente un risque pour le public.

    Si la durée maximale est introduite, je pense qu'il faut être prudent et tenir compte très sérieusement de la question de sécurité publique. Je comprends pourquoi la durée maximale a été insérée. Elle était liée aux questions relatives à la Charte. Quand une personne n'est concernée par un article du Code criminel selon lequel l'emprisonnement à vie serait l'alternative à un jugement de non responsabilité criminelle pour cause de troubles mentaux, l'argument était que cela serait inconstitutionnel, contre la Charte, que cette personne soit détenue pendant une période indéterminée. Je ne suis pas avocat. Je ne peux pas débattre la question. Toutefois, si la question doit demeurer là, j'ai de sérieuses réserves sur la façon dont elle sera insérée--et je pense qu'on aura des pressions pour en faire une loi--il faut considérer l'accusé dangereux atteint de troubles mentaux pour contrebalancer cela. Sinon, vous vivrez ce problème où une personne risque le maximum de peine à sept ans, huit ans, et ainsi de suite, et sept ans passeront, ou six ans, moins un jour, et la personne est aussi dangereuse qu'au premier jour, et sortira de l'établissement, et nous pouvons faire très peu de choses à cela. Je pense que la perspective est effrayante.

À  +-(1055)  

+-

    Le président: Laissez-moi clarifier les choses. Suggérez-vous que, si les deux dispositions mentionnées s'équilibrent, cela constituerait une amélioration, ou dites-vous plutôt que nous ne devrions pas du tout considérer la durée maximale, et ainsi l'équilibre des deux dispositions ne serait pas meilleur que le statu quo?

+-

    Dr John Bradford: Je n'aime pas le concept de la durée maximale. J'aurais préféré qu'il n'apparaisse pas du tout. Je fais partie de ce processus depuis le début, et pour les raisons que j'ai avancées, je sais qu'il existe un soutien important pour l'application de la durée maximale. La communauté juridique est particulièrement préoccupée par la non mise en application la durée maximale. Ma réponse est qu'avec la probabilité de mise en application, les deux devront aller de l'avant, pas une seulement. Si vous ne l'avez pas, nous avons un problème et je ne crois pas, tout optimiste que je suis, que les lois sur la santé mentale des provinces assureront une protection adéquate du public si la durée maximale est appliquée. Je suis très clair là-dessus.

+-

    Le président: Avez-vous abordé comme il faut toutes les choses que vous changeriez, les choses contre lesquelles vous nous mettez en garde? Avez-vous d'autres observations?

    Sinon, je vois quelques personnes qui ont d'autres questions.

    Monsieur McKay.

+-

    M. John McKay: J'aimerais revenir sur votre dernier point. Je comprends que vous êtes fermement contre la détention de durée maximale--sinon, si elle est appliquée, votre position de rechange consiste à renforcer la notion de délinquant dangereux.

+-

    Dr John Bradford: Non. En fait, atteint de troubles mentaux est synonyme de délinquant dangereux. L'article sur les troubles mentaux dont il est question dit délinquant dangereux mais on l'appelle accusé dangereux atteint de troubles mentaux. Certains peuvent être déclarés accusés dangereux atteints de troubles mentaux et pourraient être détenus pendant une période indéterminée, selon leur niveau de dangerosité. Le sens de délinquant dangereux dans les autres sections du Code criminel est le même.

+-

    M. John McKay: Je ne connais pas l'article portant sur les délinquants dangereux. Est-il inclus dans l'article relatif aux délinquants dangereux?

+-

    Dr John Bradford: Non, c'est dans cet article.

+-

    M. John McKay: Dans cet article.

+-

    Dr John Bradford: Si on n'a pas cela cependant , des personnes extrêmement dangereuses seront en détention pour une durée maximale de cinq, six, sept ans et les portes de l'établissement s'ouvriront pour les laisser sortir. Je crois que le public sera exposé à des risques. Si tel est le cas, je crois que la seule façon de contrebalancer cela est de faire avancer simultanément l'article portant sur l'accusé dangereux atteint de troubles mentaux. Je pense que, si la détention d'une durée maximale à elle seule va de l'avant, cela cause un problème, et je vous le déconseillerais de l'utiliser seule.

Á  +-(1100)  

+-

    M. John McKay: Qu'est-ce qui le déclencherait? Est-ce la fin de la peine déclencherait la responsabilité de la Couronne au moment de prononcer la sentence initiale?

+-

    Dr John Bradford: Il faudrait revoir l'article mais, pour simplifier, si le crime à l'origine peut être puni par l'emprisonnement à vie, la détention d'une durée maximale ne s'applique pas. Le problème réside dans des actes d'extrême violence commis par des personnes très dangereuses. Ce sont ces personnes qui m'inquiètent. Elles ont une maladie mentale, elles sont extrêmement violentes, elles se sont esquivées de la disposition d'homicide. Elles ont peut-être tué quelqu'un mais elles ont évité les articles relatifs au meurtre du Code criminel. Elles seront déclarées criminellement non responsables pour cause de troubles mentaux, et elles pourraient être en détention maximale de sept ans. Peu importe qu'elles refusent le traitement, peu importe le progrès de leur réhabilitation, la roue continue de tourner et sept ans plus tard, elles seront libres. C'est une perspective effrayante, mais c'est ce que la peine maximale implique, et les lois sur la santé mentale seraient le seul moyen d'équilibrer cela mais ces lois sont généralement faibles . On peut garder une personne en détention pendant 72 heures, et ensuite pendant une semaine et ainsi de suite.

    Cela me pose problème. Je ne suis pas avocat, encore une fois, et je travaille dans le système au jour le jour, à un niveau très pratique, et la seule façon de compenser cela serait d'avoir un article sur l'accusé dangereux atteint de troubles mentaux. On peut ainsi avoir quelqu'un accusé d'homicide involontaire déclaré criminellement non responsable pour cause de troubles mentaux, puis il y a une audience séparée comme l'audience sur les délinquants dangereux. Il peut être déclaré accusé dangereux atteint de troubles mentaux puis il peut être détenu pendant une période indéterminée jusqu'à ce qu'il ne soit plus dangereux. Je pense que c'est la façon dont il faudra procéder.

+-

    M. John McKay: Actuellement, il est--

+-

    Le président: Monsieur McKay, il est maintenant 11 heures. Nous pouvons continuer. Je ne sais pas s'il y a eu une entente avec le docteur Bradford. M. Lanctôt a une question, et je vais me renseigner pendant qu'il la posera.

[Français]

+-

    M. Robert Lanctôt: Merci, monsieur le président.

    Il y a un autre problème que vous avez soulevé, et cela m'a en quelque sorte outré. Vous nous dites que vous n'êtes pas avocat, constitutionnaliste ou député. Vous parlez aussi d'une loi sur la santé uniformisée. Donc, c'est un problème de juridiction. C'est un problème constitutionnel. Vous devez savoir qu'au Québec, la santé est de la juridiction du Québec. On ne peut pas s'embarquer dans un tel problème, surtout quand il contient d'autres problèmes.

    Vous êtes d'avis, comme moi, que dans le fond, il vaut mieux garder le statu quo que de commencer à changer des petites parties. Ce serait moins bon que le statu quo et, en plus, on aurait le problème constitutionnel des juridictions. Pourquoi faudrait-il essayer d'aller chercher quelque chose qui serait moins bon que ce qui existe déjà? C'est un peu ce que je retiens de votre témoignage. Est-ce exact?

[Traduction]

+-

    Dr John Bradford: Le statu quo fonctionne bien. Il n'est pas parfait comme je l'ai dit. Je suis d'accord avec vous sur la question constitutionnelle et sur les lois sur la santé mentale. C'est pourquoi, selon moi, il n'y aura jamais de loi uniforme sur la santé mentale; cela relève clairement de la compétence provinciale. Même la façon dont les commissions siègent et travaillent est orientée sur la façon dont les différentes provinces travaillent, car elles sont désignées par la province, et cela mérite le respect, je pense.

    Globalement, je pense que les articles relatifs aux troubles mentaux fonctionnent bien. Je ne pense pas qu'on puisse soustraire des choses. Je crois qu'on doit examiner certains de ces articles non promulgués initialement. Des pressions seront-elles exercées pour qu'ils soient regroupés dans l'article? Si oui, c'est bien mais je pense que c'est une question d'équilibre. Il est clair que la question du procureur de la Couronne n'y a jamais figuré, qu'elle doit y être. Autrement, je pense que cela fonctionne assez bien.

+-

    Le président: Je comprends la motivation des personnes qui veulent s'assurer que personne ne fasse plus de prison qu'il ne faut en raison d'un trouble mental. Je suis sûr qu'il y aura d'autres témoins qui aborderont cela en termes pratiques, dont les preuves indiqueront si une telle préoccupation est théorique ou pratique. Connaissez-vous des cas où cela se ou s'est produit? Je comprends que, au début, l'examen a probablement été mené en réaction à... Je me rappelle de mon enfance au Nouveau-Brunswick, les mandats du lieutenant-gouverneur, et je me souviens de cas délicats. La durée maximale de détention doit-elle résoudre un tel problème, ou est-il théorique?

Á  +-(1105)  

+-

    Dr John Bradford: Je pense que le problème est réel. Je vais utiliser un exemple parallèle, je pense.

    Comme vous le savez, il y a des malades mentaux qui arrivent à la fin d'une sentence fédérale, ils ont été détenus jusqu'à l'expiration du mandat, ils font leurs derniers jours et ils sortent. Certains d'entre eux ont des problèmes très graves. Quand cela arrive, on ne peut s'appuyer que sur la loi sur la santé mentale de la province. Je peux vous donner un exemple terrifiant de ce qui m'est arrivé. J'ai eu un appel d'un établissement fédéral--je ne dirai pas lequel--m'avertissant que X était libéré le lendemain. La personne qui m'a appelé était un ministre, il pensait que je devais le savoir, car la personne allait à Ottawa et nécessitait une aide psychiatrique. J'ai dit d'accord; je me demande pourquoi ce n'est pas un médecin qui m'appelle mais écoutons. La personne était schizophrène, activement psychotique, son traitement mal contrôlé, séropositive, et pédophile. Il quittait l'établissement et il se rendait à l'hôpital où je travaillais. Je ne pouvais rien faire, à moins de faire intervenir la Loi sur la santé mentale. La détention maximale aurait eu potentiellement le même effet. Cela se produit actuellement chez des gens qui ont raté les articles du Code criminel relatifs aux troubles mentaux et se sont retrouvés dans des établissements fédéraux. Je sais qu'il y a des centaines de gens qui sont détenus jusqu'au bout du mandat, pour différentes raisons, mais c'est un problème.

+-

    Le président: Je ne sais pas si j'innove ou non--et je n'y suis pas opposé--mais je veux demander aux membres du personnel de recherche s'ils ont des questions à poser pour nous aider dans notre travail.

+-

    M. Philip Rosen: Merci, Monsieur le Président.

    Une des questions que le comité devra traiter, Dr Bradford, c'est la définition et le traitement éventuel des sociopathes. Peut-être pourriez-vous nous dire en termes généraux ce qu'est la sociopathie, si elle se traite ou non, et si les dispositions du Code criminel relatives aux troubles mentaux conviennent pour traiter de la question des sociopathes, dont certains commettent des infractions criminelles relativement graves?

+-

    Dr John Bradford: Nous n'utilisons plus le terme sociopathe, mais plutôt le terme trouble anti-social de la personnalité, qui est la définition diagnostic. Pratiquement, c'est la même chose. Alors, je parlerai de trouble anti-social de la personnalité par opposition à sociopathie.

    Le problème dans le trouble anti-social de la personnalité--et je généralise par souci de concision--est qu'il n'y a pas vraiment de traitement efficace. Par exemple, c'est mal utiliser les ressources que d'hospitaliser une personne en l'absence de traitement efficace. Cela étant dit, parce que la science médicale a évolué, nous en savons davantage sur le trouble anti-social de la personnalité qu'il y a, disons, 15 ou 20 ans, et nous savons qu'il y a un rapport avec la chimie du cerveau, particulièrement avec la sérotonine du cerveau, qui peut réagir à des traitements pharmacologiques. Toutefois, je simplifierai en disant que les traitements et les interventions ne font que contrôler certains des symptômes, et n'arrêtent pas la maladie. L'étendue du traitement est ainsi très limitée.

    Ces personnes doivent-elles faire partie de l'article du Code criminel relatif aux troubles mentaux? Non, je ne le pense pas, pour les raisons dont je viens de parler. Elles sont exclues en général en raison de la façon dont les articles fonctionnent actuellement et elles se retrouvent dans des établissements correctionnels. Je pense que c'est approprié.

    Du point de vue de la recherche, si on regarde ailleurs, la Grande-Bretagne d'il y a environ 20 ans avait un réseau important de prisons-hôpitaux, avec des programmes de traitement complets pour le trouble anti-social de la personnalité, et c'est dans les revues. On avait des résultats malgré le traitement très intensif et très coûteux. Par exemple, dans une prison juste à l'extérieur de Londres où j'allais durant ma formation, il y avait la preuve d'une réduction mineure dans la récidivité violente, mais la récidivité globale est demeurée la même, ce qui était faible, je pense, d'un point de vue scientifique.

    Malheureusement, on ne peut vraiment pas les traiter et le système correctionnel devrait les prendre en charge, au lieu du système de santé mentale.

Á  -(1110)  

+-

    Le président: Merci beaucoup.

    Malheureusement, nous avons perdu notre quorum et je ne peux prendre d'autres questions, mais je veux vous remercier beaucoup de votre présence, Dr Bradford, et de nous aider à débuter ce qui promet d'être une enquête très compliquée mais très intéressante, à mon avis.

    Merci.

+-

    Dr John Bradford: Merci.

    Je dirais juste à M. Pagé que je préparais également un document écrit. Malheureusement, j'ai eu un problème, je me suis disloqué le bassin, et je le remettrai sous peu aux gens de la recherche.

-

    Le président: Merci.

    La séance est levée.