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JUST Réunion de comité

Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.

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37e LÉGISLATURE, 1re SESSION

Comité permanent de la justice et des droits de la personne


TÉMOIGNAGES

TABLE DES MATIÈRES

Le mardi 11 juin 2002




Á 1105
V         Le vice-président (M. John McKay (Scarborough-Est, Lib.))
V         M. Gerald L. Gall (témoignage à titre personnel)

Á 1110

Á 1115
V         

Á 1120
V         Le vice-président (M. John McKay)
V         
V         Le vice-président (M. John McKay)
V         Me Tamra Thomson (directrice, Législation et réforme du droit, Association du Barreau canadien)

Á 1125
V         

Á 1130
V         Le vice-président (M. John McKay)
V         M. Vic Toews (Provencher, Alliance canadienne)
V         Me Jennifer Cooper

Á 1135
V         M. Vic Toews
V         Me Jennifer Cooper
V         M. Vic Toews
V         Me Jennifer Cooper
V         Le vice-président (M. John McKay)
V         M. Lanctôt

Á 1140
V         Le vice-président (M. John McKay)
V         M. Gerald Gall
V         Le vice-président (M. John McKay)
V         M. Peter MacKay (Pictou—Antigonish—Guysborough, PC)

Á 1145
V         Me Jennifer Cooper

Á 1150
V         Le vice-président (M. John McKay)
V         M. Derek Lee (Scarborough—Rouge River, Lib.)
V         Me Jennifer Cooper
V         M. Derek Lee
V         Me Jennifer Cooper
V         M. Derek Lee
V         M. Gerald Gall
V         M. Derek Lee
V         Me Jennifer Cooper
V         M. Derek Lee
V         M. Gerald Gall

Á 1155
V         M. Derek Lee
V         Me Jennifer Cooper
V         M. Derek Lee
V         Le vice-président (M. John McKay)
V         M. Robert Lanctôt
V         Le vice-président (M. John McKay)
V         M. Bob Mills (Red Deer, Alliance canadienne)
V         Me Jennifer Cooper
V         M. Bob Mills

 1200
V         Me Jennifer Cooper
V         M. Bob Mills
V         Le vice-président (M. John McKay)
V         M. Paul Harold Macklin (Northumberland, Lib.)
V         Me Jennifer Cooper

 1205
V         Le vice-président (M. John McKay)
V         M. Gerald Gall
V         Le vice-président (M. John McKay)
V         M. Robert Lanctôt
V         Le vice-président (M. John McKay)
V         Me Jennifer Cooper

 1210
V         M. Robert Lanctôt
V         Le vice-président (M. John McKay)
V         M. Irwin Cotler (Mont-Royal, Lib.)
V         Me Jennifer Cooper
V         
V         M. Irwin Cotler
V         M. Gerald Gall
V         Le vice-président (M. John McKay)
V         M. Peter MacKay

 1215
V         Me Jennifer Cooper
V         M. Peter MacKay
V         Me Jennifer Cooper
V         M. Peter MacKay
V         Me Jennifer Cooper
V         M. Peter MacKay
V         Le vice-président (M. John McKay)
V         M. Derek Lee
V         Me Jennifer Cooper
V         M. Derek Lee

 1220
V         Le vice-président (M. John McKay)
V         M. Vic Toews
V         Le vice-président (M. John McKay)
V         M. Gerald Gall
V         M. Vic Toews
V         M. Gerald Gall

 1225
V         Le vice-président (M. John McKay)
V         Me Jennifer Cooper
V         Le vice-président (M. John McKay)
V         M. Paul Harold Macklin
V         Me Jennifer Cooper
V         Le vice-président (M. John McKay)
V         M. Robert Lanctôt

 1230
V         Le vice-président (M. John McKay)
V         M. Peter MacKay
V         Me Jennifer Cooper
V         M. Gerald Gall
V         Me Jennifer Cooper
V         Le vice-président (M. John McKay)
V         M. Vic Toews
V         M. John McKay
V         M. Philip Rosen (attaché de recherche auprès du comité)

 1235
V         M. Bob Mills
V         Le vice-président (M. John McKay)
V         M. Bob Mills
V         Le vice-président (M. John McKay)
V         M. Vic Toews
V         M. John McKay
V         M. Robert Lanctôt
V         Le vice-président (M. John McKay)










CANADA

Comité permanent de la justice et des droits de la personne


NUMÉRO 098 
l
1re SESSION 
l
37e LÉGISLATURE 

TÉMOIGNAGES

Le mardi 11 juin 2002

[Enregistrement électronique]

Á  +(1105)  

[Traduction]

+

    Le vice-président (M. John McKay (Scarborough-Est, Lib.)): Nous allons commencer. Ceci est notre 98e réunion. Si nous arrivons à 100, est-ce que nous sommes payés en temps supplémentaire?

    Cette réunion porte sur le projet de loi C-400, Loi modifiant la Loi sur le divorce, Restrictions des droits d'accès des délinquants sexuels.

    Nous accueillons ce matin trois témoins: Jennifer Cooper, présidente sortante, Législation et réforme du droit, Association du Barreau canadien; Tamra Thomson, directrice, Législation et réforme du droit, ABC; et le professeur Gall de la Faculté de droit de l'Université de l'Alberta. Bienvenue en ce mardi pluvieux à Ottawa. Le professeur Gall a demandé à passer en premier. Je suppose que ça ne pose pas de problème pour les autres témoins.

    Je présume que tous les témoins connaissent la procédure que nous suivons ici. Généralement, il y a un exposé de 10 minutes, ensuite le groupe de témoins suivant présente à son tour un exposé de 10 minutes. Puis nous passons aux députés de l'opposition avec sept minutes de questions pour chaque parti, et ensuite aux députés du gouvernement pour sept minutes encore. Nous avons ensuite un tour de trois minutes. Nous allons essayer de respecter les limites que nous nous sommes fixées, comme le fait la Cour suprême, quoique nous soyons un peu plus désinvoltes en ce qui concerne le temps.

    Professeur Gall.

+-

    M. Gerald L. Gall (témoignage à titre personnel): Merci, monsieur le président. Mon exposé devrait durer environ 10 minutes, mais il se peut que je dépasse d'une ou deux minutes, j'espère que vous ne m'en tiendrez pas rigueur si c'est le cas.

    Excusez-moi de ne pas avoir présenté de texte écrit. Il se trouve que j'ai accepté de témoigner aujourd'hui au moment où je partais à l'aéroport pour un voyage de fin de semaine à Ottawa, et je n'ai donc guère eu le temps de me préparer.

    Je voudrais tout d'abord dire que je sais que les membres du comité ont eu un résumé des avis juridiques. J'ai vu ce résumé et je voudrais préciser que les remarques qui me sont attribuées ne correspondent pas tout à fait à mon opinion. En fait, je vais pouvoir mieux la présenter aujourd'hui dans mon témoignage. Je pense que nous comprenons tous le terrible cas de conscience de Lisa Dillman. On m'a demandé, malgré tout, de faire apparaître les zones problèmes au plan juridique, c'est-à-dire les éléments qui peuvent faire l'objet d'une contestation ou d'une attaque dans le projet de loi proposé, et c'est ce que je vais faire. En outre, je vais diviser les différents domaines en deux catégories. La première catégorie sera celle des problèmes les moins difficiles, la deuxième portera sur les questions les plus graves ou les plus délicates.

    Le premier de ces problèmes moins difficiles est l'article 2 de la Charte, sur la liberté d'association. La loi de Lisa interdirait l'association d'un parent incarcéré n'ayant pas la garde et d'un enfant. En général, l'article 2 de la Charte, sur la liberté d'association, concerne les activités syndicales et les associations religieuses et politiques, mais pas les associations familiales d'après la jurisprudence . Par conséquent, je ne me soucierais pas de l'article 2.

    Plus précisément, je voudrais vous renvoyer à l'affaire Regina v. M.S, de la Cour d'appel de Colombie-Britannique en 1996, qui confirme une cause de la Cour d'appel de l'Ontario en 1989 dans laquelle le juge Tarnopolsky a déclaré:

Nos préoccupations constitutionnelles ne portaient pas sur les assemblées au sein de familles ou sur les associations entre membres d'une famille. Nous nous sommes plutôt préoccupés des protections concernant les assemblées et les associations qui nous font sortir du cercle familial intime.

Il continue en disant:

Le désir d'un parent d'être avec un enfant n'a pas de but ou d'objectif comparable à ceux d'associations organisées à des fins économiques, politiques, religieuses, sociales, charitables ou même de divertissement. S'il y a un objectif, c'est celui d'aimer ou d'être aimé, de rassurer et de protéger, ou d'être rassuré et protégé.

De ce fait, je dirais que la protection de la liberté d'association ne serait pas applicable ici. Toute atteinte à la liberté d'association ne s'appliquerait pas aux associations familiales.

    Je ne me soucierais pas non plus beaucoup de l'article 15 de la Charte. Après en avoir brièvement discuté avec mes collègues ici, je pense qu'il est possible que l'article 15, sur les droits à l'égalité, soit invoqué pour une contestation basée sur la situation de famille, mais je crois qu'il y aurait très peu de chances d'aboutir. En dehors de la situation de famille, il n'y a rien dans l'article 15 ou rien d'analogue à l'article 15 qui inviterait la contestation, quoique ce ne soit pas une possibilité tellement farfelue si l'on pense que la Loi canadienne sur les droits de la personne interdit la discrimination sur la base d'une condamnation au criminel pour laquelle une grâce a été accordée. Nous avons des motifs d'antidiscrimination liés à des infractions pénales, mais je ne m'inquiéterais pas trop.

    L'article 12--et c'est le dernier de mes problèmes mineurs--porte sur le traitement ou la peine cruels et inusités. Serait-ce une pénalité supplémentaire de refuser le droit d'accès à un père incarcéré qui n'a pas la garde des enfants ? Si c'est considéré comme une nouvelle privation de liberté, ce serait couvert--et j'y reviendrai dans un instant--par l'article 7 de la Charte plutôt que par l'article 12, et donc je ne me préoccuperais pas de ceci dans le cadre de l'article 12.

Á  +-(1110)  

    Il y a une autre possibilité concernant le traitement ou la peine cruels et inusités. Cette loi pourrait avoir un impact sur l'admissibilité à la libération conditionnelle de la personne incarcérée. Une commission de libération conditionnelle vise, en fait, et c'est là toute la théorie de la libération conditionnelle, l'intégration progressive dans la collectivité. L'intégration en question se fait grâce à l'établissement de groupes communautaires. Cette loi supprime effectivement des possibilités, pour des raisons légitimes, je vous l'accorde, et donc pourrait avoir une incidence négative sur les libérations conditionnelles.

    Ensuite, il y a la question problématique de l'article 7. L'article 7, bien sûr, c'est le droit à la vie, à la liberté et à la sécurité de la personne et le droit de ne pas en être privé, sauf en conformité avec les principes de justice fondamentale. Je dirais tout d'abord que le refus d'accès, la suspension automatique de l'accès, constitue une forme de pénalité supplémentaire. Même si l'on ne considère pas cela comme un genre de pénalité supplémentaire, c'est une nouvelle privation de liberté. Il y a toutes sortes de privations de liberté. Elles sont liées aux conditions d'incarcération et aux circonstances entourant celle-ci. On peut se trouver dans une prison de style club privé, ou être en isolement dans un pénitencier fédéral. La privation de liberté diffère en termes qualitatifs selon les circonstances. Ainsi, le refus automatique d'accès sans audience constituerait une nouvelle privation de liberté. Cependant, les privations de liberté sont tolérées, à condition d'être en conformité avec les principes de justice fondamentale. Ces privations sont-elles conformes aux principes de justice fondamentale? C'est cela qui peut vraiment être problématique.

    Il y a deux problèmes quant à savoir pourquoi il y aurait infraction aux principes de justice fondamentale. Je le répète, je ne fais que tirer le signal d'alarme. Il y a tout d'abord le refus d'accès à notre système judiciaire. Naturellement, un parent incarcéré n'ayant pas la garde peut toujours s'adresser à un tribunal pour obtenir une ordonnance ou avoir une ordonnance déjà prête, mais celle-ci est sans effet, elle est suspendue. C'est donc un refus d'accès au tribunal.

Á  +-(1115)  

+-

     Y a-t-il des cas montrant qu'un refus d'accès au tribunal va à l'encontre des principes de justice fondamentale? Ce qui s'en rapproche le plus serait l'affaire Budge en 1989 devant la Cour d'appel de l'Alberta. On y dit que l'existence d'un régime d'indemnisation des accidents du travail qui prive un employé de la possibilité de poursuivre son employeur, et constitue donc un déni du droit de se pourvoir en justice, est une infraction à l'article 7. L'affaire Budge portait sur un refus potentiel d'accès aux tribunaux parce qu'un employé ne peut pas poursuivre son employeur dans le cadre d'un régime d'indemnisation des accidents du travail. Le tribunal a déclaré cependant que même si le fait de refuser l'accès au tribunal pouvait être une infraction à l'article 7, la cause était perdue parce que l'article 7 ne protégeait pas les droits économiques. Il est clair que si l'on poursuit son employeur, c'est pour défendre un droit économique.

    Bien sûr, l'accès aux enfants n'est pas non plus un droit économique, et donc un refus d'accès pourrait constituer une infraction aux principes de justice fondamentale. Dans tous les ouvrages, lorsqu'on parle d'accès aux tribunaux, il s'agit en fait d'interdiction de publication et pas d'accès physique aux tribunaux. Ce n'est que dans l'affaire Budge que l'on mentionne l'accès physique.

    Le plus grand problème qui pourrait être une infraction aux principes de justice fondamentale, c'est la portée excessive de la loi. En 1994, la Cour suprême du Canada a établi dans son arrêt Regina c. Heywood, une nouvelle doctrine de portée excessive, où les principes de justice fondamentale ne sont pas respectés si une perte est considérée comme ayant une portée excessive dans la privation de la liberté, de la sécurité, etc. Cette affaire concernait une personne condamnée pour certains crimes en rapport avec des enfants à qui l'on avait interdit en vertu du Code criminel de fréquenter les piscines et les parcs publics. Selon une ordonnance du Code criminel, il est possible de restreindre l'accès de l'accusé aux zones publiques où pourraient se trouver des enfants. Le juge Corey a dit qu'une privation de liberté visant à protéger la sécurité des enfants--c'est exactement ce que nous avons ici--ne constituerait pas un manquement à la justice fondamentale, mais que par contre une loi limitant la liberté plus qu'il n'était nécessaire pour accomplir son objectif irait à l'encontre de la justice fondamentale en raison d'une portée excessive. Il a dit que dans ce cas, il y avait trois genres de paramètres ou de facteurs pouvant aboutir à une portée excessive. D'abord, il se peut que l'ordonnance ait une trop grande portée géographique. Deuxièmement, elle peut avoir été de trop longue durée, et il était possible que la suspension d'accès ait été maintenue pendant que la personne était en liberation conditionnelle--ce n'est pas vraiment très clair. Troisièmement--et c'est plus important--la catégorie de personnes à laquelle elle s'appliquait était trop large, parce que certains des délinquants auxquels elle s'appliquait ne seraient plus un danger constant pour les enfants. Autrement dit, elles pouvaient être réadaptées.

    Il se peut, quoique nous n'y croyons pas pour la plupart, que nos prisons aident les gens à se réadapter, et qu'une personne bénéficie d'une période d'incarcération à condition d'avoir suivi le traitement approprié. Par conséquent, la loi s'appliquerait encore à cette personne pendant son incarcération. Ce serait un cas possible de portée excessive.

    Deuxièmement, il pourrait y avoir une portée excessive parce que certaines des infractions énumérées à l'alinéa proposé 16(9.1)b) de la loi n'ont en fait aucun rapport avec les enfants, ou pourraient n'avoir aucun rapport avec les enfants. Je pense, par exemple, aux alinéas b)(ii), b)(ii), et b)(iv). Comme je l'ai dit, une période d'emprisonnement peut comprendre une période de libération conditionnelle, puisque l'on est en libération conditionnelle jusqu'à l'expiration de la peine d'emprisonnement.

Á  +-(1120)  

+-

    Le vice-président (M. John McKay): Il vous reste une minute.

    M. Gerald Gall: Je n'ai pas encore fait mes trois commentaires les plus importants.

    Le vice-président (M. John McKay): Vous pourrez les présenter pendant les questions. Je suis à 12 minutes. Disons trois minutes?

+-

    M. Gerald Gall: Merci.

    Le premier de ces autres commentaires concerne la Convention internationale sur les droits de l'enfant. Le Canada a ratifié cette convention, et toutes nos lois doivent s'y conformer. L'article 9 de la Convention internationale stipule que:

Les États parties veillent à ce que l'enfant ne soit pas séparé de ses parents contre leur gré, à moins que les autorités compétentes ne décident, sous réserve de révision judiciaire et conformément aux lois et procédures applicables, que cette séparation est nécessaire dans l'intérêt supérieur de l'enfant.

Une audience peut avoir lieu pour déterminer quel est l'intérêt supérieur de l'enfant.

    Deuxièmement, bien que nous parlions de la Charte, n'oubliez pas la Déclaration canadienne des droits. La Déclaration canadienne des droits de 1960 est toujours en vigueur, et le paragraphe 2e) prévoit qu'à moins qu'une loi ne déclare expressément qu'elle s'appliquera nonobstant la déclaration canadienne des droits, nulle loi du Canada ne doit s'interpréter ni s'appliquer comme «privant une personne du droit à une audition impartiale de sa cause, selon les principes de justice fondamentale, pour la définition de ses droits et obligations». Ceci s'appliquerait à la loi de Lisa, de même que la Convention internationale.

    J'aurais encore beaucoup à dire, mais je vais conclure en vous présentant ma proposition pour changer. Ma proposition est qu'il y ait peut-être, dans des circonstances comme celles-ci, une suspension automatique pour une période de 30 jours, pendant laquelle les parties peuvent s'adresser à un tribunal pour déterminer si l'accès doit être maintenu pour la personne incarcérée. On garantit ainsi le droit à une audience, on autorise une suspension pour des motifs d'urgence, mais on s'assure que les tribunaux ne soient pas exclus, et le fardeau pourrait même revenir à la personne incarcérée. C'est toujours une possibilité aussi.

    J'ai encore beaucoup de chose, monsieur le président, mais je vous remercie de votre indulgence.

+-

    Le vice-président (M. John McKay)): Merci.

    Nous allons maintenant entendre l'Association du Barreau canadien. Madame Thomson.

+-

    Me Tamra Thomson (directrice, Législation et réforme du droit, Association du Barreau canadien): Merci, monsieur le président.

    Nous sommes très heureux de comparaître aujourd'hui devant le comité au sujet du projet de loi C-400. L'Association du Barreau canadien est une association nationale comprenant plus de 37 000 membres dans tout le pays, tous juristes dans différents domaines du droit, et vous avez sous les yeux la lettre préparée par la Section nationale du droit de la famille et la Section nationale du droit pénal au sujet du projet de loi C-400. Dans les commentaires que nous présentons aujourd'hui au sujet du projet de loi et dans la lettre que nous avons préparée à l'intention du comité, nous privilégions les objectifs d'ensemble de l'Association du Barreau canadien, qui cherche à améliorer le droit et à améliorer l'administration de la justice.

    Je vais maintenant demander à ma collègue Jennifer Cooper, avocate de Winnipeg, et présidente sortante de la Section nationale du droit de la famille, de faire d'autres commentaires.

Á  +-(1125)  

+-

    Me Jennifer Cooper (présidente sortante, Section nationale du droit de la famille, Association du Barreau canadien): Merci, Tamra.

    Dans nos commentaires aujourd'hui, nous allons examiner le projet de loi du point de vue du droit familial surtout et aussi, dans une certaine mesure, du point de vue du droit pénal. Le professeur Gall vous a parlé des aspects constitutionnels. Je ne vais pas les aborder aujourd'hui, mais vous avez entendu ce qui a été dit au sujet des problèmes potentiels.

    Je voudrais tout d'abord vous parler un peu de ce qui se trouve déjà dans la Loi sur le divorce, et je demande pardon à ceux d'entre vous qui sont avocats en droit familial et connaissent tout cela par coeur. Pour les autres, je crois qu'il est important d'essayer de voir ce qui se trouve déjà dans la Loi sur le divorce, pour ensuite déterminer si l'amendement est nécessaire.

    La Loi sur le divorce stipule, à l'article 16, qu'un tribunal peut rendre une ordonnance relative à l'accès à un enfant pour l'un des parents. On dit au paragraphe (6) que le tribunal peut assujettir l'ordonnance aux modalités ou restrictions qu'il estime justes et appropriées. Vous devez donc savoir que le tribunal a déjà de vastes pouvoirs et une grande discrétion pour imposer toute condition qu'il juge nécessaire pour protéger un enfant lorsqu'il rend cette ordonnance d'accès.

    Au paragraphe (8), la loi exige que le tribunal, en rendant une ordonnance, ne tienne compte que de l'intérêt de l'enfant à charge. Donc les ordonnances d'accès ne visent pas à sanctionner le mauvais comportement de l'un des parents, l'ordonnance d'accès doit être clairement axée sur les besoins du petit enfant, non sur ce que les parents méritent d'avoir ou de ne pas avoir. Il s'agit de l'enfant.

    Au paragraphe (9), il est précisé que le tribunal ne doit tenir compte de la conduite antérieure du parent que dans la mesure où cette conduite est liée à son aptitude à agir à titre de parent. Donc nous ne tenons plus compte de l'inconduite de l'époux, nous ne cherchons pas à savoir si l'un des parents est parti avec un nouveau partenaire, nous cherchons uniquement à déterminer si ce qu'ils ont fait, leur inconduite, a des répercussions sur leur capacité d'agir à titre de parent. Bien sûr, si un parent est coupable d'avoir abusé physiquement ou sexuellement un enfant particulier, c'est alors une conduite qui influe sur la capacité d'agir à titre de parent. Le tribunal doit donc déjà tenir compte de cela dans l'article consacré à la conduite.

    Au paragraphe (10), la loi stipule que lorsque le tribunal rend l'ordonnance, il doit appliquer le principe selon lequel l'enfant à charge doit avoir avec chaque époux le plus de contacts compatibles avec son propre intérêt. On intègre ainsi à la loi la notion voulant qu'en général, les enfants ont besoin d'avoir des contacts avec leurs deux parents.

    La cause qui a donné lieu à ce projet de loi était, si je comprend bien, liée à une modification, et vous verrez cela à l'article 17 de la Loi sur le divorce. Lorsqu'un tribunal apporte une modification, un changement, à une ordonnance existante, il doit tenir compte exactement des mêmes principes. Il doit examiner les intérêts de l'enfant, et tenir compte de la conduite antérieure dans la mesure où elle influence la capacité de la personne à agir à titre de parent.

    D'après nous, nous avons déjà une Loi sur le divorce qui prend en considération tous les facteurs pertinents nécessaires pour rendre une ordonnance dans le meilleur intérêt de l'enfant. Et la lettre que Mme Thomson vous a adressée en date du 7 juin, commence en disant que nous estimons, malgré toute la sympathie que nous inspire cette affaire--et nous comprenons bien les difficultés de Mme Dillman--que notre Loi sur le divorce est déjà, sous sa forme actuelle, suffisamment souple et permet de rendre des ordonnances qui sont dans le meilleur intérêt des enfants et ne devrait pas être changée par ce projet de loi.

    Il y a quatre éléments particuliers dans cette lettre que je voudrais souligner et qui portent sur des amendements. En fait, nous déclarons tout d'abord que, d'après nous, le projet de loi ne devrait pas être amendé, mais tout simplement qu'il ne devrait pas être adopté. Cependant, si vous décidez de l'adopter, nous voudrions faire ressortir quatre éléments.

    En premier lieu, le projet de loi prévoit que les droits d'accès sont automatiquement suspendus pour les personnes qui sont incarcérées, purgeant une peine d'emprisonnement, et nous voulons attirer votre attention sur le fait que ceci peut être valable aussi pour des personnes qui sont en libération conditionnelle--le professeur Gall vient d'en parler--et il me semble que le projet de loi n'est pas censé aller aussi loin. Par conséquent, il faudrait peut-être réexaminer ce texte pour en diminuer la portée.

    Deuxièmement, pour ce qui est du type d'infractions concernées, là encore--et je sais que cette discussion a déjà eu lieu le premier jour aussi--la portée est extrêmement large. Nous considérons que l'on va trop loin. Si l'on a une disposition automatique comme celle-ci, elle ne devrait pas s'appliquer, comme l'a mentionné le professeur Gall, aux situations dans lesquelles les enfants n'étaient nullement concernés par l'infraction. Dans les cas où ce sont des femmes adultes qui ont été victimes de l'infraction, il se peut qu'il n'y ait aucun rapport avec l'enfant concerné.

Á  +-(1130)  

    En ce qui concerne le problème des enfants victimes, nous regrettons que l'alinéa proposé 16(9.1)a) mentionne les dispositions dont l'enfant a été victime. Nous notons que le paragraphe 722(4) du Code criminel donne une définition très large de victime--c'est à propos des déclarations des victimes--en considérant qu'il s'agit de la personne qui a subi «des pertes ou des dommages corporels ou moraux par suite de la perpétration d'une infraction». Il est très facile de voir qu'un enfant dont le parent a commis une infraction pourrait être considéré comme une victime selon cette définition large; l'infraction pourrait n'avoir aucun rapport avec les enfants au plan personnel, mais ce sont des victimes parce qu'ils ont perdu leur père ou leur mère à cause de cela.

    Enfin, selon les principes de détermination de la peine--et d'ailleurs, le professeur Gall a abordé ce sujet, et il s'agit de problèmes de droit criminel--on applique en fait une pénalité supplémentaire au délinquant en disant qu'outre la période d'incarcération et les autres conditions qui peuvent être fixées, il va aussi perdre le contact avec ses enfants.

    Si l'on y réfléchit, on s'aperçoit qu'il y a tous les jours dans ce pays des centaines, peut-être des milliers d'enfants qui vont voir leurs parents en prison, et nous voulons insister sur le fait qu'ici les contrevenants coupables d'infractions de cette liste et divorcés verraient leur droit d'accès à leurs enfants automatiquement suspendu. Ça ne va pas s'appliquer aux parents qui sont séparés de leur conjoint de fait, ça ne va pas s'appliquer aux parents qui ont une relation intacte, ça ne s'appliquera qu'aux contrevenants qui sont en procédure de divorce. Ce sont les seuls qui vont perdre automatiquement le droit de voir leurs enfants.

    Nous voulons également signaler qu'à notre avis, ceci va à l'encontre des justifications données pour expliquer les peines conditionnelles, parce que, comme vous le savez, maintenant, une peine d'emprisonnement peut-être purgée de façon conditionnelle dans la communauté. Il semble que le projet de loi s'appliquera aussi à tous les contrevenants dont on a décidé qu'ils pouvaient purger leur peine au sein de la communauté parce qu'ils ne présentaient pas un trop grand risque pour celle-ci. Ces personnes perdraient aussi automatiquement leur droit d'accès en vertu du projet de loi, même s'ils se trouvent au sein de la collectivité.

    Je viens de vous expliquer les éléments précis mais nous voudrions vous dire en conclusion que dans l'ensemble, nous estimons que ce projet de loi n'a nul besoin d'amendement.

    Je vous remercie.

+-

    Le vice-président (M. John McKay): Merci.

    Nous avons maintenant un tour de questions de sept minutes. Monsieur Toews.

+-

    M. Vic Toews (Provencher, Alliance canadienne): Merci de vos exposés. Le comité vous remercie de votre travail et d'avoir fait l'effort d'être venus ici aujourd'hui.

    Il est clair que l'affaire qui a donné naissance à ce projet de loi particulier a donné l'impression au public que la loi n'était pas à la hauteur, que l'on commettait une injustice envers les enfants et envers l'épouse qui en avait la garde. C'est peut-être un concours de circonstances particulier qui a abouti à la création de ce projet de loi, mais il est vrai que cette affaire a suscité beaucoup d'inquiétude chez les Canadiens qui se sont demandé si l'on privilégiait vraiment l'intérêt de l'enfant. Je prends note de vos commentaires, de vos exposés et des questions constitutionnelles.

    Mme Cooper vient de faire une observation sur la question des conjoints. Je n'ai pas très bien suivi, en fait. Avez-vous dit que l'interdiction ne s'appliquerait qu'à un conjoint divorcé, et pas autrement?

+-

    Me Jennifer Cooper: La loi s'applique aux contrevenants qui ont été mariés et sont divorcés ou en train de divorcer, de sorte que la Loi sur le divorce s'applique à eux. Le divorce est du domaine fédéral, comme vous le savez, puisque vous êtes avocat, et les conjoints séparés ou vivant dans une union de fait relèvent de la compétence provinciale. Ainsi, la Loi sur le divorce ne s'applique que si les contrevenants sont mariés et ont divorcé ou sont en train de le faire, et nous examinons une modification. Si le contrevenant n'est que séparé, aucune des provinces n'a ce genre de disposition. Les provinces ont des critères concernant l'intérêt supérieur, tout comme notre Loi sur le divorce actuellement. Que je sache, aucune province n'envisage de modifier ses lois. Par conséquent le contrevenant qui est simplement séparé ou qui vit dans une union de fait ne perdrait pas automatiquement le droit d'accès à ses enfants, sans parler bien sûr d'un contrevenant dont la relation serait intacte. Ils pourraient continuer à recevoir les visites de leurs enfants dans ces circonstances.

Á  +-(1135)  

+-

    M. Vic Toews: Vous dites donc que dans la mesure où la compétence du Parlement fédéral se limite au divorce, et non à la séparation ou au mariage intact, si nous voulons adopter ces mesures, nous devrions le faire dans le cadre d'une autre loi, peut-être du Code criminel du Canada, et préciser dans le cadre de la détermination de la peine que personne ne peut avoir accès à ses enfants dans ces circonstances. Cela réglerait certainement le problème constitutionnel, mais pourrait créer d'autres difficultés. Vous dites qu'en raison des limites de la Loi sur le divorce et du fait de l'inégalité que ceci créerait par rapport aux autres types de relations, nous devrions peut-être juste amender le Code criminel afin qu'une fois qu'une peine de cette nature a été fixée, aucun juge ne pourrait autoriser la garde, qu'il y ait séparation, mariage intact ou divorce. Est-ce judicieux, c'est une autre question.

+-

    Me Jennifer Cooper: Nous ne pensons pas que ce soit judicieux. Naturellement, ceci réglerait le problème de l'inégalité d'application mais nous voulons insister sur le fait que nous ne sommes pas favorable à la notion de suspension automatique. Il y aura des cas où la suspension sera appropriée, et actuellement le juge a le pouvoir de l'ordonner. Nous n'avons pas besoin d'une loi pour lui permettre de le faire.

+-

    M. Vic Toews: Je comprends que vous estimez que ce n'est pas judicieux.

    Nous représentons l'intérêt public ici, nous ne représentons pas uniquement les juristes. Nous essayons de faire de notre mieux. Cette affaire a attiré l'attention du public qui a trouvé cette situation atroce. Le système judiciaire fait de l'enfant une victime une deuxième fois. Je prends note de vos objections, mais comment pouvons-nous protéger les enfants dans des cas aussi horribles?

+-

    Me Jennifer Cooper: Bien que l'Association du Barreau canadien représente les avocats, il ne faut pas oublier que nous avons parmi nos clients des mères qui ont la garde de leurs enfants, des mères qui ne l'ont pas, des pères qui ont un droit d'acès, et des contrevenants. Nous poursuivons les personnes. Nos membres n'ont pas de préjugés ou de points de vue particuliers. Toutes ces personnes sont nos clients d'une façon ou d'une autre. Par conséquent je pense que nous pouvons parler d'un point de vue général, sans nous limiter à une seule opinion. Nous avons eu l'occasion d'examiner les différentes perspectives. Nous voulons dire que même si cette affaire attitre beaucoup la sympathie--et je dois avouer que je ne connais pas très bien les faits particuliers de cette cause, puisqu'il n'y a pas eu de décision publiée--si en fait le juge a fait une erreur, ce qui est possible, parce que les juges font des erreurs, nous estimons que ce n'est pas une raison valable pour changer la loi pour tout le monde. En fait, nous avons peur que le fait de changer la loi ne crée des injustices dans beaucoup d'autres cas où la suspension automatique des droits d'accès ne convient pas.

+-

    Le vice-président (M. John McKay): Monsieur Lanctôt.

[Français]

+-

    M. Robert Lanctôt (Châteauguay, BQ): Merci.

    Vous reprenez à peu près exactement les commentaires que j'ai faits la semaine passée. Avec grand respect pour le député de Red Deer, c'est évident qu'on essaie toujours d'identifier ce qui est dans l'intérêt de l'enfant. Je suis en accord avec vous: tout est déjà prévu dans la Loi sur le divorce.

    J'avais, moi aussi, mentionné le fait--et vous y revenez--que ça préciserait même un problème constitutionnel par rapport à l'article 15, parce qu'il y aurait une discrimination entre les gens mariés et non mariés et ceux qui utilisent la Loi sur le divorce et ceux qui tombent sous la loi de compétence provinciale. Quant à l'article 15, ce n'est pas juste une possibilité; il y aurait vraiment un problème de discrimination. J'en suis convaincu. Tous les éléments sont là.

    La semaine passée ou il y a deux semaines, quand le député de Red Deer est venu nous expliquer cela, on a su qu'ils n'avaient même pas fait appel. Il s'agit d'un cas, mais malheureusement, il va y avoir d'autres cas où de tels problèmes se poseront, où un jugement sera peut-être faussé ou mauvais. Dans ce cas précis, on n'a même pas fait appel. C'est vrai qu'il se peut que ce soit en raison d'un manque d'argent, de ressources de cette personne-là, mais de là à dire qu'il faut changer et même criminaliser des situations où...

    J'ai travaillé pendant 13 ans comme avocat spécialiste, entre autres, en droit matrimonial. Toutes les possibilités ont été telles qu'il s'agit d'une situation de fait. Chaque cas est une circonstance. Il y a peut-être des cas où il faut refuser qu'il voie l'enfant devant le tribunal et dans d'autres lieux. Ça existe. Ils ont le pouvoir de le faire. Les juges rendent plein de jugements comme ça. Mais ils rendent aussi d'autres jugements où c'est l'intérêt de l'enfant et non pas simplement l'intérêt du détenu qui prime. On a signé la Convention internationale des droits de l'enfant. On est en faveur de cela. On doit protéger et regarder ce qui est dans l'intérêt de l'enfant.

    Avec respect, chers collègues, c'est quelque chose qui changerait au complet la situation non pas d'une famille, mais de plusieurs familles dont plusieurs pour qui ça fonctionne et pour qui ce serait même dans leur intérêt. N'oubliez pas qu'il y a des experts qui viennent témoigner devant le tribunal. Les droits d'accès ne sont pas établis ou refusés comme ça, au hasard; il y a des psychologues et des psychiatres qui viennent témoigner devant le tribunal.

    Je fais simplement des commentaires parce que je suis complètement en accord avec eux. Je veux juste souligner que l'article 15, à mon avis, ce n'est pas juste une possibilité; c'est un grand problème dans le sens que l'on reviendrait dans le temps et qu'il y aurait de nouveau des enfants légitimes et illégitimes alors qu'il y a très longtemps que ça n'existe plus. On créerait une situation vraiment incroyable. Je ne rajouterai rien parce que vous avez dit à peu près tout ce que j'ai dit la semaine passée.

    C'est évident que le Bloc québécois va voter contre ce projet de loi. Je ne peux même pas dire comment on pourrait l'améliorer. On ne peut pas l'améliorer. La situation de droit existe. On peut protéger les enfants. On peut protéger l'intérêt des enfants avec ce qui existe déjà.

Á  +-(1140)  

[Traduction]

+-

    Le vice-président (M. John McKay): Est-ce que l'un des témoins souhaite répondre?

+-

    M. Gerald Gall: Je reconnais que l'article 15 pose problème. J'ai présenté les différentes difficultés par ordre ascendant en allant vers ce qui me semblait le plus problématique. Je ne veux pas diminuer l'importance de l'article 15.

    Je pense que le problème de la portée excessive est en fait beaucoup plus sérieux. Quant à la suggestion de M. Toews parlant de mettre cela dans le Code criminel et de l'élargir, je pense que là encore il pourrait y avoir de graves problèmes de portée excessive. À mon avis, si c'était dans le Code criminel, on ne satisferait pas le critère de justice fondamentale de l'article 7.

+-

    Le vice-président (M. John McKay): Monsieur MacKay.

+-

    M. Peter MacKay (Pictou—Antigonish—Guysborough, PC): Merci, monsieur le président. Je veux aussi remercier les témoins de leurs commentaires très instructifss et très détaillés.

    J'approuve particulièrement la déclaration qui se trouve dans le texte et le sentiment qui semble en ressortir, c'est-à-dire que nous ne voulons surtout pas rendre la situation encore plus difficile pour les enfants, ou même pour les parents. Je crois avoir entendu l'auteur du projet de loi dire qu'il se rend compte que la question n'est pas simple, que l'on ne peut pas avoir une approche unique, et je suis d'accord. Et pourtant, cette affaire a fait ressortir une lacune, me semble-t-il, ou tout au moins a montré--encore une fois sans vouloir critiquer sévèrement la décision ou la discrétion du juge--montré qu'il fallait trouver une solution pour éviter que les enfants doivent encore souffrir et vivre une expérience traumatisante comme celle-là à cause de la décision d'un juge. Vous avez raison de dire qu'il peut y avoir des appels et qu'il y a des options pour régler les différentes questions au cas par cas, mais le problème, c'est que l'on peut causer un tort. Le fait d'emmener un enfant en prison dans un cas comme celui-là, peut avoir, d'après moi, des conséquences à très long terme pour cet enfant.

    J'attire maintenant votre attention sur la page 2 de votre rapport où vous dites au troisième paragraphe, «La Loi sur le divorce prévoit que le tribunal peut interdire l'accès aux enfants»--c'est clair, et vous nous avez parlé des articles en question--«notamment dans les cas mentionnés dans le projet de loi C-400, s'il est dans le meilleur intérêt de l'enfant de le faire.» La question qui me taraude est celle-ci, comment peut-on dire qu'il est dans le meilleur intérêt d'un enfant de l'emmener dans une prison où un parent--et nous ne pouvons pas toujours supposer que ce serait un homme--a été condamné pour une infraction comme celle-ci? Je suppose que nous entendrons M. Mills, mais la liste qu'il a proposée dans le cadre de ce projet de loi n'est pas immuable. Je crois qu'il a dit qu'il était tout à fait prêt à rédiger la loi de façon à ce qu'elle puisse résister aux contestations en vertu de la Charte et à ce qu'elle soit appropriée.

    Je vous demande donc si vous pouvez nous décrire une situation où ce serait dans l'intérêt supérieur de l'enfant de l'emmener à la prison, sachant qu'un parent a été condamné pour ce type de délit. Je pense qu'actuellement la portée est assez limitée, et il faudrait peut-être être encore plus restrictif. En outre, peut-on envisager d'opter pour une directive, au lieu de fixer un paramètre selon lequel le juge doit décider, en tenant compte du fait qu'il y a eu une condamnation?

Á  +-(1145)  

+-

    Me Jennifer Cooper: Je voudrais tout d'abord dire, à la suite de votre commentaire sur le fait que d'emmener un enfant en prison peut avoir des conséquences à long terme, qu'actuellement au Canada, chaque jour, on emmène des centaines, peut-être des milliers d'enfants rendre visite à leurs parents en prison. En fait, nous avons des prisons où on a prévu des salles d'attente. Certaines ont des jouets. Nous estimons que la prison ne doit pas empêcher l'existence d'une relation. Nous croyons même d'ailleurs que le délinquant se réadaptera mieux s'il a des liens familiaux, et nous insistons sur le fait que c'est une bonne chose d'entretenir des relations avec les enfants, pas seulement du point de vue de l'enfant, mais aussi du point de vue du contrevenant. Ce n'est donc pas à cela que nous pensons, et nous ne sommes pas inquiets non plus. Le milieu carcéral est sans doute le plus surveillé qui soit. Donc nous ne craignons pas qu'il y ait à nouveau une infraction en prison. Nous nous inquiétons des conséquences psychologiques. Nous savons, que par principe, il est important que les enfants aient des contacts avec leurs parents, et c'est dit dans notre Loi sur le divorce. Cela ne veut pas dire dans tous les cas absolument, mais vous demandez dans quel cas les contacts devraient être mainenus.

    En ce qui concerne les facteurs qu'un tribunal prendrait en considération, et ce serait certainement le cas ici, n'oubliez pas que ce sont des facteurs qui se trouvent dans la jurisprudence, parce qu'il n'y a pas de liste dans notre Loi sur le divorce. Ce n'est pas comme si nous avions déjà une liste à laquelle on ajouterait une ou deux choses. Nous avons fait confiance à nos juges et à la jurisprudence pour établir cette liste. Il y a un facteur qui se trouve souvent sur la liste, celui de l'âge et des souhaits de l'enfant. Un garçon de 15 ans qui veut voir son père sera vraisemblablement plus écouté qu'un enfant plus jeune. On tient compte aussi régulièrement de la relation antérieure avec l'enfant, des rapports existants. Si la relation est bonne, s'il y a beaucoup d'amour et de liens entre les deux, c'est peut-être quelque chose qu'il faut préserver. Dans le cas particulier d'une incarcération, on va bien sûr tenir compte du type de délit. Cette liste d'infractions porte très loin. Elle peut inclure le fait de toucher la poitrine d'une femme adulte dans un bar. Ça peut être sans aucun rapport avec la vie familiale de la personne ou son comportement en tant que parent. C'est très large.

    Il me semble qu'un tribunal tiendrait compte également du niveau de remords exprimé par l'individu et chercherait à savoir dans quelle mesure la personne est prête à assumer la responsabilité de ce qu'elle a fait. On chercherait à déterminer s'il y a eu des efforts de réadaptation. Si un contrevenant a pris des mesures positives, puisque notre système carcéral vise à faciliter la réadaptation, s'il a suivi des programmes, une thérapie, s'il pense avoir réglé ses problèmes, il peut être un meilleur candidat pour une relation de qualité avec ses enfants qu'une personne qui est un cas chronique et qui a l'intention de recommencer aussitôt sortie. Voilà les facteurs dont on tiendrait compte. On examinerait le traitement.

    On pourrait avoir un rapport psychologique. M. Lanctôt a fait remarquer, et c'est vrai, que les tribunaux de la famille ont des psychologues qui font des évaluations, surtout pour des cas difficiles comme celui-là. On pourrait donc avoir un rapport psychologique concernant les besoins de l'enfant. Il y aurait peut-être des cas où un enfant qui aurait été la victime directe suivrait sa propre thérapie, aurait réglé certains des problèmes, et souhaiterait avoir la possibilité de commencer à avoir des contacts avec le parent pour sa propre thérapie, et le projet de loi l'empêcherait.

    Donc en fait nous estimons que ce ne devrait pas être automatique parce que, dans les cas où ce serait une bonne chose, ce ne serait pas possible. Donc ce problème particulier serait réglé mais il y aurait d'autres problèmes nouveaux dans d'autres cas.

Á  +-(1150)  

+-

    Le vice-président (M. John McKay): Monsieur Lee.

+-

    M. Derek Lee (Scarborough—Rouge River, Lib.): Merci.

    Je n'ai pas l'intention de cacher mon opinion. Je n'aime pas le projet de loi. J'ai beaucoup de sympathie pour la succession de faits qui lui a donné naissance. On parle de la loi de Lisa, et c'est bien là le problème. Ce projet de loi a été écrit uniquement pour Lisa, personne d'autre, sauf pour les personnes qui se trouvent dans la même situation qu'elle. Pensez-vous qu'avec cette loi, si une personne était condamnée à une peine à perpétuité pour conduite dangereuse et que l'un de ses enfants ait été l'une des victimes dans l'accident de la route tandis qu'une autre personne a été tuée, le contrevenant n'aurait pas le droit de voir son enfant après un divorce pour le reste de sa vie? Est-ce que ce serait le résultat obtenu ici?

+-

    Me Jennifer Cooper: C'est exact; je dirais que oui.

+-

    M. Derek Lee: Donc on ne peut plus voir son enfant de toute sa vie. C'est un gros problème.

    Je trouve que la liste est irréfléchie. Je pense aux différents scénarios possibles. Le projet de loi a été rédigé pour Lisa et n'a pas tenu compte de toutes sortes de scénarios différents. Comme vous l'avez dit, il ne tient pas compte des séparations qui ne sont pas des divorces.

+-

    Me Jennifer Cooper: C'est juste.

+-

    M. Derek Lee: On les oublie. On ne parle pas non plus des procédures intérimaires de divorce, où la garde conjointe est maintenue. D'après mon interprétation, il n'y aurait pas que les cas où il n'y a pas d'ordonnance d'accès. Si la garde conjointe était maintenue sans ordonnance d'accès, le projet de loi ne s'appliquerait pas, à mon avis.

+-

    M. Gerald Gall: Il ne s'appliquerait pas si vous ne pouviez pas obtenir de modification de cette ordonnance.

+-

    M. Derek Lee: Il n'y aurait pas d'ordonnance d'accès à laquelle s'accrocher.

+-

    Me Jennifer Cooper: Oui. Vous voulez dire que ça ne concerne que les ordononances d'accès. C'est vrai.

+-

    M. Derek Lee: Il ne semble pas régler les cas où les deux parents ont été condamnés pour l'un de ces délits sexuels. Un parent qui est condamné est pénalisé, tandis que l'autre parent, qui est peut-être même condamné pour un délit identique, quoique tout ça n'ait pas l'air de circonstances très heureuses dans l'ensemble… Le texte ne semble pas régler équitablement ces situations non plus, si?

    Serait-il possible de rectifier le tir en condensant l'ensemble du projet de loi pour le transformer en un passage inséré dans la Loi sur le divorce? Ce serait une déclaration disant qu'il n'est normalement pas dans le meilleur intérêt de l'enfant de rendre une ordonnance d'accès ou de maintenir la garde dans l'un de ces scénarios de délits sexuels. Autrement dit, il est mentionné clairement dans la loi que certaines choses ne seraient pas dans le meilleur intérêt de l'enfant, et on laisserait ensuite le juge décider.

+-

    M. Gerald Gall: Mme Cooper a mentionné qu'il n'existait pas de liste dans la Loi sur le divorce, mais cela n'empêche pas d'avoir une liste quelconque, comme vous le dites, ou d'ajouter un conseil pour le tribunal. En fait, il y a un précédent à cela. La peine va être différente pour certains délits dans le Code criminel, s'ils ont été commis pour des raisons haineuses; le juge en tient compte au moment de déterminer la peine. Je suppose que l'on pourrait demander à un tribunal de tenir compte de cela en rendant une ordonnance d'accès, mais ce n'est pas contraignant pour le juge, c'est cela le point essentiel. C'est simplement un élément qui devrait être pris en considération, et c'est faisable.

Á  +-(1155)  

+-

    M. Derek Lee: Oui, et veut-on vraiment lier un juge? Manifestement, la loi de Lisa va lier un juge. Y a-t-il un autre passage de la Loi sur le divorce où le juge est lié?

+-

    Me Jennifer Cooper: C'est essentiellement ce que nous disons, que le juge a maintenant une grande latitude. Vous parlez de créer une liste et par là d'ordonner à la cour de déclarer que l'accès est inapproprié dans ces circonstances. Il faudrait aller au-delà de la loi de Lisa. Si l'on avait, par exemple, un parent qui souffre de troubles psychiatriques tellement graves que les visites seraient inutiles, on pourrait ajouter le cas à la liste. On pourrait avoir toutes sortes de choses sur la liste, mais d'après nous, ce n'est pas la bonne formule. Il faudrait permettre au tribunal de tenir compte de ce qui est pertinent dans le cas particulier d'une famille.

+-

    M. Derek Lee: Oui, donc nous exhortons les juges qui rendent les décisions à ne pas être stupides.

    Je vais faire une pause.

    Le vice-président (M. John McKay): Le trou est plutôt profond.

    Des voix: Oh, oh!

    M. Derek Lee: Merci, monsieur le président.

+-

    Le vice-président (M. John McKay): La première règle si l'on est dans un trou est d'arrêter de creuser.

[Français]

+-

    M. Robert Lanctôt: Il y a une façon de dire cela, monsieur le président. On appelle ça « le savant juge ». Les avocats comprennent cela.

[Traduction]

+-

    Le vice-président (M. John McKay): Monsieur Mills.

+-

    M. Bob Mills (Red Deer, Alliance canadienne): Merci.

    Puisqu'on en a parlé, je veux simplement ajouter qu'un très grand nombre de femmes m'ont téléphoné. C'étaient toutes des femmes qui avaient vécu des situations semblables, etc. Il ne s'agit pas uniquement de Lisa, il s'agit d'un grand nombre de femmes canadiennes.

    Nous parlons d'un cas où deux juges ont estimé que la visite était acceptable. Nous parlons de quelqu'un qui a violé la soeur de 13 ans de ces enfants. Étant donné ses méthodes, la GRC a mis cinq ans à l'attraper grâce à des tests d'ADN. Nous pensons au meilleur intérêt des enfants. Il s'agit d'enfants de cinq et six ans. Nous ne parlons que des pédophiles, pas d'un bonhomme qui aurait eu un accident de voiture ou qui aurait touché un sein dans un bar. Nous parlons d'un pédophile. Nous parlons des enfants et nous disons que si les parents qui ont la garde ou les enfants trouvent que la visite est une bonne chose, elle peut avoir lieu. On ne dit pas que ça ne se fera jamais. S'ils sont d'accord pour que la visite ait lieu, c'est possible. Quatre avocats constitutionnels, dont l'un deux est doyen d'une faculté de droit en Ontario, ont dit que ce n'était pas un problème constitutionnel. Et le tribunal de l'opinion publique dans tout le pays considère que cela ne devrait jamais se produire, que l'on ne devrait jamais obliger des enfants de cinq ans et de six ans à aller voir quelqu'un qui a violé leur soeur pendant autant d'années.

    Donc je peux écouter ce que vous avez à dire et vous pouvez ergoter, mais j'ai beaucoup de mal à comprendre que toutes ces femmes qui m'ont téléphoné à ce sujet ne méritent pas une certaine protection. Changez le projet de loi. Arrangez-le. Amendez-le. Mettez quelque chose qui va fonctionner. Mais que cela n'arrive pas à ces enfants et à ces mères. Je suppose que cela pourrait aussi arriver aux pères, mais je n'ai reçu aucun appel de la part de pères.

+-

    Me Jennifer Cooper: Monsieur Mills, vous venez de dire maintenant que vous ne pensiez qu'aux pédophiles, et donc nous nous méprenons peut-être sur votre liste parce que on semble dire à l'alinéa 16(9.1)b) que ce peut être pour n'importe quelle disposition du Code criminel, que l'enfant en ait été ou non victime. Aviez-vous l'intention de ne pas appliquer la disposition à ces infractions?

+-

    M. Bob Mills: Oui, essentiellement, je l'aurais limitée aux pédophiles. C'est à la suite des conseils juridiques que j'ai reçus que le texte a été rédigé ainsi. Après tout cela, je le limiterais encore plus aux pédophiles. Les psychologues et les enseignants à qui j'ai parlé disent que ces enfants ont souffert des dommages permanents à la suite de ce qui leur est arrivé.

  +-(1200)  

+-

    Me Jennifer Cooper: Mais nous sommes d'accord pour dire qu'à présent le projet de loi est beaucoup plus large que cela?

+-

    M. Bob Mills: Eh bien, oui, et je fais confiance au comité pour en limiter la portée, l'amender et le rectifier comme il convient, de façon à ce que ce genre de chose ne puisse plus arriver à toutes les personnes qui téléphonent. Comme je l'ai dit, je suis vraiment étonné du nombre d'appels que j'ai reçus. Beaucoup bien sûr ne veulent pas de publicité, ils ne veulent pas que ça se sache. Lisa est très courageuse de faire ce qu'elle fait, mais elle agit pour beaucoup d'autres personnes également, pas seulement pour elle-même.

+-

    Le vice-président (M. John McKay): Merci, monsieur Mills.

    Monsieur Macklin.

+-

    M. Paul Harold Macklin (Northumberland, Lib.): Merci.

    Cette question est vraiment difficile pour nous, parce qu'elle suscite énormément d'émotion. Comme parents, nous ressentons tous beaucoup d'émotion en pensant à un enfant qui pourrait se trouvé dans cette situation. Pourtant, la loi a été rédigée et présentée de telle sorte que c'est manifestement une loi très large. Je l'ai étudiée et j'ai trouvé qu'elle avait une très grande portée, mais j'ai pensé aussi qu'il y avait là une inquiétude qu'il fallait réussir à exprimer dans la loi.

    Aujourd'hui--et j'ai été touché par le professeur Gall dans son commentaire--vous dites en somme que nous pourrions envisager la possibilité d'un mécanisme de révision ou de suspension qui fonctionnerait pendant une période limitée, 30 jours à peu près, pour permettre aux parties d'examiner la question de l'accès. Cela n'empêchera peut-être pas les décisions judiciaires stupides, mais ce pourrait être un pas dans la bonne direction tout en respectant les critères à satisfaire.

    Nous allons aussi avoir un facteur restrictif, en ce sens qu'ici, tout au moins maintenant, nous ne traitons que de la Loi sur le divorce. À mon avis, nous limitons la portée dans ce processus, et il faut y penser. Si nous voulons présenter quelque chose, faut-il vraiment passer par un processus fédéral-provincial pour essayer de trouver quelque chose qui réponde aux demandes du grand public à cet égard?

    J'aimerais avoir votre avis pour savoir s' il faudrait, d'après vous, choisir une autre direction pour essayer de régler le problème qui est perçu et l'éliminer, ou tout au moins améliorer les choses, par une procédure d'examen ou de suspension ou la possibilité de se pourvoir en justice ou d'avoir accès aux tribunaux pour traiter les questions de cette nature lorsqu'il peut y avoir des ordonnances d'accès. J'aimerais bien entendre toutes vos idées, parce que nous nous creusons les méninges et nous faisons des efforts d'imagination pour essayer d'aller au fond des choses et trouver un instrument juridique qui puisse être utile.

+-

    Me Jennifer Cooper: J'ai entendu la proposition du professeur Gall pour la première fois tout à l'heure pendant qu'il parlait--c'est la première fois que nous nous rencontrons. Il proposait une suspension de 30 jours du droit d'accès et une audience accélérée. Cette partie de sa proposition correspond tout à fait à notre position, c'est-à-dire que l'on permettrait au tribunal de soupeser les divers facteurs et de prendre une décision sur cette base. C'est une très bonne idée d'avoir une instruction accélérée, et cela se fait souvent en droit familial. Ce n'est peut-être pas si grave de priver un enfant de l'accès à un parent pendant 30 jours. Si l'on optait pour des périodes plus longues, ce pourrait être mauvais pour l'enfant qui a décidé qu'il voulait maintenir une relation.

    Par ailleurs, le professeur Gall a dit qu'il devrait peut-être y avoir une présomption dans ces circonstances. Nous ne sommes pas d'accord sur ce point. La section n'approuve pas les présomptions établies par la loi. C'est de cela que parlait M. Lee lorsqu'il proposait de mettre un énoncé dans la loi disant qu'il faudrait agir ainsi la plupart du temps. C'est ce que l'on appelle une présomption légale et nous ne sommes pas favorables aux présomptions. Pour déterminer les meilleurs intérêts, en fait peu importe qui a le fardeau de la preuve. La question n'est pas là, n'est-ce pas? En fin de compte, c'est l'intérêt supérieur qui compte.

  +-(1205)  

+-

    Le vice-président (M. John McKay): Professeur Gall, voulez-vous ajouter quelque chose?

+-

    M. Gerald Gall: Ce n'est pas une mauvaise idée--même si c'est la mienne--d'envisager une suspension automatique de 30 jours, puis d'avoir une audience accélérée pour déterminer s'il faut modifier l'ordonnance d'accès pendant la période de 30 jours. Je suis de votre avis, madame Cooper, la privation d'accès de 30 jours n'est pas très grave. Il y a sans doute des mois et des mois de privation avant cela.

    En ce qui concerne le changement du fardeau de la preuve, j'en ai parlé, mais je crois qu'en fait je suis de votre avis. La question sous-jacente est de savoir si nous faisons confiance à notre appareil judiciaire. Moi, oui. Avons-nous confiance en notre justice et pensons-nous qu'il est possible de déterminer de bonne foi et en toute confiance quels sont les meilleurs intérêts de l'enfant? Moi, oui. Je ne pense pas qu'il faille ajouter des directives. La Convention internationale sur les droits de l'enfant ne le fait pas, elle traite uniquement des meilleurs intérêts de l'enfant aussi.

    Donc pour répéter, je pense que c'est une formule possible, de même le fait de limiter--et M. Mills l'a déjà mentionné--certaines des dispositions de l'alinéa proposé 16(9.1b), et aussi de rectifier le libellé, l'expression «peine d'emprisonnement» pour préciser si cela inclut une période de libération conditionnelle ou pas. Il pourrait peut-être y avoir une meilleure définition, une plus grande précision, et une suspension temporaire pour régler la situation dans l'immédiat. Je crois que cela pourrait régler tous les problèmes dont il a été question, monsieur Mills.

[Français]

+-

    Le vice-président (M. John McKay): Monsieur Lanctôt, vous avez trois minutes.

+-

    M. Robert Lanctôt: Merci, monsieur le président. Il est évident que si l'on a un nouveau projet de loi sur les pédophiles seulement, c'est complètement autre chose. Mais cela n'enlève pas le fait suivant qui est de généraliser des choses... On me demandera, un peu comme M. Mills le disait, comment cela pourrait-il être dans l'intérêt de l'enfant de voir un pédophile ou quelqu'un qui a abusé de sa soeur ou de la victime elle-même? Déjà, on a les éléments dans la loi. C'est comme si on voulait changer une loi qui n'a pas besoin d'être changée. Je trouve que même votre suggestion de 30 jours n'ajoute pas grand-chose.

    On a, en droit familial, des décisions intérimaires. La journée même, une ordonnance intérimaire peut être rendue sans audience, juste sur des affidavits écrits. En tout cas, au Québec, ça fonctionne comme cela. Je ne sais pas si ça fonctionne de la même manière ailleurs au Canada, mais au Québec, je peux obtenir dans les heures qui suivent une ordonnance de ne pas voir, et cela, sans audience. Il y a une audience, mais qui se passe devant un juge seulement, sans que les parties puissent témoigner.

    On a des décisions intérimaires, des décisions provisoires, comme on les appelle, et on a le jugement final. Donc, le 30 jours dont vous parlez, ça change quoi? Je peux l'avoir. Cela veut dire que la personne qui a la garde de l'enfant, que ce soit la mère ou le père, en l'espace de quelques minutes ou de quelques heures, peut empêcher son enfant d'aller voir cette personne, et le juge va maintenir le statu quo. Ce que ça veut dire, c'est qu'avec les affidavits, lorsqu'on présume qu'une personne a commis un acte de pédophilie ou tout autre acte, le juge, juste sur un affidavit comme celui-là, ne permettra pas à l'enfant d'aller voir cette personne jusqu'à ce qu'il y ait une enquête, jusqu'à ce qu'il y ait une audition provisoire et jusqu'à ce qu'il y ait une audition finale. On a déjà les éléments pour le faire. C'est comme si vous vouliez absolument ajouter quelque chose. Moi, je vous dis que les éléments sont là.

[Traduction]

+-

    Le vice-président (M. John McKay): Quelqu'un veut-il faire un commentaire sur l'intervention de M. Lanctôt?

+-

    Me Jennifer Cooper: Je voudrais confirmer que c'est presque partout au Canada, pas seulement au Québec, qu'il y a un mécanisme qui permet d'utiliser des affidavits et d'agir rapidement. C'est vrai dans une situation d'urgence. Ce qui est différent dans ce que nous pourrions appeler l'amendement Gall, c'est que pendant le temps que le tribunal met à examiner tout cela, l'accès est automatiquement suspendu. C'est différent des circonstances actuelles, où une ordonnance existante serait maintenue à moins qu'elle soit changée et jusqu'au moment du changement. D'après ce que je comprends--et il peut faire un commentaire--l'audience proprement dite aurait lieu pendant ces 30 jours. Ce ne serait pas seulement une ordonnance provisoire. Une véritable audience sur ce qui constitue le meilleur intérêt de l'enfant pourrait être accélérée--et vous savez si vous avez pratiqué le droit de la famille pendant 13 ans, que les parties peuvent retarder les choses. C'est comme la Convention de La Haye sur les droits de garde; il y a des délais à respecter. On ne peut pas jouer avec les règles, il faut le faire.

  +-(1210)  

[Français]

+-

    M. Robert Lanctôt: Ce que vous dites, c'est exact, mais c'est très théorique. Pratiquement, on peut retarder des choses, mais pas un intérimaire. Je m'excuse, mais si je décide de demander un intérimaire dans les quelques minutes qui suivent, un jugement sera rendu le jour même: c'est sûr et certain.

[Traduction]

+-

    Le vice-président (M. John McKay): Professeur Cotler.

+-

    M. Irwin Cotler (Mont-Royal, Lib.): Je me demande si vous avez eu la possibilité d'examiner la situation dans les autres provinces ou territoires pour voir s'il existe des lois analogues concernant le refus d'accès dans ces circonstances. Si oui, quelle a été la situation par rapport à cette loi dans ces provinces ou territoires?

+-

    Me Jennifer Cooper: Cela n'existe dans aucune province ou aucun territoire au Canada. Je n'ai pas regardé à l'étranger.

+-

    M. Gerald Gall: Non.

+-

    M. Irwin Cotler: Je sais que vous en avez parlé, professeur Gall, mais avez-vous fait une étude particulière sur les rapports qu'il y a entre le projet de loi et les objectifs et les principes de la Convention internationale sur le droit de l'enfant?

+-

    M. Gerald Gall: J'ai cité l'article 9, qui prévoit que l'on ne peut séparer un enfant d'un parent sans une audience pour déterminer ce qui est dans l'intérêt supérieur de l'enfant. La Convention internationale sur les droits de l'enfant vise bien sûr à protéger l'enfant, et c'est répété dans tout le texte. Dans un sens, cet article est en quelque sorte une anomalie, parce qu'il parle de justice envers le parent aussi bien qu'envers l'enfant, mais la Convention porte principalement sur la protection de l'enfant. Elle va bien au-delà de la question purement familiale. Elle traite de santé, d'éducation, de besoins fondamentaux, des enfants prisonniers, des enfants accusés, des enfants réfugiés, etc.

    Je ne réponds pas vraiment à votre question.

+-

    Le vice-président (M. John McKay): Merci.

    Monsieur MacKay.

+-

    M. Peter MacKay: Merci, monsieur le président.

    Je réfléchis souvent à des scénarios comme celui-ci et je me souviens d'une phrase qu'un professeur de droit que j'avais à Dalhousie, Victor Goldberg, répétait et répétait sans arrêt sur les mauvais faits qui font du mauvais droit, ce qui est tellement à propos ici. Pourtant je reviens toujours au motif et au désir derrière ce projet de loi, qui est d'empêcher que la terrible situation dans laquelle se sont trouvés Lisa Dillman et ses enfants ne se reproduise.

    M. Toews et moi-même nous demandions comment il serait possible d'améliorer cela. Je pense qu'il faudrait suivre les suggestions de M. Gall, une présomption ou un fardeau inversé. Ceci ne tient pas compte du problème de l'alinéa 16(9.1)a), qui, je le reconnais, est trop large, et l'exemple de M. Lee le montre bien. Ce serait quelque chose comme ça. On ajouterait un passage au projet de loi disant, essentiellement, que le parent qui n'a pas la garde peut démontrer que le droit d'accès n'est pas contraire au meilleur intérêt de l'enfant, compte tenu de l'alinéa proposé (16)(9.1)b). Par conséquent, nous donnons en fait des instructions au juge têtu, ou autre, choisissez votre qualificatif, qui se permet de passer outre, ce qui semble s'être produit ici. Si, comme vous l'avez fait remarquer à juste titre, la loi actuelle prévoit qu'il faut tenir compte de la situation, de l'âge et des circonstances de l'enfant et du parent, il me semble assez élémentaire de dire que si un parent est un délinquant sexuel--et je reconnais qu'il faudrait préciser les termes--en train de purger une peine et incarcéré… Ce qui éliminerait la personne qui est en libération conditionnelle ou purge une peine conditionnelle. Quelles sont les personnes qui devraient avoir une peine conditionnelle, c'est une toute autre question. Si avec ce genre de directive, on évitait que ce scénario ne se répète, il me semble que ce serait une noble cause et quelque chose que l'on pourrait chercher à intégrer à la loi.

    Nous savons que quelque chose s'est produit--et je dis ceci avec le plus grand respect pour M. Lanctôt--que ce soit une anomalie ou pas. M. Mills a dit qu'il avait reçu de nombreux appels, après avoir soulevé cette question et l'avoir fait connaître. Donc la situation peut exister. Il doit y avoir un moyen d'améliorer la loi.

    Comment réagissez-vous à cette idée de renversement du fardeau de la preuve, avec des instructions demandant au juge de tenir compte de ces circonstances avant de rendre une décision qui obligerait un enfant, surtout très jeune, à rendre visite au parent? Je reconnais tout à fait qu'il y a beaucoup de prisons où l'on fait de grands efforts non seulement pour surveiller, mais aussi pour rendre l'environnement agréable pour les enfants et les parents. Pourtant, on ne peut pas effacer le traumatisme. Lorsque les dommages affectifs qui ont été décrits sont faits, on ne peut pas les effacer. Je pense qu'en premier lieu, les juges devaient utiliser cette protection.

    Madame Cooper, vous seriez un grand juge, parce que vous nous avez fait apprécier toutes ces considérations. Manifestement, vous avez envisagé tous ces scénarios.

  +-(1215)  

+-

    Me Jennifer Cooper: Je suis juste une grande avocate, parce que je me suis préparée pour cette audience.

+-

    M. Peter MacKay: Je dis simplement que les juges doivent aussi se préparer pour l'audience et que si certains n'ont pas fait toute cette réflexion--et ils auraient dû--pour savoir quels pouvaient être les dommages psychologiques, il faudrait ajouter quelque chose qui soit plus qu'un petit rappel subtil.

+-

    Me Jennifer Cooper: On améliorerait certainement le projet de loi en en faisant un genre de présomption, ce que vous proposez. Nous n'appuyons pas cela, parce que nous pensons que les juges doivent avoir toute latitude pour prendre tous les facteurs en considération. Cependant, votre proposition répondrait à notre souci concernant l'audience judiciaire. Il n'y aurait rien d'automatique, mais il y aurait une audience. On pourrait donc considérer que c'est un compromis. On tiendrait compte des problèmes que nous avons soulevés et en même temps, on attirerait l'attention du juge sur le fait qu'il faut accorder une attention particulière, parce qu'il s'agit d'un délinquant sexuel incarcéré, et qu'il faut agir avec prudence.

+-

    M. Peter MacKay: J'accepte votre commentaire. J'ai une brève remarque à faire moi-même. Vous avez souligné que l'âge et les souhaits de l'enfant étaient importants. Je sais qu'il y a un danger à penser de façon cartésienne en voulant tout inscrire dans la loi, mais si ces deux considérations sont là, il serait également bon de mentionner qu'il y a une condamnation pour agression sexuelle.

+-

    Me Jennifer Cooper: Cela n'est pas dans la loi, c'est décidé par un juge. Il n'y a rien dans la loi, on parle uniquement du «meilleur intérêt». C'est uniquement décidé par les juges.

+-

    M. Peter MacKay: Merci.

+-

    Le vice-président (M. John McKay): Monsieur Lee.

+-

    M. Derek Lee: M. MacKay et d'autres ont dit que ce genre de disposition ne devrait s'appliquer que lorsque la personne est incarcérée, mais je voudrais que vous me disiez, vous qui connaissez bien le droit de la famille, si vous ne croyez pas que les dommages ou le traumatisme dont souffrirait le frère ou la soeur d'une victime en rendant visite au coupable incarcéré ne seraient pas les mêmes, même si la personne n'était pas en prison? Que diriez-vous si c'était une peine en milieu ouvert et s'il n'y avait pas d'incarcération? Est-ce que le traumatisme ne serait pas à peu près le même pour l'enfant, indépendamment du contexte carcéral, s'il était obligé à rendre visite à un parent qui a agressé sexuellement un de ses frères ou soeurs? Est-ce qu'il faut vraiment conserver cette distinction ou est-il inutile de préciser si la personne est incarcérée ou pas?

+-

    Me Jennifer Cooper: Nous avons dit dans notre lettre que ce devrait être limité à cela parce que nous estimons que le projet de loi actuel est trop large à plusieurs égards. Il est trop large en ce qui concerne l'incarcération, la libération conditionnelle, la condamnation conditionnelle. C'est trop large de dire qu'il s'applique à une victime: il pourrait s'agir d'une victime d'un accident de voiture, comme vous nous le dites. Il est trop large lorsqu'il énumère toutes les infractions, qui incluent le fait de toucher un sein dans un bar. C'est trop large partout.

    La question que vous posez ne concerne pas tant le droit de la famille que la psychologie. Je suppose qu'un psychologue dirait que, dans les circonstances, la visite en prison est comme la cerise sur le sundae, si vous voulez, dans une situation déjà difficile. C'est un facteur qui doit être pris en considération. Ça ne veut pas dire que nous ne permettons pas aux enfants d'aller faire des visites en prison tout le temps. Apparemment, nous le faisons et nous l'encourageons même. Mais dans ce genre de scénario, ce serait un facteur supplémentaire.

+-

    M. Derek Lee: Merci.

  +-(1220)  

+-

    Le vice-président (M. John McKay): Monsieur Toews.

+-

    M. Vic Toews: J'ai eu quelques discussions pendant les questions. J'ai vu certains éléments qu'il faut modifier dans ce projet de loi. J'ai noté avec intérêt que M. Mills n'avait pas l'intention de rendre le projet de loi aussi large, mais que c'était plutôt une question de rédaction, M. Mills n'étant pas avocat ou n'ayant pas de formation juridique. Je crois que lorsque nous donnons des instructions, nous supposons que les résultats vont refléter nos attentes.

    Il me semble que le comité, étant donné ce que M. Mills et les témoins ont dit aujourd'hui, a beaucoup de choses à étudier. À mon avis, la proposition dont j'ai parlé à M. MacKay, et aussi officieusement à M. Macklin, l'idée de rendre l'époux qui n'a pas la garde responsable de démontrer que le droit d'accès n'est pas contraire au meilleur intérêt de l'enfant, constitue une option. À mon avis, on ne fait que placer le fardeau sur les épaules de la personne responsable du problème, la personne coupable du crime. De plus, si nous ajoutions simplement ce fardeau à la fin de la loi actuelle, nous devrions peut-être rectifier les infractions couvertes, mais que se passerait-il une fois l'individu en prison? Le droit d'accès serait alors suspendu automatiquement. Ce serait alors à la personne condamnée de présenter la demande.

    Ce qui m'inquiète beaucoup c'est que si nous permettons que l'accès soit maintenu, la personne incarcérée aura intérêt à retarder les procédures judiciaires. Nous savons combien les audiences peuvent être reportées et reportées encore. Nous connaissons les cas de milliers et de milliers de conjoints, généralement des femmes, qui n'ont pas accès à une ordonnance de pension alimentaire en raison d'ajournements constants au fil des années. Je suis sûr que les avocats qui sont ici savent le terrible problème que posent les abus de ce genre de la part des conjoints qui cherchent à éviter leurs responsabilités.

    Je dis simplement que je suis encouragé par ce que j'ai entendu ici aujourd'hui, mais je crois qu'il y a des façons de procéder qui devraient répondre à l'intention initiale de M. Mills, et surtout protéger le meilleur intérêt des enfants. Je ne sais pas si cela soulève de nouveaux problèmes.

+-

    Le vice-président (M. John McKay): Professeur Gall, avez-vous des commentaires à ce sujet?

+-

    M. Gerald Gall: Tout le monde ici reconnaît qu'il faut retravailler, peaufiner la loi pour la rendre acceptable. Il est très important de ne pas perdre de vue quelque chose que l'on aurait pu négliger, la Charte, la Déclaration des droits, et les obligations internationales. En disant cela, je ne refais pas mon mémoire. Je dis simplement qu'il est très important qu'il y ait une audience pour déterminer l'intérêt supérieur de l'enfant. Quelle que soit la formule choisie, une audience est essentielle en vertu de la loi, et si l'on adopte une procédure sans véritable audience, il y aura certainement un examen juridique approfondi.

+-

    M. Vic Toews: En fait, je propose qu'il y ait une audience, mais que le fardeau repose sur l'époux n'ayant pas la garde. Je dis que si ce n'est pas le cas, pourquoi ne le serait-ce pas ? Ce n'est pas l'époux qui a la garde des enfants qui pose un problème dans ces cas-là.

+-

    M. Gerald Gall: Le pire dans le projet de loi, c'est que l'on entrave la capacité du juge à déterminer ce qui est dans le meilleur intérêt de l'enfant. Je crois que nous considérons tous que l'on ne peut pas entraver l'indépendance d'un juge à cet égard. Par ailleurs, il faudrait être sûr que la détermination sera faite dans des circonstances appropriées et d'une manière appropriée.

  +-(1225)  

+-

    Le vice-président (M. John McKay): Madame Cooper.

+-

    Me Jennifer Cooper: À propos du fardeau de la preuve, réfléchissez bien à ces présomptions. On ne veut vraiment pas d'une situation où le juge dise, je ne crois pas que cette personne se soit déchargée du fardeau de la preuve, donc il n'y aura pas d'accès. Le juge doit être libre de décider simplement, sans fardeau judiciaire, de ce qui est mieux pour l'enfant. C'est trop important pour que l'on permette au juge de ranger son chapeau en disant: «Si tout le monde était sur le même pied, j'aurai autorisé l'accès, je pense que c'est le mieux pour l'enfant» au lieu de dire: «Dans ce cas, il y a un fardeau légal et je ne peux pas surmonter cet obstacle“. Il ne faut pas créer d'obstacles artificiels. Il faudrait que ce soit comme maintenant, une situation d'égalité, où l'on détermine ce qui est mieux pour l'enfant. C'est ainsi que le juge procède maintenant, et cela ne devrait pas changer.

+-

    Le vice-président (M. John McKay): Merci.

    Monsieur Macklin.

+-

    M. Paul Harold Macklin: Je voudrais poursuivre sur ce point. D'après vous, il n'y a pas de problème dans cette situation particulière? Faites-vous une proposition pour régler le problème, s'il y en a un? On semble s'entendre pour dire qu'il y a un problème. M. Mills nous dit que ce n'est pas uniquement un ensemble de faits qui aurait été mal interprété par un juge. Si nous essayons de régler ce problème et que nous pensons qu'il ne s'arrête pas à une seule personne et à une seule affaire, quelles sont vos suggestions sur les mesures à prendre? Restez-vous sur votre position en disant, comme vous l'avez fait tout à l'heure, qu'il n'y a rien à changer?

+-

    Me Jennifer Cooper: Notre position est, oui, ne changez rien, il n'y a pas de problème. Il y a peut-être un problème dans ce cas. Je ne connais pas bien les faits, car il n'y a pas eu de décision écrite publiée. En supposant qu'il y ait un problème, qu'un juge ait commis une erreur, il ne faut pas changer la loi, parce qu'il y a eu une injustice ici, et créer des injustices dans d'autres cas. Ne le faites pas. Laissez la loi. Elle marche très bien la plupart du temps.

+-

    Le vice-président (M. John McKay): Monsieur Lanctôt.

[Français]

+-

    M. Robert Lanctôt: La façon dont on veut amender ce projet de loi fait en sorte que cela devient très, très restrictif. Cela exclut encore plus. C'est ce que je vous disais plus tôt. Disons qu'il y a un renversement dans l'amendement qui a été proposé.

    Au civil, ce n'est pas tout à fait la même chose. Dans le cas d'une personne mariée qui n'est pas divorcée, il faut faire une demande. Si la personne veut voir son enfant, il faut déjà qu'elle fasse une demande. Dans le cas de personnes qui ne sont pas mariées, on fera encore une distinction parce qu'on parle juste de la Loi sur le divorce.

    Là, on exclut encore plus de personnes. Ce que vous êtes en train de proposer comme amendement, c'est encore plus grave, selon l'article 15. Ça s'appliquerait seulement dans le cas où il y a un jugement et qu'un droit d'accès a été accordé. Là, vous parlez juste de ce cas-là. Dans votre façon de formuler l'amendement que vous proposez, vous parlez juste du fait qu'il y a un jugement. C'est tout. Vous êtes donc encore en train de créer encore plus de distinction. C'est ce qui me faisait peur plus tôt: l'article 15 de la Charte va créer des distinctions énormes à travers tout le pays et au Québec entre les enfants légitimes et illégitimes. Vous avez précisé davantage quelque chose qui va nuire encore plus.

    Je vous demande seulement de faire bien attention parce que vous avez précisé davantage de choses, ce qui rend le problème encore plus grand.

    J'ai représenté beaucoup d'enfants. Je pense qu'on fait fausse route. Vous me dites que ça va se faire automatiquement, mais dans le cas précis que vous mentionnez, vous rendez cela encore plus difficile. Quant aux autres cas, vous ne réglez absolument rien. Pour ce qui en est du seul cas auquel s'applique votre amendement, tout ce que la dame aurait à faire, c'est déposer immédiatement elle-même sa requête pour interdire le droit d'accès intérimaire, parce qu'elle a obtenu un jugement quant au droit d'accès. Elle peut faire cela avec un simple papier, et elle va l'avoir. Ça, c'est sûr.

  +-(1230)  

[Traduction]

+-

    Le vice-président (M. John McKay): Merci, monsieur Lanctôt. Je crois que c'était votre whip qui vous disait que vos interventions doivent s'adresser aux témoins et non à vos collègues. C'est une discussion intéressante, mais nous avons des témoins, et j'aimerais avoir leurs commentaires autant que ceux des membres du comité.

    Monsieur MacKay.

+-

    M. Peter MacKay: Juste pour faire un suivi--je ne vais pas demander cela à M. Lanctôt--mais je crois qu'il faut examiner cette idée. Estimez-vous que l'adoption d'une loi comme celle-ci, sous une forme plus étroite, plus élaguée, ouvrirait la porte à des abus? Vous avez traité de nombreuses affaires de droit de la famille, et ceux qui ont exercé le droit en ont connues. Ces affaires crèvent le coeur, sont très émouvantes, irrationnelles parfois. Pensez-vous que, dans certains cas, ceci pourrait être utilisé par un parent cherchant vengeance pour essayer de refuser l'accès? Nous devons nous fier aux juges pour décider qu'il faut examiner les faits. Par conséquent, que nous changions quelque chose ou pas, l'affaire arrivera néanmoins devant un forum dans lequel le juge va demander que l'on prouve que l'accès est justifié ou injustifié dans le meilleur intérêt de l'enfant.

+-

    Me Jennifer Cooper: Sous sa forme actuelle, le projet de loi qui permet au parent ayant la garde de dire, non, il n'y a pas d'accès, parce que je l'ai décidé, et c'est ainsi--pas d'audience, pas de deuxième chance, rien--donne beaucoup de pouvoir au parent qui a la garde. J'ai été avocate en droit de la famille pendant 22 ans. J'aime beaucoup mes clients. La moitié des clients que je représente sont des hommes et l'autre moitié des femmes, j'ai donc beaucoup de choses différentes, des parents qui ont la garde, des parents qui ont un droit de visite. Les gens se servent de ce genre de choses comme outils de négociation. Lorsque l'on a une très grosse carte à jouer comme celle-ci, on est tenté de l'utiliser. On va l'utiliser dans des domaines qui n'affectent pas les enfants, comme le règlement financier et d'autres éléments. Les gens le font. Je crois que le projet de loi sous sa forme actuelle est tout à fait ouvert aux abus dans la mesure où le parent qui a la garde peut exiger d'avoir la maison en échange de l'accès, par exemple. Ce n'est pas sain. S'il y a une audience quelconque, et je crois que c'est à cela que le groupe commence à penser, cette carte maîtresse disparaît et la décision revient au juge, le juge objectif qui ne pense qu'à l'enfant.

+-

    M. Gerald Gall: Vous pouvez me corriger, mais je crois qu'il y a une affaire de la Cour suprême du Canada, Gordon c. Goertz, dans laquelle on dit que le parent qui a la garde ne devrait pas être maître de la décision. Est-ce exact?

+-

    Me Jennifer Cooper: Oui. C'est une affaire de mobilité.

+-

    Le vice-président (M. John McKay): Par curiosité et pour faire plaisir au président, M. Mills a été motivé entre autres par des déclarations--et il me le dira si je me trompe--disant que le juge ou les juges avaient le sentiment d'avoir les mains liées dans l'affaire, qu'ils n'avaient pratiquement pas le choix. Cela semble aller à l'encontre de la position voulant que le juge est impartial et a toute latitude pour rendre une décision dans le meilleur intérêt de l'enfant. Y a-t-il quelque chose qui confirme que le juge aurait eu les mains liées et qu'il n'avait pas le choix mais devait rendre une décision comme celle-là?

    Oh, on vient de me corriger, parce que c'est une question de compétence plutôt que de savoir ce qui est dans l'intérêt supérieur de l'enfant.

+-

    M. Vic Toews: La greffière pourrait peut-être nous dire ce qu'elle vous a dit, parce que j'ai trouvé que c'était intéressant. J'écoutais discrètement.

+-

    Le vice-président (M. John McKay): Nous ne sommes pas dans un avion, n'est-ce pas?

    Phil.

+-

    M. Philip Rosen (attaché de recherche auprès du comité): Je crois comprendre, d'après ce que M. Mills nous a dit la semaine dernière, qu'il y a eu deux décisions différentes. Bien sûr, nous n'avons vu aucun des comptes rendus ou aucune des ordonnances de la cour, mais je crois que dans la décision de l'Alberta, le juge de l'Alberta disait qu'il n'était pas compétent parce que l'affaire a commencé en Saskatchewan. C'est sans doute de cela que vous parlez, du fait que le juge de l'Alberta dit qu'il ne pouvait agir: Madame, retournez en Saskatchewan.

  -(1235)  

+-

    M. Bob Mills: C'est correct pour le juge de Red Deer. Mais le juge de Saskatchewan a indiqué… J'ai eu ces comptes rendus, que vous auriez dû recevoir. J'ai reçu les deux.

+-

    Le vice-président (M. John McKay): Nous pouvons entreprendre cette discussion…

+-

    M. Bob Mills: Le juge de Saskatchewan a trouvé qu'il n'avait aucune raison d'empêcher l'accès, étant donné la situation.

+-

    Le vice-président (M. John McKay): L'Alliance canadienne, avez-vous des questions?

+-

    M. Vic Toews: Non, mais j'aimerais bien avoir ces comptes rendus. Je pense qu'ils aideraient peut-être le comité à formuler une réponse.

    Il faut que le fardeau de la preuve repose sur quelqu'un lorsque les circonstances changent. Nous pouvons discuter pour savoir quels sont les types d'infractions, et dans certains cas, il s'agit d'agressions sexuelles très graves, avec une arme, par exemple. Il est clair que l'imposition d'une peine pour un acte comme cela exige certaines explications de la part de la personne condamnée. Je ne vois pas de problème constitutionnel ou autre à demander à cette personne de démontrer pourquoi l'accès devrait être maintenu. Je ne pense pas que ce soit un fardeau renversé, mais simplement une présomption contre l'individu, étant donné des circonstances très graves.

    J'ai été très content de ce que nous avons entendu aujourd'hui, monsieur le président, et je n'ai pas d'autres questions.

+-

    M. John McKay: Monsieur Lanctôt.

[Français]

+-

    M. Robert Lanctôt: C'est toujours la même chose. J'ai soulevé le fait que la précision qui est là s'applique vraiment à un cas très, très précis. La discrimination sera énorme. Je tenais à répéter que je trouve cela...

[Traduction]

-

    Le vice-président (M. John McKay): Je veux remercier les témoins au nom du comité. Vous avez provoqué une discussion très animée aujourd'hui, et nous vous sommes très reconnaissants de votre contribution aux travaux du comité et à la suite du débat. Je pense que c'est typique de la façon dont nous légiférons au Canada, c'est ce qu'il y a de mieux. Donc merci, merci à tous. Nous vous sommes très reconnaissants.

    Je voudrais demander aux membres du comité de rester quelques instants pendant que les témoins partent. Le greffier m'a demandé de vous montrer un projet de lettre à Mme Lucie McClung, la commissaire. Je suspends donc la séance et nous continuons à huis clos.

    [La séance se poursuit à huis clos]