FAAE Réunion de comité
Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.
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Comité permanent des affaires étrangères et du développement international
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TÉMOIGNAGES
Le jeudi 25 septembre 2025
[Enregistrement électronique]
[Traduction]
La séance est ouverte. Bienvenue à la troisième réunion du Comité permanent des affaires étrangères et du développement international de la Chambre des communes.
La séance d'aujourd'hui se déroulera selon une formule hybride, conformément au Règlement. Des députés sont présents dans la salle et d'autres le sont peut-être à distance, mais je pense que tout le monde est ici.
Avant de poursuivre, j'aimerais demander à tous les participants en personne de consulter les lignes directrices écrites sur les cartes qui se trouvent sur la table. Ces mesures sont en place pour aider à prévenir les incidents audio et les retours de son et pour protéger la santé et la sécurité de tous les participants, y compris nos merveilleux interprètes. Vous remarquerez également un code QR sur la carte, qui renvoie à une courte vidéo de sensibilisation.
J'aimerais faire quelques observations à l'intention des témoins et des membres du Comité. Veuillez attendre que je vous nomme avant de prendre la parole. Pour ceux qui participent par vidéoconférence, cliquez sur l'icône du microphone pour activer votre micro, et veuillez vous mettre en sourdine lorsque vous ne parlez pas. Pour ceux qui sont sur Zoom, au bas de votre écran, vous pouvez sélectionner le canal approprié pour l'interprétation: le parquet, l'anglais ou le français. Pour ceux qui sont dans la salle, vous pouvez utiliser l'oreillette et sélectionner le canal désiré.
Je vous rappelle que tous les commentaires doivent être adressés à la présidence. Pour les députés présents dans la salle, si vous souhaitez prendre la parole, veuillez lever la main. Pour les membres sur Zoom, veuillez utiliser la fonction « Lever la main ». Le greffier et moi-même ferons de notre mieux pour gérer l'ordre des interventions, et nous vous remercions de votre patience et de votre compréhension à cet égard.
Conformément à l'article 108(2) du Règlement et à la motion adoptée par le Comité le mardi 23 septembre 2025, le Comité entreprend son étude de l'incursion de la Russie dans l'espace aérien de la Pologne et de la Roumanie.
J'aimerais maintenant souhaiter la bienvenue à nos témoins. Du ministère des Affaires étrangères, du Commerce et du Développement, nous accueillons Eric Laporte, directeur exécutif, Division de la sécurité régionale et des relations de défense, ainsi que Stéphane Lessard, directeur exécutif, Division des institutions bilatérales de l'Europe et de l'Union européenne. Du ministère de la Défense nationale, nous accueillons Ty Curran, directeur général adjoint, Politique sécurité internationale.
On accordera jusqu'à cinq minutes pour les remarques préliminaires, après quoi nous procéderons à des périodes de questions.
J'invite maintenant M. Laporte à faire une déclaration préliminaire d'un maximum de cinq minutes.
Je vous remercie de m'avoir invité à comparaître devant vous aujourd'hui afin de vous renseigner sur les récentes violations de l'espace aérien au‑dessus du territoire de l'OTAN qui ont été perpétrées par la Russie. Je suis ravi de le faire aux côtés de mes collègues Stéphane Lessard, directeur exécutif de la division des relations avec l'Europe du Nord et l'Europe centrale à Affaires mondiales Canada, et M. Ty Curran, directeur général adjoint de la politique de sécurité internationale au ministère de la Défense nationale.
M. Curran et moi-même avons eu l'honneur de donner une séance d'information à vos collègues du Comité permanent de la défense nationale la semaine dernière, et nous sommes impatients de répondre à vos questions.
Avant de commencer, j'aimerais replacer les événements récents dans leur contexte et parler de la contribution du Canada à la sécurité euroatlantique et à l'aide apportée à l'Ukraine.
Depuis le 10 septembre, nous avons constaté une augmentation des violations de l'espace aérien au‑dessus du territoire des pays alliés de l'OTAN qui sont attribuables à la Russie. Ces violations comprennent le survol de la Pologne et de la Roumanie par plusieurs drones, ainsi que l'intrusion de trois avions de chasse russes MiG‑31 dans l'espace aérien estonien. Nous avons également vu des drones pénétrer sans autorisation dans l'espace aérien au‑dessus des aéroports de Copenhague et d'Oslo.
Même si l'identité des responsables du survol de l'aéroport de Copenhague au Danemark n'a pas encore été établie, le premier ministre danois a déclaré que l'implication de la Russie ne pouvait être exclue. D'autres perturbations sont survenues au Danemark pendant la nuit, mais aucune responsabilité à cet égard n'a été attribuée pour le moment, si ce n'est que le ministre danois de la Défense a affirmé qu'il s'agissait d'un « acteur professionnel ».
Les violations de l'espace aérien par la Russie ne sont pas un phénomène nouveau. Elles sont monnaie courante depuis que la Russie a entamé son invasion illégale de l'Ukraine, mais leur intensité et leur ampleur se sont accrues en 2025, notamment en raison de l'utilisation de drones et d'avions de chasse.
En réponse aux incursions les plus récentes, l'OTAN et les alliés touchés ont fait preuve de détermination et de résolution, et ont démontré une interopérabilité alliée sans précédent. L'interception récente de drones russes au‑dessus de la Pologne par des avions alliés, par exemple, a donné lieu à une réponse coordonnée à laquelle ont participé des avions de combat néerlandais et polonais, un avion de détection aérienne avancée de l'OTAN, un ravitailleur en vol italien et des intercepteurs allemands basés au sol. Une coordination alliée semblable se produit dans la plupart des cas.
La Pologne et l'Estonie ont toutes deux invoqué l'article 4 du Traité de Washington à la suite de ces incidents. Pour renseigner le Comité, je tiens à préciser que l'article 4 du Traité de Washington stipule que « les parties se consulteront chaque fois que, de l’avis de l’une d’elles, l’intégrité territoriale, l’indépendance politique ou la sécurité de l’une des parties sera menacée ». Il s'agit d'un signal politique fort adressé aux adversaires, leur indiquant qu'un ou plusieurs alliés se sentent menacés et peuvent demander l'aide des autres alliés. Cette disposition diffère de l'article 5, c'est-à-dire la clause de défense collective du traité, selon laquelle une attaque contre un allié est considérée comme une attaque contre tous les alliés.
À la suite des consultations en vertu de l'article 4 qui ont eu lieu cette semaine, et plus précisément le 23 septembre, le Conseil de l'Atlantique Nord a fait une déclaration condamnant les actions irresponsables de la Russie, qui constituent une escalade, risquent d'entraîner de mauvais calculs et mettent des vies en danger. Quand le Conseil de l'Atlantique Nord fait une déclaration, cela signifie que les 32 alliés ont convenu de transmettre un tel message.
Dans cette déclaration, les alliés ont réaffirmé leur engagement commun inébranlable à défendre le territoire allié et ont confirmé que le général Grynkewich, commandant suprême des forces alliées de l'OTAN, ou SACEUR, disposait des outils et des pouvoirs nécessaires pour assurer la défense de l'OTAN. L'opération « Sentinelle orientale », lancée à la suite de l'incursion dans l'espace aérien polonais, renforce et assouplit encore davantage la posture de l'OTAN sur son flanc est.
Qu'elles soient délibérées ou non, les récentes actions imprudentes de la Russie s'inscrivent dans un schéma dangereux d'activités cybernétiques et hybrides menées par la Russie pour sonder les réactions des alliés et les mettre à l'épreuve. Je peux citer comme exemples le sabotage, la perturbation des systèmes de positionnement global, l'arsenalisation des migrants, le sabotage d'infrastructures sous-marines essentielles et les campagnes de désinformation menées dans l'ensemble de l'Europe.
Avec tout ce qui se passe, vous vous demandez peut-être comment le Canada protège ses alliés.
L'OTAN demeure un pilier de la défense du Canada. Nous contribuons de manière substantielle aux tâches et missions de base de l'alliance, notamment le long du flanc est. Le contingent canadien déployé au sein de la brigade multinationale de l'OTAN en Lettonie, que nous commandons, a plus que doublé depuis l'invasion de l'Ukraine par la Russie et continue d'être renforcé. Il s'agit là d'une démonstration tangible de l'engagement du Canada envers la sécurité de la région baltique, engagement que le premier ministre Carneya récemment renouvelé pour trois années supplémentaires.
Le Canada est également le troisième contributeur en importance à la mission de l'OTAN visant à fournir à l'Ukraine une formation et une aide à la sécurité, une mission qui est également connue sous le nom de NSATU.
[Français]
Sous notre présidence du G7 et en consultation avec nos partenaires, le Canada continue de faire pression sur la Russie pour qu'elle mette fin à sa guerre en Ukraine.
L'été dernier, au Sommet du G7 à Kananaskis, le premier ministre Carney a annoncé le plus gros train de sanctions commerciales et maritimes imposées par le Canada depuis l'invasion de l'Ukraine.
À Charlevoix, en mars 2025, les ministres des Affaires étrangères du G7 ont aussi adopté la Déclaration du G7 sur la sécurité et la prospérité maritimes, une initiative canadienne qui réaffirme l'engagement ferme du G7 à contribuer à maintenir un domaine maritime libre, ouvert et sûr, fondé sur le respect de la loi, qui renforce la sécurité internationale, favorise la prospérité économique et garantit la durabilité environnementale.
Dans le cadre de cette initiative, le Canada a établi un groupe de travail sur la flotte fantôme avec les membres participants du G7, en partenariat avec les huit pays nordiques et baltes.
Le Canada continue de collaborer avec ses partenaires proches pour coordonner des mesures supplémentaires à l'encontre du régime russe afin d'accroître le coût économique de la guerre d'agression menée par la Russie.
Plus récemment, le 22 septembre 2025, la ministre Anand a réuni ses homologues du G7 en marge de la semaine de haut niveau de l'Assemblée générale des Nations unies.
Dans une déclaration commune du G7, cette semaine, les ministres des Affaires étrangères ont exprimé leur préoccupation concernant les récentes violations par la Russie de l'espace aérien de l'Estonie, de la Pologne et de la Roumanie, des violations inacceptables qui menacent la sécurité internationale.
Ces derniers ont réaffirmé leur détermination à collaborer en vue de parvenir à une paix durable et à la mise en place d'une Ukraine forte, indépendante, souveraine et prospère, en continuant à coordonner leurs efforts avec les États‑Unis afin d'offrir à l'Ukraine des garanties de sécurité solides et crédibles.
Les ministres ont également discuté de la nécessité d'imposer de nouvelles sanctions économiques contre la Russie, notamment en prenant des mesures à l'encontre des pays tiers qui facilitent ses activités.
En conclusion, je peux affirmer que la réponse de l'OTAN aux actions de la Russie demeure ferme.
L'OTAN a entrepris des mesures vigoureuses pour renforcer notre posture de dissuasion et de défense quant aux tentatives persistantes de la Russie de tester les défenses de l'alliance.
Le Canada reste déterminé à contribuer à la sécurité de ses alliés, notamment sur le flanc est de l'OTAN, et à soutenir l'Ukraine, dont la sécurité contribue à la nôtre, dans son droit de se défendre contre l'agression persistante de la Russie.
Nous allons continuer à collaborer avec nos alliés pour reconstruire l'Ukraine et renforcer sa résilience à long terme.
Nous sommes prêts à répondre à vos questions.
Merci.
[Traduction]
Je vous remercie beaucoup de vos observations.
Je vais maintenant donner la parole aux députés afin qu'ils puissent vous poser des questions.
Nous allons commencer par faire intervenir M. Chong, qui disposera de six minutes.
Merci, monsieur le président.
Premièrement, j'aimerais clarifier, avec l'aide de nos témoins, la nature exacte des incursions qui ont eu lieu au cours du mois dernier. Si j'ai bien compris, des drones russes ont pénétré dans l'espace aérien polonais et roumain. Vous avez également mentionné que des avions russes ont pénétré dans l'espace aérien estonien, et il semble que des drones russes aient survolé les aéroports de Copenhague et d'Oslo. N'y a‑t‑il pas aussi eu des incursions dans l'espace aérien lituanien et letton?
Je peux peut-être commencer à répondre à la question. Ensuite, mon collègue, M. Curran, pourra peut-être vous apporter quelques précisions supplémentaires.
Au cours de l'année, nous avons constaté une augmentation des violations des espaces aériens perpétrées par la Russie. Elles augmentent depuis 2022, mais elles ont augmenté d'une manière particulièrement marquée en 2025. Depuis le 10 septembre, nous suivons les incursions polonaises, roumaines et estoniennes avec des avions de chasse. Au Danemark et en Norvège, nous avons également observé des incursions avec des drones. Je précise encore une fois que ces incidents n'ont pas été imputés précisément à des activités russes, bien que les autorités danoises aient noté que ces incursions avaient été menées par un acteur très compétent. Je n'ai pas eu connaissance d'incursions en Lituanie... ou de la présence d'autres drones, mais il est tout à fait possible que cela se soit produit.
Le secrétaire général Mark Rutte y a fait allusion lors de sa conférence de presse du 12 septembre 2025, lorsqu'il a signalé que des violations de l'espace aérien avaient également eu lieu en Lettonie et en Lituanie. Voilà pourquoi je pose cette question.
De quels moyens aériens disposons-nous en Europe de l'Est? Je crois que nous avons quelques CF‑18 et quelques hélicoptères Griffon, n'est‑ce pas? De quoi disposons-nous au juste en matière de ressources aériennes?
À l'heure actuelle, il y a quatre hélicoptères Griffon déployés en Lettonie. Auparavant, nous avions aussi des hélicoptères Chinook. De plus, nous avons des avions de transport à Prestwick, au Royaume-Uni, mais nous n'avons pas d'avions de chasse déployés en Europe, sauf périodiquement pour des exercices. Ce sont là les ressources déployées dont nous disposons en ce moment.
L'OTAN a annoncé l'opération « Sentinelle orientale », qui est principalement une opération aérienne. Le Canada participe‑t‑il à cette opération? Dans l'affirmative, de quelle manière et avec quelles ressources le fait‑il précisément?
Je vous remercie de la question, monsieur le président.
Nous travaillons bien sûr avec nos alliés de l'OTAN dans le cadre de l'opération « Sentinelle orientale ». Nous n'avons pas encore fourni de forces, mais nous examinons ce qui pourrait être fourni.
J'ajouterais simplement que notre contribution à l'OTAN comprend également le travail de dissuasion que nous accomplissons avec la Lettonie, ainsi que le travail que nous réalisons ici avec le NORAD.
Je vous fais remarquer que les drones et les avions de chasse russes qui ont violé l'espace aérien de l'OTAN ont, dans certains cas, parcouru plusieurs kilomètres à l'intérieur de cet espace et y sont restés pendant près d'une heure. À partir de quel moment devons-nous abattre ces engins?
Je peux peut-être commencer à répondre à la question.
Le 10 septembre, nous avons constaté que l'OTAN avait effectivement abattu plusieurs drones russes. Comme je l'ai mentionné précédemment, les violations de l'espace aérien par des avions de chasse ou des drones russes ne sont pas un phénomène nouveau. Je pense que chaque fois que ces appareils franchissent la frontière, une décision doit être prise en temps réel par les commandants sur le terrain et par les autorités. Il y a également la question de la sécurité du personnel au sol. Si vous abattez un appareil, où va‑t‑il atterrir? Cela représente‑t‑il une menace pour la population civile, etc.?
La position de l'OTAN concernant ces incursions a‑t‑elle changé depuis la première vague? Les interventions cinétiques seront-elles beaucoup plus rapides à l'avenir que ce que nous avons vu le mois dernier?
Comme l'a mentionné mon collègue, nous avons assisté le 12 septembre à la mise en place de l'opération « Sentinelle « orientale » en réponse à l'incursion aérienne polonaise. Il s'agit d'une nouvelle activité pour l'OTAN. Elle vise à rassembler des capacités et des forces supplémentaires, dont des chasseurs, des systèmes d'alerte précoce et des capacités de brouillage. Elle combinera des capacités traditionnelles et des technologies novatrices. Cette opération est donc en pleine expansion.
Il y a également une courbe de coûts liée à la destruction des drones, par exemple. Certains de ces drones ne sont pas très coûteux à produire, et la Russie peut les fabriquer en série. L'utilisation de chasseurs et de missiles hautement spécialisés pour les détruire, laquelle entraîne des coûts de plusieurs centaines de milliers d'euros, est...
J'ai une dernière question à poser avant la fin de mon temps de parole.
La Russie a commencé ces incursions il y a un mois, qui ont été suivies par plusieurs autres incursions. Il me semble que nos moyens de dissuasion ne sont pas suffisants. Y a‑t‑il des discussions en cours au sujet du renforcement de la dissuasion?
Je tiens à souligner encore une fois que les incursions de drones russes ne sont pas un phénomène nouveau. Elles ont lieu depuis 2022, mais leur rythme et leur ampleur ont augmenté récemment. Depuis, l'OTAN a invoqué à deux reprises l'article 4 afin d'organiser deux consultations entre les alliés, et il a lancé l'opération « Sentinelle orientale » à titre de message. Je suppose que la réponse de l'OTAN sera plus vigoureuse à l'avenir.
Merci, monsieur le président.
Je remercie les témoins d'être là pour transmettre leurs connaissances sur le sujet que le Comité étudie aujourd'hui.
Vous pouvez imaginer que les Canadiens et les Canadiennes, moi y compris, voient avec une certaine nervosité ce qui se passe présentement. On sait que la guerre en Ukraine cause des pressions, mais je constate maintenant que l'on commence à jouer sur un terrain que je trouve très inquiétant.
Aujourd'hui, je pense que nous avons vraiment besoin d'avoir une mise à jour sur ce que fait le Canada. Nous voulons examiner la façon dont nous allons procéder avec nos alliés. Il s'agit aussi de savoir de quelle manière le Canada mettra en avant certaines initiatives ou mesures diplomatiques pour renforcer sa posture.
Pouvez-vous nous expliquer davantage les mesures ou les initiatives diplomatiques que nous prenons pour renforcer la posture de défense collective de l'OTAN contre ces incursions récentes?
J'ai déjà mentionné quelques initiatives diplomatiques. Par exemple, comme présidente du G7, la ministre Anand a convoqué ses homologues à New York cette semaine. Elle a bien sûr discuté de la situation en Ukraine, mais elle a également parlé des incursions russes. Les sept membres du G7, incluant le Japon, ont fait une déclaration commune condamnant les actions russes.
Par ailleurs, en réponse aux événements survenus en Pologne, Affaires mondiales Canada a convoqué l'ambassadeur russe à Ottawa le 10 septembre. C'était une convocation à haut niveau pour condamner ces actions. L'objectif était aussi de rappeler que le Canada surveille de très près ce qui se passe et que, si ça devait continuer, il risquerait d'y avoir des répercussions du côté canadien et du côté de l'OTAN.
Comme nous le faisons d'habitude, nous étudions toujours la possibilité d'imposer d'autres sanctions, entre autres choses.
Voilà pour les exemples d'initiatives diplomatiques. Mon homologue M. Curran veut peut-être ajouter quelque chose.
J'ajouterais que c'est la raison pour laquelle nous avons fait des investissements dans les Forces armées canadiennes pour augmenter nos capacités antiaériennes contre les drones et notre pouvoir de dissuasion envers nos adversaires.
Plus précisément, le gouvernement a-t-il pris des mesures bilatérales avec la Pologne, la Roumanie, la Lituanie ou l'Estonie?
Bien sûr. Dans tous les cas, nous avons eu des conversations avec nos alliés, que soit à l'OTAN ou de façon bilatérale. La ministre s'est engagée à discuter avec certains de ses homologues des pays alliés touchés pour réitérer le soutien du Canada et leur rappeler que nous sommes présents en Europe, y compris en Europe de l'Est, où nous apportons de l'aide du côté terrestre.
Mon collègue M. Lessard a peut-être quelque chose à ajouter.
Je peux confirmer que la ministre Anand a eu des conversations avec ses homologues, en particulier avec le vice-premier ministre et ministre des Affaires étrangères polonais, M. Sikorski. Ils ont eu des discussions hier et aujourd'hui, à New York, où elle lui a communiqué un message de solidarité et de fermeté quant à l'engagement du Canada envers la sécurité de la Pologne et de tous les pays du flanc est.
Dans quelle mesure pensez-vous que cette réponse de l'OTAN à ces incursions a été efficace? Comment mesurez-vous l'efficacité des actions entreprises? Y a-t-il autre chose qu'on devrait commencer à faire, avec cette pression qu'on ressent présentement?
Merci de la question.
C'est quelque chose à considérer, bien sûr. Les actions de l'OTAN en réponse à cela sont en cours. Par exemple, l'activité militaire Eastern Sentry a été lancée, mais cela va prendre du temps pour mettre en place toutes les ressources prévues. On verra comment la Russie va réagir.
Depuis 2022, et même depuis 2014, les Russes sont toujours en train de lancer des coups de sonde exploratoires pour voir comment les alliés de l'OTAN réagissent. Dans la mer Baltique, il y avait souvent des cas de sabotage d'infrastructures critiques, ce qui a amené l'OTAN à lancer en 2023 l'activité militaire Baltic Sentry pour augmenter les mesures de surveillance. Depuis ce temps, on a observé une diminution de ces sabotages. Le résultat n'a pas été immédiat, mais nous espérons que cela va envoyer un message aux Russes.
[Traduction]
Merci beaucoup.
[Français]
Merci, madame Fortier.
[Traduction]
Le prochain intervenant sera M. Lemire.
[Français]
Vous avez la parole pour six minutes.
Merci de m'accueillir au Comité.
On sait qu'il y a eu des incidents en Pologne et en Roumanie. Au Danemark, on a aperçu des drones durant au moins deux nuits. On dit qu'il s'agirait d'un acteur professionnel inconnu, et le Danemark n'exclut pas la possibilité que la Russie soit derrière cela. La première ministre a qualifié cela de l'attaque la plus grave contre une infrastructure critique au pays. Elle a aussi mentionné que cela s'inscrivait dans l'évolution récente des attaques de drones, des violations de l'espace aérien et des cyberattaques contre des aéroports européens.
Le Danemark est évidemment une cible stratégique, parce que c'est un membre fondateur de l'OTAN ainsi qu'une porte d'entrée vers l'Europe de l'Ouest par le nord. D'abord, pensez-vous qu'il s'agissait de drones russes? Peut-on faire un lien entre cet événement et les autres qui nous intéressent aujourd'hui? Ensuite, pensez-vous que c'est le Danemark qui est visé directement, ou serait-ce plutôt l'OTAN qui est visée indirectement?
Je ne veux pas parler au nom des autorités danoises, qui sont en train de répondre à la situation. Jusqu'à maintenant, elles n'ont pas indiqué qu'il s'agissait de drones russes, mais elles ont dit qu'un acteur compétent était derrière cela. Qui sont les acteurs compétents dans ce domaine? Il n'y en a pas beaucoup, donc il est possible que ce soit la Russie. Toutefois, je ne veux pas devancer les autorités danoises.
Pour ce qui est de savoir si c'est le Danemark qui est visé ou une autre entité, puisqu'on a vu des incursions de drones un peu partout, il est très possible qu'on ne vise pas seulement le Danemark.
Des chercheurs de l'Université Laval ont soulevé le fait que la Russie cherche à en apprendre plus sur les capacités militaires réelles de l'Alliance. Selon eux, « [a]vec ses incursions, le pays de [Vladimir] Poutine souhaite recueillir de l'information de nature militaire sur le type de réaction enclenchée par l'OTAN, sur les capacités déployées, sur la rapidité de la prise des décisions, etc. »
Pensez-vous que la Russie teste les capacités de cette porte d'entrée ou d'autres pour le futur?
Comme cela a été mentionné, ce n'est pas la première fois que les Russes envoient des drones ou des avions dans les espaces aériens de l'OTAN. On constate depuis 2022 qu'il y a toujours ces tentatives de voir quelles seront les réactions de l'OTAN. L'Alliance réagit chaque fois et répond par des mesures adaptées.
Les deux côtés s'adonnent au jeu du chat et de la souris, la Russie et l'OTAN adaptant leurs réponses en fonction de l'autre. D'un côté, nous avons l'OTAN qui est une alliance défensive par nature, et de l'autre, les Russes qui continuent à entrer dans les territoires alliés.
Le secrétaire général de l'ONU, Antonio Guterres, a mis en garde contre le risque réel d'une extension du conflit ukrainien au-delà de ses frontières, compte tenu de ce qui est arrivé. Craignez-vous également que cela puisse s'élargir de pays en pays et commencer à se multiplier? Est-ce que cela pourrait même se rendre jusque chez nous?
Le risque d'escalade est là, certainement. Comme l'OTAN l'a souligné dans son communiqué, nous ne voulons pas de ces comportements et de ce risque d'escalade mais, en parallèle, l'OTAN est prête à répondre si nécessaire. S'il y a une réponse de l'OTAN, s'il y a une demande de réponse en vertu de l'article 5, le Canada, par la voie du Traité de Washington, est impliqué dans cette réponse.
Est-ce que vous avez fait une évaluation des risques d'incursion éventuelle sur le territoire canadien, récemment? Est-ce qu'on a été témoin d'une incursion, dans les derniers jours?
La réponse simple est non. On n'a pas vu d'incursion, ici, au Canada. L'année passée, personne n'a pénétré dans notre zone d'identification de défense aérienne. Cette zone ne fait pas partie de notre territoire sur le plan juridique mais, avec les États‑Unis et le NORAD, c'est notre zone de défense aérienne au Canada.
Avec ce qui vient de se passer dans au moins trois pays alliés, est-ce que vous avez augmenté votre niveau de vigilance de même que la surveillance de notre espace aérien?
Le NORAD surveille toujours les menaces au Canada et aux États‑Unis. Je ne connais pas le niveau d'alerte actuel, mais les incursions aériennes ou maritimes constituant une menace contre l'Amérique du Nord sont toujours surveillées.
Merci, monsieur Lemire.
[Traduction]
Nous allons maintenant entreprendre la deuxième série de questions.
Je vais donner la parole à la députée Kramp-Neuman.
Vous disposez de cinq minutes, madame.
Merci, monsieur le président.
J'ai une question à poser à chacun d'entre vous. Pensez-vous qu'il puisse s'agir d'un test de pénétration russe dans les États baltes en vue d'une éventuelle sortie de la flotte balte de Kaliningrad et de Saint-Pétersbourg, en particulier à la suite de l'adhésion récente de la Finlande et de la Suède à l'OTAN qui empêche de fait la flotte d'entrer?
Il est fort probable qu'il s'agisse d'une façon pour la Russie de sonder ses adversaires, comme nous savons qu'elle le fait, qu'elle l'a fait dans le passé et qu'elle continuera de le faire à l'avenir. Quant à savoir si cela ira jusqu'à une percée de la flotte russe, je n'ai vu aucune indication en ce sens.
Malheureusement, je ne dispose pas de tous les détails concernant la disposition de l'OTAN. Ce que je peux dire, c'est qu'à la suite de l'invasion de 2014 et de l'invasion à grande échelle de 2022, l'OTAN a considérablement renforcé ses forces sur son flanc est, sur le plan terrestre, aérien et naval. Le Canada a contribué à ces trois volets.
D'après la doctrine de l'OTAN, où se situe la ligne de démarcation entre une incursion et un acte d'agression?
Comme je l'ai mentionné un peu plus tôt, des incursions dans l'espace aérien ont eu lieu à plusieurs reprises depuis 2014. Récemment, la qualité, la longueur et la durée de ces incursions, ainsi que le nombre de drones entrant dans l'espace aérien ont considérablement augmenté. Cela dit, il y a une différence entre des drones survolant l'espace aérien de l'OTAN pour passer d'un point A à un point B en Ukraine, par exemple, et des drones qui tournent en rond. Ces derniers ne mènent pas d'attaques en tant que telles. La plupart du temps, il s'agit soit de drones leurres, soit de drones de reconnaissance. Ensuite, les commandants au sol ou dans les airs doivent faire un calcul coûts-avantages ou un calcul d'escalade, en fonction de leur position au-dessus des infrastructures civiles et du coût du missile nécessaire pour les abattre, afin de déterminer s'il vaut mieux les abattre ou les laisser passer.
Pourriez-vous nous parler de l'état actuel des capacités anti-drones du Canada? Y a‑t‑il des projets d'acquisition en cours?
Oui, nous avons réalisé des investissements afin de doter nos forces, en particulier celles déployées en Lettonie, de capacités de défense aérienne et anti-drones. Ces ressources feront également partie des investissements réalisés dans le cadre de l'augmentation des dépenses militaires.
Y a‑t‑il des indices qui nous portent à croire que les pays dont l'espace aérien a été violé ont été pris pour cible en raison de leurs récentes campagnes de réarmement?
À ma connaissance, tous les pays de cette région ont considérablement augmenté leurs dépenses militaires. Toutefois, comme presque tous les alliés de l'OTAN ont fait de même, je ne pense pas que ce soit la raison. Il s'agit en fin de compte d'une question hypothétique à laquelle je ne peux pas répondre.
Pour faire suite à une question posée précédemment, j'aimerais savoir quelles sont les ressources dont disposent en ce moment les forces armées canadiennes déployées dans les trois pays ciblés par la Russie.
La majorité de nos forces sont déployées en Lettonie, où se trouve notre groupement tactique. Comme je l'ai mentionné, nous avons également des ressources maritimes déployées en Europe à l'heure actuelle.
Les pays dont l'espace aérien a récemment été violé ont-ils demandé l'aide du Canada ou d'autres alliés de l'OTAN?
Comme cela a été mentionné précédemment, deux consultations en vertu de l'article 4 ont eu lieu entre les membres de l'OTAN. Les participants ont décidé de mettre en place l'opération « Sentinelle orientale », qui consiste à demander à tous les alliés de fournir les capacités dont ils disposent. L'OTAN a donc sollicité l'aide du Canada. Ces demandes sont actuellement à l'étude, mais, je le répète, notre contribution actuelle sur le flanc est met principalement l'accent sur la Lettonie.
Comment le gouvernement canadien parvient‑il à trouver un équilibre entre la dissuasion et l'escalade?
Il s'agit essentiellement d'une tâche quotidienne que nous accomplissons en collaboration avec nos alliés afin d'assurer la sécurité des populations alliées, mais aussi de soutenir l'Ukraine dans sa lutte contre la Russie. Je précise encore une fois que c'est une activité quotidienne...
Merci, monsieur le président.
Je remercie également nos témoins de leur présence parmi nous aujourd'hui et du travail qu'ils accomplissent chaque jour dans les domaines de la diplomatie, du renseignement et de la sécurité de notre défense.
J'aimerais maintenant aborder deux questions. La première concerne l'évaluation des risques. Il est évident que nous ne tolérons aucune incursion, quelle qu'elle soit, dans un pays membre de l'OTAN. Nous avons été très clairs à ce sujet.
Du point de vue de l'évaluation des risques, lorsque nous tenons compte des autres activités menées par la Russie qui constituent des violations de notre souveraineté et de notre intégrité territoriale sous d'autres formes, comme le sabotage, l'ingérence informatique, la collecte de renseignements et l'ingérence étrangère dans nos pays, quelle priorité accordons-nous à ces incursions? Je ne cherche pas à minimiser leur importance, mais comment pouvons-nous les classer comparativement au sectionnement des câbles sous la mer Baltique, à la déstabilisation de l'énergie et à toutes les zones grises?
Bon nombre de ces appareils pourraient être des drones factices qui nous distraient considérablement pendant que des activités plus néfastes se déroulent. Sur quoi notre comité devrait‑il concentrer son attention?
C'est une excellente question.
Comme nous l'avons vu, la Russie mène des activités dans de nombreux domaines. Elle déploie des drones et survole notre espace aérien depuis un bon moment déjà, mais ces incursions attirent particulièrement notre attention à l'heure actuelle.
Les pays dont l'espace aérien est violé y voient bien sûr une violation manifeste de leur souveraineté, de leur intégrité territoriale, etc. Pour eux, ces drones pénètrent leur espace aérien sans subir de conséquences, alors que la Russie mène de vastes opérations cybernétiques et a réalisé un certain nombre d'activités de sabotage ayant détruit des biens, etc.
Je me répète, mais vous avez posé là une excellente question sur l'ampleur des activités que mène la Russie.
Je ne m'attends pas à ce que vous puissiez me répondre, mais je pose la question quand même, car je pense qu'en tant que comité, nous devons y réfléchir.
Je suis allé en Moldavie cet été pour constater le niveau d'ingérence russe dans la souveraineté moldave et les élections qui se tiendront bientôt. Les Russes achètent des votes avec leur argent. La Russie se comporte vraiment de manière détestable dans un pays voisin de nos alliés de l'OTAN. Je tiens simplement à souligner aux fins du compte rendu qu'à titre de comité, nous devrions peut-être nous pencher sur l'évaluation de la menace à un moment donné.
Ensuite, j'aimerais parler de notre réaction à cette situation. Je crois comprendre que le ministre a ordonné à ses fonctionnaires d'appeler l'ambassadeur russe au Canada pour exprimer ses préoccupations. Dans la même veine que les questions de Mme Fortier, je dirais que toutes sortes de démarches diplomatiques pourraient être faites dans les circonstances. Nous avons déjà imposé 5 000 sanctions à la Russie; en fait, je dois admettre que j'ai perdu le compte. Toute une gamme d'activités peut nous aider à faire connaître nos positions.
Faudrait-il élargir la palette de nos démarches diplomatiques? Devrions-nous en faire plus pour exprimer très fermement non seulement notre mécontentement, mais aussi notre colère envers la Russie face à ces agressions contre nos partenaires de l'OTAN?
Vous nous avez présenté certaines mesures que prend l'OTAN depuis l'incursion du 10 septembre et vous avez souligné que nous imposons présentement des sanctions très sévères contre la Russie.
Comme je l'ai dit dans ma déclaration liminaire et en réponse à certaines des questions du Comité, nous réévaluons constamment le train de sanctions qui devraient s'appliquer. Les partenaires du G7 et d'autres alliés soupèsent avec soin les sanctions qu'il convient d'imposer à la Russie, notamment ce qui pourrait être fait pour que le pétrole et le gaz ne servent plus à alimenter la guerre menée par la Russie en Ukraine.
Ce sera ma dernière question. Avons-nous fait des démarches auprès de pays non membres de l'OTAN pour leur exprimer notre inquiétude face à la Russie qui bafoue l'intégrité territoriale de l'OTAN? À mes yeux, les activités de la Russie sont au cœur des préoccupations liées à l'article 4 et à l'article 5, qui exigent que nous défendions nos alliés.
Avez-vous exprimé vos préoccupations à des pays non membres de l'OTAN, pour dire qu'il serait utile qu'ils dialoguent avec la Russie et lui demandent de faire marche arrière?
Nous n'avons pas fait de démarches auprès d'autres pays à ce propos, mais dans nombre de nos interactions à l'OTAN et avec nos alliés non membres, nous leur faisons part de nos inquiétudes devant l'insouciance dont font preuve les Russes.
Merci, monsieur le président.
Certains chercheurs ont soulevé le fait que, par ses actions, la Russie tente d'élargir la guerre en Ukraine pour éviter que ce conflit stagne. Avez-vous un avis sur cette affirmation selon laquelle la Russie cherche à déstabiliser le conflit ukrainien?
Je n'ai pas d'information à ce sujet, mais nous surveillons ce que fait la Russie depuis 2014. Depuis 2022, cette dernière cherche toujours à prendre l'ascendant sur d'autres pays de la région. On dirait qu'il y a une mentalité encore très soviétique, c'est-à-dire une volonté de reprendre les pays de l'Est qui ont rejoint l'OTAN et de les voir revenir sous le chapeau de Moscou.
Dernièrement, la Pologne a fortement accru ses capacités militaires. Il y a donc de fortes chances que la Russie cible des régions pour savoir quel équipement la Pologne détient, où est situé ce dernier et où se trouvent les usines de fabrication de munitions. Il est donc inquiétant de savoir que la Russie a pu envoyer ses drones dans cette zone pour obtenir ces informations.
Dans quelle mesure croyez-vous que la Russie ait pu récolter des informations sur la zone survolée? La probabilité qu'elle ait obtenu une réponse est-elle faible ou élevée? Est-ce que ça aura un effet sur sa stratégie?
Je ne sais pas quelle est la direction au moment où on se parle, mais il est sûr que la Russie tire avantage de ses incursions pour obtenir des renseignements. C'est l'une des raisons de notre inquiétude lorsque des événements de cette nature se produisent. C'est la raison pour laquelle nous avons besoin de renforcer nos capacités pour pouvoir répondre, si c'est nécessaire.
Quels mécanismes doit-on mettre en place pour bloquer ces tentatives, qui pourraient s'apparenter à de l'espionnage? Ces mécanismes s'appliquent-ils au Canada actuellement?
Je pense que nous tirons toujours des leçons lorsque de tels événements se produisent. Comme je l'ai déjà dit, il est toujours avantageux d'investir dans les Forces armées canadiennes pour développer nos capacités antiaériennes et nos capacités à lutter contre les drones.
[Traduction]
Merci, monsieur le président.
Merci aux témoins d'être parmi nous aujourd'hui. Les nombreuses tentatives russes d'entrer dans l'espace aérien de membres de l'OTAN ne sont en fait rien de nouveau.
C'est un peu bizarre, parce que ces agressions contre des pays baltes et même contre des pays européens, comme la Roumanie et la Pologne, me semblent être des tactiques d'intimidation russes dans une certaine mesure. Évidemment, ces incursions ne sont pas le fruit du hasard; elles font sans l'ombre d'un doute l'objet d'une soigneuse planification de la part de la Russie. Il s'agit peut-être d'une de ses campagnes visant à nous embrouiller et nourrir les craintes des quelque 30 membres de l'OTAN qui se demandent bien comment la Russie et Poutine entendent exercer leur pouvoir. Malheureusement, c'est un empire qui survit grâce aux guerres et aux conflits. C'est maintenant un problème pour l'Occident, l'OTAN et bien sûr à peu près tout le monde.
Si les Russes étaient assez stupides pour attaquer une cible située dans un pays de l'OTAN, une agression de ce genre pourrait déclencher une réaction fondée sur l'article 5. J'aimerais connaître votre avis d'expert: quel genre d'agression, selon la constitution de l'OTAN, exigerait que ses membres interviennent en réaction?
L'article 4 vise à consulter les autres membres de l'OTAN si un pays membre est attaqué. Qu'est-ce qui pourrait déclencher une réaction en vertu de l'article 5? Cet article ne devrait‑il pas être au moins vu comme une option pour nous face à l'agression russe? Malheureusement, une telle agression pourrait aussi nous laisser présager un genre de troisième Guerre mondiale. C'est une situation fort épineuse. Qu'est‑ce qui pourrait amener un allié à invoquer l'article 4 ou l'article 5 du Traité de l'OTAN?
C'est une excellente question. N'oublions pas malgré tout que l'article 5 du Traité de l'OTAN n'a été invoqué qu'une seule fois, dans la foulée des attentats du 11 septembre 2001 aux États-Unis. L'article 4 a été invoqué à neuf reprises jusqu'à présent, dont cinq fois par la Turquie à la suite des événements survenus à ses frontières. Nos alliés européens l'ont aussi invoqué quelques fois après l'invasion de 2022, puis bien sûr la Pologne et l'Estonie cette semaine.
En réponse à votre question sur les éléments déclencheurs, l'article 5 a le mérite d'être clair: il serait invoqué à cause d'une agression armée envers l'un de nos alliés. Mais il faut dire qu'il reste un peu ambigu sur le genre d'agression qui entraînerait une réaction.
Il y a des avantages à laisser un certain flou pour garantir que nos adversaires ne sachent pas précisément à quel genre d'agression nous allons réagir.
C'est très différent d'invoquer l'article 4 ou l'article 5 selon la situation qui se présente. Nous ne savons pas tout, mais selon les renseignements à notre disposition, croyez-vous que la façon dont l'OTAN a réagi suffit à dissuader la menace? Que pourrait-elle faire de plus pour s'assurer de réagir de manière mesurée sans causer d'escalade et sans participer à la guerre?
Non, je ne sais pas si nos efforts suffisent à dissuader la menace. Ce ne serait que pure spéculation de s'avancer ainsi.
Cela dit, le message qu'envoie l'alliance est assez clair: nous demeurons résolus et fermes dans notre intention de nous défendre collectivement. Les Russes feraient bien d'en prendre bonne note.
Évidemment, c'est difficile pour nous de spéculer sur les intentions des Russes lorsqu'ils se comportent de la sorte, mais quoi qu'il en soit, l'OTAN et le Canada ont renforcé le flanc est dans le cadre de l'opération Eastern Sentry, un peu comme nous l'avons fait en réaction à l'invasion de 2014 et à l'invasion à grande échelle de 2022. La Suède et la Finlande ont aussi joint l'alliance, ce qui rend la rend bien sûr encore plus forte.
Nous adaptons notre stratégie selon les opérations que réalise la Russie. Comme nous venons de l'expliquer, c'est un peu comme le jeu du chat et de la souris, mais je dirais que l'OTAN est plus forte aujourd'hui qu'elle ne l'était en 2022. Je pense qu'elle joue un rôle dissuasif majeur dans le cadre de nos efforts, bien qu'il ne s'agisse là que de spéculation de ma part.
Merci, monsieur le président.
Merci aux témoins d'être ici pour répondre à nos questions sur ces enjeux d'une importance capitale.
J'espère que vous pourrez nous aider à comprendre le contexte actuel, car ce que nous disent les spécialistes et ce qu'entend la population a de quoi nous alarmer au plus haut point. Vous dites que ce n'est pas nouveau, mais qu'il y a une escalade et que les incidents se font plus nombreux. Pour nous situer le contexte et si l'on songe par exemple à la guerre froide, y a‑t‑il eu d'autres escalades de ce genre qui auraient pu sévir avant que l'adversaire ne recule, ou peut-être que cette situation est inédite? Est‑ce que ce genre de comportement est complètement nouveau, est‑ce quelque chose de totalement inouï?
Le fait que la Russie mène activement et ouvertement sa guerre en territoire européen malgré l'existence de l'OTAN, c'est en effet du jamais‑vu.
Le fait que la Russie sonde les défenses et les réactions alliées n'est pas sans précédent. Nous l'avons vu au cours de la guerre froide en Europe et en Amérique du Nord, où nous avons dû escorter les Russes hors de notre espace aérien. Je ne pense pas que cette situation soit inédite, mais je vois que M. Curran voudrait apporter une précision.
Oui, j'ajouterais simplement dire que, sans aucun doute, de plus en plus d'aéronefs militaires russes pénètrent les zones d'identification de défense aérienne sur le territoire nord-américain depuis quelques années, mais c'est assez normal quand on y songe un instant. Nous nous attendons à ce que la situation revienne aux niveaux précédant la COVID, et bien que nous avons vu ce phénomène prendre de l'ampleur récemment, ces vols se produisent assez souvent et ne sont pas jugés menaçants après tout, car les appareils militaires russes demeurent dans l'espace aérien international et n'entrent ni dans l'espace aérien souverain du Canada ni dans celui des États-Unis. J'ajouterais également que la grande majorité de ces contacts se sont déroulés de manière professionnelle. Je dirais que c'est différent de ce qui se fait sur le flanc est.
Eh bien, c'est un comportement courant. Je ne suis pas du tout pilote d'avion, alors je ne m'avancerai pas sur ce terrain, mais en matière de sécurité et de professionnalisme, l'appareil qui attire notre attention doit se comporter de manière prévisible, suivre les règles et observer les pratiques internationales exemplaires...
... alors que, par exemple, quelqu'un qui se comporte de façon erratique peut être perçu comme étant dangereux pour toutes les parties impliquées.
Est‑ce que certaines incursions vous inquiètent davantage que d'autres? Évidemment, un avion-chasseur n'a rien à voir avec un drone. Où se produit l'incursion peut varier, de même que la fréquence de ces incursions selon la région touchée. Y a‑t‑il des signaux d'alarme qui vous préoccupent plus que d'habitude?
Monsieur le président, je vais commencer, puis j'inviterais M. Curran à compléter ma réponse.
Ce qui devient de plus en plus préoccupant ou même inquiétant, c'est la durée de ces incursions, l'ampleur du phénomène et le grand nombre de régions touchées. Les appareils russes pénètrent de plus en plus profondément notre espace aérien, semblant traîner là sans raison précise ou passant beaucoup de temps à proximité d'infrastructures essentielles ou pénétrant l'espace aérien civil, etc.
J'ajouterais peut-être que la question de savoir si ces appareils étaient armés en est une de haute importance, il va sans dire. Bien que nous veillons soigneusement à recueillir du renseignement, nous surveillons également tous les autres types d'activités, et ce, quoi qu'il arrive. Quand nous détectons qu'un appareil ou un drone est armé, le risque d'une escalade non planifiée en est considérablement rehaussé, si je puis compléter la réponse précédente de mon collègue.
Vous dites que vous vous êtes entretenus avec l'ambassadeur de Russie.
Quelle a été la réaction de la part des Russes? La Russie assume‑t‑elle ses responsabilités à cet égard? Cherche‑t‑elle à cacher tout ce qui se passe à l'heure actuelle? Comment l'ambassadeur a‑t‑il réagi?
Je dirais que la pratique courante pour la Russie, c'est de faire dans le déni. Au cours de nos discussions avec lui, l'ambassadeur russe au Canada a soulevé des théories de toutes sortes. Il évoquait des enjeux de brouillage, de guerre électronique, affirmant que la Russie n'avait strictement rien à voir là‑dedans. Comme à son habitude, la Russie évoque toute une panoplie de possibilités pour brouiller les pistes. Elle ne nie pas que des MiG‑31 se dirigeaient dans cette direction. La Russie n'hésite certainement pas à clamer qu'ils n'ont pas pénétré l'espace aérien d'aucune nation étrangère. C'est encore là la stratégie classique de déni que pratiquent d'habitude les Russes.
Merci, monsieur le président.
Merci beaucoup aux témoins d'être ici pour étayer toute cette information.
Selon les discussions auxquelles participe le Canada au Conseil de l'Atlantique Nord et au sein du Commandement aérien allié, quelles sont les trois grandes lacunes que ces incursions ont révélées en ce qui a trait à nos capacités de défense?
Je ne dirais pas que la liste en est à sa version définitive, mais nous reconnaissons l'importance d'investir dans nos capacités pour contrer les drones. Il est impératif d'accroître nos capacités de défense aérienne. Aux trois premiers rangs de cette liste, ces deux lacunes me sautent aux yeux. Nous constatons la hausse marquée du déploiement de drones russes dans la guerre en Ukraine. C'est pourquoi il est impératif d'investir dans les capacités de défense de notre alliance.
Selon ce que j'en comprends, cette liste d'exigences est classifiée. Je pourrais peut-être vous revenir si éventuellement il m'était permis de vous communiquer certains renseignements non classifiés.
Merci, ce serait fort apprécié.
Est‑ce que le renseignement, la surveillance et la reconnaissance nous permettent de repérer ces appareils qui entrent dans notre espace en haute altitude assez tôt pour avoir le temps de les abattre? Si le temps manque, quelles seraient les raisons expliquant de tels retards dans notre capacité de réaction?
Puisque la Russie et nos alliés de l'Est sont situés très près les uns des autres, même si l'OTAN peut surveiller ces drones ou ces avions, il est difficile pour nous de déployer en permanence des forces aériennes pour les contrer, sachant qu'il y a beaucoup d'activité sur le territoire ukrainien à l'heure actuelle. Nous avons la capacité de réagir à ces intrusions, si nous estimons qu'une situation particulière constitue une menace.
Je vais en rester là.
Merci.
Plus précisément, quels actifs le Canada s'est‑il engagé à fournir à l'OTAN pour consolider le flanc est après ces incursions et compte tenu du temps qu'il faut pour déployer nos forces de défense?
Pour l'instant, nous ne déployons pas de forces additionnelles, mais je répète que nous apportons une contribution significative à la dissuasion de la menace sur le flanc est en Lettonie.
Quelles mesures comptez-vous prendre dans les 90 prochains jours en réaction à ces incursions, comme l'utilisation de détecteurs ou de logiciels?
D'accord. Si vous avez des informations à nous fournir plus tard, pourriez-vous s'il vous plaît nous les transmettre. Je comprends qu'elles pourraient être classifiées, mais si elles ne le sont pas, elles nous seraient sûrement utiles.
Merci.
Quels autres pouvoirs ou quelles ressources est‑ce que le ministère demande au gouvernement pour l'aider à mettre sa politique en œuvre?
À ce moment‑ci, nous n'avons pas fait de demandes supplémentaires au gouvernement. Nous tenons présentement des discussions avec l'OTAN sur le genre de capacités que peut déployer le Canada, sachant que nous continuons de fournir le soutien dont la Lettonie a besoin pour dissuader la menace russe, en plus d'assurer un soutien en défense au pays au sein du NORAD.
Merci beaucoup, monsieur le président.
Bienvenue et merci à vous tous d'être présents ici aujourd'hui.
Je remarque, monsieur Curran, que vous avez dit ne pas vouloir supposer des motivations de la Russie, mais je pense qu'on peut supposer un peu qu'elle testait à la fois nos capacités et notre détermination. Compte tenu de la réaction du président Trump, du président Zelensky et des dirigeants de l'Union européenne, en particulier, et de ce que nous avons entendu de la part du premier ministre Tusk et d'autres personnes tout récemment en réponse à cette situation, j'aimerais que chacun de vous me dise quelles répercussions cette tentative de la Russie a eues sur la détermination de l'OTAN. Nous avons parlé d'investissement, alors c'est une question de déclaration ou de détermination, mais il y a aussi ce que cela peut signifier pour la suite.
Monsieur le président, je peux peut-être commencer.
Je crois que la détermination de l'OTAN est très forte dans ce cas. Au cours de l'été, nous avons tenu un sommet des alliés, où nous avons tous convenu d'augmenter nos dépenses de défense à 5 % du PIB d'ici 2035. Le président Poutine a toujours souhaité que l'OTAN disparaisse. Je pense qu'en envahissant l'Ukraine et en contrariant les alliés européens, il a en fait rendu l'OTAN beaucoup plus forte, d'où notre décision de porter nos dépenses de défense à 5 % du PIB.
Je pense que les événements des dernières semaines ne feront que renforcer la détermination de l'Europe à raffermir ses capacités, à acquérir les outils nécessaires pour contrer les drones et à accroître ses capacités de défense. Du point de vue de l'alliance, c'est un moment où les alliés intensifient leurs efforts, et nous continuerons de le faire pour assurer leur sécurité à long terme.
Je pourrais peut-être ajouter quelque chose, monsieur le président.
La question de la détermination est absolument fondamentale. Je dirais que cette détermination s'accompagne d'engagements concrets de l'OTAN sur le flanc est pour avoir un effet dissuasif, et le Canada y participe avec ses forces en Lettonie.
Je tiens également à souligner que le SACEUR a indiqué très clairement qu'il dispose déjà de bonnes capacités, mais nous sommes conscients qu'il faut quand même investir davantage. Il y a aussi une petite difficulté. Par exemple, nous avons investi des sommes assez importantes dans les technologies et les capacités antimissiles sol-air pour nos forces en Lettonie, mais il s'agit d'une intervention très coûteuse, qui consiste à utiliser un missile de 200 000 $ pour abattre un drone de 5 000 $.
Nous constatons également que les drones utilisés dans le conflit entre l'Ukraine et la Russie ont maintenant une portée accrue de 3 000 kilomètres et peuvent transporter des charges utiles supplémentaires importantes.
Dans son discours à l'Assemblée générale des Nations unies, le président Zelensky a indiqué qu'il était disposé à partager ses connaissances et ses technologies avec les pays de l'OTAN. Il a lancé une invitation franche à ceux d'entre nous qui veulent travailler en étroite collaboration avec l'Ukraine. Je pense que le Canada a été l'un des premiers pays à s'élancer. Vous pourriez peut-être nous dire où nous en sommes sur ce plan ou seulement nous décrire comment s'exprime notre volonté de nourrir cette relation.
Vous avez tout à fait raison. Les Ukrainiens sont à la fine pointe de la technologie des drones et de la technologie anti-drones, notamment en raison des difficultés que vous avez mentionnées quand on utilise des outils de plusieurs millions de dollars pour abattre des drones bon marché produits en masse.
L'une des choses les plus prometteuses, c'est le programme Construire avec l'Ukraine que l'Ukraine a annoncé récemment. Le Canada travaille avec l'Ukraine pour... Le Canada a signé une lettre d'intention cet été potentiellement pour mener des coentreprises avec l'Ukraine, ce qui permettrait de fabriquer des drones ukrainiens ici, au Canada. Nous espérons que l'industrie canadienne pourrait en profiter et, éventuellement, les Forces armées canadiennes.
Ma dernière question est indirectement liée aux récentes incursions de drones au‑dessus de la Pologne.
En juin dernier, bon nombre de nos très proches alliés de l'OTAN, ainsi que l'Ukraine, se sont retirés de la Convention d'Ottawa sur la prévention des mines terrestres. Tous les États baltes, la Finlande et la Pologne, ainsi que l'Ukraine, se sont retirés de cette convention. À mon avis, cela complique un peu notre déploiement au sein de l'OTAN, particulièrement en Lettonie, l'un des pays qui s'en sont retirés.
Selon vous, comment le Canada s'adaptera‑t‑il à cette nouvelle donne? Ce n'est pas contradictoire, mais ce pourrait être un défi pour nous, puisqu'il y a d'autres conventions ou valeurs que nous appuyons qui pourraient être compromises par la façon dont nos voisins et amis de l'OTAN, en particulier sur le flanc est avec la Russie, pourraient devoir réagir.
Merci, monsieur le président.
La menace posée par la Russie a forcé quelques alliés à prendre des mesures extraordinaires pour la contrer, notamment à se retirer de la Convention d'Ottawa, ce que nous regrettons. Cependant, nous demeurons absolument disposés à travailler avec eux et à assurer leur sécurité et celle de notre personnel. Je crois que les FAC ont mis des mesures en place pour pouvoir continuer de travailler avec nos alliés, ceux qui ont quitté la Convention d'Ottawa et ceux qui sont...
Merci beaucoup.
Passons maintenant à M. Lemire.
[Français]
Monsieur Lemire, vous avez la parole pour deux minutes et demie.
Merci, monsieur le président.
Monsieur Laporte, j'aimerais revenir un peu au sujet qui a été abordé par ma collègue Anita Vandenbeld, c'est-à-dire la convocation de l'ambassadeur russe, M. Stepanov par la ministre des Affaires étrangères. On indique que M. Stepanov a été réprimandé. Votre ministère peut-il nous dire de quelle façon il a été réprimandé, plus précisément?
Effectivement, le lendemain de l'incursion, le ministère des Affaires étrangères, du Commerce et du Développement a demandé à l'ambassadeur russe de se présenter pour un entretien. Nous avons pour politique de discuter très rarement avec la Russie. Le fait que l'ambassadeur ait été convoqué est déjà un signe qu'on lui a parlé de quelque chose de sérieux. Sinon, nous ne discutons pas avec l'ambassadeur russe. L'entretien visait à signaler que le comportement de la Russie était inacceptable et que, si cette dernière persistait, les répercussions pourraient être plus importantes.
Dans ces discussions avec la ministre, a-t-il été question de sanctions ou de contraintes envers la Russie, et quelle a été la réaction du côté russe?
Je précise que la ministre n'était pas présente quand l'ambassadeur russe a été convoqué au ministère. Ce sont des hauts fonctionnaires du ministère qui étaient présents. Comme je l'ai dit, nous avons pour politique de restreindre les communications avec la Russie. Cette fois-ci, c'est un haut fonctionnaire du ministère qui a été désigné pour exprimer notre mécontentement à l'ambassadeur.
Dans cette discussion, il a simplement été question du fait que des mesures pourraient être prises. Les Russes connaissent très bien les sanctions que nous pourrions prendre. Plus de 3 000 personnes font déjà l'objet de sanctions. Ils sont aussi au courant de l'engagement que nous avons pris au Sommet du G7 pour faire appliquer des sanctions à la flotte fantôme russe et pour travailler sur des questions liées au pétrole.
Merci, monsieur le président.
J'aimerais parler un peu de notre stratégie de dissuasion, au sein du NORAD et de l'OTAN.
Au cours du dernier mois, des membres de l'OTAN ont abattu des drones russes qui violaient l'espace aérien de pays membres de l'OTAN. De toute évidence, il y a là une stratégie de dissuasion: si des drones entrent dans cet espace, ils seront abattus. En même temps, les membres de l'OTAN n'ont pas abattu les trois chasseurs MiG qui sont entrés dans l'espace aérien estonien pendant 12 minutes, ce qui constitue une stratégie de dissuasion différente de celle adoptée pour les drones.
Hier, quatre avions militaires russes sont entrés dans la zone d'identification de défense aérienne, la ZIDA, et des avions de chasse canadiens et américains ont été dépêchés — je crois que quatre avions ont décollé — pour intercepter et suivre ces quatre avions militaires. Je reconnais que ces avions russes se trouvaient dans l'espace aérien international, qu'ils volaient de manière prévisible et régulière et que le NORAD a évalué qu'il n'y avait pas de menace.
Que ferait le NORAD si ces avions traversaient la ZIDA pour pénétrer dans l'espace aérien souverain américain ou canadien? Leur permettrions-nous de voler pendant 12 minutes dans notre espace aérien, ou les abattrions-nous?
Je vous remercie de cette question.
Je pense que nous conservons notre pouvoir souverain, avec nos alliés, de répondre à une agression dans notre espace aérien, ce qui pourrait comprendre d'abattre un drone ou un avion.
Oui, mais je ne vois pas très bien quelle est notre stratégie.
Ce que je veux dire, c'est que si je ne connais pas notre stratégie de dissuasion à l'égard des avions russes qui violent l'espace aérien souverain de l'OTAN — pas la zone d'identification de défense aérienne, mais notre espace aérien —, alors les Russes ne sont pas tout à fait sûrs de notre position, de notre stratégie non plus. Y a‑t‑il des discussions entre le Canada et d'autres membres de l'OTAN pour clarifier notre position sur les avions russes qui violent l'espace aérien de pays membres de l'OTAN?
J'ai entendu dire, par exemple, qu'il y a un jour ou deux, à peu près, les envoyés britanniques, français et allemands ont dit à Moscou qu'ils abattraient les avions russes violant l'espace aérien à l'avenir, mais d'autres pays n'affirment pas aussi clairement leurs intentions dans ce contexte. La Pologne a été très claire à ce sujet.
Quelle est notre position? Cela fait‑il l'objet de discussions entre les capitales des pays de l'OTAN et le siège de l'OTAN à Bruxelles, ou allons-nous simplement laisser le flou persister jusqu'à ce que la prochaine situation se présente? Où nous en allons-nous avec cela?
Je vous remercie de cette question.
Encore une fois, je pense qu'il faut toujours évaluer les circonstances au cas par cas. Pour ce qui est de l'Estonie, l'espace aérien est très achalandé dans le golfe de Finlande, où l'Estonie et la Finlande se partagent l'espace et où la Russie passe depuis la Russie continentale, si je peux la décrire ainsi, pour se rendre à Kaliningrad. Certaines zones font partie de l'espace aérien international et d'autres, de l'espace aérien de l'Estonie.
Les Russes, par le passé, ont souvent traversé cet espace aérien, sciemment ou par erreur, délibérément ou non, et les commandants qui contrôlent l'espace aérien tout comme les pilotes doivent faire preuve de jugement, encore une fois, pour déterminer ce qui va se passer, l'endroit où se trouvent les aéronefs, ce qu'ils font et le danger qu'ils présentent pour les populations civiles, entre autres choses.
Puis‑je faire une hypothèse? Je présume que si ces avions aperçus dans la ZIDA de l'Alaska étaient entrés dans l'espace aérien américain, ils auraient été abattus par l'armée de l'air américaine. C'est précisément la raison pour laquelle ils sont restés dans l'espace aérien international.
Le corollaire se produit en Europe de l'Est, où la Russie estime que l'OTAN n'a pas la même volonté de dissuasion, et nous nous retrouvons avec des situations comme celles qui se sont produites récemment dans l'espace aérien estonien.
Monsieur le président, je peux répondre.
Je dirais qu'il y a une petite nuance à faire. Encore une fois, la zone d'identification de défense aérienne du Canada est un espace aérien très vaste, si bien que nous avons beaucoup de temps pour identifier les aéronefs qui arrivent. On peut les intercepter bien à l'extérieur de notre espace aérien. Si nous le voulons, et c'est souvent le cas, nous pouvons envoyer des communications, des messages, des demandes pour qu'ils partent. S'ils y restent malgré tout, je présume — et vous avez probablement raison — que des mesures seraient prises.
Dans l'espace aérien européen, certaines zones sont très étroites, et on n'a pas le temps de donner...
Encore une fois, les commandants ont pris la décision qu'ils ont prise en Estonie. Je pense qu'il y avait probablement une volonté de ne pas abattre les avions aperçus dans ce cas‑ci, compte tenu de ce qui s'était passé quelques jours auparavant. Ils ne voulaient pas jeter d'huile sur le feu. Je pense que si cela se reproduisait, le seuil pour déclencher une intervention des alliés serait peut-être différent, parce qu'ils seraient mieux préparés à agir en ce sens.
Merci, monsieur le président.
Je vous remercie. Je vais poursuivre un peu dans la même veine que M. Chong.
Je n'oserais pas me hasarder à supposer de ce que les États-Unis pourraient faire n'importe quand ces jours‑ci. Cependant, j'aimerais en savoir un peu plus sur la réaction des États-Unis à ces incursions de drones dans l'espace aérien et aussi sur la réaction de la France, de l'Allemagne et du Royaume-Uni. Y a‑t‑il eu des réponses bilatérales de ces quatre partenaires, en plus de la réaction de l'OTAN, par l'entremise du secrétaire général?
Merci, monsieur le président. Je peux commencer, et j'invite M. Curran à ajouter ce qu'il voudra ensuite.
Je ne divulguerai rien de confidentiel, mais nous avons des indices clairs de la part des États-Unis, y compris du président Trump, concernant la perspective d'autres incursions. Il a dit que dans certaines circonstances, il ne verrait pas de problème à ce que les alliés abattent un avion russe.
Je vais m'arrêter là.
Je peux ajouter quelque chose, monsieur le président.
Nous avons vu des alliés, notamment des pays que vous avez nommés, fournir des avions de chasse et du soutien à Eastern Sentry, ce qui renforce l'effet de dissuasion sur le flanc est.
Parlez-moi davantage d'Eastern Sentry. Qu'est‑ce que cela implique? Quelle pourrait être la réponse du Canada dans ce contexte? Quelles demandes le Canada pourrait‑il recevoir dans ce cadre?
Je sais qu'il s'agit ici d'une situation hypothétique, mais faites de votre mieux.
Absolument, merci.
Estearn Sentry est une mission de l'OTAN conçue pour renforcer la réponse de l'OTAN le long du flanc est. Elle prévoit notamment l'utilisation d'avions de chasse, de radars et de capacités d'identification, et tout le soutien qui s'y rattache. De plus, cette mission fait intervenir les capacités et l'exploitation du quartier général, ce genre de choses.
En ce qui concerne la contribution du Canada, comme je l'ai mentionné précédemment, le Canada n'a pas, jusqu'à présent, fourni de capacités supplémentaires pour Estearn Sentry, bien que nous continuions d'évaluer la chose. J'aimerais toutefois souligner que notre soutien aux opérations générales de dissuasion le long du flanc est assez important, compte tenu des forces que nous déployons en Lettonie. Nous maintenons aussi une posture de dissuasion ici au Canada et en Amérique du Nord, dans le cadre du NORAD.
Et nous sommes fiers de le faire.
Nous nous intéressons surtout à ce qui se passe dans les pays baltes. Nous avons tendance à nous concentrer sur ces eaux. J'aimerais parler un peu de la mer Noire. Je me demande ce que nous y observons et ce à quoi nous réagissons. On parle ici de la Roumanie et de la Bulgarie. Il y a de l'activité dans la mer Noire. Il y a de l'exploitation minière. Il y a diverses choses qui se passent dans la mer Noire.
Pourriez-vous nous donner un peu de renseignements ou nous faire part de vos réflexions — sans rompre la confidentialité — sur les activités de la Russie de ce côté du continent?
Je peux commencer, monsieur le président.
Évidemment, nous avons observé, là encore, des violations de l'espace aérien par drones au‑dessus de la Roumanie. Il y a, le long du Danube, une zone où les drones empiètent souvent sur l'espace aérien roumain pour frapper l'Ukraine.
Dans la mer Noire elle-même, oui, il y a de l'activité, mais je dirais que depuis le début de la guerre, l'Ukraine réussit franchement remarquablement bien à neutraliser la flotte russe dans la mer Noire et à la repousser à l'ouest de Sébastopol. Elle le fait pour protéger l'Ukraine d'attaques maritimes d'aéronefs sans équipage, mais aussi pour la protéger d'attaques de missiles terrestres, comme nous l'avons vu lors du naufrage du Moskva. Nous avons également constaté, d'après des rapports de source ouverte, que des drones maritimes frappent à nouveau les ports pétroliers maritimes ou les sites de déchargement. C'est un théâtre très actif.
En conclusion, M. Poutine a probablement été pris au dépourvu en voyant que l'OTAN est plus forte qu'avant, et non plus faible. L'adhésion de la Suède et de la Finlande à l'OTAN a augmenté ses capacités. Je dis souvent aux gens de ces deux pays que nous avons plus à gagner de leur adhésion à l'OTAN qu'ils n'en ont gagné, dans un certain sens, en raison de leur énorme capacité militaire.
Je dirais aussi que nous avons des choses à apprendre de l'Ukraine. Nous avons offert de la formation en Ukraine, mais à partir de là, l'Ukraine a continué d'acquérir des capacités dont l'OTAN aura besoin à l'avenir. J'espère que notre gouvernement gardera la porte ouverte pour apprendre de l'Ukraine.
Merci.
Malheureusement, nous n'avons plus de temps.
Nous allons passer à la prochaine députée, Mme Rood.
Vous avez cinq minutes.
Merci beaucoup, monsieur le président.
Comment les représentants russes ont-ils répondu aux préoccupations soulevées par les représentants canadiens concernant les violations de l'espace aérien et d'autres tactiques déstabilisantes?
Comme je l'ai mentionné plus tôt, dans nos conversations avec l'ambassadeur de Russie, diverses raisons ou excuses ont été données. Premièrement, il a nié que cela s'était produit. Ensuite, il a dit que ce n'était pas la faute de la Russie; que les choses ont peut-être bloqué quelque part ou qu'il y a eu un problème accidentel. Nous voyons souvent, même dans les discours publics des responsables russes, un déni d'intention pour ces actions.
Merci beaucoup.
Que pense le gouvernement du Canada de l'utilisation par la Russie de tactiques déstabilisantes, comme le sabotage et les cyberactivités malveillantes?
Pouvez-vous répondre à cette question d'abord?
Nous avons mentionné plus tôt que la Russie est effectivement engagée sur tous ces fronts dans l'espace virtuel, contre les alliés et contre le Canada, cela ne fait aucun doute. Dans le domaine de la désinformation, cependant, il y a d'autres acteurs qui sont probablement plus actifs au Canada que la Russie.
C'est quelque chose que nous surveillons activement et sur lequel nous travaillons avec nos alliés et nos partenaires, pour contrer tout ce que nous pouvons.
Constatons-nous une hausse du recours à la propagande et à la désinformation dans les médias en langue russe, tant au Canada qu'à l'étranger? Le cas échéant, quelles stratégies sont mises en œuvre pour atténuer le problème? Est‑ce que cela touche les médias en langues officielles?
Malheureusement, je n'ai pas cette information. Ce n'est pas mon domaine d'expertise.
Je peux dire qu'à Affaires mondiales Canada, il y a une équipe consacrée au Mécanisme de réponse rapide qui a été lancé par le Canada pour le G7. Celui‑ci mobilise les pays du G7 ainsi que des organisations de l'OTAN et de l'Union européenne. Il surveille la désinformation et cherche à y remédier. Il s'occupe également de la surveillance des élections.
Je ne connais pas en détail le travail de cette équipe, mais il y a un élément actif au ministère qui se penche là‑dessus.
Merci beaucoup.
Quelles seraient la durée de vol, l'altitude, la charge utile ou la proximité des sites critiques limites pour que les forces aériennes alliées soient autorisées à intervenir sans autorisation politique supplémentaire?
J'ai quelques questions dans une perspective générale.
Y a‑t‑il des leçons que le Canada pourrait tirer de ces incidents en vue de pouvoir protéger ses propres infrastructures essentielles contre les incursions de drones?
Absolument. Dans le cas qui nous intéresse et à la lumière de ce que nous avons pu observer lors de la guerre elle-même en Ukraine, il y a de fortes chances que cela devienne un élément clé des conflits à venir.
De plus, comme on l'a vu au Danemark, les risques ne se limitent pas aux seules zones de conflit. Cela milite en faveur d'une capacité de réaction contre ces drones et autres véhicules aériens sans pilote, à la fois du point de vue de la frappe et de l'offensive directe, mais aussi par le truchement des radars et des autres dispositifs permettant de détecter et de contrer les menaces de cette nature.
Merci.
En terminant, car le temps va me manquer, quel message envoie‑t‑on aux alliés et aux adversaires en tolérant les violations de l'espace aérien souverain sans qu'il y ait de conséquences significatives?
Je dirais qu'en l'espèce, il y a bel et bien eu des conséquences. Tout au moins dans le premier cas, celui de l'espace aérien polonais, un certain nombre de drones ont été abattus. Deuxièmement, des alliés de l'OTAN ont invoqué l'article 4 deux fois en l'espace d'une semaine, ce qui a mené à une déclaration du Conseil de l'Atlantique Nord — s'appuyant sur l'approbation des 32 membres — pour condamner très fermement le comportement et les actions de la Russie, puis à la mise en place d'une nouvelle opération sous l'appellation Sentinelle de l'Est. Il faudra certes un peu de temps pour que le processus se mette pleinement en marche, mais on peut assurément parler d'une réponse assez robuste et rapide de la part de l'OTAN.
Merci.
J'ai peut-être une dernière question. Combien de temps faut‑il pour détecter et intercepter les drones qui traversent l'espace aérien des alliés?
Moi non plus, mais j'ajouterais simplement que les alliés ont la capacité d'intervenir en pareil cas.
Merci beaucoup. Je suis très heureuse de pouvoir profiter d'une autre série de questions.
J'aimerais simplement revenir sur vos réponses précédentes, et notamment sur le fait que la Russie ne revendique pas ces opérations. La question se pose tout particulièrement dans les cas où il subsiste un doute, comme ceux ciblant les aéroports. Pourquoi les Russes viseraient-ils une infrastructure comme l'aéroport de Copenhague? Quel est l'intérêt stratégique? Quel message enverraient-ils?
Enfin, pour quelle raison nieraient-ils leur responsabilité dans ces incursions?
Encore une fois, je spécule. Je ne connais pas leurs motivations, mais on pourrait facilement présumer que cela vise à provoquer une perturbation et à semer la peur au sein de la population. En niant toute responsabilité, on ne fait que brouiller les cartes et provoquer de nouvelles interrogations. Cela fait partie du discours russe dans un contexte hybride où l'on évite de se rendre jusqu'au conflit à proprement parler en se limitant à des actions qui visent simplement à distraire, à semer la crainte, etc.
Mon collègue a peut-être quelques autres pistes de réponse.
Divers experts ont fait remarquer que cela fait partie des stratégies dites hybrides pour lesquelles la Russie dispose d'une vaste trousse d'outils. Dans ce contexte, les Russes posent des gestes qui peuvent exercer une pression psychologique sur les populations et les gouvernements. Cela fait partie des efforts de déstabilisation qui peuvent prendre bien des formes différentes. Ce survol des aéroports, par exemple, est perturbateur en soi, mais aussi déstabilisant pour le gouvernement qui doit arriver à comprendre ce qui se passe et réagir en conséquence.
Comme on laisse planer un doute sur l'origine de ces incursions, devient‑il plus difficile de prendre les mesures de représailles qui s'imposent, ou est‑ce plutôt le contraire?
Est‑ce que de telles actions nécessiteraient en fait des mesures de représailles plus sévères si les Russes en revendiquaient la responsabilité, du fait qu'elles témoigneraient dès lors d'une hostilité beaucoup plus sentie?
Sur ce dernier point, il est certain que si les Russes déclaraient ouvertement qu'il s'agit de leurs drones, cela forcerait une réponse beaucoup plus rapide, alors qu'en niant toute responsabilité, on laisse un doute s'immiscer tout en ayant l'occasion, une fois de plus, de voir comment un gouvernement ou l'alliance réagit à ces défis.
Je suis désolé, mais puis‑je ajouter quelque chose?
Que la responsabilité de ces incidents soit revendiquée ou non, je pense qu'il est clair qu'une certaine escalade s'ensuit, ce qui justifie le renforcement des mesures dissuasives.
J'ajouterais aussi une chose, si vous me le permettez. Il est bien certain qu'à la suite de ces événements, les autorités danoises et norvégiennes et leurs alliés feront enquête pour tirer les choses au clair et en arriver à une conclusion plus définitive sur ce qui s'est passé.
Vous avez dit au tout début qu'un certain nombre de pays européens avaient réagi à de telles incursions. Je ne me souviens pas de quels cas il s'agissait exactement. Vous avez mentionné les Pays-Bas et l'Italie.
Comment un tel effort est‑il coordonné et dans quelle mesure ces États peuvent-ils se coaliser et réagir rapidement?
Dans le cadre de la réponse de l'OTAN, nous avons également ce qu'on appelle des missions de police aérienne. Comme il s'agit de nos alliés, le Canada y a contribué par le passé. Dans le cas de la Pologne, je crois que ce sont des avions de chasse italiens qui sont intervenus, ainsi que certains autres des Pays-Bas, qui menaient des missions de police aérienne. Cela s'inscrit dans notre réponse globale.
J'allais dire exactement la même chose au sujet de la police aérienne dans les pays baltes, mais l'OTAN mène également des activités semblables dans d'autres régions le long de son flanc oriental, dans l'Adriatique, dans les Balkans occidentaux, en Islande et au Benelux. Les alliés y effectuent des missions de deux à quatre mois en se déployant dans différentes bases. Ils sont alors responsables de la protection de l'espace aérien dans ces régions.
Vous avez dit que le Canada participe à ces missions. Si c'était des Canadiens qui avaient surveillé les secteurs visés en l'espèce, peut‑on imaginer que ce seraient eux qui auraient procédé aux interceptions?
Nous avons déjà participé à des missions de police aérienne en Roumanie, en Lettonie et en Islande. Nous ne le faisons pas actuellement, mais, si tel avait été le cas, nous aurions effectivement pu être appelés à intervenir.
[Français]
Merci, monsieur le président.
Monsieur Curran, j'aimerais entendre ce que vous avez à dire sur les capacités des drones. Avons-nous conçu des drones capables de voler pendant une longue durée dans des conditions nordiques, comme celles de l'Arctique et du Grand Nord canadien?
Il est sûr que des drones sont capables de le faire. Certaines industries canadiennes produisent ce genre de drones de longue portée, ce qui peut aider sur le plan de la logistique, et ainsi de suite. Par exemple, le drone RQ‑8 est très capable de le faire.
Peut-être que mon collègue a des points à ajouter à ce sujet.
Je veux simplement signaler que les Forces armées canadiennes sont en train d'acquérir des drones RQ‑8 de longue portée. Je pense qu'elles ont déjà signé un contrat. Ce sont des drones américains, mais ceux-ci sont spécifiquement conçus pour aider à la surveillance dans l'Arctique.
En 2022, l'Aviation royale canadienne avait parlé de problèmes potentiels pour les drones en raison de la glace, de la température et des limites de la couverture satellitaire pour ces régions. Avons-nous amélioré nos infrastructures satellitaires, notamment, et la capacité de ces drones à survivre dans des conditions hivernales? La durée de charge des batteries représente un enjeu.
Sous réserve de ce que pourrait ajouter mon collègue, je ne suis pas au courant de la question concernant la couverture satellitaire. Toutefois, je sais que les Forces armées canadiennes, en plus des drones RQ‑8 qui sont effectivement adaptés pour l'hiver, sont également en train d'acquérir des avions P‑8 Poseidon de patrouille maritime de longue portée et de longue durée pour être capables d'assurer la surveillance dans l'Arctique.
Vous avez dit que ce seraient des drones américains. Y a-t-il eu des démarches pour voir si une technologie canadienne pourrait être utilisée et si ces drones pourraient être produits par le Canada? Évidemment, dans le contexte diplomatique un peu tendu, disons, avec les Américains, le fait de posséder ces données peut-il poser problème à moyen ou à long terme?
[Traduction]
Merci, monsieur le président.
J'aimerais revenir à la réponse de l'OTAN à des fins de dissuasion. Au cours des dernières semaines, la quantité de menaces en provenance de la Russie a grimpé en flèche. On ne sait plus où donner de la tête. Il y a eu des drones au‑dessus de l'espace aérien polonais et roumain. Des chasseurs MiG russes ont violé l'espace aérien estonien. Un avion russe a frôlé un navire naval allemand dans la mer Baltique. Il semblerait que des drones russes aient survolé des aéroports à Oslo et à Copenhague. Tout récemment, au cours des dernières heures, des drones ont également été signalés dans le ciel d'autres aéroports de la région.
Comme M. Oliphant l'a mentionné, cela vient s'ajouter au bris de câbles de communication desservant les États baltes et la Finlande dans la mer Baltique. La Norvège a récemment déclaré que des pirates russes étaient entrés par effraction dans les salles de contrôle d'un barrage norvégien pour en ouvrir les vannes avant que les Norvégiens puissent en reprendre le contrôle, quatre heures plus tard. Les Russes font de l'ingérence étrangère aussi bien ici en Amérique du Nord que dans les États européens.
En toute franchise, la réponse de l'OTAN me semble loin d'être cohérente et complète. Je ne comprends pas notre stratégie de dissuasion face à ces incursions répétées dans l'espace aérien de l'OTAN, et je ne suis pas le seul. Je viens de jeter un coup d'œil à certains des grands titres d'aujourd'hui. CBC fait valoir que Poutine nargue l'OTAN avec ses drones et ses avions pendant que l'alliance militaire tarde à déployer sa réponse. CNN titre pour sa part que l'OTAN est divisée quant la façon de réagir aux incursions russes à répétition.
Nous sommes l'un des membres fondateurs occupant une place de choix au sein de l'OTAN. Que faisons-nous pour clarifier notre position sur ces incursions et rétablir une posture de dissuasion?
Comme nous l'avons souligné précédemment, il s'agit d'incursions graves et irresponsables, c'est d'ailleurs ainsi que les 32 alliés les ont dénoncées publiquement en procédant à deux consultations en vertu de l'article 4 et à une déclaration du Conseil de l'Atlantique Nord, en plus de mettre en place un certain nombre de nouvelles mesures dans le cadre de l'opération Sentinelle de l'Est.
Je rappelle que nous avons vu par le passé un certain nombre d'incidents impliquant des infrastructures sous-marines essentielles. L'alliance a alors mis en place une Sentinelle de la Baltique, et nous avons depuis constaté une diminution des gestes semblables.
Nous en sommes encore aux premières étapes de notre réponse. Le SACEUR a déjà indiqué qu'il disposait des outils et des pouvoirs nécessaires. Il a simplement besoin de plus de ressources, et les alliés lui en fournissent. Le problème, c'est que l'OTAN est une organisation fortement axée sur le côté conventionnel des choses. On y accomplit un certain travail du point de la cybersécurité et des opérations hybrides, mais certaines des options de réponse dans une partie de ces secteurs ne sont pas du ressort de l'OTAN.
Si je me souviens bien, il y a environ 10 ans, un pays membre de l'OTAN a abattu un avion de chasse russe qui violait l'espace aérien de l'OTAN, et les Russes en ont pris leur parti. Ils étaient contrariés, évidemment, mais ils ont reconnu tacitement avoir violé l'espace aérien de cet État membre de l'OTAN.
Encore une fois, il ne semble pas y avoir dans l'ensemble de l'alliance une réponse coordonnée à ces violations de notre espace aérien. Il est difficile de créer un effet dissuasif lorsque la posture n'est pas claire.
Je sais que la Turquie a abattu un avion russe par le passé, mais le contexte actuel est différent. Il y a une guerre qui fait rage en Ukraine. Le haut commandement et l'alliance détermineront en temps et lieu ce qu'ils doivent faire et à quel moment.
À titre d'exemple, la violation de l'espace aérien estonien ne s'est produite que quelques jours après une consultation initiale en vertu de l'article 4, ce qui aurait probablement pu être considéré comme une escalade très grave. Les autorités ont décidé de ne pas abattre l'appareil en question. Ce sont de simples hypothèses. Je ne devrais pas spéculer ainsi, mais je le fais. Cependant, les alliés ont depuis réaffirmé très fermement leur désir d'assurer collectivement la défense de leur territoire.
Merci beaucoup, monsieur le président.
Je vais revenir brièvement sur les commentaires de M. Chong.
Je sais que la réponse de l'OTAN sera déterminée par le commandement de l'OTAN et par le SACEUR, en fonction de nos capacités. Je suis d'ailleurs pas mal certain que l'on discute en ce moment même des différentes options. Même si les médias ont très hâte que les choses bougent, je ne m'attends à ce que l'OTAN commence à lancer des ultimatums. Je pense que ce sera une réponse réfléchie et nuancée, mais j'ai pleinement confiance en la capacité de réponse de ce commandement et du SACEUR. Je pense qu'il est important que nous soyons patients et que nous les laissions trouver une solution, car il est clair que les Russes testent nos réactions.
Par contre, il y a un autre élément qui a changé de façon assez marquée au cours des deux dernières semaines. Nous avons ainsi pu entendre les États-Unis, et leur président tout particulièrement, y aller d'une déclaration suivant laquelle on envisage d'imposer des droits de douane aux pays qui achètent de l'énergie à la Russie. Une telle mesure minerait considérablement la capacité des Russes à continuer de renforcer leur armée. La menace de ces droits de douane peut également avoir des répercussions sur le Canada. Nous entretenons aussi des relations commerciales avec certains des pays concernés. Je pense que si vous avez une idée de l'incidence que cela pourrait avoir, cela nous intéresserait.
De plus, dans son discours à l'Assemblée générale des Nations unies, le président américain a indiqué, pas plus tard que cette semaine, un changement très important par rapport à la position de départ de son pays. Il a ainsi déclaré qu'il appuyait le rétablissement de l'intégrité territoriale initiale de l'Ukraine en incluant tous les territoires qui ont été saisis et occupés par la Russie. C'est un changement très important. Je pense que c'est quelque chose que l'OTAN doit envisager.
Je me demande si notre ministre des Affaires mondiales et notre gouvernement ont déterminé quelle serait la réponse appropriée à ce changement de position annoncé par le président américain.
Je vous remercie de la question.
Vous avez raison de souligner que le président des États-Unis a annoncé publiquement un changement très important.
Nous continuerons certes de travailler en étroite collaboration avec les États-Unis pour essayer d'en arriver à une solution pacifique en Ukraine, et ce, bien que nous ayons vu la Russie réagir avec de plus en plus de virulence, même à la suite de la rencontre du président Poutine avec le président Trump en Alaska. De toute évidence, les Russes ne semblent pas prêts à engager un dialogue constructif.
Il y a certainement une conversation entre les alliés — au sein du G7 — quant aux moyens à prendre pour accroître la pression sur la Russie. Nous savons que des sanctions mises en place en coordination avec d'autres partenaires ont une incidence sur l'économie russe. La Russie commence à éprouver certaines difficultés. L'inflation est élevée. Il est difficile pour elle d'acheter certaines choses, et elle doit alors s'en remettre à d'autres partenaires.
Nous n'ignorons pas que le pétrole et le gaz continuent d'être une source importante de revenus pour l'économie russe. C'est pourquoi nous examinons d'autres options, dans le cadre de notre présidence du G7, pour réduire les revenus pétroliers de la Russie. Nous savons que les sanctions entraînent une perte de ressources à long terme pour la Russie, ce qui nuit à son potentiel de croissance.
J'ajouterai peut-être une chose. Lorsque nous considérons l'éventail d'options d'intervention s'offrant à nous dans ce contexte, il ne faut pas oublier que notre soutien à l'Ukraine fait partie de l'équation. Tous les partenaires pouvant contribuer à ce soutien sont les bienvenus, et je pense que l'aide militaire fournie par le Canada s'inscrit dans la réponse que nous sommes en mesure de déployer en l'occurrence.
Merci beaucoup.
Je comprends qu'il y a eu un changement de position très important de la part des États-Unis, et cela prendra un certain temps.
Il y a une dernière chose que je voudrais savoir. L'OTAN déclare depuis longtemps qu'elle défendra chaque mètre carré de son territoire. Dans ce contexte, je pense qu'il faut reconnaître les limites à la capacité de réaction de l'OTAN lorsque, par exemple, un avion survole l'Estonie pendant un certain temps. Ainsi, les avions de l'OTAN ne sont pas tous stationnés à la frontière estonienne, mais plutôt à une certaine distance de là. Il faut plus de temps pour détecter la menace et y réagir. Si les Russes n'ont été là que 12 minutes avant de s'en retourner d'où ils étaient venus, l'OTAN ne pouvait pas nécessairement réagir. Il n'en demeure pas moins que notre réponse peut s'articuler de différentes manières qui, je pense, ont été clairement indiquées.
En ce qui concerne cette capacité, je pense qu'il serait très utile que vous nous donniez une idée du temps qu'il faudrait pour réagir dans une telle éventualité. Soit dit en passant, je crois que c'est en quelque sorte lié au fait que certains pays se sont retirés de la Convention d'Ottawa, parce que nos alliés de l'OTAN, en particulier à la frontière orientale avec la Russie, sont désormais très désireux de pouvoir ralentir toute incursion potentielle.
J'estime que la question du délai de réponse est importante, et vous pourriez peut-être nous donner une idée des limites à ce chapitre.
Je vous remercie de la question.
Il est certain que les délais d'intervention de l'OTAN sont confidentiels. Cela pourrait bien faire partie des renseignements que les Russes cherchent à obtenir. Je suppose que je pourrais simplement vous dire à ce sujet que l'OTAN maintient une solide capacité d'intervention.
Pour répondre aux questions posées précédemment quant à la manière dont cette réponse devrait s'articuler, je pense qu'une certaine capacité d'intervention a toujours été maintenue par le haut commandement, mais qu'elle est maintenant accrue en réponse à ces incursions.
Merci beaucoup.
Cela nous amène à la fin de la quatrième série de questions.
Si des députés ont d'autres questions à poser, ils peuvent le faire maintenant.
Monsieur Lemire, à vous la parole. Vous pouvez poser une ou deux questions.
[Français]
Merci.
Monsieur Curran, est-ce que vous avez des renseignements sur les capacités de la Russie en matière de drones et d'avions de chasse, particulièrement dans des conditions hivernales? Les capacités de la Russie à cet égard sont-elles plus avancées que celles du Canada? Est-ce que la Russie possède une technologie adaptée aux conditions nordiques? Vous avez dit tantôt que nous étions en train de développer une telle technologie. Qu'en est-il de la Russie?
C'est une bonne question.
Il est sûr que la Russie a augmenté ses capacités en matière de drones pendant la guerre en Ukraine. C'est pourquoi nous travaillons avec l'Ukraine afin d'apprendre de ses expériences et d'augmenter les capacités de réponse des Forces armées canadiennes. Nous encourageons aussi notre industrie à travailler avec les producteurs ukrainiens pour augmenter ses capacités. Nous pouvons tous en bénéficier.
Qu'en est-il de l'aspect nordique? Certes, l'hiver existe en Ukraine, mais il est moins rigoureux qu'ici. Est-ce que vous avez des données sur l'aspect hivernal en particulier?
Nous travaillons avec nos alliés en Arctique aussi. C'est une occasion qui s'offre à l'industrie du Canada, mais aussi à celle de nos alliés. Ce n'est pas qu'une question de climat, par ailleurs. Il y a aussi les contre-mesures électroniques et la chasse, notamment. Nous essayons de tirer des leçons par rapport à ces différents aspects afin d'augmenter nos capacités.
Les invasions dont il a été question aujourd'hui ont fait l'objet d'une importante couverture médiatique en Europe et en Amérique. Qu'en est-il de la Russie? Comment les médias russes ont-ils caractérisé ces incidents? Est-ce qu'il y a eu une couverture médiatique, ou est-ce qu'on a évité d'en parler? Est-ce qu'il y a eu une forme de propagande du gouvernement russe à ce sujet?
En Russie, la guerre en Ukraine n'est pas une guerre, mais une mission spéciale militaire. On sait que peu de médias en rapportent les développements. Quant aux incidents en particulier dont il est question ces dernières semaines, je dois admettre que je ne sais pas ce qui est dit dans la presse russe présentement. Ça ne me surprendrait pas qu'il n'y ait pas grand-chose.
[Traduction]
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