La procédure et les usages de la Chambre des communes
Sous la direction de Robert Marleau et Camille Montpetit
Édition 2000Plus d’informations …

8. Le cycle parlementaire

Ouverture d’une législature et d’une session

Convocation du Parlement

L’article 38 de la Loi constitutionnelle de 1867 autorise la convocation du Parlement : « Le gouverneur général convoquera, de temps à autre, la Chambre des Communes au nom de la Reine, par instrument sous le grand sceau du Canada. »

Cet « instrument » prend la forme de deux types de proclamation du gouverneur général faites sur la recommandation du premier ministre [12]  qui paraissent dans la Gazette du Canada. La première fixe la date à laquelle le Parlement est convoqué (cette date peut être devancée ou retardée par la suite). Conformément au principe de la continuité du Parlement, selon lequel une session se termine en prenant des dispositions pour la suivante, la proclamation se fait à la fin d’une session. La deuxième confirme la date et fixe l’heure à laquelle le Parlement est convoqué pour entreprendre ses travaux. Avant l’ouverture de la première session de la 36e législature, par exemple, il y a eu une série de proclamations pour convoquer le Parlement : d’abord pour le 23 juin 1997, puis pour le 1er août et, plus tard, pour le 29 août. Le 27 août, une dernière proclamation convoquait une réunion du Parlement « pour L’expédition des affaires » à 11 heures le 22 septembre 1997 [13] .

Cérémonie d’ouverture

L’ouverture d’une législature coïncide avec celle de sa première session. Deux choses — l’assermentation des députés et l’élection du Président — distinguent cette cérémonie de l’ouverture des sessions suivantes.

Assermentation des députés

Après une élection générale, le Greffier de la Chambre reçoit du directeur général des élections la liste des députés élus à la Chambre des communes [14] . Avant de pouvoir prendre leur place à la Chambre, les députés élus doivent, selon la Loi constitutionnelle de 1867, prêter le serment d’allégeance [15] . Ils peuvent cependant, s’ils préfèrent, remplacer le serment d’allégeance par une affirmation solennelle [16] .

L’assermentation ou l’affirmation solennelle se fait devant le Greffier de la Chambre ou un commissaire désigné [17] . Les députés qui viennent d’être assermentés signent alors le registre d’assermentation, dont chaque page porte au haut le texte du serment ou de l’affirmation solennelle. De nos jours, il est de pratique courante d’assermenter les députés avant la journée d’ouverture, une fois que le Greffier a reçu du directeur général des élections les certificats des rapports d’élection [18] .

Le chapitre 4, « La Chambre des communes et les députés », examine de plus près tout ce qui touche le serment, l’affirmation solennelle et la signature du registre d’assermentation.

Élection du Président

L’article 44 de la Loi constitutionnelle de 1867 dispose que l’élection du Président est le premier point à l’ordre du jour lorsque les députés s’assemblent après une élection générale. Le Règlement précise le mode d’élection du Président [19] . Le jour fixé par proclamation pour l’ouverture d’une nouvelle législature, la sonnerie d’appel invite les députés à s’assembler dans la Chambre, où ils accueillent l’huissier du bâton noir [20] , qui lit un message sollicitant la présence immédiate des députés dans la salle du Sénat.

Les députés forment un cortège derrière le Greffier de la Chambre et se rendent au Sénat où un suppléant du gouverneur général [21]  est assis au pied du Trône, et le Président du Sénat s’adresse aux députés de la part du suppléant pour les informer que « le suppléant […] ne juge pas indiqué d’annoncer les raisons pour lesquelles il (elle) a convoqué le présent Parlement du Canada tant que le Président de la Chambre n’aura pas été élu conformément à la Loi […] [22]  ». Il s’ensuit que le discours du Trône ne sera pas lu tant qu’un Président n’aura pas été élu. Les députés retournent alors à la Chambre et engagent le processus d’élection d’un président de séance. (Pour plus de détails sur l’élection du Président, voir le chapitre 7, « Le Président et les autres présidents de séance de la Chambre ».)

Présentation du Président au gouverneur général

Après l’élection du Président, à l’heure prévue pour assister à l’ouverture officielle de la législature par la lecture du discours du Trône, la Chambre accueille à nouveau l’huissier du bâton noir, qui transmet le message du gouverneur général invitant la Chambre à se rendre au Sénat [23] . Un cortège se forme, l’huissier du bâton noir en tête, suivi du sergent d’armes (qui porte la masse), du Président, du Greffier et des députés. Arrivé à la barre du Sénat, le Président nouvellement élu monte sur une petite estrade, enlève son chapeau et reçoit les hommages du gouverneur général, assis sur le Trône [24] . Le Président s’adresse au gouverneur général selon une formule établie :

Qu’il plaise à Votre Excellence,

La Chambre des communes m’a élu Président, bien que je sois peu capable de remplir les devoirs importants qui me sont par là assignés. Si, dans l’exécution de ces devoirs, il m’arrive jamais de faire une erreur, je demande que la faute me soit imputée et non aux Communes, dont je suis le serviteur et qui, en vue de s’acquitter le mieux possible de leurs devoirs envers la Reine et le pays, réclament humblement, par ma voix, la reconnaissance de leurs droits et privilèges incontestables, notamment la liberté de parole dans leurs débats ainsi que l’accès auprès de la personne de Votre Excellence en tout temps convenable, et demandent que Votre Excellence veuille bien interpréter de la manière la plus favorable leurs délibérations [25] .

Au nom du gouverneur général, le Président du Sénat fait la réponse traditionnelle [26]  :

Monsieur le Président, Son Excellence, le(la) Gouverneur(e) général(e), me charge de vous dire que, ayant pleine confiance dans le loyalisme et l’attachement de la Chambre des communes envers la personne et le gouvernement de Sa Majesté, et ne doutant nullement que ses délibérations seront marquées au coin de la sagesse, de la modération et de la prudence, il(elle) lui accorde et, en toutes occasions, saura reconnaître ses privilèges constitutionnels. J’ai également ordre de vous assurer que les Communes auront, en toute occasion convenable, libre accès auprès de Son Excellence, et que leurs délibérations ainsi que vos paroles et vos actes seront toujours interprétés par lui(elle) de la manière la plus favorable [27] .

La revendication des privilèges par le Président au nom de la Chambre ne se produit qu’à l’ouverture de la législature, et n’est pas répétée lorsqu’un nouveau Président est élu en cours de législature [28] . Après la revendication des privilèges, la lecture du discours du Trône ouvre officiellement la session.

Ouverture d’une Session

L’assermentation des députés et l’élection du Président sont ce qui distingue la convocation d’une nouvelle législature pour l’ouverture de sa première session; il n’y a pas de cérémonies préliminaires à la Chambre lors des sessions subséquentes. La lecture du discours du Trône marque l’ouverture d’une session, qu’il s’agisse de la première ou d’une session subséquente. À chaque ouverture d’une session, la Chambre se réunit en assemblée et, le Président installé dans le fauteuil, elle accueille l’huissier du bâton noir et se rend en temps utile au Sénat pour la lecture du discours du Trône.

Le discours, avant lequel aucune des deux chambres ne peut amorcer ses travaux, expose les raisons pour lesquelles le Parlement a été convoqué [29] . Il marque la première fois où les trois organes du Parlement — la Chambre des communes, le Sénat et le souverain ou son représentant — se trouvent réunis.

Ouverture par le souverain

Lorsque le souverain ouvre une session, comme en 1957 et en 1977, le message communiqué à la Chambre par l’huissier du bâton noir se lit ainsi : « Monsieur (Madame) le Président, la Reine (le Roi) ordonne à cette honorable assemblée de se rendre immédiatement auprès de Sa Majesté dans la salle de l’honorable Sénat [30]  ».

Ouverture par le gouverneur général

Lorsque le gouverneur général donne lecture du discours du Trône [31] , comme cela se fait d’habitude, l’huissier du bâton noir porte un message comme quoi Son Excellence le gouverneur général du Canada exprime le désir que les Communes se rendent immédiatement au Sénat [32] .

Ouverture par l’administrateur

En cas de décès, d’incapacité, de renvoi ou d’absence du pays du gouverneur général, le juge en chef du Canada exerce les pouvoirs de sa charge. Celui-ci devient alors l’administrateur du gouvernement du Canada [33] . Il est arrivé que l’administrateur lise le discours du Trône [34] . Le message transmis à la Chambre par l’huissier du bâton noir est alors le suivant : « Son Excellence l’Administrateur désire la présence immédiate de cette honorable Chambre dans la salle des séances de l’honorable Sénat [35]  ».

Discours du thrône et délibérations à la Chambre

Le discours du Trône expose habituellement de façon assez détaillée les vues du gouvernement sur l’état du pays et donne une indication de son programme législatif. Après avoir entendu le discours, le Président et les députés retournent à la Chambre. S’il s’agit de la première session d’une nouvelle législature, le Président qui vient d’être élu aura prononcé la déclaration traditionnelle par laquelle il réclame au nom de la Chambre ses « droits et privilèges incontestables ». Le Président en fait rapport à la Chambre dès son retour du Sénat [36] , puis l’on passe à l’ordre du jour de la séance.

La Chambre règle normalement certaines affaires le premier jour d’une session; les voici présentées dans l’ordre où elles sont normalement abordées. On remarquera qu’il se produit parfois des exceptions.

Formalités

Projet de loi fictif :
Avant d’entreprendre l’examen du discours du Trône, la Chambre passe à la première lecture du projet de loi fictif C-1, Loi concernant la prestation de serments d’office [37] . Habituellement déposé par le premier ministre, ce projet de loi n’est pas repris après la première lecture. Il a pour objet d’affirmer l’indépendance de la Chambre des communes et son droit de choisir ses propres affaires et de délibérer sans se préoccuper des raisons de sa convocation exposées dans le discours du Trône [38] .
Rapport sur le discours du Trône :
Le Président fait rapport à la Chambre sur le discours du Trône et l’informe que pour « éviter les erreurs » il en a obtenu le texte, qui paraît dans les Débats [39] . Une motion est ensuite proposée, habituellement par le premier ministre, et adoptée en vue d’examiner le discours du Trône « plus tard dans la journée » ou à une date ultérieure [40] , et le débat s’engage alors sur une motion relative à une adresse en réponse au discours du Trône (pour plus d’information sur l’Adresse en réponse au discours du Trône, voir le chapitre 15, « Les débats spéciaux »).

Motions et annonces habituelles de la Journée d’ouverture

La Chambre s’occupe traditionnellement d’autres affaires après le discours du Trône. En voici un aperçu, dans l’ordre où elles sont habituellement abordées.

Bureau de régie interne :
Le Président peut annoncer à la Chambre le nom des députés nommés pour la durée de la législature au Bureau de régie interne, l’organisme chargé de toutes les questions de politique administrative et financière qui concernent la Chambre [41] .
Composition des comités permanents :
Au début de la première session de chaque législature, les membres du Comité permanent de la procédure et des affaires de la Chambre sont nommés et chargés de choisir les membres de tous les comités permanents et comités mixtes permanents [42] . Cela se fait au moyen d’une motion proposée sans préavis par un ministre, qui est habituellement le leader parlementaire du gouvernement [43] .
Élection des autres présidents de séance :
Au début d’une législature, le président des comités pléniers (qui est également vice-président de la Chambre) est choisi pour la durée de la législature [44] . Un membre du parti ministériel (habituellement le premier ministre) propose sans préavis qu’un député donné, qui est habituellement de la même formation [45], soit président des comités pléniers. Les vice-président et vice-président adjoint des comités pléniers sont aussi choisis de cette manière [46] ; leur mandat s’étend pour la durée de la session en cours (pour plus d’information sur les rôles et fonctions des présidents de séance, voir le chapitre 7, « Le Président et les autres présidents de séance de la Chambre [47] »). En général, ces motions sont adoptées sans dissidence [48] .
Ordre des subsides :
Le Règlement exige qu’au début de chaque session la Chambre établisse par motion un Ordre du jour permanent pour l’étude des travaux des subsides [49] . Cela donne suite au passage habituel du discours du Trône par lequel les députés sont informés qu’ils auront également « à voter les crédits nécessaires pour financer les services et les dépenses autorisés par le Parlement [50]  ». La motion est habituellement libellée ainsi : « Que cette Chambre prenne en considération à sa prochaine séance les travaux des subsides ». Une fois la motion adoptée, un ordre permanent d’examen des subsides est inscrit au Feuilleton sous la rubrique des « Ordres émanant du gouvernement » et toute question de crédits sur laquelle la Chambre doit se pencher pendant la session apparaîtra sous cette rubrique au Feuilleton.

Autres affaires

À l’occasion, d’autres affaires ont été abordées un jour d’ouverture. Par exemple, en 1996, le premier jour d’une nouvelle session, une fois terminées toutes les autres questions habituelles, le Président Parent a répondu à un rappel au Règlement soulevé au cours de la session antérieure [51] .

Vacances :
Le Président est informé, lorsque le cas se présente, qu’un député a abandonné son siège à la Chambre. Lorsque cela se produit avant l’ouverture de la session (qu’il s’agisse de la première session d’une législature ou d’une session ultérieure), le Président en informe la Chambre au cours des délibérations de la journée [52] .
Nouveaux députés :
Il est arrivé que des députés élus lors d’élections partielles avant l’ouverture d’une session fassent leur entrée à la Chambre le premier jour d’une nouvelle session [53] .
Hommages :
Lorsqu’un député, un ancien député ou une personnalité distinguée est morte pendant que la Chambre ne siégeait pas, on lui a rendu hommage le premier jour de la nouvelle session, le plus souvent juste après l’adoption de la motion visant l’étude du discours du Trône [54] . De tels hommages ont aussi été rendus au début d’une session, mais pas dans le cadre des délibérations de la journée d’ouverture [55] .
Nomination des hauts fonctionnaires de la Chambre :
Lorsque des hauts fonctionnaires de la Chambre sont nommés pendant l’intersession, le Président a coutume d’en informer la Chambre le premier jour d’une nouvelle session [56] .

Sessions « spéciales »

Un petit nombre de sessions (voir figure 8.1) ont été qualifiées de « spéciales » dans les Débats ou Journaux de la Chambre des communes. Du point de vue de la procédure, une session dite « spéciale » n’a rien de spécial. Les éléments d’ouverture et de clôture requis sont les mêmes. Si la session spéciale est la première d’une législature (comme cela s’est produit en 1930), la Chambre doit d’abord élire un Président.

Figure 8.1 – Sessions désignées comme « spéciales » dans les Débats ou Journaux de la Chambre des communes
Image affichant la liste des sessions parlementaires désignées comme « spéciales » dans les Débats et les Journaux de la Chambre des communes. Il y a cinq rangées et cinq colonnes. Chaque rangée correspond à une session spéciale et affiche : dans la première colonne, le numéro de la législature et de la session; dans la deuxième colonne, le jour d’ouverture de la session; dans la troisième colonne, le dernier jour de séance; dans la quatrième colonne, le nombre de jours de séance; et dans la cinquième colonne, l’objet précis de la session spéciale.

On remarquera que les sessions « spéciales » ont été de courte durée. Elles ont aussi eu quelques caractéristiques en commun. Pourtant, d’autres sessions de courte durée, bien que non désignées officiellement comme « spéciales » dans les Débats ou Journaux de la Chambre des communes, ont partagé également les mêmes caractéristiques :

  • Le Parlement a été convoqué dans un but précis, qui était le thème principal de ce qui a été dans chaque cas un discours du Trône relativement bref [57] ;
  • Les cinq sessions « spéciales » ont eu lieu à une époque où de manière générale les sessions étaient plus courtes et alternaient à un rythme assez imprévisible avec les intersessions; elles ont toutes été convoquées à la fin de l’été ou à l’automne, à des moments de l’année où la Chambre ne siégeait pas d’habitude [58] ;
  • À chacune des sessions « spéciales », la Chambre a approuvé la suspension temporaire de certains articles du Règlement afin d’accélérer ses travaux [59] .

Veuillez noter —

Comme les règles et les usages de la Chambre des communes sont sujets à changement, nous tenons à préciser que la version en ligne ici présentée correspond à l’édition de janvier 2000 de l’ouvrage imprimé. Par conséquent, l’évolution des usages et les modifications apportées au Règlement depuis n’y sont pas illustrées. Les annexes, elles, sont cependant à jour et vont jusqu’à la fin de la 38e législature, en novembre 2005.

Afin de vous assurer des règles et usages en vigueur, veuillez consulter la plus récente version du Règlement sur le site Web du Parlement du Canada.

Pour en savoir plus sur les procédures de la Chambre des communes, prière de communiquer avec la Direction des recherches pour le Bureau au (613) 996-3611 ou bien envoyer un courriel à trbdrb@parl.gc.ca.