La procédure et les usages de la Chambre des communes
Sous la direction de Robert Marleau et Camille Montpetit
Édition 2000Plus d’informations …

11. Les questions

Les questions écrites

Alors que les questions orales sont posées sans préavis sur des sujets jugés urgents, les questions écrites sont inscrites au Feuilleton, après avis, dans le but d’obtenir du gouvernement des renseignements détaillés ou techniques concernant « quelque affaire publique » [167] . La règle précise que les députés peuvent poser des questions à d’autres députés sur un projet de loi, une motion ou une autre affaire publique relative aux travaux de la Chambre qui peuvent les intéresser. Nonobstant cette règle, ces demandes de renseignements transmises par écrit sont habituellement adressées aux ministres. Le Règlement semble plutôt muet sur la façon dont on devrait répondre aux questions adressées aux députés. En fait, il n’est jamais arrivé qu’une question écrite soit adressée à un député. Toute tentative de ce genre irait à l’encontre des usages établis et du but même des questions posées au gouvernement.

Historique

Dès 1867, les règles de la Chambre des communes permettaient de poser des questions écrites au gouvernement et aux députés [168] . La règle d’alors, qui était pratiquement identique à la disposition actuelle du Règlement, précisait, comme c’est encore le cas, que les questions peuvent être adressées aux députés comme aux ministres, mais on constate que les questions ont été dès le début adressées aux ministres [169] . Cet usage, qui s’est maintenu jusqu’à aujourd’hui, a été périodiquement renforcé par des ajouts au Règlement mentionnant la façon de répondre aux questions inscrites au Feuilleton; dans chaque cas, on semble supposer que ces questions s’adressent à des ministres [170] .

Entre 1867 et 1896, lorsqu’une question écrite était mise en délibération, le député qui l’avait fait inscrire au Feuilleton se levait pour la lire et le ministre responsable donnait ensuite une réponse. Quand la question était mise en délibération et une réponse était fournie, l’échange était imprimé au complet dans les Débats; aucune question supplémentaire n’était permise [171] . Toute question mise en délibération et restant sans réponse était automatiquement rayée du Feuilleton et le député devait la faire inscrire de nouveau s’il souhaitait toujours obtenir une réponse [172] .

En 1896, la pratique a été modifiée afin de raccourcir la période de temps consacrée à l’étude des questions écrites. Un processus de numérotation des questions a été mis en place pour que le député n’ait plus à lire la question au complet lorsqu’elle est appelée [173] . En 1906, les questions écrites nécessitant de longues réponses pouvaient être reportées sans débat à une autre rubrique du Feuilleton comme avis de motion [174] . Cette règle a été adoptée parce que l’on croyait que la Chambre consacrait beaucoup trop de temps à la lecture des réponses aux diverses questions. À l’époque, les questions qui avaient été mises en délibération, mais auxquelles on n’avait pas répondu pouvaient, à la demande du gouvernement et avec le consentement des députés concernés, demeurer inscrites au Feuilleton et y garder leur rang plutôt que d’en être automatiquement rayées [175] . En 1910, les règles ont été modifiées afin de permettre aux ministres de faire paraître leurs réponses dans les Débats comme si elles avaient été lues à la Chambre; les députés qui souhaitaient obtenir une réponse orale à une question écrite pouvaient le faire en marquant leurs questions d’un astérisque. En outre, une nouvelle règle permettait au gouvernement de déposer des réponses longues ou détaillées. Ces réponses ont été appelées « ordres de dépôt de documents [176]  ». Dans la plupart des cas, les documents étaient déposés immédiatement après l’adoption de l’ordre. Ces réponses devenaient des documents parlementaires et n’étaient pas imprimées dans les Débats.

La façon de répondre aux questions écrites a changé relativement peu jusqu’en 1963, lorsque le processus a été une autre fois amélioré afin de permettre à la Chambre d’examiner précisément les questions pour lesquelles le gouvernement était prêt à répondre publiquement. La Chambre pouvait dorénavant examiner seulement les questions auxquelles le gouvernement répondrait ce jour-là plutôt que de procéder à l’appel de toutes les questions écrites inscrites au Feuilleton. Une fois que cela était fait, le gouvernement demandait que toutes les autres questions demeurent inscrites au Feuilleton [177] . En 1986, la Chambre a convenu de limiter à quatre le nombre de questions que chaque député pouvait faire inscrire au Feuilleton en même temps [178] , dont trois auxquelles on pouvait répondre oralement à la Chambre [179] , tout en codifiant le droit des députés d’exiger une réponse à une question écrite dans les 45 jours civils suivant son dépôt [180] . En 1991, les règles ont été une nouvelle fois modifiées afin de permettre aux députés dont les questions étaient demeurées sans réponse après le délai de 45 jours de soulever ce sujet au moment du débat d’ajournement [181] .

Lignes directrices sur les questions écrites

En général, les questions écrites sont assez longues, souvent de deux paragraphes ou plus, et elles visent à obtenir des renseignements détaillés ou techniques d’un ou de plusieurs ministres ou organismes gouvernementaux. Ce sont à la fois les règles et les coutumes et usages de la Chambre qui régissent la forme et le contenu des questions écrites. Plusieurs lignes directrices et restrictions remontent à la Confédération. Au fil des ans et à la suite de décisions de la présidence, la liste des restrictions s’est considérablement allongée [182]. Pendant ce temps, certaines restrictions sont devenues désuètes ou inopérantes. Ainsi, c’est le Greffier qui est devenu dans une très grande mesure responsable de la recevabilité des questions écrites. Mis à part une déclaration du Président en 1965, dans laquelle il indiquait que certaines restrictions ne s’appliquaient plus [183] , il n’existe aucune liste définitive des restrictions qui sont toujours valables [184] . Toutefois, comme l’a reconnu la présidence, bon nombre de ces restrictions sont devenues inopérantes avec le temps [185] .

Une question écrite est jugée recevable si elle respecte les lignes directrices générales relatives aux questions orales et les restrictions prévues dans les règles. Une question écrite vise à obtenir des renseignements et non à en fournir à la Chambre. Les questions doivent être cohérentes et concises, et porter sur « quelque affaire publique »; il n’est cependant pas acceptable « d’avancer des arguments ou des opinions, ou d’énoncer des faits, autres que ceux qui sont indispensables pour expliquer la question ou la réponse [186]  ».

Le Greffier, qui agit au nom du Président, dispose de tous les pouvoirs nécessaires pour s’assurer que les questions inscrites au Feuilleton des Avis respectent les règles et coutumes de la Chambre [187] . Comme une question écrite vise à obtenir une réponse précise et détaillée, il incombe au député qui fait inscrire une question au Feuilleton des Avis « de veiller à ce qu’elle soit soigneusement formulée pour susciter les renseignements recherchés [188]  ». Le Greffier peut ordonner qu’une question soit divisée en deux ou plusieurs questions s’il la juge trop vaste [189] . Si une question présente des irrégularités, le Greffier en informe le député qui peut alors la modifier [190] .

Un avis de 48 heures est exigé pour l’inscription d’une question écrite au Feuilleton [191] . Un député peut indiquer qu’il souhaite recevoir une réponse orale à une question durant les affaires courantes en marquant la question écrite d’un astérisque lorsqu’il la soumet [192] . C’est ce que la Chambre appelle les « questions marquées d’un astérisque ». Les députés ne peuvent marquer ainsi d’un astérisque que trois des quatre questions qu’ils sont autorisés à faire inscrire au Feuilleton [193] . Un numéro est attribué à chaque question.

Retrait d’une question écrite

Un député peut retirer une question écrite inscrite au Feuilleton en le demandant par écrit au Greffier de la Chambre. Il peut également, en séance, demander au Président de retirer la question [194] .

Les réponses

Les réponses aux questions écrites sont présentées à chaque séance, durant les affaires courantes, à la rubrique « Questions inscrites au Feuilleton [195]  ». Un député, habituellement le secrétaire parlementaire du leader du gouvernement à la Chambre, se lève pour indiquer les numéros des questions auxquelles on répondra ce jour-là et pour fournir des réponses orales aux questions marquées d’un astérisque [196] . Le secrétaire parlementaire peut aussi demander le consentement de la Chambre pour qu’il soit considéré qu’on a répondu oralement à une question marquée d’un astérisque sans lire à haute voix le texte de la réponse, ou pour fournir une réponse très longue à une question, en déposant la réponse sous forme de document; cela s’appelle transformer une réponse en un ordre de dépôt de document [197] . Pour ce faire, le Président demande à la Chambre si elle est d’accord [198] . Si le gouvernement ne peut obtenir le consentement de la Chambre, il lira la réponse dans le cas d’une question marquée d’un astérisque, ou il choisira soit de ne pas répondre à la question ce jour-là [199] , soit de demander à un ministre de déposer la réponse dans le cas d’une demande de dépôt de document. Enfin, le secrétaire parlementaire demandera ensuite que les autres questions auxquelles on n’a pas répondu demeurent inscrites au Feuilleton et y gardent leur rang. De telles demandes sont présentées et approuvées régulièrement [200] . Le Président a indiqué qu’étant donné que cette procédure est devenue automatique, cette requête ne peut donner lieu à un débat [201] . Si le consentement est refusé par un député, sa ou ses questions seront rayées du Feuilleton exactement comme si le gouvernement n’avait pas formulé cette demande. Le député devrait alors soumettre de nouveau les questions en présentant les avis requis. Si on ne répond à aucune question au cours d’une séance, le secrétaire parlementaire du leader du gouvernement à la Chambre demande que toutes les questions demeurent inscrites au Feuilleton.

Les lignes directrices sur la forme et le contenu des questions écrites s’appliquent également aux réponses fournies par le gouvernement. Ainsi, aucun argument ou opinion ne doit être présenté et seule l’information nécessaire à la réponse doit être fournie afin que le processus demeure un échange de renseignements plutôt que de devenir une occasion de débat [202] . Le gouvernement peut, en réponse à une question écrite, indiquer à la Chambre qu’il ne peut y répondre [203] . Il est arrivé que le gouvernement fournisse des réponses supplémentaires à des questions auxquelles il avait déjà répondu [204] . Le Président a toutefois statué qu’il n’est pas acceptable pour le gouvernement d’indiquer dans une réponse à une question écrite le temps et les coûts liés à la préparation de la réponse [205] .

Aucune disposition du Règlement ne permet au Président de contrôler les réponses que le gouvernement donne aux questions. S’il est arrivé à plusieurs reprises que des députés soulèvent une question de privilège à la Chambre concernant l’exactitude des renseignements fournis en réponse à des questions écrites, dans aucun cas on a jugé qu’il y avait de prime abord atteinte au privilège [206] . Le Président a jugé qu’il ne lui incombe pas de déterminer si le contenu des documents déposés à la Chambre est exact ou encore « de décider dans quelle mesure un député peut savoir ou non si les renseignements contenus dans un document sont exacts [207]  ».

Les questions restées sans réponse dans le délai de quarante-cinq jours civils

Lorsqu’il dépose une question, le député peut demander que le gouvernement y réponde dans les 45 jours civils [208] . Mais aucune disposition du Règlement n’oblige le gouvernement à répondre dans ce délai et les députés se sont souvent plaints à la Chambre que le gouvernement n’avait pas répondu à des questions écrites dans les 45 jours. Le gouvernement a expliqué que le volume et la complexité des questions l’empêchent parfois de respecter ce délai [209]. Lors de ces discussions, la présidence a souligné que le Règlement ne lui permettait pas d’ordonner au gouvernement de produire une réponse dans les 45 jours prévus [210] . Néanmoins, le Président a exhorté « ceux qui sont chargés de préparer ces réponses à réfléchir à cet article du Règlement et à se rendre compte que lorsqu’ils tardent trop à fournir la réponse à leur ministre, ils nous placent tous dans une situation extrêmement difficile et font perdre le temps des députés [211] […] ». Si le gouvernement n’a pas répondu à une question écrite dans les 45 jours prévus, les députés peuvent soulever cette question lors du débat sur la motion d’ajournement [212] .

Ordres de dépôt de documents

Dans certains cas, les questions longues et complexes qui exigent la collecte de renseignements auprès de plusieurs ministères, ou des réponses trop longues pour être imprimées dans les Débats, sont transformées en ordres de dépôt de documents (c.-à-d. des documents qui doivent être fournis suite à un ordre adopté par la Chambre). Même si la règle précise que c’est le ministre qui doit décider que la réponse devrait prendre la forme d’un document et que c’est lui qui doit indiquer qu’il est prêt à déposer le document sur le Bureau [213] , dans la pratique, c’est le secrétaire parlementaire du leader du gouvernement à la Chambre qui se charge d’en informer la Chambre. Le consentement de la Chambre est demandé et habituellement accordé [214] . Le document est alors déposé et devient un document parlementaire [215] . Tous les députés peuvent ainsi le consulter en s’adressant au Greffier, mais il n’est pas imprimé dans les Débats. Il n’est pas nécessaire que le document déposé réponde à toutes les parties de la question initiale [216] .

Les règles permettent également au Président de transformer une question écrite en avis de motion s’il estime qu’une question nécessiterait une longue réponse ou si le gouvernement le lui demande [217] . Un tel avis de motion ne pourrait alors être pris en considération que pendant les « Affaires émanant des députés ». Cependant, dans une décision rendue en 1989, le Président Fraser a refusé de transformer une question écrite en avis de motion [218] . En choisissant de ne pas donner suite à la demande du gouvernement, le Président a indiqué qu’il ne saurait « donner effet aux dispositions du paragraphe du Règlement invoqué dans notre contexte actuel sans porter préjudice au droit des simples députés de contrôler pleinement leurs affaires en choisissant eux-mêmes la meilleure façon de rechercher l’information : soit en faisant inscrire des questions au Feuilleton, et peut-être en demandant que le gouvernement y réponde dans le délai de quarante-cinq (45) jours; soit en présentant un avis de motion qui, s’il est choisi après un tirage au sort, sera débattu au cours de l’étude des affaires émanant des députés ». Le Président a signalé que la règle, adoptée par la Chambre en 1906, n’avait pas été utilisée pendant de nombreuses années et que son application des décennies plus tard irait à l’encontre des réformes qui avaient été apportées depuis à la procédure des questions écrites. Le Président a indiqué que lorsque le gouvernement répond à une question écrite nécessitant une réponse longue ou détaillée, il peut la transformer en un ordre de dépôt de document, une pratique acceptable et fréquente. La présidence a également souligné que le gouvernement peut refuser de répondre à une question écrite tout en donnant, s’il le souhaite, la raison de ce refus. De la même façon, le gouvernement peut expliquer pourquoi la réponse ne peut être donnée dans le délai de 45 jours.

Transfert au débat d’ajournement des questions écrites restées sans réponse

Comme on l’a déjà vu, si une question écrite inscrite au Feuilleton (pour laquelle on a demandé une réponse dans les 45 jours) reste sans réponse à l’expiration du délai, le député qui a fait inscrire la question peut intervenir durant les affaires courantes, à l’appel de la rubrique « Questions inscrites au Feuilleton » pour donner avis qu’il a l’intention de soulever cette question lors du débat sur la motion d’ajournement [219] . La question est alors rayée du Feuilleton et mise en délibération au moment du débat d’ajournement. Cette règle a été adoptée par la Chambre le 11 avril 1991, les députés étant de plus en plus frustrés de ne pas recevoir de réponses aux questions écrites dans le délai prévu [220] . Cette procédure permet également aux députés qui ont déjà fait inscrire au Feuilleton les quatre questions prévues, de débattre une ou plusieurs de ces questions à la Chambre afin de pouvoir en faire inscrire d’autres [221] .

Incidences de la prorogation sur les questions écrites

La prorogation du Parlement élimine tout ce qui est inscrit au Feuilleton, annulant ainsi toute demande de renseignements sous la rubrique « Questions inscrites au Feuilleton ». Les députés qui souhaitent obtenir ces renseignements doivent présenter de nouveau leurs questions afin qu’elles soient réexaminées au cours de la nouvelle session [222] .

Veuillez noter —

Comme les règles et les usages de la Chambre des communes sont sujets à changement, nous tenons à préciser que la version en ligne ici présentée correspond à l’édition de janvier 2000 de l’ouvrage imprimé. Par conséquent, l’évolution des usages et les modifications apportées au Règlement depuis n’y sont pas illustrées. Les annexes, elles, sont cependant à jour et vont jusqu’à la fin de la 38e législature, en novembre 2005.

Afin de vous assurer des règles et usages en vigueur, veuillez consulter la plus récente version du Règlement sur le site Web du Parlement du Canada.

Pour en savoir plus sur les procédures de la Chambre des communes, prière de communiquer avec la Direction des recherches pour le Bureau au (613) 996-3611 ou bien envoyer un courriel à trbdrb@parl.gc.ca.