La procédure et les usages de la Chambre des communes
Sous la direction de Robert Marleau et Camille Montpetit
Édition 2000Plus d’informations …
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Abrogation d’un texte réglementaire

Pendant les 15 premières années de son existence, le Comité avait le pouvoir d’examiner les décrets-lois, mais pas de les abroger. Le Comité spécial sur les instruments statutaires n’a pas proposé de procédure générale d’abrogation [43] , et la Loi sur les textes réglementaires ne renferme aucune disposition semblable. Ainsi, lorsque le Comité demandait à des ministères ou organismes de modifier ou d’abroger des règlements parce qu’il les jugeait non conformes à la loi, sa demande restait souvent lettre morte. La seule façon pour le Comité de lancer un débat public sur ces règlements était de présenter des rapports à la Chambre et d’en proposer l’adoption [44] .

En 1985, le Comité a proposé au Comité spécial sur la réforme de la Chambre des communes des recommandations concernant la révocation de textes réglementaires [45] . Il proposait entre autres choses que tout texte réglementaire non soumis à une procédure de ratification par la loi puisse être révoqué par résolution des deux chambres, et que le pouvoir exécutif ne puisse réadopter aucun règlement ainsi révoqué pendant une période de six mois. Le Comité spécial a recommandé que « la Chambre des communes [adopte] une procédure obligatoire de ratification ou de révocation des décrets-lois et des règlements adoptés en vertu d’une loi du Parlement [46]  ». Dans sa réponse, le gouvernement proposait une solution de rechange, à savoir le pouvoir d’abroger par un ordre de la Chambre [47] . La Chambre a adopté cette formule en 1986 et le Règlement a été modifié en conséquence [48] . Elle dispose maintenant de procédures qui lui permettent d’adopter ou de rejeter un rapport présenté par le Comité portant abrogation d’un texte réglementaire qui n’est pas conforme aux intentions de la loi dont il découle. Le gouvernement a également pris l’engagement politique de « se considérer lié par un rapport du Comité » et, par conséquent, de donner suite à l’abrogation [49] .

Rapport du Comité

Lorsque le Comité décide qu’un règlement ou un autre texte réglementaire n’est pas conforme à l’intention d’une loi du Parlement, il peut en faire rapport à la Chambre. Un tel rapport ne doit comporter qu’une résolution qui, si le rapport est adopté, constituera un ordre de la Chambre enjoignant au gouvernement d’abroger le règlement ou le texte réglementaire en question [50] . Chaque règlement ou texte réglementaire que le Comité veut faire abroger par un ordre de la Chambre doit faire l’objet d’un rapport distinct, mais un seul rapport semblable peut être présenté à la Chambre au cours d’une même séance [51] .

Lorsqu’un député présente un tel rapport, il doit prévenir la Chambre de sa nature, dire de quel texte réglementaire il s’agit et signaler que le rapport renferme l’extrait correspondant du texte en question [52] .

Dès qu’un tel rapport est présenté à la Chambre, un avis de motion d’adoption du rapport est automatiquement inscrit au Feuilleton des Avis par le Greffier de la Chambre au nom du député qui l’a présenté [53] . Un seul avis de motion d’adoption peut paraître au Feuilleton des Avis pour chaque rapport. Après 48 heures, l’avis de motion est porté au Feuilleton sous la rubrique « Motions ».

Adoption du rapport

La motion d’adoption du rapport est soit adoptée automatiquement, soit mise aux voix après examen.

Adoption automatique

Le Règlement dispose qu’une motion d’adoption de rapport est réputée avoir été proposée et adoptée le quinzième jour de séance après son inscription au Feuilleton (à moins qu’un ministre ne demande un débat) [54] . La motion est réputée avoir été proposée et adoptée juste avant l’ajournement de la Chambre à la fin de la séance, et un ordre de la Chambre est automatiquement adressé à l’autorité compétente (habituellement le gouverneur en conseil) abrogeant le décret-loi en question [55] . Si la Chambre ajourne avant l’heure habituelle d’ajournement, le rapport n’en est pas moins réputé adopté [56] .

Examen de la motion d’adoption

À la demande d’un ministre, la motion d’adoption est prise en considération. S’écartant tout à fait des pratiques habituelles de la Chambre, le Règlement énonce qu’une telle motion ne peut être prise en considération qu’à la demande d’un ministre (n’importe lequel), et que n’importe quel député peut proposer la motion au nom de son parrain [57] . La façon dont la motion est prise en considération et examinée par la Chambre comporte plusieurs conditions particulières.

D’abord, le ministre doit en demander l’examen dans les 15 jours de séance qui suivent l’inscription de l’avis de motion d’adoption au Feuilleton en en donnant avis par écrit au moins 48 heures d’avance [58] . Une fois cette exigence remplie, un avis de débat est immédiatement inscrit au Feuilleton [59] . L’examen de la motion est automatiquement prévu pour 13 heures le premier mercredi après l’expiration du délai de 48 heures qui suit l’avis écrit [60] . Toutefois, si le débat n’a pas lieu avant la fin du quinzième jour de séance, le rapport est automatiquement réputé adopté. L’échéancier du débat varie donc considérablement selon le jour de la semaine où tombe le quinzième jour de séance. Comme le débat doit avoir lieu un mercredi, le délai qui est laissé au ministre pour agir peut être bien inférieur à 15 jours.

Même si un seul rapport peut être présenté au cours d’une séance et qu’une seule motion d’adoption de ce rapport peut être inscrite au Feuilleton, il peut arriver que, lorsque plusieurs rapports sont présentés des jours successifs, plus d’une motion d’adoption soit examinée le même mercredi. L’ordre de prise en considération est établi par un ministre et toutes les motions sont regroupées pour les fins du débat puis mises aux voix l’une après l’autre [61] .

Qu’une ou plusieurs motions d’adoption soient examinées un mercredi donné, seulement une heure leur est réservée, de 13 heures à 14 heures, et les délibérations ne peuvent porter que sur elles [62] . Les députés qui participent au débat ne peuvent prendre la parole qu’une fois pendant au plus dix minutes [63] . Il n’est permis d’en appeler au Règlement de la recevabilité d’un rapport qu’une fois que le Président a saisi la Chambre de tous les avis de motion d’adoption. Si un rapport est jugé irrecevable par la suite, la motion d’adoption est réputée avoir été retirée [64] .

À moins qu’on n’ait disposé de la ou des motions lorsque l’heure réservée à leur examen est écoulée (ou un peu plus tôt afin de ne pas empiéter sur la période réservée aux déclarations de députés), le Président doit interrompre les délibérations et mettre aux voix toute question nécessaire pour mettre fin aux délibérations à ce sujet [65] . Si une motion d’adoption est agréée, la résolution formulée dans le rapport constitue un ordre de la Chambre demandant l’abrogation d’un décret-loi donné. Si la motion est rejetée, l’affaire en reste là [66] . Les votes par appel nominal qui sont demandés sont automatiquement différés à l’heure habituelle d’ajournement, et la sonnerie d’appel ne se fait entendre que pendant au plus 15 minutes [67] . Une fois différés, les votes ne peuvent plus être différés davantage par un whip de parti [68]  et les dispositions du Règlement concernant l’heure ordinaire de l’ajournement quotidien sont suspendues jusqu’à ce que la Chambre ait disposé de toutes les questions [69] . Lorsque les délibérations sur une ou plusieurs motions d’adoption prennent fin avant 14 heures, le Président suspend la séance jusqu’à 14 heures [70] .


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