Madame la Présidente, je suis ici ce matin pour parler du projet de loi C-59, un projet de loi omnibus de plus de 260 pages qui comprend neuf parties importantes. J’ai écouté le discours du ministre, qui commentait les amendements du Sénat, mais j’aimerais d'abord me concentrer sur le projet de loi C-59.
Comme je le dis depuis le début, le problème, c'est que la plupart des parties du projet de loi C-59 sont de nature administrative. On transforme les différentes agences de renseignement et de communications. C'est correct, mais le but premier du projet de loi C-59 était de répondre au projet de loi C-51 mis en place par les conservateurs à la suite des attentats qui ont lieu ici, à Ottawa. Celui-ci visait spécifiquement à contrer le terrorisme et à veiller à ce que les citoyens qui avaient envie de commettre des actes terroristes au Canada soient interceptés afin que le pire soit évité.
Dans l'ensemble, le projet de loi omnibus contient des parties correctes. Ce sont des modifications qu’on doit faire de temps en temps. Cependant, certaines parties sont très lourdes sur le plan administratif et vont engendrer de grandes dépenses de fonds publics. À la base, c’est un projet de loi sur la sécurité nationale. Le public s’attend à ce que le gouvernement protège les citoyens de façon efficace et s’assure que les délinquants et les terroristes en devenir de ce monde sont interceptés.
À cet égard, malgré ce que dit le ministre, nous considérons que le projet de loi C-59 limite la capacité du SCRS de réduire les menaces terroristes. Il limite également la capacité des ministères de partager les données afin de protéger la sécurité nationale. En outre, il supprime l’infraction consistant à préconiser ou fomenter la perpétration d'infractions terroristes en général et relève le seuil d’obtention d’un engagement de ne pas troubler l’ordre public en matière de terrorisme et d’un engagement assorti de conditions.
En fin de compte, le projet de loi C-59 va compliquer la vie aux agents du SCRS et aux gens des services de télécommunications. On complique l’échange d’informations. On va engorger encore une fois un système qui est déjà lourd. Les gens qui travaillent tous les jours sur le terrain pour assurer la sécurité du Canada se verront imposer encore plus de restrictions, ce qui va les empêcher de travailler.
Voici un aperçu des neuf parties. Tout d'abord, la partie 1 constitue l’Office de surveillance des activités en matière de sécurité nationale et de renseignement.
Ensuite, la partie 2 édicte la Loi sur le commissaire au renseignement. Elle touche tout ce qui concerne le commissaire et les différentes tâches qu’il va avoir, mais surtout, elle abolit la fonction de commissaire du Centre de la sécurité des télécommunications et prévoit que ce dernier devienne le commissaire au renseignement. Elle transfère les employés de l’ancien bureau au bureau du nouveau commissaire et apporte des modifications connexes et corrélatives à d’autres lois. En d'autres mots, c'est du brassage.
Puis, la partie 3 édicte la Loi sur le Centre de la sécurité des télécommunications. Le nouveau mandat du CST comprend la capacité de mener des attaques préventives contre les menaces, en plus de son rôle en matière de renseignement électromagnétique et de cyberdéfense. Cela ne nous pose pas trop de problèmes, tant et aussi longtemps que cela demeure efficace. C’est une nuance importante.
Par ailleurs, la partie 4 modifie la Loi sur le Service canadien du renseignement de sécurité. Elle change les pouvoirs de réduction des menaces en les limitant à sept types d’actes, dont un soulève la question de savoir si les actes non invasifs nécessitent un mandat. Cet acte est décrit comme le fait d’entraver les déplacements de toute personne. Cela pourrait signifier qu’un agent du SCRS ait besoin d’un mandat pour donner de mauvaises informations à quelqu’un qui va rencontrer des conspirateurs.
Lors d'opérations, les agents vont parfois se servir de personnes en leur donnant de fausses informations afin que celles-ci se rendent à des gens qui organisent des complots terroristes ou autres. Cela fait partie des façons de travailler sur le terrain. Dorénavant, cela va prendre des mandats et ce sera plus compliqué. Les agents devront passer plus de temps dans un bureau pour remplir de la paperasse et faire des demandes, plutôt que de participer à des opérations.
La partie 5 modifie la Loi sur la communication d'information ayant trait à la sécurité du Canada, qui a été édictée par le projet de loi C-51 du gouvernement conservateur. Des particuliers et des groupes de protection de la vie privée étaient mécontents que des institutions gouvernementales puissent, de leur propre initiative ou à la demande d'une autre institution, partager de l'information sur les activités qui portent atteinte à la sécurité du Canada. On reprochait au projet de loi C-51 de permettre que les renseignements personnels des citoyens circulent.
Bien que le projet de loi C-59 maintienne une part de la capacité des ministères de partager l'information, il le fait d'une manière beaucoup plus restrictive. Cela fait en sorte qu'ils travaillent en vase clos, ce qui a été vivement critiqué par les témoins experts en matière de sécurité nationale.
La partie 6 est la partie la plus positive, et nous l'appuyons pleinement. Elle concerne la Loi sur la sûreté des déplacements aériens et les problèmes liés à la liste d'interdiction de vol. Lorsque le nom d'une personne correspond au nom d'un terroriste, cela crée de sérieux problèmes, surtout lorsqu'il s'agit d'un enfant et qu'on l'empêche de voyager. Cette partie va aider à régler ce problème, et nous l'appuyons pleinement.
La partie 7 modifie le Code criminel en supprimant l’infraction de préconiser ou fomenter la commission d’une infraction de terrorisme en général et la remplace par l’infraction de conseiller la commission d'infractions de terrorisme, qui s'accompagne d'une peine maximale exécutoire de cinq ans. De plus, elle relève le seuil relatif aux ordonnances et aux engagements de ne pas troubler l'ordre public.
Voici la prochaine partie, qui ne pose aucun problème:
La partie 8 modifie la Loi sur le système de justice pénale pour les adolescents afin, notamment, que les protections accordées aux adolescents s’appliquent à l’égard des procédures relatives aux engagements, y compris celles en matière de terrorisme, et que les employés d’un ministère ou organisme fédéral puissent avoir accès aux dossiers des adolescents pour l’application du Décret sur les passeports canadiens.
Finalement, voici la dernière partie:
La partie 9 exige qu’un examen approfondi des dispositions et de l’application du présent texte soit fait au cours de la sixième année qui suit l’entrée en vigueur de l’article 168 [...]
Ce sont d'autres mesures administratives.
Bref, parmi les neuf parties du projet de loi C-59, nous appuyons pleinement la partie 6 sur la liste d'interdiction de vol. En ce qui concerne les autres parties, il y a beaucoup de dispositions administratives qui alourdissent le système. La partie 7 est la partie la plus problématique.
Nous considérons que le premier ministre et le ministre affaiblissent les agences de sécurité nationale du Canada et leur capacité à assurer la sécurité des Canadiens. Avec cette mesure législative, il sera plus difficile pour les forces de l'ordre et les agences de sécurité de prévenir les attaques en sol canadien, parce qu'elles perdront leur pouvoir de déjouer les menaces. Les silos d'information que ce projet de loi créera au sein de nos agences fédérales sont dangereux et insensés. Au lieu de lutter contre la radicalisation, les libéraux créent des lacunes qui pourront être exploitées par ceux qui veulent radicaliser nos jeunes.
Les conservateurs prennent la sécurité des Canadiens au sérieux. C'est pourquoi le gouvernement précédent a fait entrer les lois canadiennes sur la sécurité nationale dans le XXIe siècle et les a alignées sur celles de nos alliés. Alors que tous les alliés du Groupe des cinq prennent des mesures pour renforcer la sécurité nationale, cette mesure législative élimine la capacité de notre service de renseignement à réduire les menaces terroristes. L'approche irresponsable des libéraux mettra la sécurité des Canadiens en péril.
J'étais heureux de voir les quatre amendements proposés par les sénateurs, qui ont aussi pris le temps de travailler sur le projet de loi C-59 et d'écouter les témoins. Nous savons que le Sénat a une majorité de libéraux indépendants, alors normalement, on ne s'attend pas à voir des amendements qui correspondent à ce que les conservateurs pensent. Cependant, cette fois-ci, il y a quatre amendements que nous trouvons tous excellents et que nous appuyons. Nous avons attendu la réponse du gouvernement à ce sujet.
Deux de ces amendements avaient été proposés mes collègues conservateurs et moi au Comité permanent de la sécurité publique et nationale, mais ils avaient été refusés par les libéraux. L'un deux visait à clarifier la définition des termes « conseiller la commission d'infractions de terrorisme ». Ces quelques mots sont l'essence même du problème que nous relevons dans le projet de loi C-59. Pour le bien des téléspectateurs, j'aimerais citer les mots précis.
Le projet de loi cherche à modifier le Code criminel en changeant la définition suivante, celle qui existe:
Est coupable [...] quiconque [...] sciemment, charge directement ou indirectement une personne de commettre une infraction [terroriste]
Le changement proposé est le suivant:
Est coupable [...] quiconque conseille à une autre personne de commettre une infraction de terrorisme [...]
Quel est vraiment le but, si ce n'est de simplement biffer le projet de loi C-51 du gouvernement conservateur et de pouvoir dire qu'ils ont apporté un changement?
Ont-ils apporté ce changement dans un but d'amélioration? Non. Même les sénateurs ont proposé au gouvernement de garder l'essence de la définition apparaissant dans le projet de loi C-51 des conservateurs.
Le ministre dit que, en 2015, quand le projet de loi C-51 du gouvernement conservateur est arrivé, il aucune accusation n'a été portée. S'il n'y a eu aucune accusation, ne serait-ce pas parce que des gens ont justement eu peur et qu'ils se sont dit qu'ils ne courraient pas de risque, étant donné la loi et les ressources en place, de même que la capacité d'intervenir?
C'est peut-être pour cette raison qu'il ne s'est rien passé. Est-ce que le fait d'affaiblir et de changer cela...
Une voix: Oh! Oh!