La procédure et les usages de la Chambre des communes

Deuxième édition, 2009

La procédure et les usages de la Chambre des communes - 15. Les débats spéciaux - Motion de suspension de certains articles du Règlement

 

La Chambre peut suspendre certains articles du Règlement à l’égard de toute question que le gouvernement juge urgente, mais seulement dans des conditions bien déterminées[141]. Un ministre peut, en tout temps où le Président occupe le fauteuil, proposer une motion en vue de suspendre l’application des articles du Règlement concernant la nécessité d’un préavis et ceux relatifs aux heures et jours de séance.

*   Lancement du débat

En présentant sa motion, le ministre donne les raisons qui expliquent l’urgence de la situation[142]. Une fois que la motion a été appuyée, le Président la soumet immédiatement à la Chambre. Ce faisant, il peut permettre jusqu’à une heure de débat ininterrompu, auquel cas les affaires dont la Chambre est alors saisie sont laissées de côté temporairement et un débat « spécial » s’engage sur la motion[143]. Si aucun député ne se lève, le Président met immédiatement la question aux voix[144].

*   Règles du débat

Les débats sur les motions de ce genre durent au plus une heure et ne peuvent être interrompus ou ajournés par d’autres travaux ou ordres de la Chambre[145]. Les députés ne peuvent prendre la parole qu’une fois et ce, pendant au plus dix minutes[146]. Chaque intervention peut être suivie d’une période de questions et d’observations n’excédant pas cinq minutes[147]. Aucun amendement n’est permis, à moins d’être proposé par un ministre autre que le motionnaire[148].

*   Conclusion du débat

Lorsque le débat est terminé, ou au bout d’une heure, selon la première éventualité, le Président met la motion aux voix et doit, ce faisant, demander aux députés qui s’y opposent de se lever[149]. Si au moins dix députés se lèvent pour s’y opposer, la motion est réputée retirée[150]; autrement, la motion est adoptée[151] et devient un ordre de la Chambre restreint aux délibérations qui y sont précisées[152].

De telles motions n’ont été proposées que rarement. En 1991, une motion visant à suspendre l’application du Règlement concernant les heures de séance de la Chambre a été proposée afin qu’elle puisse siéger pendant trois soirées jusqu’à 22 heures pour qu’une mesure de retour au travail puisse franchir toutes les étapes législatives. La motion a été retirée après discussion lorsque plus de dix députés se sont levés pour indiquer leur opposition[153]. En 1992, une motion qui demandait de renoncer au préavis de 48 heures requis pour entreprendre l’étude à l’étape du rapport d’un projet de loi prévoyant des référendums sur la Constitution a été adoptée[154]. En mars 1995, la Chambre a adopté sans débat une motion lui demandant de renoncer au préavis de 48 heures requis pour déposer un projet de loi destiné à mettre fin à un arrêt de travail et fixant les heures de séance pour en discuter[155]. Plus tard au cours du même mois, une motion semblable a été débattue et réputée retirée lorsque plus de dix députés se sont levés pour s’y opposer[156]. En juin 1999, une motion proposant que la Chambre continue de siéger pour étudier un projet de loi et suspende le préavis requis pour une motion de clôture, a été débattue et retirée lorsque plus de dix députés se sont levés pour s’y opposer[157]. En 2007, une motion a été proposée durant l’heure réservée aux Affaires émanant des députés un vendredi pour que la Chambre siège au-delà de l’heure ordinaire de l’ajournement quotidien en vue de poursuivre l’étude d’un projet de loi portant exécution de certaines dispositions budgétaires. La motion a été réputée retirée lorsque plus de dix députés ont fait connaître leur opposition[158].



[141] Art. 53(1) du Règlement.

[142] Art. 53(2) du Règlement. Voir, par exemple, Débats, 8 juin 2007, p. 10373. À une occasion, le débat sur la motion était déjà amorcé lorsqu’un député a informé la présidence que le ministre n’avait pas exposé les raisons de l’urgence. La motion a été déclarée irrecevable et le débat a repris sur l’ordre du jour (Débats, 11 décembre 1992, p. 15131‑15133).

[143] Dans la majorité des cas, le débat d’une heure a été permis. Voir, par exemple, Débats, 9 août 1977, p. 8177; 16 septembre 1991, p. 2179; 1er juin 1992, p. 11172; 20 mars 1995, p. 10697; 10 juin 1999, p. 16227; 8 juin 2007, p. 10376. En 2007, le débat a eu lieu à la suite de rappels au Règlement et après que l’Occupant du fauteuil ait reconnu avoir mis aux voix la motion trop rapidement (Débats, 8 juin 2007, p. 10376).

[144] Le 15 mars 1995, le président du Conseil privé de la Reine pour le Canada, ministre des Affaires intergouvernementales et ministre chargé du Renouveau de la fonction publique, Marcel Massé, a proposé une motion qui, d’une part, autorisait le dépôt sans le préavis habituel d’un projet de loi visant à régler un débrayage dans les ports de la côte ouest et qui, d’autre part, prolongeait les heures de séance pour la journée. Le Président a immédiatement mis la question aux voix sans débat et, moins de dix députés s’étant levés pour signifier leur opposition, la motion a été adoptée. Cela a donné lieu à un rappel au Règlement parce qu’aucun débat n’avait été autorisé. Le Président a fait remarquer qu’il n’avait pas ouvert de débat parce qu’il n’avait vu aucun député se lever pour demander la parole (Débats, 15 mars 1995, p. 10524‑10526).

[145] Art. 53(3)a) du Règlement.

[146] Art. 53(3)c) du Règlement. À une occasion, le Président a accordé dix minutes à chaque parti pour prendre la parole (Débats, 10 juin 1999, p. 16227, 16230).

[147] Art. 43 du Règlement.

[148] Art. 53(3)b) du Règlement. Aucun amendement n’a été proposé au cours des débats tenus jusqu’ici.

[149] Art. 53(4) du Règlement.

[150] Art. 53(4) du Règlement.

[151] Art. 53(4) du Règlement.

[152] Art. 53(5) du Règlement.

[153] Journaux, 16 septembre 1991, p. 270‑271.

[154] Journaux, 1er juin 1992, p. 1560‑1561.

[155] Journaux, 15 mars 1995, p. 1219.

[156] Journaux, 20 mars 1995, p. 1240.

[157] Journaux, 10 juin 1999, p. 2097.

[158] Journaux, 8 juin 2007, p. 1499.

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