La procédure et les usages de la Chambre des communes

Deuxième édition, 2009

La procédure et les usages de la Chambre des communes - 18. Les procédures financières - Les mandats spéciaux du gouverneur général

 

Dans des circonstances exceptionnelles, la Loi sur la gestion des finances publiques autorise le gouverneur en conseil à demander au gouverneur général de délivrer un mandat spécial[372] pour autoriser le gouvernement à effectuer des prélèvements sur le Trésor qui n’ont pas été autorisés par le Parlement, pourvu que les conditions suivantes soient remplies[373] :

*       le Parlement est dissous;

*       un ministre a remis un rapport attestant l’urgence du paiement et sa nécessité dans l’intérêt public;

*       le président du Conseil du Trésor a remis un rapport attestant l’absence de tout crédit pouvant autoriser le paiement.

Cette disposition de la Loi permet au gouvernement de poursuivre ses activités durant une période où le Parlement est dissous. Les mandats spéciaux ne peuvent être utilisés que depuis la date de la dissolution jusqu’au 60e jour suivant la date fixée pour le retour des brefs après une élection générale. De plus, aucun mandat spécial ne peut être établi durant cette période si le Parlement est prorogé[374].

La Loi sur la gestion des finances publiques exige que tous les mandats spéciaux soient publiés dans la Gazette du Canada dans les 30 jours suivant leur établissement. Une liste précisant les montants autorisés en vertu desdits mandats doit également être déposée à la Chambre dans les 15 jours suivant l’ouverture de la prochaine session du Parlement[375]. Puisqu’un mandat spécial est considéré comme un crédit relatif à l’exercice au cours duquel il est établi, une autorisation doit être rétroactivement incluse dans la première loi portant affectation de crédits adoptée au cours de cette session[376].



[372] Il est important de distinguer les mandats du gouverneur général des mandats spéciaux du gouverneur général. Chaque fois qu’un projet de loi portant affectation de crédits reçoit la sanction royale, le gouverneur général doit signer un mandat avant que le gouvernement ne puisse effectuer les prélèvements autorisés sur le Trésor; c’est ce qu’on appelle les mandats du gouverneur général. Voir la décision du Président Fraser, Débats, 2 mai 1989, p. 1177. C’est la Loi du revenu consolidé et de l’audition de 1878 qui a été la première à autoriser l’utilisation des mandats spéciaux du gouverneur général. L’objectif était alors de permettre les paiements urgents et inattendus lorsque la Chambre ne siégeait pas. Au cours des premières années de la Confédération, lorsque le Parlement ne siégeait que pendant quelques semaines ou mois par année, il était difficile de le convoquer rapidement et un tel mécanisme était donc absolument nécessaire. Pendant la majeure partie de leur histoire, les mandats spéciaux ont donc été utilisés uniquement pour autoriser des dépenses urgentes, habituellement lorsque le Parlement était dissous pour des élections générales. Toutefois, en 1988, la Chambre des communes a repris ses activités en décembre à la suite d’élections générales et s’est ajournée par la suite. Elle n’a pas eu le temps de procéder aux travaux des subsides durant cette brève période. Le Parlement a ensuite été prorogé et une nouvelle session s’est amorcée le 3 avril 1989, en même temps qu’un nouvel exercice. Durant la période d’ajournement et après la prorogation subséquente, le gouvernement a eu recours à trois reprises aux mandats spéciaux. Le Président a déclaré que le gouvernement avait respecté toutes les exigences ¾ les mandats avaient été déposés à la Chambre dans les 15 jours suivant le début de la prochaine session et rétroactivement inclus dans la loi de crédits connexe ¾ mais certains continuaient à douter de la légitimité de cette pratique (voir Débats, 6 avril 1989, p. 175‑183; 2 mai 1989, p. 1175‑1179). En 1997, un projet de loi d’intérêt public émanant des députés parrainé par le député Peter Milliken (Kingston et les Îles) a été adopté afin de modifier la Loi sur la gestion des finances publiques de manière à ne permettre l’utilisation des mandats spéciaux que durant les périodes où le Parlement est dissous (Loi modifiant la Loi sur la gestion des finances publiques (session du Parlement), L.C. 1997, ch. 5).

[373] Loi sur la gestion des finances publiques, L.R. 1985, ch. F‑11, art. 30.

[374] Loi sur la gestion des finances publiques, L.R. 1985, ch. F‑11, par. 30(1.1). Voir aussi le chapitre 8, « Le cycle parlementaire ».

[375] Loi sur la gestion des finances publiques, L.R. 1985, ch. F‑11, par. 30(3).

[376] Voir, par exemple, Gazette du Canada, Partie I, vol. 140, no 14 (8 avril 2006), p. 712‑740; Journaux, 11 avril 2006, p. 45; Loi de crédits no 1 pour 2006‑2007, L.C. 2006, ch. 2, art. 2.1 et 2.2. En juin 2003, un député a soulevé un rappel au Règlement au sujet de l’utilisation d’un mandat spécial du gouverneur général périmé pour continuer à financer le programme d’allocation pour frais de chauffage (voir Journaux, 12 février 2001, p. 64; Loi de crédits no 3 pour 2000‑2001, L.C. 2001, ch. 1, art. 3). Il a demandé à la présidence de réduire de 55 296 790 $ le crédit 1 de l’Agence des douanes et du revenu du Canada dans le budget principal des dépenses pour l’exercice se terminant le 31 mars 2004. Le Président a signalé qu’il existait une exception à la règle dans le cas de l’Agence, qui voit ses crédits affectés pour deux exercices financiers plutôt que pour un seul. Aussi, étant donné cette disposition de report, il n’y avait aucune raison de douter que l’Agence avait le pouvoir de financer les versements effectués après le 31 mars 2001 au moyen des crédits affectés pour l’exercice 2000‑2001. Pour ce qui est des exercices subséquents, le Président a déclaré que les versements faits aux fins des allocations pour frais de chauffage l’avaient été à titre gracieux et inscrits sous le crédit 1 comme dépenses de fonctionnement de l’Agence, ne nécessitant pas l’approbation expresse du Parlement. Il lui semblait donc raisonnable de conclure que les allocations prévues pour les exercices suivants seraient aussi versées de la même façon. Voir Débats, 5 juin 2003, p. 6908‑6910; 11 juin 2003, p. 7142‑7143; 12 juin 2003, p. 7220‑7221.

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