La procédure et les usages de la Chambre des communes

Deuxième édition, 2009

La procédure et les usages de la Chambre des communes - 18. Les procédures financières - Le pouvoir d'emprunt

 

Le gouvernement exerce un pouvoir d’emprunt lorsque ses dépenses, qui sont autorisées par le Parlement dans les budgets principal et supplémentaire des dépenses et les crédits provisoires, sont supérieures à ses recettes dont les niveaux prévus sont également approuvés par le Parlement. Il le fait principalement en émettant des bons du Trésor, des obligations négociables et des obligations d’épargne du Canada sur les marchés canadien et étranger. La Loi sur la gestion des finances publiques stipule que le gouverneur en conseil peut autoriser le ministre à contracter des emprunts pour le compte de Sa Majesté du chef du Canada[357]. Seule l’émission de titres est maintenant subordonnée à l’autorisation du Parlement[358].

Avant 1975, l’usage voulait qu’on incorpore les demandes de pouvoir d’emprunt à l’un des premiers projets de loi portant affectation de crédits du nouvel exercice[359]. On présentait les nouvelles demandes de cette manière parce qu’on supposait qu’elles devaient être automatiquement acceptées, puisque les insuffisances à couvrir, tout autant que les besoins d’emprunt, résultaient de mesures déjà approuvées par le Parlement. S’il fallait plus tard augmenter ce pouvoir d’emprunt, on présentait alors d’autres projets de loi portant affectation de crédits, comme ceux mettant en œuvre le budget supplémentaire des dépenses ou les crédits provisoires.

Les changements apportés en 1968 aux procédures sur les subsides ont rendu problématique l’inclusion du pouvoir d’emprunt dans les projets de loi portant affectation de crédits. La nouvelle procédure ne permettait habituellement pas aux députés de débattre des dispositions sur le pouvoir d’emprunt; les articles habilitant le gouvernement à emprunter ne faisaient pas partie du budget des dépenses, normalement examiné par les comités permanents, et les projets de loi portant affectation de crédits contenant ces articles étaient généralement adoptés sans débat[360]. En 1975, le Président a ordonné que l’on raye d’un projet de loi portant affectation de crédits fondé sur un budget supplémentaire des dépenses une disposition sur le pouvoir d’emprunt parce que l’inclusion de celle-ci empêchait pratiquement toute discussion à son sujet[361]. Quelques années plus tard, en 1981, le Président ne voyait aucune objection à inclure une demande de pouvoir d’emprunt dans un projet de loi fiscal fondé sur une motion des voies et moyens, pourvu que le gouvernement ait également donné le préavis habituel de 48 heures pour la présentation d’un projet de loi afin de viser les dispositions sur le pouvoir d’emprunt[362].

S’il était parfois possible de traiter rapidement les projets de loi portant pouvoir d’emprunt, en d’autres occasions, le débat se prolongeait à tel point que le gouvernement devait recourir à une attribution de temps[363]. On a donc modifié le Règlement en 1991 pour limiter à deux jours de séance le débat à l’étape de la deuxième lecture de projets de loi portant pouvoir d’emprunt[364]. Même si la nouvelle limite s’applique uniquement à la deuxième lecture, il est arrivé deux fois depuis 1991 que la Chambre décide de renvoyer le projet de loi à un comité plénier pour en accélérer l’adoption[365]. Les derniers projets de loi portant pouvoir d’emprunt ont été déposés lors de la présentation du Budget ou peu de temps après[366].

Avant 2007, la Loi sur la gestion des finances publiques donnait au gouvernement le pouvoir permanent de refinancer sa dette contractée sur les marchés, tandis que des autorisations particulières devaient être accordées par le Parlement afin de contracter des emprunts additionnels excédant la réserve permanente pour éventualités de 4 milliards de dollars. La Loi obligeait également le ministre des Finances à déposer chaque année au Parlement un rapport sur le plan de gestion de la dette publique au cours de l’exercice à venir (la Stratégie de gestion de la dette)[367], ainsi qu’un rapport distinct sur les résultats des activités de gestion de la dette au cours de l’exercice venant de se terminer (le Rapport sur la gestion de la dette)[368].

Dans son Budget 2007, le gouvernement a proposé de modifier la Loi sur la gestion des finances publiques afin de moderniser les pouvoirs d’emprunt de Sa Majesté qui y étaient prévus, tout en lui conférant davantage de souplesse pour combler ses besoins d’emprunt futurs, particulièrement en ce qui touche la consolidation des emprunts des sociétés d’État[369]. Ainsi, le plafond permanent et non reportable de 4 milliards de dollars prévu par la Loi et appliqué au pouvoir d’emprunt a été remplacé par un cadre plus souple qui consolide le pouvoir d’emprunt sous une seule disposition générale, relevant du gouverneur en conseil[370]. Par ailleurs, cette proposition a établi des exigences de divulgation plus élevées dans le cadre de la Stratégie de gestion de la dette, en ce qui touche les emprunts anticipés et l’utilisation prévue des fonds, et du Rapport sur la gestion de la dette, en ce qui touche les emprunts réels et l’utilisation faite des fonds par rapport à ce qui avait été prévu, ainsi que la présentation de renseignements détaillés sur les résultats dans les Comptes publics du Canada[371].



[357] L.R. 1985, ch. F‑11, art. 43.1.

[358] L.R. 1985, ch. F‑11, art. 43(2).

[359] Voir Débats, 16 décembre 1975, p. 10054‑10055.

[360] Voir Débats, 10 décembre 1974, p. 2138‑2139; 11 décembre 1974, p. 2143; 20 mars 1975, p. 4357‑4362; 21 mars 1975, p. 4364‑4365.

[361] Voir la décision du Président Jerome, Journaux, 9 décembre 1975, p. 924, Débats, p. 9880‑9883. Une fois l’article rayé du projet de loi portant affectation de crédits, le gouvernement a présenté un projet de loi distinct portant uniquement sur le pouvoir d’emprunt, que la Chambre a consenti à adopter après un court débat (Journaux, 16 décembre 1975, p. 943). Le projet de loi a été étudié à l’étape de la deuxième lecture, en comité plénier et à l’étape de la troisième lecture en une seule séance. En 1977 et 1978, la Chambre a convenu de tenir un débat à l’étape de la deuxième lecture d’un projet de loi portant affectation de crédits fondé sur des crédits provisoires qui contenait une disposition sur le pouvoir d’emprunt. Voir Journaux, 21 mars 1977, p. 598; Débats, 24 mars 1977, p. 4298; Journaux, 13 mars 1978, p. 476; Débats, 16 mars 1978, p. 3837‑3838.

[362] Voir les décisions du Président Sauvé, Débats, 19 janvier 1981, p. 6319; 16 février 1982, p. 15053.

[363] On a eu recours à l’attribution de temps à l’étape de la deuxième lecture de projets de loi portant pouvoir d’emprunt en 1980, 1981, 1983, 1984 et 1990. En 1981 et 1983, on a aussi adopté une motion d’attribution de temps pour l’étape du rapport et l’étape de la troisième lecture.

[364] Art. 73(5) du Règlement. Voir Journaux, 11 avril 1991, p. 2914. Voir aussi Journaux, 27 février 1995, p. 1174; 2 mars 1995, p. 1195; 3 mars 1995, p. 1199, 1202. Dans un cas, alors que le ministre des Finances avait profité du débat à l’étape de la deuxième lecture pour faire une déclaration économique d’importance, la Chambre a convenu de prolonger les heures de séance des deux jours de débat (Journaux, 1er décembre 1992, p. 2265‑2266).

[365] Journaux, 30 avril 1993, p. 2884, 2887; 19 mars 1996, p. 114; 21 mars 1996, p. 129‑130.

[366] En 1985, le ministre des Finances a déposé un document formulant des recommandations afin d’améliorer le processus d’emprunt en se fondant sur le principe fondamental voulant que le gouvernement ne sollicite pas un pouvoir d’emprunt pour un exercice financier sans avoir auparavant fourni au Parlement tous les détails pertinents sur ses besoins financiers. Le document soulignait aussi l’importance d’adopter rapidement les projets de loi portant pouvoir d’emprunt afin que le gouvernement puisse appliquer un programme ordonné de gestion de la dette. Voir les pages 11‑14 du document intitulé « Le processus budgétaire canadien — Propositions d’amélioration », déposé à la Chambre le 23 mai 1985 (Journaux, p. 648‑649). Voir aussi Journaux, 23 février 1994, p. 188; 27 février 1995, p. 1174; 6 mars 1996, p. 55; 18 février 1997, p. 1146.

[367] Voir, par exemple, Journaux, 30 mars 2004, p. 236; 21 mars 2005, p. 529; 7 avril 2006, p. 36; 19 mars 2007, p. 1111. Dans ce dernier cas, la « Stratégie de gestion de la dette » figure à l’annexe 3 du Plan budgétaire de 2007, publié par le ministère des Finances Canada, www.fin.gc.ca, 2007, p. 348‑365.

[368] Voir, par exemple, Journaux, 8 décembre 2004, p. 320; 25 novembre 2005, p. 1343; 28 novembre 2006, p. 830; 6 décembre 2007, p. 275.

[369] À compter de 2008, le gouvernement propose d’intégrer à son programme de placement de titres les emprunts de la Banque de développement du Canada, de la Société canadienne d’hypothèques et de logement (à l’exclusion de la Fiducie du Canada pour l’habitation) et de Financement agricole Canada. Cette mesure réduira les coûts d’emprunt globaux tout en accroissant la liquidité du marché obligataire du gouvernement. Voir Le plan budgétaire de 2007, p. 359‑361.

[370] Le projet de loi C-52, Loi portant exécution de certaines dispositions du budget déposé au Parlement le 19 mars 2007, a reçu la sanction royale le 22 juin 2007 (L.C. 2007, ch. 29). Voir la Loi sur la gestion des finances publiques, L.R. 1985, ch. F-11, art. 43.1.

[371] Loi sur la gestion des finances publiques, L.R. 1985, ch. F-11, art. 49. Le délai de dépôt du Rapport sur la gestion de la dette a été abrégé, passant de 45 à 30 jours de séance après le dépôt des Comptes publics du Canada.

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