La procédure et les usages de la Chambre des communes

Deuxième édition, 2009

La procédure et les usages de la Chambre des communes - 10. Le programme quotidien - Ordres émanant du gouvernement

 

La Chambre consacre passablement de temps chaque jour de séance à l’étude des Ordres émanant du gouvernement. Cette étape comprend toute affaire dont un ministre propose l’étude un jour donné.

Le Règlement stipule que les Ordres émanant du gouvernement sont abordés le lundi, de 12 heures à 14 heures, puis repris après les Affaires courantes jusqu’à 18 h 30. Le mardi et le jeudi, après les Affaires courantes à 10 heures, la Chambre passe à cette rubrique jusqu’à 14 heures et y revient après la période des questions, de 15 heures à 17 h 30, avant de passer aux Affaires émanant des députés. Le mercredi, après les Affaires courantes et les « Avis de motions portant production de documents », la Chambre passe aux Ordres émanant du gouvernement jusqu’à 17 h 30, puis aborde les Affaires émanant des députés. Le vendredi, les Ordres émanant du gouvernement sont examinés de 10 heures à 11 heures, après quoi la Chambre passe aux Déclarations de députés. Après les Affaires courantes, les Ordres émanant du gouvernement sont repris jusqu’à 13 h 30, heure à laquelle la Chambre aborde les Affaires émanant des députés[348].

Voir le déroulement quotidien des travaux à la figure 10.1.

*   Historique

Au fil du temps, le Règlement de la Chambre a subi beaucoup de changements en vue d’accroître le temps dont dispose le gouvernement et de réduire la proportion du temps consacré aux projets de loi d’intérêt privé ou aux Affaires émanant des députés. En 1867, les projets de loi d’intérêt privé étaient examinés le lundi et pendant une heure en soirée le mercredi et le vendredi, tandis que les avis de motions et les projets de loi d’intérêt public étaient étudiés le mercredi et le jeudi. Seuls le mardi et le vendredi étaient réservés aux Ordres émanant du gouvernement[349].

De 1867 à 1962, le Règlement donnait la priorité aux Affaires émanant des députés certains jours de chaque semaine. Les gouvernements successifs constataient toutefois que cette répartition ne leur permettait pas de mener à bien leur programme législatif et donnaient périodiquement, au moyen d’ordres spéciaux ou sessionnels, la priorité à leurs propres affaires. En 1962, la Chambre a modifié son Règlement de manière à aborder les Ordres émanant du gouvernement chaque jour de séance, alors qu’un nombre limité d’heures étaient réservées chaque semaine aux Affaires émanant des députés[350]. Cet horaire est demeuré plus ou moins inchangé jusqu’à ce que la Chambre décide, en 1982, de réserver le mercredi aux Affaires émanant des députés[351]. En 1983, la Chambre est revenue à la pratique antérieure d’aborder chaque jour les Ordres émanant du gouvernement[352]. Aujourd’hui, 23,5 heures sont réservées chaque semaine aux délibérations sur les Ordres émanant du gouvernement pendant les heures normales de séance[353].

En 2001, le Règlement a été modifié pour que l’on tienne les votes différés immédiatement après la période des questions et, pour ne pas réduire le temps dont la Chambre dispose pour les Ordres émanant du gouvernement, qu’on en prolonge la durée en conséquence[354].

*   Ordre du jour

Lorsque le Président appelle l’« Ordre du jour », un greffier au Bureau se lève et lit le point que la Chambre doit examiner[355]. L’Ordre du jour paraît au Feuilleton.

L’ordre dans lequel les Ordres émanant du gouvernement figurent au Feuilleton n’est pas indicatif de leur priorité : il s’agit plutôt d’un regroupement administratif qui révèle, par ordre chronologique, les différentes catégories d’Ordres émanant du gouvernement actuelles ou prévues. Tous les ordres donnés par la Chambre lors de séances antérieures au sujet d’Ordres émanant du gouvernement dont la Chambre était alors saisie (notamment les projets de loi déposés et inscrits en vue de la deuxième lecture, les motions qui satisfont au préavis requis, et tout ordre de reprise du débat sur une affaire) peuvent être abordés à l’étape des Ordres émanant du gouvernement. Ces affaires sont inscrites à « l’Ordre du jour » du Feuilleton sous les rubriques suivantes : « Travaux des subsides »; « Voies et moyens »; « Projets de loi émanant du gouvernement (Communes) »; « Projets de loi émanant du gouvernement (Sénat) » et « Affaires émanant du gouvernement »[356].

Tout sujet d’étude proposé par un ministre en dehors des travaux des subsides, des voies et moyens et des projets de loi apparaît à la rubrique des « Affaires émanant du gouvernement ». On y trouve habituellement, par exemple, des motions visant à créer des comités spéciaux, à renvoyer des questions aux comités, à confirmer la nomination d’un haut fonctionnaire du Parlement, à proposer une résolution exprimant une opinion, ou à prendre des dispositions concernant le déroulement des travaux de la Chambre. Lorsque le débat sur des motions présentées à l’étape des « Motions » pendant les Affaires courantes est interrompu ou ajourné, ces motions, avec l’exception des motions portant adoption des rapports de comités[357], sont aussi reportées aux « Affaires émanant du gouvernement »[358].

Lorsque les Ordres émanant du gouvernement sont appelés, la Chambre peut être saisie de toute affaire qui y figure. Une fois que le débat s’engage sur une affaire appelée, il doit se poursuivre jusqu’à ce qu’il soit ajourné ou interrompu, ou que la Chambre se prononce. Si le débat est ajourné ou interrompu, l’affaire reste inscrite au Feuilleton[359]. Si la Chambre se prononce, l’affaire est rayée du Feuilleton, quel que soit le résultat de la décision.

Le choix de ce que la Chambre abordera pendant les Ordres émanant du gouvernement appartient exclusivement à ce dernier[360]. Lorsque l’opposition s’est insurgée contre un changement à l’ordre des travaux prévus pour un jour de séance donné, la présidence a rappelé aux députés la prérogative du gouvernement[361].

L’intention du gouvernement d’aborder un point précis de l’Ordre du jour est communiquée au Bureau par le leader parlementaire du gouvernement qui établit un ordre projeté des travaux ou des affaires (projets de loi et motions) que la Chambre doit aborder ce jour‑là. Le leader du gouvernement s’entretient périodiquement, à titre confidentiel, avec les leaders des autres partis reconnus à la Chambre au sujet du programme des travaux pour chaque jour de la semaine. Une déclaration hebdomadaire au sujet de l’ordre projeté des travaux se fait traditionnellement le jeudi, après la période des questions[362]. Tout changement ou ajout de dernière minute au programme établi par le gouvernement est, dans la mesure du possible, communiqué directement au Bureau par le leader parlementaire du gouvernement ou son secrétaire parlementaire.

Sans choisir ce sur quoi le débat doit porter lorsque la Chambre examine une motion présentée un jour désigné dans le cadre des travaux des subsides, le gouvernement a la prérogative de choisir le jour de séance consacré à ce débat[363]. L’affaire est examinée à l’étape des Ordres émanant du gouvernement étant donné que, lorsqu’il propose la motion, le député de l’opposition le fait en vertu de l’ordre permanent des travaux des subsides que le gouvernement propose au début de chaque session. En vertu de cet ordre, les travaux des subsides peuvent ensuite rester au programme de chaque journée de séance de la session[364]. L’importance des travaux des subsides est soulignée par le fait que, les jours désignés, le Règlement leur donne préséance sur toutes les autres affaires émanant du gouvernement. Le gouvernement a le choix d’appeler ou non la rubrique des travaux des subsides un jour donné, mais une fois que l’Ordre du jour portant prise en considération des travaux des subsides a été lu, le débat sur les motions de l’opposition a alors priorité. Le gouvernement ne peut pas mettre les travaux des subsides de côté pour passer à d’autres éléments des Ordres émanant du gouvernement tant que la liste des travaux des subsides inscrits au Feuilleton de la séance n’a pas été épuisée[365].



[348] Art. 30(5) et (6) du Règlement. Voir le déroulement quotidien des travaux à la figure 10.1. Le temps consacré aux Ordres émanant du gouvernement peut être prolongé si un député propose, sans préavis, une motion en vue de continuer ou de prolonger la séance au‑delà de l’heure ordinaire de l’ajournement quotidien afin de poursuivre l’étude d’un ordre donné du gouvernement et que la motion est adoptée (art. 26 du Règlement). D’autre part, lorsque l’ajournement pour l’été approche, un ministre peut proposer, pendant les Affaires courantes, une motion en vue de prolonger les heures de séance de la Chambre pendant les dix derniers jours de séance de juin (art. 27 du Règlement). Les Ordres émanant du gouvernement peuvent également être prolongés en raison d’un vote par appel nominal (art. 45(7.1) du Règlement), d’une déclaration de ministre (art. 33(2) du Règlement) ou d’une période des questions sur une motion d’attribution de temps (art. 67.1(2) du Règlement). Pour plus d’information, voir le chapitre 9, « Les séances de la Chambre », le chapitre 12, « Les étapes du débat », et le chapitre 14, « La limitation du débat ».

[349] Constitutions, règles et règlements de la Chambre des communes du Canada, 1868, art. 19.

[350] Journaux, 10 avril 1962, p. 338‑339; 12 avril 1962, p. 350.

[351] Troisième rapport du Comité spécial chargé d’examiner le Règlement et la procédure, Procès‑verbaux et témoignages, 14 novembre 1982, fascicule n7, p. 14‑15, présenté à la Chambre le 5 novembre 1982 (Journaux, p. 5328) et adopté le 29 novembre 1982 (Journaux, p. 5400).

[352] Premier rapport du Comité spécial chargé d’étudier le Règlement, Procès‑verbaux et témoignages, 15 décembre 1983, fascicule n2, p. 3‑4, présenté à la Chambre le 15 décembre 1983 (Journaux, p. 47) et adopté le 19 décembre 1983 (Journaux, p. 55‑56).

[353] Le nombre d’heures dont le gouvernement dispose chaque jour pour l’étude de ses initiatives a fluctué au cours des ans selon les heures de séance et d’ajournement de la Chambre. Alors que 18 heures par semaine étaient réservées aux Ordres émanant du gouvernement en 1990, par exemple, ce chiffre est passé à 25 heures l’année suivante. En 1994, le temps réservé aux Ordres émanant du gouvernement a été rajusté lorsque la Chambre a modifié l’heure ordinaire de l’ajournement quotidien et supprimé l’interruption quotidienne pour la pause repas au milieu de la journée.

[354] Art. 45(7.1) du Règlement. Voir le premier rapport du Comité spécial sur la modernisation et l’amélioration de la procédure à la Chambre des communes, par. 20, présenté à la Chambre le 1er juin 2001 (Journaux, p. 465) et adopté le 4 octobre 2001 (Journaux, p. 693), conformément à un ordre adopté le 3 octobre 2001 (Journaux, p. 685).

[355] Voir l’historique de l’expression « Ordre du jour » dans Stewart, p. 71‑72.

[356] Pour plus d’information sur chacune de ces rubriques (sauf les Affaires émanant du gouvernement), voir le chapitre 16, « Le processus législatif », et le chapitre 18, « Les procédures financières ».

[357] Art. 66(2) du Règlement. L’article 66 a été modifié de façon provisoire en 2005, et de façon permanente au printemps 2006, afin d’exclure les motions portant adoption des rapports de comités de cette procédure. Dorénavant, une motion portant adoption d’un rapport de comité est à l’étude pendant au plus trois heures. Si le débat est interrompu ou ajourné, la motion n’est pas transférée aux Ordres émanant du gouvernement, mais plutôt transférée à la rubrique « Adoption de rapports des comités » du Feuilleton et l’on reprend le débat dans les dix jours de séance qui suivent, à l’heure ordinaire de l’ajournement quotidien. Pour plus d’information, voir la section intitulée « Motions » du présent chapitre.

[358] Art. 66(1) du Règlement. Jusqu’en 1965, la reprise du débat sur les motions présentées pendant les Affaires courantes se faisait à cette même étape le jour de séance suivant. Le débat sur des motions portant adoption de rapports de comités s’était, à plusieurs reprises, prolongé pendant plusieurs jours, empêchant ainsi la Chambre d’aborder toute autre affaire inscrite au Feuilleton. En 1965, le Règlement a été modifié de façon à obliger le gouvernement à reprendre, comme premier point des Ordres émanant du gouvernement dès le jour de séance suivant, le débat sur les motions ajournées ou interrompues. Ce changement visait à éviter que la poursuite du débat sur une motion n’empêche la Chambre d’aborder d’autres questions pendant les Affaires courantes ou de procéder à la période des questions (Journaux, 11 juin 1965, p. 224, 226). Trois ans plus tard, la Chambre a adopté le rapport d’un comité spécial qui recommandait de laisser le gouvernement appeler, sans restriction, ces affaires dans l’ordre qu’il juge bon (Journaux, 20 décembre 1968, p. 571).

[359] Art. 41 du Règlement.

[360] Art. 40(2) du Règlement. Pour être abordée, tout ordre émanant du gouvernement doit toutefois satisfaire au préavis requis (art. 54 du Règlement). Cette disposition a été insérée initialement en 1906 (Débats, 9 juillet 1906, col. 7689‑7692; Journaux, 10 juillet 1906, p. 580).

[361] En 1987, le Président a cité cet article du Règlement lorsque l’opposition a contesté le droit du gouvernement d’appeler un projet de loi en vue d’un débat même si, selon elle, son texte était défectueux dans sa forme. Malgré l’accusation, le Président a accepté de laisser le débat se dérouler sans porter préjudice à toute décision qu’il pourrait rendre car, comme il l’a affirmé, le gouvernement était en droit, aux termes du Règlement, d’aller de l’avant (Débats, 23 janvier 1987, p. 2651‑2653). Voir aussi Débats, 29 octobre 1987, p. 10508‑10509; 25 mai 1988, p. 15773‑15775; 2 avril 1993, p. 18002; 1er juin 1994, p. 4709‑4710.

[362] Pour plus d’information, voir la section intitulée « Déclaration hebdomadaire » du présent chapitre.

[363] Lors des travaux des subsides, le caractère hybride des motions qui, bien que formulées par les membres de l’opposition, sont examinées à l’étape des Ordres émanant du gouvernement, a donné lieu à l’un des rares cas où le Président a invoqué, ces dernières années, l’article 40(2) du Règlement pour résoudre un conflit. Le 11 février 1982, le leader du gouvernement à la Chambre a annoncé qu’une journée de l’opposition prévue pour le lendemain serait reportée d’une semaine. Devant les protestations de l’opposition, le Président a statué que les motions reliées aux travaux des subsides font partie des Ordres émanant du gouvernement et que ceux‑ci peuvent être « appelés et examinés dans l’ordre établi par le gouvernement » (Débats, p. 14896‑14899).

[364] Art. 81(1) du Règlement. Depuis la 38e législature et ce, contrairement à la pratique antérieure, plusieurs motions de l’opposition figurent en même temps au Feuilleton. Toutes y ont été inscrites avec un préavis de plus de 48 heures et peuvent donc être choisies pour faire l’objet d’un débat au cours des journées de l’opposition accordées au parti qui les a inscrites. Voir, par exemple, Feuilleton et Feuilleton des avis, 15 avril 2008, p. 25‑31. Ainsi, le 12 mars 2008, le Président Milliken a mis en délibération une motion de l’opposition dont l’avis avait été donné le 4 décembre 2007. Le Parti libéral avait fait part de son choix à 14 heures le jour même du débat, soit une heure seulement avant le début des Ordres émanant du gouvernement (Débats, 12 mars 2008, p. 4055‑4057).

[365] Art. 81(2) du Règlement.

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