La procédure et les usages de la Chambre des communes

Deuxième édition, 2009

La procédure et les usages de la Chambre des communes - 10. Le programme quotidien - Débat d'ajournement

 

Le Débat d’ajournement constitue la dernière catégorie de travaux au programme d’une journée de séance. Cette période permet aux députés de chercher à obtenir du gouvernement plus d’information sur les questions soulevées durant la période des questions[408].

Au début de cette période qui ne doit pas excéder 30 minutes, soit de 18 h 30 à 19 heures au plus tard le lundi, le mardi, le mercredi et le jeudi, une motion portant ajournement de la Chambre est réputée présentée et appuyée[409]. Ce débat permet un maximum de trois brefs échanges sur des sujets choisis à l’avance[410]. Chacun de ces sujets peut faire l’objet d’un débat d’au plus dix minutes sur les 30 minutes du débat d’ajournement[411]. Le Président doit avoir indiqué à la Chambre, au plus tard à 17 heures, le ou les sujets qui seront abordés[412]. Pendant chaque période de dix minutes, le député qui soulève la question, et le ministre ou le secrétaire parlementaire qui lui répond, disposent chacun, au départ, de quatre minutes pour parler. Suivant l’intervention de chacun, le député ayant soulevé la question ainsi que le ministre ou le secrétaire parlementaire ont ensuite une minute pour répliquer[413].

Il est interdit de soulever des rappels au Règlement ou des questions de privilège pendant cette période, bien qu’il soit permis au Président de faire la lecture de messages du Sénat durant cette même période[414]. Au bout de 30 minutes ou à la conclusion du débat, selon la première éventualité, la motion d’ajournement est réputée adoptée et la Chambre ajourne ses travaux jusqu’au jour de séance suivant[415]. Si un député censé soulever une question durant le Débat d’ajournement omet de s’y présenter, l’avis d’ajournement est réputé retiré et le député perd l’occasion de soulever sa question[416]. Le vendredi et les jours où aucune question n’est inscrite pour le Débat d’ajournement, le Président ajourne simplement les travaux de la Chambre à la fin de la séance.

*   Historique

Lors d’une révision du Règlement en 1964, la Chambre a adopté la proposition d’un comité chargé d’examiner la procédure d’y ajouter pour la première fois un article visant la période des questions. La Chambre a aussi accepté, au même moment, la suggestion du comité d’adopter, en plus de l’article du Règlement concernant la période des questions, une règle concernant le Débat d’ajournement. Le comité proposait une formule selon laquelle tout député qui n’était pas satisfait de la réponse fournie par le gouvernement à la question qu’il avait posée pendant la période des questions pouvait donner avis qu’il souhaitait revenir à la charge lors du Débat d’ajournement[417].

D’autre part, tout député qui s’inquiète du fait qu’une question écrite et inscrite au Feuilleton reste sans réponse après 45 jours civils peut, depuis 1991, donner avis de son intention de reporter la question au Débat d’ajournement[418]. La question est alors rayée du Feuilleton et le nom du député est inscrit sur une liste, avec ceux des autres députés qui ont donné avis de leur intention d’intervenir au Débat d’ajournement.

Depuis 2001, les députés ne sont plus obligés de prendre la parole à partir de leur place assignée lors du Débat d’ajournement[419]. Le temps de parole initial de quatre minutes du ministre ou du secrétaire parlementaire pendant le Débat d’ajournement ainsi que le droit de réplique d’une minute datent de la même époque[420].

Même si le Président est tenu d’informer la Chambre avant 17 heures de l’ordre dans lequel les sujets seront abordés un jour donné, il arrive que des députés censés soulever des questions ne se présentent pas au débat[421]. Pour décourager cette pratique, la Chambre a adopté, en septembre 2003, un nouvel article, lequel stipule que si un député omet de se présenter au Débat d’ajournement pour soulever sa question, il s’en verra retirer la possibilité et l’avis sera réputé retiré[422].

*   Suspension ou retardement du Débat d’ajournement

Il arrive que le Débat d’ajournement soit suspendu du fait que d’autres ordres de la Chambre obligent à terminer ou à poursuivre l’étude d’une question un jour de séance donné. On le suspend notamment lorsque la séance a été prolongée pour un débat d’urgence[423] ou un débat exploratoire[424], lorsqu’on a invoqué la clôture sur un sujet[425], lors des délibérations sur l’élection du Président[426] et le jour désigné pour la présentation d’un exposé budgétaire[427]. Lorsque la Chambre adopte une motion pour ajourner tôt, il n’y a pas de Débat d’ajournement.

Le Débat d’ajournement peut aussi être retardé lorsqu’une séance est prolongée en raison d’une déclaration de ministre[428], d’une période de questions sur une motion d’attribution de temps[429], de la reprise d’un débat portant adoption d’un rapport de comité[430], lorsque les Affaires émanant des députés ont été prolongées le deuxième jour de séance réservé à l’étude d’un projet de loi à l’étape du rapport et de la troisième lecture[431] et lorsqu’un vote par appel nominal est différé jusqu’à la conclusion des Questions orales[432]. Le débat peut aussi être retardé le dernier jour désigné des périodes de subsides se terminant le 10 décembre, le 26 mars et le 23 juin[433].

Si une motion visant à prolonger les heures de séance pendant les dix derniers jours de séance de juin a été adoptée, le Débat d’ajournement n’a lieu qu’à l’heure d’ajournement convenue[434]. Si une motion prolongeant la séance a été adoptée conformément à l’article 26 du Règlement, le Débat d’ajournement a lieu à la fin de la séance[435]. Il est arrivé que, interrompu par une cérémonie de sanction royale, le Débat d’ajournement reprenne après le retour à la Chambre, une fois la cérémonie terminée au Sénat[436]. La Chambre a décidé, dans d’autres cas, lorsque la séance avait été prolongée pour étudier une mesure législative ou pour un débat spécial, de procéder au Débat d’ajournement à l’heure normale; une fois ce débat terminé, au lieu d’être adoptée automatiquement, la motion d’ajournement a été réputée retirée[437]. Ainsi en est-il de la disposition en vertu de laquelle le Débat d’ajournement doit avoir lieu avant que la Chambre ne se forme en comité plénier pour étudier le budget principal des dépenses d’un ministère ou d’un organisme, tel que désigné par le chef de l’Opposition[438].



[408] Pour plus d’information, voir le chapitre 11, « Les questions ».

[409] Art. 38(1) du Règlement. Comme le débat d’ajournement a habituellement lieu à la fin de la journée de séance, cette portion de la journée est appelée, officieusement, « late show ».

[410] En 2001, Mauril Bélanger (Ottawa–Vanier) a soulevé une question de privilège en réponse à la décision du Président de lui interdire, lors du Débat d’ajournement, de poser une question au représentant du Bureau de Régie interne. On lui donna comme raison que le Règlement permettait uniquement aux ministres ou aux secrétaires parlementaires de répondre aux questions soulevées à cette étape du programme quotidien. Quelques jours plus tard, suite à des consultations avec les leaders parlementaires, le secrétaire parlementaire du leader du gouvernement à la Chambre a obtenu le consentement unanime de la Chambre pour proposer que la question de M. Bélanger soit soulevée lors du Débat d’ajournement, et que le représentant du Bureau de Régie interne puisse lui répondre. La motion a été adoptée (Débats, 28 septembre 2001, p. 5721‑5722; Journaux, 2 octobre 2001, p. 677, Débats, p. 5883).

[411] Art. 38(2) du Règlement.

[412] Art. 38(4) du Règlement. Le Règlement laisse au Président le soin de décider l’ordre dans lequel les avis relatifs aux questions à débattre à l’ajournement seront pris en délibération. L’article 38(3) du Règlement veut aussi que la décision de la présidence tienne compte de « l’ordre suivant lequel les avis ont été donnés, de l’urgence des questions soulevées et de la répartition des occasions d’en discuter parmi les membres des divers partis à la Chambre ».

[413] Art. 38(5) du Règlement.

[414] Voir, par exemple, Journaux, 23 mars 2005, p. 558.

[415] Art. 38(5) du Règlement.

[416] Art. 38(2)b) du Règlement. Voir, par exemple, Débats, 24 septembre 2003, p. 7780; 13 février 2007, p. 6804.

[417] Art. 37(3) du Règlement. Voir aussi Journaux, 20 avril 1964, p. 224‑225, Débats, p. 2457.

[418] Art. 39(5)b) du Règlement. Voir Journaux, 11 avril 1991, p. 2905, 2909‑2910. Pour des exemples de députés qui ont demandé que leurs questions écrites soient reportées au Débat d’ajournement, voir Débats, 20 novembre 1992, p. 13720‑13721; 25 septembre 1995, p. 14819.

[419] Art. 17 du Règlement. Le Comité spécial sur la modernisation et l’amélioration de la procédure à la Chambre des communes croyait « que le dialogue et les échanges de points de vue seraient facilités si les députés n’étaient pas tenus d’être à leur place attitrée dans la salle durant le débat d’ajournement ». Voir le premier rapport du Comité spécial sur la modernisation et l’amélioration de la procédure à la Chambre des communes, par. 19, présenté à la Chambre le 1er juin 2001 (Journaux, p. 465) et adopté le 4 octobre 2001 (Journaux, p. 691-693), conformément à un ordre adopté le 3 octobre 2001 (Journaux, p. 685).

[420] Journaux, 3 octobre 2001, p. 685; 4 octobre 2001, p. 691-693.

[421] Débats, 25 avril 2002, p. 10800, 10843-10844.

[422] Art. 38(2)b) du Règlement. Voir le quatrième rapport du Comité spécial sur la modernisation et l’amélioration de la procédure à la Chambre des communes, par. 50, présenté à la Chambre le 12 juin 2003 (Journaux, p. 915) et adopté le 18 septembre 2003 (Journaux, p. 995). Pour des exemples où des députés ont négligé de se présenter au Débat d’ajournement alors que leur question figurait au programme, voir Débats, 3 novembre 2004, p. 1186; 7 mars 2005, p. 4072.

[423] Art. 52(12) du Règlement.

[424] Art. 53.1(2) du Règlement.

[425] Il existe deux exceptions à cette règle : le 20 juin 1995 (Journaux, p. 1822), en vertu d’un ordre spécial adopté le 12 juin 1995 (Journaux, p. 1639-1640), et le 9 décembre 2002, suivant un vote différé, en vertu d’un ordre spécial, sur un sous-amendement relatif à une affaire visée par la clôture (Journaux, p. 280-281, 285).

[426] Art. 2(3) du Règlement.

[427] Art. 83(2) du Règlement.

[428] Art. 33(2) du Règlement.

[429] Art. 67.1(2) du Règlement.

[430] Voir, par exemple, Journaux, 31 octobre 2006, p. 605-606.

[431] Art. 98(3) et (5) du Règlement.

[432] Art. 45(7.1) du Règlement.

[433] Art. 81(17) et (18) du Règlement.

[434] Art. 27(1) du Règlement. Voir, par exemple, Journaux, 9 juin 2005, p. 858; 13 juin 2005, p. 874-875; 20 juin 2005, p. 936; 22 juin 2005, p. 971; 9 juin 2006, p. 259; 21 juin 2006, p. 342.

[435] Voir, par exemple, Journaux, 11 mai 1998, p. 772‑774. Comme l’heure à laquelle le Débat d’ajournement doit commencer est inconnue, il n’est toutefois pas toujours possible aux députés qui doivent intervenir dans ce débat d’être présents lorsqu’une séance est prolongée conformément à l’article 26 du Règlement. Voir Comité permanent de la procédure et des affaires de la Chambre, Transcription de la réunion non‑publiée, 3 mai 1994, p. 12:18. Le Président peut annoncer le nom des intervenants, mais le Débat d’ajournement est annulé si les députés ne soulèvent pas leurs questions. Voir, par exemple, Journaux, 13 mars 1997, p. 1277-1278, 1281, Débats, p. 9036, 9058; Journaux, 22 octobre 2003, p. 1155, Débats, p. 8611, 8632.

[436] Voir, par exemple, Débats, 6 novembre 1990, p. 15236.

[437] Voir, par exemple, Journaux, 26 novembre 1992, p. 2242; 18 mars 1996, p. 104, 111.

[438] Art. 81(4)a) du Règlement. Voir le premier rapport du Comité spécial sur la modernisation et l’amélioration de la procédure à la Chambre des communes, par. 36, présenté à la Chambre le 1er juin 2001 (Journaux, p. 465) et adopté le 4 octobre 2001 (Journaux, p. 691-693), conformément à un ordre adopté le 3 octobre 2001 (Journaux, p. 685). Voir aussi Journaux, 16 novembre 2004, p. 225-226; 23 novembre 2004, p. 253.

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