Monsieur le Président, j'ai le plaisir de me lever pour parler de ce projet de loi, car je crois que la santé et le bien-être des enfants autochtones font partie des choses les plus importantes sur lesquelles les élus fédéraux ont à se pencher. C'est une population dont nous sommes responsables et envers laquelle nous avons commis trop d'erreurs dans le passé, malheureusement. En tant qu'élus, nous nous devons de corriger ces erreurs. C'est pourquoi ce projet de loi a été créé à la suite de décisions de tribunaux disant que les enfants autochtones étaient victimes d'un système de financement discriminatoire et que nous avions l'obligation d'y remédier. Cela a pris cinq ordonnances du tribunal avant qu'un projet de loi soit déposé.
J'aurais certainement aimé voir les amendements au projet de loi être adoptés en comité, peu importe qui les a proposés. Je crois que tous les membres du comité avaient la sincère intention d'améliorer le sort des enfants autochtones, mais je crois que beaucoup plus d'amendements auraient été adoptés si on avait vraiment voulu travailler dans le but de mettre de côté toute partisanerie, même si on est à la fin de la session parlementaire, pour améliorer le sort de ces enfants. Cela m'attriste qu'on n'ait pas accepté la grande majorité des amendements proposés en comité.
Pour ma part, je souhaitais prendre la parole à l'étape de la deuxième lecture, mais j'ai choisi de ne pas le faire pour ne pas retarder inutilement l'adoption du projet de loi et pour qu'il soit renvoyé en comité pour y être étudié. Maintenant, j'ai la chance d'être la dernière députée à se prononcer sur ce projet de loi avant qu'il se rende au Sénat. Il m'importait beaucoup de souligner la nécessité d'adopter plusieurs de ces amendements, parce qu'il s'agit du bien-être des enfants. On ne veut pas avoir à recommencer le travail. Je soumets cela humblement aux sénateurs qui reprendront l'étude et qui pourraient reprendre certains amendements.
Quand je quitte Ottawa pour retourner chez moi, je conduis pendant au moins six heures vers le nord. Chaque fois, je passe par Kitigan Zibi, une réserve située juste avant Maniwaki. Le Parlement se situe d'ailleurs sur son territoire ancestral. Chaque fois que je prends cette route, parfois deux fois en une semaine, je vois la photo de Maisy Odjick et de Shannon Alexander. Ce sont deux adolescentes disparues depuis 2008 dont on n'a toujours pas de nouvelles. Les membres de la communauté s'inquiètent toujours pour elles.
C'est d'ailleurs pourquoi je suis particulièrement heureuse de prendre la parole aujourd'hui. Il est essentiel que nous prenions conscience des situations très difficiles que plusieurs enfants autochtones ont eu à vivre. Par exemple, certains ont été placés dans des familles d'accueil qui ne comprennent pas leurs traditions et qui n'ont aucune connaissance de leur langue. Une proportion énorme de ces enfants sont placés en famille d'accueil quotidiennement, et malheureusement, ils n'ont pas tous la chance d'être accueillis par des gens qui comprennent leur culture et leur identité.
Par ailleurs, si plusieurs de ces enfants sont placés dans des familles d'accueil qui ne comprennent pas leur réalité, d'autres sont élevés par des parents qui n'ont pas eu la chance d'être élevés par leurs propres parents, qui ont été forcés de placer leurs enfants dans un pensionnat autochtone. Cette génération doit aujourd'hui élever des adolescents sans avoir eu la chance d'avoir des modèles parentaux.
Je crois donc que les membres des communautés autochtones méritent toute notre admiration, puisqu'ils font vraiment du mieux qu'ils peuvent pour inculquer des éléments de culture à leurs enfants, pour leur montrer qui ils sont et d'où ils viennent, et ce, sans avoir pu l'apprendre de leurs propres parents.
En tant que députée, j'ai eu la chance de visiter plusieurs écoles dans les communautés autochtones et de voir les jeunes apprendre la langue grâce à des tableaux où sont inscrits les mots en algonquin. Les jeunes recommencent à avoir des bases d'algonquin. Alors que j'étais une jeune adulte, j'ai partagé un appartement avec une jeune fille algonquine qui n'avait jamais eu la chance d'apprendre la langue. Elle avait un cahier que sa mère lui avait trouvé. C'était une adulte de 18 ou 19 ans qui n'avait jamais eu la chance d'apprendre cette langue.
Présentement, cette génération est en train d'essayer de se rattraper. Pour ce faire, il faut qu'elle soit impliquée au quotidien dans les services à l'enfance. La façon d'élever les enfants est vraiment différente pour les Autochtones. Au fil du temps, en travaillant en tant qu'infirmière, je me suis rendu compte que tout ce qui est relatif à la grossesse est vraiment différent pour eux. Trop souvent, nous avons tendance à juger avec notre propre regard.
Dans les communautés autochtones, ce n'est pas rare que des adolescentes ou des filles de 18 ans aient déjà deux ou trois enfants. Souvent, c'est quelque chose qui n'a aucun sens pour nous et nous trouvons que c'est une situation précaire. Or, quand on parle avec ces adolescentes, on se rend compte qu'elles n'ont pas du tout la même perception en ce qui concerne le fait de vivre une grossesse à 15 ou à 16 ans. En continuant à juger la situation avec notre propre regard, on risque malheureusement d'avoir recours aux services de placement alors que ces jeunes filles vivent ces situations d'une façon différente.
Par ailleurs, les enfants sont placés lorsqu'on s'inquiète de leur sécurité et qu'il y a un risque pour leur développement. Cependant, on est un peu responsable de certains de ces risques parce qu'aucun logement n'a été construit depuis 30 ans dans les réserves, parce qu'on échoue à offrir de l'eau de qualité et des écoles qui se tiennent debout et parce que, tout ce qu'on a à offrir aux enfants, ce sont des écoles pleines de moisissures.
Quand les enfants n'ont absolument aucun endroit pour jouer, quand les infrastructures de la communauté font pitié, cela entraîne peut-être des risques liés au développement de l'enfant. À quel point le parent en est-il responsable? À quel point devrait-il y avoir des conséquences? Dans les faits, c'est davantage le système dans lequel on force les enfants qui en est responsable. C'est à nous, en tant qu'élus, de changer ce système et de redonner le pouvoir aux communautés pour qu'elles puissent investir, construire des logements et s'assurer que les adolescentes qui sont enceintes peuvent continuer leurs études tout en s'occupant de leurs enfants. C'est à nous de nous assurer que les écoles pleines de moisissures deviennent rapidement une chose du passé.
J'ai eu la chance de voir une école merveilleuse bâtie dans ma circonscription, à Long Point First Nation. Cela fait toute la différence. Avant, les enfants devaient aller dans une école où il y avait des moisissures. C'était une école qui avait été fermée par la commission scolaire. Comme l'école était située dans le village d'à côté, les enfants devaient prendre l'autobus. L'école était en mauvais état. Quant aux adolescents, ils fréquentaient l'école de leur communauté. Ils devaient suivre leurs cours dans le gymnase, où il n'y avait pas de fenêtres, parce qu'il y avait des moisissures ailleurs. Les jeunes s'automutilaient. C'était désastreux. Cela a pris des années avant qu'ils aient finalement leur école.
Cette école a été conçue et pensée complètement autrement. Elle est très lumineuse, on y a utilisé le bois et on lui a donné la forme d'une ruche. Les enfants sont placés en rond afin qu'ils puissent se voir et communiquer entre eux. On peut voir sur le visage de ces enfants qu'ils vont mieux. La communauté savait très bien qu'une belle école dont les enfants allaient être fiers était nécessaire afin qu'ils soient heureux.
Je demande aujourd'hui qu'on adopte le projet de loi C-92, qu'il soit étudié au Sénat, mais aussi, qu'on n'oublie pas qu'il y a un financement extrêmement important à accorder aux communautés autochtones pour s'assurer que les enfants sont heureux. La responsabilité des élus est de faire en sorte que les communautés autochtones puissent bénéficier des fonds pour s'épanouir pleinement et pour que les enfants cessent d'être exposés à la discrimination.