Madame la Présidente, je me joins à tous les députés de la Chambre pour exprimer mes plus sincères condoléances à la famille et aux amis de Marylène Levesque, qui a été froidement et lâchement assassinée dans ma circonscription, à Québec.
Cette tragédie nous a tous profondément attristés et outrés. Un drame pareil serait choquant, peu importe le contexte, mais il l'est encore plus puisque le système qui devait protéger Marylène Levesque et le public a échoué. C'est une tragédie indicible qui a ébranlé tout le pays et le Québec, et particulièrement ma communauté. Il importe de faire la lumière sur les circonstances qui ont mené à ce drame.
Il doit y avoir une enquête pour bien comprendre ce qui s'est passé, identifier les responsables et apporter les changements nécessaires pour que cela ne se reproduise plus jamais. À cet égard, deux enquêtes sont déjà en cours: l'enquête criminelle menée par le Service de police de la Ville de Québec et celle du comité d'enquête mis sur pied par le Service correctionnel du Canada — le SCC — et la Commission des libérations conditionnelles du Canada.
Ce comité a été mis sur pied en vertu de l'article 20 de la Loi sur le système correctionnel et la mise en liberté sous condition. Il est composé de cinq personnes, dont deux coprésidents qui ne travaillent pour ni l'un ni l'autre des deux organismes impliqués. Le gouvernement s'attend à ce que ce comité termine ses travaux le plus rapidement possible. Ses conclusions seront rendues publiques et permettront de mieux comprendre là où il y a eu des manquements, que ce soit à la Commission ou au SCC. Ces conclusions sont impératives.
Notre gouvernement appuie également la tenue d'une étude par le Comité permanent de la sécurité publique et nationale, comme le demande la motion que nous débattons aujourd'hui. Il est de notre avis que ces enquêtes et cette étude vont permettre de tirer les conclusions nécessaires pour qu'une telle tragédie ne se reproduise pas. Les faits vont nous permettre d'y arriver et je pense d'ailleurs qu'il est important de revenir à ces faits.
La Commission des libérations conditionnelles du Canada n'avait pas accepté que l'individu en question, M. Gallese, fréquente des salons de massage. Quand la Commission a appris que des agents des services correctionnels permettaient que cela se produise, elle a immédiatement exigé dans sa décision de septembre 2019 que cela cesse. L'enquête nous permettra de savoir si cette directive a été respectée par les gestionnaires de cas de M. Gallese et, si ce n'est pas le cas, pourquoi. Entre-temps, je peux rassurer la Chambre et tous les députés en leur disant que les agents en question ne surveillent plus aucun délinquant.
D'une façon ou d'une autre, il m'apparaît évident qu'il y a eu un sérieux dérapage et des manquements dans ce cas. Il est totalement inacceptable et inapproprié qu'une agente des services correctionnels puisse inclure dans son plan des visites à des salons de massage, surtout en connaissant le passé criminel de M. Gallese. Il importe donc qu'une enquête rigoureuse fasse toute la lumière sur les circonstances qui ont mené à cette tragédie.
D'un autre côté, je constate que le Parti conservateur et le député de Charlesbourg—Haute-Saint-Charles utilisent ce cas pour tenter de démontrer qu'il y a un problème systémique.
Pourtant, les infractions violentes commises par les personnes sous surveillance communautaire sont extrêmement rares au Canada, et elles sont devenues de plus en plus rares au cours des dernières années. Au cours de la dernière décennie, de 7 000 à 8 000 personnes étaient l'objet d'une forme ou d'une autre de surveillance communautaire chaque année, dont plus de 1 000 délinquants en semi-liberté. Or, en 2013 et en 2014, il n'y a eu que 17 condamnations pour infraction violente commise par une personne en semi-liberté ou en libération conditionnelle totale.
C'est un terrain sur lequel j'éviterais de m'aventurer, mais les conservateurs semblent vouloir nous y amener quand même. Je rappelle donc que ces données remontent à l'époque où le gouvernement de M. Harper régnait depuis presque une décennie.
Par comparaison, il n'y a eu en 2017-2018 que cinq incidents violents commis par des personnes en semi-liberté ou en libération conditionnelle. Cela ne veut pas dire que le système n'a pas échoué dans le cas de Marylène Levesque. Cela ne veut pas dire qu'il ne faut pas faire toute la lumière sur les circonstances qui ont mené à cette tragédie. Cependant, quand on analyse le système correctionnel dans son ensemble, ce sont les chiffres qu'il faut garder en tête.
On devrait aussi garder ces chiffres en tête quand on parle des nominations à la Commission des libérations conditionnelles du Canada, dont les commissaires sont hautement qualifiés. D'ailleurs, beaucoup de choses ont été dites à ce sujet. Or, parmi les 78 commissaires actuels, 36 % viennent du milieu correctionnel, 28 % du milieu juridique, 17 % de la fonction publique, 15 % du domaine de l'éducation, alors que 10 % sont d'anciens policiers. Ces commissaires sont formés en droit, en psychologie, en criminologie et en travail social.
Une fois nommés, les nouveaux commissaires reçoivent une formation rigoureuse en région et au quartier général de la Commission, ici, à Ottawa. Ils sont formés, entre autres, en évaluation du risque, en technique d'entrevue, en gestion d'audience, en rédaction de décisions, et ils apprennent à reconnaître les facteurs particuliers qui s'appliquent à certains types de délinquants, par exemple, les agresseurs ou les personnes avec des troubles mentaux.
Après cette formation initiale, les nouveaux commissaires observent des audiences. Ils sont jumelés à des commissaires plus expérimentés et, si nécessaire, ils retournent suivre de la formation supplémentaire. Il importe de savoir que c'est seulement lorsque le vice-président régional est satisfait et estime qu'ils sont prêts à siéger et à recevoir une audience qu'on leur permet de siéger pour rendre des décisions. C'est seulement lorsque le vice-président régional est d'avis qu'ils sont prêts qu'ils peuvent assumer leur rôle de commissaire. Or, le vice-président régional actuel au Québec a non seulement été nommé par le gouvernement conservateur, il est aussi un ancien candidat conservateur et l'adjoint de l'ancien ministre Jean-Pierre Blackburn.
Il faut savoir également que tous les commissaires reçoivent une formation annuelle sur l'évaluation du risque pour qu'ils peaufinent leurs capacités et demeurent en mode d'apprentissage continu.
Je rappelle, encore une fois, qu'il n'y a pas un commissaire qui siège à la Commission sans avoir l'approbation du vice-président régional; celui-ci doit être satisfait que les commissaires ont acquis les compétences et l'expertise nécessaires pour siéger à titre de commissaire à la Commission. Actuellement, le vice-président régional au Québec est un ancien candidat conservateur nommé par le Parti conservateur.
En fait, plusieurs commissaires nommés par le gouvernement Harper avaient des liens étroits avec le Parti conservateur. Je ne remets pas en question les qualifications ou les capacités de ces personnes. D'ailleurs, c'est un terrain sur lequel j'aurais préféré ne pas aller. Cependant, quand on entend les accusations grossières faites par les conservateurs et tout particulièrement le député de Charlesbourg—Haute-Saint-Charles quant au processus de nomination, ainsi que les insinuations qu'il y aurait des nominations partisanes, je pense qu'il est important d'y répondre.
Je trouve intéressant de noter le nombre de commissaires nommés sous la gouverne du gouvernement conservateur qui étaient soit des donateurs, soit des candidats conservateurs, soit des adjoints de ministres conservateurs. Presque le tiers des individus nommés à la Commission des libérations conditionnelles du Canada sous le gouvernement de Stephen Harper avaient des liens très clairs avec le parti. Ce phénomène était particulièrement important au Québec: à la fin de leur règne, six des neuf commissaires à temps plein étaient des partisans très assumés et très publics du Parti conservateur.
Oui, il est vrai que nous avons mis fin à cette pratique de faire des nominations partisanes à la Commission des libérations conditionnelles du Canada. Nous valorisons l'expertise, l'expérience et la compétence. Ces qualités sont cruciales parce que le travail d'un commissaire est à la fois très exigeant et très important.
Maintenant, si on passe outre les commissaires en tant que tels, il est important de rappeler ce sur quoi les commissaires se basent quand ils évaluent une demande de libération conditionnelle. Ils se basent sur les facteurs suivants: les motifs et les recommandations du juge qui a infligé la peine; la nature et la gravité de l'infraction; le degré de responsabilité du délinquant; les renseignements obtenus au cours du procès; et les renseignements obtenus des victimes, des délinquants et des autorités correctionnelles. Les commissaires doivent accorder la priorité à la sécurité publique en se rappelant que celle-ci souffrirait si tous les délinquants étaient libérés à froid à la fin de leur peine, sans contrôle et sans condition.
Il est à noter que les critères que je viens d'énoncer n'ont pas changé depuis des années. C'était les mêmes sous l'ancien gouvernement et ils n'ont pas changé depuis que nous sommes au pouvoir. Ces critères sont demeurés inchangés et ce sont les critères qui guident les commissaires dans leur prise de décisions, eu égard à une remise en semi-liberté ou en liberté sous conditions.
Effectivement, l'objectif principal de tout le système correctionnel et de la mise en liberté sous conditions est de favoriser la sécurité du public. Il s'agit également de la première responsabilité de tout gouvernement. Le nôtre met l'accent depuis cinq ans sur des mesures pour combattre la violence fondée sur le sexe, ce qui est particulièrement significatif dans ce cas-ci, devant la mort tragique d'une jeune femme.
J'invite donc tous les députés à appuyer notre stratégie pour prévenir et pour contrer la violence fondée sur le sexe, qui met en place des mesures préventives, soutient les survivantes et facilite le développement de la recherche et la diffusion des connaissances. J'invite mes collègues à appuyer l'augmentation d'aide juridique pour aider les victimes de harcèlement sexuel au travail. Je les invite à appuyer l'augmentation du financement pour la formation, l'éthique et la conduite des juges dans le domaine de la violence fondée sur le sexe, des agressions sexuelles et de la violence familiale. Je les invite à appuyer le financement pour prévenir la violence dans les fréquentations amoureuses à l'adolescence, pour lutter contre l'intimidation et pour combattre la violence sexuelle dans les établissements postsecondaires.
Je sais que nous voulons toutes et tous que nos collectivités, nos communautés et notre société soient plus sécuritaires.
Nous voulons que des femmes comme Marylène Levesque ne se retrouvent plus jamais dans des situations vulnérables et qu’elles aient les ressources et le soutien dont elles ont besoin.
Pour y arriver, il est fondamental qu’on fasse la lumière sur ce qui s’est passé dans ce cas tragique qui a fait en sorte qu’une jeune femme de chez nous s'est retrouvée dans une situation d’extrême vulnérabilité avec un homme qui n’aurait jamais dû être avec elle.
Notre gouvernement et moi-même sommes d’accord pour que le Comité permanent de la sécurité publique et nationale se penche sur cette question et y apporte son éclairage, de pair avec le comité d’enquête du Service correctionnel du Canada et de la Commission des libérations conditionnelles du Canada.
Selon moi, la condamnation de la décision de la Commission des libérations conditionnelles du Canada se rapproche d'une condamnation d'un organisme quasi judiciaire. Il faut donc faire preuve de grande prudence.
Toutefois, dans ce cas-ci, il est clair que l’agente du Service correctionnel qui a inclus dans son plan une visite dans des salons de massage a agi de manière complètement inappropriée. C’est la raison pour laquelle il faut qu'il y ait une enquête, tant de la part du Comité permanent de la sécurité publique et nationale que du comité d’enquête que notre gouvernement a mandaté pour étudier l’ensemble des faits et des circonstances, à toutes les étapes de la décision dans ce dossier. Il faut tirer les conclusions qui s’imposent pour éviter qu’une tragédie comme celle qu’on a vécue à Québec ne se reproduise. Nous le devons à la victime et à sa famille. C’est dans l’intérêt du pays que l'on tire des conclusions afin d'éviter que cela ne se reproduise.
Puisqu'il s'agit d'un débat très délicat, j’invite tous les députés à faire preuve de retenue compte tenu de la tragédie qui est à la source du débat.