Monsieur le Président, nous débattons aujourd'hui du nouvel ALENA, soit l'Accord Canada-États-Unis-Mexique, qu'on désigne au Canada par l'acronyme ACEUM.
La version initiale de l'ALENA a été signée en 1994 par les libéraux, mais elle avait été négociée par les conservateurs. Cet accord promettait la création d'emplois et un accès sûr aux plus grands marchés du monde. Les partisans de l'accord soutiendront que le PIB du Canada et le commerce transfrontalier ont connu une croissance depuis sa signature. Cependant, nombre de travailleurs canadiens n'en ont pas bénéficié.
Depuis la mise en œuvre de l'ALENA, le Canada a perdu 400 000 emplois dans le secteur manufacturier. L'industrie textile canadienne a été anéantie parce que l'accord a permis que ces emplois soient exportés au Mexique et dans le Sud des États-Unis où les coûts de main-d'oeuvre sont moindres. Le Canada y a tout simplement perdu au change.
Les inégalités de revenu se sont creusées au Canada parce que la croissance du PIB engendrée par cet accord commercial a en grande partie bénéficié aux entreprises et à leurs actionnaires plutôt qu'aux travailleurs. Si on examine n'importe quel graphique qui compare le PIB au revenu réel des Canadiens, force est de constater que le revenu stagne alors que le PIB augmente.
Le NPD a toujours appuyé le commerce équitable, mais beaucoup de nos accords de libre-échange contiennent des dispositions et des articles qui sont tout sauf équitables. Il y a entre autres la disposition de proportionnalité, qui se trouvait dans l'ALENA initial et qui accordait aux États-Unis le droit d'exiger du Canada une part constante de ses livraisons de pétrole et de gaz.
Si les Américains nous demandaient 60 % du pétrole et du gaz que nous produisions, nous devions nous assurer qu'ils obtenaient ces 60 %. Peu importe si nous doublions ou réduisions de moitié notre production, les États-Unis avaient droit à la même part, même si nous estimions qu'il était dans l'intérêt supérieur du Canada de la conserver.
Il y a une autre lacune dans bon nombre de nos accords commerciaux, pas seulement dans l'ALENA, mais aussi dans le Partenariat transpacifique et dans l'accord commercial avec la Chine, à savoir le mécanisme de règlement des différends entre les investisseurs et l'État, qui se trouvait au chapitre 11 de l'ALENA. Comme plusieurs le savent, cet élément permettait aux entreprises de poursuivre le gouvernement du Canada si elles estimaient que celui-ci avait apporté des modifications aux règlements qui nuisaient à leur rentabilité. Même si le Canada apportait ces changements dans le but de protéger l'environnement ou la santé des Canadiens, les sociétés américaines pouvaient poursuivre le gouvernement du Canada pour renverser ces changements.
Un des pires exemples a été mentionné par la députée de Saanich—Gulf Islands et par le député d'Elmwood—Transcona. Je voudrais aussi en parler.
En 1997, peu après l'adoption de l'ALENA, Ethyl Corporation, une entreprise américaine, produisait un additif pour l'essence appelé MMT. Le Canada était préoccupé, parce qu'on soupçonnait le MMT d'être neurotoxique et qu'on s'inquiétait de ses effets chez l'humain. Les fabricants d'automobiles n'aimaient pas le MMT, parce qu'il encrassait les systèmes de diagnostic à bord des véhicules, alors le Canada a décidé de l'interdire.
Ethyl Corporation a poursuivi le Canada et a eu gain de cause devant l'un des tribunaux secrets de l'ALENA chargés d'entendre les différends relatifs au chapitre 11. En plus d'être contraint de verser 19,5 millions de dollars en réparation à Ethyl Corporation, le Canada a aussi dû annuler les modifications qu'il avait apportées à sa réglementation afin que l'utilisation du MMT soit de nouveau permise au pays. Le Canada a été forcé de s'agenouiller et de demander pardon à Ethyl Corporation pour avoir interdit son produit. Tout ce que le Canada voulait faire, c'était d'agir en pays souverain et de protéger la santé de la population et de l'environnement.
Le Canada a souvent eu à faire face à ce genre de situations dans le cadre de l'ALENA, beaucoup plus souvent que les États-Unis ou que le Mexique. En acceptant d'être parties à de tels accords de libre-échange, les pays renoncent souvent à une partie de leur souveraineté.
Le nouvel accord présente deux avantages. Le premier, c'est que, Dieu merci, le chapitre 11 a disparu. Le NPD en est très content. Nous aurions voulu que les dispositions du même genre soient aussi retirées du PTPGP et des accords avec la Chine. L'Accord économique et commercial global est un peu mieux, grâce aux efforts de l'Allemagne, qui ont permis d'assouplir ces dispositions, mais le NPD est bien content que le chapitre 11 et la disposition de proportionnalité aient été supprimés.
Ce sont les deux choses bénéfiques que les néo-démocrates apprécient dans ce nouvel accord.
Passons maintenant aux aspects qui ne sont peut-être pas aussi positifs. Tout d'abord, l'accord fait passer de huit à dix ans la durée de protection des brevets de médicaments au Canada, ce qui fait que les Canadiens devront payer pendant deux années de plus le plein prix des médicaments aux sociétés pharmaceutiques.
Les sociétés pharmaceutiques canadiennes se tiraient très bien d'affaire avec des brevets d'une durée de huit ans, et nous en profitions nous aussi. Au bout de huit ans, nous pouvions utiliser des substituts génériques, ce qui faisait baisser considérablement le prix de nos médicaments. Nous continuons à payer certains des prix les plus élevés au monde et nous allons maintenant devoir les assumer pendant deux autres années. Selon le directeur parlementaire du budget, l'application de cette disposition coûtera 169 millions de dollars aux Canadiens pour chaque année que le Canada doit payer les sociétés pharmaceutiques.
Cet accord ouvre également une plus grande part de notre marché laitier aux fournisseurs étrangers. La situation est d'autant plus grave que nous avons déjà fait des compromis en la matière dans le cadre des accords conclus avec l'Union européenne et les pays du Partenariat transpacifique. Nous avons maintenant ouvert notre marché laitier de 10 %. Cet accord porte sur 3,6 %.
En ce qui concerne les produits laitiers que nous recevons des États-Unis, mes concitoyens s'inquiètent du fait que les producteurs laitiers américains sont autorisés à utiliser une hormone de croissance bovine qui stimule la production de lait chez les vaches, mais qui a des effets inconnus sur les humains et certains effets graves sur la santé des vaches elles-mêmes. C'est pourquoi les gens sont très inquiets de voir que nous dégradons les produits que nous sommes maintenant forcés d'utiliser.
Voici un autre exemple de perte de souveraineté. J'ai récemment parlé avec un producteur laitier de la Colombie-Britannique dont l'entreprise fabrique des produits à base de protéines laitières. Eh bien, les États-Unis ont maintenant la possibilité de contrôler la quantité de ces produits que nous destinons à l'exportation, non seulement chez eux, mais également dans le monde entier. Les États-Unis auront désormais leur mot à dire à ce sujet.
Je veux également aborder quelques éléments qui sont très préoccupants pour les gens de ma circonscription, et dont il n'est pas question dans l'accord. Il s'agit tout d'abord du conflit sur le bois d'œuvre, dont on ne parle pas du tout. Je suis heureux d'entendre que le département américain du Commerce a décidé de réduire les droits illégaux dont nous avons fait les frais dernièrement. Nous attendons avec impatience la fin de cette querelle interminable.
L'autre élément concerne les vignerons de ma circonscription, dans la vallée de l'Okanagan, où l'on produit le meilleur vin au Canada. Des pays comme les États-Unis et l'Australie s'inquiètent du fait que nos vignerons n'ont pas à verser la taxe d'accise au gouvernement fédéral si leur vin est produit à partir de raisins canadiens.
Cette mesure a grandement favorisé la croissance de notre industrie et lui a été très profitable. Aujourd'hui, on nous fait la vie dure sur le marché international en raison de la hausse automatique de cette taxe. Le ministre des Finances me dit qu'ils ne sont pas vraiment ouverts à la négociation.
Le NPD est pressé d'en discuter en comité. Nous voulons savoir s'il s'agit d'un meilleur accord que l'ancien ALENA. C'est là toute la question.