Madame la Présidente, je suis heureuse d'intervenir au sujet de la motion no 7. Le leader du gouvernement à la Chambre des communes a prononcé un discours enflammé sur la manière dont nous avons tous uni nos efforts lorsque la crise a frappé. Nous avons tout de suite collaboré afin d'assurer des conditions sécuritaires à Ottawa. Les séances de la Chambre ont été suspendues le 13 mars, et nous sommes tous rentrés dans notre circonscription pour entamer le dur travail qui consiste à faire face à la pandémie.
Lorsque la Chambre a suspendu ses travaux, je doute que quiconque ait pensé que le gouvernement profiterait de l'occasion pour contourner les processus démocratiques et fermer le Parlement pendant une aussi longue période. Les conservateurs n'ont jamais voulu qu'il en soit ainsi.
Avec la motion no 7, la démocratie resterait au point mort. Le Parlement demeurerait fermé. Tous les députés continueraient de ne pas pouvoir faire le travail que les Canadiens leur ont confié en les élisant. Concrètement, la motion no 7 rétablirait le comité spécial. Certes, on peut poser des questions au comité spécial, mais on ne peut vraiment pas dire qu'on y obtient des réponses. L'opposition peut accomplir beaucoup de choses, lorsque le Parlement siège en bonne et due forme, afin d'obtenir des réponses et de demander des comptes au gouvernement. Ce n'est pas ce qui se passera si la motion est adoptée.
Je rappelle aux Canadiens qu'il y a un certain nombre de choses que nous pouvons faire en tant que députés de l'opposition, notamment dans le cadre des journées de l'opposition, qui nous permettent de débattre des journées entières sur des questions que les partis de l'opposition jugent importantes. Des initiatives parlementaires peuvent être mises à l'étude lorsque le Parlement siège. Or, selon cette motion, de telles initiatives ne pourront probablement pas être mises à l'étude avant la fin de septembre. On peut inscrire des questions au Feuilleton pour obtenir des réponses à des questions très précises et détaillées, ce qui nous a permis d'obtenir beaucoup d'information au fil des années. L'opposition ne sera plus en mesure de le faire. Il y a des débats et des discussions sur d'importants rapports de comité lorsque le Parlement siège. Ce ne sera pas possible dans le cadre de ce comité spécial.
Soyons très clairs. Pour l'ensemble des Canadiens et des députés, le Parlement ne reprendrait pas ses travaux. Les membres d'un comité siégeraient en personne dans cette enceinte, ce qui m'amène à me poser la question suivante. Si nous pouvons nous réunir en comité quatre jours par semaine, dans cette Chambre, alors pourquoi tous les parlementaires ne pourraient-ils pas reprendre leurs travaux en bonne et due forme?
Le comité de la procédure et des affaires de la Chambre a justement réalisé une étude sur le sujet dernièrement. Il s'agissait d'une bonne étude, quoique peut-être un peu courte. Le comité aura sans doute besoin de plus de temps pour venir à bout des tâches qui lui ont été confiées, et je crois qu'il en aura. Il a entendu plusieurs témoins qui sont venus expliquer de manière extraordinairement éloquente en quoi le Parlement est un service essentiel. Certains seront tentés de dire qu'il s'agit d'une simple tactique pour attirer l'attention des médias. Quelle insulte pour le travail que les députés accomplissent depuis 150 ans chaque fois que le Parlement siège. Que nous soyons sur les banquettes ministérielles ou sur celles de l'opposition — et j'englobe là-dedans autant l'opposition officielle que la deuxième et même la troisième opposition —, nous avons un travail à faire. Les députés sont ici pour faire leur travail, et j'ose espérer que personne ne souhaite insulter le troisième parti de l'opposition en affirmant que ses députés cherchent seulement à attirer l'attention sur eux, même s'ils sont en nombre réduit.
Marc Bosc, qui a déjà été greffier de la Chambre par intérim, a su mieux que quiconque résumer l'importance du Parlement:
Dans trop de pays, les organes exécutifs font de l'ombre au Parlement. Les Parlements finissent alors par être plus faibles et moins pertinents. On doit corriger ce déséquilibre, particulièrement en période de crise.
C'est le cas actuellement, madame la Présidente. M. Bosc a ajouté ceci:
Il faut que la Chambre des communes [et non un quelconque comité] fonctionne et qu'elle soit perçue comme étant une Chambre des communes qui fonctionne. Je veux être clair: le Parlement, particulièrement la Chambre des communes [et non ses comités], est un service essentiel pour le pays. Les députés sont également des travailleurs essentiels [...]
Il ne s'agit pas d'opinions purement théoriques. De nombreux observateurs chevronnés de la scène politique canadienne pensent la même chose. Voici par exemple ce qu'a écrit John Ibbitson:
Tout ce qui a été débattu sur Twitter, sur Facebook et dans la presse doit être débattu sur le parquet de la Chambre [des communes] et pendant la période des questions.
Là encore, il n'est pas question de comités. M. Ibbitson dit que les députés doivent se réunir et débattre de ces sujets à la Chambre des communes. Il ajoute ceci:
Le Canada est une démocratie parlementaire, urgence sanitaire ou pas [...] Les partis de l'opposition ont tout à fait le droit de poser ces questions, et le parti au pouvoir a absolument le droit de défendre ses décisions. Or, l'endroit pour ce faire est le Parlement, pas devant un micro une fois par jour.
Qui prend la parole tous les jours devant un micro, tout sourire, devant sa résidence, répond à quelques questions et explique comment il se sent à la galerie, mais sans plus? Pas le Parlement en tout cas. Ce n'est pas ainsi que fonctionne la démocratie canadienne.
La journaliste québécoise Manon Cornellier a écrit ceci dans Le Devoir: « Les conservateurs [...] n'ont pas tort d'exiger du gouvernement qu'il rende davantage de comptes. Les discours et les conférences de presse à répétition ne peuvent servir de substitut à l'obligation des ministres et du premier ministre d'être responsables devant les élus. En système parlementaire de type britannique, l'existence du gouvernement repose sur la confiance que lui témoigne la Chambre — pas un comité de la Chambre, mais le Parlement. [Ultimement, le gouvernement] doit répondre de ses actes et décisions. »
Beaucoup d'universitaires et de journalistes posent la question, mais, surtout, beaucoup d'habitants de ma circonscription me demandent chaque jour pourquoi le Parlement ne siège pas. Ils font valoir que nous sommes en pleine crise et que j'ai été élue pour siéger au Parlement. J'ai été obligée de répondre que le gouvernement, avec l'aide de certains partis, nous a lié les mains. L'opposition a quand même été capable de faire beaucoup de très bon travail. On peut constater ce que nous avons accompli. Même le leader du gouvernement à la Chambre des communes a reconnu que l'opposition a amélioré pratiquement tous les programmes proposés par le gouvernement; c'est parce que nous avons refusé que quiconque nous contraigne au silence et nous nous sommes servis de tous les outils à notre disposition.
Voilà pourquoi nous voulons que le Parlement siège. Nous voulons livrer de meilleurs résultats aux Canadiens. Nous savons que, dans une démocratie, il est préférable pour les Canadiens que le gouvernement soit remis en question, qu'il doive défendre ses mesures et peut-être les améliorer, qu'il doive nous écouter lors des journées de l'opposition et prendre position. C'est la raison pour laquelle les conservateurs veulent que le Parlement siège.
La question qui se pose alors est de savoir pourquoi le gouvernement préférerait que le Parlement ne siège pas. Pourquoi le gouvernement libéral préférerait-il un point de presse quotidien, comme celui du premier ministre devant sa résidence, pour répondre à quelques questions et annoncer certains programmes à l'intention de la population, plutôt que la reprise des travaux du Parlement? Pendant longtemps, le gouvernement se disait préoccupé pour la santé et la sécurité des députés et des gens dans la Cité parlementaire. Ce prétexte n'est plus très valable, puisque sa propre motion nous convoque tous ici quatre jours par semaine.
Quatre jours par semaine, nous serons ici, face à face, en respectant les normes de distanciation physique et en étant très responsables, comme le réclament les conservateurs. Toutefois, étant donné que le premier ministre ne veut pas que le Parlement siège, nous formerons plutôt un comité. Par conséquent, l'argument de la sécurité ne tient pas la route. C'est une bien piètre excuse; ce n'est pas la vraie raison.
Selon moi, la vraie raison pour laquelle les libéraux ne veulent pas que le Parlement siège, c'est parce qu'ils ne veulent pas avoir à rendre des comptes en bonne et due forme, ils ne veulent pas se soumettre pleinement à l'examen du public et ils ne veulent pas assumer pleinement la responsabilité de leurs actions, comme ce sera le cas lorsque le Parlement siégera. En effet, ne nous méprenons pas: nous siégerons de nouveau. Les conservateurs sont prêts à reprendre les travaux parlementaires n'importe quand, et nous exigerons des comptes du gouvernement pour sa réaction à la pandémie, ses défauts d'intervention, sa lenteur, et l'aide et la protection insuffisantes qu'il aura fournies aux Canadiens.
Il n'y a aucun doute, le jour du jugement viendra pour le premier ministre. Il pense peut-être échapper au Parlement en ce moment, mais le jour viendra. Les conservateurs exigeront qu'il rende des comptes. Nous ferons notre travail. Les conservateurs sont prêts, disposés et aptes à faire, pour les Canadiens, le travail que personne d'autre ici ne semble vouloir faire.