Madame la Présidente, c'est un honneur et un privilège de prendre la parole aujourd'hui au sujet du projet de loi C-8 depuis le territoire traditionnel non cédé de la Première Nation Snuneymuxw. Je tiens à reconnaître que la circonscription de Nanaimo—Ladysmith se trouve sur le territoire des Premières Nations Snuneymuxw, Snaw-naw-as, Stz'uminus et de Lyackson.
Huy’chka siem.
Je tiens à remercier le député de Sydney—Victoria de partager son temps de parole avec moi aujourd'hui afin que je puisse parler de cet important projet de loi.
Le projet de loi C-8 vise à modifier la Loi sur la citoyenneté. Il modifierait le serment de citoyenneté pour que les nouveaux arrivants au Canada, en plus de prêter allégeance à la reine, observent fidèlement les lois du Canada, y compris la Constitution, qui reconnaît et confirme les droits ancestraux ou issus de traités des Premières Nations, des Inuits et des Métis.
Aujourd'hui, j'interviens depuis le territoire de la Première Nation Snuneymuxw, qui a signé un traité en 1854. Il s'agissait du 14e et dernier des traités dits « traités Douglas » et on en a fait fi pendant plus de 100 ans. Il a fallu attendre le fameux arrêt White and Bob rendu par la Cour suprême en 1965 pour que le gouvernement du Canada reconnaisse enfin ce traité. Cette affaire historique a marqué le début de l'ère moderne du militantisme pour le respect des droits et titres ancestraux ou issus de traités partout au Canada.
J'ai entendu parler pour la première fois de ce traité quand je travaillais sur un film au sujet de la rivière Nanaimo, intitulé Voices of the River. Lors de mes entrevues avec l'aînée de la Première Nation Snuneymuxw Ellen White et son petit-fils Doug White, qui était le chef à l'époque, les deux ont souligné l'importance de ce traité et des droits et des titres qu'il garantit. La plupart des habitants de Nanaimo n'ont aucune connaissance de ce traité ni de ce qu'il signifie. Les Snuneymuxw doivent constamment se battre pour faire reconnaître leurs droits issus de ce traité.
C'est vrai pour toutes les Premières Nations du Canada, comme nous avons pu le constater lors des événements liés à la pêche micmaque, en Nouvelle-Écosse, et lors du conflit avec les Haudenosaunee, à Caledonia, en Ontario. Au Canada, nous sommes tous visés par des traités. Nous devons respecter les traités historiques qui ont été signés. En ce qui a trait aux Premières Nations qui n'ont jamais signé de traité, il incombe au gouvernement de conclure des traités modernes avec elles, de manière respectueuse.
Il est important que les nouveaux arrivants au Canada comprennent les droits des Autochtones et des Premières Nations inscrits dans la Constitution du Canada et dans la Charte des droits et libertés du Canada. Tous les Canadiens, y compris les néo-Canadiens, devraient comprendre ces textes juridiques. Ils devraient comprendre que s'ils se trouvent dans une région qui n'est pas visée par un traité, cette région n'a jamais été cédée; elle est toujours, juridiquement parlant, un territoire autochtone.
Le projet de loi répondrait à l'appel no 94 des 94 appels à l'action de la Commission de vérité et réconciliation. Cela ne veut pas dire que le Parlement actuel est finalement arrivé au bout de la liste et qu'il a déjà donné suite aux 93 appels à l'action précédents, loin de là. Nous affichons un bien piètre bilan pour ce qui est d'appliquer ces recommandations. Cette année, ma collègue la députée de Fredericton en a fait le décompte dans son discours. On a donné suite à sept recommandations sur 52 en ce qui a trait à la réconciliation, à une recommandation sur 18 en matière de justice, à une recommandation sur cinq en ce qui concerne la langue et la culture, et à aucune des recommandations concernant la santé, l'éducation et la protection de l'enfance.
On a donné suite à cinq recommandations pendant la première année, et à seulement quatre recommandations depuis 2016. Au rythme actuel, il faudra encore attendre environ 38 ans avant la mise en œuvre de toutes les recommandations. Ce n'est pas une façon de poser des gestes concrets pour la réconciliation.
L'appel à l'action no 94 est important, mais il y a des recommandations beaucoup plus urgentes dont nous devons nous occuper. L'appel à l'action no 1 demande au gouvernement fédéral, aux gouvernements provinciaux et territoriaux de même qu'aux gouvernements autochtones de s'engager à réduire le nombre d'enfants autochtones pris en charge. À l'heure actuelle, il y a au pays plus d'enfants autochtones qui sont pris en charge par le système de protection de l'enfance qu'il y en avait dans le système des pensionnats à son apogée. On continue donc d'aller à l'encontre d'un droit de la personne et de la justice sociale fondamentale.
Lorsque je parle avec des dirigeants des communautés autochtones et des Autochtones en milieu urbain de ma circonscription, ils me disent tous la même chose: des enfants sont pris en charge par les services provinciaux de protection de l'enfance, et ce n'est pas parce que leurs parents ont négligé de leur donner de l'amour, des soins ou de l'attention. Dans la majorité des cas, la prise en charge découle directement de la pauvreté et des logements inadéquats. Le gouvernement du Canada pourrait résoudre ce problème immédiatement en mettant en œuvre une stratégie de lutte contre la pauvreté et un programme visant à fournir des logements rapidement pour les Premières Nations et les populations autochtones en milieu urbain.
Le rapport de l'Enquête nationale sur les femmes et les filles autochtones disparues et assassinées recommande l'établissement d'un programme de revenu annuel garanti pour s'assurer qu'aucun Canadien ne connaisse la pauvreté. La mise en place d'un tel programme permettrait également d'éliminer les biais propres à nos programmes d'aide sociale, en plus de représenter une étape vers l'élimination du racisme systémique au Canada. Les Autochtones sont surreprésentés dans notre système carcéral, ainsi que parmi les sans-abri. Il s'agit d'une conséquence directe de la pauvreté et du nombre disproportionné d'enfants ayant été arrachés à leur famille et à leur communauté par le système d'aide à l'enfance.
Nous avons encore beaucoup à faire pour parvenir à une véritable réconciliation avec les peuples autochtones du Canada. Dans la partie consacrée aux recommandations de la Commission de vérité et réconciliation, le premier appel à l'action, qui porte le numéro 43, demande aux gouvernements fédéral, provinciaux et territoriaux, ainsi qu'aux administrations municipales d'adopter et de mettre en œuvre la Déclaration des Nations unies sur les droits des peuples autochtones en tant que cadre du processus de réconciliation. C'est important et nous devons agir tout de suite. Pourquoi ne sommes-nous pas en train de discuter de cet enjeu dès maintenant?
C'est une honte nationale que des communautés autochtones soient toujours obligées de faire bouillir leur eau, et que cette situation perdure depuis des années, voire des décennies. C'est une honte nationale que les communautés autochtones soient confrontées à une pauvreté à la fois grave et persistante, que les Autochtones soient surreprésentés au sein du système de justice pénale et parmi les sans-abri, que les taux de suicide soient si élevés chez les jeunes autochtones, et que les résultats en matière de santé chez les populations autochtones soient comparables à ceux des habitants de pays à faible revenu.
La réputation du Canada est ternie sur la scène internationale quand, après une parodie de consultation, on impose aux communautés autochtones des projets industriels et des développements qui empiètent sur leur territoire et que des forces policières lourdement armées protègent ensuite l'exécution des travaux.
Nous avons besoin d'une réconciliation économique afin de créer des conditions propices au développement et à la souveraineté économiques des Premières Nations. Le lien à la terre est un élément central de la culture des peuples autochtones du Canada, mais, en tant que colonisateurs, nous avons brisé ce lien. Le système de réserves a forcé les peuples autochtones à quitter leurs terres et coupé ce lien essentiel à leur culture. L'industrialisation a aussi détruit beaucoup de territoires traditionnels pour en extraire des ressources, que ce soit par des coupes de bois excessives, l'extraction minière ou la production pétrolière et gazière, des activités qui détruisent la biodiversité et laissent derrière elles des lieux contaminés.
Dans ma circonscription, Nanaimo Ladysmith, les terres traditionnelles des peuples parlant le hul'qumi’num leur ont été volées pour la concession de terres au chemin de fer E & N, il y a 150 ans. Robert Dunsmuir, baron du charbon et ministre au sein du gouvernement de la Colombie-Britannique, a reçu 8 000 kilomètres carrés de terres, soit 20 % de l'île de Vancouver, pour bâtir le chemin de fer E & N d'Esquimalt à Nanaimo. Cela faisait partie de l'entente conclue pour que la Colombie-Britannique se joigne à la Confédération. Il faut rectifier cette entente malhonnête et cette injustice historique. Nous ne pouvons pas célébrer, l'an prochain, les 150 ans de l'entrée de la Colombie-Britannique dans la Confédération sans avoir réparé ce tort. La réconciliation doit aller au-delà des belles paroles. Elle doit comprendre la réparation des torts du passé.
Elle est longue la liste de choses que nous devrions faire pour remettre sur les rails notre relation avec les Premières Nations, les Inuits et les Métis. S'il s'agit véritablement de la relation la plus importante qui soit pour l'État canadien, comme le répète sans cesse le premier ministre, alors agissons.
J'ai eu l'honneur et le privilège de travailler avec de nombreux néo-Canadiens, alors je sais à quel point ces gens tiennent à être de bons citoyens et à s'intégrer à la société. Beaucoup de nouveaux arrivants ont échappé à des circonstances difficiles et ont connu la guerre, la pauvreté, les cataclysmes environnementaux et les violations des droits de la personne. Quand ils apprennent l'histoire de notre pays et comprennent vraiment les conditions dans lesquelles vivent de nombreux Autochtones, ils n'en reviennent pas.
Le projet de loi C-8 fait ressortir les responsabilités qui incombent à tous les Canadiens, y compris ceux qui viennent d'arriver. Il s'agit d'une mesure législative de première importance, et le Parti vert l'appuie. Nous souhaitons que l'État donne suite à tous les appels à l'action de la Commission de vérité et réconciliation, aux recommandations de l'Enquête nationale sur les femmes et les filles autochtones disparues et assassinées et à la Déclaration des Nations unies sur les droits des peuples autochtones.
J'espère que nous pourrons débattre de bien d'autres mesures législatives visant à mettre en œuvre les urgents appels à l'action qui se trouvent dans le rapport de la Commission de vérité et réconciliation, et j'espère que ce sera très bientôt.