Monsieur le Président, je vais partager mon temps de parole avec le député de Calgary-Centre.
Je suis heureux de prendre la parole au sujet du projet de loi C-12, Loi concernant la transparence et la responsabilité du Canada dans le cadre de ses efforts pour atteindre la carboneutralité en 2050. D'après ce que je comprends, le projet de loi comporte dans l'ensemble cinq grands objectifs: premièrement, exiger que le gouvernement produise et dépose au Parlement trois rapports précis, soit un plan de réduction des émissions, un rapport d'étape et un rapport d'évaluation concernant les futures cibles en matière d'émissions; deuxièmement, prévoir la participation publique; troisièmement, établir un organisme consultatif sur l'atteinte de la carboneutralité; quatrièmement, exiger la rédaction d'un quatrième rapport, celui-ci sur les implications financières, devant être préparé par Finances Canada; cinquièmement, exiger un cinquième rapport, qui lui devra être produit tous les cinq ans par le commissaire à l'environnement.
D'emblée, je dois dire que j'approuve, en général, l'amélioration de la reddition de comptes et de la transparence et que j'appuie l'esprit du projet de loi. Cela dit, ce dernier semble excessivement bureaucratique. De plus, il nous amène à nous interroger sur les actions du gouvernement en matière de reddition de comptes à la population pour ce qui est de la production de rapports sur l'environnement et des progrès effectués jusqu'à présent.
En 2016, j’ai travaillé comme attaché politique auprès du député d’Abbotsford. C’était une nouvelle législature et tout le monde s’entendait sur le fait que les membres du comité de l’environnement voulaient travailler ensemble pour le bien-être du Canada. Cette collaboration a abouti en juin 2016 à un rapport unanime intitulé « La durabilité fédérale pour les générations futures — Rapport à la suite de l’évaluation de la Loi fédérale sur le développement durable ».
Ce rapport avait pour objectif de combler les lacunes de la loi fédérale sur le développement durable soulignées par l’ancienne commissaire à l’environnement, Julie Gelfand, qui avait décrit la loi comme « un grand casse-tête sans l’image sur la boîte ». La commissaire avait indiqué que le rapport d’étape donne au lecteur une idée des progrès accomplis, mais « ne renferme pas suffisamment d’information pour donner une image fidèle des progrès réalisés ».
Le comité a écrit que la loi ne répondait pas aux attentes et que les parties prenantes s’accordaient pour dire qu’elle n’était pas suffisamment appliquée pour améliorer la façon dont le gouvernement abordait la durabilité environnementale. Les membres du comité ont recommandé d’élargir la définition du terme « durabilité » dans la loi afin d’inclure non seulement les considérations environnementales, mais aussi des considérations approfondies sur les facteurs économiques et sociaux. Une compréhension plus large de la durabilité permettrait d’appliquer des objectifs et des cibles qui tiennent compte de tous les aspects de notre processus décisionnel gouvernemental.
Au nombre des autres considérations, on peut citer l’adoption d’une approche pangouvernementale de la durabilité, l’attribution de responsabilités aux organismes centraux du gouvernement fédéral, l’examen de l’engagement du Canada à l’égard du développement durable à l’échelle internationale, l’examen des objectifs à court, moyen et long termes, la garantie que le gouvernement y répondra et la mise en place de mesures supplémentaires pour améliorer l’applicabilité. Le rapport a été déposé en juin 2016.
Un an plus tard, le projet de loi C-57, Loi modifiant la Loi fédérale sur le développement durable, a été déposé par la députée d'Ottawa-Centre. Dans son discours, elle a souligné que le comité avait eu un rôle déterminant dans sa démarche pour le projet de loi. Elle a remercié les membres du comité et fait remarquer que cette loi ferait du Canada l’un des pays les plus verts du monde, que le développement durable était au premier plan des considérations du gouvernement, qu’il s’agissait de répondre aux besoins des générations futures sans compromettre le présent et qu’elle élargirait la définition du « développement durable » à trois piliers fondamentaux: économique, social et environnemental.
Dans l’ensemble, le projet de loi C-57 et la loi initiale, la Loi fédérale sur le développement durable, signifieraient quelque chose. Le gouvernement serait tenu de produire une série de rapports. Il y aurait un contrôle parlementaire et des rapports réguliers. Il fixerait des objectifs et des stratégies en matière de développement durable en fonction de ces rapports. Il y aurait un conseil consultatif élargi chargé d’améliorer la participation du public et d’entendre les Premières Nations. Le développement durable serait une question qui concerne l’ensemble du gouvernement et le commissaire à l’environnement serait tenu d’examiner les progrès et de faire rapport pour indiquer si le gouvernement atteint ses objectifs et fait ce qu’il a dit qu’il ferait.
Dans son rapport de 2019 intitulé « Réaliser un avenir durable », le gouvernement a établi 13 objectifs principaux, comme le lui imposait la Loi fédérale sur le développement durable: mesures relatives aux changements climatiques, écologisation du gouvernement, croissance propre, infrastructure moderne et résiliente, énergie propre, côtes et océans sains, lacs et cours d'eau vierges, terres et forêts gérées de façon durable, populations d'espèces sauvages en santé, eau potable, alimentation durable, rapprocher les Canadiens de la nature, et collectivités sûres et en santé. C'est vraiment un ensemble complet d'objectifs et de cibles.
On pourrait dire qu'il est impossible de même envisager la carboneutralité sans des mesures réelles et concrètes visant au moins 12 des 13 cibles énumérées dans ce rapport sur le développement durable et, par conséquent, dans la loi. À mon avis, aucun Canadien ne serait contre l'idée que le gouvernement fédéral cherche à atteindre l'une ou l'autre de ces cibles par des moyens raisonnables.
Il existe toutefois un problème de taille. En date du 2 novembre dernier, le gouvernement du Canada n'avait pas encore mis en œuvre le projet de loi C-57, qui contient des améliorations nécessaires de l'approche du gouvernement en matière de durabilité. Les problèmes que le comité de l'environnement cherchait à régler en 2016 existent toujours. La commissaire à l'environnement les a énumérés en détail, les comparant à un grand casse-tête sans l'image sur la boîte. La majorité des environnementalistes du pays ont aussi trouvé que la mesure législative était bancale.
Rien de ce que la députée d'Ottawa-Centre a dit au sujet du projet de loi C-57 en 2017 concernant la création de l'environnement le plus vert n’a jamais été mis en œuvre, et étant donné que le ministre a présenté au Parlement une série de nouvelles mesures bureaucratiques qui feraient invariablement double emploi avec les objectifs établis, lesquels ont été adoptés dans le cadre du projet de loi C-57 et sont contenus dans la Loi fédérale sur le développement durable et le rapport connexe, je ne peux qu'être sceptique quant à cette approche. Pourquoi ne pas essayer d’aborder certaines des mesures concrètes que nous pouvons prendre aujourd'hui pour améliorer notre environnement en vue d'un avenir à zéro émission nette, comme le soulignent les objectifs déclarés actuels, qui sont déjà soumis à l'examen du gouverneur en conseil, à une surveillance parlementaire approfondie et à l'examen du vérificateur général et, par extension, du commissaire à l'environnement?
Par exemple, il faut mettre à jour le cadre réglementaire du Canada en vertu de la Loi sur la sécurité automobile de façon à tenir compte des nouvelles technologies de batteries. Qu'en est-il des 13 objectifs, en particulier la croissance propre et les mesures efficaces de lutte contre les changements climatiques? La Loi canadienne sur la protection de l'environnement n'a pas été remaniée de manière substantielle depuis sa promulgation par les conservateurs. Nous pourrions faire des dizaines de choses pour améliorer les normes relatives aux produits, aider les populations vulnérables et mettre à niveau nos systèmes de surveillance de la qualité de l'air.
Pensons à la sécurité des collectivités. Nous pourrions planter un milliard d'arbres et réduire notre empreinte écologique. Pensons à la conservation, à l'eau propre et à la santé des populations fauniques. Nous pourrions travailler avec des pays aux vues similaires pour signer des accords internationaux qui permettraient au Canada de partager son savoir-faire technologique. Pensons aux mesures efficaces de lutte contre les changements climatiques. Nous essayons toujours de mettre en œuvre ces aspects de l'Accord de Paris.
Il y a tant de travail que nous pourrions continuer à faire pour protéger les habitats et, par conséquent, les espèces en péril. Nous pourrions travailler plus étroitement avec nos frères et nos sœurs des Premières Nations pour prendre des mesures efficaces afin de protéger le saumon sauvage et de conserver les habitats de frai qui restent le long du fleuve Fraser. Nous pourrions même élaborer un plan économique qui incite les investisseurs dans des secteurs stratégiques tels que les techniques agricoles modernes, les logiciels de systèmes et la technologie par satellite à réduire notre empreinte écologique. Nous pourrions aider des entreprises comme Carbon Engineering à étendre sa technologie au Canada.
Ce que je vois, dans le texte de loi qui nous est présenté, ce n’est qu’un autre exemple qui montre que les libéraux font de magnifiques discours tout en ne faisant pratiquement rien pour que des progrès réels soient accomplis dès maintenant. Est-ce que le gouvernement essaie de faire rire tout le monde en demandant à Finances Canada de rédiger un rapport sur les risques et les occasions d'ordre financier? Le gouvernement ne s'engage même pas à l’égard d’un budget pour 2021. C'est n'importe quoi. Le directeur parlementaire du budget affirme qu’il y a un manque de responsabilité de la part du gouvernement, qui ne met pas à jour nos comptes publics ni l’information sur la manière dont il dépense l'argent.
Il aurait été plus avantageux pour notre pays et pour le ministre de l'Environnement de penser à prendre des mesures comme celles-ci: mettre en vigueur une loi fédérale actualisée sur le développement durable et y inclure une stratégie révisée comprenant cinq mesures par an que le gouvernement pourrait prendre pendant son mandat pour s'orienter vers un avenir durable, de façon à ce que ce que la mise en œuvre par le gouvernement soit soumise à l'examen du commissaire à l'environnement. Nous pourrions donner aux Canadiens une assurance sur les mesures prises et les conséquences de ces mesures en temps réel.
Nous pourrions dès maintenant établir une norme d'excellence en matière de transparence et de responsabilité, ce dont manquent chroniquement le gouvernement et son projet de loi, et enfin agir pour obtenir des résultats concrets.