Madame la Présidente, je partagerai mon temps de parole avec le député de Prince Albert.
Depuis quelque 75 ans, depuis la fin de la Deuxième Guerre mondiale, le Canada et les États-Unis entretiennent d’excellentes relations. Pour citer le président John F. Kennedy, la géographie a fait de nous des voisins, l’histoire a fait de nous des amis, l’économie a fait de nous des partenaires et la nécessité a fait de nous des alliés.
Soixante-quinze ans après la fin d’un empire et l’avènement d’un autre, il est évident que l’Amérique a changé. L’essor de théories du complot comme celles de QAnon et des suprémacistes blancs, la montée de l’extrémisme, la polarisation croissante et les événements du 6 janvier dernier en sont autant de preuve.
L'administration américaine a également changé. La précédente administration sous Donald Trump ne ressemblait à aucune autre dans l'histoire américaine moderne. Il a renégocié notre accord de libre-échange, entraînant une baisse de 0,4 % de notre production économique par rapport à l'ALENA, d'après une analyse de l'Institut C.D. Howe.
La nouvelle administration Biden a clairement fait savoir qu’elle poursuivra bon nombre des politiques de l’administration précédente, comme une politique d'achat aux États-Unis et un accroissement du protectionnisme. En bref, le consensus qui s’est dessiné à Washington à la fin de la guerre froide a évolué en un consensus sur la primauté des intérêts américains. Cette tendance à faire passer l’Amérique en premier n’a pas commencé sous la présidence de M. Trump, mais bien avant.
Par exemple, sous le président Obama, les États-Unis ont commencé à se retirer du leadership mondial, de manière plus subtile, toutefois. Ainsi, les États-Unis ont décidé que leur rôle en Libye serait de « diriger en arrière-plan », tout en encourageant les alliés à intervenir. En 2013, le président Obama n’a pas donné suite à sa menace de frapper la Syrie si elle recourait à des armes chimiques, acte dont il avait pourtant dit que ce serait la ligne rouge à ne pas franchir.
Le président Obama et le président Trump ont tous deux demandé au Canada de dépenser beaucoup plus, en fait de doubler ses dépenses, dans le secteur militaire. Je me souviens bien du jour où, dans cette Chambre, en juin 2016, le président Obama nous a demandé de doubler les dépenses de défense du Canada et où les deux côtés se sont levés pour applaudir vigoureusement. Par conséquent, les Canadiens doivent se montrer réalistes et lucides à propos des changements qui s’opèrent chez leur principal allié et partenaire commercial.
Si de nombreux Canadiens ont poussé un soupir de soulagement à la prestation de serment du président Biden et de la vice-présidente Harris, nous ne devrions pas pour autant nous leurrer et croire que tout redeviendra comme avant, même avec un nouveau président des États-Unis qui est un honnête homme pétri de bonnes intentions. Les faits sont là. Dès son premier jour au pouvoir, en annulant le pipeline Keystone XL, projet qui aurait créé quelque 15 000 emplois directs et indirects au Canada, la nouvelle administration Biden a pris une décision préjudiciable pour notre reprise économique qui menace de plus l’unité même du pays. Elle s’est empressée de désavantager les entreprises et les travailleurs canadiens quand le président Biden a signé un décret présidentiel ordonnant une politique qui vise à acheter américain.
La coprésidente du comité d’investiture du président, la gouverneure du Michigan Gretchen Whitmer, menace de fermer la canalisation 5, qui achemine en toute sécurité des produits pétroliers et gaziers jusqu’à Sarnia, en Ontario, depuis 1953. Ce pipeline transporte environ 300 000 barils de produits énergétiques par jour, alimente en kérosène l’aéroport Pearson, en essence des millions de personnes qui vivent dans le corridor Québec-Windsor, et en propane quantité de gens qui vivent en Ontario. S’il est fermé, non seulement l’augmentation du transport par camion, train et bateau sur les Grands Lacs fera peser une menace sur l’environnement, mais on risquera une pénurie de propane essentiel pour le chauffage domestique en Ontario et il y aura un risque accru de pénurie d’essence et de kérosène dans le Sud de l’Ontario.
Il ne fait aucun doute qu’en dehors de problèmes bilatéraux sur le commerce et l’investissement, la nouvelle administration et le Canada trouveront bien des terrains d’entente. Les conservateurs espèrent que le Canada et les États-Unis pourront travailler ensemble sur une alliance afin de contrer les menaces de la Chine et d’obtenir la libération de MM. Kovrig et Spavor. Nous espérons aussi que nos deux pays pourront travailler de concert pour mobiliser, renforcer et réformer des organisations multilatérales comme l’Organisation mondiale de la santé et l’Organisation mondiale du commerce. Nous espérons que le Canada et les États-Unis pourront collaborer pendant cette pandémie pour se procurer de l’équipement de protection individuelle, des appareils médicaux, des fournitures médicales et des vaccins.
Cependant, le commerce et l’investissement sont sans conteste les éléments les plus importants de la relation bilatérale et il est évident, à cet égard, que les États-Unis ont changé et que leurs choix menacent des emplois et des moyens de subsistance dans notre pays, aux dépens de millions de Canadiens. Comme je l’ai mentionné plus tôt, les mesures prises par l’administration précédente en matière de commerce ont coûté au Canada un demi-point de pourcentage de croissance économique. Les mesures que prendra l’administration actuelle contribueront certainement à une baisse de la croissance et de la prospérité économique canadienne.
Nos relations commerciales avec les États-Unis ont toujours été asymétriques. Nous avons toujours produit plus de bœuf, de blé, de maïs, de voitures, d’acier, d’aluminium et de bien d’autres produits que nous n’en consommons, et nous avons donc toujours dû exporter ces produits vers les États-Unis.
Les États-Unis sont notre principal marché d’exportation, et de loin. En taille, notre deuxième marché d’exportation, la Chine, équivaut pour nous à moins du vingtième du marché américain. En fait, un produit sur cinq fabriqués au Canada est destiné à l’exportation aux États-Unis. C’est un emploi sur cinq et un dollar sur cinq en production économique. Cependant, la relation n’est pas symétrique. Nous ne sommes pas le principal marché d’exportation des États-Unis. En fait, nous achetons l’équivalent de moins de 2 % de la production économique américaine par an. Autrement dit, les États-Unis achètent environ 20 % de notre production économique et nous achetons moins de 2 % de la leur. Il nous appartient donc d’attirer leur attention et de défendre nos intérêts, nos emplois et les travailleurs canadiens. Comme le disait l’ancien premier ministre Brian Mulroney, l’accès au Bureau ovale ouvre de nombreuses autres portes pour le Canada. Nous devons comprendre que les États-Unis ont changé et que nous devons, en conséquence, changer notre approche des relations entre nos deux pays.
Les budgets ne s’équilibrent pas tout seuls, les vaccins ne se livrent pas tout seuls et notre économie ne se reconstruira pas toute seule. Le moment est venu de planifier pour assurer notre avenir.
C'est pour cette raison que j'appuie cette motion aujourd'hui. Elle va permettre de créer un comité spécial qui sera fondé sur l'un des piliers les plus importants de notre reprise: la relation économique entre le Canada et les États-Unis. À un moment où nos deux pays doivent se concentrer sur le retour au travail des gens et sur le rétablissement de notre mode de vie après le passage de la COVID-19, ce comité obtiendra des réponses pour les Canadiens et se battra pour assurer notre avenir.
Les Canadiens ont besoin de retourner au travail. Nous avons besoin d’un plan pour créer des emplois dans tous les secteurs et dans toutes les régions du pays. Nous ne pouvons pas nous permettre un autre manque de planification. Nous devons commencer à planifier la réouverture et la reconstruction de notre économie et le retour au travail des Canadiens. Si elle était adoptée, cette motion se traduirait par la formation d'un comité qui aiderait à proposer des idées au gouvernement sur la façon de procéder.
Nous devons travailler ensemble pour assurer notre avenir économique. Nous devons commencer dès maintenant à assurer notre avenir après la COVID-19, et c’est pour cela que j’invite tous les députés à appuyer cette motion.