Madame la Présidente, aujourd'hui, j'ai suivi attentivement la majorité des interventions et je me suis dit qu'il fallait peut-être revenir sur une chose qui est passée sous le radar et qui est assez importante d'après moi: l'objectif de la motion, c'est-à-dire l'objectif qu'avait le chef de ma formation politique en la déposant.
J'ai envie de ramener tout le monde sur ce qui a été dit hier pendant la période des questions orales. Ma collègue de Saint-Jean y a fait référence, il me semble mieux que moi.
Hier, pendant la période des questions orales, le député de Beloeil—Chambly a dit qu'il tendait la main aux partis de l'opposition pour qu'il n'y ait pas d'élections en période de pandémie. Une réponse a été donnée abondamment aujourd'hui, et je crois que j'ai bien envie de me référer en particulier au discours de mon collègue de Rosemont—La Petite-Patrie pour l'illustrer. Il a dit que le Bloc québécois avait, à quelques occasions, soulevé la possibilité qu'il y ait des élections. Le fait de faire cette assertion, c'est très bien mal connaître ce qu'est le rôle des partis de l'opposition. J'aimerais donc revenir sur le rôle des partis de l'opposition.
On se prête souvent des intentions à la Chambre. Je prête des intentions à mes collègues conservateurs, à mes collègues libéraux et à mes collègues du NPD. C'est le volet idéologique de la politique, mais, au-delà de ce volet idéologique, quelquefois, on a la possibilité de collaborer et de travailler ensemble pour faire cheminer un dossier. À titre d'exemple, je vais prendre le travail que nous avons dans le cadre de l'ACEUM.
Si nous nous rappelons tous bien, dans le cadre de l'ACEUM, l'aluminium n'avait pas la même protection que l'acier. Nous avons travaillé avec la vice-première ministre. Je l'en félicite. Tous devraient s'en inspirer. J'ai l'impression que, au Parti libéral, on gagnerait à s'inspirer abondamment de ce que la vice-première ministre fait. Nous avons donc travaillé en collaboration avec elle. Au début, elle n'avait pas la même vision que nous et nous prêtait des intentions. Nous avons discuté et travaillé en collaboration avec elle. Cela a débouché sur quelque chose d'heureux. Finalement, l'aluminium a eu la même protection que l'acier.
En déposant la motion d'aujourd'hui, le chef de ma formation politique voulait faire cela: répéter le même modus operandi. Autrement dit, pourquoi ne pas nous asseoir ensemble avec tous les chefs de parti, les whips et d'autres personnes et trouver un mode de fonctionnement qui soit consensuel et qui nous permette — parce ce que c'est ce que notre population nous demande — de ne pas tenir d'élections pendant la pandémie? Cette main tendue a été rejetée par le gouvernement libéral, et il aura à y répondre.
D'un côté, il y avait cet appel au travail en collaboration. Cela me fait d'ailleurs penser que j'ai souvent entendu, de la part de mes collègues libéraux, l'idée qu'il fallait travailler comme Équipe Canada. Ils nous ont dit au sujet des vaccins qu'on ne travaillait pas comme Équipe Canada. Étrangement, leur « Équipe Canada » est à géométrie variable. Quand cela fait leur affaire, les libéraux évoquent l'idée de consensus et de travail en collaboration, mais, quand cela ne fait plus leur affaire, ils la laissent de côté.
J'ai donc trouvé assez malheureux aujourd'hui de ne pas passer outre les intérêts partisans et se dire que ce qu'on doit faire ensemble, c'est délibérer pour peut-être trouver un processus de sortie qui permettrait de ne pas tenir d'élections en temps de pandémie ou, du moins, s'entendre ensemble sur les règles qui seront applicables.
Cela me ramène à ce que je disais plus tôt.
Il est vrai qu'on se prête quelquefois les uns les autres des intentions. C'est peut-être le rôle un peu plus négatif de l'opposition, mais elle joue aussi un rôle positif. J'y pensais tout à l'heure: quel est le rôle de l'opposition? Je pensais à mon collègue le député de Lac-Saint-Jean, qui m'embête souvent avec sa formule: pour qui tu travailles?
C'est vrai. Le rôle de l'opposition et de tous les députés est de représenter la volonté de leurs concitoyens et de leur population. Présentement, notre population nous dit qu'elle ne veut pas d'élections, pas en temps de pandémie. Nous avons donc un devoir de porter ce message, mais il y a un autre rôle dont on parle souvent.
Si mon collègue de Lac-Saint-Jean me pose souvent la question « pour qui tu travailles? », il y a aussi: pourquoi tu travailles? C'est cela, le rôle des partis de l'opposition. Si on demande à un député du Bloc québécois pourquoi il travaille, il y a assurément la question nationale qui vient, mais il y a aussi d'autres éléments que nous avons abordés, comme la lutte contre les GES, la diminution du financement du pétrole, mais aussi l'essentiel soutien aux aînés — collaboration qu'on n’a jamais vue et malheureusement qu'on n'aura pas — ou les paiements de transferts en soins de santé.
Le rôle de l'opposition, c'est-à-dire le rôle du Bloc québécois, est donc de pousser le gouvernement à agir dans une direction, une orientation ou bien vers une organisation de la société qui est peut-être plus près de nos valeurs.
C'est le rôle de l'opposition, et la seule façon d'y arriver, c'est d'établir un rapport de force. C'est la politique 101. J'expliquais cela à des étudiants de première année en science politique. La politique repose sur le conflit. On réussit à résorber ce conflit quelques fois en trouvant des positions médianes, mais la politique repose surtout sur un rapport de force.
Donc, quand j'ai entendu, aujourd'hui, notre collègue du NPD nous dire que les députés du Bloc québécois venaient finalement de voir la lumière et qu'ils disaient maintenant, comme le NPD, qu'il ne fallait pas tenir des élections en temps de pandémie, j'étais surpris. J'étais sous le choc, puisque le NPD, en votant continuellement avec le gouvernement, a carrément détruit le rapport de force entre lui et le gouvernement. Ce n'est plus possible pour le NPD de faire cheminer une proposition, puisqu'en fin de compte, le gouvernement en place sait très bien que le NPD va voter avec lui. C'est réduire le rôle de l'opposition. Dans le contexte d'un gouvernement minoritaire surtout, je pense que c'est la pire chose qui peut arriver.
On cherche aujourd'hui une forme de collaboration avec le gouvernement libéral, mais il repousse notre offre du revers de la main. En plus, pour comble d'insulte, quand nous faisons de la politique et que nous essayons de faire cheminer nos intérêts — je pense aux aînés et aux transferts en santé —, les libéraux disent que nous mettons leur gouvernement en péril parce que nous ne votons pas comme eux.
Quand nous avons voté contre le budget, parce que nous n'y retrouvions pas ce qui nous apparaissait essentiel, ils ont dit que nous voulions déclencher des élections. Ce n'est donc plus possible de critiquer le gouvernement libéral, parce qu’on va nous accuser de vouloir déclencher des élections. C'est la pire des choses qu'on peut faire en politique. Cela s'appelle un argument circulaire.
En d'autres mots, si on vote contre le gouvernement libéral, c'est qu'on veut une élection, foncièrement. On n'a donc pas le choix de dire ce qu'il veut. En même temps, on ne peut pas tenir un discours disant qu'il ne faut pas tenir d'élection en temps de pandémie et que le projet de loi C-19 est une catastrophe, parce que le gouvernement va répondre qu'on est partisan et qu'on n'a pas voté avec lui sur le budget. C'est la situation parfaite pour paralyser l'opposition et s'assurer qu'il n'y a pas de débat politique. Un parti qui tient à ce qu'il n'y ait pas de débat politique, pour moi, c'est un parti qui est en déclin ou qui, à tout le moins, respecte très peu la démocratie.
J'ai l'impression qu'aujourd'hui, on a vu cela. On a vu des gens qui avaient un respect de la démocratie à géométrie variable. Pourtant, la démocratie, c'est un système de négociation. On a vu cette négociation à plusieurs reprises à la Chambre. Tout à l'heure, j'ai donné l'exemple de ce qu'on a fait dans le contexte de l'ACEUM. Je pourrais donner aussi l'exemple de la première partie de la gestion de la pandémie, où on arrivait à avoir des discours cohérents avec le gouvernement. On a pu améliorer la subvention salariale dans le cadre d'un dialogue et d'un consensus à la Chambre. Ce processus de négociation est essentiel à notre fonctionnement, surtout dans le contexte d'un gouvernement minoritaire.
Pour mettre fin à ce processus de négociation, qu'est-ce que le gouvernement a fait? Il a utilisé le bâillon, c'est-à-dire l'attribution de temps, relativement au projet de loi C-19. C'est la pire chose. Utiliser l'attribution de temps pour un projet de loi qui touche directement nos procédés et nos principes démocratiques, c'est complètement inacceptable. Je n'ai pas lu un commentateur politique qui trouvait cette façon de procéder acceptable. Le pire là-dedans, c'est que le gouvernement a été appuyé par le NPD pour adopter une motion d'attribution de temps à l'égard du projet de loi C-19, ce qui est complètement inacceptable.
Il y a plusieurs personnes dans mon entourage qui me demandent fréquemment s'il y aura des élections. Si je me fais demander cela abondamment dans ma circonscription, c'est qu'il y a des gens inquiets. Aujourd'hui, je n'ai pas grand-chose à leur dire pour les sécuriser, parce que, quand je vois agir le gouvernement libéral, je suis convaincu qu'il attend le moment propice pour déclencher des élections même en temps de pandémie.