Madame la Présidente, je suis contente de pouvoir prendre la parole dans le cadre de cette journée de l'opposition, notamment parce que nous avons entendu beaucoup de raccourcis durant le débat.
L'un d'entre eux vient tout juste d'être repris par la députée d'Outremont. Elle nous dit que ce ne sont pas les libéraux qui veulent des élections, que c'est visiblement beaucoup plus le Bloc québécois qui en veut, car il vote contre le gouvernement lors de votes de confiance et tente de faire tomber le gouvernement. Elle affirme que c'est donc le Bloc qui veut des élections.
Je pense qu'il est important de rappeler qu'il n'y a pas d'adéquation entre le fait de voter contre le gouvernement lors d'un vote de confiance et le fait de vouloir des élections. Je pense que cela peut même être un petit rappel pour certains journalistes. Voici le titre d'un article paru hier: « BQ calls on Liberals to avoid pandemic election, despite voting non-confidence ». Encore une fois, on fait cette adéquation qui me semble tout à fait inappropriée.
J'aimerais rappeler à la Chambre quel est le rôle des députés de l'opposition. Ce rôle est justement de surveiller le gouvernement et de ne pas lui donner un chèque en blanc, surtout dans un contexte minoritaire. C'est aussi de s'assurer qu'il adopte de bonnes politiques et que ces dernières font l'objet d'un certain consensus, ou à tout le moins qu'une certaine majorité est favorable à ces politiques dans un contexte minoritaire. Voilà le rôle des députés de l'opposition. Nous ne pouvons pas nous lier les mains nous-mêmes systématiquement juste parce qu'on nous accuserait de vouloir des élections. Nous avons l'obligation de faire notre travail.
Je vais me permettre de raconter une petite anecdote sur le rôle des députés de l'opposition. Souvent, durant les élections, les partis comme le Bloc québécois se font dire que les députés de l'opposition ne servent à rien, car ils ne sont pas au gouvernement et ne sont pas importants. Lorsque cela arrive, je me fais un plaisir de demander aux gens ce qu'ils pensent de la possibilité de donner tous les sièges de la Chambre aux députés du parti détenant la majorité des voix. Ils me répondent toujours qu'il faut que des gens surveillent le gouvernement. Effectivement, le rôle des députés de l'opposition est de surveiller le gouvernement.
Cela dit, la motion qui est présentée aujourd'hui par le Bloc québécois offre au gouvernement une belle occasion de clarifier sa propre position sur la tenue d'une élection en temps de pandémie. On connaît le proverbe qui dit que les bottines ne suivent pas les babines. Dans ce cas-ci, les babines partent d'un bord et les bottines partent de l'autre. J'aurais tendance à suggérer aux députés qu'aujourd'hui, nous offrons au gouvernement, sur un plateau d'argent, la possibilité d'être constructif et de vraiment confirmer qu'il ne veut pas d'élections en temps de pandémie.
Depuis le début de la journée, les libéraux semblent vouloir se défendre de souhaiter déclencher des élections. Ils affirment qu'ils n'ont pas déposé le projet de loi C-19 dans le but de déclencher des élections en temps de pandémie, mais bien parce que c'était nécessaire et qu'il fallait être prévoyant et déterminer comment seraient gérées des élections en temps de pandémie.
Effectivement, c'est important d'adopter le projet de loi C-19. C'est d'ailleurs la raison pour laquelle le Bloc québécois a contribué, au Comité permanent de la procédure et des affaires de la Chambre, à une étude sur la tenue d'élections en temps de pandémie. C'était nécessaire et pertinent de le faire.
Le Bloc québécois a voté en faveur du rapport final du Comité permanent de la procédure et des affaires de la Chambre sur la tenue d'élections en temps de pandémie. Nous avons voté en faveur du principe du projet de loi C-19 en deuxième lecture. Nous sommes en faveur de l'existence d'un projet de loi qui dicterait les règles du jeu dans un contexte d'élection en temps de pandémie.
C'est la façon d'arriver au projet de loi C-19 qui nous fait croire que les bottines et les babines ne se suivent pas dans ce contexte. Il faut se rappeler que le Comité permanent de la procédure et des affaires de la Chambre, qui s'est penché sur la question des élections, a préparé son rapport après avoir entendu une pléiade de témoins très intéressants, notamment des directeurs des élections qui ont tenu eux-mêmes des élections en temps de pandémie. J'ai eu le plaisir de participer à quelques reprises à ce comité.
Le rapport a été déposé le 8 octobre. Deux jours plus tard, alors que l'encre n'était même pas encore sèche, le gouvernement, faisant complètement fi de ces recommandations, déposait son propre projet de loi.
Nous avons trouvé que cela s'annonçait mal. Or, un peu plus tard, on nous a imposé un bâillon. À ce moment, les choses s'annonçaient encore moins bien, puisque, le bâillon, c'est tout sauf la recherche d'un consensus. Je vais citer une fois de plus ce que certains de mes collègues ont cité.
Emmanuelle Latraverse disait que le fait de vouloir modifier une loi sans passer par le Parlement contrevenait aux règles de notre régime électoral, qui prône la recherche d'un consensus. Selon Mme Latraverse, l'ironie dans toute cette histoire, c'est que les libéraux ont imposé un bâillon pour modifier la Loi électorale du Canada, alors qu'ils avaient eux-mêmes déchiré leur chemise lorsque la même situation s'était produite sous le régime Harper. Elle affirme que, plus cela change, plus c'est pareil, et que les libéraux n'auront qu'eux-mêmes à blâmer pour la gestion du calendrier de cette loi.
Les libéraux contournent le Comité permanent de la procédure et des affaires de la Chambre, au sein duquel il y avait consensus, et imposent un bâillon, ce qui est tout sauf la recherche d'un consensus. Cela contribue au cynisme qu'ils souhaitent justement éviter.
Depuis le début de la journée, les libéraux disent qu'il ne faut pas remettre en cause le processus électoral et qu'il ne faut pas faire en sorte que les gens perdent confiance dans le processus électoral, comme cela s'est produit aux États-Unis. Si l'imposition d'un bâillon ne contribue pas à la perte de confiance dans le processus législatif et démocratique, je me demande quelle est son utilité.
De plus, on en ajoute une autre couche. L'utilisation d'un bâillon est généralement assez peu justifiée. Dans ce contexte, ce l'est encore moins, puisque le bâillon a été imposé à la suite de quatre heures de débats en cinq mois. La gestion du programme législatif du gouvernement a donc été, au mieux, mauvaise. Rien ne justifiait l'utilisation d'un bâillon.
Puisque nous n'avons pas eu le temps de discuter du projet de loi, à cause du bâillon, je me permets de le faire maintenant. J'aimerais rappeler ce qui aurait pu être discuté si nous avions eu l'occasion de le faire. N'oublions pas que le Bloc québécois a toujours la main tendue. D'ailleurs, mes collègues ont entendu le chef du Bloc québécois offrir au premier ministre la possibilité de discuter du contenu du projet de loi. Notre main est toujours tendue. On pourrait discuter, par exemple, de la date limite pour recevoir les bulletins de vote par la poste. Actuellement, cette date est fixée au lendemain de la dernière journée de scrutin, ce qui fait que les gens peuvent continuer à voter à la suite des résultats préliminaires.
Le Comité de la procédure et des affaires de la Chambre a fait des recommandations afin d'éviter que le jour du scrutin soit un lundi. Cela nous permettrait d'avoir plus de main-d'œuvre électorale, notamment chez les jeunes, puisqu'ils travaillent surtout pendant la fin de semaine, et d'avoir accès à plus de main-d'œuvre locale lors de la tenue des élections. On aura aussi besoin de main-d'œuvre supplémentaire si l'on veut respecter la distanciation sociale.
La question de la publicité et des sondages aurait pu être abordée. Présentement, il semble y avoir un flou à cet égard dans le projet de loi. Habituellement, le jour du scrutin, on interdit la publicité et la publication de sondages. Comme la période de scrutin se déroulera sur trois jours, appliquera-t-on cette directive à l'ensemble des trois journées de vote? Ce serait intéressant d'en discuter. Nous aurions souhaité avoir plus de temps pour le faire.
La façon dont le projet de loi a été amené à la Chambre nous permet de supposer qu'il y a peut-être une certaine velléité, de la part du gouvernement, de déclencher des élections. Aujourd'hui, nous lui proposons de clarifier les choses, nous lui offrons la possibilité de confirmer qu'il n'y aura pas d'élections pendant que nous sommes en pandémie.
En politique, on dit que la règle, c'est d'espérer le meilleur, mais de se préparer au pire. Justement, le débat d'aujourd'hui ne porte pas entièrement sur le bien-fondé du projet de loi C-19. Ce dernier sert à prévoir le pire, parce que nous ne savons pas combien de temps la pandémie va durer. J'ose espérer que ce ne sera pas le cas, mais si la pandémie devait durer jusqu'après le mandat de quatre ans du gouvernement, ce sera bien d'avoir eu un projet de loi visant à encadrer les élections.
En fait, la motion d'aujourd'hui ne vise pas à ne pas avoir un projet de loi pour préparer les élections, elle demande de préparer le meilleur, d'espérer le meilleur, mais de ne pas organiser le pire, c'est-à-dire la tenue d'élections en temps de pandémie. C'est la responsabilité du gouvernement de tout mettre en œuvre pour qu'il n'y ait pas d'élections et pour que les gens ne soient pas appelés aux urnes tant que la pandémie n'est pas terminée.
Cela passe tout simplement par trois choses. Premièrement, nous demandons au gouvernement de s'assurer que les votes, qui sont par défaut des votes de confiance, sont bien ficelés et que le gouvernement recherche, autant que possible, un consensus, sinon une adhésion majoritaire de la Chambre, relativement à ce qui sera proposé.
Deuxièmement, nous lui demandons de ne pas faire inutilement des votes de confiance à partir de votes qui n'ont pas besoin de l'être, comme on l'a vu à quelques reprises durant la présente législature.
Troisièmement, nous demandons tout simplement au gouvernement de ne pas décider unilatéralement de dissoudre la Chambre, même si les sondages lui sont favorables.
En gros, c'est notre motion. C'est le gros bon sens. C'est tout ce que nous demandons au gouvernement.