Madame la Présidente, c’est un honneur pour moi de prendre de nouveau la parole à la Chambre pour parler du projet de loi C-8, qui en est maintenant à l’étape du rapport. J’aimerais d’abord dire que j’ai l’intention de continuer d’appuyer ce projet de loi, tout comme ma collègue de Saanich—Gulf Islands, qui l’a affirmé la semaine dernière. Ce projet de loi contient beaucoup de choses que nous apprécions tous deux, comme des fonds pour les tests rapides, de l’argent pour la ventilation dans les écoles et la prolongation des délais de remboursement des prêts pour les petites entreprises en une période où elles en ont le plus besoin.
Je n’ai pas l’intention d’appuyer la motion des conservateurs, qui propose des amendements qui supprimeraient plusieurs de ces éléments, dont l’amélioration de la ventilation dans les écoles, le crédit d’impôt pour la ventilation des entreprises et le crédit d’impôt pour les fournitures scolaires des enseignants. Cela dit, je tiens à signaler un problème que ma collègue de Saanich—Gulf Islands et plusieurs autres ont soulevé au sujet de l’affectation, ou même de la double affectation des fonds. Comme elle l’a souligné, je suis sûr que cela s’est fait avec les meilleures intentions du monde, mais il est important que nous en soyons conscients.
Le projet de loi C-8 prévoit 1,72 milliard de dollars pour les tests rapides. Le projet de loi C-10 prévoit lui aussi 2,5 milliards de dollars pour les tests rapides. Jeudi dernier, dans le budget supplémentaire des dépenses, nous avons approuvé l’affectation de 4 milliards de dollars de plus pour les tests de dépistage rapide. Comme le directeur parlementaire du budget l’a signalé, il semble qu’il y ait au moins une double affectation de ces 4 milliards de dollars pour les tests rapides. Nous estimons tous deux qu’il est important que le Parlement aborde ce problème dans le cadre de son examen du projet de loi afin d’y insérer des mesures évitant que ces fonds ne soient dépensés plus d’une seule fois.
Pendant le temps qu’il me reste pour parler du projet de loi C-8, j’aimerais aborder ce que je considère comme un manque d’ambition. L’énoncé économique de l’automne et le projet de loi qui le met en œuvre pourraient prévoir beaucoup plus de choses pour vraiment résoudre la situation actuelle.
Commençons par la crise du logement, dont de nombreux collègues ont parlé. À Kitchener, c’est un grave problème. Le coût du logement a augmenté de près de 35 % l’année dernière seulement. Vendredi après-midi, j’en parlais avec l’un de mes voisins, Nick, un jeune homme qui m’a dit, comme beaucoup d’autres, qu’il ne s’attend pas à pouvoir un jour acheter une maison. Il a ajouté qu’il ne s’attend pas non plus à pouvoir continuer de payer son loyer à Kitchener. Il était terriblement inquiet. Cela provient du fait que le logement se transforme de plus en plus en marchandise. Le marché du logement est conçu pour fournir un produit de base aux investisseurs, alors que nous devrions nous concentrer sur le fait que les maisons sont des endroits où les gens ont besoin de vivre.
Comme mes collègues le savent, le projet de loi C-8 traite de la taxe sur les logements sous-utilisés, mais elle s’y trouve diluée par rapport à la formule qui a réussi ailleurs. Vancouver en est un excellent exemple. À Vancouver, on applique une taxe de 3 % à tout le monde, et cette mesure a commencé à faire de l’effet. Elle a réduit de 25 % le nombre de logements vacants. Elle a remis 18 000 unités sur le marché et a généré des dizaines de millions de dollars pour le logement abordable.
Nous pouvons comparer avec ce que nous savons que prévoit le projet de loi. Non seulement la taxe n'est pas de 3 %, mais elle est de seulement 1 %. Il me semble qu’il est légitime de se demander si, même en étant appliquée largement, une taxe de 1 % changera véritablement le comportement des personnes qui ont commencé à traiter le logement comme une marchandise et à retirer des logements du marché simplement pour spéculer sur leur valeur.
Ce n’est pas tout. Nous avons également des exemptions partout: pour chaque citoyen, chaque résident permanent et chaque société canadienne. La liste ne s’arrête pas là. Il me semble qu’il est légitime de poser certaines questions. Certes, cette mesure ne suffirait pas en soi, mais est-ce qu’elle aiderait vraiment à amorcer un changement? En fait, en matière d’ambition, l’énoncé économique aurait pu être celui du logement. Cela aurait été l’occasion de rappeler que nous avons d’excellentes idées qui ont déjà fait leurs preuves, comme le logement coopératif. Dans les années 1980, quand nous avons investi dans le logement coopératif, nous avons réussi à construire des milliers de logements coopératifs locatifs.
Évidemment, quand il n’en est pas question dans des énoncés comme celui-ci, c’est de moins en moins le cas aujourd’hui.
Nous aurions aussi pu dire que nous allions prendre de vraies mesures afin de renoncer au système d'offres à l'aveugle pour investir dans des logements sociaux et subventionnés moyennant des mesures vraiment audacieuses et visionnaires afin de faire reculer la crise du logement. Si elles ne sont pas là, je souhaite qu’il y ait plus dans le budget que nous attendons dans les prochaines semaines.
Pour ce qui est du manque d’ambition, alors que la Chambre a confirmé que nous vivons une urgence climatique, est-ce que tous les énoncés économiques ne devraient pas viser à prendre des mesures concrètes et de transformation face à la crise climatique? Je suis convaincu qu’il devrait en être ainsi. Bien entendu, dans le projet de loi C-8, le mot « climat » n’est même pas mentionné une seule fois. Au lieu de cela, il est question de plus en plus de subventions pour le pétrole et le gaz. Parfois, elles sont proposées sous différents noms. La dernière en date est un nouveau crédit d’impôt pour le captage et le stockage du carbone, un crédit d’impôt qui s’élèvera, selon certains calculs, à 50 milliards de dollars pour une solution qui est déjà considérablement subventionnée depuis des décennies et qui n’amène qu’à une réduction de 0,001 % des émissions mondiales.
Comme beaucoup de chercheurs et de scientifiques l’ont déclaré, ce n’est pas une solution climatique. Nous devons donc être conscients de ce qui manque en l’occurrence et de ce qui aurait dû être présent et qui devrait l’être à l’avenir. Nous pourrions prendre ces 50 milliards de dollars et les investir dans des solutions climatiques qui ont fait leurs preuves, comme inciter les propriétaires à rénover leur domicile et leur entreprise. Qu’il s’agisse de véhicules électriques ou de train à grande vitesse, nous pourrions mobiliser des fonds à l’échelle d’un nouvel accord vert et au rythme recommandé par les scientifiques, et ne pas nous accrocher à une carboneutralité au lointain horizon de 2050, mais nous attacher à limiter le réchauffement de la planète à 1,5 degré Celsius, comme nous y exhorte le Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat, alors que nous sommes déjà à 1,1 degré Celsius. Oui, il y a urgence. Je souhaite donc que tout énoncé économique présenté à la Chambre soit plus ciblé pour nous donner la meilleure chance de faire en sorte que nos neveux, nos nièces, nos enfants et nos petits-enfants puissent connaître un avenir climatique sûr.
Enfin, je terminerai par un autre manque d’ambition, en matière de santé mentale, cette fois. Nous savons que l’Alliance canadienne pour la maladie mentale et la santé mentale, la Société royale du Canada et tellement de citoyens dans ma collectivité et dans tout le pays demandent que nous comblions les immenses lacunes dans ce domaine. Nous savons que les listes d’attente sont longues pour les jeunes en particulier. Comme pour beaucoup de problèmes que nous connaissons aujourd’hui, cette situation existait avant la pandémie et n’a fait que s’aggraver. C’est une autre occasion manquée d’augmenter les transferts en matière de santé du gouvernement fédéral pour donner aux provinces et aux territoires les ressources nécessaires. Si nous disons que la santé mentale c'est la santé, comme nous le devrions, parce que c’est vrai, alors nous devons accorder le financement voulu pour agir en conséquence afin que, dans tout le pays, il y ait des ressources pour soigner la santé mentale comme telle.
En conclusion, je continuerai d’appuyer le projet de loi C-8. Je suis certes déçu par le manque d’ambition à certains égards, mais cela ne change pas le fait que le texte prévoit des mesures et des fonds qui aideront grandement ma collectivité, et je tiens à ce que ces mesures se concrétisent.