Madame la Présidente, je suis très heureux de prendre la parole au sujet du projet de loi C‑245, surtout après avoir dormi environ trois heures en raison d’un vol en retard. Merci beaucoup, Air Canada. J’aimerais que nous débattions d’Air Canada. Je serais dans le bont état d'esprit en ce moment.
Théoriquement, le projet de loi C‑245 ferait passer la Banque de l’infrastructure du Canada du gâchis colossal et pitoyable qui siphonne l’argent des contribuables à ce qui pourrait être un échec massif qui siphonne également l’argent des contribuables, mais d’une manière différente et selon une orientation différente.
Le projet de loi C‑245 veut que les investissements dans les infrastructures soient faits dans l’intérêt public et soient orientés vers l'atténuation des changements climatiques ou l’adaptation à ces changements, mais un ministère est déjà investi de ce mandat. C'est Infrastructure Canada. Nous allons donc prendre 35 milliards de dollars de la Banque de l’infrastructure en faillite, c'est-à-dire les transférer d’une organisation inapte à une autre organisation mal dirigée.
Cela me rappelle un peu l’épisode de Seinfeld où Jerry Seinfeld finit toujours par être quitte à la fin de la journée. Il gagne un ami et en perd un autre. Il sort 20 $ de sa poche et les jette par la fenêtre, puis prend une veste et trouve 20 $. C’est tout ce que c’est. Nous transférons des dossiers d’un organisme incompétent à un autre.
Les problèmes sont immenses à Infrastructure Canada. L'ancien directeur parlementaire du budget, Jean-Denis Fréchette, qui est maintenant à la retraite et qui pratique l'apiculture — je lui souhaite beaucoup de succès —, a fréquemment fait remarquer que des milliards de dollars en dépenses d'infrastructure étaient introuvables. Le rapport de 2018 du directeur parlementaire du budget a montré que le gouvernement fédéral était parvenu à réduire son déficit cette année-là, ce qui est étonnant, je le sais. Cela relève pratiquement de l'hérésie pour le gouvernement. Cependant, il y est arrivé seulement parce qu'il n'a pas dépensé les fonds destinés à l'infrastructure.
Je vais citer un extrait du rapport du directeur parlementaire du budget:
Le DPB a publié quatre rapports sur [Infrastructure Canada]. Nos conclusions antérieures signalaient des lacunes dans le suivi des fonds fédéraux, des retards dans les dépenses prévues, une création d’emplois et une croissance économique plus faibles que prévu, et une augmentation des dépenses fédérales en partie neutralisée par la diminution des fonds provinciaux.
[...] il existe peu de données probantes indiquant que l’augmentation des fonds fédéraux a entraîné une augmentation des dépenses provinciales (alors que les transferts fédéraux [...] ont augmenté d’un milliard de dollars [...] l’ensemble des [transferts provinciaux] ont baissé en tout de 733 millions de dollars).
Selon un rapport produit par le Sénat sur les dépenses d’infrastructure, le seul indicateur du succès des dépenses d’infrastructure ne permet pas de mesurer les résultats. Il n'évalue pas si le projet a réellement aidé l’économie, l’environnement ou la productivité. Non. Selon le Sénat, cet outil ne fait que mesurer si les dollars ont bel et bien été dépensés. Si ce projet de loi est adopté, quelque 35 milliards de dollars supplémentaires seraient dépensés par les mêmes protagonistes, qui n'ont pour objectif que de dépenser l’argent. La seule mesure du succès serait l’argent dépensé ou non, pas l’obtention de résultats.
Les données suivantes viennent directement du site Web du Conseil du Trésor sur les résultats dans l’InfoBase du gouvernement du Canada: en 2021, Infrastructure Canada n’a atteint que 25 % de ses objectifs pour 2020-2021. Si l'on y pense, ce projet de loi veut injecter 35 milliards de dollars pour qu'Infrastructure Canada n'atteigne pas ses objectifs.
J’ai ici quelques-uns des objectifs non atteints par Infrastructure Canada. Encore une fois, ces chiffres sont tirés du site Web du gouvernement, InfoBase GC. Infrastructure Canada, donc, n’a pas atteint la valeur des dépenses d’infrastructure. Il n’a pas atteint son objectif pour les projets qu’il s’était engagé à réaliser. Voici un bon exemple: il n’a pas atteint son objectif sur les changements dans le PIB, ou les augmentations du PIB attribuées aux dépenses. Encore une fois, quel est l’intérêt de dépenser tout cet argent si les objectifs ne sont pas atteints? Et voilà qu'on y ajouterait 35 milliards de dollars.
Il y a autre bel exemple, et cela devrait intéresser le NPD, surtout la députée de Churchill-Keewatinook Aski. Les libéraux n'ont pas atteint les niveaux visés quant au pourcentage dépensé pour l’eau potable et le transport en commun. Encore une fois, ces échecs du gouvernement et les échecs en matière d’infrastructure nous signalent clairement qu'il ne faut pas transférer des fonds de ce gâchis à un autre organisme qui pourrait échouer de façon assez spectaculaire. Voici encore un autre bel exemple: les libéraux n'ont pas réalisé leurs projets liés à la réduction des émissions de gaz à effet de serre.
Tout cela est signé Infrastructure Canada. Passons à l’autre moitié de notre duo à la Laurel et Hardy, la Banque de l’infrastructure. Un bref coup d'œil suffit pour dire que la Banque de l’infrastructure est en lice pour le prix du service gouvernemental le plus inepte.
La Banque de l’infrastructure du Canada ne manque pas de concurrents dans ce peloton de tête où se trouve Services publics et Approvisionnement Canada, qui a réussi à saboter le marché des avions de chasse et celui des navires. Nous avons découvert que ce ministère a acheté pour 100 millions de dollars de vaccins qui ont fini à la poubelle.
Un autre fait d’armes de Services publics et Approvisionnement Canada est le système de paie Phénix. Voilà six ans et demi que les libéraux ont pris en main Phénix et les problèmes ne sont toujours pas réglés.
La Banque de l’infrastructure du Canada est au coude à coude avec l’Agence du revenu du Canada pour le prix de l’incompétence. Évidemment, c’était avant qu’il faille attendre trois heures pour enfin parler à un agent de l’ARC, tout ça pour se faire raccrocher au nez. Pendant la pandémie, l’ARC a réussi à envoyer des chèques de la Prestation canadienne d'urgence à des personnes décédées et à des personnes à l’étranger.
Bien entendu, la palme des bourdes commises récemment revient à Affaires mondiales qui, bien que la Russie commette un génocide, assassine des femmes et des enfants et prenne pour cibles des civils, a envoyé une haute fonctionnaire à une réception à l’ambassade de Russie la semaine dernière.
Service Canada, évidemment, mérite d'être salué pour son incompétence dans le dossier des passeports. Nous l’avions prévenu il y a plusieurs mois. J’ai parlé des plaintes à la Chambre il y a plusieurs mois. Le ministre de la Santé a déclaré que le personnel travaillait fort. Nous avons découvert que les deux tiers des employés étaient toujours chez eux. Il se peut qu’ils travaillent de la maison, mais probablement pas assez efficacement pour que les Canadiens obtiennent leur passeport.
Je vais nommer, pour termine, un autre concurrent en lice. Je peux parler de l’Administration canadienne de la sûreté du transport aérien, qui relève de Transports Canada. Comble de l’ironie, Transports Canada supervise aussi la Banque de l’infrastructure du Canada. En ce qui concerne les résultats de son plan ministériel, nous avons découvert dans les comptes publics qu’un quart du financement octroyé à l’Administration canadienne de la sûreté du transport aérien pour les agents de sûreté n’a pas été utilisé. Tout le monde a continué de travailler dans les bureaux, mais pas les agents de sûreté, ceux qui sont embauchés à forfait pour inspecter les bagages et qui sont indispensables à la bonne marche des aéroports. En tout, 25 % de ces fonds n’ont pas été utilisés, même si en janvier, février et mars, les trois derniers mois de l’exercice financier, le ministère a produit des chiffres montrant très clairement que le nombre de Canadiens soumis à une inspection augmentait de manière exponentielle. Il me semble qu’à un moment donné, on en était à 70 % de l'achalandage d’avant la pandémie, mais le ministère n’a pas utilisé les fonds et il a laissé les agents de sûreté rester chez eux. Ensuite, nous avons découvert, pas plus tard que la semaine dernière, que le ministère n’était pas préparé à l’augmentation. Même s'il avait lui-même publié des données sur la croissance exponentielle du nombre de passagers aériens, il a été pris de court.
Apparemment, le gouvernement a également été pris de court en ce qui concerne Service Canada et les passeports. En effet, qui aurait su, il y a 10 ans, qu’un passeport de 10 ans expirerait à ce moment-là? Je ne me serais certainement pas attendu à ce qu’un passeport de 10 ans expire 10 ans plus tard. Qui aurait pu savoir que la pandémie entraînerait une augmentation des voyages? Le gouvernement a dit qu'il a été pris au dépourvu.
La Banque de l’infrastructure du Canada, qui savait que la concurrence était féroce, a redoublé d’efforts pour récolter le prix de l'organisme le plus incompétent. Elle existe depuis plus de cinq ans et elle n’a pas encore construit un seul projet. Encore un an, et la Banque de l’infrastructure du Canada sera admissible à une pension de député. Comme la plupart des députés, elle n’a pas non plus fait grand-chose en cinq ans. La Banque de l’infrastructure du Canada a reçu 35 milliards de dollars, et rien n’a été concrétisé. Une année, elle a en fait dépensé plus d’argent pour les indemnités de départ des cadres que pour les salaires de ses employés. La Banque de l’infrastructure du Canada a été créée pour garantir des rendements décents aux grandes entreprises à but lucratif et aux sociétés d’investissement, et non pour veiller aux intérêts des contribuables canadiens. Elle garantissait des profits aux sociétés, tandis que les contribuables assumaient les risques ou les pertes.
Le projet dont la Banque de l’infrastructure du Canada tire la plus grande fierté, le projet de métro léger à Montréal, est un désastre, ce qui n’est pas surprenant. Les gens n’en veulent pas. Le produit fini ne ressemble pas du tout à la conception. Le coût s’élève à 7 milliards de dollars et ne cesse d’augmenter. Voilà le meilleur produit de la banque.
Je comprends l’intention du projet de loi, mais je dois dire qu’il est plutôt absurde de prendre l’argent d’un organisme raté pour le donner à un autre organisme raté. Par conséquent, je ne l’appuierai pas.