Madame la Présidente, j'aimerais d'abord remercier ma collègue la députée d'Elgin—Middlesex—London de son travail, des observations qu'elle vient de formuler et de tous les efforts qu'elle déploie au nom des citoyens de sa circonscription. Je la remercie également se son travail au comité de la condition féminine et de sa défense de cette cause depuis que la Cour suprême du Canada a rendu sa décision, afin que le gouvernement intervienne en réponse à celle-ci. Je l'en remercie sincèrement.
La députée veille également à faire entendre à la Chambre aujourd'hui les voix qui ont peu été entendues pendant le processus de rédaction du projet de loi C‑28. Ces voix seront certainement entendues dans la suite du débat à ce sujet.
J'ose croire que la plupart des députés, sinon tous conviennent qu'il est prioritaire et urgent de lutter contre la violence faite aux femmes et aux filles.
Malheureusement, cela fait près de 40 jours que la Cour suprême du Canada a rendu sa décision dans l'affaire R. c. Brown, invalidant l'article 33.1 du Code criminel. En raison de cette décision, qui a été annoncée en mai dernier, les meurtriers et les agresseurs pourraient dorénavant invoquer l'état d’intoxication extrême dû à la consommation de drogue ou d'alcool comme excuse pour ne pas être tenus criminellement responsables de leurs actes.
Les conservateurs ont passé les 39 derniers jours à demander au ministre de la Justice de donner la priorité à la réponse dont nous débattons aujourd'hui. Le gouvernement contrôle le programme législatif, et s'il avait voulu présenter ce projet de loi plus tôt, avant les derniers jours de la session du printemps, il aurait effectivement pu le faire. Cela nous aurait permis de tenir un débat approfondi à la Chambre et une étude en comité, où nous aurions pu entendre certains des témoignages de personnes qui expriment leurs préoccupations au sujet du projet de loi dans les journaux et en nous écrivant à nos bureaux. Il devrait être dans notre intérêt à tous, et dans l'intérêt de tous les Canadiens, que nous, parlementaires, fassions bien notre travail, dont une partie consiste à rédiger des projets de loi et à voter sur ceux-ci. Pour ce faire, nous voulons nous assurer d'entendre d'abord les experts.
Il a fallu moins d'une heure aux libéraux pour annoncer leur intention d'interjeter appel du jugement de la cour de l'Alberta concernant leur projet de loi anti-pipeline inconstitutionnel, mais 40 jours sont passés depuis que la Cour suprême du Canada a décidé que les criminels ne seront pas tenus responsables d'un meurtre s'ils étaient extrêmement intoxiqués au moment du crime. Pourquoi le gouvernement fait-il rapidement volte-face pour défendre un projet de loi qui entraîne la fermeture d'industries alors que nous commençons à peine à débattre, plus de cinq semaines plus tard, de la réponse législative au jugement de la Cour suprême qui laisse les victimes vulnérables?
Les conservateurs préfèrent se ranger du côté de la prudence, en adoptant des mesures plus tôt que tard, pour qu'il y ait un élément de protection contre l'utilisation de cette défense. Cependant, même si nous pouvons permettre l'adoption du projet de loi pour le moment, je tiens à dire très clairement que ce n'est aucunement la fin de la discussion.
C'est pourquoi nous avons insisté, dans la motion, pour que le comité de la justice se penche sur le projet de loi, sur cette réponse, pour que le ministre comparaisse et pour que le comité fasse rapport au Parlement afin de lui donner la possibilité d'améliorer le projet de loi, s'il y a lieu.
Pendant l'été, les conservateurs discuteront avec des intervenants, des organismes, des groupes de défense des femmes et des personnes dont les voix doivent être entendues lorsqu'on parle de renforcer le système de justice. Les conservateurs veilleront à ce que ces voix soient entendues.
Nous connaissons les statistiques. Nous savons qu'un nombre disproportionné de femmes et de filles sont victimes de violence et nous savons que les responsables sont presque toujours des hommes. Les libéraux veulent faire oublier aux Canadiens que leur gouvernement soi-disant féministe ne semble pas trop pressé de combler ce vide juridique dont ils sont très conscients, puisqu'ils savent que les femmes et les filles sont très souvent les victimes dans de telles situations.
Je tiens une fois de plus à féliciter ma collègue d'Elgin—Middlesex—London de son excellent travail de sensibilisation, notamment sa campagne « One is Too Many » sur les médias sociaux.
Le 27 mai, 14 jours après la décision de la Cour suprême, mes collègues d'Elgin—Middlesex—London, de Brantford—Brant et de Kamloops—Thompson—Cariboo et moi-même avons adressé une lettre au ministre de la Justice lui faisant valoir l'urgence et la gravité de la question et lui demandant d'agir. Nous croyions alors qu'il interviendrait.
J'aimerais maintenant lire à la Chambre un extrait de cette lettre:
Les décisions rendues par la Cour suprême du Canada dans les affaires R. c. Brown [...] et R. c. Sullivan [...] mettent en péril la sécurité des victimes d'attaques physiques violentes, deviolence familiale et d'agression sexuelle en autorisant la défense douteuse de l'automatisme sans aliénation mentale causé par une intoxication volontaire.
Ces infractions touchent de façon disproportionnée les femmes, les personnes de diverses identités de genre et les Canadiens vulnérables. La décision de la Cour suprême du Canada crée dans la loi une lacune qui met en danger la sécurité des collectivités et la vie des Canadiens. Cela nécessite une réaction de toute urgence afin de protéger les Canadiens, en particulier ceux qui risquent le plus d'être victimes de violence fondée sur le genre.
Le gouvernement doit agir maintenant. En tant que ministre de la Justice et procureur général du Canada, il est de votre devoir de répondre à ces décisions, de combler les lacunes dans la loi et de veiller à protéger les victimes.
En tant que parlementaires, notre rôle consiste à représenter l'intérêt supérieur de nos collectivités en ce qui a trait au droit et à la législation. C'est un enjeu qui nous touche tous et nous sommes prêts à vous aider de toutes les manières possibles afin de veiller à ce que la réponse du Parlement soit adéquate et qu'elle accorde la priorité à la sécurité des Canadiens.
Le gouvernement du Canada doit agir immédiatement pour les victimes, les survivants et leurs familles.
Nous vous remercions de votre attention dans ce dossier et nous attendons votre réponse avec impatience.
C'est bel et bien avec impatience que nous avons attendu la réponse du ministre. Vingt-cinq jours après l'envoi de la première lettre au ministre de la Justice, nous avons enfin l'occasion d'aborder la question à la Chambre aujourd'hui, juste avant l'ajournement estival.
Les conservateurs ne feront pas obstacle au projet de loi, mais cela ne veut pas dire qu'ils considèrent l'affaire close. Bien au contraire, les conservateurs ont obtenu du gouvernement l'engagement de demander au Comité permanent de la justice et des droits de la personne de se pencher sur la question lorsque nous reprendrons nos travaux à l'automne. C'est une question très sérieuse qui mérite le temps et l'attention du Parlement. Nous pouvons seulement améliorer les projets de loi lorsque nous invitons des experts à témoigner. C'est justement ce que nous comptons faire dans le cadre de cette étude, car nous n'avons reçu l'avis d'aucun expert jusqu'à présent.
Pour avoir parlé à de nombreuses organisations, je sais qu'elles se sont senties bousculées. Elles ont participé à une consultation en ligne, mais elles n'estiment pas avoir eu le temps de dire tout ce qu'elles avaient à dire sur la mesure, sur son impact potentiel et sur les améliorations qui pourraient y être apportées, ce qui aurait été dans notre intérêt à tous. Nombreux sont les particuliers et les organisations qui auraient dû être consultées en bonne et due forme avant et pendant la rédaction du projet de loi.
Il est crucial que nous nous efforcions de résoudre le problème de toute urgence, mais cela ne signifie pas que nous ne pouvons pas consacrer le temps et les ressources nécessaires pour nous assurer que la loi reflète les contributions et les préoccupations des différentes parties prenantes qui se sont exprimées ces derniers jours sur les points du projet de loi qui peuvent et qui doivent être améliorés.
Par exemple, l'Association nationale Femmes et Droit a publié un communiqué de presse répondant au projet de loi C-28 des libéraux. Je cite:
Bien que certaines avocates et certains avocats de la défense et leurs alliées et alliés assurent que le recours à l’intoxication extrême sera rare, les recherches analysant la défense par intoxication extrême indiquent qu’elle sera soulevée avec une certaine régularité. En effet, les recherches montrent qu’elle sera utilisée en grande majorité par des hommes et que la majorité des victimes seront des femmes.
L'Association qualifie le projet de loi C-28d'« occasion manquée de fermer la porte à l’utilisation de la défense d’intoxication extrême dans les cas où il y a seulement consommation d’alcool ». Je pense qu'il s'agit là d'une discussion tout à fait digne d'être menée par nous, les députés.
Je précise qu'il ne s'agit là que d'un seul organisme intéressé dont le point de vue et l'expertise doivent être entendus et pris en considération lorsque nous parlons de renforcer la loi pour mieux protéger les femmes. Notre étude du projet de loi et de la loi qu'il modifie aura lieu à l'automne, ce qui permettra une consultation adéquate des experts et des intervenants.
C’est notre rôle et notre responsabilité, à titre de la loyale opposition de Sa Majesté, de demander des comptes au gouvernement. Or, il arrive souvent que les libéraux laissent tomber les Canadiens quand il est question de justice et de leurs obligations à l’égard des victimes d'actes criminels.
Les conservateurs vont continuer de faire entendre la voix des victimes et de défendre les droits des victimes. Nous voulons réaliser des progrès importants qui renforceront les lois du Canada afin de mieux protéger les Canadiens vulnérables.