Madame la Présidente, je me réjouis de pouvoir prendre la parole aujourd’hui au sujet du projet de loi S‑4, Loi modifiant le Code criminel et la Loi sur l’identification des criminels et apportant des modifications connexes à d’autres lois.
Depuis le début de ce débat, nous avons entendu le gouvernement parler de la nécessité d’adopter ce projet de loi le plus rapidement possible, mais certaines mesures qui y sont proposées étaient déjà nécessaires bien avant la pandémie de COVID‑19. Il y en a d’autres qui soulèvent certaines inquiétudes, notamment en ce qui concerne la protection des victimes, y compris les familles des victimes.
Dans le projet de loi S‑4, le consentement du contrevenant est mentionné à 10 reprises. Faisons maintenant une comparaison. Combien de fois le consentement de la victime ou de sa famille est-il mentionné pour autoriser des communications autrement qu’en personne? On ne sera pas étonné d'apprendre que la réponse à cette question est zéro. Le projet de loi ne mentionne pas une seule fois le consentement de la victime ou de sa famille, mais il mentionne à plusieurs reprises le consentement du contrevenant.
J’aimerais bien pouvoir dire que je suis surpris, ou que je n’ai pas tout compris, mais il faut bien reconnaître que cela correspond tout à fait aux objectifs de réforme du système de justice pénale que s’est donnés le gouvernement.
Il suffit de regarder les projets de loi déposés à la Chambre. Il suffit de considérer les réactions sélectives à certains arrêts de la Cour suprême du Canada pour se rendre compte que le gouvernement ne fait pas passer les droits des victimes en premier.
Pour vous donner un exemple, hier, au comité de la sécurité publique, nous avons constaté que la loi a été considérablement élargie pour cibler les citoyens respectueux des lois, les chasseurs de canards et autres, nos concitoyens, à tous les propriétaires d’armes à feu respectueux de la loi. Et cela, c’est, paraît-il, au titre de la lutte contre la criminalité. On cible donc des non-criminels pour lutter contre la criminalité.
Les experts, les policiers, les maires des grandes villes, eux, disent que les armes à feu illégales, les armes à feu utilisées par les gangs viennent de nos frontières poreuses et de l’importation illégale d’armes à feu.
Sachant que l’importation et le trafic illégaux d’armes à feu sont la cause de la présence des armes à feu dans la rue, que les citoyens respectueux de la loi ne sont pas la cause du problème, force est de conclure logiquement qu’il faudrait cibler l’importation illégale, contrairement à ce que fait le gouvernement avec son projet de loi C‑22, qui cible les chasseurs de canards, les agriculteurs et les tireurs sportifs, des gens qui ne sont pas des criminels et qui ne constituent pas une menace.
Que faisons-nous pour contrer la menace réelle? Que faisons-nous au sujet des importateurs, des trafiquants?
Il y a un autre projet de loi qui vient d’être adopté par le Sénat, le projet de loi C‑5. D'après celui-ci, si quelqu’un s’est livré au trafic d’armes à feu, a utilisé une arme à feu pour commettre une infraction ou faire de l’extorsion, ou encore a intentionnellement fait usage d’une arme à feu, il n’a plus à purger de peine d’emprisonnement, comme c'est le cas depuis des années. Il peut retourner dans la rue. Il peut retourner dans la collectivité où il a commis l’infraction.
Qui avait présenté cette loi voulant qu’une personne coupable d’une de ces infractions doive purger une peine d’emprisonnement? Le gouvernement conservateur précédent?
Le gouvernement actuel aimerait nous faire croire que cette mesure de répression de la criminalité a été prise par le gouvernement conservateur précédent, mais quand on se donne la peine d’examiner les faits et les preuves, on constate que toutes ces peines obligatoires remontent aux années 1970, à l’époque où le père du premier ministre était lui-même premier ministre. Certaines de ces mesures ont été introduites quand le père du premier ministre était à la fois premier ministre et ministre de la Justice.
Les libéraux se plaisent à dire que ces peines obligatoires sont inconstitutionnelles.
Que dit la Cour suprême à ce sujet? Il y a quelques semaines à peine, celle-ci s’est penchée sur une affaire concernant une peine obligatoire liée du trafic de drogue, et elle a tenu compte de la gravité de la crise causée par le fentanyl, la cocaïne et l’héroïne dans nos collectivités.
À l’époque, nous avions un gouvernement conservateur, et je suis fier de dire que, pour lutter contre ces crimes, nous avons affirmé que ceux qui voulaient faire du trafic, de la fabrication ou de l’importation de ces drogues dures devaient purger une peine d’emprisonnement. Le gouvernement actuel a dit, dans le projet de loi C‑5, qu’il ne pense pas de la même façon et que ces gens devraient être remis en liberté.
Qu’en pense la Cour suprême du Canada? Elle a confirmé nos dispositions. Elle a souligné qu’elles sont constitutionnelles et que si l’on tient compte de la gravité de ces infractions par rapport à la prérogative législative du Parlement, on constate que le Parlement a le droit constitutionnel d’adopter la mesure qui soutient que quiconque importe, vend ou produit de la cocaïne, du fentanyl ou de l’héroïne ira en prison et perdra sa liberté.
Est-il efficace de faire preuve d’indulgence envers les criminels? On appelle cela « dorloter les voyous », faire preuve de « laxisme à l’égard de la criminalité » ou un « système de justice prorécidive ». Ceux qui commettent un crime ne subissent pas de conséquences et sont remis en liberté. Cette approche est-elle efficace? Examinons donc les faits, qui ont été rendus publics cette semaine, non pas par le Parti conservateur, mais par Statistique Canada. Les données montrent que le taux d’homicides a augmenté pendant trois années consécutives au Canada.
Le taux d’homicides au Canada est au niveau le plus élevé depuis 2005. Pourquoi l’année 2005 est-elle importante? C’était la dernière année du gouvernement libéral précédent. Le gouvernement conservateur est arrivé au pouvoir en 2006, et nous avions un programme pour resserrer notre système de justice, pour respecter les victimes en les plaçant à l’avant-plan et pour appeler les auteurs de crimes graves des « récidivistes ».
Qu’est-ce qu’un récidiviste? Un récidiviste est un individu qui commet un crime, qui se fait prendre, qui est jugé par un tribunal, qui est condamné à une peine d’emprisonnement ou de détention à domicile, qui retourne dans les rues et qui recommence à commettre le même crime. C’est ce qu’on appelle la récidive. Les tribunaux ont dit, et nous l’avons dit, que nous devons nous concentrer sur les criminels, et c’est ce que nous avons fait.
Ces sept dernières années, nous avons vu ce que donne un gouvernement libéral. Le pourcentage que je m’apprête à citer devrait choquer tout le monde dans la salle et choquer tous les Canadiens. Le taux de crimes violents commis au Canada depuis 2015 a augmenté de 32 %. C’est inacceptable. Dans nos collectivités rurales...
L’hon. Rick Perkins: Que s’est-il passé en 2015?
L’hon. Rob Moore: Madame la Présidente, je rappelle aux députés que c’est en 2015 que le gouvernement libéral est arrivé au pouvoir.
L’indulgence envers les criminels ne donne rien. Dans nos collectivités rurales, dans nos banlieues, dans nos grandes villes, partout au pays, nous voyons des victimes. Qu’il s’agisse de crimes contre les biens, de crimes graves avec violence ou d’infractions sexuelles, nous voyons des individus remis en liberté et être en mesure de commettre les mêmes infractions, tandis qu’ils devraient être traités plus sévèrement, ce qui a donné lieu à une augmentation de 32 % des crimes violents.
Ce n’est pas moi qui le dis, c’est Statistique Canada qui produit des statistiques à ce sujet. Ce sont des preuves dont nous devrions tenir compte dans notre examen de ce qui fonctionne et ce qui ne fonctionne pas. À l’instar de mes collègues conservateurs, j’estime que la protection des Canadiens innocents, la protection des familles dans nos collectivités et la protection de nos collectivités devraient être l’une de nos grandes priorités en tant que députés.
Cela veut-il dire que nous ne croyons pas que les délinquants devraient obtenir l’aide dont ils ont besoin à l’instar des personnes aux prises avec une dépendance? Bien sûr que non, mais nous ne rendons pas service à nos collectivités et nous ne rendons pas service aux délinquants en n’imposant aucune peine pour les infractions graves.
Le projet de loi S‑4 mentionne 10 fois le consentement du délinquant. Dans ma propre circonscription, nous avons connu une affaire sérieuse, il y a des années de cela. Une jeune fille de 16 ans qui travaillait à l’épicerie de son père a été assassinée par un délinquant. Celui-ci a reçu une peine d’emprisonnement à perpétuité.
Le père de la victime est devenu un défenseur des victimes d’actes criminels. Je l’ai rencontré à maintes reprises. Il a été membre du conseil municipal d’une de nos collectivités. Il a parlé avec passion des façons dont les gouvernements pourraient aider les victimes d’actes criminels. Quand nous étions au pouvoir, nous avons donné suite à certaines de ses recommandations et à celles d’autres victimes d’actes criminels.
Sa famille se rendait au Québec pour assister aux audiences de libération conditionnelle en hommage à leur être cher qui avait perdu la vie dans les années 1980. Ils se présentent tous les deux ans aux audiences de libération conditionnelle. Il leur est arrivé de devoir conduire 10 heures durant pour apprendre que le délinquant avait annulé l’audience de libération conditionnelle. Toute la famille devait alors retourner chez elle sans avoir assisté à l’audience de libération conditionnelle. Elle a formulé de nombreuses recommandations.
Le même cas a fait les manchettes le mois dernier, lorsque le Service correctionnel du Canada, sans aviser la famille, a annoncé que l’individu avait été remis en liberté et que personne ne savait où il se trouvait. Tous les deux ans, cette famille se présente en personne pour essayer de maintenir cet individu derrière les barreaux, comme il se doit. De toute évidence, cela a beaucoup préoccupé cette famille. Le délinquant est maintenant de nouveau en détention, mais il a toujours droit à une audience de libération conditionnelle tous les deux ans.
Qu’elles soient tenues en présentiel ou virtuellement, ces audiences de libération conditionnelle ravivent la souffrance des familles des victimes. C’est l’une des principales raisons pour lesquelles l’une des mesures législatives dont je suis le plus fier de toute ma carrière de parlementaire, et que nous avons présentées lorsque les conservateurs étaient au pouvoir, exigeait que l’on tienne compte de la vie de chaque victime des tueurs en série.
Au Canada, lorsqu’une personne reçoit une peine d’emprisonnement à perpétuité, certaines personnes pensent, bien à tort, qu’un tueur en série ou qu’un individu qui commet un meurtre au premier degré restera derrière les barreaux pour le reste de sa vie. On entend parler de « condamnation à perpétuité » et on pense que ces individus ne sortiront plus jamais de prison, mais ce n’est pas ainsi que le système fonctionne.
Au bout de 25 ans, les détenus ont le droit de demander une libération conditionnelle. Un détenu peut être libéré au bout de 25 ans. Parlons de ce que cela signifie dans le cas d’un tueur en série, comme celui qui a assassiné Tim Bosma. La veuve de celui-ci, Sharlene, a comparu dernièrement devant notre comité de la justice pour parler des victimes d’actes criminels.
Cette femme a vécu des souffrances inimaginables. Elle a parlé avec éloquence de ses efforts et du seul réconfort qu’il lui restait. Le tueur en série a été reconnu coupable d’avoir tué non seulement son mari, Tim, mais deux autres personnes. Il avait tué trois personnes. Tout ce qui la consolait encore, c’est de savoir que sa fille n’aurait jamais à assister à une audience de libération conditionnelle.
Le délinquant a été privé de libération conditionnelle pendant 75 ans, grâce à une mesure législative des conservateurs qui autorisait que l’on inflige des périodes consécutives d’inadmissibilité à la libération conditionnelle. Il a donc écopé d’une période d’inadmissibilité non pas de 25 ans, mais de 75 ans, parce qu’il avait tué trois personnes. Avant cela, les familles devaient arracher leurs pansements émotionnels et revivre les pires événements de leur vie. C’est le seul réconfort qu’il restait à cette femme.
Comme mes collègues le savent, la Cour suprême du Canada a invalidé ces dispositions. Cela favorise l’individu qui a tué Tim Bosma et celui qui a tué trois agents de la GRC à Moncton, au Nouveau‑Brunswick.
Je me souviens très bien de cette journée. Nous étions réunis ici. Nous étions dans l’antichambre et nous observions la situation. Trois personnes ont perdu la vie, et la période d’inadmissibilité à la libération conditionnelle du tireur a été fixée à 75 ans.
En raison de la décision rendue par la Cour suprême du Canada il y a quelques semaines, toutes ces personnes sont maintenant admissibles à la libération conditionnelle après 25 ans. Cela signifie-t-il qu’elles seront libérées dans moins de 25 ans parce qu’elles ont déjà purgé leur peine? Non, pas nécessairement. Peut-être que oui, mais peut-être que non. Toutefois, cela signifie certainement que toutes ces familles, y compris la jeune fille de Sharlene Bosma, devront un jour assister à une audience de libération conditionnelle, confronter le délinquant et expliquer pourquoi cette personne, qui a tué un être cher, devrait rester derrière les barreaux.
Pourquoi est-ce que je parle de tout cela? C’est parce que les victimes doivent être au cœur de toutes les lois, y compris le projet de loi S‑4. Lorsque je vois un projet de loi dans lequel il est question à 10 reprises du consentement du délinquant, sans jamais faire allusion à celui de la victime, cela me préoccupe au plus haut point.
Certaines dispositions du projet de loi S‑4 sont nécessaires. On y prévoit l’adoption de mesures virtuelles, s’il y a lieu; on y autorise les agents de police à demander et à obtenir des mandats en utilisant les télécommunications et à prendre les empreintes digitales de l’accusé à une date ultérieure si elles n’ont pas déjà été prises; on y élargit le pouvoir des tribunaux d’établir des règles de gestion des instances; on y accroît la capacité des accusés et des délinquants de comparaître à distance par audioconférence et vidéoconférence dans certaines circonstances; on y permet la participation des jurés éventuels au processus de sélection des jurés par vidéoconférence, si cela est jugé opportun; et on y autorise l’utilisation de moyens électroniques ou automatisés pour sélectionner les jurés plutôt que la pratique actuelle voulant que le greffier du tribunal pige les noms dans une boîte.
Certaines de ces mesures sont sensées. C’est pourquoi, dans l’ensemble, les conservateurs appuient le projet de loi S‑4. Cependant, il y a deux ou trois choses que nous aimerions ajouter. La première est la reconnaissance du rôle des victimes.
Le comité de la justice termine une étude sur les victimes d’actes criminels. Il a étudié une motion des conservateurs qui demandait que l’on étudie l’impact du système de justice et que l’on détermine comment mieux servir les victimes d’actes criminels. J’ai déjà parlé de certains des témoignages que nous avons entendus sur la façon dont le système de justice joue en faveur des délinquants. Les familles des victimes sont tenues dans le noir. Les victimes sont tenues dans le noir. Ce sont des victimes de toutes sortes de crimes, qu’il s’agisse de crimes contre les biens ou de crimes violents. Les personnes qui ont perdu un être cher sont tenues dans l’ignorance du système.
Il manque de mesures de soutien. Par conséquent, lorsque les victimes voient un projet de loi dans lequel il est question 10 fois du consentement de l’accusé, mais jamais de celui de la victime, cela les amène à conclure une fois de plus qu’elles sont loin d'être la priorité dans une mesure législative. Cela perpétue un système de justice qui est déséquilibré et qui ne fait pas passer les victimes en premier. L’un des objectifs que nous visons consiste à recentrer le projet de loi sur les victimes et sur leurs droits, et à veiller à ce que rien, dans ce processus, ne mine la capacité d’une victime de se sentir écoutée et de faire en sorte que justice lui soit rendue dans la mesure où elle le souhaite.
D’autres intervenants ont parlé de l’urgence d'adopter ce projet de loi. Les libéraux sont au pouvoir depuis sept ans. Quand ils parlent de ce projet de loi, ils disent que ces mesures étaient nécessaires avant la COVID‑19. Soyons clairs à ce sujet: le système de justice était déjà sérieusement empêtré avant la COVID. Certes, la COVID a aggravé la situation. J’en ai parlé dans une de mes questions à un intervenant précédent. Le premier ministre a remis les compteurs à zéro en déclenchant des élections inutiles et ironiquement liées à la COVID‑19, et nous voilà ici aujourd’hui en train de débattre de ce projet de loi.
En tant que conservateurs, nous allons continuer de mettre l’accent sur les droits des victimes et de veiller à ce que notre système de justice prenne les crimes graves au sérieux et protège les intérêts des victimes à toutes les étapes.