Monsieur le Président, je vais partager mon temps avec mon collègue de Longueuil—Pierre-Boucher. Je vais me lancer dans un discours où il y aura beaucoup de rectifications par rapport à ce que mon collègue de Lévis—Bellechasse vient de soulever.
La question fondamentale qui est devant nous est « le Canada est-il réformable? » Au moment où on se parle, c'est non. La seule solution pour le Québec, c'est la souveraineté. On aura alors pleins pouvoirs sur l'ensemble des attributs de la souveraineté, c'est-à-dire que nous pourrons signer des ententes internationales, et retenir les impôts et les taxes pour le Québec. Pour ce qui est de la fédération, tout a déjà été essayé.
Je veux rectifier beaucoup de choses que mon collègue de Lévis—Bellechasse a soulevées. D'abord, il y a eu plusieurs tentatives constitutionnelles. Ici, on a parle de l'Accord du lac Meech et de l'accord de Charlottetown. Je vais en parler, mais il faut aussi se rappeler qu'il y avait eu une tentative à Victoria, où le gouvernement de Robert Bourassa avait dit qu'on n'avait pas assez de pouvoirs, donc qu'on ne pouvait accepter cela. C'était donc tombé à l'eau.
Chaque fois que le Québec a été confronté à des enjeux fondamentaux où il devait diluer ses pouvoirs, les premiers ministres du Québec se sont tous tenu debout pour dire que c'était inacceptable pour nous. Donc, il y a eu Victoria, mais il y a eu par la suite l'Accord du lac Meech. Il est faux de dire que les souverainistes l'ont laissé tomber ou qu'ils l'ont torpillé. Au contraire, c'était le beau risque, à l'époque. Il y a eu des débats déchirants au Québec, mais au moins on a atterri là-dessus en disant qu'on allait donner une chance au Canada, et voir si avec cinq petites conditions minimales on pouvait intégrer la grande famille fédérale.
Ce ne sont pas les souverainistes qui ont torpillé l'entente, mais Elijah Harper, qui disait qu'on n'en donnait pas suffisamment aux nations autochtones. Par contre, M. Harper se disait d'accord avec les revendications du Québec. C'est Elijah Harper qui a empêché le Manitoba de signer cette entente.
Que dire de Clyde Wells de Terre-Neuve, qui avait renié sa signature? Je me rappelle très bien du baiser de Pierre Elliott Trudeau et de Jean Chrétien à Clyde Wells pour le remercier d'avoir sorti sa province de l'entente et d'avoir renié sa signature, faisant en sorte que l'Accord du lac Meech s'est effondré.
Il faut parler de ce qui s'est passé. Lorsque l'entente s'est effondrée, Brian Mulroney a nommé Jean Charest pour que celui-ci tente de diluer encore plus les pouvoirs d'un côté comme de l'autre. Cela permettait de faire avaler au Québec une potion indigeste à l'époque. Jean Charest a donc été nommé par Brian Mulroney pour préparer l'accord de Charlottetown. L'accord de Charlottetown a été rejeté par le peuple canadien et le peuple québécois.
En effet, les Québécois disaient que l'accord de Charlottetown ne leur donnait pas suffisamment de pouvoirs. Leurs pouvoirs étaient trop dilués, et il était insensé qu'ils donnent leur accord à cela. Le Rest of Canada, le ROC, a dit qu'il n'était pas d'accord avec cet accord parce qu'il donnait trop de pouvoirs au Québec. C'est ainsi que s'est creusé le fossé entre les deux. Des sondages démontrent qu'il y a deux pays dans le Canada. Ce n'est plus un fossé, c'est le Grand Canyon qui divise les deux peuples fondateurs du Canada.
Je veux bien parler longuement de la reconnaissance de la nation québécoise. À l'exception de l'aspect symbolique, qu'est-ce que cela nous apporte à nous, Québécois? On a fait des tentatives. À force d'aller devant la grande cour de l'autre côté — M. Duplessis disait d'ailleurs que, comme la tour de Pise, elle penchait toujours du même côté, c'est-à-dire du côté fédéral —, notre loi 101 est en train de tomber en lambeaux. C'est une perte pour le Québec, mais c'est aussi une perte pour le patrimoine mondial. Il faut protéger la langue française en Amérique. On est entourés de 300 millions d'anglophones. Si on n'a pas de loi pour la protéger, elle va être diluée et elle va disparaître, comme beaucoup de langues autochtones qui sont en train de disparaître au Canada.
Lorsqu'on veut appliquer la reconnaissance du Québec comme nation au Code canadien du travail au Québec — on sait que la langue française est la langue de travail au Québec — on se fait dire qu'il n'en est pas question. Alors, que signifie cette reconnaissance de la nation à part l'aspect symbolique?
Mes collègues ont parlé de la commission pancanadienne des valeurs mobilières, qui va drainer le pouvoir de Montréal vers Toronto. Que représente alors la nation québécoise?
Pourquoi prendre tout le savoir-faire francophone et l'exterminer, l'assimiler et envoyer tout cela à Toronto? Puis-je rappeler que l'Assemblée nationale du Québec est à l'unanimité contre cela. C'est important de savoir cela. C'est pour cela que tout à l'heure, mon collègue de Shefford demandait aux autres députés comment ils allaient voter en tant que Québécois?
C'est la même chose pour les 30 députés qu'on veut ajouter. C'est une autre unanimité à l'Assemblée nationale du Québec. Les gens ne sont pas d'accord avec cela parce qu'on dilue le pouvoir. J'entends des gens, comme le député de Lévis—Bellechasse, dire qu'il faut qu'un vote ait à peu près le même poids partout. Toutefois, tout le monde du côté fédéral oublie toujours de nous parler de l'Île-du-Prince-Édouard qui a quatre députés pour 120 000 habitants. Là, cela ne s'applique pas. Or, quand c'est une autre province comme l'Île-du-Prince-Édouard, c'est une exception. Ce sont des choses qu'on est obligés de faire à cause de l'histoire. Que fait-on avec l'une des nations fondatrices que sont les Québécois? Il me semble qu'il y en aurait des mesures d'exception pour une nation fondatrice, pour reconnaître la nation québécoise si on veut donner à cette reconnaissance une autre portée qu'une portée symbolique. Donc, ces arguments ne fonctionnent pas. C'est pour cela que je dis que le Canada n'est pas réformable. Chaque fois qu'on arrive avec des idées, c'est non, non et toujours non.
On a fait un sondage intéressant. Je disais tout à l'heure qu'il y a un fossé entre le Canada anglais et le Québec. Je le répète, ce n'est pas un fossé, c'est le Grand Canyon. J'ai des exemples ici. On a posé des questions aux gens. Au Canada, comme au Québec, le gouvernement fédéral devrait-il respecter la loi 101? Je viens d'en parler. Au Québec, 73 p. 100 des gens disent oui, au Canada, 83 p. 100 disent non. Ce sont les deux extrêmes. Il y a deux pays dans ce pays. C'est ce que cela veut dire.
On a posé une autre question. La Constitution devrait-elle accorder au Québec le pouvoir de choisir les trois juges de la Cour suprême? Soit dit en passant, c'était l'une des conditions de l'Accord du lac Meech. Au Québec, 83 p. 100 des répondants disent être d'accord avec cela, au Canada anglais, 73 p. 100 disent non. Encore une fois, c'est complètement le contraire. Il y a deux pays dans ce pays-là.
La Constitution devrait-elle reconnaître au Québec la pleine juridiction en matière d'immigration sur son territoire? Soixante-dix-huit pour cent des Québécois disent oui, 77 p. 100 des Canadiens disent non. Ce sont des extrêmes. Quand je dis que l'entente de Charlottetown a été rejetée parce que le Québec n'avait pas assez de pouvoirs alors que le Canada anglais disait qu'on lui en donnait trop, on a les preuves ici au niveau de la langue, de l'immigration et cela continue.
Le Québec devrait-il avoir plus de pouvoirs en matière de langue et de culture? Au Québec, 82 p. 100 des répondants répondent oui, alors que 69 p. 100 des gens dans le reste du Canada disent non. Où est-elle la reconnaissance de la nation québécoise? Où est-elle la reconnaissance d'une culture et d'une langue différentes au Canada? Les statistiques sont là.
La Constitution canadienne devrait-elle reconnaître que le Québec forme une nation et inclure cela dans la Constitution? Soixante-treize pour cent des Québécois disent oui, 83 p. 100 des Canadiens disent non. Cela m'apparaît de plus en plus clair qu'il n'y a pas possibilité de s'entendre. Ce n'est pas réformable.
Le Québec devrait-il avoir davantage de pouvoirs et un statut particulier? Soixante-treize pour cent des Québécois disent oui, 71 p. 100 des Canadiens disent non. C'est de plus en plus clair que sur l'ensemble des enjeux, on est aux extrémités, aux antipodes, comme on le dit dans le langage populaire.
Mentionnons une dernière question. Le gouvernement du Canada devrait-il respecter sur le territoire du Québec les dispositions de la loi 101 qui fait du français la seule langue officielle du Québec? On constate que 90 p. 100 des Québécois disent oui et 74 p. 100 des Canadiens disent non. C'est comme cela tout le long du sondage.
Aux gens qui pensent aujourd'hui que le Canada est réformable, je leur dis que c'est une grande illusion et que c'est un mirage. Cela ne pourra pas arriver à cause justement de la perception et du fait qu'il y a deux pays dans ce pays. S'il y a deux pays dans ce pays, nous concédons que le Canada devrait être souverain, mais le Canada devrait concéder que le Québec devrait également être souverain. C'est la seule solution pour finalement en arriver à une entente avec nos collègues. En effet, oublions les réformes constitutionnelles. C'est impossible à cause de la perception canadienne et de la perception québécoise. Alors, la souveraineté est la solution finale pour le Québec.