Monsieur le Président, ce sont des matières qui ne sont pas nécessairement sexy, mais nous allons essayer d'en faire quelque chose de simple et de compréhensible. Nous avons devant nous une matière qui, bien qu'aride, est très importante pour la vie démocratique de ce pays et j'espère que M. et Mme Tout-le-Monde qui sont assis sur leur canapé pourront mieux saisir l'ensemble de la problématique et comprendre où ce rapport va nous mener.
D'abord, que veut-on faire de cela? Quand on a commencé l'étude, c'était bien simple, on voulait tout simplement que les prévisions budgétaires, ces fameux documents que l'on reçoit trois ou quatre fois par année, soient compréhensibles d'abord et avant tout pour les députés qui doivent les adopter. Ce qui est important, c'est que dans un Parlement de type britannique, la Chambre donne l'autorisation au gouvernement de dépenser. C'est un principe de base.
Ensuite, au début de l'étude, nous avons reçu une lettre du président du Conseil du Trésor qui nous encourageait évidemment à poursuivre cette étude. Il nous a posé des questions. Par certaines des recommandations, on a essayé de répondre à ses propres interrogations. Toujours est-il que l'essence même du travail consistait, pour chacun des députés, dans chacun des comités, à être capable — pour le ministère pour lequel il regarde les prévisions budgétaires — de comprendre le chiffre situé à la troisième ligne à droite. Que signifie-t-il? À quoi fait-il référence? Pourquoi le met-on là et est-ce que c'est approprié?
Aujourd'hui, c'est très difficile de faire cela. D'ailleurs je me permettrai de citer M. Kevin Page, le directeur parlementaire du budget. Il disait ceci, lors de son témoignage à notre comité:
La Chambre, qui est habilitée à prendre un vote de confiance, doit être convaincue que les dépenses réalisées et les impôts prélevés sont conformes aux lois, aux intentions du Parlement et aux principes du contrôle parlementaire. C’est quand tout est conforme que le Parlement sert les Canadiens.
Voilà l'importance du processus. Malheureusement, même après ce rapport, je ne pense pas qu'on ira aussi loin qu'on le voudrait du côté de la compréhension.
Évidemment, quand on a préparé le rapport, nous avons entendu plusieurs témoins, dont certains avaient travaillé aux deux précédents rapports de 1998 et 2003. Ils étaient très pessimistes et ne pensaient pas que nous réussirions là où ils avaient échoué à l'époque. Bien sûr, nous n'avons pas voulu tomber dans ce pessimisme et nous avons voulu travailler de concert avec le gouvernement pour essayer d'apporter les modifications qui s'imposaient. Nous avons voulu cela afin que chacun des députés, dans chacun des comités, puisse comprendre réellement les chiffres qu'on lui met sous les yeux et, ultimement, que les citoyens, comme ceux qui nous regardent présentement, puissent comprendre un peu à quoi cela ressemble. Car c'est cela, la base. On doit adopter un budget. C'est un des éléments fondamentaux de la Chambre et on a du mal à le faire.
Certains témoins nous ont dit que les Parlements comme celui de Westminster, comme le nôtre, avaient du mal a vraiment rendre dynamique la présentation du processus budgétaire. Peut-être est-ce la tradition. On n'est pas allés assez loin sur ce point. Il faudrait peut-être revisiter cet aspect-là un jour.
Tout de même, on a un budget de plus de 260 milliards de dollars, dont près de 100 milliards de dollars sont des budgets votés, ce qui n'est quand même pas rien. Le cycle budgétaire est assez important et assez long.
Le cycle budgétaire prend au moins 18 mois, c'est-à-dire qu'entre le moment où on présente les prévisions budgétaires et celui où l'on présente le rapport des comptes publics, il peut s'écouler jusqu'à 18 mois. Ainsi, lorsque nous étudions les prévisions budgétaires d'une année à l'autre, de 12 mois à 12 mois, nous n'avons même pas encore vu le rapport des comptes publics. Comme nous ne pouvons pas voir le cycle complet du budget de l'année précédente, il est toujours difficile de comparer des pommes avec des pommes parce que nous ne connaissons pas les résultats finaux. C'est assez dommageable.
On nous a demandé de regarder le type de comptabilité, ce que je laisse aux experts. Ce n'est pas la chose la plus importante dans le débat actuel. On nous a demandé également de regarder la façon de présenter ça, c'est-à-dire si ce sont des budgets de capital ou de programme, et tout le reste. Je vais aussi faire l'impasse là-dessus, car je considère que cela relève des spécialistes. Ce qui nous importe, c'est que lorsque le travail sera terminé, les chiffres qu'on présentera seront compréhensibles pour ceux qui doivent adopter le budget. C'est de ça qu'il s'agit.
Je viens de dire que le cycle budgétaire est assez long. Je vais y revenir en détail pour qu'on ait une idée de ce dont on parle. On commence toujours par établir des prévisions budgétaires. Ensuite, il y a un budget, qui est un énoncé un peu plus politique. Un peu plus tard, il y a le Rapport sur les plans et les priorités des différents ministères, comme celui de Travaux publics pour l'année en cours. Ce rapport est censé nous aider à comprendre comment l'argent est dépensé dans les différents programmes du ministère. Normalement, il devrait y avoir un fort lien entre les prévisions budgétaires et cet outil.
L'une de nos recommandations avait pour but de rapprocher la publication de ces documents afin qu'ils soient synchronisés et pour qu'il y ait des explications sur les prévisions budgétaires dans le Rapport sur les plans et les priorités. C'est ça, l'objectif visé. Il faut faire des liens entre les choses, lien qu'on ne retrouve nulle part présentement. Il faut quasiment être un maître des arcanes pour pouvoir faire les liens entre tout ça. Je ne sais pas combien de personnes au gouvernement sont capables de faire tous ces liens. J'ai peut-être assez de mes 10 doigts pour compter ces personnes. C'est quelque chose qui est devenu complexe avec le temps.
La structure est assez vieille. Les chiffres et les budgets sont plus gros, les programmes se sont multipliés et on a gardé à peu près les mêmes méthodes. Il faut donc actualiser ces méthodes, et c'est là le défi auquel nous faisons face.
Après cela, il y a les budgets supplémentaires. Dans le cycle actuel, en plus des prévisions budgétaires et du budget lui-même, il y a trois budgets supplémentaires qui s'ajoutent au cours de l'année. Ainsi, si on veut avoir une bonne idée de son budget, il faut additionner ce qui figure dans les prévisions budgétaires principales et les budgets supplémentaires A, B et C. Après, il faut que ça aille aux comptes publics, mais comme je l'ai dit, on étudie les prévisions budgétaires suivantes avant d'avoir vu les résultats et comment ça s'est réellement fait.
Cela n'a pas d'allure. Il faut raccourcir ce cycle pour comprendre les choses de façon plus précise et concrète et faire des liens d'année en année. Nous avons fait des recommandations en ce sens, notamment sur les Rapports sur les plans et les priorités. Nous voulons pouvoir voir plusieurs années en avant et en arrière pour suivre la matière. Présentement, on a une difficulté fondamentale à comprendre où on s'en va avec tout ça. Cela m'amène évidemment à parler du rôle de la Chambre.
Normalement, moi, je m'attendrais à ce que tout le monde en cette Chambre — à l'unanimité — veuille vraiment avoir des états financiers, des prévisions budgétaires qui soient plus précis, plus compréhensibles, mais pourtant, je sens de la résistance.
On dirait qu'on veut parler de transparence, de compréhension, mais quand vient le temps d'appliquer le tout, on dirait que ça ne va pas vite. Si on dit qu'il faut peut-être recommencer les travaux, on entend dire que c'est difficile et compliqué.
Voulons-nous remplir notre rôle ou pas? C'est la question principale. Désirons-nous simplement céder le contrôle des dépenses au gouvernement ou voulons-nous rester un Parlement? C'est le Parlement qui, au départ, autorisait les dépenses du roi. C'est ainsi que cela a commencé. Cela a toujours été le cas. Dans un Parlement de type Westminster, c'est le Parlement qui autorise, mais encore faut-il comprendre ce qu'on autorise. Tout est là.
Autrement, si on ne fait pas ça, si on ne cherche pas à améliorer les choses, entre vous et moi, monsieur le Président, c'est un exercice qui est vide de sens. On ne va pas très loin avec ça. On se demande ce qu'on fait là.
C'est pour ça que, entre autres, c'est important de rester bien centré sur les objectifs qu'on veut avoir là-dedans. Je vais donner un exemple. Les prévisions budgétaires sont envoyées en comité pour étude. C'est beau, mais il y a certains comités qui n'ont pas ou ne prennent pas le temps de les étudier, ou peut-être qu'ils ne comprennent ce qu'il y a là et qu'ils expédient cela très vite. Pourtant, voir comment le ministère dont ils sont responsables dépense son argent devrait être une de leurs principales activités.
Une règle dit que, si on n'a pas étudié cela en quelque semaines, selon le calendrier, c'est approuvé d'office, mais a-t-on fait notre travail? Pourquoi est-on là si ce n'est pour évaluer les budgets? Évidemment, il y a les lois, la partie législative, mais, entre nous, le budget est quand même une élément important de la vie parlementaire dans son cycle annuel. Si on n'est pas là pour évaluer tout ça, que fait-on là? Je vous le demande, monsieur le Président.
C'est pour ça qu'on cherchait vraiment à aller un petit peu plus loin et faire entrer l'analyse budgétaire dans le XXIe siècle, parce qu'en vertu de la façon de procéder maintenant, on est bien plus proches du XIXe siècle que du XXIe siècle. On est encore dans les arcanes.
Je voudrais qu'on regarde ça de façon claire, que les gens qui sont là pour regarder, examiner et voter un budget le fassent en plein conscience. Qu'il y ait de la partisanerie par la suite, qu'on soit pour ou contre, c'est une autre histoire. Comprendre comme il faut ce qui se passe, c'est déjà est un préalable fondamental.
Voici un exemple assez simple de choses qu'on pourrait faire. J'en ai parlé un peu tout à l'heure. Il s'agit de regrouper les publications du gouvernement en ce qui a trait aux prévisions budgétaires. Il faudrait resserrer le cycle. Il y a le moment où l'on dépose les prévisions budgétaires, le moment où le ministre des Finances fait son budget et le moment où l'on publie le rapport sur les plans et les priorités. Il faudrait faire tout ça dans un espace temporel beaucoup plus court, afin que chacun des documents ait sa pertinence maximale. Ainsi, on ferait vraiment les liens entre les différents documents, entre les programmes, les dépenses, les annonces, et on ne serait pas obligés d'attendre la publication des Comptes publics pour dire que c'est ce qu'on voulait dire, que c'est là où on voulait dépenser et que c'est ce que cela signifiait.
On est en retard de 18 mois si on est obligés de dire des choses comme celles-là. Cela n'a aucun sens. D'ailleurs, à part ceux qui regardent si les comptes sont exacts, peu de gens font cet exercice. On n'avance donc pas vers notre objectif, qui est de bien comprendre où s'en vont nos finances publiques.
On a parlé d'une période précise pour le dépôt du budget. Évidemment, le gouvernement a pensé qu'il s'agissait d'une date fixe, alors qu'au fond, on voulait plutôt parler d'une période finissant à une telle date. C'était justement pour permettre à la machine de l'administration publique d'avoir un calendrier et de publier tous ces documents dans un espace temporel restreint pour garder le plus grand impact possible. Ce n'est pas compliqué.
Il faut aussi se rappeler que nous sommes dans une fédération. Les provinces sont donc aussi intéressées à savoir ce que contient le budget fédéral. Cela aussi, c'est important de le considérer. Elles sont dépendantes, dans une certaine mesure, de ce qui est fait dans le budget. Notre compréhension aide donc également les provinces à mieux adapter leur propre budget. Tout le monde est gagnant si on présente le budget dans un temps précis de l'année. On peut évidemment discuter du moment exact; cela ne me pose aucun problème. L'idée de base est de toujours avoir des publications et des annonces en temps opportun, de façon à ce qu'on n'ait pas, comme cela est en train de se produire, un budget préparé en février et un rapport des plans et priorités qui, quant à lui, est déposé en mai ou en juin, à un moment où les informations et la vie ont changé; ainsi, la concordance n'est plus tout à fait la même. C'est très important.
Une autre chose est à considérer: dans le cadre de ce débat, il faudrait sortir de notre carré de sable habituel et penser autrement, avoir la volonté de regarder les choses différemment et non de les regarder uniquement de façon comptable. Il est vrai qu'il peut être confortable de garder certaines habitudes.
Je vais donner un exemple. Nous avons reçu des invités pour discuter de la réponse du gouvernement et à un certain moment, j'ai posé une question. On sait que si on commence à faire des changements dans le budget, dans la façon de le présenter et dans la somme des documents fournis, ce sera une énorme charge de travail pour l'administration publique. Cela veut dire qu'il y aura des transformations importantes du côté de la gestion financière. On sait tout cela et on sait que cela peut être long. Par contre, même si c'est long, cela vaut la peine d'être fait. Je ne voudrais pas qu'on dise non à une volonté de changement uniquement parce que cela prend du temps. On est là pour cela et il faut le faire de toute façon.
J'ai donc posé la question suivante: si on utilisait le directeur parlementaire du budget et ses ressources pour améliorer notre compréhension, pourrait-on atténuer les efforts de l'administration? Et qu'est-ce ce qu'on m'a répondu? On m'a répondu qu'on n'avait même pas regardé cet aspect.
En conclusion, je rappelle que l'objectif est de rendre tout cela plus clair et plus concis. Ce qui est important, ce n'est pas vraiment ce que la machine en pense, mais plutôt que la Chambre et les députés puissent avoir devant eux des chiffres compréhensibles et qu'ils sachent ce sur quoi ils votent.