Monsieur le Président, je suis ravi d'avoir la possibilité de participer à cet important débat sur la motion présentée par mon collègue, le whip en chef du gouvernement.
À la suite de la série d'attaques terroristes qui a commencé dans un stationnement de Saint-Jean-sur-Richelieu, le 20 octobre 2014, qui s'est poursuivie près du Monument commémoratif de guerre du Canada, le 22 octobre 2014, et qui s'est terminée quelques minutes plus tard par la mort spectaculaire d'un homme armé, abattu grâce à la collaboration de la GRC, des forces de sécurité du Parlement et du sergent d'armes de l'époque, je crois qu'on peut affirmer sans se tromper que la présentation de cette motion était inévitable. Ces événements navrants, qui sont encore très présents dans nos mémoires, ont donné lieu à des manifestations de courage qui ont retenu l'attention de tous les parlementaires.
Tout d'abord, nous avons été témoin du courage, du professionnalisme et des compétences des membres du détachement de la GRC qui se trouve sur la Colline du Parlement. Nous avons aussi pris conscience de la bravoure du sergent d'armes et des membres des services de sécurité de la Chambre des communes et du Sénat. Enfin, nous avons tous remarqué que le Service de police d'Ottawa a fait preuve de professionnalisme et est intervenu très rapidement. Nous reconnaissons tous le travail exceptionnel accompli par ces organismes. Nous leur serons toujours redevables, puisqu'ils ont choisi d'assurer quotidiennement notre protection, ici même, au coeur de notre démocratie.
Le 22 octobre 2014, leurs années de formation ont porté leurs fruits. Ils sont entrés dans la ligne de feu et sont parvenus à maîtriser la situation. Cependant, les événements du 22 octobre 2014 ont aussi mis en relief des faits très préoccupants au sujet de la sécurité sur la Colline du Parlement.
Par exemple, le 22 octobre 2014, il y avait ici quatre services de police ou de sécurité différents, c'est-à-dire le service de sécurité de la Chambre des communes, celui du Sénat, la GRC et le service de police d'Ottawa. Les risques de confusion sont élevés lorsqu'on se trouve en présence d'un nombre aussi élevé de centres de responsabilité. Quand il est nécessaire d'assurer la sécurité des législateurs élus de notre pays, des centaines de personnes qui nous appuient dans notre travail et des milliers de citoyens et de visiteurs qui viennent ici pour nous voir à l'oeuvre, il est essentiel d'éliminer ces risques.
De nombreux Canadiens seraient à juste titre fort préoccupés d'apprendre qu'un aussi grand nombre de services sont responsables des divers éléments du système de sécurité sur la Colline du Parlement. Les silos bureaucratiques nuisent à la sécurité, à l'intégration et à l'ensemble des préparatifs d'urgence, comme l'ont montré au monde entier les événements du 11 septembre 2001. Lors de cette terrible journée, des milliers de personnes ont perdu la vie, dont 24 Canadiens. Notre façon de percevoir le milieu de la sécurité et du risque a alors changé à tout jamais.
Les événements d'octobre 2014 ont été beaucoup moins catastrophiques que ceux survenus le 11 septembre 2001, mais ils constituent tout de même un signal d'alarme dont nous ne pouvons pas faire fi.
Les attentats du 11 septembre 2001 ont suscité beaucoup de questionnements et d'introspection. Il en est clairement ressorti que tous les éléments connus auraient permis de prendre des mesures préventives, sauf que personne n'avait su assembler les pièces du casse-tête, car les divers organismes concernés n'ont pas l'information en commun comme ils l'auraient dû. Nous ne pouvons pas laisser une telle compartimentation compromettre la sécurité des Canadiens, du Canada, des visiteurs ou de nos institutions.
Même s'il ne porte pas directement sur le même sujet que la motion, le projet de loi C-51 contribuerait grandement à décompartimenter les divers organismes qui assurent la sécurité au Canada. Il est essentiel que le projet de loi entre en vigueur afin de nous doter des outils nécessaires pour planifier et appliquer des mesures de sécurité logiques et efficaces dans la Cité parlementaire.
Il faut impérativement intégrer et améliorer la sécurité dans la Cité parlementaire. Voilà ce qui m'amène à la motion M-14, dont nous débattons. La motion M-14 demande au Président de la Chambre des communes, en coordination avec son homologue du Sénat, d’inviter la Gendarmerie royale du Canada à diriger la sécurité opérationnelle partout à l’intérieur de la Cité parlementaire et sur le terrain de la colline parlementaire, tout en respectant — voici le passage important — les privilèges, immunités et pouvoirs de chaque Chambre et en veillant à ce que les estimés membres du personnel actuellement chargé de la sécurité parlementaire, conservent leur emploi.
Le passage « en respectant les privilèges, immunités et pouvoirs de chaque Chambre » fait référence à vous, monsieur le Président, et à votre collègue du Sénat. Vous détenez ce pouvoir. La GRC ne relèverait pas du gouvernement; elle rendrait plutôt des comptes à la Chambre des communes et au Sénat par l'entremise de la présidence de ces Chambres.
Cette motion ferait progresser les efforts d'intégration des services de sécurité que la Chambre et le Sénat ont récemment entrepris, mais elle ne s'y substituerait pas. Il s'agit de l'étape suivante. Compte tenu des circonstances et des menaces qui évoluent rapidement, il faut que ces efforts puissent continuer à être faits efficacement.
Parlons quelques instants de ces menaces. Le SCRS nous dit qu'il suit de près quelque 140 personnes. Nous pouvons être certains que le nombre de gens que nous devrions avoir à l'oeil est beaucoup plus important. Cela montre l'utilité du projet de loi C-51 et de l'échange de renseignements de sécurité.
L'EIIS recrute activement des membres au Canada et dans bien d'autres pays. Une partie de ce recrutement cible des gens ou des communautés vulnérables. Certaines mesures cherchent, de façon plus générale, à semer des idées destructrices et terroristes dans des esprits malheureusement réceptifs, qui sont parfois atteints d'une maladie mentale.
Certains disent que les actes commis en octobre 2014 n'étaient pas des actes terroristes, mais simplement le fait d'une maladie mentale. Quelle personne saine d'esprit commettrait ce genre d'actes, de toute façon? J'avance que ce serait une méconnaissance du terrorisme et de son fonctionnement.
Je suis pas mal certain que les deux tueurs de nos soldats en octobre 2014 ne faisaient pas partie de l'EIIS à proprement parler, mais ils ont certainement été influencés par l'idéologie fondamentaliste répandue par l'EIIS.
Sans savoir connaître tous ces gens individuellement, l'EIIS sait que, disséminés un peu partout dans le monde, ils sont comme des grenades prêtes à être dégoupillées. Il peut compter sur elles pour exploser un jour ou l'autre, sans savoir à quel moment exactement.
L'approche intégrée qui est proposée est essentielle et elle est conforme aux recommandations faites en 2012 dans le rapport du vérificateur général, à savoir qu'il faut unifier les services de sécurité sur la Colline du Parlement, de manière à ce qu'ils soient placés « sous un seul commandement, ce qui permettrait des interventions plus efficientes et plus efficaces ». Une seule chaîne de commandement et un seul centre de responsabilité.
Évidemment, les Canadiens et les visiteurs étrangers doivent continuer d'avoir accès à la Colline du Parlement, mais il faut tenir compte aussi des problèmes de sécurité très réels. Des pays comme le Royaume-Uni et l'Australie ont des approches semblables en matière de sécurité, et leurs expériences nous montrent que les services de sécurité peuvent être intégrés tout en respectant les privilèges des parlementaires.
Le plan envisagé ne diminuera ni ne modifiera aucunement l'immunité et les privilèges parlementaires dont jouissent les sénateurs et les députés, y compris le droit des députés de circuler librement.
Cependant, il se pourrait, par exemple, que le personnel de sécurité demande aux parlementaires de montrer une pièce d'identité de temps à autre. Cela ne limite pas l'accès. Il s'agit simplement de confirmer son identité. Je sais que c'est l'une des responsabilités de nos forces de sécurité, et elles s'en acquittent fort bien.
En 2006, lorsque j'ai rencontré le personnel de sécurité pour la première fois en tant que député, à l'entrée de l'édifice du Centre, située sous la tour de la Paix, on m'a appelé par mon nom et ont m'a souhaité la bienvenue à Ottawa. J'ai été impressionné à ce moment-là, et je l'ai toujours été depuis. Malgré cela, il peut arriver de temps à autre qu'un agent de sécurité ne nous reconnaisse pas et nous demande une pièce d'identité, ce que nous devrions avoir en tout temps sur nous. Cela tombe sous le sens.
Cela ne constitue pas une atteinte au privilège, et contrairement à ce qui a été dit récemment, ce n'est pas une raison pour qu'un député s'insurge aussitôt. Tous les parlementaires doivent reconnaître que le Parlement doit faire face à une nouvelle réalité en matière de sécurité, et s'y adapter. Cela ne nous oblige pas à renoncer à la facilité d'accès, mais tous doivent s'attendre à se faire demander une pièce d'identité de temps à autre, y compris les parlementaires. Ce n'est qu'une façon simple et sensée d'assurer notre sécurité.
En ce qui concerne l'intégration des services de sécurité au Parlement, la GRC est de loin la mieux placée pour exercer un leadership en matière de commandement, de contrôle et de coordination et pour diriger les activités en matière de sécurité sur la Colline du Parlement. Cela ne signifie pas que la GRC fera tout, mais bien qu'elle sera aux commandes.
La GRC est présente partout au pays et a accès à de la formation en intervention rapide, à des évaluations de sécurité et à des renseignements essentiels pour répondre à la menace d'aujourd'hui, en constante évolution. Les agents de la GRC ont l'expérience et les outils pour mettre en place et gérer efficacement un système de sécurité complexe, ce qu'ils font depuis longtemps.
Fait important, les nouvelles mesures de sécurité feraient l'objet d'une surveillance de la part d'une instance parlementaire, contrairement à ce que laisse entendre l'opposition. Encore une fois, monsieur le Président, cette tâche reviendrait à vous et à votre homologue à l'autre endroit.
Un service de police à l'intérieur du Parlement et un autre à l'extérieur, c'est tout simplement insensé. Nous devons assurer l'intégration pleine et entière des services dans toute la Cité parlementaire, sous la direction de la GRC.
Certains soutiennent que ce changement représenterait une rétrogradation pour le personnel de sécurité de la Chambre des communes. Je tiens à leur dire clairement que ce ne serait pas le cas. Les agents qui assurent actuellement la sécurité parlementaires ont toute notre appréciation et tout notre respect, comme il se doit. Leur emploi continuera de respecter les conventions collectives en vigueur, pour répondre à la question de la députée de Saanich—Gulf Islands. Ceux qui prétendent le contraire se prêtent simplement à de petits jeux politiques, alors que notre priorité devrait être de rassembler les éléments disparates du réseau de sécurité en un tout cohérent et efficace.
Le changement proposé a déjà trop tardé, comme nous le rappellent les événements tragiques qui continuent de secouer nos alliés, notamment en Australie, en France et au Danemark.
En l'honneur du caporal Cirillo, de l'adjudant Vincent et des agents de sécurité qui ont risqué leur vie ce jour-là et continuent de le faire quotidiennement, nous devons renforcer la sécurité de la Cité parlementaire. Nous ne pouvons pas jouer à l'autruche et nous cacher la tête dans le sable. Ce serait indigne d'un pays du G7, d'un pays sérieux.
Il est grand temps d'apporter ce changement à la sécurité de la Cité parlementaire, un changement qui trouvera un juste équilibre entre la liberté et la sécurité de notre assemblée législative nationale. Nous devons le faire pour les gens qui comptent sur nous. C'est une question de gros bon sens.