Monsieur le Président, je remercie le député de Victoria pour les observations très importantes et très pertinentes qu’il a présentées dans le cadre du débat. Je reconnais son travail et l’importance des droits de la personne, mais, encore une fois, une épidémie, par définition, est une chose à laquelle il faut vraiment mettre fin. Nous remercions les députés de Victoria et de Churchill pour ce travail, qui ne devrait vraiment pas revêtir un aspect partisan.
En ce jour, où notre parti a beaucoup parlé de réforme parlementaire, je ne peux pas m’empêcher de penser au fait qu’il y a deux ans, le jour de la Saint-Valentin, nous avons discuté à la Chambre de la nécessité de constituer un comité spécial. Un peu plus d’un an plus tard, c’est-à-dire il y a près d’un an, nous avons constaté que le comité spécial avait été complètement saboté par la présence de cinq secrétaires parlementaires qui, agissant au nom de leur ministre, ont refusé d’écouter ce que les témoins avaient à dire. Ils ont remplacé les recommandations conformes à ce que le comité avait entendu par des recommandations intéressées et une longue liste de ce que le gouvernement faisait déjà et pensait bien faire, en utilisant des verbes tels que « continuer » et « maintenir », au lieu de décider que le gouvernement devait prendre des mesures concrètes et écouter les témoins, les premiers ministres provinciaux qui avaient parlé, les organisations nationales autochtones et particulièrement les familles. Il faut une enquête publique nationale pour aller au fond de cette affaire et prendre les mesures qui s’imposent.
Tandis que nous nous tenons ici en territoire traditionnel algonquin non cédé, je pense à l’une des premières familles que j’ai entendues à ce sujet. Il était question de la terrible disparition de Shannon et Maisy de Kitigan Zibi et du fait qu’elles avaient été classées comme fugitives, même si on avait retrouvé sur la table leur sac à main et leur téléphone portable. Leur beau-père était abasourdi. Si, à titre de beau-père d’une fille disparue, il n’avait pas été interrogé, il se demandait qui pouvait avoir été interrogé? Il voulait dire par là que l’affaire n’avait jamais fait l’objet d’une enquête sérieuse et que la disparition était considérée comme une chose inévitable.
Le gouvernement actuel est à contre-courant de l’histoire. Les propos cruels tenus par le premier ministre à deux occasions nous ont prouvé qu’il était bel et bien à contre-courant. La raison est conforme à ce qu’a dit la députée de Labrador. Ce qui a été considéré à un moment donné comme un problème anonyme – cela me fait penser à la campagne de la poupée sans visage de l’AFAC – porte maintenant des noms. Nous connaissons ceux de Tina Fontaine et de Loretta Saunders. Nous avons entendu parler de Rinelle Harper, qui a survécu à grand-peine à ce qui lui est arrivé l’été dernier, comme elle l’a dit elle-même dans le discours émouvant qu’elle a prononcé à la réunion de l’Assemblée des Premières Nations.
Dans le cadre de la campagne Marchons avec nos soeurs, des femmes et des filles de partout au pays ont fabriqué des mocassins ornés de perles. Ces oeuvres étaient à la fois magnifiques et troublantes. J'espère que tous les députés qui ont vu l'exposition de Marchons avec nos soeurs se rappellent des images bleues et noires troublantes représentant des yeux pénétrants, et de ces représentations d'étiquettes de nom semblables à celles que l'on trouve chez Grand & Toy sur lesquelles on pouvait lire l'expression « je m'appelle... », suivie de « on s'en fiche ».
Les gens ne s'en fichent pas. Les Canadiens ne s'en fichent pas. Ce n'est pas un problème lié uniquement aux Autochtones. Ce n'est pas un problème lié uniquement aux femmes. Il s'agit d'une tragédie canadienne, et les Canadiens s'attendent à ce qu'on y mette un terme. Ce sera un enjeu électoral.
Comme l'a dit la députée de Labrador, la Commission de vérité et réconciliation a consacré six années à l'étude de cette tragédie qui a frappé sept générations. Les membres de la commission ont réclamé le lancement d'une commission d'enquête nationale sur ces meurtres et ces disparitions.
Cheryl Maloney, Christa Big Canoe, Kim Stanton et Mary Eberts font partie de la Legal Strategy Coalition, un groupe qui se penche sur la question des femmes disparues et assassinées. Elles ont révisé 40 études qui comportent un total de 700 recommandations n'ayant jamais été mises en oeuvre.
Nous devons lancer une commission d'enquête, ne serait-ce que pour comprendre pourquoi aucune de ces recommandations n'a été mise en oeuvre. Le mandat de cette commission sera extrêmement important. Il ne suffira pas de rédiger un rapport. Il faudra adopter une approche pédagogique et sensibiliser tous les Canadiens. La commission d'enquête nous permettra de comprendre les causes profondes et l'ampleur du sexisme et du racisme qui règnent au sein des forces de l'ordre. La commission d'enquête nous permettra aussi de trouver des solutions.
La GRC devrait publier un rapport sur la question demain. Il diabolisera sans doute les hommes, mais comme l'a dit le juge Sinclair, il y a un lien à faire entre ces disparitions et ces meurtres et les problèmes relatifs aux pensionnats autochtones. J'espère que tous les députés voteront avec leur coeur demain et qu'ils penseront aux familles et aux filles disparues ou assassinées. Elles ne sont plus anonymes. En tant que députés, nous avons le devoir de prendre des mesures immédiatement afin d'enrayer cette épidémie.